Sexta TV via Reuters
La Belgique va-t-elle devoir remettre manu militari à l’Espagne Carles Puigdemont, le président destitué de la Généralité de Catalogne, ainsi que les quatre ex-ministres de son gouvernement qui l’ont accompagné à Bruxelles? Rien de moins sûr, le « mandat d’arrêt européen » n’impliquant aucune automaticité. Il reviendra à la seule justice belge d’en décider dans les deux mois (trois exceptionnellement). Or l’aspect politique des poursuites engagées par la justice espagnole et la gravité des peines encourues en l’absence de toute violence pourrait convaincre les juges d’outre-Quiévrain de ne pas déférer à la demande de Madrid. Déjà, le juge d’instruction belge a refusé, dimanche soir, de placer les cinq hommes en détention préventive à la grande déception de l’Espagne (1).
Entré en vigueur en janvier 2004, le mandat d’arrêt européen (MAE) part du principe qu’entre démocraties appartenant au même ensemble politique, l’Union, la remise des personnes recherchées ou condamnées, y compris ses propres nationaux, doit être quasi-automatique. En clair, on élimine l’aspect politique de la lourde procédure d’extradition (dans laquelle c’est in fine le gouvernement qui décide d’extrader), les appareils judiciaires des Vingt-huit étant censés fournir le même degré de garantie. Mais ça, c’est pour la théorie. En pratique, les États avaient bien conscience que l’absence d’harmonisation du droit pénal et de la procédure pénale, tout comme les traditions judiciaires très diverses, pouvaient aboutir à priver de leurs droits fondamentaux les personnes recherchées.
C’est pour cela que la procédure requiert l’intervention d’un juge pour émettre le MAE et d’un juge pour le valider totalement ou partiellement. Ainsi, en 2014, sur les 9660 personnes arrêtées en vertu d’un MAE, seules 5480 ont été effectivement remises. Le juge requis vérifie en particulier que le délit ou le crime poursuivi existe bien dans les deux législations, en l’occurrence l’Espagnole et la Belge. Certes, cette nécessité de « double incrimination » n’est pas exigée dans tous les cas, mais seulement pour une liste de 32 crimes graves, du terrorisme au trafic d’êtres humains en passant par le trafic de stupéfiants, la cybercriminalité ou le trafic d’armes.
Or Puigdemont et ses ministres ne sont pas poursuivis pour l’un de ces 32 crimes, mais pour « sédition », « rébellion » et « détournement de fonds publics », ce qui rend nécessaire une double incrimination. Si le détournement de fonds publics (pour avoir organiser un référendum illégal avec l’argent public) existe bien dans les deux législations, la «sédition» et la «rébellion», des crimes passibles d’une peine de 25 ans de prison en Espagne (30 en cas de «violence collective»), n’existe pas en droit belge. On trouve bien la trace d’une sédition sous la forme d’une « coalition de fonctionnaires qui refuseraient d’obéir de façon concertée à des ordres, mais il s’agit d’un délit passible de six mois de prison », explique à Libération, l’avocat pénaliste Denis Bosquet. De même, la « rébellion » existe aussi, mais il s’agit d’une rébellion contre les forces de l’ordre par exemple. Autrement dit, même si le MAE fait une interprétation large de la « double incrimination », la justice belge pourra difficilement autoriser la remise de Puigdemont et de ses ministres pour ces deux motifs vu la disproportion des peines : mais elle peut parfaitement la limiter à un seul chef d’inculpation, le détournement de fonds publics, ce qui interdira aux juges espagnols de les juger pour sédition et rébellion...
Mais au-delà, « les juges vont devoir déterminer si le procès promis à Puigdemont et à ses ministres respectera les droits fondamentaux et en particulier le droit à un procès équitable et impartial ou encore l’absence de discrimination fondée sur la langue », souligne Denis Bosquet. La connotation très clairement politique des poursuites engagées par les autorités espagnoles jouera en faveur de Puigdemont qui, pour s’assurer un maximum de sympathie judiciaire, aura intérêt à choisir une procédure en néerlandais et non en français, les Flamands étant plus sensibles que les francophones aux thèses indépendantistes. Revers de la médaille: si Puigdemont obtient gain de cause, il devra rester en Belgique jusqu’à la fin de ses jours sauf à prendre le risque de se heurter à un MAE que l’Espagne émettra sans doute dans tous les Etats membres ou à un mandat d’arrêt international dès qu’il franchira la frontière...
(1) Les journalistes madrilènes ont cherché à savoir si Puigdemont avait été menotté lorsqu’il s’est présenté de lui-même, dimanche matin, au parquet de Bruxelles, à la grande surprise du porte-parole de l’institution qui a dû rappeler que les menottes étaient réservées aux personnes dangereuses. Ambiance.
