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Diplomacy & Crisis News

Poutine et la Russie

Politique étrangère (IFRI) - Thu, 20/10/2016 - 11:11

Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n°3/2016). Dominique David, conseiller du président de l’Ifri, propose une analyse des ouvrages de Jean Radvanyi et Marlène Laruelle, La Russie entre peurs et défis (Paris, Armand Colin, 2016), de Jean-Jacques Marie, La Russie sous Poutine (Paris, Payot, 2016), et de Jean-François Bouthors, Comment Poutine change le monde (Paris, François Bourin, 2016).

Discourir sur la Russie est aisé : c’est même, depuis quelques années, une mode, tant le sujet se prête à toutes les digressions, tant il pose problème à un Occident qui a quelque peu perdu l’habitude de douter de soi. Dans la multitude de commentaires qu’ont engendrés la rémanence du pouvoir de Vladimir Poutine, la crise russo-ukrainienne, et le « retour » de la puissance russe en Syrie, il faut donc saluer les analyses exigeantes, celles qui se refusent aux facilités idéologiques, et tentent de saisir l’objet d’étude russe dans sa profondeur.

Au premier rang de ces analyses remarquables : La Russie entre peurs et défis. L’ouvrage de Jean Radvanyi et Marlène Laruelle se veut une approche de fond des problèmes russes, puisant à la fois dans les éléments à évolution lente – la géographie, les relations entre les éléments constitutifs de l’État russe, la démographie, certains caractères du fonctionnement économique russe… – et dans l’étude des bouleversements politiques et économiques de ces deux dernières décennies. Résultat : un tableau détaillé et contrasté d’un pays trop souvent considéré par les analystes pressés comme un bloc, fonctionnant au sifflet poutinien.

Radvanyi et Laruelle donnent ainsi un tableau passionnant d’une Russie éclatée entre ses immenses espaces, ravagée par les inégalités géographiques et sociales, terre de brassage des populations et terreau de multiples xénophobies, gouvernée par un pouvoir qui ne peut qu’osciller entre affirmation d’autorité et compromis, équilibre entre des forces sociales, économiques et politiques largement incontrôlées.

L’approche des problèmes économiques du pays, écartelé entre le besoin de modernisation, de redéploiement, la difficile gestion de crises successives (1998, 2008, 2014…), et l’obsession de la perte de contrôle de la part du leadership politique et économique est particulièrement éclairante. Tout comme est finement menée la description de ce que l’on voit trop vite en Occident comme « l’idéologie poutinienne » : en réalité, une synthèse en plusieurs phases, faite de réponses aux défis posés par l’effondrement soviétique et par les stratégies brouillonnes des États occidentaux, bricolage d’incantations à la puissance et de conservatisme de valeurs, improvisation contradictoire, par nature instable et fort peu idéologique…

Jean-Jacques Marie a le mérite de faire partir son ouvrage La Russie sous Poutine (et non, bien sûr, la Russie de Poutine, mirage pseudo analytique) d’un retour sur les traumatismes des années 1990, et d’inscrire l’affirmation du pouvoir de Vladimir Vladimirovitch dans la continuité de ces chocs, internes et externes : effondrement socio-économique, révolutions « de couleur » dans l’étranger proche, manœuvres d’un Occident sûr de soi et de la fin de la puissance russe.

L’intérêt central de cet ouvrage est néanmoins l’analyse très détaillée des réalités sociales de la nouvelle Russie. Syndicalisme largement héritier des traditions soviétiques et incapable de traduire les intérêts des salariés du pays, misère réelle des provinces loin des mirages moscovites, corruption généralisée, criminalité d’État… Le pouvoir de Vladimir Poutine existe certes comme représentation de l’État, mais il est de fait pris dans les rets d’une société déstructurée par 20 années d’anarchie et d’inégalités, et sans doute moins fort qu’il n’y paraît face aux redoutes criminelles privées et publiques.

Quant aux partis politiques, censés porter le développement démocratique, ils sont tout simplement inexistants, réduits à d’évanescents projets électoraux, ou complètement inaudibles par la population : cas, par exemple, des « démocrates », dont la poignée survivante représente surtout l’héritage eltsinien, honni de la grande majorité des Russes. À cet égard, l’éclairage porté sur Navalnyi, incarnation pour l’Occident de la résistance anti-Poutine, d’une part par Radvanyi et Laruelle, de l’autre par Jean-Jacques Marie, retiendra l’attention. Navalnyi n’est décrit par les premiers que dans son rôle de contestataire des élections, quand Marie se réfère à des dimensions plus obscures : en particulier à son militantisme anti-caucasien et aux manifestations xénophobes auxquelles il a participé.

