Dans leur effort visant à élever l'économie au rang de science (et à travestir leurs préférences en fatalité), les libéraux jouissent d'un argument de poids : la consécration de leur spécialité par un prix Nobel ne l'assimile-t-elle pas à des disciplines aussi peu suspectes que la physique, la chimie ou la médecine ? A priori implacable, le raisonnement s'avère trompeur…
Robert Brown, l'un des trois enfants de Mme Renata Davis, menacée avec eux d'expulsion, Detroit, 2014. Photographie de Fred R. Conrad. Si le défaut en 2013 de l'ancienne capitale mondiale de l'automobile résulte d'un long déclin industriel, c'est la crise des subprime de 2007 qui lui a porté le coup fatal, accélérant son dépeuplement. De 1,8 million d'habitants en 1950, la population a fondu à 689 000 en 2013. La plus grande ville du Michigan a en effet été l'une des plus touchées par la vente de ces crédits à taux variable. L'incapacité de milliers d'emprunteurs à faire face à l'augmentation des mensualités a précipité l'explosion du nombre des expropriations. Au moins 70 000 saisies ont eu lieu depuis 2009.Le « Nobel d'économie » n'a été créé qu'en 1969, soit presque soixante dix ans après les premiers prix Nobel, et pas par l'industriel suédois. Son vrai nom ? « Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel ». Dans son testament, Alfred Nobel précise que les prix auxquels il donne naissance seront remis à des personnes de toute nationalité ayant « rendu un grand service à l'humanité ». Or les lauréats de la Banque de Suède proviennent presque tous de pays occidentaux et leurs travaux servent moins l'humanité en général que la partie qui profite du modèle économique en place.
Picsou en couverture du « Journal de Mickey », 1958.L'économie est une discipline récente, et plus de la moitié des « Nobel d'économie » sont encore vivants. 82 % d'entre eux étaient de nationalité américaine lors de leur nomination, alors que les « Nobel d'économie » européens vivants sont très peu nombreux : un Allemand, trois Britanniques, un Français et un Norvégien. Précisons que le Français Jean Tirole (lauréat 2014) et le Norvégien Finn Kydland (2004) ont tous deux obtenu leur doctorat aux États-Unis. Kydland y a d'ailleurs mené toute sa carrière, alors que Tirole est revenu en France pour créer à Toulouse une école d'économie calquée sur le modèle américain d'excellence académique. Quant aux Nobel vivants issus du monde en développement, ils se résument à un nom : l'hétérodoxe Amartya Sen (1998), Indien ayant fait carrière au Royaume-Uni et aux États-Unis. Lorsqu'on s'intéresse au profil des candidats, on constate, depuis la fin des années 1970, un renforcement du poids des États-Unis, accompagné d'une orientation à la fois plus libérale, plus technique et plus tournée vers la finance. À travers le prix Nobel, les représentants autoproclamés de la « science » économique ont défendu la globalisation financière, promu l'idée d'efficience des marchés et prôné l'indépendance des banques centrales, tout en dénonçant la « nocivité » de l'État. Ils ont projeté sur le monde scientifique, et dans l'espace public, une idéalisation collective du marché centrée sur l'Occident et même, plus précisément, sur les États-Unis. Laquelle connaît un regain de vigueur dans les années 1980 et s'impose au même moment dans les organisations internationales (FMI, Banque mondiale).
Multiplier les entretiens sur des thèmes sans aucun rapport avec l'expertise récompensée Milton Friedman est accueilli par une manifestation d'opposants à la dictature chilienne lors de la remise de son « prix Nobel » à Stockholm, en 1976. Le fondateur de l'école de Chicago, dont la théorie monétariste a influencé les politiques économiques ultralibérales de Margaret Thatcher, de Ronald Reagan mais aussi d'Augusto Pinochet, s'était rendu l'année précédente à Santiago pour prononcer une série de conférences et rencontrer le dictateur militaire chilien.Le « prix Nobel » permet à ses nouveaux lauréats d'occuper l'espace public et crée l'illusion qu'il existe un consensus entre experts, renforçant les effets d'autorité de la science économique. On le voit avec Tirole : il a multiplié les entretiens sur des thèmes sans rapport direct avec ses recherches, mais qui lui ont permis de promouvoir une vision néolibérale de l'économie. Par exemple, il écrit dans un article pour Libération qu'« en matière de marché du travail, une augmentation du coût net du travail au niveau du smic a pour objet louable de compresser les inégalités salariales ; mais elle crée du chômage » : loin de toute évidence empirique, la seule solution pour lutter contre le chômage serait donc de déréguler le marché du travail, comme l'ont préconisé Friedrich Hayek ou Milton Friedman, deux figures du libéralisme.
