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Diplomacy & Defense Think Tank News

L’échec du « nation building » en Afghanistan

IRIS - Tue, 24/08/2021 - 10:10

Si les talibans ont pu l’emporter aussi aisément, c’est en grande partie parce que les efforts de la communauté internationale visant à créer quasiment de toutes pièces puis à consolider l’État afghan n’ont pas été couronnés de succès. Il y a des raisons objectives à cela. Retour sur vingt ans d’erreurs. Tentons de tirer quelques leçons pour l’avenir, en particulier pour le Sahel…

Les néoconservateurs américains étaient farouchement hostiles au « nation building »

Contrairement à ce qu’on lit couramment, les Américains, qui furent de très loin les plus importants pourvoyeurs d’aide en Afghanistan, ne se sont jamais sérieusement intéressés au « nation building ». Les néoconservateurs y étaient même farouchement opposés, comme Donald Rumsfeld l’a exprimé à de multiples reprises. Barack Obama n’y croyait guère non plus ; mais à sa prise de pouvoir en 2008, il était de toute façon déjà bien tard pour se lancer dans une telle entreprise, du fait des erreurs accumulées depuis 2002 par l’équipe Bush/Cheney/Rumsfeld, qui était focalisée sur l’Irak.

La première erreur fut bien sûr cette guerre d’Irak qui conduisit à une dispersion des efforts militaires et financiers américains. La deuxième erreur, liée à la première, fut le refus obstiné des Américains de construire une armée afghane à la hauteur des défis sécuritaires pendant les années cruciales de démarrage de l’insurrection, entre 2003 et 2008. Ils l’ont en effet alors délibérément limitée à 30 000 hommes car ni le Pentagone ni l’USAID ne voulaient prendre à leur charge les coûts de fonctionnement correspondants, et les calculs de leurs analystes leur laissaient penser que cet effectif correspondait à ce que le budget afghan pourrait à terme supporter.

Il a fallu les premières grandes offensives d’été des talibans qui ont failli occuper Kandahar en 2008, mais surtout l’arrivée à la même époque du général David Petraeus pour que Washington révise sa position. Constatant la dramatique dégradation de la sécurité, Petraeus, qui venait de rédiger le manuel de contre-insurrection de l’armée américaine, chiffra alors les besoins en police et armée de l’Afghanistan à 600 000 hommes.

Ce chiffre de 600 000 hommes correspondait aux effectifs de l’armée algérienne au plus fort de la guerre civile, en 1997/1998 – sachant que les populations de l’Afghanistan et de l’Algérie étaient à peu près équivalentes. Le coût lié à la formation, l’équipement et l’entretien d’une telle armée afghane fit hurler quelques sénateurs américains et, après de difficiles négociations, l’objectif fut ramené à 350 000. Or en 2009, les effectifs atteignaient péniblement 60 000 hommes – dont à peu près la moitié étaient réellement disponibles compte tenu des absences, des désertions et des besoins de formation. Les Pachtounes, dont les familles étaient menacées par les talibans, n’osaient déjà plus s’engager. L’armée a ainsi été construite sur une base tadjike et non multiethnique, ce qui l’a considérablement fragilisée.

Le temps que les budgets soient négociés et approuvés à Washington, puis les recrutements engagés, vers 2011, soit dix ans après le début de l’intervention américaine, les effectifs des forces de sécurité afghanes s’élevaient à environ 130 000 hommes, dont les meilleurs officiers avaient été formés par les Soviétiques. Il faut en effet noter qu’au cours de leur occupation et avant de se retirer en 1989, ces derniers avaient construit une armée afghane qui s’est révélée capable en 1990/1991 de tailler en pièces les moudjahidines soutenus par le Pakistan et financés par la CIA. Le régime de Najibullah installé par Moscou a ainsi survécu pendant les deux ans où les financements du Kremlin étaient encore disponibles. Il serait sans doute encore en place et l’Afghanistan peut-être en paix si Ronald Reagan avait eu l’intelligence, lorsque Mikhaïl Gorbachev a décidé de jeter l’éponge, de se substituer aux Russes pour financer ce régime laïque qui n’avait rien de communiste.

Les Américains ont enfin laissé les Nations unies désarmer les chefs de guerre dès 2004, ce qui excluait l’option la plus simple en matière de construction étatique, à savoir une confédération des seigneurs de guerre soucieux de défendre leurs territoires respectifs. Un tel fonctionnement aurait au moins permis, sans grand effort occidental, la formation d’un État de type féodal, laissant au Pakistan le soin de régler l’avenir du pays… option peu glorieuse, mais peu coûteuse.

