Jean-Claude Juncker joue sa survie politique mercredi au Parlement européen. Les députés, réunis en session plénière à Strasbourg, vont en efet se prononcer sur le « SelmayrGate », le scandale – révélé par Libération- de la promotion express, le 21 février, de l’Allemand Martin Selmayr de son poste de chef de cabinet du président de la Commission à celui de secrétaire général, et ce, en violation du statut de la fonction publique européenne, un texte voté par le Parlement européen et les États. Pour la quasi-totalité des parlementaires, Martin Selmayr ne doit sa position, qui est désormais celle de vrai patron de la Commission, qu’à un coup d’État, mal mené qui plus est. Mais de là à demander son départ, il y a un pas que beaucoup hésitent à franchir, surtout depuis que Juncker a lié son sort au sien. « Martin Selmayr ne démissionnera pas. Si vous vous attendez à une démission, ce sera la mienne», a-t-il lancé, le 22 mars, aux chefs de gouvernement conservateurs du PPE qui lui demandaient des comptes. Une inversion de la causalité politique qui confirme que c’est bien le secrétaire général qui détient les clefs du pouvoir à la Commission.
Juncker a encore été plus loin en demandant à ses commissaires de le soutenir, mercredi dernier, lors d’une réunion à huis clos. Et tous, y compris les socialistes et les libéraux, l’ont fait, même si le Français Pierre Moscovici et l’Italienne Fedrica Mogherini ont estimé qu’à l’avenir il faudra être plus prudent… Politiquement, cela signifie que le collège lie son sort à celui du président qui a lui-même lié le sien à celui de son eurocrate favori…
Tout va donc se jouer sur un point : les députés vont-ils prendre le risque d’une crise politique en demandant la démission de Selmayr ? Personne ne peut prédire l’issue des votes, vu la colère et l’indignation que cette affaire a suscitée sur les bancs parlementaires comme le montre la réunion, lundi soir, de la commission de contrôle budgétaire du Parlement qui a, à la surprise générale, durci le projet de résolution qui sera débattu mercredi. À la quasi-unanimité, les députés ont voté un amendement demandant la réouverture de la procédure de recrutement du secrétaire général, ce qui veut dire en creux la démission de Selmayr.
L’Assemblée plénière va donc soit ratifier ce texte, soit le durcir, soit le rejeter. Pour l’instant, le conservateur Juncker ne peut compter, de façon absolument certaine, que sur le soutien, au sein du PPE, le premier groupe de l’Assemblée (219 sièges), de la CDU-CSU allemande, des Autrichiens de l’ÖVP et du PP espagnol, soit 56 voix sur 751... Pour le reste, les jeux sont ouverts : ainsi, les Italiens (15) ont des comptes à régler avec le secrétaire général accusé d’avoir fait le jeu des démagogues par sa gestion de la crise des réfugiés. De même, LR (20) campe sur une position dure. Sans aller jusqu’à un vote contre Selmayr, une partie du groupe pourrait s’absenter lors du vote, ce qui reviendrait au même.
Chez les socialistes, la division, c’est habituel, est encore forte. Sur une ligne dure, on trouve les Français, les démocrates italiens, les Néerlandais et les Belges (50 députés). Le PSOE (14), lui, soutient Selmayr et Juncker parce qu’ils ferment les yeux sur la crise catalane. Les autres hésitent, à l’image des Allemands (27) qui sont en colère contre les mauvaises manières de leur compatriote, qui, de plus, doit toute sa carrière à la CDU-CSU. Les autres groupes sont déterminés, à faire le ménage : une grande partie du groupe libéral, les Verts, mais aussi les eurosceptiques et les europhobes. Autant dire qu’il existe sur le papier une nette majorité en faveur de la démission de Selmayr. « Même s’il s’en sort, ce sera de justesse, ce qui sera tout aussi terrible, car, pour la première fois dans l’histoire européenne, un haut fonctionnaire de la commission aura réussi l’exploit de susciter un vote de défiance contre lui d’une moitié du Parlement! Franchement, il devrait d’ores et déjà avoir démissionné pour sauver ce qu’il y a à sauver », juge un haut fonctionnaire du Parlement.
N.B.: version actualisée de mon article paru dans Libération du 16 avril
Photo: REUTERS/Francois Lenoir
Xavier Bettel est, à lui seul, une rupture épistémologique dans l’histoire politique du Luxembourg. On ne trouve aucune trace chez le Premier ministre du Grand Duché de cette bonhommie très radicale-socialiste IIIe République qui a assuré une étonnante longévité à ses deux prédécesseurs, les sociaux-chrétiens Jacques Santer (1984-1994) et Jean-Claude Juncker (1995-2013). Ce libéral qui a réussi l’exploit d’éjecter l’actuel président de la Commission européenne du pouvoir, mettant fin au passage à 40 ans de règne conservateur, est tout de componction et de retenue, là où Juncker embrasse et tutoie tout le monde (y compris les agents de sécurité ou l’auteur de ces lignes). Il ne boit pas, alors que Santer était surnommé « Sancerre » et que les rapports de Juncker à l’alcool défrayent régulièrement la chronique (« Juncker the druncker », son surnom dans la presse populaire britannique). Il ne fume pas (ou des cigarettes électroniques) alors que Juncker est, malgré ses efforts, resté une zone fumeurs ambulante. Il est accroc aux réseaux sociaux et à son smartphone alors que Juncker n’arrive toujours pas à utiliser un ordinateur. Xavier Bettel se veut une sorte de Macron luxembourgeois, jeune (45 ans tout juste), moderne, sain, tiré à quatre épingles, le côté jupitérien en moins, car le Luxembourg, l’ancien « département des Forêts, n’est pas la “Grande nation”.
Il affiche d’ailleurs son admiration pour Emmanuel Macron, son cadet de 5 ans : “on s’est rencontré lorsqu’il s’est porté candidat à la présidence de la République et une vraie amitié est née. On se parle toutes les semaines”, raconte-t-il. “Brigitte s’entend très bien avec mon mari”, le Belge Gauthier Destenay. Il montre, très fier, sur son smartphone, un article de Paris-Match, paru fin mars, au lendemain de la visite d’État du Grand Duc Henri et de la Grande-Duchesse en France, la première depuis 40 ans : “Regardez, Brigitte dit qu’elle adore Gauthier, que c’est son préféré parmi les ‘premières dames’”. Son homosexualité, qui le distingue de tous ses prédécesseurs, Xavier Bettel en parle comme s’il s’agissait d’un non-évènement.
Pourtant, c’en est un dans un pays profondément catholique comme le Luxembourg où la séparation de l’église et de l’État n’a été inscrite dans la loi qu’en juillet 2016, un siècle après la France. Mais la population de ce micro-État est moins conservatrice qu’elle n’en a l’air. N’a-t-elle pas élu successivement cet homosexuel tranquille, né d’un père luxembourgeois et d’une mère Française d’origine russe, bourgmestre de la ville de Luxembourg en 2011, avant de le propulser, deux ans plus tard, à la tête du Grand Duché, une première dans un pays de l’Union (depuis, Bettel a été rejoint dans ce club très exclusif par son homologue irlandais). En 2014, il a obtenu la légalisation du mariage gay ainsi que le droit à l’adoption, un vote acquis à la quasi-unanimité du Parlement. En 2015, il a épousé à son compagnon, une nouvelle première pour un chef de gouvernement en exercice : les images de son mariage ont d’ailleurs fait le tour du net.
Pour autant, il ne se définit pas comme “un militant de la cause homosexuelle. Mon père est décédé à 60 ans d’une crise cardiaque et je sais qu’on n’a qu’une vie. Je veux donc vivre avec l’homme que j’aime sans me cacher, voilà. Je ne dis pas que cela a été facile : il a d’abord fallu que je m’accepte, puis que les autres m’acceptent”. Il se souvient avec émotion des lettres reçues quand il est devenu Premier ministre : “des parents m’ont dit : on peut réussir en étant gay, merci de l’avoir montré”. Certes, il subit de temps à autre des “attaques, parfois de très mauvais goût, mais ça n’est pas grave et je pardonne”. Une allusion au récent dérapage de Marc Spautz, le président du parti chrétien-social (CSV), qui a ironisé dans un meeting sur les “uniformes roses” que pourrait imposer aux policiers Xavier Bettel qui venait de changer le look de leurs voitures… Mais, curieusement, lorsqu’on lui demande de citer les réformes dont il est le plus fier, il oublie de citer le mariage pour tous préférant s’attarder sur les droits des femmes : “j’ai supprimé tous les aspects discriminant dans l’avortement et créé un congé parental pour que les femmes ne soient pas obligées de démissionner pour s’occuper de leurs enfants”. Lui n’a pas d’enfant : “je n’aurai pas le temps de m’en occuper”.
Son amitié avec Macron va-t-elle au-delà de l’aspect personnel? Xavier Bettel se définit instinctivement par référence non à En Marche, qui reste toujours un objet idéologiquement non identifié en Europe, mais aux partis libéraux néerlandais : “économiquement je me reconnais dans le VVD”, celui de Mark Rutte, le Premier ministre, qui professe un libéralisme à l’anglo-saxonne, “et sociétalement dans D66”, ce qui le rapproche des Verts allemands. On est donc assez loin d’En Marche. Mais il y a l’Europe : “je suis à 99 % sur les positions de Macron, comme lui je veux une Europe qui marche”, proclame-t-il. Par exemple, je pense aussi que les “Spitzenkandidaten” (la tête de la liste arrivée en tête aux élections européennes devient automatiquement président de la Commission) est totalement idiot ». Il faut dire que c’est ce système qui a permis à Juncker d’atterrir à Bruxelles après avoir été mis à la retraite au Luxembourg, privant ainsi Bettel de la possibilité d’envoyer un membre de sa couleur politique siéger à la Commission, puisque chaque pays n’a droit qu’à un commissaire... « Le 1% restant, c’est par exemple son idée d’un parlement de la zone euro dont je ne vois pas l’utilité ».
« Xavier Bettel, en cultivant ses liens avec Macron ou avec Theresa May, essaye de se construire une stature internationale avant les élections d’octobre prochain », analyse l’un de ses ministres. Il sait qu’il n’a pas la stature de son prédécesseur, Juncker à qui on le compare en permanence, ce qui l’agace. Certes, il a des points communs entre les deux hommes : ils sont devenus Premiers ministres à 40 ans, ont suivi des études de droit à Nancy (puis à Thessalonique pour Bettel), sont polyglottes (français, allemand, anglais, luxembourgeois) et sont tombés dans la politique dès l’adolescence avec un avantage à Bettel qui a « manifesté à 7 ans pour obtenir une plaine de jeux dans son école », comme il le raconte en riant. Mais « Bettel manque d’épaisseur, ce n’est pas un homme de dossiers, il ne travaille pas beaucoup », regrette un responsable de sa majorité : « pour compenser, il mise beaucoup sur son entregent, son côté sympa, son humour léger ». Ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait pas un « caractère de tueur quand c’est nécessaire », comme le montre la façon dont il a débarqué la vieille garde du parti libéral représenté par l’ancien bourgmestre de Luxembourg ville, Paul Helminger : « il ne faut vraiment pas le sous-estimer, c’est une bête politique », souligne l’un de ses ministres.
Ce qui ne l’a pas empêché de se planter gravement en juin 2015, lorsqu’il a organisé à la va-vite un référendum constitutionnel qui a stoppé net ce qui ressemblait à une irrésistible ascension : l’octroi du droit de vote à 16 ans n’a obtenu que 19 % de oui, celui pour les résidants étrangers 22 %, et la limitation des mandats publics à 10 ans 30 %… « Ça été un référendum fatal, une catastrophe qui a déstabilisé le gouvernement et donné des ailes aux nationaux-populistes », se désole un responsable socialiste. Bettel, lui, ne « regrette rien », même s’il reconnait que la consultation « n’a pas été assez préparée dans un pays sans tradition référendaire ce qui a permis aux populistes de jouer sur les peurs ». Reste que depuis, il rame et les sondages pour les élections législatives d’octobre prochain ne sont pas très bon pour sa coalition composée des libéraux, des socialistes et des verts.
Le meilleur moyen de rebondir quand on est en difficulté sur la scène intérieure, c’est l’international. C’est pour cela que Bettel a besoin de Macron, car « la famille libérale européenne est trop divisée pour constituer une base solide et le Benelux n’existe plus comme force de proposition », décrypte l’un de ses ministres. Surtout, Bettel ne peut pas compter sur l’appui des chrétiens-démocrates allemands de la CDU : « il ne faut pas oublier c’est le chancelier Helmut Kohl qui a créé Santer et surtout Juncker dont il a fait son fils spirituel », rappelle une ministre. Bref, le seul allié possible, c’est Macron, « ce qui tombe bien, car le chef de l’État a besoin de tous ceux qui sont proches de lui, car il n’a, lui non plus, aucune force politique qui le soutienne dans l’Union : l’Europe en marche reste à construire », analyse un ministre socialiste. Bettel, en bon politique, veut chevaucher cette vague qui pourrait lui permettre de rebondir à domicile.
N.B.: version longue de mon portrait paru dans Libération du 9 avril
Photo: Pascal Bastien pour Libération
Tout le parti populaire européen (PPE) s’est réjouit de la large victoire de Viktor Orbán en Hongrie, à l’image de Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, membre éminent du PPE. Se retrouver sur la même ligne que l’extrême-droite, du Front National au PVV néerlandais (et non VVD comme je l’avais d’abord écrit :-(), n’a suscité aucun état d’âme apparent parmi les conservateurs européens. Dès avant le scrutin, le Français Joseph Daul, patron du PPE, avait affiché son soutien au Premier ministre hongrois dans un tweet : «Tous mes vœux au Fidesz et au KDNP [Parti populaire démocrate-chrétien, ndlr] pour les prochaines élections législatives en Hongrie. Le Premier ministre, Viktor Orbán, et les partis de droite continueront à apporter stabilité et prospérité aux citoyens hongrois.». Deux jours plus tard, le président du groupe PPE au Parlement européen, l’Allemand Manfred Weber, a fait un clin d’œil appuyé à Orbán, toujours dans un tweet: «Si nous voulons défendre notre mode de vie, nous devons savoir ce qui nous détermine. L’Europe a besoin d’un débat sur son identité et sur sa culture dominante.»
