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Défense

SECURITÉ : UNE COOPERATION EUROPE- AFRIQUE AU BILAN MITIGE…

CSDP blog - Tue, 02/09/2014 - 21:45

par András István Türke
2014-07-31, Géopolitique africaine 51.
http://www.geopolitique-africaine.com

Par le biais de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), l’Union européenne joue un rôle non négligeable dans les opérations de maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale partout dans le monde. Elle a ainsi conduit au cours des dix dernières années une quinzaine de missions ou d’opérations sur le continent africain, dont neuf sont toujours en cours. avec des résultats mitigés…

C’est en 2003, après être intervenue dans les Balkans (en Bosnie- Herzégovine, puis en Macédoine), que l’Union européenne élargit son rayon d’action vers l’afrique avec l’opération militaire artémis. Une opération perçue comme sa première opération militaire autonome, sa première mission de réaction rapide hors d’Europe, sa première opération appliquant le principe de la « nation-cadre » et sa première opération « relais » avec les Nations Unies.

L’opération artémis se déroule à Bunia du 12 juin au 1er septembre 2003, sous l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU (résolution 1484). Elle a pour objectif d’empêcher une catastrophe humanitaire en Ituri, région du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), déchirée par de violents combats entre ethnies rivales. Elle vise aussi à sauver le processus de paix en RDC en mettant un terme à un conflit ayant déjà causé plus de 3 millions de victimes directes ou indirectes.

Dix-huit pays européens participent à l’opération, assistés du Brésil, du Canada et de l’afrique du sud. Soit, au total, 2 200 hommes (avec les relèves) dont 400 sont regroupés sur la base arrière d’Entebbe, en Ouganda. La France assume la fonction de « nation cadre » de l’opération et fournit le contingent le plus étoffé : environ 80 % des effectifs engagés. Elle sera relayée par la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC) après le retrait des derniers soldats présents à Bunia.

L’opération artémis contribue à une stabilisation sensible de la zone : la population de Bunia passe de 40 000 à 100 000 habitants, les marchés rouvrent, l’aéroport et le camp de réfugiés de Bunia sont sécurisés et désarmés. L’Union européenne signe avec la RDC un programme de coopération de 205 millions d’euros sur une période de cinq ans et soutient également un programme plurirégional mené par la Banque mondiale.

Mais cette stabilisation s’avère fragile : après le démantèlement de la mission européenne, les massacres reprennent en Ituri. Qui plus est, on apprend que certains soldats de l’opération artémis informés des massacres perpétrés à 5 kms de Bunia — massacres de l’envergure de ceux de Srebrenica en 1995 en Bosnie-Herzégovine qui avaient fait 8.000 victimes — n’ont eu ni les moyens, ni l’autorisation d’intervenir…autre constat : la totalité des forces militaires mises à la disposition d’artémis n’est déployée que 36 jours après le vote de la résolution du Conseil de sécurité, même si les soldats français, eux, sont arrivés une semaine après. Les lacunes des moyens de transport aérien sont criantes. avec la mise en service de l’airbus a400M, l’acheminement aurait été possible directement à Bunia, sans escale à Entebbe. Le problème est que la charge utile de l’airbus est quatre fois moins grande (20 tonnes) que celle de l’antonov (80 tonnes). Ce sont donc les gros-porteurs russes — loués pour l’occasion — qui sont utilisés.

RDC : OPÉRATIONS POST-ARTÉMIS

Après l’opération artémis, la présence militaire de l’UE en RDC continue, mais avec un changement du théâtre : de l’Est-Congo (Ituri) à l’Ouest (Kinshasa, la capitale). Trois missions sont lancées : deux missions de long terme, EUPOL Kinshasa,•1 la première mission de police (civile) de la PSDC en afrique, et EUSEC RDC, une mission dont l’objectif général est de soutenir les autorités congolaises pour reconstruire une armée apte à garantir la sécurité sur toute l’étendue du territoire et créer les conditions favorables à un retour au développement économique et social. Enfin, une opération temporaire, EUFOR RDC, se déploie pour stabiliser le Congo démocratique pendant les élections présidentielles de 2006.

Malgré le chevauchement des mandats de l’UNPOL (mission de l’ONU) et de l’EUPOL, la coordination policière fonctionne plutôt bien. Le bilan de l’EUSEC, en revanche, est plus ambigu puisqu’en 2008, trois ans après son lancement, les forces du CNDP•2 ne sont pas neutralisées au grand dam des Forces armées de la République démocratique du Congo (FaRDC)… L’EUFOR RDC, elle, ne rencontre pas de difficultés majeures. Mais, elle connaît les « problèmes traditionnels » des missions européennes (interopérabilité défaillante, non-standardisation, manque de personnel et d’avions de transport tactique, sous-estimation de l’importance des actions civilo-militaires (aCM), etc.

Le système RETEX qui contribue à l’amélioration de l’outil de défense en participant à son évaluation au contact des réalités permet de tirer des enseignements utiles de ces missions. Mais le plus grand problème en RDC reste qu’il n’existe pas de conception régionale pour la pacification de la région des Grands lacs (RDC, Rwanda, Ouganda, RCa, problème Hutus-Tutsis, etc.). Un manque de vision préjudiciable.

FACE À LA CRISE AU DARFOUR

La crise du Darfour, au Soudan, connaît une nouvelle phase à partir de février 2003. L’Union africaine, pour la première fois depuis sa création, décide la mise en place d’une vraie mission civilo-militaire : la Mission de l’Ua au Soudan (aMIS). À cause de l’insuffisance de ressources financières propres et d’un manque d’expérience de ce type de mission, l’Ua est obligée de solliciter le soutien de l’Union européenne, de l’OTaN, de l’ONU et d’autres partenaires internationaux.

Pendant la mission de soutien de l’UE (2004-2007), presque toutes les bourgades les plus importantes sont détruites ou fortement endommagées. Les attaques des forces du gouvernement et des Janjawids (miliciens) ne cessent pas. Les mésententes des grandes puissances et des organisations internationales permettent aux parties qui ne sont pas prêtes à respecter un cessez-le-feu de tirer leur épingle du jeu. En raison des bonnes relations que le régime soudanais entretient avec la Russie et la Chine, le Conseil de sécurité de l’ONU demeure divisé sur la question du Darfour et les embargos décrétés par l’UE ne sont pas suivis d’effets.