Ne confondons pas « nation building » et « state building »

La construction d’une nation afghane dont tout le monde semble aujourd’hui parler n’était donc pas à l’agenda américain. Mais en tout état de cause, construire une nation en Afghanistan, qui est un pays exceptionnellement fragmenté au plan ethnique, où les différentes tribus se sont continuellement combattues et qui sortait de plus de vingt ans de guerre civile ne pouvait être qu’un processus politique qui ne pouvait être sous-traité à des partenaires extérieurs. Ni les États-Unis ni l’URSS ne pouvaient construire une nation afghane. Une telle opération ne pouvait être réalisée que par des dirigeants afghans prêts à dépasser les clivages ethniques et à construire des consensus. Il leur fallait quand même aussi, pour cela, disposer de la force armée pour « convaincre » les dissidents. Or leurs capacités militaires étaient non seulement réduites mais entre les mains des États-Unis.

La construction d’une nation aurait exigé un charisme particulier de la part du chef de l’État, qui aurait dû être porteur d’une vision permettant d’envisager, à terme, la fusion des innombrables fragments d’une société profondément divisée par des années de conflits. Un exemple historique de construction d’une nation dans un pays multiethnique est celui de Julius Nyerere en Tanzanie, qui détruisit sans doute largement l’économie de son pays en le soumettant à un système de type soviétique, mais en fit une nation. Les qualités de Nyerere manquaient manifestement à Hamid Karzaï, qui fut largement un choix opportuniste américain.

La communauté des donateurs pouvait, au mieux, s’engager dans un processus d’appui à la construction d’un État afghan viable : le « state building ». Mais dans un contexte où le leader américain du camp occidental avait l’œil rivé sur l’horizon irakien et cumulait les erreurs, il était impossible pour les autres donateurs de se lancer sérieusement dans une stratégie cohérente de ce type, pour au moins trois raisons :

(1) Une telle approche demandait de la part des donateurs une capacité de dialogue et de pressions politiques à haut niveau que seuls les Américains étaient capables de conduire ;

(2) Le chef de l’État se révélait, dans son mode de gouvernance, un chef tribal essentiellement soucieux d’acheter des loyautés et de jouer du népotisme ambiant ; il restait ainsi parfaitement rétif aux réformes qui s’imposaient pour construire un appareil d’État sur une base méritocratique ; cet achat de loyautés exigeait comme toujours en ce cas la mise en place de réseaux de corruption. Ces réseaux de corruption ont progressivement conduit à un véritable déchaînement de la corruption qui a décrédibilisé toute la classe politique.

Enfin (3) la pagaille entre les donateurs interdisait toute approche coordonnée de leur part sur un tel sujet qui ne figurait pas sur leur écran radar.

À la même époque, on constate d’ailleurs que, en Irak, les erreurs de Washington furent bien pires, car les Américains ont alors délibérément détruit un appareil d’État structuré. Paul Bremer, le proconsul américain de l’Irak en 2003/2004, a systématiquement démoli l’appareil d’État irakien, en licenciant sous prétexte de débaasification, l’armée, la police et l’administration irakiennes, ceci à la grande colère de Colin Powell qui mesura immédiatement le désastre mais ne put s’y opposer. C’est cette destruction de l’appareil baasiste qui a conduit au chaos, à la guerre civile irakienne, à la prise de pouvoir des chiites entraînant l’alignement de l’Irak sur l’Iran et, à terme, à la création de Daech. Il est difficile d’imaginer une politique américaine en Irak susceptible de conduire à un pire fiasco !

Les Américains ont en revanche tenté de construire en Afghanistan une démocratie largement inspirée de leur propre système – ce qui, dans ce pays extrêmement divisé, a ajouté des affrontements électoraux aux clivages ethniques traditionnels. Ce système a en particulier conduit à partir de 2014 – alors que les jeux étaient déjà faits et qu’une victoire sur les talibans était devenue impossible – à une paralysie provoquée par la rivalité entre le Pachtoune Ashraf Ghani et le Tadjik Abdullah Abdullah, chacun titulaire d’environ la moitié des voix correspondant largement à la division ethnique du pays.

Ashraf Ghani – qui lors de mes premiers entretiens avec lui, alors qu’il était ministre des Finances puis recteur de l’université de Kaboul, avait précisément l’ambition et la lucidité nécessaires pour construire un État fonctionnel – parvint au pouvoir en 2014, trop tard pour pouvoir mettre en œuvre sa vision. Il fut absorbé par son conflit avec Abdullah Abdullah, la grave dégradation sécuritaire, les tensions avec les Américains, la crise financière de l’État, la perpétuelle recherche de financements, les conflits incessants entre tribus, les désaccords avec les bailleurs de fonds et, enfin, les élections. La construction de la démocratie à l’américaine a finalement accentué les divisions internes au lieu de les résorber comme espéré. Situation très classique dans un pays multiethnique.

La construction d’un État afghan exigeait la construction d’un ensemble d’institutions « modernes »

Les néoconservateurs américains ignoraient que la construction d’un État passait par la mise en place d’un ensemble d’institutions dégagées du népotisme ambiant : une armée multiethnique disposant d’une logistique qui fonctionne et d’une aviation autonome la moins sophistiquée possible pour pouvoir être entretenue par des mécaniciens rapidement formés, une police et une justice non corrompues, une administration centrale et locale reconstruites sur la base du mérite. C’était certes particulièrement difficile à instaurer dans un pays tribal, dans un contexte où le président Karzai refusait le principe méritocratique pour garder le contrôle de la nomination des responsables en fonction de sa stratégie d’alliances mouvantes.