Ces tweets ont été postés après les propos antisémites du Premier ministre hongrois qui, le 15 mars, s’est livré à une sortie digne d’un parti fasciste de l’entre-deux-guerres: «Nous avons affaire à un adversaire qui est différent de nous. Il n’agit pas ouvertement, mais caché, il n’est pas droit, mais tortueux, il n’est pas honnête, mais sournois, il n’est pas national, mais international, il ne croit pas dans le travail, mais spécule avec l’argent, il n’a pas de patrie parce qu’il croit que le monde entier est à lui […]. Nous avons fini par renvoyer chez eux le sultan et ses janissaires, l’empereur Habsbourg et ses fidèles, les soviets et leurs camarades, et maintenant nous allons en faire autant avec l’Oncle George (Soros, NDA) et son réseau.» Des propos qui n’ont suscité aucune réaction de réprobation au sein du PPE, même pas un froncement de sourcil.
Berlin ne veut pas rompre les liens avec son hinterland
«Il faut bien voir qu’Orbán fait partie de la famille PPE et donc la famille le soutient», analyse Charles de Marcilly, le responsable bruxellois du think tank Robert Schuman. Autrement dit, la place d’un Fidesz illibéral, antimusulman et antisémite au sein du PPE n’est pas un sujet de discussion, même si son aile gauche, représentée par une partie des Français (LR), les Belges ou encore les Nordiques a régulièrement de discrets états d’âme face à sa dérive extrême droitière, mais pas au point de demander son exclusion ou de menacer de quitter les rangs du PPE.
Ce soutien sans faille n’est pas récent: dès 2001, le Fidesz a obtenu le statut d’observateur au sein du PPE (le parti, pas le groupe) avant d’en devenir membre lors de son adhésion à l’Union en 2004 et de siéger sur les bancs du groupe politique PPE au Parlement européen. Il est vrai qu’à l’époque, Orbán dirigeait un parti assez proche des idées démocrates-chrétiennes. Mais, depuis qu’il a entamé, à partir de 2010, sa lente dérive vers l’extrême droite et la transformation de la démocratie hongroise en «démocrature», le PPE n’a jamais pris ses distances. Pourtant, le Fidesz n’est pas déterminant dans le poids du groupe: 12 députés sur 219, pas de quoi changer le rapport de force au sein de l’Assemblée, les socialistes étant loin derrière avec 187 sièges.
Alors, comment l’expliquer? Il faut se souvenir qu’Helmut Kohl, l’ancien chancelier allemand, avait pour projet de transformer le PPE, qui était alors un rassemblement de partis démocrates-chrétiens, en famille d’accueil de toutes les droites européennes, un projet poursuivi depuis par la CDU-CSU: les gaullistes, par exemple, l’ont finalement rejoint en 2004, sous Jacques Chirac. Kohl avait aussi pour ambition que le PPE soit présent dans tous les Etats membres afin de marquer la réunion politique du vieux continent. Couper aujourd’hui les ponts avec la Hongrie mettrait à mal cette vieille ambition allemande, d’autant que Berlin ne veut pas rompre les liens avec ce qui constitue son hinterland.
Rien d’étonnant, dès lors, à ce que le PPE ait fait bloc, en 2014, pour empêcher la Commission présidée par Jean-Claude Juncker, lui aussi membre du PPE, de chercher noise à la Hongrie sur le respect de l’Etat de droit. D’autant qu'«Orban sait négocier et reculer quand c’est nécessaire. Il tend l’élastique, mais ne le rompt pas», analyse un responsable du PPE. En outre, Orbán fait régulièrement valoir qu’il est l’ultime barrage contre les néonazis du Jobbik. Surtout, s’il critique l’Europe à domicile, il se comporte plutôt en bon élève à Bruxelles et n’hésite pas à venir s’expliquer devant les eurodéputés quand il est mis en cause. Ainsi, jamais la Hongrie n’a brandi son véto ou menacé de sortir de l’Union, car elle sait trop ce qu’elle a à perdre en termes d’aides régionales (3,4% de son PIB) et en accès au marché intérieur.
Manière forte
C’est toute la différence avec la Pologne gouvernée par le PiS (Droit et justice), le parti de Jaroslaw Kaczynski, qui n’est pas membre du PPE (mais du groupe eurosceptique ECR). Elle n’a donc pas bénéficié de la protection de la «famille» pour empêcher, en décembre, le déclenchement de la procédure de l’article 7 du traité sur l’Union sur le «risque clair de violation grave» des valeurs européennes. Pour ne rien arranger, le PiS refuse de négocier, cherche sciemment l’affrontement avec l’Union et n’hésite pas à brandir son veto en toutes occasions. Tout ce que le très malin Orbán évite de faire pour rester maître chez lui.
Son appartenance au PPE n’a pas empêché de fortes tensions en 2015 avec l’Allemagne au moment de la crise des migrants, Orbán employant la manière forte pour stopper le flux de réfugiés pendant que la chancelière Angela Merkel ouvrait ses frontières. Un différend désormais oublié, les pays européens s’étant alignés sur la Hongrie au point de sous-traiter la politique d’asile à la Turquie… «On peut parler d’«orbanisation» du PPE sur l’immigration ou l’identité européenne», juge Charles de Marcilly: «Le curseur du parti a nettement glissé vers la droite.» D’ailleurs, l’alliance entre les conservateurs autrichiens, membres du PPE, et les néonazis du FPÖ n’a suscité aucune réserve ni du PPE ni de la Commission, Jean-Claude Juncker accueillant même avec les honneurs le chancelier Sebastian Kurz à Bruxelles. On comprend mieux dès lors qu’une déclaration antisémite d’Orbán ne dérange pas outre mesure la digestion des caciques du PPE.
Photo: REUTERS/Leonhard Foeger TPX
La Commission Juncker s’enferme dans ses mensonges, ses arguties juridiques, ses dénis de réalité. L’exécutif européen est désormais un bunker assiégé par les forces du mal forcément anti-européenne, les gardiens autoproclamés des morceaux de la vraie croix communautaire ne pouvant évidemment avoir tort. Dans n’importe quelle démocratie fonctionnelle, Martin Selmayr, dont la promotion express est fortement contestée à la fois par le Parlement européen, les médias et en interne, aurait déjà été débarqué de son poste de secrétaire général de la Commission afin d’éteindre l’incendie. Mais, à Bruxelles, c’est l’inverse qui se passe : Selmayr s’accroche à son poste avec le soutien du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, qui menace de partir si son protégé part, inversant ainsi l’échelle des causalités politiques.
Une tragédie
Le collège des commissaires, qui pourrait calmer le jeu, apparaît pour ce qu’il est, une fiction politique, un aréopage de personnalités sans consistance. Bref, la technocratie semble avoir pris le pouvoir au sein de la Commission et les contre-pouvoirs semblent inexistants. C’est une tragédie à laquelle on assiste, car les dégâts politiques engendrés par le SelmayrGate sont d’ores et déjà immenses. Seul un sursaut du Parlement européen pourrait limiter les dégâts en obligeant Selmayr, voire Juncker, à payer la facture de cette faute politique : car c’est la première fois dans l’histoire européenne que la nomination d’un haut fonctionnaire entraine une telle levée de boucliers.
Car la Commission, non seulement a violéle statut des fonctionnaires européens, une bible votée par les États et le Parlement européen, dans sa lettre et son esprit, mais elle a menti et ment encore sur les faits eux-mêmes comme le montrent ses réponses, contenues dans un document de 84 pages rendu public mercredi, aux 61 questions supplémentaires posées par le Parlement européen après la désastreuse audition du 27 mars de Gunther Oettinger, le commissaire chargé de la fonction publique européenne, par la COCOBU (la commission du contrôle budgétaire), qui faisaient elles-mêmes suite à une première salve de 134 questions posées avant ladite audition (le document de réponses fait 81 pages). S’il faut 165 pages pour tenter de justifier une « non-affaire » comme l’a longtemps affirmé la Commission, c’est manifestement qu’il y a un problème.
Une procédure bidonnée
Rappelons les faits qui sont d’une simplicité biblique : le chef de cabinet du président de la Commission, l’Allemand Martin Selmayr, 47 ans, a été nommé successivement, le 21 février, secrétaire général adjoint (SGA) puis secrétaire général (SG), la tour de contrôle de l’administration européenne, après que le titulaire du titre ait annoncé sa décision de prendre sa retraite (à 61 ans). Le tout en quelques minutes. Le mardi 20 février, Selmayr n’était encore que « conseiller principal », sa fonction dans l’administration, c’est-à-dire qu’il n’était ni directeur, ni directeur général adjoint, ni directeur général. Rappelons aussi que Selmayr n’a jamais dirigé un service puisqu’il n’a exercé, depuis sa réussite au concours de fonctionnaire en 2004, que des fonctions politiques ne lui donnant une autorité directe que sur une poignée de personnes : porte-parole de la commissaire luxembourgeoise Viviane Reding de 2004 à 2009, chef de cabinet de la même Reding de 2009 à 2014, chef de l’équipe de transition de Juncker du 1erjuillet au 31 octobre 2014, chef de cabinet à compter du 1ernovembre 2014.
Désormais, l’on sait que la procédure qui a permis à Martin Selmayr de devenir SGA était non seulement bidonnée (une seule candidature, la sienne, l’autre, sa cheffe adjointe de cabinet Clara Martinez –nom non confirmé par la Commission-, ayant déclaré forfait après la clôture de l’appel d’offres), mais clairement détournée de son objet puisque Selmayr savait qu’il ne s’agissait que d’une étape pour être nommé SG. Dans la réponse à la question n° 29, la Commission reconnaît qu’il savait dès le second semestre 2017 qu’il succéderait à Alexander Italianer le 1ermars 2018, une information qui n’a été communiquée ni à l’administration ni aux commissaires. Seuls deux d’entres eux en ont été avertis la veille : Gunther Oettinger (Allemagne, CDU), par fonction, et le vice-président Frans Timmermans (Pays-Bas, socialiste). Là, on est dans le détournement de procédure pur et simple.
Des mensonges à tous les étages
Surtout, la Commission n’arrive pas à justifier l’absence de publication de la vacance du poste de SG au moment où il s’est libéré, le 21 février, afin de permettre à d’autres candidats de se manifester et aux commissaires de faire un choix parmi plusieurs candidats, une exigence générale posée par l’article 4 du statut de la fonction publique européenne afin de garantir la transparence et l’équité, c’est-à-dire l’absence de népotisme et de prévarication. Pour s’en sortir, la Commission affirme qu’un « transfert » au sein d’un même groupe de fonctions et grades est permis par l’article 7, ce qui rend possible, selon eux, la nomination du SGA Selmayr qui disposait déjà à titre personnel du grade AD15 (le minimum pour être SG) au poste de SG. Le problème est que par construction, l’article 7 exclut toute promotion puisque le fonctionnaire est simplement « transféré ». Or, là, il y a bien eu promotion de Selmayr, de SGA à SG.
Mais en imaginant même que l’interprétation de l’article 7 par la Commission tienne la route, comment justifier l’absence d’appel à candidatures pour le poste de SG ? Même s’il y a « transfert », c’est vers un poste vacant, c’est-à-dire publié, pour que tous les fonctionnaires puissent concourir (le poste peut même être ouvert vers l’extérieur). Selmayr et ses affidés du service juridique ont été déterrer une jurisprudence de la Cour de justice européenne affirmant qu’en cas de « réaffectation d’un fonctionnaire avec son poste » dans « l’intérêt du service », la publication n’est pas nécessaire (réponse 1). Malin, mais ça ne tient pas la route. D’une part, parce que pour la Cour, ces cas sont limités à des cas de relations conflictuelles (harcèlement moral par exemple), de carences ou de nécessité de réorganisation de service : il faut à chaque fois que la situation soit « grave », « sérieuse » et « urgente » pour déplacer un poste sans publication. Ce n’est absolument pas le cas dans le cas de la nomination de Selmayr : aucune nécessité de service n’obligeait à exfiltrer avec son poste le SGA Selmayr vers le poste de SG (d’autant que ce n’est pas le même poste !).
Des mensonges sur les faits
D’autre part, ce transfert signifie que l’on part avec son poste, c’est-à-dire que le poste que l’on emporte avec soi disparaît purement et simplement du service où l’on se trouvait. Or la Commission ment purement et simplement sur les faits. Et c’est d’une gravité extrême. Le poste de SGA sur lequel a postulé Selmayr le 31 janvier porte la référence DSG2 (deputy SG) et comme numéro de nomenclature : 143892 (com 2018/292). Il était occupé jusque là par la Grecque Parasquevi Michou nommée en janvier, mais seulement à compter du 1ermars 2018, directrice générale aux affaires intérieures, une date qui correspond d’ailleurs à celle de la prise de fonction de Selmayr. Ce poste aurait donc dû « disparaître » s’il y avait eu réaffectation : il aurait alors fallu que le secrétariat général demande à la direction des ressources humaines la création d’un nouveau poste de SGA s’il voulait le conserver. Or, tel n’est pas le cas : le poste n° 143892 de DSG2 occupé une minute le 21 février par Selmayr a été republié dès le jeudi 22 février (com 2018/551). Il est d’ailleurs occupé temporairement (la Danoise Pia Ahrenkilde-Hansen, l’ancienne porte-parole de Barroso, fait fonction et sera nommée, parions-le à l’issue d’une compétition serrée…).