Autre intérêt de l’ouvrage de Jean-Jacques Marie : inscrire les crispations de la politique étrangère du régime dans leur contexte, celui des manœuvres occidentales, et en particulier américaines, de réduction, au sens propre du terme, de la puissance russe. L’auteur souligne cependant la fragilité de l’esprit national ranimé par Poutine, menacé de toutes parts par les difficultés internes – et en particulier économiques – du pays. Très informé, très détaillé, le livre de Jean-Jacques Marie dessine une Russie en désarroi – assez éloignée de l’image du pays « sûr de soi et dominateur » que voudrait donner le régime, et surtout très différente des fantasmes occidentaux sur le retour de la « menace russe ». On pourra contester quelques énoncés du diagnostic politique de Marie ; mais pas les éléments de sa riche description.

Avec Jean-François Bouthors, on se retrouve dans un autre type d’exercice, plus mainstream : une approche idéologique basée sur la détestation du personnage poutinien. Belle question pour les historiens futurs des mentalités politiques : comment a pu se construire en Occident l’image – ravageuse pour l’analyse – du diable Poutine : viril, autoritaire, tout-puissant, ayant prise efficace sur « le monde »… ? Le régime cherche certes à imposer cette image. Mais ce n’est pas la moindre faiblesse des commentateurs pressés que d’acheter cette fausse monnaie.

Moscou agirait donc ainsi parce qu’elle révère la force et parce qu’elle est forte. La thèse centrale de l’essai de Bouthors est que Poutine c’est le règne pervers de la force. Diagnostic éminemment contestable au vu des études détaillées que l’on vient de parcourir. Et que cette perversité vient du personnage Poutine lui-même (obsession du KGB, de « l’espion Poutine », etc.) et de l’héritage du goulag. Poutine = KGB = Goulag = Russie. Rien, naturellement, sur l’évolution géopolitique du monde depuis 20 ans, rien sur les politiques occidentales, rien en réalité sur les éléments sociaux, politiques, géopolitiques, qui permettraient de comprendre les contradictions et les errances de cet immense pays. L’ouvrage se contente de reproduire une vision cavalière obsédée par le personnage de Poutine, déconnectée des réalités russes. La détestation de Vladimir Vladimirovitch ne peut pas tenir lieu d’analyse, et encore moins de politique.

Les travaux de Jean Radvanyi et Marielle Laruelle, et de Jean-Jacques Marie, montrent que les chercheurs de bonne volonté peuvent discuter sur les détails de l’analyse, mais que tout doit partir de la connaissance d’une réalité très composite, que nous avons, en Occident, fait peu d’efforts pour comprendre depuis le début des années 1990. Il est temps de délaisser les réactions épidermiques. La Russie est, qu’on le veuille ou non, un personnage rationnel de la scène internationale. Il s’agit de comprendre les déterminants et les grandes lignes de cette rationalité. Et cela est d’autant plus nécessaire qu’elle est moins proche de la nôtre : la dénonciation idéologique d’une réalité qu’on ne fait pas l’effort de comprendre est mauvaise conseillère.

Dominique David

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UN, African Union partnership to foster job opportunities for African rural youth

UN News Centre - Thu, 20/10/2016 - 00:14
The United Nations Food and Agriculture Organization (FAO) has partnered with the New Partnership for Africa’s Development (NEPAD) to generate job and business opportunities for young people in rural Benin, Cameroon, Malawi, and Niger, thanks to a $4 million grant from the Africa Solidarity Trust Fund.

Emotional family reunions highlight need for psychosocial care for all girls abducted by Boko Haram

UN News Centre - Wed, 19/10/2016 - 23:57
After more than two years of being held hostage by Boko Haram, in northeast Nigeria, Chibok girls have finally been reunited with their families, however, their return emphasizes the necessity of urgent and intensive psychosocial care, according to the United Nations Children’s Fund (UNICEF).