La mise en place d’institutions « modernes » était néanmoins possible, comme l’ont prouvé la création entre 2002 et 2005 de quatre institutions fonctionnant correctement : le ministère des Finances ; la Banque centrale, le ministère de la Reconstruction et du Développement Rural (MRRD) et, enfin, les Renseignements militaires. Le MRRD fut même pendant une décennie une institution modèle conçue ex nihilo par une équipe afghane qui a géré avec une remarquable efficacité un programme national de petits travaux ruraux financés par la Banque mondiale et divers donateurs, le « National Solidarity Program » (NSP). Ce programme fut jusque vers 2014 et la réduction des financements extérieurs un modèle du genre, qui a permis de réaliser pour environ 2 milliards de dollars de petits travaux à haute intensité de main-d’œuvre avec un minimum de corruption et de détournements. Une prouesse dans ce pays !

Techniquement et financièrement, rien n’empêchait en 2003/2004, avant la montée en puissance des talibans en 2007/2008, de construire ou reconstruire les institutions régaliennes constituant le cœur d’un appareil d’État moderne, en particulier les ministères de la Défense, de l’Intérieur, de la Justice, de l’Énergie. Mais ces ministères furent octroyés selon la stratégie d’alliances de Karzaï et gérés comme des butins octroyés à des brigands qui y mirent en place leurs réseaux de prédation.

La remise en ordre de cette douzaine d’institutions aurait été envisageable dans l’ambiance d’enthousiasme qui régnait en 2003/2004. Une telle remise en ordre doit en effet commencer par une comparaison entre compétences et profils des titulaires des postes, ce qui permet déjà de découvrir des situations surprenantes et d’effectuer un premier tri… En outre, nombre d’Afghans de la diaspora hautement qualifiés abandonnaient alors leur emploi aux États-Unis ou en Europe pour offrir leurs services à l’équipe en place à Kaboul.

Je travaillais à cette époque comme consultant pour la Banque mondiale et j’en ai alors auditionné une bonne centaine qui, financés par cette institution, furent placés dans ces principaux ministères dans des positions parfois de management. Au bout de quelques mois, la grande majorité revint me voir pour se plaindre du népotisme généralisé et des foyers de prédation qu’étaient malheureusement ces institutions non réformées. Tous pratiquement ont renoncé, découragés. Soit ils étaient de la mauvaise ethnie et ostracisés. Soit leur présence gênait les détournements et le pillage organisé.

L’Afghanistan n’ayant pas de pétrole et ne pouvant budgétairement soutenir seul même une guerre de basse intensité, il aurait aussi fallu que l’aide internationale et, en premier lieu, l’aide américaine accepte de financer à environ 80 % le fonctionnement de cette douzaine d’institutions clés une fois remises à niveau ainsi que toutes les dépenses budgétaires afférentes. Le coût n’aurait pas été négligeable. Mais tant d’argent fut plus tard déversé en vain sur ce pauvre pays que les montants correspondants auraient certainement pu être mobilisés.

De plus, outre les fortes réticences politiques locales, il fallait affronter le fonctionnement très particulier de l’aide internationale. Car les donateurs détestent financer les fonctions publiques et, pour certains d’entre eux, comme la Banque mondiale, cela leur est même interdit. Financer l’armée et la police aurait aussi posé des problèmes spécifiques. Mais enfin, avec un peu de volonté on trouve des solutions ! Finalement, toutes ces institutions qui constituaient le cœur d’un État moderne sont restées des foyers de blocage et de corruption.

Ne se sont vraiment intéressés au problème du « state building » que les Britanniques, la Banque mondiale et quelques donateurs bilatéraux qui n’ont jamais eu de liberté de manœuvre sur ce sujet à cause du poids américain et de l’impossibilité d’un dialogue sérieux sur ce sujet avec le président Karzaï. C’est toutefois dans ce contexte qu’ont été quand même renforcées progressivement un certain nombre d’institutions étatiques bénéficiant de très importants financements externes. Ce fut le cas du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de la Santé, deux domaines où des résultats significatifs ont été enregistrés en partant de situations qui étaient catastrophiques en 2002.

L’aide internationale a contribué à l’affaiblissement de l’appareil d’État résiduel

Bien involontairement, le mode de fonctionnement de l’aide internationale a le plus souvent provoqué un affaiblissement et non un renforcement des institutions étatiques afghanes, déjà bien faibles. Et cela, non pas parce que les équipes techniques des donateurs étaient incompétentes, mais à cause des contraintes qui leur sont imposées par leurs mandants politiques. Les instructions sont en effet de toujours faire au plus vite, d’obtenir rapidement les résultats les plus visibles possibles, et surtout de n’avoir dans ces pays, où la corruption est endémique, aucune perte en ligne dans les circuits financiers, aucun détournement de fonds, aucun cas de corruption.

