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Défense

Difficulté à dissuader, maintien de la dissuasion



Difficulté à dissuader, maintien de la dissuasion Editorial de la Lettre de l'IRSEM n°7-2014



Il n’aura échappé à personne que peu d’acteurs, de nos jours, se sentent dissuadés sur la scène internationale. Ni l’acteur religieux Daech dans son entreprise irakienne et syrienne, ni l’acteur étatique russe en Ukraine, ni le régime de Damas dans son escalade violente depuis 2011, ni les criminels, pirates, hackers, ou autres, dans la poursuite de leurs activités. Tous, pourtant, ont reçu, sous des formes différentes, des avertissements solennels et promesses de punition de la part d’autorités dotées de moyens importants. Même sur le terrain traditionnel du rapport de force stratégique impliquant des Etats puissants, la dissuasion ne fait plus recette : Milocevic avait défié l’OTAN dans les années 1990, le Hezbollah en 2006 puis le Hamas à l’été 2014 en ont fait autant à l’égard d’Israël, la Corée du Nord multiplie les provocations (depuis sa posture nucléaire jusqu’à l’attaque d’une corvette sud-coréenne en 2010), l’Iran maintient son jeu complexe entre dossier nucléaire et équilibres proche-orientaux. Des relations de rivalité dangereuses, ailleurs, laissent libre court à l’aventurisme (Japonais et Chinois en mer, Indiens et Pakistanais au Cachemire…). En d’autres termes, le mécanisme consistant à persuader un acteur tiers qu’il lui serait trop coûteux d’agir contre les intérêts de ceux qui l’ont mis en garde, semble opérer de moins en moins. Les sciences sociales proposent de nombreuses explications possibles à ce phénomène : la perception (juste ou fausse) d’une faiblesse chez l’autre, dont on pense qu’il ne réagira pas avec force ; le calcul (juste ou erroné) que la prise de risque apportera quoi qu’il arrive un gain politique interne ou externe, même en cas de réaction internationale forte, d’autant que les menaces explicites des uns pourront être compensées par les soutiens discrets des autres ; la conviction chez un acteur donné que le fait de braver les mécanismes de dissuasion permettra de bousculer les contraintes systémiques en altérant la crédibilité de celles-ci. Mais au final, nous sommes bien entrés dans un monde où le fort peine à dissuader le faible, où la puissance n’effraie plus la nuisance, où les géants ont moins peur de se heurter entre eux.Cette difficulté croissante à dissuader doit-elle nous conduire à enterrer ce que nous appelons « la dissuasion », c'est-à-dire la possession d’armes nucléaires comme instruments ultimes ? telle n’est pas la réponse apportée par de nombreuses études de relations internationales publiées aujourd’hui dans le monde sur ce sujet. Celles-ci distinguent clairement, de façon qui peut certes dérouter, le fait de dissuader (au sens d’empêcher un tiers d’agir) du fait de posséder la dissuasion (au sens d’être doté de l’arme nucléaire). Et la plupart des auteurs concluent à la nécessité, pour les puissances déjà dotées, de maintenir et d’adapter cet attribut, plutôt que d’y renoncer. Pour résumer grossièrement ce débat : il est admis que les armes nucléaires sont de peu d’utilité face à un certain nombre de défis actuels, mais elles n’ont pas été faites pour cela, et leurs fonctions initiales restent valides, surtout si l’on parvient, en progressant vers des seuils minimaux, à diminuer les risques d’accident qu’elles comportent.Les principales limites de la dissuasion nucléaire sont connues et largement commentées : a) on imagine mal, en démocratie, qu’elle puisse s’appliquer face à des acteurs inférieurs, face à des actes terroristes, face à des agressions meurtrières mais non nucléaires, a fortiori si l’origine de celles-ci comporte un doute, et si la riposte implique d’anéantir des civils pour faire payer des acteurs déviants (Th. M. Nichols, No use. Nuclear Weapons and U.S. national Security, University of Pennsylvania Press, 2014) ; b) la dissuasion élargie, c'est-à-dire la protection des uns par les arsenaux d’un autre, éventuellement au prix du suicide de ce dernier, est moins crédible aujourd’hui encore qu’à l’époque où le général de Gaulle doutait fortement que les Etats-Unis puissent engager le feu nucléaire contre l’URSS uniquement pour sauver l'Europe (Th. Delpech, La dissuasion nucléaire au XXIe siècle. Comment aborder une nouvelle ère de piraterie stratégique, Odile Jacob, 2014) ; c) les débats sur les défenses anti-missiles, en dépit des lacunes de ces dernières, ont pour effet de brouiller le débat, et de rendre la dissuasion nucléaire plus impopulaire encore dans certains cercles intellectuels ; d) le fossé, en matière d’arme nucléaire, est tel entre les débats théoriques ou doctrinaux, et la réalité du processus décisionnel confronté à l’épreuve des faits, que ces débats sur la dissuasion apparaissent bien chimériques et vains (y compris déjà, à l’époque, pour Raymond Aron) ; e) surtout, on observe que des puissances nucléaires ont été tenues en échec militairement par des acteurs inférieurs, et qu’elles ont préféré gérer cet échec plutôt que d’avoir recours à leur arsenal nucléaire, dont l’usage n’aurait d’ailleurs pas nécessairement réglé leur problème. Mais les fonctions de la dissuasion nucléaire sont d’une toute autre nature. 1- La première d’entre elle est de garantir la survie d’une entité qui viendrait à être définitivement menacée, et non d’aider simplement cette entité à faire triompher ses intérêts ou ses projets sur des théâtres extérieurs. C’est pour cette raison que les Etats-Unis ont finalement renoncé, après 1945, à l’usage du nucléaire dans la guerre de Corée (1950-53), ou que l’URSS de Khrouchtchev a finalement reculé à Cuba (1962). Que la doctrine choisie implique l’usage en premier ou non, qu’il s’agisse d’obliger un allié à intervenir ou de se défendre soi-même (V. Narang, Nuclear Strategy in the Modern Era. Regional Powers and international Conflict, Princeton University Press, 2014), la dissuasion est bien une question de survie et non de compétition. 2- Par ailleurs, et au-delà de sa dimension militaire, elle constitue un attribut politique reconnu qui confère à ses possesseurs l’appartenance à un club fermé dont les membres font l’objet d’un traitement particulier. Sortir de ce club est possible (afrique du Sud, Kazakhstan, Ukraine, Belarus), renoncer à y entrer aussi (Argentine, Brésil, Suède…), mais au prix d’un renoncement à ce statut (B. Pelopidas, Renoncer à l'arme nucléaire, la séduction de l'impossible ?, Presses de Sciences Po, à paraître). De la même manière, renoncer à la dissuasion demeure hasardeux sur le plan de la sécurité, tant que d’autres acteurs la maintiennent pour eux-mêmes et que d’autres cherchent à l’acquérir. A partir de ces éléments, beaucoup d’auteurs se gardent de parier à court terme sur un monde sans dissuasion, et suggèrent un abaissement des seuils accompagné de mesures de vérification, plutôt que des renoncements unilatéraux. Ils prônent, en d’autres termes, une gouvernance maîtrisée du nucléaire (qui reste à imaginer) plutôt que son abandon chaotique. Dissuader est de plus en plus incertain, mais posséder la dissuasion est une toute autre affaire, et sur ces deux enjeux, une réflexion nouvelle est impérative.
Frédéric Charillon

Les leçons de l’émergence de l'Etat islamique





Les gains territoriaux rapides de Daech au Proche-Orient s’imposeront sans peine (avec la crise ukrainienne et celle de Gaza notamment), parmi les événements internationaux marquants de l’année 2014. A ce stade, plusieurs réflexions, sans doute provisoires, méritent d’être menées.
En premier lieu, la relativisation stratégique du Proche-Orient, souvent annoncée en 2013 au profit de l’Asie, n’est plus qu’un lointain souvenir. La situation syrienne, celle de l'Irak, l’incertitude égyptienne, mais aussi la nouvelle crise de Gaza dans l’été, ont témoigné une nouvelle fois et de façon dramatique, de la centralité persistante de cette zone aux déséquilibres tenaces, aux conflits non réglés. 
Ensuite, l’irruption de Daech dans le paysage démontre à la fois les impasses de l’Etat failli ou effondré, laissant un vide vite rempli par des entrepreneurs identitaires (en l’occurrence sunnites) dont la violence extrême s’affiche comme substitut voire comme remède aux systèmes claniques précédents (en l’occurrence chi’ites). N’en tirons pas, naturellement, la conclusion qu’il aurait fallu préserver les deux systèmes baasistes dans ce qu’ils avaient eux-mêmes d’extrême. Mais admettons que rien de viable n’a encore été construit sur les ruines du premier (en Irak), ni pour répondre à la fuite en avant du second (en Syrie).Par ailleurs, l’affaire Daech a mis en lumière l’ambiguïté comme mode opératoire essentiel de la plupart des systèmes diplomatiques moyen-orientaux. 