Dossier parallèle, celui du Soudan du Sud qui devient indépendant en juillet 2011. Les relations de ce nouvel État sont très tendues avec la République du Soudan à cause des gisements pétroliers. Une guerre civile bloque le développement du pays. Dans le cadre de l’EUaVSEC- South Sudan (EU aviation Security Mission), entre juin 2012 et janvier 2014, un effectif de 34 personnes de l’Union européenne contribue à la sécurisation de l’aéroport international de la capitale. Par ailleurs, plus de 600 certificats de formation militaire sont délivrés. Mais, la mission n’est pas jugée assez efficace pour être prolongée.

au Darfour, les conclusions à tirer de l’action européenne sont essentiellement comptables : si l’UE soutient la Mission de l’Ua à hauteur de 300 millions d’euros au titre de la facilité africaine de paix, elle refuse au Soudan le bénéfice du 10e et du 11e Fonds européen de développement (FED), faute de ratification de l’accord de Cotonou révisé en 2005. Toutefois, par une décision du Conseil de juillet 2010 et une décision de la Commission de décembre 2013, l’UE alloue au Soudan 105,5 millions d’euros provenant de reliquats des précédents FED et du STaBEX (Système de stabilisation des recettes d’exportation) pour répondre aux besoins humanitaires et de développement, soit 76 millions d’euros au bénéfice des territoires de l’Est soudanais, du Sud Kordofan et du Nil bleu, et 22,5 millions d’euros au profit du Darfour.

Ce rôle de « grand argentier » ou de « généreux donateur » de l’UE n’est pas négligeable. Il montre néanmoins ses limites en n’apportant aux Européens qu’un minimum de respect et peu de reconnaissance… L’Union européenne n’a pas pu ou pas su collaborer efficacement avec l’Union africaine, une organisation aux projets ambitieux mais aux ressources financières trop modestes. Les mésententes entre l’OTaN et l’UE concernant le transport aérien stratégique n’ont rien arrangé. D’où, en 2006, notre suggestion aux responsables de l’Institut de sécurité de l’UE•3 de consacrer plus d’attention aux interactions du conflit du Darfour au Tchad et en RCa. L’opération « DORCa II »•4 lancée pour prévenir une déstabilisation progressive de la région et gérer la crise humanitaire issue des vagues de réfugiés est allée dans ce sens. Mais, elle n’a été menée que par la France...

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Le dilemme stratégique de Barack Obama

Publié dans Le Monde  du 19 août 2014
De la Syrie à Gaza en passant par l'Ukraine ou l'Irak, deux dilemmes classiques agitent la communauté internationale et font hésiter les politiques étrangères. Le premier porte sur la compatibilité entre les intérêts et les principes : faut-il agir dans une situation où la morale l'exige, mais dans laquelle le coût prévisible de l'action risque d'être trop élevé pour l'intérêt national réel ? Le second porte sur les moyens à mettre en œuvre pour faire triompher ses intérêts : l'usage de la force est-il toujours le meilleur moyen de s'imposer, ou bien cet instrument est-il devenu, dans le monde globalisé des années 2010, hautement contre-productif ?Face à ces deux questions, l'approche conservatrice, qui maintient sa croyance en la puissance dure au service de l'intérêt des Etats dans un monde régi par la confrontation, répond par l'interventionnisme militaire comme démonstration de puissance et de crédibilité à destination des alliés comme des adversaires. Une approche plus moderne et libérale mise davantage sur l'effet contraignant d'un système global, où la coopération et les intérêts partagés en bonne intelligence par la société mondiale forment un carcan normatif auxquels tous les acteurs devront bien finir par se plier.
« RAJOUTER LA GUERRE À LA GUERRE »
Dans la première perspective, l'intervention est presque toujours la solution. Dans la seconde, elle ne fait que « rajouter la guerre à la guerre », pour reprendre une rhétorique mitterrandienne. Vieille question de théorie des relations internationales, à ceci près que le défenseur le plus audacieux de la seconde approche est aujourd'hui le président des Etats-Unis, que cette posture lui vaut d'être cloué au pilori, et que le résultat de son pari pourrait réserver des surprises.Fallait-il intervenir en Syrie contre le régime de Bashar Al-Assad en 2013 ou même avant ? Faut-il une riposte massive à la politique russe en Ukraine, y compris si celle-ci doit intégrer la possibilité d'un volet militaire ? Faut-il un réengagement militaire massif en Irak pour arrêter le « calife » Abou Bakr Al-Baghdadi ? A ces trois questions, Barack Obama répond non, au nom d'une conviction exprimée à plusieurs reprises selon laquelle l'action militaire n'est plus la solution aux crises du monde actuel.Ce non fut tardif et brutal en Syrie, immédiat en Ukraine, plus difficile à maintenir en Irak : procédant finalement à des frappes conte l'Etat islamique depuis le 7 août, Washington souligne systématiquement néanmoins que ces frappes sont destinées à protéger des Américains, qu'elles ont par ailleurs des raisons humanitaires et que les Etats-Unis ne peuvent résoudre tous les problèmes du monde en y intervenant chaque fois.
CONTORSIONS D'UNE COMMUNICATION HÉSITANTE
Cette posture, brouillée par les contorsions d'une communication parfois hésitante et des revirements, comporte au moins trois défauts.D'abord, elle passe dans le débat américain pour un aveu de faiblesse, et contribue à la « cartérisation » du président par un Parti républicain prompt à l'accuser d'avoir perdu le Moyen-Orient, la Crimée, l'Asie, et à peu près tout le reste.Ensuite, elle inquiète et mécontente certains alliés de Washington, qui se mettent à douter de la crédibilité de la garantie américaine en cas de problème pour eux-mêmes ou considèrent les réflexions trop subtiles de M. Obama comme l'annonce d'autant de trahisons pures et simples.Elle a enfin le tort d'être minoritaire dans un monde où le fait accompli semble demeurer une valeur sûre, où la course aux armements reste de mise, où la détermination affichée des alliances continue de payer, et où le désengagement coûte cher.Pour autant, le pari de M. Obama est loin d'être stupide. En premier lieu parce que le bilan récent de l'usage international de la force est désastreux. Les Etats-Unis le savent mieux que quiconque après les expériences irakienne et afghane.Israël, qui continue de miser sur l'intervention armée, n'est ressorti ni réellement victorieux, ni plus sécurisé, ni renforcé de ses opérations au Liban en 2006, à Gaza en 2008-2009, et ne fera sans doute pas mieux au sortir de la crise de l'été. Le coût politique de l'opération de Crimée et de la situation dans l'est ukrainien, pour la Russie de Vladimir Poutine, pourrait s'avérer très lourd.Les démonstrations réussies de l'outil militaire, dans les temps récents, sont à vrai dire plutôt rares et obéissent à quelques règles difficiles à réunir : elles doivent être pointues, proportionnées, limitées dans le temps, légitimées par les Nations unies, et en mesure de passer le relais à l'action multilatérale : à ce titre l'opération française « Serval » au Mali fait figure de cas d'école, mais ne sera pas reproductible tous les jours, et encore moins par n'importe quelle puissance.Surtout, le monde ne répond plus aux règles d'un jeu à somme nulle où ce qui était gagné par un joueur était perdu pour ses adversaires. A M. Poutine qui veut démontrer la supériorité du fait accompli en prenant la Crimée, M. Obama répond : « Nous vous isolerons », excluant d'emblée une surenchère militaire et jouant le long terme.
LA CARTE DE LA PUISSANCE STRUCTURELLE CONTRE LA PUISSANCE BRUTE
Plutôt que d'opter pour la démonstration de force – bien incertaine – le pari du président américain est autre, consistant à prouver que nul ne peut se permettre le coût politique ni économique de ce type de comportement dans le monde de 2014. Il joue ainsi la carte de la puissance structurelle contre la puissance brute, et oppose à l'usage de la force la contrainte de règles internationales protéiformes, qui se jouent sur des terrains aussi variés que la sécurité, le commerce, l'investissement, l'image…Barack Obama a probablement raison de croire que la prudence et l'évitement des erreurs sont bien une politique étrangère en soi, là ou d'autres veulent improviser des grands desseins au mépris des complexités du terrain.Pour que sa politique paye, il faudra d'abord au président américain quelques résultats visibles obtenus par une politique de soft power (non violente) et de pression progressive : une désescalade en Ukraine et un assouplissement de la position russe à mesure que les sanctions contre Moscou se renforceront, seraient pour lui salvateurs.Il devra ensuite compenser les mécontentements de certains alliés exigeants par le renforcement de nouvelles structures de solidarité autour de la garantie de sécurité américaine, notamment en Europe et en Asie.Il faudrait enfin (Irak et Afghanistan), qu'un usage parcimonieux et maîtrisé de la force et de la présence militaire, couplé à la mise et œuvre de nouveaux pactes politiques initiés par les Etats-Unis, se montre rapidement productif, par comparaison avec le « tout militaire » de l'absurde « chaos créateur » des néoconservateurs dans les années 2000. Alors seulement, la démonstration sera faite que le hard power (usage de la force) à l'état pur n'est plus de mise, et que le système de l'après-guerre froide, jusque-là introuvable, entrerait enfin dans sa phase de consolidation.
Dans le cas inverse, le bilan de l'action de Barack Obama suscitera d'abord un redoutable retour de balancier aux Etats-Unis, puis le triomphe de la politique de la force ailleurs. Et les règles brutales classiques des relations internationales reprendront leurs droits.