Félicités en dépit des échecsUn autre objectif est de laisser croire que l'économie est une science fiable, sinon exacte, même en présence de contre-performances manifestes des lauréats. Ce fut le cas pour Robert Merton et Myron Scholes (« Nobel » 1997), qui, entre 1993 et 1998, participaient à la direction de Long Term Capital Management, un des plus grands fonds d'investissement de l'histoire, qui fit faillite en 1998 à la suite de la crise financière asiatique : celle-ci n'avait pas été prévue, alors que leur prix Nobel, reçu un an plus tôt, récompensait... un modèle permettant, entre autres, d'anticiper les chocs financiers. La crise des subprime en 2007 apparaît aussi comme un échec collectif massif de la profession dans son approche de la finance, mais Eugene Fama, père de la théorie des marchés efficients qui a favorisé l'effondrement systémique, a été récompensé par le Nobel en 2013 !
Gary BeckerEn 1992, l'économiste Gary Becker (1930-2014) reçoit le « prix Nobel » de sa discipline « pour avoir formulé une théorie générale du comportement familial prenant en compte non seulement la répartition du travail et du temps, mais aussi les décisions concernant le mariage, le divorce et les enfants ». Becker considérait ces derniers comme des « biens de consommation durables », et toute décision les concernant devait à ses yeux s'expliquer en conséquence. L'économiste a également percé le mystère de la criminalité : « Une personne commet un délit si le profit qu'elle en escompte excède celui qu'elle pourrait obtenir en consacrant son temps et ses ressources à d'autres activités » (Crime and Punishment : An Economic Approach, 1968). Avant de perpétrer son crime, le malfaiteur effectue un calcul coût-bénéfice. Si le coût est trop élevé, il y renonce. Les travaux de Becker seront utilisés par les conservateurs américains pour justifier le durcissement des peines. Ils contribueront ainsi à remplir les prisons, situation que Becker jugeait cependant économiquement regrettable.
À l'exception de cet article, le Manuel d'économie critique n'est pas encore disponible en édition électronique ; il est encore possible de se procurer la version imprimée en kiosques et sur la boutique en ligne.
Russian President Vladimir Putin meets with U.S. President Barack Obama on the sidelines of the G-20 summit in China (ALEXEI DRUZHININ | AFP | Getty Images)
Russia has announced the suspension of an agreement it had with the U.S. to convert weapons-grade plutonium into nuclear fuel. It did this as a result of the collapse of the Syrian ceasefire deal involving both the U.S. and Russia. As a result, both powers have allowed yet another regional proxy conflict, post-Ukraine, to undermine the longer-term foundations of global security.
It Doesn’t Matter Who’s At FaultRecriminations have been exchanged between the U.S. and Russia regarding the actual commitment of the other to sustain and implement the recent Syrian ceasefire agreement. While some may attempt to point out how one party or the other is actually more at fault for this failure, this misses the point entirely. The point is that the disagreement between Russia and the U.S over Syria has actually increased global insecurity for all parties.
One would think that any headline or topic involving the three words “U.S.”, “Russia”, and “nuclear” would immediately command worldwide attention and foster a policy of more restraint with respect to resolving conflict between the two powers. Unfortunately, this hasn’t been the case. On the one hand, the failure of the plutonium deal mirrors the Russian cancellation of its rocketry usage to launch U.S. satellites into space several years ago. The failure of the continued rocketry deal has long-term implications, potentially involving joint space exploration, something which affects all of humanity.
Conversely, the failure of the plutonium deal is much worse in that its aftereffects are more likely to be felt sooner rather than later. While nuclear deals between Russia and the U.S. may not necessarily be considered as “sexy” as they once were during the Cold War in terms of garnering frontpage headlines, they are no less critical in fostering global security than resolving any myriad number of regional conflicts.