Donc Selmayr n’a pas été « transféré », ce qui aurait éventuellement pu ouvrir la discussion sur des circonstances exceptionnelles, mais a été promu du poste de SGA à celui de SG comme le prouve l’appel à candidatures sur le poste qu’il a abandonné. Mieux, il est officiellement indiqué dans le système interne de la Commission qu’il est passé du poste de chef de cabinet du président (poste 210198) à celui de SG (poste 16000), sans indication de son bref passage au poste de SGA… Donc, le poste de SG aurait du être publié en vertu l’article 4.
Ce degré de pinaillages sur une interprétation tordue du statut de la fonction publique européenne est proprement hallucinant, alors que l’évidence de bon sens indique que Selmayr a été promu en violation de toutes les règles.
Une carrière qui suscite des questions
Ce n’est d’ailleurs pas le seul mensonge. Ainsi,la Commission a affirmé dans l’un de ses réponses du 24 mars (n° 40) que Selmayr avait été promu conseiller principal à la BERD à Londres le 1erjuin 2014 ,alors qu’il n’a été nommé à cette fonction que le 11 juin 2014 lors d’une réunion du collège de la Commission Barroso. Le procès-verbal de cette réunion indique d’ailleurs que sa promotion ne prendra effet que le 1erjuillet 2014. Pourquoi une telle « erreur » (rectifiée dans le second paquet de réponses) ? Tout simplement pour faire croire qu’il a exercé au moins temporairement une fonction dans les services alors que c’est faux : le 1erjuillet 2014, il a été détaché auprès de Juncker comme chef de l’équipe de transition… Donc, il n’a exercé aucune de ses deux fonctions administratives (conseiller principal et SGA) avant d’être parachuté au poste de SG, ce qui est là aussi une violation du statut qui exige une expérience de plusieurs années.
Toute la carrière de Selmayr est d’ailleurs étrange : entré au grade AD 6, grade de base, en 2004, il est promu au grade AD7 en 2007, puis tous les deux ans, il grimpe d’un grade. Étonnant, car deux ans, c’est le minimum requis et je n’ai aucun exemple, avant lui, d’un tel exploit. En 2013, il est donc AD10. En 2014, on va lui offrir un ascenseur express : un concours externe est ouvert pour un poste « juridique » de conseiller principal à la BERD, ce qui est curieux pour une telle fonction. 91 candidats et qui le réussit ? Selmayr qui se retrouve ainsi AD14. Comment ne pas penser qu’il s’agit d’un concours externe taillé sur mesure pour lui afin de le faire grimper de quatre grades d’un coup (avec le plantureux salaire qui va avec) ? Étrange, surtout lorsqu’on assiste au mouvement de personnel de l’époque, Viviane Reding semblant rendre service à son collègue Olli Rehn, commissaire chargé des questions économiques et monétaires, qui a propulsé son protégé Selmayr au poste de conseiller principal, en nommant son chef de cabinet, Timo Pesonen, directeur général adjoint à la communication, la matière faisant partie de son portefeuille… Selmayr veillera à le promouvoir directeur général en juillet 2015.
Autant dire que la carrière de Selmayr est autant météorique qu’étrange. Les placards n’ont manifestement pas fini de révéler de nouveaux cadavres.
Mon article sur la réunion de la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen est ici.
Les députés ont envoyé, jeudi soir, une nouvelle liste de 61 questions à la Commission tellement l’audition de Gunther Oettinger a été catastrophique. Des questions qui ressemblent à un véritables acte d’accusation. La fonction publique européenne n’a manifestement rien à envier à l’administration grecque....
Le 30 janvier 1999, un mois et demi avant la démission de la Commission Santer à la suite, notamment, de mes révélations sur les emplois fictifs d’Edith Cresson, la commissaire française à la recherche, je publiais un article sur une note interne du service du Porte-parole de la Commission relative à la salle de presse, c’est-à-dire aux médias accrédités. L’exécutif européen y montrait son désarroi face à certains journalistes qui faisaient leur travail. Depuis que j’ai commencé mon travail d’investigation sur ce qui est devenu le SelmayrGate, j’ai l’impression d’être revenu 20 ans en arrière: la Commission et son service du porte-parole (SPP) n’ont manifestement strictement rien appris de leurs erreurs passées comme le montrent leur arrogance, leurs mensonges répétés et leur campagne visant à décrédibilisr ceux qui osent la critiquer. Comme l’a très justement dit la DeutschlandFunk, le France Inter allemand, hier soir, «le SPP de la Commission a agi comme le bureau de presse du Kremlin après la catastrophe de Tchernobyl : dissimuler, tromper, nier, nier, diffamer - tout l’arsenal de la désinformation sous le mensonge». Bref, c’est Back to the future... A (re)lire sans modération, notamment par le SPP actuel.
L’acte manqué est formidable. Jeudi, à la suite d’une erreur de manipulation, une stagiaire de la Commission a agrafé une note interne confidentielle avec un arrêt de la Cour de justice européenne. Rien de grave, sauf que cet arrêt a été distribué à la presse le jour même, avec, bien sûr, son «annexe-lapsus». Les journalistes qui en ont pris connaissance s’étranglent. Il est vrai que cette réflexion sur les relations entre la Commission et les médias n’est pas piquée des vers.
A la suite de la révélation par quelques journaux (dont Libération) d’affaires de fraude et de népotisme au sein de l’exécutif européen, la note déplore une «prise en main de la salle de presse par des journalistes d’investigation. Mais il est faux de dire que nous n’avons plus d’amis. Au contraire: beaucoup de journalistes avouent leur perplexité devant ce qui arrive; beaucoup désapprouvent parfois ouvertement l’outrance de leurs collègues [...] Nous devons utiliser nos alliés potentiels pour rétablir un équilibre entre journalistes de fond et d’investigation». Plus loin, la note juge qu’une «dose de cynisme et parfois d’hypocrisie dans la manière de diffuser l’information est parfois nécessaire. Vouloir tout expliquer et s’ériger en modèle d’exhaustivité appelle souvent de nouvelles interrogations [...] Il faut donc apprendre à geler une partie de l’information dont on n’est pas tout à fait sûr ou dont on sait qu’elle pourrait donner lieu à une mauvaise interprétation. Face à certains journalistes particulièrement retors, il faut malheureusement se résigner à se faire (provisoirement) violence».
Le plus cocasse est que l’auteur de ce texte n’est autre que Jimmy Jamar, le porte-parole d’Edith Cresson, la commissaire française chargée de la Recherche et de l’Education, épinglée pour avoir fait embaucher plusieurs de ses proches pour des emplois plus ou moins réels. Au-delà de sa franchise, la prose du porte-parole d’Edith Cresson met à nu le malaise qu’éprouve la Commission face à l’opinion publique et aux médias. Elle est révélatrice de la façon dont fonctionnent une partie des médias à Bruxelles. Car, au départ, l’Europe, c’est d’abord une affaire de famille. En 1958, lorsque l’exécutif européen s’installe dans la capitale belge, tout le monde se connaît: on sort ensemble, on s’invite les uns chez les autres, on se tutoie, on refile aux journalistes des petits boulots plutôt bien payés ou, mieux, on les recrute comme agents temporaires avant de les nommer à des postes permanents. La montée en puissance de la Commission ne fait qu’aggraver cette connivence qui confine à l’inceste. D’autant qu’un système d’agit-prop efficace est rapidement mis en place. La Commission, ayant pris conscience qu’elle n’existera que par les médias, organise tous les jours, à midi précis, un «point de presse» afin de distribuer de l’information et de répondre aux questions des «accrédités». Ce qui lui permet aussi d’influencer le traitement de l’information en prémâchant le travail des médias.
Ce système a fonctionné sans encombre jusqu’au début des années 90. Mais le succès de la relance delorienne (le Marché unique de 1993, puis la monnaie unique) va mettre à mal le ronronnement médiatique local. Bruxelles devenant incontournable, la «salle de presse» explose: en moins de vingt ans, le nombre de journalistes a triplé. Aujourd’hui, on en compte environ 750 provenant de 56 pays, auxquels il faut ajouter 200 cameramen et techniciens audiovisuels. Il s’agit là de la plus grande concentration journalistique au monde. Mieux, la plupart des journaux étrangers vont doubler, tripler, voire quadrupler leur représentation dans les mois qui viennent, euro aidant. Or, ce véritable déferlement a amené à Bruxelles des journalistes pour lesquels l’Union n’est pas un sujet de passion comme pour les «grands anciens», parfois présents depuis plus de trente ans, mais un objet d’observation.
Les élargissements successifs, notamment au Nord, ont aussi modifié la culture de la «salle de presse», la «normalité» au Sud peut être anormale au Nord. La soif de transparence, le questionnement agressif, la recherche d’informations «non officielles», autant de traits désormais largement partagés au sein de la «salle de presse». Les «amis» devenant moins nombreux, la Commission s’est retrouvée soumise au traitement habituellement réservé aux gouvernements nationaux. Elle a cessé d’être la personnification du «bien» européen et doit désormais répondre de ses actions. Les premiers à l’avoir bousculée sont les Britanniques, plus par idéologie d’ailleurs que par déontologie journalistique. Mais c’est surtout l’affaire de la vache folle (révélée par Libération en 1996) qui démontrait comment la Commission avait dissimulé l’ampleur de la crise qui a sérieusement secoué l’ancien système de connivence. Les actuelles affaires de fraude et de népotisme l’ont définitivement mis à mort. L’exécutif européen, faute de s’être préparé à cette mutation, hurle maladroitement au «complot antieuropéen» et à la manipulation, menace de représailles les journalistes «ennemis», cherche à contrôler l’information. L’adaptation est toujours douloureuse.
Photo: Reuters
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Major ideas of institutional reforms will be on table before European Parliament election who stand in May 2019. One of them, the ‘Spitzenkandidat’, needs the support of the European Parliament (EP) to select the Commission President. In fact, today, the Committee on constitutional affairs of the European Parliament (AFCO), debated to reform the next election process. “The committee will vote Tuesday on the provision, included in a report on the Revision of the framework agreement on relations between the European Parliament and the Commission, as a way to institutionalize the Spitzenkandidat process”. Thereby, “The European Parliament will be ready to reject any candidate in the investiture procedure of the Commission president who was not appointed as a Spitzenkandidat in the run-up to the European elections, according to a compromise amendment”.
The purpose of the report voted this Tuesday by AFCO “is to put pressure on the European Council (made up of EU leaders) who may wish to backtrack on the Spitzenkandidat process in favor of a more opaque system for selecting the Commission president that gives them more behind-the-scenes power”. The report was approved by 17 MEPs and put pression directly on the other European institutions, and give the opportunity for the European Parliament to reject any candidate.
The report and the amendments will be discussed during the next EP plenary session, on 7th February. Moreover, the institutional reform will be also on the table of EU leaders’ during the next meeting of the European Council, on 23th February in Brussels.
Others institutional reforms will impact next EP election.
Jean-Hugue Baraër
For further information:
Politico EU. MEPs set to bolster ‘Spitzenkandidat’ process for EU top job. https://www.politico.eu/article/spitzenkandidat-process-set-to-be-bolstered-for-european-commission-presidency/
EU Observer. Spitzenkandidat system here to stay, MEPs warn capitals. https://euobserver.com/institutional/140656
(French version below)
France and the United Kingdom strengthen military cooperation : A new phase of the Lancaster House Agreement in 2010
French President Emmanuel Macron and the British PM Theresa May announced Thursday, January 18, 2018 a strengthening of Franco-British cooperation in the areas of migration and defense. The United Kingdom has just announced the availability of "heavy" helicopters to support French operations in the Sahel and Sahara. The United Kingdom has indeed agreed to make available to French forces in Mali three of its military helicopters "Chinook". This is precisely the tool that is missing most French infantry in the Sahel and Sahara.
Barkhane aligns well 17 helicopters, but none can carry thirty men and their equipment in one fell swoop. The United Kingdom will also provide 56 million euros of additional aid for the alliance for the Sahel. In recent years, UK and France have worked side by side to combat the global threat posed by the Ebola virus. The peries will increase our efforts in the Sahel to prevent Islamic extremism from increasing instability and insecurity that feeds the migration crisis.
London could also announce a contribution to the financing of the joint G5 Sahel force (FCG5S) at the Brussels meeting on 23 February. Paris and London are also announcing increased support in East Africa, particularly through AMISOM, the African Union Mission for Somalia.
The two capitals announce that the Combined Joint Expedition Force (CJEF), launched after the Lancaster House agreements, will be ready to be deployed in the most demanding operations by 2020. This force has obtained its certification final spring 2017, during Exercise Griffin Strike. In addition, now some 50 officers are inserted into the respective armed forces.
French officers were deployed on British operations and British officers on French operations. (We are very moved about the "incredible speed" of the setting up of such a force by 2 West European states whose armed forces are the most important: 10 years!)Finally, on the industrial side, France and the United Kingdom confirm their willingness to cooperate in the field of submarine UAVs and in the future air combat systems.
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La France et le Royaume-Uni renforcent leur coopération militaire : Une nouvelle phase des Accords de Lancaster House en 2010
Le président français Emmanuel Macron et le PM birtannique Theresa May ont annoncé jeudi 18 janvier 2018 un renforcement de la coopération franco-britannique dans les domaines des migrations et de la défense. Le Royaume-Uni vient ainsi d'annoncer la mise à disposition d'hélicoptères « lourds » pour appuyer les opérations françaises au Sahel et au Sahara. Le Royaume-Uni a en effet accepté de mettre à disposition des forces françaises au Mali trois de ses hélicoptères militaires « Chinook ». C'est précisément l'outil qui manque le plus aux fantassins français au Sahel et au Sahara.