Ariel Colonomos, La politique des oracles. Raconter le futur aujourd’hui


 Ariel Colonomos, La politique des oracles. Raconter le futur aujourd’hui, Albin Michel, Paris, 2014Retrouvez les autres notes de lecture dans la Lettre de l'IRSEM n°5-2014
On demande (trop ?) souvent aux savants de prédire le futur pour le compte des décideurs. Au point que le futur est devenu un marché et donc une compétition. Prédire l’avenir avec force est aussi une façon de le déterminer (et donc une manipulation). Le futur est désormais un récit en soi, voir loin est un devoir, mais voir juste reste un luxe. Etudes de cas à l’appui, Ariel Colonomos nous livre une sociologie des oracles, de leurs pythies et de leurs commanditaires, depuis le temps des superstitions jusqu’à celui des think tanks. Pour des raisons évidentes, cela intéresse directement la réflexion stratégique, elle-même sujette aux « scénarios », à la « prospective », aux « anticipations ». L’auteur avait d’ailleurs organisé un colloque au CERI en 2012, soutenu entre autres par l’IRSEM, sur ce thème (Predictions for International Security: The Knowledge Practice Enigma).
Qui sont les experts de la futurologie ? A. Colonomos en dresse quelques portraits ici, comme ceux d’Alvin Toffler, d’herman Kahn, ou en France de Bertrand de Jouvenel. Doit-on privilégier, pour reprendre la distinction d’Isaiah Berlin, l’expertise des hérissons (qui ne voient le monde qu’à travers quelques règles et spécialités), ou celle des renards (généralistes qui à l’inverse refusent les schémas monographiques et les idées simples) ? Si la domination des hérissons, selon l’auteur, semble forte dans le monde anglo-saxon, il se pourrait bien que les renards l’emportent en France (selon nous…). Pourquoi ce besoin d’anticiper l’avenir ? A cause des tensions internationales qui inquiètent et exigent de savoir comment s’y préparer ? Parce que le modèle économique libéral y pousse ? Et avec quels instruments ? Simulations, indicateurs ou « rapports d’experts » (le Global Trends  de la CIA est épinglé ici) ne sont jamais neutres, et construisent en partie, par leurs présupposés ou objectifs initiaux, les conclusions à venir. Ils ont leurs vedettes du moment et leurs modes (comme le « What if ? » de l‘histoire contrefactuelle, ou « que se serait-il passé si… ? [si l’histoire avait évolué autrement] ». ils ont leurs hantises : la linéarité (demain sera-t-il le prolongement d’aujourd’hui et donc d’hier ?), le couple rupture / continuité (assistons-nous à une rupture systémique ?), la spécificité d’une aire culturelle (cette région peut-elle s’analyser selon des lois internationales générales, ou dois-je avoir recours à ses seuls spécialistes ?), le risque pays (que risqué-je en y investissant ?), le développement (est-il économiquement porteur d’y investir encore ?), etc.
Les oracles ont aussi leur bilan, sur quelques grands tournants de l’histoire que presque personne, malgré les moyens déployés, n’avait su annoncer. La chute de l’URSS en constitue évidemment un exemple célèbre (p.108 et sqq.), dont Karl Deutsch avait été l’un des rares à déceler les signaux (Karl Deutsch, "Cracks in the Monolith: Possibilities and Patterns of Disintegration in Totalitarian Systems," in C.J. Friedrich, Totalitarianism, Harvard University Press, 1954). A partir de cette fin surprise de la guerre froide, l’auteur revient sur la sociologie du débat universitaire, sur la difficulté qu’il y a à exprimer publiquement la croyance en une rupture quand bien même on la voit venir, la difficulté à « oser se tromper », et à défier le « ralliement au pari de la majorité » (p.129). Si le cas soviétique montre la difficulté des généralistes des relations internationales à penser le changement de système, l’évolution du monde arabe illustre la difficulté des area studies à innover conceptuellement (R. Khalidi y avait annoncé en 1985 la fin des dictatures et en tout cas le sursis des élites, d’ici à dix ans). Le cas chinois, obsessionnel aujourd’hui et qui mobilise une grande partie des ressources investies dans les oracles modernes, souligne l’omniprésence, chez les décideurs, de la question de la confiance : « peut-on leur faire confiance ? ». la même question se posait sur Gorbatchev dans les années 1985. Dans ce marché de l’oracle, les think tanks fascinent. A. Colonomos en fait, là aussi, une sociologie passionnante, chiffres, cartes, données à l’appui, dans l’un des meilleurs passages de ce livre. Contrairement aux idées reçues qui peuvent circuler à cet égard en Europe, le think tank américain n’est pas cette structure souple, récente, moderne et adaptable : il est bien davantage marqué par la permanence (les plus grands think tanks américains sont nés dans la première moitié du XXe siècle et les nouveaux venus sont peu nombreux dans ce cercle fermé). Les think tankistes sont généralement des mâles baby-boomers (donc déjà âgés), issus des grandes universités proches de Washington, délivrant des analyses au nom du patriotisme et articulées autour de l’idée d’intérêt national.
plusieurs questions importantes ressortent de la lecture de ce livre. On peut d’abord se demander si les success stories  existent : des grands événements improbables ont-ils déjà été annoncés par des experts, et ceux-ci ont-ils été écoutés ? A. Colonomos évoque Peter Singer (Brookings Institution) dont  la thèse doctorale annonçait une tendance à la privatisation des armées. On pourrait aussi songer, en France, à Gilles Kepel luttant contre le scepticisme de l’université pour entamer finalement, grâce à Rémy Leveau, une thèse sur le mouvement islamiste égyptien qui assassinera Anouar el-Sadate quelques mois plus tard (thèse qui donnera l’ouvrage Le prophète et le Pharaonen 1984). Mais ont-ils été entendus en leur temps, ont-ils changé la politique menée ? on peut également s’étonner du fossé qui existe souvent entre d’une part l’exigence d’utilité sociale adressée à l’expert (« à quoi servez-vous si vous n’êtes pas capable de me dire avec précision ce qui arrivera ? »), et d’autre part la difficulté des commanditaires à organiser les canaux d’exploitation des expertises ainsi livrées : qui prend le temps de lire ou faire lire des travaux épais, qui prend le risque de consacrer un service à la lecture des travaux qui pourraient être utiles, ou d’aller à la rencontre de leurs auteurs ? La question centrale, toutefois, est posée par Ariel Colonomos lui-même en fin d’ouvrage : que faire, lorsqu’on l’entrevoit, pour éviter ce futur qui s’annonce, dans un monde où la préférence va à l’inaction, et où la prévision audacieuse se heurte à une régulation par la réputation ?