In turbulent Middle East, UN envoy warns against ‘sleep-walking into another violent conflict’

UN News Centre - Wed, 19/10/2016 - 23:16
The absence of progress towards a two-state solution has led to growing anger and frustration among Palestinians and profound disillusionment among Israelis, the top United Nations Middle East envoy warned today: “We must all avoid the risk of sleep-walking into another violent conflict at a time when the region as a whole needs moderate forces” to stand up to rising radicalization.

Gouffre financier

Le Monde Diplomatique - Wed, 19/10/2016 - 23:08

Les scieries sont le canal d'alimentation des industries du bois. Leur déliquescence a donc logiquement aggravé les difficultés que connaissait déjà l'aval de la filière. Les fabricants français de meubles, parquets, cuisines et huisseries ont dû « s'approvisionner en bois transformé auprès de scieurs étrangers, et ce à des prix plus élevés », explique le scieur Alain Lefebvre. Importer une ressource dont nous disposons localement en abondance… Cette logistique contre nature a fragilisé la compétitivité du secteur, tandis que la Chine, tout à sa stratégie de captation de la valeur ajoutée, a tué la concurrence européenne dans la seconde transformation. Elle s'appuie sans complexe sur une politique protectionniste, avec des taxes sur les importations européennes proportionnelles au degré de finition des produits : 8 % sur les grumes (troncs abattus et ébranchés), 14 % sur le bois scié, 20 % sur les parquets et… 100 % sur les meubles (1). À une question écrite du sénateur du Jura Gérard Bailly (Les Républicains), qui relevait ces termes inégaux des échanges, le ministre de l'agriculture avait répondu : « D'éventuelles mesures visant à rééquilibrer les régimes de taxes pour l'importation de produits transformés ou l'exportation de produits bruts relèvent des compétences exclusives de l'Union européenne et ne peuvent s'ouvrir que dans ce cadre. » Dans les faits, l'Europe n'impose aucune réciprocité et se laisse piller les emplois afférents.

En conséquence, « les acteurs français de la seconde transformation subissent désormais de plein fouet la compétition de produits finis chinois importés en France, fabriqués avec une matière première que nous leur avons vendue ! », s'emporte M. Jean-Marie Leclercq, directeur général de ProfessionsBois en Basse-Normandie. Toute la filière papetière a également été écrasée par la puissante concurrence scandinave. Certains industriels ont délocalisé tout ou partie de leur production, tels la parqueterie Morin ou le groupe Lapeyre. D'autres ont mis la clé sous la porte, comme le papetier M-Real. « Beaucoup souffrent, à l'image des fabricants de mobilier Parisot, Gautier ou Camif. Le parquetier Marty est en liquidation », détaille un scieur sous couvert d'anonymat. « Les jeux sont renversés, constate, stupéfait, M. Jacques Lamblin, député Les Républicains de Meurthe-et-Moselle. Nous faisons office de pays sous-développé ! » La sentence économique n'en est que plus sévère : en 2015, le déficit de la filière bois française avoisinait les 5,5 milliards d'euros. C'est près du double de celui de 1994 et, surtout, le deuxième poste du déficit commercial français… juste après les hydrocarbures.

(1) « Exportation du bois vers la Chine », Journal officiel du Sénat, Paris, 13 juin 2013.

In Bhutan, UNICEF Regional Goodwill Ambassador Aamir Khan spotlights battle against malnutrition

UN News Centre - Wed, 19/10/2016 - 21:56
After a visit to Bhutan yesterday, actor and director Aamir Khan, a UNICEF Regional Goodwill Ambassador, praised the country’s progress to end malnutrition and recognized young mothers’ efforts to safeguard their children’s health despite high levels of stunting.

INTERVIEW: 'Implementation of the 17 SDGs is the core of my work’ – UN General Assembly President Peter Thomson

UN News Centre - Wed, 19/10/2016 - 21:33
On 13 June 2016, the United Nations General Assembly elected Peter Thomson of Fiji to serve as President of its seventy-first session, which runs from September 2016 to September 2017. Mr. Thomson, who had had been serving as the Permanent Representative of Fiji to the United Nations until his appointment, announced that the theme of the 71st session will be ‘The Sustainable Development Goals: A Universal Push to Transform our World.’