Barkhane aligne bien 17 hélicoptères, mais aucun ne peut transporter d'un seul coup une trentaine d'hommes et leur équipement. Le Royaume-Uni fournira aussi 56 millions d'euros d'aide supplémentaire pour l'alliance pour le Sahel. Ces dernières années, le Royaume-Uni et la France ont travaillé côte à côte pour combattre la menace globale que représente le virus Ebola. Les perties vont augmenter nos efforts dans le Sahel pour empêcher l’extrémisme islamique d'augmenter une instabilité et une insécurité qui nourrissent la crise migratoire ».
Londres pourrait aussi annoncer une participation au financement de la force conjointe du G5 Sahel, (FCG5S) lors de la réunion de Bruxelles le 23 février prochain. Paris et Londres annoncent aussi un soutien accentué en Afrique de l'Est en particulier via l'AMISOM, la mission de l'Union Africaine pour la Somalie.
Les deux capitales annoncent que la Force expéditionnaire commune (CJEF - Combined Joint Expedition Force), lancée après les accords de Lancaster House sera prête à être déployée dans les opérations les plus exigeantes d'ici 2020. Cette force a obtenu sa certification finale le printemps 2017, lors de l’exercice Griffin Strike. Par ailleurs, désormais quelque 50 officiers sont insérés au sein des forces armées respectives.
Les officiers français ont été déployés dans le cadre d’opérations britanniques et des officiers britanniques dans le cadre d’opérations françaises . (Nous sommes très émus concernant la "vitesse incroyable" de la mise en place d`une telle force par 2 Etats ouest-européens dont les forces armées sont les plus importants : 10 ans!)
Enfin sur le volet industriel, la France et le Royaume-Uni confirment leur volonté de coopérer dans le domaine des drones sous-marin chasseurs de mine et dans les systèmes de combat aérien du futur.
Le trafic illicite d’armes est un des trafics les plus importants dans le monde, ayant des conséquences significatives sur la vie des personnes. Que ce soit parce que ce trafic permet à des criminels d’utiliser des armes lors de braquages, ou lors de rivalités territoriales entre plusieurs groupes ; ou parce qu’il alimente des conflits et des guerres dans le monde, le trafic d’armes est présent sur tous les continents et l’Union européenne (UE) n’y échappe pas. Dans de ce court dossier sur l’Union européenne et le trafic d’armes, nous aborderons lors du premier article la question du trafic au sein de l’Union elle-même, problème qui peut paraître invisible mais qui persiste. Lors du deuxième article, sera abordée la question de comment certains États membres participent eux-mêmes, indirectement, au trafic d’armes en dehors des frontières de l’UE.
Un paysage hétérogène de la détention d’armes illégales
« Malgré le fait qu’il soit possible d’avoir des estimations, c’est une fourchette très large, rappelant le fait qu’une quantification précise du problème n’est pas faisable avec les données existantes ». Cette citation est tirée d’une étude commissionnée par la Direction générale de la migration et des affaires intérieures, résumant le problème au niveau des chiffres concernant le trafic d’armes. Cela s’explique en grande partie par le fait qu’il s’agisse d’un trafic illicite et ainsi, par nature, caché. En effet, le nombre d’armes saisies dans les États ne seraient que de 1% du total du nombre d’armes légales et illégales au sein de l’Union européenne, des données qui elles-mêmes restent imparfaites. Jean-Charles Antoine, docteur en géopolitique français, donnait en 2015 l’exemple de son propre pays, dans lequel annuellement environ 5000 armes à feu sont saisies, mais ceci ne permet pas de savoir concrètement combien d’armes illégales circulent réellement, sachant que, notamment depuis les années 1990, des millions d’armes ont pu être mises en circulation en Europe – point qui sera évoqué plus en détail par la suite. Selon M. Antoine, il était possible que 15 millions d’armes soient en circulation en Europe en 2015. Il y a également un autre facteur à prendre en compte dans ces chiffres : le nombre de personnes détenant des armes sans licence, ce qui peut arriver pour plusieurs raisons : le fait d’avoir hérité d’une arme – ce qui pourrait d’ailleurs être fortement le cas en France, étant donné l’importance de la chasse dans le pays – ou par faute de ne pas l’avoir renouvelée. Ce cas est notamment très présent en Belgique, principalement dû au changement de la législation en 2006, rendant l’accès aux armes plus difficile, et signifiant que les détenteurs d’armes devaient refaire des démarches administratives pour être à nouveau en conformité. Ces cas comptent ainsi comme des armes illégales, même si les utilisations et fins ne sont pas les mêmes que lors du trafic.
Pourtant, le problème observé et les conséquences de ce trafic sont assez différents de celui des États-Unis. Afin de mettre cela en perspective : en 2013, la moyenne annuelle de morts par arme à feu dans l’Union européenne était de 4000 personnes. En 2015, ce chiffre a augmenté jusqu’à 6700. Cependant, il faut tenir compte des circonstances de ces chiffres : la grande majorité (75% en 2015) de ces morts sont des suicides, et il n’y a que 3% des cas qui ont été des accidents. Aux États-Unis, il y a actuellement 386 morts par arme à feu depuis le début de l’année (1er janvier 2018). En 2016 et 2017, ce chiffre dépassait les 15 000 morts par an. De plus, il faut prendre en compte les données démographiques : il y a environ 187 millions de personnes en plus dans l’UE qu’aux États-Unis. Le problème dans l’Union européenne est ainsi assez spécifique et s’écarte du principal problème des États-Unis : celui des accidents, ou des homicides commis au travers des armes à feu. Ainsi, le trafic illicite d’armes va surtout profiter aux groupes marginaux de la société, surtout à des gangs par exemple, ou des groupes criminels spécialisés dans d’autres domaines. En effet, les armes à feu sont devenues très courantes dans les actes criminels de toutes sortes, comme dans les braquages par exemple. Mais il ne faut pas non plus oublier la présence de certains groupes comme l’ETA en Espagne, ou l’IRA en Irlande, qui se procuraient également de nombreuses armes. Enfin, de nos jours, c’est la présence du terrorisme qui peut également alimenter ce trafic, de la part de ceux qui cherchent à commettre une attaque.
Le fait que ce soit un « public spécifique » qui détienne et/ou vende les armes explique également le fait que certains États soient plus touchés que d’autres par ce trafic. Jean-Charles Antoine nous donne plusieurs exemples : nous avons d’un côté certains pays de l’Est, comme la Bulgarie ou la Roumanie, dans lesquels le banditisme a fortement augmenté. Dans d’autres États, celui-ci est très présent depuis longtemps, comme en Italie avec les mafias. Enfin, il y a des cas particuliers comme celui de la France ou de la Belgique : dans le premier, beaucoup d’individus ont gardé leurs armes à feu, utilisées notamment avant que la législation soit renforcée en 1995. Celles-ci ont tendance à être volées, telles que l’étaient les armes des résistants jusqu’à la fin du XXème siècle. En Belgique, M. Antony explique que la circulation illicite d’armes à feu est facilitée par plusieurs facteurs, notamment le facteur géographique (avec ses frontières avec de nombreux pays, ainsi que son accès à la mer) et le facteur politique (à la fois en rapport avec l’administration interne du pays, et en rapport avec des rivalités entre communautés). Ainsi, les principales zones touchées par les saisies d’armes sont l’Europe du Sud, qui comptait pour 40% des saisies entre 2010 et 2015, et l’Europe de l’Est, regroupant 30% de celles-ci. Il est enfin intéressant de noter que, selon les saisies d’armes illicites, 70% étaient détenues par moins de 10% des personnes arrêtées.
Enfin, si nous voulons entrer dans les détails, nous pouvons évoquer les principaux types d’armes trouvés dans le trafic au niveau européen : ce sont surtout des armes de type UZI et des fusils de type AK (plus connu sous le nom de Kalachnikov), souvent étant des copies des originales. Ces armes sont les plus utilisées, notamment les Kalachnikov, dû à leur aspect pratique : faciles d’utilisation et de réparation, elles sont durables même sous des conditions difficiles ; et elles sont surtout très meurtrières. Les pistolets comptent pour 34% des types d’armes saisis, et se trouvent surtout dans le nord et le sud de l’Europe, tandis que les fusils, qui comptent pour 27%, se trouvent surtout à l’est et à l’ouest.
Les moyens par lesquels les armes illicites sont en circulation
Selon Europol, les principales sources de ces armes sont : la réactivation d’armes neutralisées, la réactivation d’armes déclassées par la police, des vols, le détournement d’armes légales, la vente d’armes légales sur les marchés illégaux, et la conversion de pistolets à gaz. Outre ces principaux moyens d’acquisition d’armes à feu que nous détaillerons par la suite, nous pouvons également trouver des cas de fuites dans les usines ou les stocks de surplus, la perte de contrôle des stocks par le gouvernement (parfois dû à de la corruption), ou encore la conversion de répliques d’armes à feu, qui elles sont autorisées dans la plupart des États membres.
Comme nous l’avons évoqué, un des principaux moyens de trafic d’armes se fait par leur reconversion. En effet, il n’est pas difficile d’avoir accès à des répliques d’armes à feu et encore moins à des pistolets à gaz. Couplée avec la réactivation des armes, cela est la principale source du problème du trafic d’armes dans certains États membres de l’Union européenne. La réactivation peut se faire par plusieurs moyens, que ce soit à travers la récupération d’armes à feu qui appartenaient à la police, ou d’armes précédemment utilisées pendant les guerres. Dans leur étude pour le Flemish Peace Institute, Nils Duquet et Maarten Bal Alstein donnent l’exemple belge de la question : selon eux, le fait qu’il y ait un géant de l’industrie de l’armement dans le pays, c’est-à-dire FN Herstal, contribue fortement à ce phénomène de reconversion ou de réactivation, puisque beaucoup de personnes ont le savoir-faire nécessaire. Pour saisir correctement l’importance que prend ce phénomène, nous pouvons citer l’exemple souvent évoqué par rapport à la question : celui des frères Coulibaly. Ceux-ci ont utilisé des armes réactivées lors des attaques terroristes en France de janvier 2015 ; celles-ci avaient été achetées en ligne en Slovaquie par un citoyen belge, et sont ensuite tombées dans les mains des auteurs des attaques.
Cela nous permet de mettre en lumière une autre source du problème : le trafic transfrontalier. Très courant dans l’Union européenne dû à l’espace Schengen, c’est un problème auquel les autorités de tous les États membres doivent faire face et travailler ensemble pour prévenir. En effet, il y a deux principaux problèmes en rapport avec les frontières : le premier concerne les frontières extérieures (il faut s’assurer que rien ne pénètre l’Union européenne) puisqu’une fois dedans, le second problème apparaît : le passage d’un pays à l’autre se fait facilement, surtout par la voie terrestre, rendant ainsi très difficile la tâche de lutte contre le trafic. De plus, les pays par lesquels proviennent les armes à feu illicites changent, ainsi que les routes utilisées pour le trafic ; nous détaillerons davantage ce point par la suite.
Nous pouvons également évoquer les cas de production illégale d’armes, qui est une source moins courante que celles mentionnées ci-dessus. Si nous prenons l’exemple belge, en 2009, parmi les 1225 cas de saisies, seulement 71 étaient d’origine de production illégale d’armes à feu. Un des principaux moyens de faire cela est à travers le vol de plusieurs composantes des armes, qui sont ensuite rassemblées.
Par ailleurs, cela peut paraître évident mais il est important de le noter : une des formes les plus courantes d’acquisition d’armes à feu est le vol de celles-ci. L’étude du Flemish Peace Institute nous donne quelques exemples : « la Police Fédérale allemande a noté 7862 cas de vol d’armes en 2010, avec un total de 23 878 armes volées. […] Au Royaume-Uni, le nombre d’armes notés tous les ans fluctue entre 2000 et 3000. Les statistiques officielles de crime de la Police Fédérale belge indique qu’il y a environ 1600 à 2100 vols d’armes ou d’explosifs en moyenne tous les ans en Belgique ». Tous ces chiffres sont ainsi non-négligeables puisque cela signifie qu’il y a dans ces pays plusieurs vols par jour d’au moins une arme, mais pouvant être bien plus qu’une seule par vol. Un autre moyen assez utilisé est le détournement d’armes, que ce soit à travers de fausses exportations, ou la falsification des chiffres par les magasins. Ce n’est peut-être pas le moyen le plus courant, puisqu’il peut être trop voyant, mais il est non-négligeable, puisqu’une seule personne peut contribuer fortement à ce trafic illégal d’armes.
Enfin, un dernier point qui devient également de plus en plus important et sur lequel il faut de plus en plus porter son attention : la cybercriminalité. En effet, le Dark web devient un moyen très demandé pour tout ce qui concerne le trafic : que ce soit le trafic d’armes, le trafic de drogues ou même le trafic d’êtres humains. Dans cet espace nous pouvons trouver des vendeurs, qu’ils soient professionnels ou pas, et des acheteurs, qui peuvent rester anonymes, même lors de leurs paiements. Selon le rapport final du projet FIRE (lutter contre les routes et les acteurs de trafic d’armes à feu au niveau européen) « the Armory et Middle Heart sont des exemples de marchés illicites en ligne où des vendeurs offrent de grandes quantités d’armes et les clients peuvent les achetés. Les produits sont sous-divisés en catégories (par exemple les fusils à pompe, des pistolets, des fusils, etc.) et peuvent être achetées par n’importe qui en grandes quantités […] ». Ils expliquent également que souvent dans les descriptions, les vendeurs détaillent la nouveauté ou pas des armes, et si elles ont un numéro de série. Ce modèle d’achat illégal en ligne n’est pas encore le plus utilisé, mais il est clairement une menace croissante à laquelle les autorités doivent accorder de l’attention. De plus, Jean-Charles Antoine rappelle que l’achat d’armes démilitarisées est tout à fait légal, et que l’utilisation d’Internet pour le faire facilite ce type d’achats. Il est ainsi également possible d’accéder plus facilement à des armes qui sont légales à la base, pour ensuite les reconvertir ou réactiver.