Y.H. Zoubir, L. Dris-Aït-Hamadouche, Global Security Watch – The Maghreb



Y.H. Zoubir, L. Dris-Aït-Hamadouche, Global Security Watch – The Maghreb, Praeger, Santa Barbara, 2013
North Africa remains much less studied (in the academic field) than the eastern part of the Middle-East (Egypt, Levant, Near East and the Gulf). This recent issue of the Global Security Watch series (see also former issues on Pakistan, Syria, Lebanon or Jordan) provides us with a timely and relevant introduction to the Maghreb (plus valuable bibliographies).
Starting with internal security dimensions, then addressing the collective security mechanisms (or their absence), the book depicts a region ridden with instability. The Moroccan-Algerian row over Western Sahara, the Libyan conundrum (under Qadhafi then because of his demise), and an increasing link with Sahel and Nigerian security challenges, undermine regional structures. Algeria’s complex game between Morocco and Libya, Morocco’s strong alliance with the U.S. and France, Tunisia’s efforts to survive in a troubled neighbourhood, the new presence of China, the ongoing presence of Russia (especially in Algeria), all account for new foreign policy puzzles. The encounter between transnational actors (such as AQIM, Boko Haram, or, in a different category, the Tuaregs) and national security forces (with much different traditions and relations to society, as chapter 1 by Cherif Driss remarkably illustrates), is also a key parameter to the future of the region.
A french reader might be surprised that France’s role is barely mentioned here. After decades of political presence in the Maghreb, a recent intervention in Mali (ongoing since 2013), and a newly reorganized military presence in West Africa, it might have deserved more. The book’s objective, though, was clearly to address the dynamics among Maghreb’s local actors. For they – and no one else – are the key to understand the great North African game.

Ch. Balssa, L’Australie et les relations internationales


Ch. Balssa, L’Australie et les relations internationales, Editions du Cygne, Paris, 2014
 
A signaler, ce petit livre qui récapitule l’équation stratégique australienne à l’heure d’un nouveau Livre Blanc (2013). Réinvention des liens avec les Etats-Unis à l’épreuve de l’avancée chinoise, correction d’une image d’arrogance (et d’une histoire pour le moins difficile avec les minorités indigènes), réinvestissement dans cette vaste zone insulaire qu’est le Pacifique Sud (comme lors de l’opération RAMSI sur les îles Salomon en 2003), crainte d’être pris dans un bras de fer sino-américain, une armée encore réduite (59.000 hommes en 2013), un effort pour renforcer les liens avec le Japon, l’Indonésie et l’Inde : tels sont quelques uns des paramètres de la posture stratégique du géant d’Océanie. Classée comme une puissance moyenne dans les typologies anglo-saxonnes, l’Australie, avec le Canada et quelques autres, fait partie de ces « émergents occidentaux » sur lesquels comptent de plus en plus les Etats-Unis, et desquels se rapproche la France (notamment par un partenariat stratégique en 2012).
 

ThyssenKrupp sales his submarine shipyard Kockums to Saab

CSDP blog - Mon, 30/06/2014 - 19:32

The German naval shipbuilding industry is comprised of numerous yards; however, only Howaldtswerke-Deutsche Werft (HDW) and Thyssen-Nordseewerke (TNSW) have experience in the construction of submarines.