UN relief wing and partners ready to rush in aid once pause in Yemen fighting begins

UN News Centre - Wed, 19/10/2016 - 20:48
Following a month that saw civilians continuing to bear the brunt of the conflict in Yemen, a 72-hour halt to fighting set to take effect later today is welcome, but not nearly enough time, according to a senior United Nations relief official, who appealed for more predictable access to be able deliver aid to hard-to-reach communities caught up in the crisis.

Reforesting Kilimanjaro could ease East Africa's severe water shortages – UN

UN News Centre - Wed, 19/10/2016 - 19:41
There is a need to reforest Africa’s highest mountain to help protect vital water supplies that are under threat across large parts of East Africa, a UN Environment report urged today.

Millions more children will have access to ‘5-in-1’ vaccine through UNICEF supply agreement

UN News Centre - Wed, 19/10/2016 - 19:01
With a price drop to below $1 a dose, UNICEF has successfully secured a five-in-one vaccine for children at half the price the agency currently pays, which will allow it to buy 450 million doses for 80 countries over the next three years.

Bassora, la ville qui se donne en sacrifice

Le Monde Diplomatique - Wed, 19/10/2016 - 14:52

Sur le papier, Bassora, deuxième ou troisième plus grande ville d'Irak, aurait toutes les raisons d'être une métropole plus dynamique que Dubaï, Abou Dhabi, Doha ou Koweït, et pourrait dominer le golfe Arabo-Persique. Son port, Oum Qasr, connecte au reste du monde l'un des principaux pays producteurs de pétrole, qui se trouve être aussi un vaste marché de consommateurs en puissance. Dans la zone, les hydrocarbures abondent et sont particulièrement peu coûteux à exploiter, laissant des marges importantes quelles que soient les variations du prix du baril.

Il n'y a pas si longtemps, la société basraouie était connue pour son cosmopolitisme, ses élites intellectuelles et sa tradition ouvrière — constituant une « vraie ville » qui aurait dû être une plate-forme du commerce régional et une puissance manufacturière. Son arrière-pays, très fertile, se prête à une culture de riz et de dattes autrefois réputée. Et pourtant, quand, à l'arrivée à l'aéroport, on lit sur une banderole « Bassora, paradis de l'investissement », on ne peut que rire et désespérer.

La ville fait très exactement l'effet d'une dystopie de ce qu'on appelait le « tiers-monde ». L'État est à peu près absent, si ce n'est sous la forme d'un gouvernorat. Celui-ci, qui se plaint de ne pas avoir eu de budget depuis 2013, essuie chaque semaine les invectives de manifestants qui n'en démordent pas mais qui ne mobilisent pas vraiment non plus. La multiplication des milices à caractère confessionnel éclipse presque entièrement la maigre présence de forces de sécurité officielles. Les sociétés pétrolières étrangères sont elles aussi invisibles : au mieux, elles recrutent des manœuvres localement quand telle ou telle tribu recourt à la violence pour garantir un peu de redistribution.

L'économie infernale de la ville glisse vite d'aspects déjà ambigus, comme la rente publique (quand les salaires sont payés et les projets financés) et la consommation de biens importés (notamment les voitures), vers les réalités morbides de la corruption endémique, du trafic d'hydrocarbures et du marché de la drogue. Cependant, l'explosion démographique se poursuit dans une urbanisation sauvage.

Bassora est précisément l'inverse d'une cité-État — ce modèle antique qui semble resurgir à mesure que celui de l'État-nation se défait, et qui voit des villes riches en ressources s'organiser de façon autonome. Ici, ceux qui font la loi viennent d'ailleurs. Le gouvernorat reste tributaire d'un système hypercentralisé. Les décisions, même triviales, sont prises à Bagdad, où Bassora dispose de peu de relais : un seul ministre dans un gouvernement rassemblant une trentaine de portefeuilles, et 9 % des élus au Parlement. La classe politique locale représente des partis et des milices exogènes, qui ont à la ville un rapport parasitaire.

La présence massive des tribus est liée à trois phases de migration : l'exploitation des petits paysans par de grands propriétaires terriens durant la première moitié du xxe siècle ; l'assèchement des grands marais du sud de l'Irak par le régime de Saddam Hussein dans les années 1980 et 1990 ; et les bouleversements provoqués par l'invasion américaine en 2003. Certaines tribus particulièrement turbulentes et influentes sont justement celles qui ont apporté avec elles l'habitus le plus éloigné des us citadins : c'est le cas des Garamsha, porteurs d'une forte tradition d'insubordination qui a mûri dans le maquis qu'ont longtemps été les marais (1).