N.B.: article paru dans Libération du 4 novembre et mis à jour.
At a time when Saudi Arabia has initiated an ambitious economic and social transformation, a delegation from the Subcommittee on Human Rights concluded its first mission to the country.
The four-Member DROI delegation visited the country together with the European Parliament's delegation for Relations with the Arab Peninsula (29 October-31 October) and was composed of Cristian Dan Preda (EPP, RO), Beatriz Becerra (ALDE, ES), Josef Weidenholzer (S&D, AT) and Lars Adaktusson (EPP, SE).
L’Union européenne se retrouve malheureusement gangrenée par la montée du populisme de droite qui véhicule des idées conservatrices. Ce conservatisme met en péril l’Etat de droit, les droits humains de manière général, et tout particulièrement les droits des femmes. Difficultés d’accès au marché du travail et aux postes à responsabilités, restriction du droit à disposer de son corps, limitation des libertés… autant de droits qui sont mis à mal.
Le 28 septembre, date de la journée internationale pour la dépénalisation de l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), des milliers de femmes et d’hommes dans le monde se mobilisent, notamment à Bruxelles, pour défendre le droit à disposer de son corps, l’accès aux méthodes contraceptives et les droits à une IVG sûre et légale. Ces droits sont malheureusement remis régulièrement en question par des mouvements conservateurs bien organisés.
En Europe, l’interruption volontaire de grossesse reste une compétence de chaque Etat, et le droit à disposer de son corps (qui inclut l’IVG et d’autres droits sexuels et reproductifs) ne fait pas partie des droits fondamentaux pour l’égalité. Si bien que sur ces questions, toutes les femmes européennes n’ont pas accès aux mêmes droits.
Faisons un rapide tour d’Europe : le recours à l’IVG est interdit à Malte et en Irlande ; par ailleurs, ce droit, même légalisé, fait l’objet de pressions constantes en Pologne, Hongrie et au Portugal. Le droit à l’avortement, même légalisé est, peut ou pourrait être remis en question par différents facteurs : le maintien de la clause de conscience des médecins comme c’est le cas en Italie ; l’absence de structures hospitalières adéquates comme c’est le cas en Grèce ; les restrictions de personnels et les suppressions des centres pratiquant l’avortement lors de restructurations hospitalières, comme c’est actuellement le cas en France et en Belgique. Il faut garder à l’esprit que dans tous ces pays, l’élection de gouvernements populistes réactionnaires, conservateurs et rétrogrades met ou mettrait en péril de tels droits.
Depuis quelques années, on assiste aussi bien sur la scène internationale qu’au sein même de l’Union européenne, à la montée en puissance de groupes conservateurs, de mieux en mieux organisés, qui remettent régulièrement en question ces droits fondamentaux.
Définir un populisme d’extrême droite
On peut avoir une vision manichéenne du populisme, avec d’un côté un populisme « de droite » et de l’autre, un populisme « de gauche ».
Le populisme de gauche se caractérise par une vision du peuple uni ; uni dans une démonisation des élites, avec un point de vue protectionniste. C’est aussi l’idée de systèmes re-distributaire de la rente, comme ça a pu être le cas de Chavez au Venezuela. A l’inverse, on voit bien que le populisme de Trump n’est pas du tout un populisme redistributeur des richesses.
Le populisme de droite est un populisme qui conduirait un leader à évincer la démocratie au nom de la volonté populaire, comme c’est le cas en Turquie aujourd’hui, voire en Hongrie. Ici, l’idée est que la régulation du peuple par lui-même est une utopie.
Le populisme de droite est un conservatisme qui choisit une voie tout ou partiellement extra-institutionnelle. Il s’articule généralement autour d’idées conservatrices. Le conservatisme cherche à préserver un ordre social de tout changement.
En Europe, le populisme de droite est souvent utilisé pour décrire des groupes, des personnalités et des partis politiques opposés à l’immigration (en particulier venant du monde islamique) et eurosceptiques.
Comment expliquer une telle menace des droits des femmes dans ces pays ?
Les régimes populistes conservateurs et antilibéraux accèdent au pouvoir dans des contextes d’affaiblissement des normes démocratiques (Lire #LaRéplique : Populisme, le résultat d’une crise démocratique ?).
Après 1989 et la chute du mur de Berlin, les gouvernements d’Europe centrale ont eu tendance à favoriser les réformes économiques plutôt que les réformes civiques et sociales. Si bien que les formes populistes et liberticides des gouvernements y fleurissent.