Comme nous l’avions déjà évoqué, avec tous ces moyens de faire circuler des armes et de se les procurer, beaucoup profitent également d’un autre facteur : les différentes législations selon les États membres de l’Union européenne. En effet, malgré une même législation sur la libre-circulation, celles-ci sont différentes lorsque cela touche à la sécurité intérieure de chaque État, et il y a un manque d’harmonisation des normes, notamment en rapport avec la désactivation des armes, ou l’imitation de celles-ci pouvant conduire à une reconversion des armes à feu. Une arme qui est donc illégale dans un État membre peut être considérée comme légale dans un autre et vice-versa. Cependant, les contrôles aux frontières ayant été abolis et ce genre de vérification nécessitant un processus spécifique et long, il est difficile, à l’intérieur des frontières, d’effectuer un réel contrôle en rapport avec cela. C’est pour cette raison que l’Union européenne multiplie des initiatives conduisant à une législation plus stricte sur le sujet, que nous allons détailler par la suite.
Les Balkans, principale source du problème ?
Par son histoire, l’Europe de l’Est est une des régions qui est à la source du trafic d’armes. En effet, la Guerre froide avait provoqué une course aux armements, et « la Yougoslavie a produit ses propres armes dans l’usine Zastava, sous contrôle serbe », nous explique Jean-Charles Antoine. Suite à la chute de l’Union soviétique et aux nombreuses quêtes pour l’indépendance dans la région yougoslave, des milliers d’armes à feu étaient à « disposition », puisque l’armée soviétique avait tout simplement délaissé ses arsenaux et les guerres dans les Balkans provoquant une demande d’armes à feu, signifiant ainsi que de nombreuses armes étaient en circulation.
Ainsi, en Transnistrie par exemple, 10 millions d’armes à feu légères avaient été délaissées par l’armée soviétique, et selon Jean-Louis Dufour (ancien officier, diplomate et professeur), « aujourd’hui, la moitié d’entre elles a disparu, perdues, détruites ou bien vendues ». Il explique en outre que 8 millions d’armes à feu sont provenues de l’ex-Yougoslavie. Outre les armes qui étaient déjà sur place, certains États ont également commencé à en fabriquer, telle l’Albanie qui importait de Chine des composantes pour fabriquer ses propres AK.
Une étude du Pôle interministériel contre la criminalité organisée en Europe du Sud-Est en France confirme ces faits : « on estimait ainsi, au début des années 2000, entre 330 000 et 460 000 le nombre d’armes détenus illégalement au Kosovo […], de 350 000 à 750 000 le nombre d’armes légères en circulation en Macédoine en 2004 […] ou encore à 3 millions le nombre d’armes en circulation en Serbie. » Dans l’étude est expliqué comment cela a eu des répercussions en France, non seulement en rapport avec le nombre d’armes qui sont devenues disponibles pour les criminels, mais également l’influence que le type d’armes en soi a eu : ils citent ainsi Michek Felkay, contrôleur général, qui affirme que « l’emploi de telles armes par les « durs » du milieu a engendré un phénomène de mimétisme dans les cités sensibles. Dans ces quartiers, la possession d’une kalachnikov, en particulier, a commencé à être considérée comme un moyen privilégié d’assurer le contrôle du territoire et d’intimider les rivaux, tout autant que la marque d’un statut ». Il rappelle en outre que malgré le fait que peu d’armes dans le genre soient saisies par les autorités (en nombre, pas en termes de régularité), cela ne signifie pas qu’il y en ait peu en circulation, comme nous l’avons déjà souligné. Il explique enfin que « ce sont des membres de l’ex-Yougoslavie implantés en France qui font ce lien et la connexion entre des connaissances locales au départ de la chaîne du trafic et des malfaiteurs en France ». À travers cela, nous pouvons également faire un lien avec la Belgique, puisque nous avions évoqué auparavant qu’une des raisons pour lesquelles des armes à feu étaient en circulation dans le pays avait un rapport avec une rivalité d’ethnicités, celles-ci parfois provenant de l’ex-Yougoslavie également.
Toujours selon cette même étude, deux routes principales ont été identifiées : une à travers l’Italie – ce qui semble également logique dû aux mafias mentionnés auparavant – et une à travers la Slovénie, l’Autriche et l’est de la France. Cela vient également corroborer les informations que nous avions acquises à l’égard de la Slovaquie, et nous en dit plus sur des pays comme la Bosnie-Herzégovine, où de nombreuses armes seraient également achetées avant de passer les plusieurs frontières. Jean-Charles Antoine rappelle que certaines de ces routes étaient déjà présentes avant les années 1990, pour d’autres types de trafics « comme la contrebande de cigarettes », et que ce n’est qu’à partir du milieu de la décennie que de nouvelles routes, notamment à travers l’Italie, se sont créées.
Enfin, d’autres structures continuent également à mettre en lumière l’importance des Balkans dans le trafic illicite d’armes à feu, comme Frontex, qui en 2016 en a rappelé les dangers, en soulignant le fait que l’achat d’AK se serait simplifié dans les dernières années. Il ne faut pas oublier que ce modèle historique s’est également reproduit dans des États tels que la Biélorussie ou l’Ukraine. Connaissant la guerre qui a frappé ce dernier en 2014, nous pouvons en déduire que le nombre d’armes à feu présentes sur son territoire n’a pas diminué les dernières années, même si des chiffres et études concrètes sont difficiles à mener.
Malgré le fait de connaître les principales sources, moyens et routes, c’est un trafic qui est difficile à combattre. De plus, le fait que cela provienne d’une région dans laquelle de nombreux pays ont candidaté à l’appartenance à l’Union européenne (Monténégro, Serbie, Albanie et Macédoine), d’autres qui risquent de candidater (Bosnie-Herzégovine et Kosovo) et un qui y appartient déjà (Croatie), créé un plus grand déséquilibre pouvant conduire à des barrières entre l’Europe de l’Ouest et la région balkanique. Cependant, l’Union européenne met de nombreuses initiatives et législations en œuvre pour lutter contre ce trafic.
Des efforts redoublés dans la lutte contre le trafic illicite d’armes par l’Union européenne
Une des législations les plus importantes à l’égard du contrôle d’armes a été la directive de 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes. Dans celle-ci est directement stipulé qu’il n’ait pas fait référence aux « services publics ou les collectionneurs et organismes à vocation culturelle et historique en matière d’armes et reconnus comme tels par l’État membre sur le territoire duquel ils sont établis », expliquant ainsi ce que nous avons évoqué auparavant, en rapport avec les différentes législations des États membres et comment elles peuvent être exploitées par les criminels. Cependant, cette même directive a en partie pour but l’harmonisation des législations relatives aux armes à feu, tel que le mentionne le chapitre 2 de celle-ci. Celui-ci est en rapport avec les différentes catégories d’armes, l’activité d’armurier, les registres (qui doivent être strictement tenus), quelles catégories d’armes peuvent être acquises, par qui et comment, ainsi que le fait d’acquérir des armes dans un État membre et ensuite aller dans un autre doit être signalé et accepté par les deux États, et des informations doivent être échangées.
Concernant les initiatives de l’Union européenne de façon plus spécifique, un premier programme avait été élaboré en 1997, « pour la prévention du trafic illicite d’armes conventionnelles et la lutte contre ce trafic ». Dans ce programme était stipulé que les États membres devraient intensifier leurs efforts, en assumant « avec vigilance la responsabilité qui leur incombe au niveau national en ce qui concerne la mise en œuvre effective des obligations découlant des conventions et des actions communes adoptées dans ce domaine ». Cependant, en ce qui concerne une plus grande coopération et coordination des législations, des renseignements, services de douane et autre, ainsi que l’échange d’informations et de données, n’est noté que comme pouvant être simplement « envisagé », mettant ainsi en avant un des principaux problèmes que rencontre l’Union européenne en tant qu’ensemble. Le programme comprend ainsi surtout une série de propositions que les États membres pourraient adopter afin que la lutte contre le trafic illicite d’armes soit plus efficace, signifiant ainsi que concrètement, elles ont pu ne pas être appliquées.
C’est ce manque de concret qui a poussé l’Union européenne à réviser en 2017 la législation citée ci-dessus, et à devenir bien plus exigeante dans le domaine. Cette fois-ci le Parlement européen a participé à la modification de la directive. De nombreuses précisions ont été ajoutées au texte original, notamment sur la définition d’« arme à feu ». Celle-ci est donc dorénavant considérée comme « toute arme à canon portative qui propulse des plombs, une balle ou un projectile par l’action de la combustion d’une charge propulsive, ou qui est conçue pour ce faire ou peut être transformée à cette fin ». Cette nouvelle définition prend ainsi en compte l’un des principaux problèmes dans le trafic des armes à feu : la reconversion ou réactivation. Elle considère comme « arme à feu » les objets tels que les pistolets à gaz ou les armes qui ne sont plus censées être utilisées, par leur désactivation, et donne une définition extrêmement détaillée de ce qui peut ou ne peut pas être considéré comme arme à feu. La nouvelle directive ajoute également des spécificités en rapport avec les armes à feu fabriquées ou importées dans l’Union, du fait qu’elles doivent être enregistrées et avoir un marquage unique selon certaines règles énumérées dans l’article. Les prérequis pour les personnes pouvant acquérir des armes ont également été davantage détaillés, dans une volonté d’être plus strict avec ce sujet. De plus, est ajouté « un système de suivi, qui fonctionne de manière continue ou périodique, visant à garantir que les conditions d’octroi d’une autorisation fixées par le droit national sont remplies pour toute la durée de l’autorisation et que, notamment, les informations médicales et psychologiques pertinentes sont évaluées. » Ainsi, lorsque quelqu’un ne remplit plus les conditions, l’arme à feu doit lui être retirée. Enfin, des détails ont également été ajoutés afin de durcir les articles en rapport avec le transfert d’armes, que ce soit entre États membres ou par des individus voulant aller d’un État membre à l’autre.
Sur leur site officiel, le Conseil de l’Union européenne, en expliquant les modifications faites à la directive, admet que « la proposition modificative a été présentée par la Commission européenne le 18 novembre 2015 à la suite de la série d’attentats terroristes qui ont eu lieu en Europe et qui ont mis en lumière des lacunes dans l’application de la directive. » Cela met en lumière le fait qu’il y avait en effet des lacunes dans la législation européenne en rapport avec la lutte contre le trafic d’armes. De plus, est mis en avant le fait que « la révision actuelle s’inscrit dans le prolongement de celle de 2008 et a également pour objet d’aligner la législation de l’UE sur les dispositions du Protocole des Nations unies contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu. » En effet, c’est un trafic qui touche le monde entier, ayant besoin de réponses conjointes au niveau multilatéral, raison pour laquelle le site du Conseil a voulu rappeler cela.
Le trafic illégal d’armes à feu est ainsi un problème toujours très présent de nos jours au sein de l’Union européenne, mais peu évoqué. Cependant il est relié à de nombreux autres problèmes, tels que d’autres types de crimes (gangs, drogues, banditisme) ou le terrorisme, puisque la plupart des attaques ayant lieu en Europe se font au travers des armes à feu que les auteurs des faits ont pu acquérir d’une façon ou d’une autre, voire traverser des États membres avec. Ce trafic peut prendre de nombreuses formes et les armes peuvent être acquises de façons très différentes. Cependant, là où l’Union européenne semblait être « endormie » avant, de nos jours elle en a réellement pris conscience et plusieurs institutions œuvrent ensemble pour un durcissement des législations. L’objectif est, d’un côté, de rendre l’acquisition d’armes à feu – selon la définition de la nouvelle directive – bien plus difficile, et d’un autre, d’avoir une plus forte harmonisation des règles entre États membres. Il reste néanmoins le fait que, malgré le très grand avantage que « l’abolition » des frontières au sein de l’Union européenne a apporté, elle garde ce désavantage dans lequel une fois à l’intérieur de l’Union, il est difficile d’empêcher le trafic et d’en être au courant. De plus, l’accroissement de l’importance d’Internet, que ce soit sur le « surface web » ou sur le Dark web, doit également être fortement surveillé puisqu’il deviendra sûrement un moyen de plus en plus utilisé, notamment suite au renforcement de la lutte contre le trafic d’armes à feu de la part de l’Union européenne.
L’Union européenne commence ainsi à agir plus strictement et plus fortement dans la lutte contre le trafic illicite d’armes à feu, mais doit encore œuvrer à une plus forte harmonisation des législations entre les États membres, et trouver des solutions aux problèmes qui persistent.