En somme, Bassora se retrouve dans la situation banale de nombreuses zones riches en ressources naturelles, spoliées par leurs propres autorités nationales, qui les traitent comme des colonies : le Baloutchistan pakistanais, l'Est syrien et saoudien, le Sud marocain ou le delta du Niger au Nigeria. Souvent, le sentiment d'injustice qui en découle débouche sur des formes de défiance à l'égard du pouvoir central, voire des rêves d'autonomie. Mais à Bassora, au contraire, les plaintes sont convenues, les menaces de sécession velléitaires, et les initiatives qui suggéreraient une ville prête à en faire davantage pour elle-même inconnues au bataillon.

Les Basraouis donnent plutôt l'impression d'être écartelés entre leurs fantasmes de ce que la ville pourrait être et une résignation totale à son statut de laissée-pour-compte, peut-être parce que l'écart entre espoirs et réalités est devenu tel qu'ils ne sauraient imaginer par où commencer. Les canaux de celle qu'ils aimaient qualifier de « Venise d'Orient » sont désormais remplis de poubelles ; le majestueux Chatt Al-Arab, confluent du Tigre et de l'Euphrate, a des reflets de mazout et sent le gras de poisson. Autant construire tout de suite, diront certains, la plus grande tour du monde, toute une ville verticale qui s'arracherait au bourbier, qui se rêverait dans les étoiles.

En attendant, Bassora est en armes. Des convois paramilitaires circulent sans cesse, hérissés de canons. Les portraits de « martyrs » sont partout. Leurs enterrements rassemblent la société dans des cérémonies très intenses. Et les jeunes combattants se portent généralement volontaires bien plus qu'ils n'y sont contraints. Pourtant, la cause qu'ils épousent est bien lointaine : des batailles à l'autre bout de l'Irak contre l'Organisation de l'État islamique (OEI), qui a si peu sévi à Bassora que les quartiers généraux des milices chiites s'y passent de toute fortification. Il s'agit donc d'une étrange campagne pour sauver un pays qui n'a jamais rendu à la ville la monnaie de sa pièce.

Du reste, la lutte est principalement encadrée par des partis islamistes qui n'inspirent que dégoût ou par des forces paramilitaires souvent inféodées à l'Iran, un voisin encombrant qui suscite moins de sympathie que de critiques : « Les Iraniens méprisent les Arabes, qu'ils soient chiites ou non. Ils nous en veulent toujours pour la guerre des années 1980. Et ils laissent faire les trafics, notamment de drogue, pour s'enrichir à nos dépens. » En glorifiant leurs nombreuses victimes, ces formations se vantent aussi, quelque part, de l'ampleur de leurs pertes. Dans une guerre conventionnelle, un tel affichage de morts à n'en plus finir aurait sur la société un effet profondément démoralisant.

Il n'empêche : le ralliement populaire est plus dynamique et unanimiste que dans n'importe quelle autre partie du pays. Les Basraouis se targuent volontiers de fournir plus de la moitié du mouvement de mobilisation populaire (hashad shaabi en arabe) né de la fatwa lancée en juin 2014 par l'ayatollah Ali Al-Sistani, appelant les Irakiens à soutenir l'appareil de sécurité face à la progression de l'OEI. Quel que soit le chiffre exact, la ville vit au rythme du hashad. Pourquoi tant de sacrifices ?

La réponse renvoie toujours à l'obligation religieuse, au devoir d'obéissance dû à M. Al-Sistani, la « référence suprême » (marja'iyya) au sein du clergé chiite irakien. Or ses avis sont fréquemment ignorés par ailleurs, s'ils contreviennent aux intérêts prosaïques de la classe politique, aux coutumes d'un chiisme populaire vivace, voire exubérant, ou à d'autres normes sociales dominantes. Il peut toujours s'époumoner, appeler les partis à faire des concessions nécessaires et évidentes, ou interdire formellement l'autoflagellation lors des pèlerinages, les obsèques exagérément dispendieuses et le recours au droit tribal : tous ceux qui ont entendu haut et clair l'appel à la mobilisation font subitement la sourde oreille (2).