Lire la suite sur Global Brief (Toronto)

A.J. Bacevich, The New American Militarism


A.J. Bacevich, the new American Militarism. How Americans Are Seduced By War, Oxford University Press, Oxford, 2013
Voir les autres notes de lecture dans la Lettre de l'IRSEM n°6 - 2014

En 2005, dans la première édition de ce travail, Andrew Bacevitch  nous expliquait, après le déclenchement de deux guerres américaines en Afghanistan et en Irak, pourquoi les Etats-Unis s’étaient fondamentalement, culturellement, durablement construits sur la militarisation de la société, ce qui allait, en toute logique selon lui continuer de favoriser les interventions militaires extérieures. Huit ans plus tard et sous le second mandat de Barack Obama, l’auteur persiste et signe, restituant presque intact son premier jet augmenté d’une mise à jour. Obama ne corrige pas à lui seul le militarisme américain, ne le peut pas, ne le souhaite pas. Très critique vis-à-vis de ce « mariage entre un esprit de caste militaire et un esprit d’utopie » (à la fois ancré dans le passé et objet de consensus bipartisan (p.3), Bacevitch, auteur de nombreux ouvrages de stratégie (Washington Rules, The Limits of Power, The End of American Exceptionalism…), en dresse la sociologie et les limites. Réponse de certains groupes au traumatisme du Vietnam, favorisé par les segments les plus religieux de la société, entretenu par Hollywood, le militarisme excessif (et ses rhétoriques dangereuses, comme cette « guerre contre la terreur » qualifiée de « quatrième guerre mondiale » - après la guerre froide qui aurait été la troisième), n’a plus permis de gagner de guerre véritable depuis 1945. Au fil des portraits de généraux et de politiques, l’auteur nous brosse le tableau d’une impasse et propose dix préconisations en fin d’ouvrage, qui culminent avec un appel au retour du soldat citoyen. On peut douter de certains pronostiques (le fossé de puissance entre les Etats-Unis et ses poursuivants reste bien profond, contrairement aux prédictions de 2005), de certains parallèles étranges (Reagan héritier de Wilson et de Roosevelt), contester l'hypothèse d’ensemble (car Obama semble tout de même, malgré les drones et les cyber-attaques, nettement moins portée sur l’action militaire que son prédécesseur). Mais Bacevitch a une thèse, et il la défend âprement, avec conviction et talent.

J. Soeters, P.M. Shields, S. Rietjens (dirs.), Routledge Handbook of Research Methods in Military Studies


J. Soeters, P.M. Shields, S. Rietjens (dirs.), Routledge Handbook of Research Methods in Military Studies, Routledge, Londres, 2014
Voir les autres notes de lecture dans la Lettre de l'IRSEM n°6-2014
Ce nouveau manuel de l’éditeur Routledge (Londres) a tous les atouts pour devenir le livre de chevet des doctorants civils ou militaires, des auditeurs de l’Enseignement Militaires Supérieur, et de bien d’autres encore. Eminemment épistémologique, il revient sur la méthodologie permettant de saisir la spécificité du contexte militaire, à partir des approches qualitatives ou quantitatives. Poursuivant en cela le travail déjà remarquable dirigé par H. Carreiras et C. Castro en 2012 (Qualitative Methodes in Military Studies, Routledge), l’ouvrage reprend des débats certes connus des chercheurs (comment faire de la recherche scientifique en milieu conflictuel, comment communiquer entre chercheurs et militaires, comment accéder aux données dans un domaine sensible…), mais y ajoute des éclairages bienvenus. Jusqu’où faut-il pousser la réflexivité (ou réflexion sur sa propre démarche et son efficacité, par E. Ben-Ari), comment retracer les processus décisionnels dans les études de cas (P. Vennesson et I. Wiesner), que faire des égo-documents (comme les récits par des militaires de leurs propres campagnes, par exemple – par E. Kleinreesink), comment faire parle le net dans la recherche anti-terroriste (R. Brooks)… On retient également les interrogations de F. Baudet et E.A. Sibul sur la place de l’histoire dans l’analyse militaire, les remarquables leçons afghanes de W. Maley sur l’étude des populations locales (voir sur ce point un autre manuel de Routledge, S. Carlton-Ford et M.G. Ender, The Routledge Handbook of War and Society, 2013), toute la partie sur l’approche quantitative, et l’analyse de P.M. Michels et T.A. Whetsell sur la publication des études militaires. Les bibliographies en fin de chapitres sont précieuses, l’ensemble (27 contributions) laisse peu de sujets de côté, et vient compléter encore l’effort notable de cet éditeur britannique pour baliser la tradition des military studies.

Du "choc des civilisations" au révisionnisme régional

Editorial de la Lettre de l'IRSEM n°6 2014

Il y a maintenant plus de vingt ans dans la revue Foreign Affairs (Eté 1993, Vol. 72, N°3), Samuel Huntington signait son célèbre article sur le choc des civilisations, lançant ainsi une polémique durable. Le simplisme de sa vision, le flou du concept de civilisation sous sa plume (lequel prenait tour à tour le visage d'une alliance, d'une religion, d'une zone géographique ou parfois d'un État isolé - comme le Japon), les erreurs politique qu’il a justifiées, ont peu à peu marginalisé ce travail dans le monde académique (dont Huntington est pourtant issu). Mais nullement dans le débat public, où cet idiome resurgit presque chaque fois qu'une dimension religieuse ou ethnique transparaît dans un conflit. Rééditées après le 11 septembre 2001 (et présentées comme 'annonciatrices' des attentats), les thèses huntingtoniennes ont depuis été convoquées régulièrement. Il n'en reste pourtant rien à la lumière de l'actualité récente.
Les guerres à venir, nous disait Huntington, mettront aux prises des « civilisations », identités, cultures rivales, que rien ne peut plus amener à coexister, et qui voudront s'exclure mutuellement jusqu'à annihilation de l'autre. Il faudrait une singulière mauvaise foi aujourd’hui pour qualifier de choc de civilisations les rivalités entre sunnites et chi'ites au Moyen-Orient, ou la situation dans l'est de l'Ukraine. Ces situations opposent en effet des acteurs que le politologue américain classait jadis dans la même "case" civilisationnelle : le monde "islamique" pour les uns, "slave-orthodoxe" pour les autres. Passons sur les conflits africains, dont les protagonistes sont situés sur un continent qu'Huntington hésitait même à qualifier de civilisation. C'est bien au contraire la proximité culturelle de ces acteurs qui frappe, et la dimension proprement politique de leurs affrontements qui prévaut.
La grande menace qui pèse sur l'Occident, nous disait-on encore, résiderait dans une possible alliance "islamo-confucéenne", c'est-à-dire entre la Chine et le monde musulman. La situation dans le Xinjiang, pour dire le moins, n'en est pas annonciatrice. Le salut face à cette conjuration, promettait-on, était dans amarrage plus fort au sein de la « civilisation occidentale », des pays charnières situés inconfortablement aux confins de ces mondes, comme la Turquie, qui nous appelleraient à leur secours. La rhétorique actuelle du président Erdogan ne va pas tout à fait dans ce sens.
Si l'apocalypse d'une grande guerre civilisationnelle n'a pas eu lieu, on aurait tort néanmoins de se contenter de savourer la caducité des théories d'Huntington. Car les défis auxquels nous sommes confrontés sont plus complexes encore que cette carte des civilisations dont le mérite (qui a fait son succès) était d'être accessible à la compréhension de tous, y compris des moins informés.
Nous découvrons désormais un phénomène que l'on pourrait résumer en le qualifiant de révisionnisme régional, et qui touche plusieurs zones de la planète. Quelles en sont les caractéristiques ? En premier lieu, des acteurs aux identités proches et ayant autrefois coexisté, revendiquent ou imposent au nom de l'histoire la révision des frontières actuelles. En Crimée, l’annexion russe viendrait ainsi sanctionner un droit historique bafoué provisoirement par les errements d’une période soviétique. Dans l’est de l’Ukraine, sans annexion toutefois, on avance également les droits de populations russophones. beaucoup plus loin en Mer de Chine du Sud, les revendications territoriales (notamment chinoises) et l’invocation de l’histoire, servent cette fois à contester des frontières maritimes. En Irak et en Syrie, c’est un mouvement armé se revendiquant d’une religion, et non plus un Etat, qui raye les frontières actuelles au nom d’un « Califat », dans une allusion historique là encore.
Ces tensions – c’est le deuxième point – n’ont rien de « civilisationnel », car on peinerait à qualifier ainsi les ruptures entre sunnites et chi’ites, entre Kiev et Moscou, en Pékin et Taipei (ou même d’autres capitales voisines, comme Manille ou Hanoï). Tout au plus pourrait-on plaider un choc entre civilisations confucéenne et japonaise sur les îles Diaoyu / Senkaku, mais admettons qu’on s’éloignerait fort de l’esprit principal des écrits d’Huntington…
Surtout, ces conflits, ces revendications, les acteurs qui les expriment, remettent en cause les frontières et contestent ainsi un droit international réduit à un héritage passé jugé illégitime, tandis que les acteurs qui l’avaient imposé ont disparu, ou sont jugés en déclin. Il s’agit donc d’un mouvement révisionniste, d’origine étatique ou non étatique. Etatique, lorsque l’on bafoue les frontières européennes ukrainiennes ou lorsque l’on rejette la lecture classique de la convention de Montego Bay en Asie. Non étatique, avec le caractère transnational des jihadistes au Sahel à partir du sud de la Libye, avec Daesh en Irak/Syrie, avec les dépassements frontaliers des shebab somaliens, ou ceux de Boko Haram à partir du Nigéria.
En s’en tenant aux théories huntingtoniennes d’un choc des civilisations, on commet au moins trois erreurs dans l’appréciation de ce phénomène. 1- On en fait une lecture culturelle alors qu’il demeure éminemment politique. 2- On y voit une rupture novatrice alors qu’il s’agit d’un révisionnisme ayant le passé pour référent principal. 3- On l’imagine d’abord en danger global, en sous-estimant le fait qu’il vise d’abord à une redistribution régionale des cartes, ciblant en priorité des régimes précis et géographiquement proches. Un ordre international est aujourd’hui contesté, cette contestation prend différentes formes et mobilise différents types d’acteurs, unis dans un esprit de révisionnisme. Il importe d’en prendre la mesure.