Carolina Duarte de Jesus
Pour en savoir plus :
“Factsheet – Firearms and deaths by firearms in the EU”, Flemish peace Institute, 2015, 2 pages
« Les Balkans, principale filière du trafic d’armes vers la France », Ministère de l’Intérieur français, 2013, [consulté en ligne le 30/12/2017]. http://www.interieur.gouv.fr
« Les États adhérents et candidats à l’Union européenne », Toute l’Europe, 2016, [consulté en ligne le 12/01/2018]. http://www.touteleurope.eu
« L’UE renforce le contrôle de l’acquisition et la détention d’armes », Conseil de l’Union européenne, 2017, [consulté en ligne le 29/12/2017]. http://www.consilium.europa.eu
« Trafic d’armes : état des lieux et réponses européennes », Toute l’Europe, 2015, [consulté en ligne le 29/12/2017]. http://www.touteleurope.eu
DUFOUR Jean-Louis, « L’Union européenne, les armes individuelles et leur trafic », L’économiste, 2015, [consulté en ligne le 30/12/2017]. http://www.leconomiste.com
DUQUET Nils et VAN ALSTEIN Maarten, “Guns for sale. The Belgian illicit gun market in a European perspective”, Flemish peace Institute, 2016, 21 pages
ERNESTO Savona et MARINA Mancuso, “Fighting Illicit Firearms Trafficking Routes and Actors at European Level”, Final Report of Project FIRE, 2017, 116 pages
HAROS Maria, « UE : l’intégration des Balkans, une menace à la sécurité européenne ? », Mondialisation.ca, 2017, [consulté en ligne le 30/12/2017]. http://www.mondialisation.ca
Directive du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, Conseil des Communautés européennes, 1991
États-Unis, Population Data, 2018, [consulté en ligne le 09/01/2018]. http://www.populationdata.net
Illicit firearms trafficking, Europol, 2017, [consulté en ligne le 05/01/2018]. http://www.europol.europa.eu
Number of deaths in 2018, Gun Violence Archive, [consulté en ligne le 09/01/2018]. http://www.gunviolencearchive.org
Past summary ledger, Gun Violence Archive, [consulté en ligne le 09/01/2018]. http://www.gunviolencearchive.org
Population on 1 January, Eurostat, 2018, [consulté en ligne le 09/01/2018]. http://ec.europa.eu/eurostat
Programme de l’UE pour la prévention du trafic illicite d’armes conventionnelles et la lutte contre ce trafic, Conseil de l’Union européenne, 1997
European Commission President Jean-Claude Juncker said in Strasbourg that he « would like » to see the UK return to the EU after Brexit, even if this proposal will not considered by London.
But President Juncker said: “I noticed that in London, they have reacted almost upset at this reaction. Be it as it may, once the British have left under Article 50 there is still Article 49 which allows a return to membership and I would like that. I would like us now to treat each other with respect and not abandon each other.”
This is the second time in two days that President Juncker is addressing the British, after an intervention from the President of the European Council Donald Tusk the day before, also before MEPs.
Tusk reiterated that if London does not change its positions, from the end of March 2019 it “will be a third country” compared to the rest of the EU. At the same time, however, Tusk said that the UK has still time to change their minds. During the plenary session he said: “our hearts are still open”. Meanwhile, according to a draft of the negotiating directives, the EU will ask the United Kingdom to guarantee the rights enjoyed by European citizens for the entire transition period after Brexit, which should last until the end of 2020.
Among those who have spoken of a willingness to help Britain stay or to rejoin have been French President Emmanuel Macron. Asked about the current debate, one of his advisers said on Wednesday that France would still welcome a change of heart.
Maria Elena Argano
For further information:
Euractiv website: https://www.euractiv.com/section/uk-europe/news/juncker-says-would-like-britain-to-rejoin-eu-after-brexit/
7 sur 7 website: http://www.7sur7.be/7s7/fr/37462/Brexit/article/detail/3346612/2018/01/17/Juncker-espere-un-retour-dans-l-UE-apres-le-Brexit.dhtml
Rainews website : http://www.rainews.it/dl/rainews/articoli/ContentItem-c0f8049f-814e-42e8-9c79-857d2ff37a62.html
The Greek members of Parliament have adopted yesterday evening a very controversial measure, by a 154 to 141 vote, that affects the right to go on strike in the country.
Already overwhelmed by many fiscal crises in recent years, Greece must continually face new austerity reforms proposed by its government. This time, the population and more specifically the trade unions, are indignant against this new reform that affects the right to strike. The new law provides that half of the members of a given union can be present during a demonstration, against a third before. Enough to anger the members of the PAME, a powerful Greek communist union.
The government claims that this new law does not in any way limit strikes but rather encourages workers to become more involved in their union’s activities. Trade unions, for their part, find this law aberrant because members of the same union dwell in several regions of the country and cannot travel simultaneously for rallying in the capital.
The new law not only affects the right to strike but also reforms family allowances. These changes triggered many demonstrations in Athens and public and air transports were severely disrupted. The country has been experiencing this kind of upheaval for almost 8 years now and it is not ready to end. Greek citizens should expect further reforms coming from their Parliament very soon.
Déborah Miller
For further informations :
« Manifestations en Grèce après le vote de nouvelles réformes » Le Monde, 2018, consulted online on 16/01/2018, http://www.lemonde.fr/europe/article/2018/01/16/les-deputes-grecs-adoptent-des-reformes-voulues-par-les-creanciers_5242180_3214.html
« Grèce : grèves et manifestations contre une réforme exigée par les créditeurs », AFP, 2018, consulted online on 16/01/2018, https://www.romandie.com/news/Grece-greve-et-manifestations-contre-une-reforme-exigee-par-les-crediteurs/880093.rom
« Grèce : la restriction du droit de grève adoptée malgré les manifestations », RFI, 2018, consulted on 16/01/2018, http://www.rfi.fr/europe/20180116-grece-restriction-droit-greve-adoptee-malgre-manifestations
Chères amies, chers amis : les vœux de EU-Logos pour l’année 2018
Qui dit nouvelle année, dit rétrospective et prises de bonnes résolutions. Nous n’échappons pas à cette loi du genre. Année 2018, année décisive pour l’Europe, reconquérir ses citoyens, les mobiliser dans l’unité et l’efficacité. En 2018, confirmer un renouveau incontestable mais encore fragile, et aussi assumer ses responsabilités historiques. 2018, une année combative pour l’Union européenne, une année solidaire entre ses membres .L’année 2018, l’année du réveil et de la refondation ? année des conventions démocratiques et de leur succès ? C’est ici que les vœux prennent tout leur sens.
L’Europe a su faire preuve de résilience. Un redressement économique et financier réel mais limité et encore fragile pour certains. Les dangers politiques persistent eux aussi, ils rôdent toujours. Le populisme et ses différents avatars ont reçu un coup mais pas un coup fatal. L’opinion publique est à l’arrêt après avoir, pour une bonne partie d’entre elle, tourné le dos à un déni d’Europe manifestement excessif, et au bout du compte, peu convaincant. A l’arrêt, elle observe et s’interroge, elle est prête cependant à faire confiance si se confirment les premiers succès.
Mais c’est une attente qui se prolonge du fait de nouveaux phénomènes apparus entre- temps: le retour inattendu de la menace nucléaire, la confirmation des périls du cyber monde, le désarroi identitaire, la paupérisation des classes moyennes, l’aggravation, lourde de menaces, des inégalités entre pays (1), mais aussi à l’intérieur d’un même pays : l’injustice sociale ne produirait-elle pas une double radicalisation, populiste et djihadiste ? A joutons les déstabilisations de tous ordres créées par des phénomènes migratoires non maitrisés .Que dire des développements de l’intelligence artificielle et des fantasmes qui lui sont liés ? Que dire aussi des futurs bouleversements liés aux changements radicaux dans nos modes et comportements productifs ?
En face, les errements de Donald Trump, et la Chine qui assume de plus en plus ouvertement son ambition de conquérir le leadership mondial que seule l’Europe semble en mesure de lui contester ,en partie, surtout s’il advenait que la Chine se présente, de façon trop assurée et permanente, comme le seul héraut de la lutte contre le réchauffement climatique ou apparaisse comme le promoteur incontesté d’une mondialisation qui serait alors sans partage.
L‘Europe est comme à l’arrêt, dans l’attente de confirmations, d’infléchissements ou d’effondrements imprévus. Mais l’avenir, on ne l’attend pas comme on attendrait un train, sur le quai d’une gare ; l’avenir, on le construit. Pour le construire, il n’est pas de meilleure occasion qu’un bon usage de ces conventions démocratiques initialement proposées par Emmanuel Macron et depuis rebaptisées « consultations citoyennes ».
Ces conventions présenteraient un premier intérêt : déborder les schémas proposés habituellement par les représentations traditionnelles (les partis, les syndicats, les bureaucraties….) où s’inscrivent d’ordinaire les revendications. Une révolte donc et, pour y être fidèles, consacrer nos énergies à l’organisation d’un vaste débat européen afin de poser les bons diagnostics de la situation actuelle et trouver les meilleures solutions. Nous donner les moyens de savoir ce que nous voulons. C’est-à-dire plus que des consultations, fussent-elles « citoyennes ».
Dans ces moments d’incertitudes à haut risques, nos démocraties européennes doivent savoir se remettre en cause, qu’il s’agisse d’éducation, de croissance économique durable et inclusive, du renforcement du lien social. Sur le plan international, face au renouveau des violences, au renouveau des idéologies et des régimes hostiles à la démocratie, l’Europe doit confirmer ses valeurs, assumer la charge de la défense de l’Etat de droit, y compris, le cas échéant, sur le plan militaire. Rappelons qu’en 2016, après cinq années consécutives de baisse des ventes d’armes, celles-ci viennent de repartir à la hausse et d’augmenter en 2016 de 4%, pour un montant annuel de 217,2 milliards de dollars, les ventes de l’Europe occidentale restant stables.(Données du SIPRI).
Difficile d’imaginer des vœux plus engageants et plus ardents pour ces conventions démocratiques. Sur quoi doivent-elles faire porter prioritairement leurs efforts dans la conjoncture actuelle caractérisée par la persistance de l’extrême droite populiste et sa banalisation ? Dans une Europe où tout repose sur le consensus et le souci de l’apaisement, il est difficile de remettre en cause des pays au comportement peu démocratiques, mais élus démocratiquement. L’Europe est largement impuissante du fait de ses règles (l’unanimité par exemple) mais aussi de ses comportements. Pour toutes ces raisons, cette banalisation de l’extrême droite populiste fait malheureusement l’objet d’un consentement rampant, inavoué : ce consentement est, qu’on le veuille ou non, accepté, toléré. Il faut reconnaître que ces droites populistes, ces gauches radicales sont polymorphes avec une forte plasticité redoutable, ce qui rend malaisée la réplique. Pascal Ory (2) a bien décrit le phénomène : « Une culture politique de droite (…) dans un style de gauche (….) une idéologie de synthèse qui permet à la droite radicale de trouver le chemin des classes populaires en adoptant un style de gauche, avec, à droite comme à gauche, cette stratégie, intransigeante et volontiers paranoïaque, nourrissant une conception simple de l’univers, à la fois manichéenne et symétrique », eux et nous !
La capacité de l’UE à se remettre en cause est essentielle et cela constitue pour elle un défi d’un type nouveau. Elle va devoir se questionner, ce qui est compliqué quand il ne s’agit pas de tout casser, tout faire éclater. Face à la persistance de l’extrême droite, il n’y a pas d’autre issue que d’inviter l’UE à se mettre en cause et proposer « du nouveau », à l’intégrer dans un contexte historique de longue durée , à l’opposé du « court-termisme » actuellement dominant où chacun semble ne vouloir retenir que ce qui l’intéresse directement et immédiatement, dans une course éperdue à tous les opportunismes.
Pas d’autre issue que de confier aux conventions démocratiques cette tâche de la dernière chance. En outre, cette démarche est susceptible d’enlever aux citoyens le sentiment qu’ils ne sont plus maîtres de leur destin, dépossédés de leur souveraineté. La voix des citoyens ne compterait pour rien. Or ce qui est proposé, c’est un processus délibératif d’un type inédit par son déroulement, sa méthode, son ampleur et sa durée, quasiment jusqu’aux élections du Parlement européen en 2019.
Concernant ces conventions démocratiques, nous y reviendrons régulièrement au cours des mois prochains et la première fois le 13 février 2018, où Eulogos organisera au Press Club de Bruxelles, une conférence intitulée « l’Union européenne à la reconquête de ses citoyens ». Ce sera l’occasion d’approfondir et de concrétiser ce nouveau concept de consultations citoyennes ou conventions démocratiques, en organisant leur mise en œuvre. Déclencher une dynamique nouvelle susceptible de produire des « cahiers de doléances » qui, à l’image du précédent historique de 1789, viendraient alimenter les « Etats généraux de l’Europe ».
Meilleurs vœux pour 2018. Que cette année soit une réussite !
Henri-Pierre Legros
New talks between North Korea and South Korea seem to have been fruitful. These two countries, at war since 1950, have agreed in three points and issued a joint statement.
The negotiations lasted for over 10 hours and it was the first official meeting since December 2015. This was a delicate situation, not only between the two countries, but regarding the United States as well: South Korea did not want this meeting to create tensions with one of its greatest allies.
However, president Trump affirmed there would be no military action during the talks, and said that “hopefully it will lead to success for the world, not just for our country, but for the world.” He later also revealed that there have been talks, “a lot of good talks”, between the United States and North Korea. This seems like a positive outcome to what had been a very escalating year between the two countries. Especially since regarding nuclear weapons, North Korea will only discuss it with the United States and not with South Korea, nor China or Russia.
It was the South which had, for a long time, proposed to initiate talks that Pyongyang accepted on 5th January. One of the reasons for it might have been the Pyeongchang Olympics Games, the Winter Olympics taking place in South Korea. North Korean athletes had managed to qualify for them, but did not register in time; however, the International Olympic Committee kept the invitation open for a delegation. In 1988, when the last Olympics in South Korea took place (in Seoul), North Korea did not send a delegation.
During the talks, other than the fact that North Korea decided to send a national delegation to the Olympics, the three issues that were agreed to and announced in the statement were “agreeing to work to ease military tensions, hold military-to-military talks, and reopen the inter-Korean military hotline”. Stephane Dujarric, spokesperson for the UN Secretary-General said that “the re-establishment and strengthening of such channels is critical to lowering the risk of miscalculation or misunderstanding and to reduce tensions in the region”. Finally, Seoul also asked that during the Olympics, a reunion would take place between separated families.
