(B2) 400 militaires étaient réunis pour l’exercice Euretex 2016 de l’Eurocorps qui vient de se dérouler du 22 au 28 septembre au camp militaire du Valdahon.
Venus de six pays européens, les unités françaises, allemandes, belges, luxembourgeoises, espagnoles et polonaises du génie ont travaillé conjointement pour tester et améliorer l’interopérabilité et la coopération. Un objectif non déclaré : se préparer à être déployé sur le terrain. Au programme : la détection des engins explosifs improvisés — avec l’intervention d’une unité NEDEX (neutralisation, enlèvement, destruction des explosifs), la lutte contre les menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN), l’ouverture de bâtiments et d’itinéraires piégés, et une opération de franchissement de coupure humide.
Un point intéressant : la présence de militaires américains. 40 soldats de l’US Army ont pris part à tous les exercices et manœuvres, avec comme objectif de développer la coopération tactique entre les unités européennes et le partenaire outre-atlantique.
(Lucas Millet) Lire aussi :(BRUXELLES2 à Bratislava) En voulant donner quelques exemples de la faiblesse européenne en matière de défense (côté UE), le secrétaire général de l’OTAN, d’habitude très prudent, s’est avancé un peu vite dans l’histoire. « Trois des quatre bataillons alliés présents à l’Est sont dirigés par des non membres de l’Union européenne : les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni… » a indiqué face à la presse Jens Stoltenberg. Et hop ! Exit le Royaume-Uni, malgré tous les efforts de Michael Fallon (le ministre brit’ de la Défense) pour animer les débats et malgré toutes les déclarations contraires de Londres — qui n’a toujours pas déclenché la procédure de départ de l’Union européenne (le fameux article 50).
(NGV)
L’équipe de Jens Stoltenberg (à gauche) et l’équipe de Michael Fallon (à droite) en train de définir leurs lignes « médias », quasiment côte à côte (© NGV / B2)
(BRUXELLES2 à Bratislava) Tout le monde en parle, le mot est sur toutes les lèvres… « Alors l’armée européenne ? C’est pour demain ? Combien de divisions ? Quels pays ? », etc.
Une vaste fumisterie
En fait, le seul sujet dont on n’ait pas parlé à Bratislava (et jamais d’ailleurs vraiment dans une réunion européenne), c’est bien celui-là, l’European Army n’a jamais existé autrement que dans le fantasme de quelques Britanniques en mal d’existence. A Bratislava, on a parlé de sujets autrement plus concrets (et pour tout dire presqu’ennuyeux…) : industrie européenne, incitants pour mieux coopérer ensemble, budget de recherche, développement d’un QG autonome de l’Union pour conduire ses propres missions et opérations de par le monde, réforme des battlegroups, etc. C’est beaucoup moins sexy !
Le talent britannique
C’est tout le talent des Britanniques : inventer un sujet qui n’est pas mis sur la table pour être sûr de pouvoir s’y opposer sans craindre d’être contredit. Le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon, avait déjà effectué un premier tir, médiatique, dans une interview donnée à mes confrères du Times, il y a quelques jours, en plein Conseil européen à Bratislava. Cela avait détonné. Il a réitéré encore aujourd’hui à son arrivée à la réunion informelle des ministres.
« Nous allons continuer à nous opposer à une idée d’armée européenne ou à un QG européen car cela [revient à] saper l’OTAN. [L’OTAN] doit rester la pierre angulaire de notre défense et de la défense de l’Europe. » (Michael Fallon)
Du génie médiatique ! Car, du coup, cela part en fusée. Cela remplit les gazettes, même les plus sérieuses. Les titres s’enchaînent dans les médias, dans toutes les langues. « Italy lays out ‘vision’ of EU army » commente EU Observer , « Diskussion über EU-Armee » enchaîne la radio autrichienne. Quelle est votre opinion sur l’armée européenne demande un journaliste slovaque à ‘son’ ministre, Peter Gajdoš. Etc. On s’y croirait ! Prétendre qu’il y a eu une discussion sur une armée européenne est un peu de la publicité mensongère. Mais ce n’est pas grave. Cela fait vendre, cela fait du clic…
A la fin de la réunion, la Haute représentante de l’Union, Federica Mogherini, a d’ailleurs tenté de calmer les choses : « Je n’ai entendu personne évoquer le mot de veto, personne évoquer le terme de blocage, personne évoquer l’armée européenne ». C’est la stricte réalité d’ailleurs. Car, d’après les informations recueillies par B2, le Britannique, tout feu tout flamme dehors, est devenu, à l’intérieur de la réunion, doux, presque consensuel, détaillant combien l’engagement britannique est important dans l’OTAN (à l’est) mais aussi dans l’UE (dans le cadre de l’opération Sophia en Méditerranée) ou au niveau national (en atteignant l’objectif de 2% du PIB consacré aux dépenses de défense, ce que peu de pays remplissent).