Questions sur le coût de la guerre



Questions sur le coût de la guerre
Un constat : la crise budgétaire des grands interventionnistes occidentauxLire la suite dans B. Badie, D. Vidal, Nouvelles guerres. L'état du monde 2015, La découverte, Paris, 2014 
Depuis l'avènement en 1989-91 d'un « entre-deux stratégique » ouvert par la fin de la bipolarité vers un système international encore incertain, les trois puissances militaires occidentales américaine, britannique et française, parfois accompagnées de partenaires, ont assuré la plupart des grandes interventions militaires et leur commandement. A l'exception de la guerre irakienne de 2003 (à laquelle la France de Jacques Chirac a refusé de participer), ce sont bien ces trois alliés que l'on retrouve ensemble, du Golfe (1991) à la Libye (2011), du Kosovo (1999) à l'Afghanistan (à partir de 2003). Agissant parfois plus individuellement, chacun des trois a conservé le soutien des autres: les États-Unis en Somalie en 1992, ou dans de nombreuses opérations contre « la terreur » après 2001, du Yémen jusqu’aux Philippines ; la France principalement en Afrique, comme en Côte d'Ivoire depuis 2001 (opération Licorne), en Ituri à la tête d'une opération labellisée Union européenne (2003), au Mali ou en Centrafrique aujourd'hui.
Or ce sont ces mêmes puissances qui affichent désormais, dans une grande transparence d'ailleurs, les restrictions imposées à leurs appareils de défense par une contrainte budgétaire que la crise financière internationale de 2008 a considérablement accentuée. Si sa marge de manœuvre reste énorme (37% des dépenses militaires mondiales en 2013, un budget militaire de 460 milliards d'euros), les coupes annoncées par l'Amérique sont impressionnantes (-7,8% en 2013, près de 500 milliards de dollars sur dix ans à partir de 2012).  Épuisée par ses deux aventures irakienne et afghane auprès de l'allié américain, l'armée britannique subit le programme d'austérité décidé par David Cameron en 2011 (8% de réduction sur la défense). La France a amorcé, avec le Livre Blanc de 2008 sur la défense et la sécurité nationale, un nouveau modèle d'armée, c'est à dire une réduction de son outil militaire intensifiée encore par le livre blanc de 2013. Si le budget global est à peu près maintenu du fait d'un effort sur les équipements (autour de 31 milliards d'euros annuels), ce sont 78.000 personnels qui sortent des effectifs (54.000 entre 2009 et 2015, plus 24.000 autres annoncés en 2013).
Un point amène certes à relativiser cette tendance: le temps n'est plus aux armées de masse, de conscrits ou de chair à canon, mais plutôt à des professionnels entraînés et équipés pour des missions de haut niveau. Et de ce point de vue les trois armées concernées maintiennent leur savoir-faire, ainsi qu'un niveau technologique peu égalé ailleurs. Elles conservent l’outil de la dissuasion nucléaire, qui leur confère un statut politique précieux. Mais comment ne pas voir également les rééquilibrages et les défis ? D'une part, ces trois puissances peuvent de moins en moins compter sur l'appoint de leur propre camp, otanien ou européen : les États membres de l'UE ont quasiment renoncé à la puissance, avec des budgets de défense dérisoires et la volonté politique qui va avec (-0,7% pour l'UE en 2013, mais huit pays ont diminué leur budget de plus de 10%, dont l’Italie, les Pays Bas et le Royaume-Uni). D'autre part, d'autres puissances, ailleurs, développent un instrument militaire à la vocation agressive peu dissimulée, tandis que des régions entières s'adonnent à la course aux armements. La Chine, avec un budget estimé depuis l'Ouest à environ 100-150 milliards de dollars annuels, travaille au développement de sa puissance maritime, et à des systèmes de déni d'accès aux espaces qu'elle considère comme siens en Mer de Chine du sud (les fameux A2/AD, ou anti-access/area denial). Elle a augmenté ses dépenses militaires de 7,4% en 2013 et annonce une augmentation de 12,2% de son budget défense pour 2014. La Russie, qui n'a pas la même marge de manœuvre, a augmenté son budget de 4,8% en 2013, et semble réhabiliter le fait accompli militaire, comme on l’a vu en Géorgie puis en Crimée. Dans le monde, 23 pays ont doublé leurs dépenses en dix ans, et aucun n'appartient à l'Alliance atlantique (par exemple l’Angola, tandis que l’Arabie Saoudite, avec 67 millliards de dollars et 9,1% de son PIB consacré à la défense, devient le 4e pays du monde pour les dépenses militaires, devant la France et après les Etats-Unis, la Chine et la Russie). A l'heure où de surcroît les troubles de sécurité issus du monde non étatique se multiplient (piraterie maritime, bandes armées, contestation religieuse armée, guerres de cartels…), le paysage se transforme, et le fossé, pour les grands intervenants occidentaux, semble se creuser entre les défis et les moyens.

Armées de riches, guerres de pauvres?
La question dépasse la simple promenade chiffrée, qui se résumerait comme au temps de la guerre froide à compter les missiles, chars et avions des uns et des autres. Car la mesure du rapport de force, avec les mutations de la guerre, a changé. Après l’armée rouge dans les années 1980, ce sont les Etats-Unis qui sortent d’Afghanistan sans avoir atteint leurs objectifs. Après le camouflet somalien de 1992 et peu de temps avant sa retraite afghane, la même Amérique quittait en 2011 un Irak en ruine. La France qui pouvait jadis, disait-on, « changer le cours de l’histoire » en Afrique avec quelques avions et une poignée d’hommes, s’est trouvée à la peine en Côte d’Ivoire (depuis le lancement de l’opération Licorne en 2002). Plus efficace dans l’opération Serval au Mali (depuis janvier 2013), elle fut prise ensuite dans une mission difficile en Centrafrique (opération Sangaris, depuis décembre 2013), sans jamais se trouver face à une armée régulière. Avec l’appui de son allié britannique et force soutien logistique américain, elle dut mobiliser des moyens importants pour venir à bout de la garde et des mercenaires d’un colonel Kadhafi tué dans l’opération, mais auquel ont succédé le chaos en Libye et la prolifération de violence au Sahel. Face aux machettes, aux pick-up et aux combattants de fortune, les riches peuvent-ils encore faire les guerres des pauvres ?

Uzbin`s Ambush (updated)

CSDP blog - Sun, 28/09/2014 - 16:41

Six years ago...