Before its merger with ThyssenKrupp, HDW had already created partnerships with international shipbuilding companies. In 1999, HDW acquired Kockums, the leading Swedish naval shipyard, which pioneered the development of stealth surface vessels (Visby-class frigates) and Stirling AIP systems for submarines.

In late 2004, HDW was acquired by ThyssenKrupp, forming the new group ThyssenKrupp Marine Systems. ThyssenKrupp Marine Systems includes HDW, Sweden's Kockums, and Hellenic Shipyards in Greece. ThyssenKrupp offers three types of submarines for export:
- Type 209: diesel-electric patrol submarines, produced since 1974 in various versions;
- Type 212A: hybrid diesel-electric/Air Independent Propulsion (AIP) submarines, with an AIP system based on fuel cell technology;
- Type 214: hybrid diesel-electric/AIP, long-range submarines incorporating successful design features from Type 209 and 212A boats, as well as the Dolphin-class, which are diesel-electric boats tailored to Israel's needs.
HDW has exported over 50 Type 209 submarines to a dozen countries, including Argentina, Colombia, Indonesia, Chile, India, Brazil, South Korea, Turkey, and Greece. In 2004, Portugal ordered two Type 209 vessels (fitted according to Type 214 specifications), which were delivered by HDW in late 2010.

Today, Germany's ThyssenKrupp said it had agreed to sell its submarine shipyard (Kockums) in the south of Sweden to Swedish defense firm Saab for 340 million Swedish crowns ($50.48 million). Saab and ThyssenKrupp announced in April they were in talks on the sale of the unit after the German group failed to reach a deal with Sweden for a new generation of submarines.
"The acquisition is in line with Saab's ambitions to increase its capacity within the marine area and strengthen the company's position as a full supplier of military systems," Saab said in a statement. The transaction is not expected to have a significant impact on 2014 results, the Swedish company added, noting that ThyssenKrupp Marine Systems will be integrated within Saab's Security and Defense Solutions division.

Sweden had been seeking ways to share development costs with other potential buyers of its A-26 submarine but failed to agree on commercial terms with ThyssenKrupp, which also builds submarines in a separate business in Germany. Sweden's government asked Saab earlier this year to come up with a strategy to support Swedish submarine naval forces. Defense analysts saw the move as opening the door for the Swedish company to build submarines instead.

ThyssenKrupp Marine employs around 1,000 staff in Sweden, mainly in the southern Swedish cities of Malmo and Karlskrona. The Marine Systems unit, which also makes naval ships, posted sales of 1.33 billion euros last year.

($1 = 6.7357 Swedish Kronas)

Source : Reuters, NTI

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FAA - nouveau délai : décembre 2015

CSDP blog - Mon, 30/06/2014 - 00:00

La mise en œuvre de la FAA (Force africaine en attente), fortement soutenu par l`UE et le programme EURORECAMP était annoncée pour 2010 mais quatre années après toujours rien, la FAA censée rendre l’Afrique « autonome » en matière de prévention et de gestion des conflits, n’existe toujours que dans les discours.

Le dernier sommet de l’Union africaine (UA) tenu fin juin 2014 à Malabo (Guinée Equatoriale) a remis le sujet au goût du jour. Au-delà des difficultés structurelles dans sa mise en place, l’opérationnalisation de la FAA reste toujours victime des querelles de leadership et d’un manque manifeste de volonté politique. Pourtant, avec la naissance de l’Union africaine (UA) en 2002, sur les cendres de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), une nouvelle architecture de paix et de sécurité était mise en place par les dirigeants africains. L’idée sous-tendant cette nouvelle approche, était l’appropriation voire l’africanisation des opérations de maintien de la paix sur le continent.

Au cœur de ce dispositif se trouvait la FAA, celle-ci devait être l’émanation progressive d’un travail préalable, à savoir la création et l’opérationnalisation des brigades provenant de chacune des cinq régions que compte l’Afrique. Pour Amandine Gnanguênon, chercheure principale au bureau Afrique de l’ouest de l’Institut d’études de sécurité (ISS), le retard est dû à deux principaux problèmes : un déficit de capacités opérationnelles et une absence de financements. « Entretenir une force comme celle-là coûte extrêmement cher et on s’est aperçu finalement que les Etats africains qui d‘ailleurs dépendent fortement des financements extérieures n’étaient pas prêts à mettre de l’argent », a-t-elle expliqué dans un entretien avec Ouestafnews.

A cela s’ajoute, selon la chercheure, un volet opérationnel défaillant, en dépit de l’annonce faite en marge du sommet des chefs d’Etats de Malabo par le commissaire à la Paix et à la Sécurité, Smail Chergui, selon laquelle la plupart soient aujourd’hui prêtes. « Quand on dit Force africaine, c’est une force qui est en fait composée de différentes armées nationales, le problème c’est que ces armées nationales n’ont pas atteint elles-mêmes le niveau minimum requis », relève Amandine Gnanguênon.

Les cinq brigades régionales qui doivent donner naissance in fine à la FAA sont ECOBRIG au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, La FOMAC dans le cadre de la Communauté Economique des Etats d’Afrique centrale, la SADCBRIG, pour l’Afrique australe et l’EASBRIG pour l’Afrique de l’est. A ces problèmes opérationnels, viennent s’ajouter une querelle de leadership et une différence de vision dans la mise en œuvre même de la force continentale. Si l’Afrique du Sud penche pour une force continentale, le Nigeria serait plutôt favorable à une approche régionale. Cette divergence entre ces deux géants de l’UA, est aussi ressortie à Malabo. La Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (Caric), dispositif transitoire à la FAA, annoncée en mai 2013 lors du cinquantenaire de l’UA par la présidente de la Commission, Nkosasana Dlamini-Zuma et qui devait se concrétiser courant 2014, peine à se mettre en place.

La Caric, cataloguée comme une « création sud-africaine » n’emporte pas cependant l’adhésion du Nigeria et de certains pays d’Afrique de l’est, selon les observateurs. Contrairement aux forces régionales, la Caric repose sur le principe d’engagement volontaire des Etats dont une dizaine s’était manifestée. Un engagement qu’ils ont confirmé à Malabo et auquel se sont joints, le Burkina Faso et l’Egypte, selon Smail Chergui, cité par la presse internationale depuis Malabo. « La FAA devait être prête en 2015, mais on n'est pas sûrs que ce soit le cas. Sa mise en place demande du temps, de l'expertise, des hommes et du matériel. Ce doit être l'outil parfait, mais on ne peut pas attendre qu'il soit prêt à l'emploi. D'où la Caric, qui sera une force provisoire et immédiatement opérationnelle » expliquait en mai 2013, Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères.