De telles instructions ne permettent pas de procéder au lent travail peu visible de reconstruction institutionnelle qui est nécessaire à l’obtention de résultats durables. Le refus de toute corruption oblige à recourir au système des projets autonomes très contrôlés. Cela aboutit certes à des résultats rapidement visibles, mais ceux-ci ne sont pas pérennes car conduisant à un désastre institutionnel. Ainsi, des écoles seront construites et inaugurées en fanfare, mais les maîtres ne seront pas là car la programmation des constructions n’a pas été prise en compte par un ministère de l’Éducation dysfonctionnel. Et quand les maîtres arriveront sur le terrain, un tiers d’entre eux seront illettrés, car nommés sur intervention de notables locaux. Et enfin quand arriveront les fins de mois, la paye ne sera pas là…

Dans un tel contexte, l’aide internationale, qui dans ce type de pays craint toujours de voir ses fonds disparaître dans des structures opaques, évite l’administration locale et finance directement « ses » projets. En Afghanistan, on estime que 80 % des financements extérieurs échappaient à tout contrôle des responsables afghans et court-circuitaient délibérément le budget et les institutions afghanes. Cette façon de procéder, qui a exaspéré Ashraf Ghani lorsqu’il était ministre des Finances, limitait certes corruption et détournements de fonds, mais en contournant le problème au lieu de le traiter.

Le traiter aurait impliqué des changements dans les équipes dirigeantes d’une douzaine d’institutions clés et le démantèlement des réseaux de corruption alimentant autant de réseaux politico-ethniques. Pour Karzaï, une telle mesure était impensable. Seuls les Américains auraient pu soulever la question. Mais ils avaient d’autres préoccupations. Dans certains cas, comme celui, pourtant crucial, de l’énergie, où le ministre Ismaïl Khan était un grand chef de guerre de la région de Hérat, placé là car Karzai voulait reprendre le contrôle des douanes à Hérat… les donateurs ont préféré ne pas s’occuper de ce secteur et Kaboul est restée pour cette raison pendant près de dix ans dans le noir. Tous ces mécanismes ont été parfaitement analysés et documentés par Sarah Chayes dans un livre remarquable.

Entre syndrome hollandais et concurrence entre bailleurs, les salaires dérapent

L’injection par la présence militaire et l’aide internationale de montants financiers considérables dans la petite économie afghane a provoqué ce que l’on appelle un « syndrome hollandais », mécanisme bien connu des pays pétroliers.

Ce phénomène a entraîné une forte inflation et une appréciation de la monnaie qui a entravé l’activité manufacturière locale. La concurrence entre donateurs pour trouver du personnel afghan de qualité a également fait monter les salaires du personnel d’une certaine technicité, parlant anglais et maîtrisant un ordinateur. L’écart entre les salaires versés par les donateurs (dont les ONG) et la fonction publique afghane se situait dès 2004/2005 dans un rapport de 1 à 5, voire de 1 à 10. Cette situation a provoqué un exode de tout le personnel de l’administration ayant un minimum de compétences techniques ou managériales vers les projets financés par les donateurs. J’ai eu un temps comme chauffeur un directeur de l’administration à qui son salaire de fonctionnaire ne permettait plus de payer son loyer.

Au lieu d’être ainsi renforcées par l’aide internationale, les principales institutions étatiques ont été vidées de leurs rares compétences techniques pour être remplacées par des projets d’une durée limitée financés par les bailleurs. Une fois le projet exécuté, l’équipe projet était dispersée. Les programmes de formation, qui furent très nombreux, permettaient au personnel des administrations qui avait bénéficié de cette formation de fuir vers les projets. Cette mécanique infernale interdisait toute efficacité institutionnelle à la formation. En 2013, lors de ma dernière mission sur ces questions de renforcement de capacités, il y avait infiniment plus de personnel « professionnel » afghan dans des structures de projets que dans les institutions nationales. Dans ce contexte, rares furent les renforcements de capacité au niveau institutionnel.

Ces renforcements institutionnels tentés par des donateurs désespérés portaient en général sur l’injection de cadres qualifiés provenant souvent de la diaspora dans des fonctions spécifiques comme les directions administratives et financières ceci pour tenter de sortir de l’opacité généralisée. Les cadres recrutés à cet effet exigeaient compte tenu de leurs charges familiales à l’étranger le paiement de sursalaires qui représentaient évidemment un multiple des salaires de leurs collègues de la fonction publique. Or la durée limitée des projets correspondants laissait rapidement à la charge de l’État afghan des coûts salariaux qu’il ne pouvait supporter, alors que les différences salariales provoquaient des tensions ingérables au sein des institutions concernées. En général le personnel de la diaspora restait peu de temps, découragé par l’ambiance de corruption, l’absence de systèmes d’informations fiables, les dénonciations calomnieuses, etc.