About the French presence in Afghanistan (in French)
Magazine vidéo de l'armée de Terre n° 32 sur le GTIA de Kapisa (Groupement Tactique Inter Armées) en Afghanistan.

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SECURITÉ : UNE COOPERATION EUROPE- AFRIQUE AU BILAN MITIGE…

CSDP blog - Tue, 02/09/2014 - 21:45

par András István Türke
2014-07-31, Géopolitique africaine 51.
http://www.geopolitique-africaine.com

Par le biais de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), l’Union européenne joue un rôle non négligeable dans les opérations de maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale partout dans le monde. Elle a ainsi conduit au cours des dix dernières années une quinzaine de missions ou d’opérations sur le continent africain, dont neuf sont toujours en cours. avec des résultats mitigés…

C’est en 2003, après être intervenue dans les Balkans (en Bosnie- Herzégovine, puis en Macédoine), que l’Union européenne élargit son rayon d’action vers l’afrique avec l’opération militaire artémis. Une opération perçue comme sa première opération militaire autonome, sa première mission de réaction rapide hors d’Europe, sa première opération appliquant le principe de la « nation-cadre » et sa première opération « relais » avec les Nations Unies.

L’opération artémis se déroule à Bunia du 12 juin au 1er septembre 2003, sous l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU (résolution 1484). Elle a pour objectif d’empêcher une catastrophe humanitaire en Ituri, région du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), déchirée par de violents combats entre ethnies rivales. Elle vise aussi à sauver le processus de paix en RDC en mettant un terme à un conflit ayant déjà causé plus de 3 millions de victimes directes ou indirectes.

Dix-huit pays européens participent à l’opération, assistés du Brésil, du Canada et de l’afrique du sud. Soit, au total, 2 200 hommes (avec les relèves) dont 400 sont regroupés sur la base arrière d’Entebbe, en Ouganda. La France assume la fonction de « nation cadre » de l’opération et fournit le contingent le plus étoffé : environ 80 % des effectifs engagés. Elle sera relayée par la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC) après le retrait des derniers soldats présents à Bunia.

L’opération artémis contribue à une stabilisation sensible de la zone : la population de Bunia passe de 40 000 à 100 000 habitants, les marchés rouvrent, l’aéroport et le camp de réfugiés de Bunia sont sécurisés et désarmés. L’Union européenne signe avec la RDC un programme de coopération de 205 millions d’euros sur une période de cinq ans et soutient également un programme plurirégional mené par la Banque mondiale.

Mais cette stabilisation s’avère fragile : après le démantèlement de la mission européenne, les massacres reprennent en Ituri. Qui plus est, on apprend que certains soldats de l’opération artémis informés des massacres perpétrés à 5 kms de Bunia — massacres de l’envergure de ceux de Srebrenica en 1995 en Bosnie-Herzégovine qui avaient fait 8.000 victimes — n’ont eu ni les moyens, ni l’autorisation d’intervenir…autre constat : la totalité des forces militaires mises à la disposition d’artémis n’est déployée que 36 jours après le vote de la résolution du Conseil de sécurité, même si les soldats français, eux, sont arrivés une semaine après. Les lacunes des moyens de transport aérien sont criantes. avec la mise en service de l’airbus a400M, l’acheminement aurait été possible directement à Bunia, sans escale à Entebbe. Le problème est que la charge utile de l’airbus est quatre fois moins grande (20 tonnes) que celle de l’antonov (80 tonnes). Ce sont donc les gros-porteurs russes — loués pour l’occasion — qui sont utilisés.

RDC : OPÉRATIONS POST-ARTÉMIS

Après l’opération artémis, la présence militaire de l’UE en RDC continue, mais avec un changement du théâtre : de l’Est-Congo (Ituri) à l’Ouest (Kinshasa, la capitale). Trois missions sont lancées : deux missions de long terme, EUPOL Kinshasa,•1 la première mission de police (civile) de la PSDC en afrique, et EUSEC RDC, une mission dont l’objectif général est de soutenir les autorités congolaises pour reconstruire une armée apte à garantir la sécurité sur toute l’étendue du territoire et créer les conditions favorables à un retour au développement économique et social. Enfin, une opération temporaire, EUFOR RDC, se déploie pour stabiliser le Congo démocratique pendant les élections présidentielles de 2006.

Malgré le chevauchement des mandats de l’UNPOL (mission de l’ONU) et de l’EUPOL, la coordination policière fonctionne plutôt bien. Le bilan de l’EUSEC, en revanche, est plus ambigu puisqu’en 2008, trois ans après son lancement, les forces du CNDP•2 ne sont pas neutralisées au grand dam des Forces armées de la République démocratique du Congo (FaRDC)… L’EUFOR RDC, elle, ne rencontre pas de difficultés majeures. Mais, elle connaît les « problèmes traditionnels » des missions européennes (interopérabilité défaillante, non-standardisation, manque de personnel et d’avions de transport tactique, sous-estimation de l’importance des actions civilo-militaires (aCM), etc.

Le système RETEX qui contribue à l’amélioration de l’outil de défense en participant à son évaluation au contact des réalités permet de tirer des enseignements utiles de ces missions. Mais le plus grand problème en RDC reste qu’il n’existe pas de conception régionale pour la pacification de la région des Grands lacs (RDC, Rwanda, Ouganda, RCa, problème Hutus-Tutsis, etc.). Un manque de vision préjudiciable.

FACE À LA CRISE AU DARFOUR

La crise du Darfour, au Soudan, connaît une nouvelle phase à partir de février 2003. L’Union africaine, pour la première fois depuis sa création, décide la mise en place d’une vraie mission civilo-militaire : la Mission de l’Ua au Soudan (aMIS). À cause de l’insuffisance de ressources financières propres et d’un manque d’expérience de ce type de mission, l’Ua est obligée de solliciter le soutien de l’Union européenne, de l’OTaN, de l’ONU et d’autres partenaires internationaux.

Pendant la mission de soutien de l’UE (2004-2007), presque toutes les bourgades les plus importantes sont détruites ou fortement endommagées. Les attaques des forces du gouvernement et des Janjawids (miliciens) ne cessent pas. Les mésententes des grandes puissances et des organisations internationales permettent aux parties qui ne sont pas prêtes à respecter un cessez-le-feu de tirer leur épingle du jeu. En raison des bonnes relations que le régime soudanais entretient avec la Russie et la Chine, le Conseil de sécurité de l’ONU demeure divisé sur la question du Darfour et les embargos décrétés par l’UE ne sont pas suivis d’effets.

Dossier parallèle, celui du Soudan du Sud qui devient indépendant en juillet 2011. Les relations de ce nouvel État sont très tendues avec la République du Soudan à cause des gisements pétroliers. Une guerre civile bloque le développement du pays. Dans le cadre de l’EUaVSEC- South Sudan (EU aviation Security Mission), entre juin 2012 et janvier 2014, un effectif de 34 personnes de l’Union européenne contribue à la sécurisation de l’aéroport international de la capitale. Par ailleurs, plus de 600 certificats de formation militaire sont délivrés. Mais, la mission n’est pas jugée assez efficace pour être prolongée.

au Darfour, les conclusions à tirer de l’action européenne sont essentiellement comptables : si l’UE soutient la Mission de l’Ua à hauteur de 300 millions d’euros au titre de la facilité africaine de paix, elle refuse au Soudan le bénéfice du 10e et du 11e Fonds européen de développement (FED), faute de ratification de l’accord de Cotonou révisé en 2005. Toutefois, par une décision du Conseil de juillet 2010 et une décision de la Commission de décembre 2013, l’UE alloue au Soudan 105,5 millions d’euros provenant de reliquats des précédents FED et du STaBEX (Système de stabilisation des recettes d’exportation) pour répondre aux besoins humanitaires et de développement, soit 76 millions d’euros au bénéfice des territoires de l’Est soudanais, du Sud Kordofan et du Nil bleu, et 22,5 millions d’euros au profit du Darfour.

Ce rôle de « grand argentier » ou de « généreux donateur » de l’UE n’est pas négligeable. Il montre néanmoins ses limites en n’apportant aux Européens qu’un minimum de respect et peu de reconnaissance… L’Union européenne n’a pas pu ou pas su collaborer efficacement avec l’Union africaine, une organisation aux projets ambitieux mais aux ressources financières trop modestes. Les mésententes entre l’OTaN et l’UE concernant le transport aérien stratégique n’ont rien arrangé. D’où, en 2006, notre suggestion aux responsables de l’Institut de sécurité de l’UE•3 de consacrer plus d’attention aux interactions du conflit du Darfour au Tchad et en RCa. L’opération « DORCa II »•4 lancée pour prévenir une déstabilisation progressive de la région et gérer la crise humanitaire issue des vagues de réfugiés est allée dans ce sens. Mais, elle n’a été menée que par la France...