To emphasize this point, Russia has also simultaneously suspended the 2010 Implementing Agreement concerning cooperation on feasibility studies of the conversion of Russian research reactors to use low-enriched uranium fuel. Additionally, Russia has suspended the 2013 Russian-US Agreement on Cooperation in Nuclear- and Energy-Related Scientific Research and Development. All three of the suspensions were announced within the span of a few days, perfectly illustrating the unforeseen, magnified consequences continued U.S.-Russian hostilities will have for the “foreseeable” future.
The failure of the plutonium deal not only will have ramifications with respect to non-state actors like terrorists, but longer-term strategic relations between the U.S and Russia directly. This is because the failure will not only potentially impact both states’ efforts at nonproliferation globally, but will actually increase the U.S.-Russian security dilemma itself. Though the agreement, known as the Plutonium Disposition and Management Agreement (PDMA), is not as crucial as the INF or New START treaties, its abrogation has dissolved the perceived boundary between the “nuclear” and “conventional” compartments in Russia-U.S. relations.
Patience and Maturity Win in Chess, Not RecklessnessEven though some in the U.S. may indeed consider China to be a longer-term threat to U.S. interests, the sharp decline and rapid pace of deterioration in U.S.-Russia relations threatens to overshadow even the importance of U.S.-China relations. China’s primary instrument of its “comprehensive national power” is its economic base. Russia’s is its nuclear component, something even China doesn’t have (yet). Because of this, U.S. options for resolving conflict with Russia in general are getting ever smaller in number.
While many may be frustrated with Russian actions in Syria, the position taken by some that the U.S. needs to try military means to stop Russian moves in Aleppo brings to mind the word “Armaggedon”. There is no way to possibly foresee the afteraffects of direct U.S. military action against Russian forces in Syria, especially coming in the wake of the recent U.S. bombing of Syrian government forces. A power that is explicitly bent on using its nuclear parity with the U.S. as a key element in its great power resurgence campaign would probably not respond too well to being attacked, especially after its ally has already been attacked, accidentally or not.
Russia has used the plutonium deal impasse as an avenue to demanding not only decreased NATO military levels in Eastern Europe to year 2000-levels and repeal of the Magnitsky Act, but also to demand an end to (as well as compensation for) all sanctions imposed on Russia post-Ukraine. This countermove has, in one fell swoop, annihilated the justification for continued sanctions against Russia by some, namely that they will somehow miraculously affect Russia’s calculus and bring it more into compliance with Western wishes. Needless to say, while Russia’s maneuvering may indeed seem contemptible to some, it has nevertheless caught Western leaders off-balance, yet again.
Exasperated, many will ask, “How then to best “manage” Russia if both military and economic means are off the table?” A clue may be found in many proponents’ views towards U.S.-China relations. At the risk of sounding simplistic, both Russia and the U.S. will need to adopt a more realistic, sober, and patient approach to the other based on cooperation where possible, while also recognizing that competition in other areas will inevitably exist. This also forms the crux of the “great power pragmatism” school of thought which Putin originally came into office believing in and adhering to.
This competition exists because of the inalterable nature of great powers’ national interests which, unsurprisingly, remain intact despite threats from other great powers. Patience then, above all else, will be required from both parties when playing this long-term chess game, while simultaneously recognizing their shared roles and responsibility for upholding regional and global security.
Conversation: The State of U.S.-Russia Relations (courtesy of STRATFORvideo)
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Argent, médias, lobbys, découpage des circonscriptions : les biais de l'élection présidentielle américaine au regard des précédentes… Depuis quand le Maroc attend-il le grand changement ? Quel fil relie l'univers du « catch-as-catch-can » français, le « wrestling » nord-américain et la « lucha libre » mexicaine ? Les investisseurs chinois rachètent-ils la France, comme naguère les Belges ? Sélection d'archives en rapport avec le numéro du mois.