Ces sursalaires exigeaient pour être octroyés une revue des compétences des cadres et du personnel destiné à en profiter, en particulier des cadres provenant de ces administrations dont les compétences étaient très variables. Le président Karzaï, irrité par les réclamations des cadres non sélectionnés, a décidé un jour de généraliser ces sursalaires à l’ensemble de la fonction publique, ce qui était budgétairement délirant et, en outre, détruisait l’approche des donateurs fondée sur le principe du mérite. Ce problème salarial a dangereusement accru la dépendance du pays vis-à-vis de l’aide internationale et contribué à créer infiniment plus de pagaille que de capacités institutionnelles.

Finalement, les donateurs ont fini par intégrer dans des projets spécifiques de nombreux « morceaux d’institutions », y compris certains ministres et leur cabinet politique. Cette formule permettait surtout au personnel ainsi intégré dans des projets de bénéficier des sursalaires correspondants… Ce système, qui était au total d’une extrême fragilité, ne pouvait fonctionner que tant que l’aide internationale pouvait financer. Dès la réduction de cette aide, très sensible à partir de 2013/2014, cette mécanique s’est grippée.

Le caractère dysfonctionnel de l’ensemble de cet appareil d’État afghan et non seulement de l’armée a ainsi beaucoup joué dans l’effondrement final de ce régime. Le « système Karzaï », qui impliquait ainsi des « achats » de loyauté, reposait in fine sur une corruption qui a pris une dimension exceptionnelle, favorisée par le trafic de l’opium.

Cette corruption, qui a affecté tout le fonctionnement de l’appareil d’État, a joué un rôle non négligeable dans la désaffection générale de la population vis-à-vis du régime. Elle a considérablement fragilisé l’État afghan tel qu’il s’est construit plutôt mal que bien depuis 2002, crédibilisant la propagande des talibans et facilitant leur enracinement dans la population rurale. Il est à cet égard remarquable de noter le parallèle avec la fin du régime sud-vietnamien, lui aussi décrédibilisé et rongé par la corruption.

Quelles leçons pour les bailleurs internationaux ?

Ayant assisté comme le monde entier à l’effondrement du château de cartes que constituait l’appareil d’État afghan, je suis bien sûr effondré, mais non surpris.

L’une des leçons qu’il est possible de tirer de ces multiples expériences est tout d’abord qu’il faut, comme le fit le MRRD dont j’ai suivi attentivement la mise en place, engager les processus de restructuration institutionnelle en s’attaquant à la totalité d’une institution et en commençant par sa direction. Cette démarche implique la sélection de dirigeants ayant à la fois un certain charisme et des capacités managériales. On pouvait parfaitement en trouver une douzaine en Afghanistan en 2002.

Une telle restructuration doit être conduite indépendamment par chaque équipe de direction à son rythme. Elle implique que l’on trouve des solutions pour le personnel « irrécupérable » : mises à la retraite, packages de départ, voire postes d’ambassadeurs pour dirigeants qu’il faut écarter… Elle suppose évidemment que l’on sorte radicalement du système dans lequel on affectait chaque ministère ou chaque institution publique comme la société d’énergie ou la police à un chef de guerre ou à un allié politique qui allait conduire une politique de recrutement sur base ethnique et mettre en place un réseau de corruption pour son profit ou celui de sa tribu d’origine.

Cela dit, malgré ses multiples défauts, ce système dénoncé par Ashraf Ghani lui-même lorsqu’il était professeur dans un ouvrage bien connu des spécialistes pouvait se corriger progressivement. En tout cas, cette fin chaotique pouvait certainement être évitée. Mais le « deal » de Donald Trump, négocié directement avec les talibans, était absolument inepte. Comment négocier son départ en commençant par fixer sa date de départ ? ? C’est entamer une négociation en mettant toutes ses cartes sur la table. On peut tout au plus négocier sa reddition, c’est-à-dire rien du tout.

La méthode de Joe Biden, consistant à décider d’abandonner un jour un peuple parce qu’on a changé de politique, est également inacceptable. D’autres sorties moins lamentables étaient possibles pour les Américains. Même les Soviétiques, qui ont quitté l’Afghanistan en bon ordre, en furent capables.

Au total, la responsabilité des néoconservateurs et, en particulier, du trio Bush/Cheney/Rumsfeld dans ce désastre est immense. Ils ont cru que le problème afghan était simplement militaire et pouvait se régler rapidement. C’était une double erreur rendue plus inadmissible par leur refus d’écouter les multiples experts américains, parfois d’origine afghane, qui connaissaient parfaitement le pays et sa complexité.

Si la responsabilité de Trump dans cette déroute complète est considérable, celle de Biden l’est aussi. Mais celle de la communauté des donateurs, à laquelle j’ai consacré l’essentiel de ma vie professionnelle, n’est pas non plus négligeable.