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Le dilemme stratégique de Barack Obama

Publié dans Le Monde  du 19 août 2014
De la Syrie à Gaza en passant par l'Ukraine ou l'Irak, deux dilemmes classiques agitent la communauté internationale et font hésiter les politiques étrangères. Le premier porte sur la compatibilité entre les intérêts et les principes : faut-il agir dans une situation où la morale l'exige, mais dans laquelle le coût prévisible de l'action risque d'être trop élevé pour l'intérêt national réel ? Le second porte sur les moyens à mettre en œuvre pour faire triompher ses intérêts : l'usage de la force est-il toujours le meilleur moyen de s'imposer, ou bien cet instrument est-il devenu, dans le monde globalisé des années 2010, hautement contre-productif ?Face à ces deux questions, l'approche conservatrice, qui maintient sa croyance en la puissance dure au service de l'intérêt des Etats dans un monde régi par la confrontation, répond par l'interventionnisme militaire comme démonstration de puissance et de crédibilité à destination des alliés comme des adversaires. Une approche plus moderne et libérale mise davantage sur l'effet contraignant d'un système global, où la coopération et les intérêts partagés en bonne intelligence par la société mondiale forment un carcan normatif auxquels tous les acteurs devront bien finir par se plier.
« RAJOUTER LA GUERRE À LA GUERRE »
Dans la première perspective, l'intervention est presque toujours la solution. Dans la seconde, elle ne fait que « rajouter la guerre à la guerre », pour reprendre une rhétorique mitterrandienne. Vieille question de théorie des relations internationales, à ceci près que le défenseur le plus audacieux de la seconde approche est aujourd'hui le président des Etats-Unis, que cette posture lui vaut d'être cloué au pilori, et que le résultat de son pari pourrait réserver des surprises.Fallait-il intervenir en Syrie contre le régime de Bashar Al-Assad en 2013 ou même avant ? Faut-il une riposte massive à la politique russe en Ukraine, y compris si celle-ci doit intégrer la possibilité d'un volet militaire ? Faut-il un réengagement militaire massif en Irak pour arrêter le « calife » Abou Bakr Al-Baghdadi ? A ces trois questions, Barack Obama répond non, au nom d'une conviction exprimée à plusieurs reprises selon laquelle l'action militaire n'est plus la solution aux crises du monde actuel.Ce non fut tardif et brutal en Syrie, immédiat en Ukraine, plus difficile à maintenir en Irak : procédant finalement à des frappes conte l'Etat islamique depuis le 7 août, Washington souligne systématiquement néanmoins que ces frappes sont destinées à protéger des Américains, qu'elles ont par ailleurs des raisons humanitaires et que les Etats-Unis ne peuvent résoudre tous les problèmes du monde en y intervenant chaque fois.
CONTORSIONS D'UNE COMMUNICATION HÉSITANTE
Cette posture, brouillée par les contorsions d'une communication parfois hésitante et des revirements, comporte au moins trois défauts.D'abord, elle passe dans le débat américain pour un aveu de faiblesse, et contribue à la « cartérisation » du président par un Parti républicain prompt à l'accuser d'avoir perdu le Moyen-Orient, la Crimée, l'Asie, et à peu près tout le reste.Ensuite, elle inquiète et mécontente certains alliés de Washington, qui se mettent à douter de la crédibilité de la garantie américaine en cas de problème pour eux-mêmes ou considèrent les réflexions trop subtiles de M. Obama comme l'annonce d'autant de trahisons pures et simples.Elle a enfin le tort d'être minoritaire dans un monde où le fait accompli semble demeurer une valeur sûre, où la course aux armements reste de mise, où la détermination affichée des alliances continue de payer, et où le désengagement coûte cher.Pour autant, le pari de M. Obama est loin d'être stupide. En premier lieu parce que le bilan récent de l'usage international de la force est désastreux. Les Etats-Unis le savent mieux que quiconque après les expériences irakienne et afghane.Israël, qui continue de miser sur l'intervention armée, n'est ressorti ni réellement victorieux, ni plus sécurisé, ni renforcé de ses opérations au Liban en 2006, à Gaza en 2008-2009, et ne fera sans doute pas mieux au sortir de la crise de l'été. Le coût politique de l'opération de Crimée et de la situation dans l'est ukrainien, pour la Russie de Vladimir Poutine, pourrait s'avérer très lourd.Les démonstrations réussies de l'outil militaire, dans les temps récents, sont à vrai dire plutôt rares et obéissent à quelques règles difficiles à réunir : elles doivent être pointues, proportionnées, limitées dans le temps, légitimées par les Nations unies, et en mesure de passer le relais à l'action multilatérale : à ce titre l'opération française « Serval » au Mali fait figure de cas d'école, mais ne sera pas reproductible tous les jours, et encore moins par n'importe quelle puissance.Surtout, le monde ne répond plus aux règles d'un jeu à somme nulle où ce qui était gagné par un joueur était perdu pour ses adversaires. A M. Poutine qui veut démontrer la supériorité du fait accompli en prenant la Crimée, M. Obama répond : « Nous vous isolerons », excluant d'emblée une surenchère militaire et jouant le long terme.
LA CARTE DE LA PUISSANCE STRUCTURELLE CONTRE LA PUISSANCE BRUTE
Plutôt que d'opter pour la démonstration de force – bien incertaine – le pari du président américain est autre, consistant à prouver que nul ne peut se permettre le coût politique ni économique de ce type de comportement dans le monde de 2014. Il joue ainsi la carte de la puissance structurelle contre la puissance brute, et oppose à l'usage de la force la contrainte de règles internationales protéiformes, qui se jouent sur des terrains aussi variés que la sécurité, le commerce, l'investissement, l'image…Barack Obama a probablement raison de croire que la prudence et l'évitement des erreurs sont bien une politique étrangère en soi, là ou d'autres veulent improviser des grands desseins au mépris des complexités du terrain.Pour que sa politique paye, il faudra d'abord au président américain quelques résultats visibles obtenus par une politique de soft power (non violente) et de pression progressive : une désescalade en Ukraine et un assouplissement de la position russe à mesure que les sanctions contre Moscou se renforceront, seraient pour lui salvateurs.Il devra ensuite compenser les mécontentements de certains alliés exigeants par le renforcement de nouvelles structures de solidarité autour de la garantie de sécurité américaine, notamment en Europe et en Asie.Il faudrait enfin (Irak et Afghanistan), qu'un usage parcimonieux et maîtrisé de la force et de la présence militaire, couplé à la mise et œuvre de nouveaux pactes politiques initiés par les Etats-Unis, se montre rapidement productif, par comparaison avec le « tout militaire » de l'absurde « chaos créateur » des néoconservateurs dans les années 2000. Alors seulement, la démonstration sera faite que le hard power (usage de la force) à l'état pur n'est plus de mise, et que le système de l'après-guerre froide, jusque-là introuvable, entrerait enfin dans sa phase de consolidation.
Dans le cas inverse, le bilan de l'action de Barack Obama suscitera d'abord un redoutable retour de balancier aux Etats-Unis, puis le triomphe de la politique de la force ailleurs. Et les règles brutales classiques des relations internationales reprendront leurs droits.