L’enjeu pour les Britanniques est, en fait, tout autre que ce qui est dit « Out Door« . Ce n’est pas la soit-disante armée européenne qu’entend contrer Londres. C’est, au contraire, de rester associé, d’aussi près que possible, à toutes les évolutions de l’Union européenne en matière de défense, même après le Brexit, que ce soit pour continuer à participer aux projets de recherche de défense et même aux opérations…
Tout le sens du mot ‘veto’ de Michael Fallon est plutôt de l’ordre de : « Hep guys (& girls), ne partez pas sans moi. Hein. Ne me laissez pas tomber ! ». C’est sûr que dire cela pour un Britannique c’est un peu moins facile que de bomber le torse.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : Les 10 mythes qui mitent la défense européenne
Et pour ceux qui veulent savoir avoir une vision plus concrètre : Défense européenne : ce qu’on peut faire… ensemble
(BRUXELLES2) La Commission européenne refuse, mordicus, de communiquer la lettre qu’a envoyée le président de l’exécutif européen à l’ancienne commissaire Neelie Kroes. La raison est assez incompréhensible au commun des mortels. Ce n’est pas la faute de l’actuelle Commission si la commissaire a menti dans le passé (lire : Neelie Kroes : une sacrée menteuse !). Au contraire, elle est plutôt dans son rôle d’exécutif européen, de veiller au respect des règles. Et dans un ‘beau rôle’. Mais non… « Ce n’est pas un manque de transparence » se défend le porte-parole de la Commission européenne qui sort un raisonnement tortueux où tout y passe : on a toujours été transparent, on est les plus transparents au monde, on ne va pas publier tout le courrier du président, la lettre sera publiée in fine, etc. Au final, la réponse est la même : c’est non ! Quant à savoir quel est la position de la Commission, on est dans un flou le plus total : tout dépendra « des faits ».
Cette réponse fait immédiatement soupçonner une certaine compromission. Or, être à la tête d’une « entreprise » dans un compte caché aux Bahamas, ne relève pas d’une simple erreur, d’un simple oubli. C’est une volonté claire d’échapper aux règles européennes, notamment au plan fiscal voire au plan pénal. Derrière ce geste de refus de communication, la Commission révèle une certaine nonchalance, une certaine compromission face aux tentatives frauduleuses en son sein, aux errements de quelques uns. Ce comportement est néfaste à la démocratie.
L’échange lors du briefing de midi est ici… (*) avec un peu de votre serviteur dedans. Avec véhémence, certes. Car la position de la Commission est proprement indéfendable. On peut être pour la construction européenne. Mais il y a des limites à ne pas franchir… Là elles sont franchies. Cette Commission Juncker a de beaux atouts, de belles réalisations. Mais pour des raisons incompréhensibles, elle s’obstine dès qu’un obstacle est dressé sur sa route à buter dedans, à s’arrêter et rester au milieu du gué en se demandant ce qu’elle doit faire, réduisant à néant toute sa propension à vouloir réformer l’Europe, laissant ses plus fidèles sympathisants en proie au doute et prêtant le flanc à toutes les critiques. Il y a un seul mot : déception…
(Nicolas Gros-Verheyde)
(*) sur EBS pendant 15 jours
Neelie Kroes au soir du référendum négatif aux Pays-Bas, l’ambiance n’était pas folichonne… (© NGV)
(BRUXELLES2) L’enquête réalisée par le consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) sur les «Bahamas Leaks» le démontre, l’ancienne commissaire Neelie Kroes était toujours administrative de la société Mint Holdings Ltd, jusqu’en 2009, c’est-à-dire durant toute la période où elle était commissaire à la Concurrence.
Un simple oubli ?
C’est simple oubli… prétend son avocat interrogé par Le Monde et rapporté par Le Soir . « Elle pensait qu’elle n’était plus administratrice dès le moment où cette société n’était plus nécessaire » a-t-il précisé. Cette société a, en effet, été créée en 2000 pour acheter des actifs de la société Enron Corp, le géant américain de l’énergie. Achat qui n’a jamais eu lieu, car Enron est tombé en faillite en 2001. C’est «une erreur administrative qui n’a été corrigée qu’en 2009 ». On a connu Neelie Kroes beaucoup plus professionnelle …
Une obligation d’indépendance
En 2004, lors de son audition devant le Parlement européen comme lors de ses réponses écrites au questionnaire des députés, Neelie Kroes s’était voulu très claire sur de possibles conflits d’intérêts qui pouvaient se poser avec son portfolio de commissaire à la Concurrence auquel elle était pressenti (1). A la question de savoir comment elle concevait « l’obligation d’indépendance » et comment elle comptait « concrètement mettre en œuvre ce principe », elle avait répondu :
Ces dispositions constituent une condition indispensable pour que la Commission réussisse et respecte les normes les plus élevées d’intégrité et de transparence, et j’ai la ferme intention de les observer intégralement. Je tiens à souligner que l’indépendance n’est pas une nouveauté pour moi. Quand j’étais ministre, j’ai appris que la responsabilité politique supposait une totale indépendance et une impartialité absolue. L’indépendance va de pair avec une transparence et une ouverture totales. C’est dans cette conviction que j’ai renoncé à toutes mes activités antérieures dans le monde des affaires et je compte déclarer tous mes intérêts financiers.