Il devrait être établi une bonne fois pour toutes qu’on ne peut manifestement pas remettre sur pied un pays en crise grave avec des dizaines de bailleurs de fonds refusant toute coordination significative, initiant des centaines de projets éphémères, sans compter 2000 ONG et leur milliers de petits projets ! Les donateurs doivent impérativement accepter, dans ces pays en crise ou en conflit, au minimum deux révisions radicales de leurs méthodes d’intervention :

En premier, reconnaître comme une priorité l’appui à la construction d’un appareil d’État moderne en portant leurs efforts tout particulièrement sur les questions régaliennes, y compris la réforme de la justice et des services de sécurité. Ils ont encore pour principe de ne pas s’intéresser à ces secteurs dits de « souveraineté ». C’est une grave erreur encore répétée au Mali actuellement.

En second, l’exemple afghan, mais il s’est malheureusement répété au Mali, montre que la coordination des donateurs, qui devrait être centralisée à un niveau très élevé (premier ministre de préférence), n’est pas ou est mal assurée par le gouvernement bénéficiaire. Des dizaines de bailleurs traitent dans le plus grand désordre avec une bonne douzaine d’institutions locales. Il est ainsi caractéristique que le FMI traite avec le ministère des Finances, la Banque mondiale avec le ministère du Plan et nombre de bailleurs avec les ministères où ils ont trouvé des correspondants… La coordination, qui est alors déléguée aux donateurs, repose sur des consultations entre ces derniers. Mais cela ne fonctionne pas et ne permet pas de mettre de l’ordre dans la pagaille des projets tous azimuts qui fréquemment oublient l’essentiel.

En Afghanistan, le montant des ressources affectées de 2002 à 2007 au développement rural ne dépassait par 4 % du montant total de l’aide affectée au pays. Il est par ailleurs notable de remarquer que la table ronde de 2015 consacrée au Mali affectait également moins de 4 % à ce secteur alors que dans chacun de ces deux pays l’activité rurale est fondamentale. La mauvaise coordination entre donateurs justifierait la mise en commun de l’essentiel de leurs ressources dans un ou plusieurs fonds fiduciaires qui devraient être gérés de manière rationnelle, comme des budgets d’investissement cohérents. C’est, à mon expérience, la seule façon efficace permettant de coordonner leur action dans ce type de situation.

Pauvre Afghanistan coincé entre les talibans et la « communauté internationale » !

Espérons, sans trop y croire, que ces erreurs ne se reproduisent plus au Sahel…

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Serge Michailof est chercheur associé à l’IRIS, Senior Fellow à la fondation FERDI, Université Clermont Auvergne (UCA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Afghanistan : du soutien unanime au total désastre

IRIS - Mon, 23/08/2021 - 17:00

Le retrait des troupes américaines d’Afghanistan clôt une guerre de 20 ans mais produit une catastrophe stratégique et un gâchis humain. D’autres solutions étaient elles possibles? Quelles leçons stratégiques faut il tirer ?

L’analyse de Pascal Boniface.

Between disaster resilience & energy security – the imperative for a PH climate change discourse

The Philippines needs a vibrant discourse on climate change – both on mitigation and adaptation. A discourse is a process of interaction, information exchange, and persuasion, which eventually leads to concrete actions. However, it is not enough to merely present insights, claims, and perspectives. There is a need for genuine exchange between academic and professional perspectives. This article is an invitation to academic scholars, professional experts, policy-makers and civil society groups to engage in a discourse on climate change in the Philippines.

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Effects of social protection on health

The Sustainable Development Goals, and analyses of the same, have highlighted multiple linkages between different goals (Nilsson et al. 2016) and, in particular, underscored the link between social protection and health (Nunes et al. 2016). This chapter will look at the effect of social protection on health.

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Taxation and social protection

Revenue mobilisation and social protection systems are intrinsically intertwined. It is impossible to think carefully about either independently of the other. People want to know what they can expect to get in exchange for the taxes and fees; governments can only provide social protection if there is enough funding. This last aspect is commonly the most prominently highlighted. Revenue is needed in order to finance more ambitious social protection systems and secure their sustainability. This issue is particularly salient in low- and middle-income countries where funding is particularly scarce and donors contribute non-trivial amounts of finance, especially in the area of social safety nets. However, looking at revenue collection only as a source of funding comes too short. The distributional impacts of a fiscal system depend on both, the revenue and the spending side. This is obvious and widely recognized in principle, but largely ignored in practise. Experts tend to focus on “their” side. Similarly obvious, where the funding comes from (who pays taxes and fees) will limit what programmes design are politically feasible. All these aspects need to be considered more prominently when discussing the scope for reforms in the social protection system. This chapter discusses these interlinkages and calls for a more integrated perspective of social protection and tax policy not only as a desirable step but as a necessary one.

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¿Fin de ciclo? La caída de Afganistán en perspectiva estratégica

Real Instituto Elcano - Mon, 23/08/2021 - 03:32
Luis Simón. Comentario Elcano 28/2021 - 23/08/2021

La vuelta al poder de los talibán en Afganistán, tras casi 20 años de hiato tutelados por EE UU y la comunidad internacional, está alimentando todo tipo de debates sobre qué ha pasado, por qué ha pasado lo que ha pasado y qué va a pasar.   