Ariel Colonomos, La politique des oracles. Raconter le futur aujourd’hui


 Ariel Colonomos, La politique des oracles. Raconter le futur aujourd’hui, Albin Michel, Paris, 2014Retrouvez les autres notes de lecture dans la Lettre de l'IRSEM n°5-2014
On demande (trop ?) souvent aux savants de prédire le futur pour le compte des décideurs. Au point que le futur est devenu un marché et donc une compétition. Prédire l’avenir avec force est aussi une façon de le déterminer (et donc une manipulation). Le futur est désormais un récit en soi, voir loin est un devoir, mais voir juste reste un luxe. Etudes de cas à l’appui, Ariel Colonomos nous livre une sociologie des oracles, de leurs pythies et de leurs commanditaires, depuis le temps des superstitions jusqu’à celui des think tanks. Pour des raisons évidentes, cela intéresse directement la réflexion stratégique, elle-même sujette aux « scénarios », à la « prospective », aux « anticipations ». L’auteur avait d’ailleurs organisé un colloque au CERI en 2012, soutenu entre autres par l’IRSEM, sur ce thème (Predictions for International Security: The Knowledge Practice Enigma).
Qui sont les experts de la futurologie ? A. Colonomos en dresse quelques portraits ici, comme ceux d’Alvin Toffler, d’herman Kahn, ou en France de Bertrand de Jouvenel. Doit-on privilégier, pour reprendre la distinction d’Isaiah Berlin, l’expertise des hérissons (qui ne voient le monde qu’à travers quelques règles et spécialités), ou celle des renards (généralistes qui à l’inverse refusent les schémas monographiques et les idées simples) ? Si la domination des hérissons, selon l’auteur, semble forte dans le monde anglo-saxon, il se pourrait bien que les renards l’emportent en France (selon nous…). Pourquoi ce besoin d’anticiper l’avenir ? A cause des tensions internationales qui inquiètent et exigent de savoir comment s’y préparer ? Parce que le modèle économique libéral y pousse ? Et avec quels instruments ? Simulations, indicateurs ou « rapports d’experts » (le Global Trends  de la CIA est épinglé ici) ne sont jamais neutres, et construisent en partie, par leurs présupposés ou objectifs initiaux, les conclusions à venir. Ils ont leurs vedettes du moment et leurs modes (comme le « What if ? » de l‘histoire contrefactuelle, ou « que se serait-il passé si… ? [si l’histoire avait évolué autrement] ». ils ont leurs hantises : la linéarité (demain sera-t-il le prolongement d’aujourd’hui et donc d’hier ?), le couple rupture / continuité (assistons-nous à une rupture systémique ?), la spécificité d’une aire culturelle (cette région peut-elle s’analyser selon des lois internationales générales, ou dois-je avoir recours à ses seuls spécialistes ?), le risque pays (que risqué-je en y investissant ?), le développement (est-il économiquement porteur d’y investir encore ?), etc.
Les oracles ont aussi leur bilan, sur quelques grands tournants de l’histoire que presque personne, malgré les moyens déployés, n’avait su annoncer. La chute de l’URSS en constitue évidemment un exemple célèbre (p.108 et sqq.), dont Karl Deutsch avait été l’un des rares à déceler les signaux (Karl Deutsch, "Cracks in the Monolith: Possibilities and Patterns of Disintegration in Totalitarian Systems," in C.J. Friedrich, Totalitarianism, Harvard University Press, 1954). A partir de cette fin surprise de la guerre froide, l’auteur revient sur la sociologie du débat universitaire, sur la difficulté qu’il y a à exprimer publiquement la croyance en une rupture quand bien même on la voit venir, la difficulté à « oser se tromper », et à défier le « ralliement au pari de la majorité » (p.129). Si le cas soviétique montre la difficulté des généralistes des relations internationales à penser le changement de système, l’évolution du monde arabe illustre la difficulté des area studies à innover conceptuellement (R. Khalidi y avait annoncé en 1985 la fin des dictatures et en tout cas le sursis des élites, d’ici à dix ans). Le cas chinois, obsessionnel aujourd’hui et qui mobilise une grande partie des ressources investies dans les oracles modernes, souligne l’omniprésence, chez les décideurs, de la question de la confiance : « peut-on leur faire confiance ? ». la même question se posait sur Gorbatchev dans les années 1985. Dans ce marché de l’oracle, les think tanks fascinent. A. Colonomos en fait, là aussi, une sociologie passionnante, chiffres, cartes, données à l’appui, dans l’un des meilleurs passages de ce livre. Contrairement aux idées reçues qui peuvent circuler à cet égard en Europe, le think tank américain n’est pas cette structure souple, récente, moderne et adaptable : il est bien davantage marqué par la permanence (les plus grands think tanks américains sont nés dans la première moitié du XXe siècle et les nouveaux venus sont peu nombreux dans ce cercle fermé). Les think tankistes sont généralement des mâles baby-boomers (donc déjà âgés), issus des grandes universités proches de Washington, délivrant des analyses au nom du patriotisme et articulées autour de l’idée d’intérêt national.
plusieurs questions importantes ressortent de la lecture de ce livre. On peut d’abord se demander si les success stories  existent : des grands événements improbables ont-ils déjà été annoncés par des experts, et ceux-ci ont-ils été écoutés ? A. Colonomos évoque Peter Singer (Brookings Institution) dont  la thèse doctorale annonçait une tendance à la privatisation des armées. On pourrait aussi songer, en France, à Gilles Kepel luttant contre le scepticisme de l’université pour entamer finalement, grâce à Rémy Leveau, une thèse sur le mouvement islamiste égyptien qui assassinera Anouar el-Sadate quelques mois plus tard (thèse qui donnera l’ouvrage Le prophète et le Pharaonen 1984). Mais ont-ils été entendus en leur temps, ont-ils changé la politique menée ? on peut également s’étonner du fossé qui existe souvent entre d’une part l’exigence d’utilité sociale adressée à l’expert (« à quoi servez-vous si vous n’êtes pas capable de me dire avec précision ce qui arrivera ? »), et d’autre part la difficulté des commanditaires à organiser les canaux d’exploitation des expertises ainsi livrées : qui prend le temps de lire ou faire lire des travaux épais, qui prend le risque de consacrer un service à la lecture des travaux qui pourraient être utiles, ou d’aller à la rencontre de leurs auteurs ? La question centrale, toutefois, est posée par Ariel Colonomos lui-même en fin d’ouvrage : que faire, lorsqu’on l’entrevoit, pour éviter ce futur qui s’annonce, dans un monde où la préférence va à l’inaction, et où la prévision audacieuse se heurte à une régulation par la réputation ?

Y.H. Zoubir, L. Dris-Aït-Hamadouche, Global Security Watch – The Maghreb



Y.H. Zoubir, L. Dris-Aït-Hamadouche, Global Security Watch – The Maghreb, Praeger, Santa Barbara, 2013
North Africa remains much less studied (in the academic field) than the eastern part of the Middle-East (Egypt, Levant, Near East and the Gulf). This recent issue of the Global Security Watch series (see also former issues on Pakistan, Syria, Lebanon or Jordan) provides us with a timely and relevant introduction to the Maghreb (plus valuable bibliographies).
Starting with internal security dimensions, then addressing the collective security mechanisms (or their absence), the book depicts a region ridden with instability. The Moroccan-Algerian row over Western Sahara, the Libyan conundrum (under Qadhafi then because of his demise), and an increasing link with Sahel and Nigerian security challenges, undermine regional structures. Algeria’s complex game between Morocco and Libya, Morocco’s strong alliance with the U.S. and France, Tunisia’s efforts to survive in a troubled neighbourhood, the new presence of China, the ongoing presence of Russia (especially in Algeria), all account for new foreign policy puzzles. The encounter between transnational actors (such as AQIM, Boko Haram, or, in a different category, the Tuaregs) and national security forces (with much different traditions and relations to society, as chapter 1 by Cherif Driss remarkably illustrates), is also a key parameter to the future of the region.
A french reader might be surprised that France’s role is barely mentioned here. After decades of political presence in the Maghreb, a recent intervention in Mali (ongoing since 2013), and a newly reorganized military presence in West Africa, it might have deserved more. The book’s objective, though, was clearly to address the dynamics among Maghreb’s local actors. For they – and no one else – are the key to understand the great North African game.

Ch. Balssa, L’Australie et les relations internationales


Ch. Balssa, L’Australie et les relations internationales, Editions du Cygne, Paris, 2014
 
A signaler, ce petit livre qui récapitule l’équation stratégique australienne à l’heure d’un nouveau Livre Blanc (2013). Réinvention des liens avec les Etats-Unis à l’épreuve de l’avancée chinoise, correction d’une image d’arrogance (et d’une histoire pour le moins difficile avec les minorités indigènes), réinvestissement dans cette vaste zone insulaire qu’est le Pacifique Sud (comme lors de l’opération RAMSI sur les îles Salomon en 2003), crainte d’être pris dans un bras de fer sino-américain, une armée encore réduite (59.000 hommes en 2013), un effort pour renforcer les liens avec le Japon, l’Indonésie et l’Inde : tels sont quelques uns des paramètres de la posture stratégique du géant d’Océanie. Classée comme une puissance moyenne dans les typologies anglo-saxonnes, l’Australie, avec le Canada et quelques autres, fait partie de ces « émergents occidentaux » sur lesquels comptent de plus en plus les Etats-Unis, et desquels se rapproche la France (notamment par un partenariat stratégique en 2012).
 

ThyssenKrupp sales his submarine shipyard Kockums to Saab

CSDP blog - Mon, 30/06/2014 - 19:32

The German naval shipbuilding industry is comprised of numerous yards; however, only Howaldtswerke-Deutsche Werft (HDW) and Thyssen-Nordseewerke (TNSW) have experience in the construction of submarines.