En dépit de ce cheminement très laborieux, le conseil de paix et de sécurité maintient le caractère « impératif » de l’opérationnalisation de la FAA dont le nouveau délai fixé est décembre 2015. Ce dont doutent beaucoup d’observateurs, qui mettent en cause l’incapacité de l’UA à financer elle-même sa propre force de sécurité, et dénonce au passage un réel manque de « volonté politique » des Etats africains. « Si les Africains ne contribuent pas, dans la mesure de leurs moyens, à la mise en place de l’architecture de paix et de sécurité dont le continent a urgemment besoin, cette architecture risque d’être assez largement artificielle », soulignait dans un entretien avec Rfi, Thierry Vircoulon, directeur du projet « Afrique centrale » au sein de l’International Crisis Group. En plus de la rivalité entre le Nigeria et l’Afrique du sud, les puissances financières et militaires de l’Afrique du nord trainent aussi le pas.

« L'Algérie et l'Égypte, farouchement nationalistes, ne montrent pas beaucoup d'empressement à s'impliquer sans réserve dans une entité multirégionale », déplore sur son blog, Laurent Touchard, spécialiste du terrorisme et des questions de Défense. D’après les estimation à terme la FAA, devrait réunir jusqu’à 32 .000 hommes pour un coût de plusieurs dizaines de millions de dollars, or l’UA survit grandement grâce à l’aide de ses « partenaires ». Plus grave encore entre 2012 et 2013, la contribution des Etats membres au budget est passée de 5 à 3,3%. Conscient de cet obstacle financier, l’UA avait chargé l’ancien président du Nigeria, Olesegun Obasanjo de trouver des financements alternatifs. Mais là encore on attend, la mise en œuvre de la proposition faite par le président Obasanjo, préconisant de prélever une taxe de 10 dollars sur les billets d'avion et d'une taxe de 2 dollars sur les séjours hôteliers, pour un revenu annuel espéré de 763 millions de dollars.