Les talibans ne pourront pas se maintenir éternellement au pouvoir

IRIS - Sat, 21/08/2021 - 18:00

Quelle est la responsabilité du président américain qui est très critiqué sur la situation en Afghanistan ?

C’est une responsabilité partagée entre Joe Biden et le Pentagone. Je pense que la décision d’évacuer l’Afghanistan est assez soutenue aux États-Unis, il y avait d’ailleurs un accord bipartisan entre lui et Trump pour mettre fin aux guerres, mais il n’y a pas eu d’anticipation sur les conditions de cette sortie. On aurait pu planifier bien plus en avance l’évacuation des ressortissants américains et de tous ceux qui ont travaillé pour les États-Unis. Ça n’a pas été fait, de même que la victoire rapide des talibans n’a pas été anticipée, d’où ces images de chaos. Je crois donc qu’il faut distinguer la décision stratégique de mettre fin à la guerre en Afghanistan, parce qu’il n’y avait pas tellement d’autre issue et qu’elle aurait pu continuer sans fin, de ces conditions d’exécution qui sont chaotiques. Finalement, c’est le Pentagone qui n’a jamais réellement accepté de devoir quitter l’Afghanistan. Obama voulait déjà partir lorsque Biden était vice-président et le Pentagone s’y était opposé.

Que peut-on attendre du gouvernement dit « inclusif » qui doit être établi par les talibans ?

Les faits parlent d’eux-mêmes. Il y a des Hazaras qui ont été tués, des femmes qui sont empêchées de se déplacer, il y a une volonté de ne pas permettre à ceux qui veulent partir de pouvoir le faire librement. On voit bien que derrière un discours modéré et policé, les talibans sont restés les mêmes. Le système répressif se met en place petit à petit. Ce qui a changé, c’est qu’il y a quand même beaucoup plus de femmes qui sont allées à l’université, qui veulent se faire entendre et que la société a bien changé depuis 20 ans. On peut dire que les difficultés vont commencer désormais pour les talibans, qui doivent assumer le pouvoir.

Les talibans ne pourront donc pas se maintenir éternellement au pouvoir, mais ils peuvent quand même durer quelques temps et c’est bien sûr la population afghane et surtout les femmes qui vont en faire les frais.

Quelle sera l’influence de la France alors qu’Emmanuel Macron veut peser diplomatiquement et faire en sorte que nous soyons à la hauteur des enjeux vis-à-vis des réfugiés ?

Oui, effectivement, nous ne devons pas perdre la face, pas perdre l’honneur et permettre à tous ceux qui ont travaillé pour la France d’y trouver refuge. Sauf que pour le moment, il n’y a eu que quatre avions. On s’en félicite, mais il est difficile de parler d’un pont aérien entre Kaboul, les Emirats, et la France. Il ne faut pas se faire trop d’illusions sur notre poids par rapport à cela. Nous avions quitté l’Afghanistan en 2014, ce qui était d’ailleurs une décision qui apparaît encore plus pertinente aujourd’hui. Certes, la France est un membre important de l’Otan et a des capacités militaires, mais honnêtement, ce sont l’ensemble des pays occidentaux qui sont impuissants par rapport à ce qui se passe aujourd’hui en Afghanistan.

 

Propos recueillis par France info.

Flucht vor den Taliban – was nun getan werden kann

SWP - Fri, 20/08/2021 - 18:29

In den Tagen nach der Machtübernahme der Taliban dauern die Evakuierungsmaßnahmen der internationalen Kräfte am Flughafen Kabul an. Für die Rettung der Ortskräfte, die aufgrund ihrer Tätigkeit für westliche Streitkräfte und Organisationen gefährdet sind, läuft die Zeit ab. Noch schwieriger ist es, von den Taliban bedrohte politische und zivilgesellschaftliche Akteure, insbesondere Frauenrechtlerinnen, zu schützen, für deren Rettung keine Vorkehrungen getroffen wurden.

Humanitäre Hilfe für die afghanische Bevölkerung

Auch weitere Faktoren verschärfen die humanitäre Notlage im Land: circa 14 Millionen Menschen sind von akuter Ernährungsunsicherheit betroffen; hinzukommen Extremwetterereignisse wie etwa Dürren und Überschwemmungen. Das hat schon vor der Machtübernahme der Taliban zu einer steigenden Zahl an Binnenvertriebenen geführt. Ihre Zahl hat sich von circa 4,7 Millionen zu Jahresbeginn allein aufgrund des aktuellen Konfliktgeschehens um weitere 550.000 Menschen erhöht und droht weiter zu steigen – obwohl die Taliban keine gezielte Vertreibungsstrategie zu verfolgen scheinen. Angesichts der immensen Not ist es unerlässlich, die im Land verbliebenen humanitären Organisationen weiter zu finanzieren und die Hilfe für die Bevölkerung auszubauen, unabhängig davon, welches Regime an der Macht ist.