« Sa Majesté le Roi préside la cérémonie de lancement du nouveau plan de réforme de l'investissement. » « S. M. le Roi inaugure l'autoroute de contournement de Rabat d'un investissement global de 3,2 milliards de dirhams. » « S. M. le Roi a inauguré un centre pour enfants abandonnés. » À parcourir les « unes » des principaux journaux marocains (Le Matin, L'Opinion et L'Économiste, francophones ; Al-Massae, Akhbar Al-Youm et Assabah, arabophones), il n'est question, chaque jour, que de tresser des louanges à « Sa Majesté le Roi » (Jalalatou al-malik en arabe), à ses actions en faveur du développement du pays, à sa générosité envers les pauvres. Pour ceux qui ne savent pas lire (le pays compte un tiers d'analphabètes), les chaînes de télévision diffusent les mêmes messages à la gloire du monarque et de ses admirables actions. Nulle part une opinion critique, jamais une enquête susceptible de vraiment déranger le pouvoir. La presse marocaine apparaît comme l'une des plus serviles du Maghreb. Et pour cause : après la disparition en 2010 du Journal, criblé de dettes, et la mise au pas, la même année, de l'hebdomadaire Tel Quel (et le départ aux États-Unis de son directeur Ahmed Benchemsi), le paysage médiatique est redevenu complètement soumis.
« Le Maroc a bénéficié d'une presse intéressante pendant dix ans, de la mort de Hassan II [en 1999] jusqu'à 2010, analyse Omar Brouksy, ancien rédacteur en chef du Journal. Nous pouvions publier des enquêtes plutôt politiques, et Tel Quel bousculait sur les questions de société. Mais les deux titres ont perdu de nombreux procès, et les annonceurs ont fait défection. » Après quelques années à l'Agence France-Presse, et toujours en proie aux attaques du gouvernement, le journaliste a jeté l'éponge, comme plusieurs de ses collègues. « La pratique d'un journalisme d'enquête indépendant est devenue impossible au Maroc. » Comment imaginer exercer ce métier dans un pays où le détenteur de tous les pouvoirs — le roi — refuse d'accorder le moindre entretien et, a fortiori, qu'on enquête sur ses affaires ? Les responsables intermédiaires tremblent à l'idée que leurs propos, publiés par la presse, puissent lui déplaire. « Même chez les intellectuels, le manque de courage est devenu affligeant », déplore Mohamed Madani, professeur à l'université de Rabat, un des rares à prendre publiquement position.
Aujourd'hui, le dernier carré de journalistes rigoureux tente de trouver refuge dans les médias en ligne, avec des sites comme Lakome2.com, Alaoual.com, Ledesk.ma ou Badil.info. Mais il leur est très difficile de convaincre des annonceurs, et donc de payer les salaires de leurs maigres équipes, alors que la justice s'acharne contre eux. En 2013, Ali Anouzla, fondateur de Lakome.com, s'est retrouvé en prison pendant cinq semaines pour avoir placé sur son site un lien vers le quotidien espagnol El País, qui lui-même renvoyait vers une vidéo de terroristes destinée à illustrer un article. Un mois plus tôt, Anouzla avait fortement irrité Mohammed VI en révélant la libération par une « grâce royale » d'un pédophile espagnol, ce qui avait déclenché un mouvement de colère très important dans le pays. « Après l'interdiction de Lakome.com, j'ai créé Lakome2.com, raconte le journaliste. Mais je ne prends pas les mêmes libertés, je m'autocensure. La survie du site en dépend. » D'autant plus qu'il n'est toujours pas passé en jugement. « C'est comme une épée de Damoclès. »
Sept autres journalistes sont aussi en attente d'un procès. Parmi eux se trouve Maâti Monjib, un intellectuel souvent invité par des universités à l'étranger, capable de s'exprimer autant en arabe qu'en français ou en anglais. Ces journalistes sont tous accusés du même délit : « atteinte à la sûreté intérieure de l'État ». Leur crime ? Avoir reçu l'aide d'organisations non gouvernementales étrangères afin d'organiser des formations aux nouveaux outils (Internet, smartphones, etc.) nécessaires au journalisme d'investigation. Ils risquent jusqu'à dix ans de prison.
Pour salir ces hommes aux yeux de l'opinion, tous les coups sont permis. Hicham Mansouri, proche collaborateur de Maâti Monjib, est ainsi accusé d'« utilisation de son domicile à des fins de proxénétisme ». Un matin de mars 2015, son domicile a été forcé par une dizaine de policiers, qui l'ont trouvé en compagnie d'une femme. Le tribunal l'a immédiatement condamné à dix mois de prison. Six mois plus tôt, l'homme avait été agressé en pleine rue par deux malabars, qui l'avaient laissé gisant dans son sang.