A la question posée sur ses « activités récentes et actuelles dans le monde des affaires, de la finance ou de la politique, ou concernant tout autre engagement susceptible d’être incompatible avec vos tâches futures », elle est encore plus péremptoire :
Le Code de conduite des commissaires les oblige à déclarer tout intérêt financier et élément de patrimoine qui pourrait créer un risque de conflit d’intérêts dans l’exercice de leurs fonctions. Je suis totalement d’accord sur le Code et les principes qui le sous-tendent et je ferai bien entendu une déclaration complète. Mon engagement ferme envers une transparence et une indépendance totales est dans la droite ligne de ce Code. J’ai par conséquent décidé de respecter clairement et strictement ses dispositions. J’ai renoncé à toutes mes autres activités, afin de me dissocier totalement de mes anciens intérêts commerciaux et financiers ainsi que de mes activités professionnelles antérieures; je pourrai donc assumer mes futures responsabilités de commissaire en toute indépendance. Aucune de mes activités actuelles n’entre en conflit avec mes futures fonctions de commissaire à la concurrence
Une question qui a pesé tout au long des débats
Pour ceux qui n’ont pas suivi les débats, cette question de conflit d’intérêt a largement pesé tout le long de l’audition en septembre 2004. Nombre de députés se sont interrogés sur ce point. Même au sein du groupe libéral (dont la Néerlandaise faisait partie), certains étaient très critiques. Ce qui montre combien la question était sensible. Neelie Kroes n’a d’ailleurs obtenu de passer la rampe du Parlement européen qu’en apportant une « garantie » qui a été enregistrée dans le compte-rendu fait ensuite par le Parlement européen. La commissaire a pris trois engagements : 1) renoncer à tous ses intérêts ; 2) rompre définitivement les liens qui la liaient au monde économique ; 3) confier à un de ses confrères commissaires toute enquête concernant des sociétés avec lesquelles elle aurait été en contact pendant la période.
Une promesse de ne pas aller dans le privé
La question a été lancinante au point que le président de la Commission européenne, d’alors, José-Manuel Barroso a été obligé à plusieurs reprises, lors de la conférence de presse au Parlement européen, le 18 novembre 2004, de monter au charbon pour défendre sa commissaire. Si il y a nécessité de remplacer le commissaire sur un dossier, le directeur général « a l’obligation de signaler » le problème ou le conflit d’intérêt. Mais « la décision est prise par moi en accord avec le commissaire ». Et d’ajouter : « La vraie indépendance c’est celle que nous avons choisie — dit-il. « Me Kroes a été bien au-delà de ce qu’on pouvait exiger. Elle a dit qu’elle n’irait pas dans le privé après son passage. » Une promesse que l’intéressée oubliera assez vite…
Commentaire : On peut estimer qu’en maintenant sa société aux Bahamas, Neelie Kroes n’a rien fait d’illégal. Au vu de ses déclarations à l’époque, de ses engagements écrits et oraux, ce type de propos n’est pas exact. L’ancienne commissaire à la Concurrence n’a pas seulement commis une erreur « administrative », elle a commis une faute et une illégalité politiques, un véritable parjure qui méritent d’être sanctionné. La fonction de commissaire à la Concurrence n’est pas tout à fait celle d’un responsable politique comme un autre, elle entraîne des choix financiers et juridiques sur les entreprises. La Commission Juncker est trop « coulante » avec ses prédécesseurs. Elle doit engager, immédiatement, la procédure de suspension des droits à pension de l’intéressée. La tolérance généralisée sur le pantouflage des anciens directeurs généraux de la Commission comme des anciens commissaires est un véritable poison pour l’esprit européen. Avec ce type « d’amis », l’Europe n’a plus vraiment besoin d’ennemis…
(Nicolas Gros-Verheyde)
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(1) Un portefeuille qu’elle n’a pas voulu lâcher. La Commission Barroso avait été marquée par l’épisode Buttiglione, un Italien pressenti au porte-feuille de la Liberté, de la Sécurité et de la Justice. Il avait été question un moment donné de permuter les deux portefeuilles celui de Kroes et celui de Buttiglione. Kroes avait alors refusé.