Before its merger with ThyssenKrupp, HDW had already created partnerships with international shipbuilding companies. In 1999, HDW acquired Kockums, the leading Swedish naval shipyard, which pioneered the development of stealth surface vessels (Visby-class frigates) and Stirling AIP systems for submarines.

In late 2004, HDW was acquired by ThyssenKrupp, forming the new group ThyssenKrupp Marine Systems. ThyssenKrupp Marine Systems includes HDW, Sweden's Kockums, and Hellenic Shipyards in Greece. ThyssenKrupp offers three types of submarines for export:
- Type 209: diesel-electric patrol submarines, produced since 1974 in various versions;
- Type 212A: hybrid diesel-electric/Air Independent Propulsion (AIP) submarines, with an AIP system based on fuel cell technology;
- Type 214: hybrid diesel-electric/AIP, long-range submarines incorporating successful design features from Type 209 and 212A boats, as well as the Dolphin-class, which are diesel-electric boats tailored to Israel's needs.
HDW has exported over 50 Type 209 submarines to a dozen countries, including Argentina, Colombia, Indonesia, Chile, India, Brazil, South Korea, Turkey, and Greece. In 2004, Portugal ordered two Type 209 vessels (fitted according to Type 214 specifications), which were delivered by HDW in late 2010.

Today, Germany's ThyssenKrupp said it had agreed to sell its submarine shipyard (Kockums) in the south of Sweden to Swedish defense firm Saab for 340 million Swedish crowns ($50.48 million). Saab and ThyssenKrupp announced in April they were in talks on the sale of the unit after the German group failed to reach a deal with Sweden for a new generation of submarines.
"The acquisition is in line with Saab's ambitions to increase its capacity within the marine area and strengthen the company's position as a full supplier of military systems," Saab said in a statement. The transaction is not expected to have a significant impact on 2014 results, the Swedish company added, noting that ThyssenKrupp Marine Systems will be integrated within Saab's Security and Defense Solutions division.

Sweden had been seeking ways to share development costs with other potential buyers of its A-26 submarine but failed to agree on commercial terms with ThyssenKrupp, which also builds submarines in a separate business in Germany. Sweden's government asked Saab earlier this year to come up with a strategy to support Swedish submarine naval forces. Defense analysts saw the move as opening the door for the Swedish company to build submarines instead.

ThyssenKrupp Marine employs around 1,000 staff in Sweden, mainly in the southern Swedish cities of Malmo and Karlskrona. The Marine Systems unit, which also makes naval ships, posted sales of 1.33 billion euros last year.

($1 = 6.7357 Swedish Kronas)

Source : Reuters, NTI

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FAA - nouveau délai : décembre 2015

CSDP blog - Mon, 30/06/2014 - 00:00

La mise en œuvre de la FAA (Force africaine en attente), fortement soutenu par l`UE et le programme EURORECAMP était annoncée pour 2010 mais quatre années après toujours rien, la FAA censée rendre l’Afrique « autonome » en matière de prévention et de gestion des conflits, n’existe toujours que dans les discours.

Le dernier sommet de l’Union africaine (UA) tenu fin juin 2014 à Malabo (Guinée Equatoriale) a remis le sujet au goût du jour. Au-delà des difficultés structurelles dans sa mise en place, l’opérationnalisation de la FAA reste toujours victime des querelles de leadership et d’un manque manifeste de volonté politique. Pourtant, avec la naissance de l’Union africaine (UA) en 2002, sur les cendres de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), une nouvelle architecture de paix et de sécurité était mise en place par les dirigeants africains. L’idée sous-tendant cette nouvelle approche, était l’appropriation voire l’africanisation des opérations de maintien de la paix sur le continent.

Au cœur de ce dispositif se trouvait la FAA, celle-ci devait être l’émanation progressive d’un travail préalable, à savoir la création et l’opérationnalisation des brigades provenant de chacune des cinq régions que compte l’Afrique. Pour Amandine Gnanguênon, chercheure principale au bureau Afrique de l’ouest de l’Institut d’études de sécurité (ISS), le retard est dû à deux principaux problèmes : un déficit de capacités opérationnelles et une absence de financements. « Entretenir une force comme celle-là coûte extrêmement cher et on s’est aperçu finalement que les Etats africains qui d‘ailleurs dépendent fortement des financements extérieures n’étaient pas prêts à mettre de l’argent », a-t-elle expliqué dans un entretien avec Ouestafnews.

A cela s’ajoute, selon la chercheure, un volet opérationnel défaillant, en dépit de l’annonce faite en marge du sommet des chefs d’Etats de Malabo par le commissaire à la Paix et à la Sécurité, Smail Chergui, selon laquelle la plupart soient aujourd’hui prêtes. « Quand on dit Force africaine, c’est une force qui est en fait composée de différentes armées nationales, le problème c’est que ces armées nationales n’ont pas atteint elles-mêmes le niveau minimum requis », relève Amandine Gnanguênon.

Les cinq brigades régionales qui doivent donner naissance in fine à la FAA sont ECOBRIG au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, La FOMAC dans le cadre de la Communauté Economique des Etats d’Afrique centrale, la SADCBRIG, pour l’Afrique australe et l’EASBRIG pour l’Afrique de l’est. A ces problèmes opérationnels, viennent s’ajouter une querelle de leadership et une différence de vision dans la mise en œuvre même de la force continentale. Si l’Afrique du Sud penche pour une force continentale, le Nigeria serait plutôt favorable à une approche régionale. Cette divergence entre ces deux géants de l’UA, est aussi ressortie à Malabo. La Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (Caric), dispositif transitoire à la FAA, annoncée en mai 2013 lors du cinquantenaire de l’UA par la présidente de la Commission, Nkosasana Dlamini-Zuma et qui devait se concrétiser courant 2014, peine à se mettre en place.

La Caric, cataloguée comme une « création sud-africaine » n’emporte pas cependant l’adhésion du Nigeria et de certains pays d’Afrique de l’est, selon les observateurs. Contrairement aux forces régionales, la Caric repose sur le principe d’engagement volontaire des Etats dont une dizaine s’était manifestée. Un engagement qu’ils ont confirmé à Malabo et auquel se sont joints, le Burkina Faso et l’Egypte, selon Smail Chergui, cité par la presse internationale depuis Malabo. « La FAA devait être prête en 2015, mais on n'est pas sûrs que ce soit le cas. Sa mise en place demande du temps, de l'expertise, des hommes et du matériel. Ce doit être l'outil parfait, mais on ne peut pas attendre qu'il soit prêt à l'emploi. D'où la Caric, qui sera une force provisoire et immédiatement opérationnelle » expliquait en mai 2013, Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères.

En dépit de ce cheminement très laborieux, le conseil de paix et de sécurité maintient le caractère « impératif » de l’opérationnalisation de la FAA dont le nouveau délai fixé est décembre 2015. Ce dont doutent beaucoup d’observateurs, qui mettent en cause l’incapacité de l’UA à financer elle-même sa propre force de sécurité, et dénonce au passage un réel manque de « volonté politique » des Etats africains. « Si les Africains ne contribuent pas, dans la mesure de leurs moyens, à la mise en place de l’architecture de paix et de sécurité dont le continent a urgemment besoin, cette architecture risque d’être assez largement artificielle », soulignait dans un entretien avec Rfi, Thierry Vircoulon, directeur du projet « Afrique centrale » au sein de l’International Crisis Group. En plus de la rivalité entre le Nigeria et l’Afrique du sud, les puissances financières et militaires de l’Afrique du nord trainent aussi le pas.

« L'Algérie et l'Égypte, farouchement nationalistes, ne montrent pas beaucoup d'empressement à s'impliquer sans réserve dans une entité multirégionale », déplore sur son blog, Laurent Touchard, spécialiste du terrorisme et des questions de Défense. D’après les estimation à terme la FAA, devrait réunir jusqu’à 32 .000 hommes pour un coût de plusieurs dizaines de millions de dollars, or l’UA survit grandement grâce à l’aide de ses « partenaires ». Plus grave encore entre 2012 et 2013, la contribution des Etats membres au budget est passée de 5 à 3,3%. Conscient de cet obstacle financier, l’UA avait chargé l’ancien président du Nigeria, Olesegun Obasanjo de trouver des financements alternatifs. Mais là encore on attend, la mise en œuvre de la proposition faite par le président Obasanjo, préconisant de prélever une taxe de 10 dollars sur les billets d'avion et d'une taxe de 2 dollars sur les séjours hôteliers, pour un revenu annuel espéré de 763 millions de dollars.