Aufnahmeländer humanitär unterstützen

Neben Binnenvertriebenen wird auch die Zahl derjenigen zunehmen, die ins Ausland fliehen – auch wenn die Kontrolle der Taliban grenzüberschreitende Fluchtbewegungen erschweren. Schätzungen zu Folge beherbergen Iran und Pakistan zusammen bereits bis zu sechs Millionen Afghaninnen und Afghanen. Beide Länder verstärken daher seit einiger Zeit ihren Grenzschutz, um weitere unkontrollierte Wanderungsbewegungen zu verhindern.

Dennoch sollten die Bundesregierung und ihre internationalen Partner den Austausch mit den Anrainerstaaten suchen, um die Aufnahme und Versorgung der dort zu erwartenden Flüchtlinge vorzubereiten. Denn eine der zentralen Lehren aus den Fluchtbewegungen 2015/16 war, dass eine mangelhafte Unterstützung der aufnehmenden Nachbarländer Menschen zur Weiterwanderung zwingt, etwa, wenn es nicht genug zu essen gibt. Allerdings bleibt die Zusammenarbeit über humanitäre Hilfe hinaus politisch und menschenrechtlich heikel: Pakistan unterstützt die Taliban; das iranische Regime ist mit Sanktionen belegt und könnte deren Ende als Zugeständnis einfordern. Frauenrechte werden in beiden Staaten vielfach verletzt. Daher sollte die Bundesregierung ihre Beiträge zu bestehenden Unterstützungsmaßnahmen, etwa durch den UNHCR und das Welternährungsprogramm, erhöhen und darauf achten, dass alle weiteren Leistungen gezielt über internationale Hilfsorganisationen laufen.

EU-Türkei-Zusammenarbeit fortsetzen

Auch die Türkei befürchtet Fluchtbewegungen aus Afghanistan, vornehmlich über den Iran. Anders als die syrischen Flüchtlinge haben Menschen aus Afghanistan dort aber keinen Zugang zu Hilfsprogrammen; ihre Situation wird zunehmend prekär. Die EU sollte die aktuellen Verhandlungen über die Fortsetzung der finanziellen Unterstützung im Rahmen der EU-Türkei-Erklärung dazu nutzen, den Schutz und die Versorgung auch der afghanischen Flüchtlinge in der Türkei zu verbessern. Dazu gehören Zugeständnisse, vor allem bei den seit langem versprochenen Visaerleichterungen und der Modernisierung der Zollunion. Gleichzeitig sollten sich die EU und die Bundesregierung für die Ausdehnung des temporären Schutzstatus' auch auf afghanische Flüchtlinge, die Einhaltung des Non-Refoulement-Prinzips – das verbietet, Menschen in gefährliche Situationen zurückzuschicken – sowie die Verbesserung der Menschenrechtssituation in der Türkei einsetzen. Dabei besteht allerdings die Gefahr, die Regierung Erdoğans aufzuwerten und die bestehende migrationspolitische Abhängigkeit der EU von der Türkei zu verstärken.

Resettlement-Kontingente ausweiten

Vorsorglich hat die griechische Regierung schon damit gedroht, Afghaninnen und Afghanen an der eigenen Grenze zurückzuweisen. Eine solche Abwehrrhetorik, die auch in anderen Mitgliedstaaten zu hören ist, wird weder der internationalen Verantwortung Europas für die Erhaltung des internationalen Flüchtlingsschutzes gerecht, noch ermöglicht sie einen international abgestimmten Umgang mit den Fluchtbewegungen. Die Bundesregierung sollte sich deshalb auf EU-Ebene dafür einsetzen, das Flüchtlingsrecht einzuhalten. Zudem sollte sie sich in einer internationalen Koalition für das Resettlement engagieren, also für die organisierte Umsiedlung von afghanischen Flüchtlingen aus den Erstaufnahmeländern. Die dafür bereitgestellten Plätze müssten den besonders schutzbedürftigen Flüchtlingen zugutekommen, das heißt: Frauen und Mädchen sowie zivilgesellschaftlichen Akteuren. Die Bundesregierung könnte angesichts der derzeit niedrigen Zahl der Asylbewerberinnen und Asylbewerber neben den zu rettenden Ortskräften bis zu 50.000 Menschen durch Resettlement aufnehmen. Dabei würde sie noch unter der von den Regierungsparteien im Koalitionsvertrag vereinbarten »Obergrenze« für Schutzsuchende von 180.000 bis 220.000 pro Jahr bleiben. Das könnte auch die Aufnahmebereitschaft der USA und anderer Staaten wie Kanada und Großbritannien, die bereits eigene Resettlement-Kontingente zugesagt haben, weiter erhöhen. Nur mit substantiellen Resettlement-Programmen kann den Erstaufnahmeländern signalisiert werden, dass man sie mit ihrer Aufgabe nicht allein lässt.

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