All of these events made the EU High Representative for Foreign Affairs and Security Policy, Frederica Mogherini, make a statement on the very important issue. She sees the talks as “encouraging signal, representing a positive step towards the improvement of inter-Korean relations”. Moreover, she hopes that additional meetings will be “a building block for peace and stability on the Korean peninsula”. Finally, she talked about the European Union’s role regarding the situation, by saying the Union will “continue to work towards this goal”, of mainly maintaining dialogue for the countries’ denuclearization.
The European Union has been very present in the Korean issue, wanting to be a kind of moderator and continually working for peaceful resolutions. With these new developments, it might finally and definitely have that role in the future.
Carolina Duarte de Jesus
For further information:
“EU welcomes outcome of inter-Korean talks as positive step for Koreas’ relations”, Yonhap News Agency, 2018, [consulted online on 11/01/2018]. http://english.yonhapnews.co.kr
“Inter-Korean talks hailed as positive sign to ease tensions on peninsula”, Xinhua News, 2018, [consulted online on 11/01/2018]. http://www.xinhuanet.com
HOLLAND Steve and KIM Christine, “Trump, on the possibility of North Korea talks, says: ‘Who knows where it leads?’”, Reuters, 2018, [consulted online on 11/01/2018]. http://uk.reuters.com
LEE Taehoon and MCKIRDY Euan, “North Korea accepts South’s offer to meet for talks”, CNN, 2018, [consulted online on 11/01/2018]. http://edition.cnn.com
L’Union européenne et la paix, L’invention d’un modèle européen de gestion des conflits sous la direction de Anne Bazin, Charles Tenenbaum, Coll. Relations Internationales, SciencePo, Les Presses, 2017
Le livre intitulé „L’Union européenne et la paix. L’invention d’un modèle européen de gestion des conflits” est un travail collectif de dix auteurs sous la rédaction d’Anne Bazin et Charles Tetenbaum. Les deux co-auteurs sont des maitres de conférence en science politique a Sciences Po Lille et les chercheurs au Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS, Université de Lille 2).
Anne Bazin dans sa recherche se concentre autour des questions liées a la politique étrangère de l’UE. Charles Tenenbaum s’interesse à la thématique des médiations internationales et résolution des conflits et de multilatéralisme.
Ce livre d’une manière scientifique et méthodique dessine une analyse approfondie et détaillée de la politique de la construction de la paix par l’UE après la guerre froide. Cet Union qui, en 2012 reçoit le prix Nobel de la Paix.
Il démontre quelles sont les logiques politiques et les changements dynamiques institutionnels qui accompagnent dans le temps la création et l’évolution d’un modèle européen de gestion des crises.
L’Union européenne apparait comme un acteur majeur de la paix et de la résolution des conflits au coté des autres organisations internationales comme Organisation des Nations Unis et Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe.
La structure du livre, accompagnée par une introduction d’Anne Bazin et de Charles Tenenbaum se compose de deux partis et se compose de 9 chapitres. Dans la première partie nous trouvons les propos théorique, concernant la création et le fonctionnement des politiques de la gestion des crises de l’UE. La deuxième partie décrit les exemples concrets d’implémentation des différents instruments et de stratégies de la politique étrangère et de sécurité: le Proche Orient, la Somalie et le Caucase afin de mieux démontrer les initiatives de la paix de l’UE dans le terrain.
Chaque chapitre est écrit par un autre chercheur venant des différents universités, pas seulement européens (Science Po Lille, Science Po Grenoble, Cardiff University, Université Hebraique de Jerusalem, College d’Europe de Bruges, Université d’Amsterdam).
Dans l’introduction les auteurs souhaitent souligner l’importance de comprendre l’évolution institutionnelle et politique de la gestion des crises made in Europe. Le premier chapitre démontre l’évolution institutionnelle des mécanismes européens dans une perspective historique et sociologique. Dans le deuxième chapitre les auteurs présentent les acteurs majeurs et les pratiques d’implantation de l paix par les institutions de l’UE. Dans le troisième chapitre l’auteur décrit les actions menées par l’Union a cote des autres institutions internationales qui s’activent dans le domaine des missions pacifiques et de gestion de crise. Dans le quatrième chapitre nous avons une analyse de la manière de laquelle sont analysées les programmes de démocratisation dans la stratégique globale de la politique de l’Union notamment la gestion de crise. Chapitre cinq présente une chronologie très détaillée de la création de la politique extérieure de l’UE. Il se divise en quatre parties:
- l'évolution normative,
- la mise en place de la politique de gestion de crises de l’UE,
- le niveau institutionnel,
- les exemples des missions de paix menées par l’Union (Croatie, Bosnie, Kosovo; Afghanistan, Libye; Tchétchénie, Georgie, Ukraine).
Le chapitre six présente l’évolution de médiation comme un des instruments pacifique de la gestion de crise par l’UE. Les trois derniers chapitres décrivent les exemples exacts de l’engagement de lUE dans la construction et du maintien de la paix dans le monde : le conflit Israélo-Palestinien, la Somalie et le Caucase.
Cet ouvrage présente des normes, des pratiques ainsi que des acteurs de l’UE selon une démarche de sociologie des relations internationales:
- les enquêtes sociologiques approfondies,
- les entretiens avec des praticiens, des experts et des diplomates qui participent dans ce processus directement.
Les auteurs soulignent que l’UE développe depuis la fin de la guerre froide les divers instruments de sa politique étrangère:
◦ la gestion des crises,
◦ la prévention,
◦ la médiation,
◦ la réconciliation,
◦ la démocratisation,
◦ des droits de l’homme.
En effet, elle souhaite avoir un rôle majeur dans la pacification des zones de conflit dans le monde.
Les auteurs souhaitent montrer comment grâce aux divers outils de la sociologie et de la science politique, la politique étrangère de l’UE et ses actions extérieurs évoluent. Ils mettent l’accent sur les stratégies alternatives de résolution des conflits développés par l’UE au cours des années.
Il convient de souligner que l’UE et sa politique étrangère sont montrées dans une optique multilatérale, internationale, en comparaison aux autres organisations intergouvernementales, universelles ou régionales qui possèdent déjà depuis plus longtemps les instruments de gestion des crises. En effet, toutes ses organisations participent dans l’organisation du monde.
L’histoire de la politique extérieure de l’UE est animé par l’objectif de mettre les Européens a contribution dans la résolution des conflits. En effet, selon les auteurs, l’UE souhaite devenir conflict manager global.
De la lecture de ce lire découle deux conclusions :
1. la diplomatie européenne sur le niveau régional et mondial reste historiquement liée à la pacification des conflits grâce aux plusieurs modèles de médiations : le soutien financier aux ONG, des expertises externes, le soutien des partenaires,
2. la faiblesse, l’incohérence des moyens entretenus et le manque d’un soutien politique mènent à une baisse d’influence progressive à l’échelle mondiale et à une baisse de la capacité d’intervention de l’UE.
D’ou besoin d’évolution des instruments, de mécanismes et d’institutions spécialisés afin de redéfinir la nouvelle politique de la paix de l’Union.
Il convient de souligner les valeurs scientifiques et même didactiques de cet oeuvre. Malgré son style très technique, qui semble momentanément rude, cette lecture mène à une réflection et un jugement critique envers la politique de l’UE.
*
Chronologie - politique de la paix de l’UE:
NORMES-THEORIE
1. Maastricht - chapitre 5- PESC
1. résolution de conflit
2. missions de Petersberg (UEO) : maintien de la paix, missions humanitaires, gestion de crise, rétablissement de la paix
2. Amsterdam - maintien de la paix, missions de forces de combat
3. St.Malo 1998 - capacités militaires (parallèlement - institutionnalisation de la politique européenne de sécurité et de défense
4. Göteborg 2001 - prévention des conflits = un des principaux objectifs des relations extérieurs de l’UE
5. Stratégie européenne de secouriste - équilibre civili-militaire dans la gestion des crises
PRATIQUE
• 34 missions lances - dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense entre 2003-2015 (16 achevés, 18 en cours début 2015)
• deux tiers de ces missions ont un caractère civile (coopération police/justice, renforcement de l’Etat de droit)
• taille modeste - qqn dizaines/centaines d’agent.
INSTITUTIONS
• Parlement eu. - groupes de médiation - évolution vers une prévention de conflit et une médiation
• Création de l’Institut européen de la paix (IEP) à l’initiative de la Suède et de la Finlande
▪ médiation européenne de la paix européenne
▪ diplomatie informelle
▪ politisation des enjeux lies a la médiation des conflits (différents intérêts des pays membres de l’UE)
ETUDES DE CAS
Processus Israélo-Palestinien
- jeux d’intérêts des pays membres de l’UE; production normative croissante de l’UE et pas de stratégie politique clairement définie ; par conséquent - une baisse d’influence progressive de l’UE, incohérence entre les normes promues et la capacité d’intervention de l’UE; financement de l’UE majeur (poids financier)
écrit par dr Kinga Torbicka, chercheuse associée de l`Institut Europa Varietas
Tag: Kinga Torbickagestion civile des crisesCSDPBulgaria started its round as the holder of the EU Council presidency on the 1st January 2018, after Estonia concluded its turn by the end of the year 2017. It is the first time the country assumes this position since its entry in the European Union back in 2007. Although Bulgaria has been regarded as the poorest country in the EU – and is said to be the most corrupted one – it will seek to continue on the work begun by its predecessor, most notably by developing the digital single market project even further.
Indeed, one of its main priorities will be to promote competitiveness by using all the innovative and digital means which will be part of the European digital single market. In its work programme published a few days ago, the Bulgarian representatives to the EU Council indicated that they would focus on “accelerating the process of completing a competitive and fair digital Single Market; supporting connectivity within the EU; updating the regulatory framework for telecommunications; enhancing the credibility and security of personal data in the digital space and the development of a European data-based economy.”
This point is only one part of a four-priorities programme, which encompasses different areas, namelyeconomic and social cohesion”, “stability and security of Europe”, “European prospects and connectivity of the Western Balkans” and finally “digital economy and skills for the future”. The overall goal of the Bulgarian presidency will therefore be to make the European Union “stronger, more united and more democratic”, as Bulgaria’s representatives stated in the 40-pages long work programme.
Bulgaria will surely face a lot of challenges along the way, before Austria eventually takes over the EU Council presidency by the 1st July 2018, but it will strive to achieve all the goals that have been set up by the three countries – Estonia, Bulgaria and Austria – as they are part of a trio presidency. Moreover, according to the Council of the EU, “working as a trio presidency also means that the three member states have the opportunity to learn about each other and to work together closely, thus strengthening the EU as a whole.”
Raphaël Moncada
For further information:
Bulgarian Presidency: https://eu2018bg.bg/en/programme
EU2017: https://www.eu2017.ee/trio-programme
Euronews: http://www.euronews.com/2017/12/31/bulgaria-takes-up-eu-presidency
European Parliament: http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2017/614605/EPRS_BRI(2017)614605_EN.pdf
The Weinstein case that shed the light on violence and sexual abuses in the world of cinema and the cases of abuse in the European Parliament, have shifted the attention on one of the dramas of contemporary society, one of the great battles for civilization the Western World has been fighting in the last decades. Over the years, the European Parliament has dealt with the issue on several occasions and to talk about this I met with Elly Schlein, an Italian Member of the European Parliament (MEP), member of the Socialists & Democrats (S&D) group and the Italian party Possibile. During her tenure, she fought for the reform of the Dublin treaty and launched, together with other colleagues, the #MeTooEU campaign against gender-based violence, following the scandals that have hit the European institutions in recent months. These two battles are the result of her presence in the LIBE (Civil Liberties, Justice and Home Affairs) and in the FEMM (Women’s rights and gender equality) committee. During this interview we talked all-round about the issues that are reasons for the violence and culture of gender inequality. The answers and ideas that Elly Schlein gave me will always be quoted.
Media attention on gender violence
In the first days of October, a succession of actresses and women linked to Hollywood have reported harassment and sexual violence by Harvey Weinstein, a famous film producer and a very influential man in Hollywood. Within a month, more than 90 women declared being victims of harassment by the producer and 14 accused him of rape. These accusations have initiated numerous investigations. On the Internet, the social campaign #MeToo was launched and following that Jeanne Ponte, assistant to a French MEP in the European Parliament, publicly reported cases of harassment in the institutions on her and her colleagues. We asked MEP Elly Schlein if media attention was the reason or the result of cases such as those mentioned:
“Surely the Weinstein case has helped turn the spotlight on what is a structural and endemic problem of our society. This problem exists, regardless of how much attention medias are paying to it, and sometimes cyclical facts emerge concerning people who are particularly well-known as it happened in the Weinstein case. Unfortunately, the data tells us that one in three women was victim of sexual or physical harassment since youth. So, it is a problem that exists in all societies and in all work environments, not only in the film industry, but we have dealt with it in this Parliament because in the European institutions unfortunately there are cases of sexual abuse and harassment. And that is why, together with many other colleagues, we asked with determination that legislations should be enforced and prevention should be adopted immediately. Because these two things have to be carried on together, there is certainly a profound cultural work to do, but in parallel there is a strengthening of the legal framework that does not only involve sanctions, which have to be hard and effective, but which also entails the creation of a climate of zero tolerance that allows and facilitates complaints. Because precisely because of the cases we have dealt with here in the European Parliament, we realized that the already existing channels to denounce facts of this type are obviously not yet built in an effective way, they are not yet reliable enough for the people that preferred in some cases to not report. Or just to report only after the Weinstein case, on the wave of this beautiful hashtag called #MeToo.”