Ces formes de régime politique ont cherché à transformer les infrastructures post-communistes au profit de la nouvelle élite au pouvoir et de ses électeurs.
Les chercheuses Andrea Peto et Weronika Grzebalska[1] montrent que ces pays ont tendance à se créer une « société civile parallèle ». Autrement dit, elles mettent en lumière l’existence d’organisations de la société civile, d’ONG pro-gouvernementales, qui soutiendraient l’agenda étatique, notamment sur les questions sociétales et de droits humains. En Hongrie par exemple, il existe deux ONG importantes qui se consacrent au rôle des pères dans les familles et à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Ces ONG et associations, qui finalement ne constituent pas de véritables contre-pouvoirs, peuvent être soutenues financièrement pas des aides étatiques ou parfois européennes, au détriment de structures souhaitant jouer un rôle de garde-fou au pouvoir étatique. Faisant face à des problèmes de financement, étant bien souvent diabolisées et travaillant dans un contexte où l’équilibre des pouvoirs a disparu, les ONG féministes et progressistes ne sont plus en mesure d’utiliser le plaidoyer ou les médias pour se faire entendre.
De par leur histoire, les pays d’Europe centrale ont tendance à privilégier des politiques sécuritaires et à laisser de côté les libertés. Le rejet de la société civile plurielle en est une preuve. Il arrive que la défense des droits humains passe au second plan des préoccupations, derrière la souveraineté nationale. Égalité des genres, société ouverte et droits des minorités sont vus comme une menace existentielle à la survie de la nation.
Demandez le programme !
En Hongrie, réduire le droit à disposer de son corps au nom d’une politique nataliste
Avec un taux de natalité de 1,5 enfants par femme, la Hongrie se dépeuple. En effet, comme dans d’autres pays de l’ancien bloc de l’Est, le taux de natalité de la Hongrie est faible. Pour remédier à ce problème, le Premier ministre conservateur Viktor Orban a choisi de rejeter l’immigration de peuplement et de mettre en place une politique nataliste et pro-famille. Cette politique se traduit par un fort contrôle sur les naissances et, par conséquent, des avortements.
La Hongrie préfère désormais des politiques publiques visant la famille dans son ensemble, plutôt que de se préoccuper de l’émancipation des femmes. Ainsi, les instituions responsables de l’égalité des genres sont remplacées par des institutions en charge de la famille et de la démographie.
La Loi fondamentale de la Hongrie, entrée en vigueur en 2012, modifie considérablement la Constitution du pays. Très critiquée pour son manque d’équilibre des pouvoirs, elle prévoit dans son article II (article sur les libertés et la dignité) que « La dignité humaine est inviolable. Tout être humain a droit à la vie et à la dignité humaine, il convient de défendre la vie de l’embryon depuis la conception. » Cet article ouvre la possibilité à de larges changements de la législation sur l’avortement.
Le populisme d’extrême droite hongrois comprend plusieurs partis conservateurs, dont le Parti de la justice et de la vie hongroise (MIEP). Créé en 1993 par des dissidents du principal parti de droite, il fait régulièrement alliance avec la droite hongroise de Viktor Orban, le Fidesz-Union civique hongroise, sur les questions d’immigrations.
Le Jobbik est lui aussi un parti d’extrême droite qui dispose d’un mouvement milicien et paramilitaire : la Garde hongroise. Ce parti plaide, au nom de la préservation de l’identité nationale, pour la mise en place d’une politique social-conservatrice radicale, c’est-à-dire l’interdiction de l’avortement et la criminalisation des « déviances sexuelles ».
En Pologne, le recours à l’avortement est-il encore un droit ?
Le paysage politique de l’extrême droite polonaise est composé de différents mouvements et partis ; le plus puissant d’entre eux étant le Parti Droit et Justice.
Depuis son arrivé au pouvoir en octobre 2015, le Parti Droit et Justice (PiS) fait trembler l’Etat de droit, l’indépendance de la justice et les acquis en termes de droits humains. Fondé en 2001, le parti PiS s’articule autour d’un euroscepticisme prononcé, allié à un rejet des migrations, un conservatisme social et à un souverainisme exacerbé. Concernant les questions sociales, les programmes électoraux de PiS s’articulent autour de la promotion de la natalité, souhaitant un allongement des congés maternels et la création d’un régime fiscal désavantageux pour les célibataires sans enfants ; et le refus de l’avortement, de l’euthanasie et du mariage homosexuel. La première ministre Baeta Szydlo, élue sous les couleurs de Droit et Justice depuis 2005, entend bien faire écho des idées conservatrices du parti au gouvernement.