Source Ouestaf News

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Avenir de la mémoire


Avenir de la mémoireEditorial de la Lettre de l'IRSEM n°4-2014




En ces temps de commémorations importantes, et structurantes pour la société qui est la nôtre, interrogeons le statut politique et social de la mémoire, ainsi que son avenir. Concept fort mobilisé dans les politiques d'Etat, mais réputé en sciences sociales pour sa complexité et ses pièges, la mémoire est d’autant plus mouvante qu’elle s’examine aux confins d’autres notions, comme l’identité, l’histoire, la culture, l’éducation… La mémoire a-t-elle des fonctions ? Comment se fabrique-t-elle et s’entretient-elle ? Comporte-t-elle des dangers ? Comment la réinventer demain ?
Des fonctions, la mémoire en a assurément, et les auteurs sont légion à s’y être penchés (A. HOUZIAUX, La mémoire pour quoi faire ?, P. RICOEUR, La mémoire, l’histoire, l’oubli, M. HALBWACHS, Les cadres sociaux de la mémoire, Y. DELOYE, Sociologie historique du politique…). Ciment national, armature de socialisation, raison d’un vivre ensemble, la mémoire est à la fois un agrégat de souvenirs individuels et collectifs vécus, pour les uns, la représentation transmise d’un passé non vécu, pour d’autres. Elle fait revivre, par le souvenir direct ou le témoignage, des moments forts qu’elle sacralise à l’occasion pour en faire des points de repère collectifs, dont la lecture peut d’ailleurs varier avec le temps (comme la « Grande guerre patriotique » en URSS puis en Russie). Elle permet à cet égard de rassembler, de respecter, de se situer. Rassembler d’abord, en permettant à des individus qui ne se rencontreront jamais physiquement, de faire communauté autour de ces points de repères (B. ANDERSON, Imagined Communities). Presque toutes les familles françaises ont été touchées par la Grande guerre : elles savent avoir cela en commun, même si elles n’en parleront jamais toutes ensemble. Respecter, ensuite, en rappelant ce qu’a signifié pour d‘autres avant nous, parfois venus d’ailleurs, le prix de la liberté et de la démocratie que l’on goûte aujourd’hui. La célébration du débarquement du 6 juin 1944, des soldats qui l’ont réalisé, des concepteurs qui l’ont pensé, des résistants qui l’ont préparé à leur échelle et dans les conditions que l’on sait, participe de cet apprentissage nécessaire du respect. Se situer ensuite, car les peuples ont des histoires communes qu’ils ont appris à maintenir (pour les Alliés américains, britanniques et français), ou à surmonter (avec nos voisins allemands). Dans les deux cas, le travail commun de mémoire est gagnant : se rappeler ce qui nous a unis, savoir ce que nous avons su dépasser pour vivre désormais ensemble, façonne chaque jour l’identité.
Cette mémoire ne tombe pas de nulle part. Elle s’entretient et fait l’objet de politiques publiques. Par les commémorations (O. IHL, La fête républicaine), par la production d’un discours (M-Cl. LAVABRE, « de la notion de mémoire à la production de mémoires collectives »), ou d’une éducation (L. de COCK, E. PICARD, La fabrique scolaire de l’Histoire), elle se diffuse. Elle s’écrit, surtout, et s’élabore : qui la fabrique, et a-t-elle des arrière-pensées ? Le débat sur l’écriture de l’histoire comme paramètre de la mémoire est connu (P. VEYNE, Comment on écrit l’Histoire, M. FERRO, Comment on raconte l’histoire aux enfants), et mène à la question de l’usage politique du passé  (F. HARTOG, J. REVEL, Les usages politiques du passé). On glisse alors vers les pièges de la mémoire, à ne jamais sous-estimer. Le premier d’entre eux est celui de l’occultation, qui transforme les pages peu glorieuses en tabous, puis en abcès de fixation. La mémoire est alors « empêchée », ce qui – les psychanalystes le savent – finit toujours mal. Dans la mémoire de guerre, éviter ces zones d’ombre est chose particulièrement difficile, et le rôle des historiens dans les démocraties n’en est que plus fondamental. Le deuxième piège est celui de la division, ou « l’Histoire comme champ de bataille » (E. TRAVERSO), lorsque la mémoire se fait plurielle, s’écrit dans le divorce, chacun de son côté, parfois au sein d’une même nation. C’est là tout le défi de la problématique mémoire et réconciliation, pour les sociétés convalescentes, du Cambodge à l'Afrique du Sud, des Balkans à l’ancien bloc de l’Est en passant par les anciennes dictatures sud-américaines, lorsque la mémoire, par une douleur trop forte, ne rassemble plus. Lorsqu’elle n’est plus partagée. Enfin, la manipulationde la mémoire reste d’actualité, plusieurs décennies après les grandes époques de la propagande. Manipulation par invention d’un passé qui ne fut jamais celui que l’on veut imposer aux esprits. Manipulation par exhumation, par résurgence, des pages douloureuses destinées à raviver des plaies dans une entreprise de violence à venir (à l’image de Slobodan Milosevic remettant au goût du jour après 1989, et à l’occasion de son 600e anniversaire, la Bataille du Champ des Merles au Kosovo, en même temps que l’ennemi « turc »). Manipulation sur les origines, et donc sur l’appartenance des lieux, des territoires ou des symboles (« cela nous a appartenu, donc cela nous appartient » : l’affaire de Crimée nous le rappelle aujourd’hui).
Quand bien même la vigilance contre ces dangers, en démocratie, serait intacte, à quoi donc doit servir la mémoire ? Pourquoi se souvenir ? D’abord pour assumerson histoire : la guerre en fait presque toujours partie, elle ne fut pas toujours juste ni intégralement héroïque, elle le fut aussi néanmoins, et rares sont les Etats à échapper à cette règle. Le reconnaître, l’examiner, permet ensuite de comprendre, et c’est là un deuxième objectif. Comprendre la sociologie de l’héroïsme et le pourquoi du non-héroïsme, comprendre ce que furent les comportements en temps de guerre, aide notablement à construire la paix. Enfin, la mémoire permet de se projeter, au nom d’une continuité et des acquis parfois chèrement payés : ni la frénésie de l’avenir dans l’ignorance du passé, ni l’obsession du passé (qui peut signifier celle du déclin) sans nouveau grand dessein, sans projet cohérent, ne sont bonnes conseillères d’une nation.
Si ces considérations ne sont pas nouvelles, l’acte de mémoire connaît aujourd’hui un triple défi, de nature à modifier sa signification comme ses modalités. Le premier défi consistera bientôt à devoir se souvenir sans les acteurs, c'est-à-dire sans les vétérans. Passer de la mémoire vécue à la mémoire transmise, comme on le voit déjà pour la Grande guerre après la disparition du dernier Poilu, change naturellement les mécanismes de la mémoire et de son entretien. Car le devoir de mémoire consiste certes toujours, au fil de ce processus, à rendre hommage à des hommes, mais de plus en plus aussi à célébrer des valeurs. Les valeurs en démocratie étant celles de la paix, survient un autre défi : commémorer pour prévenir, et non plus pour célébrer. Prévenir de nouvelles tensions avec l’autre plutôt que lui rappeler sa défaite. Se réjouir de la paix consolidée plutôt que de se satisfaire de la victoire passée. Insister sur le partage de la victoire (par exemple avec ceux qui, en Allemagne, ont résisté au nazisme), plutôt que de capitaliser sur elle, en termes de « réparations » hier, ou de « rang » aujourd’hui. Cela implique, on l’imagine, un travail important sur soi et sur ce qui fut pendant longtemps l’essence du patriotisme. Enfin, il faut imaginer ce qui sera – ce qui est déjà – la commémoration, la mémoire, à l’heure des nouvelles communications (M. CREPON, « La mémoire des guerres. A propos de la modernisation des commémorations », J. GARDE-HANSEN et al., Save as… Digital Memories). Dans son travail de thèse sur Les représentations du passé soviétique dans la Russie actuelle (Paris II, sous la direction de J. CHEVALLIER, 2014), Elena MORENKOVA attire notre attention sur l’individualisation croissante de la mémoire à l’heure du numérique. La 'commémoration en ligne', prévient-elle à partir de l’étude de cas russe, annonce une mémoire davantage familiale que nationale. A l’évidence, et même si les manifestations de ce phénomène ne seront pas les mêmes partout, il importe de se préparer aux nouveaux vecteurs de la mémoire, aux nouveaux instruments du souvenir, aux nouvelles quêtes personnelles de la commémoration.

Le recrutement dans l’armée de Terre

Aumilitaire.com - Tue, 17/06/2014 - 20:49
L’armée de Terre est l’un des principaux recruteurs de France avec pas moins de 10 000 recrutements par an. En ces temps de crise où trouver un travail relève du parcours du combattant, il est surprenant de constater que la jeunesse francaise déserte les centres d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA).   Le ...
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La FREMM Normandie : de nouveaux essais du système de combat.

Aumilitaire.com - Fri, 16/05/2014 - 08:33
Après la livraison en novembre 2012 d’une première frégate multimissions (FREMM) et d’une deuxième ensuite à la marine marocaine en janvier 2014, c’est au tour de la FREMM Normandie de terminer ses essais avant sa livraison. C’est ainsi qu’elle a quitté le site DCNS de Lorient pour être accueilli par celui de Toulon. D’une longueur ...
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Il faut augmenter les équipements du COS !

Aumilitaire.com - Thu, 15/05/2014 - 09:24
Le rapport remis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat  sur le renforcement des effectifs du COS (Commandement des Opérations Spéciales) a été validé par ce dernier. Ce rapport justifiait l’augmentation des forces spéciales de 1000 personnels supplémentaires, conformément à ce qui avait été annoncé dans la ...
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Un dialogue de sourds

Aumilitaire.com - Wed, 14/05/2014 - 09:06
C’est ce qui risque de ressortir de la table ronde qui devrait se tenir ce mercredi à Kiev. Car avec la mort de sept soldats ukrainiens tués dans une embuscade la veille et l’absence quasi certaine de séparatistes pro-russes, comment donner de la légitimité à cette réunion.   C’était pourtant une occasion inespérée de faire ...
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Deux anciens chefs d’État-major face aux réformes du gouvernement.