#MeToo and the TIME’s cover as Person of the Year
The #MeToo social campaign was launched by the actress Alyssa Milano a few days after the Weinstein scandal broke out. Her call was heard by thousands of women who shared their experiences of social harassment and abuse by demonstrating how widespread the phenomenon is. Just to her and to the other « Silence Breakers« , TIME magazine dedicated the annual cover award of the Person of the Year, identifying the movement of women who joined the hashtag #MeToo as a collective fight; born, however, as an act of individual courage. That was what Elly Schlein thought about this:
“Yes, let’s say that this is interesting, because one thing is true: despite being a structural and endemic problem of our societies, where much more awareness and prevention and contrast of violence must be made; it is also true that after the Weinstein case, these very positive campaigns that were born have created a climate in which women felt much freer to report these facts and this created a positive circuit. It is a situation in which one supports one another in the act of denunciation, which is never easy. We have also seen that in the Italian case, which unfortunately presented some profiles a bit special compared to those of other countries, demonstrating the great backwardness of our country on the issue of gender equality. Great backwardness also from the cultural point of view, in Italy we have seen episodes of victim-blaming. Comments like « you’ve looked for it », « why did she denounce so late? » and « first you benefit and then… ». This is all an indecent blame for the victim who must instead be able to report through reliable channels, to be followed by a team of medical, psychological and legal advisors. In short, the complaint deserves to be seriously considered; then the complaint will give rise to a judicial procedure and we will see if this will lead to convictions for those responsible. But here the important thing is that there is a climate in which people feel free and protected in the complaint and have channels through which the complaints are taken seriously. This is not only necessary in the European institutions, as we have been care to ask President Tajani with a petition in the website Change.org, which has already collected about 24,000 signatures, but is essential in all workplaces. Because in all workplaces, unfortunately, these things happen: there are abuses, there is harassment, there are episodes of stalking or otherwise of gender-based violence. It is necessary that in all workplaces there is an awareness and adequate tools for prevention and counter action”
The legislative proposals of the European Parliament
In 2017, in three different moments the European institutions have strongly pushed for greater legal protection of women victims of abuse and violence: with the accession to the Istanbul Convention and with the two resolutions of the European Parliament on the 12th September and 26th October. The adhesion to the Istanbul Convention is a great boost the European Union gives to the many Member States that have not ratified it yet. It is a way of putting back at the center an argument that some people had set aside. While with regard to the two Resolutions, the European Parliament can act as an open-door to many working environments on issues of prevention and combating gender-based violence.
“We hope that at least the Parliament can give a boost to all European institutions in this direction. What has already been said in the Resolution we approved on September 12, which strongly condemns all forms of violence against women and welcomed the European Union’s accession to the Istanbul Convention on 13th June 2017. It is good to remember that the Convention has not yet been ratified by all EU Member States. So that the European Union has also been a symbolic act, that wants to push with absolute haste and urgency the Member States to join, implement and ratify the Convention of Istanbul. Obviously, it is not the only Resolution, there have been so many from the Parliament on this issue. The last one was approved on the 26th October, when we voted for a resolution on the fight against violence and sexual abuse in the European Union. This Resolution condemns any form of sexual violence and physical or psychological harassment and also deplores the fact that these acts are tolerated too easily. It also condemns the cases of sexual harassment in the EU institutions recently revealed by the media. This Resolution insists on what I said earlier, namely that we need a more effective legal framework, that we need to take further measures to strengthen the fight against this phenomenon and that we need more prevention. We also had a debate in the plenary session last October, before the approval of this Resolution, which showed that some of the internal procedures are not yet adequate and it is still too difficult to report cases of harassment or we are afraid that this will lead to consequences and to empowering those guilty of these acts. All of this began with the adherence to a letter, which was the initiative of some colleagues and was addressed to President Tajani, in light of what was the Weinstein case and the thousands of women who found the strength to denounce the experiences of abuse sexual in work spaces and public places. We first asked that there was an external audit, for the cases of sexual abuse in the European Parliament, we asked that there was a special commission dedicated to this, which also included legal counselors, medical and psychological staff. All this to investigate these cases reported, obviously maintaining the absolute confidentiality and the anonymity of complaints to protect victims. It was also asked that measures were adopted that could ensure a climate of zero tolerance at all levels in the European institutions. Finally, it was necessary to ask the institutions to fully support the victims during these procedures and to also carry forward the formal complaint to the competent judicial authorities.”
Elly Schlein has also launched an online petition on the well-known « change.org » website, along with MEPs Ernest Urtasun, Linnea Engstrom and Terry Reintke.
“I dealt with the Italian part of this complaint that we called « Stop sexual abuse in the European institutions » with the significant hashtag #MeTooEU, that is the European part of the #MeToo campaign. And just as I said to you, we ask loudly:
The cultural problem of gender violence
Coming to discuss the cultural issue behind gender-based violence, the question that arises is how to combat the cultural problem, in addition to the legal one, behind gender-based violence. Especially if there is a European level in which to fight the culture of gender-based violence or if this problem has to be fought at other levels. The MEP Elly Schlein gave us a long and complex vision on the issue:
“The FEMM committee has always been committed to supporting the fight against gender-based violence. So certainly, there is a European level on which to work in a cultural way on the issue of attracting interest, training and information, and the denunciation of what is sexism, sexist language, stereotypes. On these issues, the European Parliament is very active and there is already support from the European Union. At the national level, there is a long way to go, I think the crucial question is to start early and start from schools. This is why we support the need to educate about differences within schools. A possibility that too often is not explored by the educational plans of our schools, even if there are good practices in circulation. I have recently met the teachers of the schools of Bologna, for example of the Rodari school in the province, and we have dealt with this delicate theme together: it is not an easy operation! We have made an initiative by tackling with experts on this issue what are the challenges for proper training in schools to raise awareness among young people about these important issues. It is from there that the deconstruction of these patriarchal structures that keep our country plastered, more than others, begins. We need to do serious work of support, which is lacking at the national level, to the anti-violence centers that have a long experience and great skills to support the victims. And we need to make an accurate operation on who has been responsible for acts like these, people who are re-socialized and re-educated by fighting these stereotypes and this completely wrong idea of the woman’s body as if it were an object, or as if it were a men’s possession. So you have to act at all levels: local, national and European. This can be done with many tools to support these policies, like find funds available to support courses and training. At the national level a much more serious investment is needed: constant government cuts to funds available for the anti-violence centers are indecent.”
Anti-violence centers and funding for facilities
There is a problem of public funding for a whole series of structures providing protection and support for women victims of violence, facing a reality which is that institutions receive less and less public funding. This is the case for example of the International Women’s Home in Rome, active since the ‘80s and recognized for its role of public utility by the City of Rome since 1992. Today it risks closing for the demands of the municipality that claims to be paid a rent for the structures that host it. So my question is: the problem is political rather than economic? And the second is: the interest about gender problem is a minority in society?
“First of all, I want to express solidarity and support to the International Women’s Home, which should not be closed. It would be very serious to close it because what it does is precious. Whoever is in the government of all institutions, municipality, regions and central State, must absolutely and cannot afford to have this approach in 2017. For decades, there has been special attention given to the issue of gender equality in the European law, you cannot afford it that the institutions accept the lack of this attention. I take it to the same extent with the government or with a mayor who makes the mistake of removing funds for this type of policy. I do not believe that it is a minority, I believe that society is also ahead the political class on many things, surely there is a widespread cultural problem and in Italy we are behind other countries. But today there is an awareness of these issues much greater than a few years ago, the battle still needs to make many strides forward from stereotypes spread by the media, television and newspapers. How many times do we attack the newspapers as they face the murder of a woman, overturning the question and going almost to justify why he got out of his mind because he loved her and could not live without her? No, he is a murderer and must be treated as such and also the way and the language we use to talk about gender violence makes all the difference in the world on the cultural battle. So you need to have the multi-level high guard, on the language and the stereotypes that television broadcasts: both information programs and films, television series and all programs. There is a need to raise the guard on the language when we talk about these facts in the newspapers, to watch out for the horrendous and sexist commercials that unfortunately still haunt the advertising space of our country. A total contrast of these phenomena and of all this patriarchal culture that sees in the woman’s body an object to be appropriated, which means the cultural battle is not only against this but is connected to the sexist and patriarchal paradigm of our societies. That has to do with the fact that women are absolutely underrepresented in decision-making roles, not only in politics, where in some Regional Councils they are almost absent in a shameful way. Shameful not for them but precisely for the electoral systems and for a political culture that in all the parties does not see the figures of women emerge sufficiently. But we also see it in the boards of companies, women who at the European level are in the boards of companies listed on the stock exchange are 4.7%. We are not 4.7% of society, just as in 2017 it is unacceptable that there is still a wage inequality between men and women for the same job by 15% at European level, this is medieval and is not acceptable in any way. Not to mention the pension gap at European level that is even higher, because women in Europe on average gain 39% less than retired men. Then there is a wide range of battles to be done, we push on the national level for a law on gender equality on the model of the French, that has a comprehensive approach and that touches all these various issues, because the fields in which women are discriminated against today are still very large. As I said, women are discriminated not only in the family, with family work, or when they are victims of violence, but also in the workplace, in the political decision-making, in the areas of responsibility and in the organizational charts of large companies. Here on this there is a lot to do, as Possibile we have proposed that companies that do not respect wage equality could not participate in public tenders; this problem requires very strong sanctions from this point of view.”
Italy has a long way to go
However, compared to other member countries of the European Union it seems that Italy is still behind, especially in terms of the cultural battle and that of information. What is the difference between Italy and other European countries?
“We are a country that is not yet secular enough, by the Constitution and the legislation we should be a secular country, but we have a heavy influence of a certain culture that partly derives from religion, but it is not only that. We also have other models that overlap and see the woman strongly discriminated and as an object of possession. Let’s think, for example, about the organized crime mafia mentality: that is a very patriarchal mentality, so there are many reasons. And then politics in Italy has not yet decided to diverge from this and has not decided to make a strong and direct investment towards gender equality that passes from all these issues. The battles are wage equality, the right representation in decision-making places, the battle not to relegate women to a living instrument of welfare, which in recent years have even made up for institutional shortcomings. In the years of welfare cuts, it is women who have made up for more work at home and cared for the elderly and children. For example, we do not have enough childcare facilities and the right support in the workplace for women who want to carry on with their family and their parenting responsibilities. It takes an appropriate maternal leave and even an appropriate paternal leave; on this there was an attempt for a European directive that then basically ran aground. It takes financial and cultural support to the anti-violence centers, it takes institutions that promote this culture and this also depends on the parties that have to take charge and have a huge responsibility in this regard. I’m lucky because I’m part of a feminist party and that has a secretary, Pippo Civati, that as a man has always been very attentive to the « male » question, as we call it. And so he made us do a series of proposals for which we have also been teased, here is another difference between Italy and the others. It is indicative what happened when we proposed the « Tampon Tax« : a measure of civilization because the basic products of female hygiene cannot be taxed as luxury products, they are essential goods. We were asking for a lowering of the VAT in this sense and we were teased by everyone and everything, even the comedian Luciana Littizzetto who had never deigned to pay attention to this in the follow-up TV program Che Tempo Che Fa. Only after a while did they begin to realize that it was a proposal that the United Kingdom was pursuing, not the feminist groups but the United Kingdom government. For example, Obama has dealt with gender issues also in these specific terms; instead in Italy they are still the subject of derision. So politics are responsible for backwardness as is the interference of a certain Catholic culture; “certain” because instead there are many Catholics who are fully aware of the need to make huge strides on gender equality. There are many tools to combat these phenomena and to promote a political culture and we will try to put them at the center of the debate in view of the upcoming elections.”
This is the result of the interview with the MEP Elly Schlein, wishing us a future where scandals such as Weinstein and harassment within the European institutions will be defeated by the battles for a growing cultural awareness and legal force of our European society.
Tancredi Marini
For further information:
This Wednesday (21st of December), the European Commission launched the article 7 procedure against Poland. The article 7 of the Lisbon Treaty provides a mechanism to safeguard fundamental EU values when they are considered under threat. This procedure is qualified as a “nuclear option”. It is the first time this procedure is triggered by European institutions.
In fact, the European Commission (EC) – announced by its Vice-President Frans Timmermans – launched the first step of the procedure due to “clear risk of serious breach of the rule of law”. By this expression, the EC conducted disciplinary action against the Polish reform of its judicial system, who is “now under the political control of the ruling majority” according to the EC press release.
In this context, several European voices was heard. Phillippe Lamberts (president of the Green/AFA’s group) said “we are glad that the European Commission finally followed our repeated calls”. Gianni Pittella – president of the S&D group – declared “we fully support the decision of the European Commission”. The president of the EPP group – Sergei Stanishev – avowed that “the Polish government should stop portraying itself as a victim, the true victim here is Polish democracy”. Moreover, Iverna McGowan – director of Amnesty International European’s Institutions Office – admitted “the Polish government is finally seeing the consequences of their reckless drive to destroy freedoms in the country”.
The response of the Polish government claims that the EC procedure was “essentially political, not legal” and declares the will of the Polish administration “to continue to reform our justice system”. In both statement, European institutions and Polish government announced their wish to dialog and find solutions in matter of divergent visions of state of law.
The article 7 was triggered by one third of the Member States; and the first step is to give the opportunity for Poland to be in agreement with the EU fundamental rights. Before the official suspension of Poland’s voting rights, there are two more steps unavoidable and involving the three mains European institutions (Council, Commission and Parliament).
After Brexit, Poland is now threatening to weaken the unity of the European Union.
Jean-Hugue Baraër
For further information:
European Commission. Rule of Law: European Commission acts to defend judicial independence in Poland. Press release. http://europa.eu/rapid/press-release_IP-17-5367_en.htm
Euractiv. Brussels triggers unprecedented action against Poland. https://www.euractiv.com/section/justice-home-affairs/news/brussels-triggers-unprecedented-action-against-poland/
Politico EU. Brussels puts Warsaw on path to sanctions over rule of law. https://www.politico.eu/article/frans-timmermans-brussels-puts-warsaw-on-path-to-sanctions-over-rule-of-law/
Politico EU. Poland won’t back down. https://www.politico.eu/article/poland-rule-of-law-wont-back-down-from-brussels-eu/