Source Ouestaf News

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Avenir de la mémoire


Avenir de la mémoireEditorial de la Lettre de l'IRSEM n°4-2014




En ces temps de commémorations importantes, et structurantes pour la société qui est la nôtre, interrogeons le statut politique et social de la mémoire, ainsi que son avenir. Concept fort mobilisé dans les politiques d'Etat, mais réputé en sciences sociales pour sa complexité et ses pièges, la mémoire est d’autant plus mouvante qu’elle s’examine aux confins d’autres notions, comme l’identité, l’histoire, la culture, l’éducation… La mémoire a-t-elle des fonctions ? Comment se fabrique-t-elle et s’entretient-elle ? Comporte-t-elle des dangers ? Comment la réinventer demain ?
Des fonctions, la mémoire en a assurément, et les auteurs sont légion à s’y être penchés (A. HOUZIAUX, La mémoire pour quoi faire ?, P. RICOEUR, La mémoire, l’histoire, l’oubli, M. HALBWACHS, Les cadres sociaux de la mémoire, Y. DELOYE, Sociologie historique du politique…). Ciment national, armature de socialisation, raison d’un vivre ensemble, la mémoire est à la fois un agrégat de souvenirs individuels et collectifs vécus, pour les uns, la représentation transmise d’un passé non vécu, pour d’autres. Elle fait revivre, par le souvenir direct ou le témoignage, des moments forts qu’elle sacralise à l’occasion pour en faire des points de repère collectifs, dont la lecture peut d’ailleurs varier avec le temps (comme la « Grande guerre patriotique » en URSS puis en Russie). Elle permet à cet égard de rassembler, de respecter, de se situer. Rassembler d’abord, en permettant à des individus qui ne se rencontreront jamais physiquement, de faire communauté autour de ces points de repères (B. ANDERSON, Imagined Communities). Presque toutes les familles françaises ont été touchées par la Grande guerre : elles savent avoir cela en commun, même si elles n’en parleront jamais toutes ensemble. Respecter, ensuite, en rappelant ce qu’a signifié pour d‘autres avant nous, parfois venus d’ailleurs, le prix de la liberté et de la démocratie que l’on goûte aujourd’hui. La célébration du débarquement du 6 juin 1944, des soldats qui l’ont réalisé, des concepteurs qui l’ont pensé, des résistants qui l’ont préparé à leur échelle et dans les conditions que l’on sait, participe de cet apprentissage nécessaire du respect. Se situer ensuite, car les peuples ont des histoires communes qu’ils ont appris à maintenir (pour les Alliés américains, britanniques et français), ou à surmonter (avec nos voisins allemands). Dans les deux cas, le travail commun de mémoire est gagnant : se rappeler ce qui nous a unis, savoir ce que nous avons su dépasser pour vivre désormais ensemble, façonne chaque jour l’identité.
Cette mémoire ne tombe pas de nulle part. Elle s’entretient et fait l’objet de politiques publiques. Par les commémorations (O. IHL, La fête républicaine), par la production d’un discours (M-Cl. LAVABRE, « de la notion de mémoire à la production de mémoires collectives »), ou d’une éducation (L. de COCK, E. PICARD, La fabrique scolaire de l’Histoire), elle se diffuse. Elle s’écrit, surtout, et s’élabore : qui la fabrique, et a-t-elle des arrière-pensées ? Le débat sur l’écriture de l’histoire comme paramètre de la mémoire est connu (P. VEYNE, Comment on écrit l’Histoire, M. FERRO, Comment on raconte l’histoire aux enfants), et mène à la question de l’usage politique du passé  (F. HARTOG, J. REVEL, Les usages politiques du passé). On glisse alors vers les pièges de la mémoire, à ne jamais sous-estimer. Le premier d’entre eux est celui de l’occultation, qui transforme les pages peu glorieuses en tabous, puis en abcès de fixation. La mémoire est alors « empêchée », ce qui – les psychanalystes le savent – finit toujours mal. Dans la mémoire de guerre, éviter ces zones d’ombre est chose particulièrement difficile, et le rôle des historiens dans les démocraties n’en est que plus fondamental. Le deuxième piège est celui de la division, ou « l’Histoire comme champ de bataille » (E. TRAVERSO), lorsque la mémoire se fait plurielle, s’écrit dans le divorce, chacun de son côté, parfois au sein d’une même nation. C’est là tout le défi de la problématique mémoire et réconciliation, pour les sociétés convalescentes, du Cambodge à l'Afrique du Sud, des Balkans à l’ancien bloc de l’Est en passant par les anciennes dictatures sud-américaines, lorsque la mémoire, par une douleur trop forte, ne rassemble plus. Lorsqu’elle n’est plus partagée. Enfin, la manipulationde la mémoire reste d’actualité, plusieurs décennies après les grandes époques de la propagande. Manipulation par invention d’un passé qui ne fut jamais celui que l’on veut imposer aux esprits. Manipulation par exhumation, par résurgence, des pages douloureuses destinées à raviver des plaies dans une entreprise de violence à venir (à l’image de Slobodan Milosevic remettant au goût du jour après 1989, et à l’occasion de son 600e anniversaire, la Bataille du Champ des Merles au Kosovo, en même temps que l’ennemi « turc »). Manipulation sur les origines, et donc sur l’appartenance des lieux, des territoires ou des symboles (« cela nous a appartenu, donc cela nous appartient » : l’affaire de Crimée nous le rappelle aujourd’hui).
Quand bien même la vigilance contre ces dangers, en démocratie, serait intacte, à quoi donc doit servir la mémoire ? Pourquoi se souvenir ? D’abord pour assumerson histoire : la guerre en fait presque toujours partie, elle ne fut pas toujours juste ni intégralement héroïque, elle le fut aussi néanmoins, et rares sont les Etats à échapper à cette règle. Le reconnaître, l’examiner, permet ensuite de comprendre, et c’est là un deuxième objectif. Comprendre la sociologie de l’héroïsme et le pourquoi du non-héroïsme, comprendre ce que furent les comportements en temps de guerre, aide notablement à construire la paix. Enfin, la mémoire permet de se projeter, au nom d’une continuité et des acquis parfois chèrement payés : ni la frénésie de l’avenir dans l’ignorance du passé, ni l’obsession du passé (qui peut signifier celle du déclin) sans nouveau grand dessein, sans projet cohérent, ne sont bonnes conseillères d’une nation.
Si ces considérations ne sont pas nouvelles, l’acte de mémoire connaît aujourd’hui un triple défi, de nature à modifier sa signification comme ses modalités. Le premier défi consistera bientôt à devoir se souvenir sans les acteurs, c'est-à-dire sans les vétérans. Passer de la mémoire vécue à la mémoire transmise, comme on le voit déjà pour la Grande guerre après la disparition du dernier Poilu, change naturellement les mécanismes de la mémoire et de son entretien. Car le devoir de mémoire consiste certes toujours, au fil de ce processus, à rendre hommage à des hommes, mais de plus en plus aussi à célébrer des valeurs. Les valeurs en démocratie étant celles de la paix, survient un autre défi : commémorer pour prévenir, et non plus pour célébrer. Prévenir de nouvelles tensions avec l’autre plutôt que lui rappeler sa défaite. Se réjouir de la paix consolidée plutôt que de se satisfaire de la victoire passée. Insister sur le partage de la victoire (par exemple avec ceux qui, en Allemagne, ont résisté au nazisme), plutôt que de capitaliser sur elle, en termes de « réparations » hier, ou de « rang » aujourd’hui. Cela implique, on l’imagine, un travail important sur soi et sur ce qui fut pendant longtemps l’essence du patriotisme. Enfin, il faut imaginer ce qui sera – ce qui est déjà – la commémoration, la mémoire, à l’heure des nouvelles communications (M. CREPON, « La mémoire des guerres. A propos de la modernisation des commémorations », J. GARDE-HANSEN et al., Save as… Digital Memories). Dans son travail de thèse sur Les représentations du passé soviétique dans la Russie actuelle (Paris II, sous la direction de J. CHEVALLIER, 2014), Elena MORENKOVA attire notre attention sur l’individualisation croissante de la mémoire à l’heure du numérique. La 'commémoration en ligne', prévient-elle à partir de l’étude de cas russe, annonce une mémoire davantage familiale que nationale. A l’évidence, et même si les manifestations de ce phénomène ne seront pas les mêmes partout, il importe de se préparer aux nouveaux vecteurs de la mémoire, aux nouveaux instruments du souvenir, aux nouvelles quêtes personnelles de la commémoration.

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