Aumilitaire.com - Sat, 10/05/2014 - 08:04
La politique militaire du gouvernement doit être en accord avec le monde militaire lui-même. Pourtant, il est des moments où il est important de dire les choses lorsqu’elles ne sont plus « normales ». C’est ce qu’ont fait deux anciens chefs d’État-major des armées (CEMA) l’amiral Jacques Lanxade et le général Henri Bentégeat dans la dernière revue ...
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Russie : Les ventes de navires de guerre par Paris irritent Washington

Aumilitaire.com - Fri, 09/05/2014 - 07:46
La secrétaire d’État américaine pour l’Europe Victoria Nuland a mis en garde Paris contre la vente des navires Mistral prévue pour le mois d’octobre 2014 à la Russie, au moment où la crise en Ukraine est à un point culminant. Car la France avait effectivement signé ces deux contrats d’une valeur de 1.2 milliards d’euros ...
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Christian Malis, Guerre et stratégie au XXIe siècle





Christian Malis, Guerre et stratégie au XXIe siècle, Fayard, Paris, 2014
Retrouvez les autres notes lectures dans la Lettre de l'IRSEM
Christian Malis nous livre ici un essai de stratégie future, en s’efforçant de tenir compte de ce que seront les paramètres de la sécurité, de la défense et de la guerre dans un proche avenir. Parmi les temps forts de ce travail, on note le chapitre 4 sur un « troisième âge nucléaire », qui propose plusieurs scénarios pour la dissuasion : 1- la peu probable disparition totale des armes atomiques, 2- le triomphe souhaitable du principe de l’interdiction (ou la dissuasion défensive s’interdisant toute action contre-force), 3- une relance de la course au nucléaire entre grands accompagnée de prolifération chez les puissances régionales, enfin 4- le choc que constituerait l’usage de la bombe dans un conflit qui aurait dégénéré (par exemple entre Inde et Pakistan). Dans tous les cas de figure, Christian Malis estime que le nucléaire cessera d’être le grand régulateur des rapports de force internationaux, ce qu’il fut depuis 1945.
Parfois aux confins de la science-fiction, l’ouvrage insiste également sur les nouveaux acteurs stratégiques, les nouveaux espaces de leurs confrontations, et le nouvel « amont » technostratégique de leur développement. Nouveaux acteurs non pas au sens des relations internationales traditionnelles (les ONG, les mafias, médias, entreprises multinationales, entrepreneurs religieux ou de violence…), mais au sens du soldat numérisé et hyper-connecté, du robot militaire (comme le drone), des forces spéciales, du mercenaire, du cyber-guerrier, cyber-activiste, cyber-terroriste ou cyber criminel. Des enfants soldats aussi, réalité à laquelle nous nous trouvons déjà confrontés. Les nouveaux champs de bataille sont, eux aussi, déjà connus : le cyberespace, d’accès très bon marché, et l’espace tout court, à l’inverse très onéreux. Enfin, un chapitre sur la techno-stratégie vient rappeler ce qu’une armée moderne doit au soutien logistique d’une part, à la R&D d’autre part. De ce point de vue, l’efficacité française au Mali fut celle non pas de quelque 4.000 hommes sur le terrain, mais d’une « armée de 400.000 hommes », personnels de l’industrie de défense compris.
L’ouvrage est l’occasion de nombreux rappels ou hypothèses utiles par les temps actuels. Aux frontières d’un empire, la sécurité n’est pas totale tant qu’on n’a pas assujetti les puissances voisines (p.17). Dans le monde qui vient, trois types de tensions stratégiques dominent : les rivalités pour les espaces régionaux, la compétition pour le contrôle des ressources naturelles, et les confrontations identitaires (p.63). De la même manière coexisteraient trois mondes stratégiques : un monde néo-westphalien où l’équilibre des puissances reste de mise (comme en Asie), un monde post-westphalien où la guerre n’est plus une perspective acceptable (dans le monde occidental), enfin un monde pré-westphalien où la désintégration de l'Etat entraîne le chaos (Moyen-Orient, Afrique).
Au final, l’ouvrage est critique à l’égard des choix stratégiques retenus en Europe, parfois souverainiste dans son bilan de l'Europe de la défense et de la dépendance dans laquelle celle-ci est entrée vis-à-vis des Etats-Unis, et se veut force de proposition dans sa conclusion, tout en appelant, exemples à l’appui, à une refonte de la pensée stratégique : « combien de livres de stratégie sont encore écrits comme à l’époque de Napoléon », s’interroge Christian Malis (p.183), non sans quelque vérité.
Frédéric Charillon

Alertes aux satellites

Aumilitaire.com - Tue, 06/05/2014 - 08:47
La sécurité des satellites, quels qu’ils soient, est loin d’être performante. Ainsi de simples pirates armés d’une parabole, d’un ordinateur, d’un décodeur et de quelques logiciels seraient capables de les pirater et d’en prendre le contrôle. De multiples failles détectées dans les différents logiciels intégrés aux terminaux d’accès aux satellites sont présentes et permettraient de ...
Categories: Défense

Retour par la case Chypre !

Aumilitaire.com - Mon, 05/05/2014 - 08:56
Le sas de Chypre va donc être remis en fonction pour les soldats qui reviennent de Centrafrique et du Mali. Il va leur permettre de faire un break indispensable avant leur retour à la vie « normale » en France. C’est à partir du mois de juin qu’il devrait reprendre son activité et concerner 2000 à 2500 ...
Categories: Défense

Europe : les budgets militaires relancés par la guerre en Ukraine

Aumilitaire.com - Sun, 04/05/2014 - 10:01
Depuis plus de dix ans, les dépenses militaires des pays européens sont en baisse. Malgré les crises économiques et l’environnement défavorable pour ces pays, l’agressivité de la Russie pour atteindre ses objectifs doit être prise en compte et la tendance de baisse des budgets doit être renversée. Déjà, en 2010, la baisse des dépenses militaires ...
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Un canular sur la page facebook de la Gendarmerie.

Aumilitaire.com - Sat, 03/05/2014 - 08:14
L’information partait d’un bon sentiment envers les citoyens. La Gendarmerie Nationale a fait paraître sur sa page facebook une image de signes qui pouvaient être aperçus à proximité des maisons d’habitation et qui permettraient aux voleurs de repérer celles pouvant être cambriolées. Malheureusement, cette image circule déjà depuis plusieurs années sur le web. Le site ...
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Faire des économies, oui. Mais pas sur les FAS !

Aumilitaire.com - Fri, 02/05/2014 - 08:11
C’est ce qui a été expliqué par les généraux Denis Mercier (Chef d’état-major de l’armée de l’air) et Patrick Charaix (commandant des Forces Aériennes Stratégiques) dans le cadre des auditions menées par les députés sur la dissuasion nucléaire. Il est en effet important, pour la France, d’avoir des modes d’actions différents au niveau de la ...
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