Bien que la Pologne ait déjà l’une des législations les plus restrictives d’Europe sur l’avortement, une nouvelle loi est venue limiter la commercialisation d’une méthode de contraception d’urgence. En effet, le parlement polonais, dominé par des ultraconservateurs, a voté en mai dernier une loi limitant l’accès à la « pilule du lendemain », y compris dans les cas de viol[2]. Elle était auparavant vendue sans ordonnance dans les pharmacies mais désormais, les femmes doivent consulter un médecin pour obtenir une ordonnance. Dans son dernier rapport du 24 octobre 2017, l’ONG Human Right Watch tire la sonnette d’alarme concernant le non-respect de l’Etat de droit et les menaces pesant sur les droits humains.
Il y a un an, en octobre 2016, de grandes mobilisations sociales avaient éclaté à la suite de l’annonce d’un projet d’interdiction totale de l’avortement. Des femmes et des hommes, vêtus de noir, étaient descendus dans les rues polonaises afin de protester contre leurs droits menacés.
Le comportement du gouvernement polonais a suscité à plusieurs reprises des critiques de la part de la Commission européenne, du Parlement européen et des groupes d’experts du Conseil de l’Europe et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le gouvernement a ignoré et rejeté la plupart de ces critiques, et n’a pas pris en compte la majeure partie des recommandations qui lui ont été faites.
En Autriche, à droite toute !
L’Autriche est un pays d’Europe centrale qui a adhéré à l’Union européenne en 1995. Devenu un pilier de la zone Euro, il inquiète pourtant ses voisins européens depuis l’année dernière, où des élections présidentielles ont opposé un candidat d’extrême droite et un écologiste, Alexander Van der Bellen, qui l’a finalement emporté.
Le 15 octobre dernier, avaient lieu les élections législatives. Sebastian Kurtz, 31 ans, leader du parti populaire autrichien (ÖPV), un parti chrétien-démocrate, sort gagnant de cette élection et occupe aujourd’hui le poste de Chancelier fédéral. Il promet de répondre à la « crise migratoire ». Favorable à la fermeture des frontières de l’Autriche, sa ligne politique dure va entraîner une alliance avec l’extrême droite.
L’Autriche est le pays européen au sein duquel l’extrême droite obtient l’audience la plus large. Véritablement implanté dans la vie politique du pays, le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) et l’Alliance pour l’avenir de l’Autriche (BZÖ) sont deux partis d’extrême droite surfant sur la vague populiste. Cette extrême droite bicéphale partage en réalité les mêmes racines : le BZÖ est né d’une scission du FPÖ en 2008.
Le FPÖ souhaite l’interdiction de l’immigration en provenance de pays musulmans ainsi que la mise en place d’un « contrat d’intégration » pour les étrangers vivant en Autriche. Le BZÖ, quant à lui, est d’autant plus extrême qu’il ne cache pas son envie de voir un parti nazi ressurgir.
Même si l’IVG est autorisée jusqu’à 14 semaines en Autriche, les dirigeants politiques ne considèrent pas la question des droits des femmes comme étant prioritaire. Ainsi, on retrouve peu de femmes aux postes à responsabilités, et encore moins en politique.
Ces exemples, au sein même de l’Union européenne, nous prouvent qu’il n’existe malheureusement pas de droits acquis, d’autant plus quand il s’agit de droit des femmes. Ces droits peuvent, et sont, remis en cause par les forces conservatrices. Les crises économiques, migratoires et sociétales sont des terreaux fertiles aux mesures liberticides, de même les plans d’austérité se font bien souvent aux dépens des droits des minorités et des femmes.
Louise Bougot
[1] Article du 14 octobre 2016 de Andrea Peto et Weronika Grzebalska dans The Conversation: How Hungary and Poland have silenced women and stifled human rights
[2] Rapport Human Right Watch du 24 octobre 2017: Eroding Checks and Balances
Rule of Law and Human Rights Under Attack in Poland
Pour en savoir plus :
Rapport Human Right Watch du 24 octobre 2017: Eroding Checks and Balances
Rule of Law and Human Rights Under Attack in Poland
Carte de « l’état de lieux : l’avortement de l’Union Européenne » de la Fédération des centres de planning familial
Site sur de avortementeurope.org
Site du Centre pour des Droits Reproductifs, et sa carte mondiale montrant l’avancée du droit à l’avortement dans le monde
Emmanuel Macron est politiquement isolé dans l’Union, son parti En Marche n’appartenant pour l’instant à aucune alliance. Un isolement périlleux. Mon édito dans «La faute à l’Europe», sur France Info télé, la seule émission du PAF consacrée à l’Europe communautaire.