En effet, le hashad est à l'opposé d'une conscription : c'est un vrai mouvement social, ancré dans un imaginaire et des pratiques structurantes au sein d'une société chiite qui se sent trahie par ses élites et cherche ses repères. La guerre contre l'OEI, qui se prête d'autant plus à revêtir une dimension métaphorique que l'on vit loin du front, entre en résonance avec un moment fondateur du chiisme, à savoir le massacre de Hussein, fils d'Ali, le cousin et le gendre du Prophète, et de ses partisans au cours de la bataille de Kerbala, en 680 (3). C'est principalement autour de cette tragédie que s'organisent la religiosité populaire et la psyché chiites.

Traditionnellement, elle se rejoue chaque année durant Mouharram, le premier mois du calendrier lunaire — et plus particulièrement durant les célébrations de l'Achoura —, dans des pièces de théâtre (tazi'eh) et d'autres formes de commémorations, comme les automutilations symboliques. Celles-ci permettent de revivre intensément le sacrifice de Hussein, pièce centrale d'une culture victimaire qui envisage le chiisme comme une résistance circulaire, à la fois triomphale et suicidaire, face à l'agression et à l'oppression. Aujourd'hui, la scène se répète au jour le jour dans la lutte contre une OEI qui concentrerait tous les ennemis supposés du chiisme : un sunnisme dominateur, un Occident impérial manipulant l'adversaire et, comme dans toute bonne théorie du complot, Israël. Les martyrs qui tombent pour que le chiisme puisse vivre sont dépeints dans une iconographie propre à Hussein. Le combat eschatologique revêt désormais une forme plus littérale que théâtrale, dans une sorte de snuff movie où les acteurs ne font plus semblant de mourir mais trépassent véritablement.

La mobilisation doit aussi être comprise dans sa dimension sociale : une jeunesse désœuvrée, souvent sans perspectives d'emploi ou de mariage, trouve ainsi les moyens d'une réalisation de soi. L'héroïsme des morts est une source d'émulation entre pairs et fait la fierté des parents. Il leur rapporte aussi quelques ressources, puisque les autorités locales à Bassora sont les seules dans le pays à payer des compensations, dont le montant dérisoire — environ 750 euros — donne une idée précise du cours de la vie sur le marché du nihilisme. Les funérailles soudent la communauté plus que tout autre événement, en activant une série de traditions plus ou moins réinventées qui créent du sens et du lien : les tribus défilent, la solidarité de quartier joue, on tire en l'air comme à la noce, et les exploits des martyrs sont chantés comme des épopées.

Cette vitalité morbide a des ressorts politiques. Les représentants supposés du chiisme irakien n'ont rien fait de l'occasion offerte par le renversement de Saddam Hussein. L'avènement d'une ère nouvelle, attendue et fantasmée pendant des siècles de domination, a fait long feu. Plus personne ne croit en l'avenir, ce qui facilite une régression par défaut vers une réédition du passé en boucle fermée.

Paradoxalement, le complexe victimaire né d'une soumission séculaire peut aujourd'hui s'exprimer en toute liberté. Rien ne s'y oppose ; c'est lui qui s'impose à tous, occupe l'espace public, structure la société, définit la légitimité politique. Toute figure du leadership chiite doit faire déférence, au moins en apparence, à l'expression d'un chiisme décomplexé, souvent en contradiction avec les idéologies plus structurées et les calculs plus cyniques des élites. C'est d'ailleurs ce que M. Al-Sistani a appris à ses dépens. Son appel à défendre la nation s'inscrivait dans une logique étatique et non confessionnelle, puisqu'il encourageait tous les Irakiens à s'unir pour soutenir les forces armées. Mais sa voix s'est vite perdue dans la caisse de résonance des émotions populaires.

C'est au fond la leçon plus générale que nous enseigne Bassora. Cette ville potentiellement florissante, qui a tant de problèmes immédiats auxquels se consacrer, se laisse accaparer et entraîner par une quête qui la dépasse — la construction d'une identité chiite dans un cycle d'échecs de plus en plus auto-infligés. Et qui s'apaisera peut-être en trouvant les moyens de s'ouvrir sur l'avenir.

(1) Refuge pour les insurgés chiites contre le régime de Saddam Hussein, ces marais étaient presque totalement asséchés au milieu des années 1990. Depuis 2003, les autorités de Bagdad, aidées par les Nations unies, tentent de recréer ces étendues aquatiques, notamment en faisant sauter les digues érigées par l'ancien pouvoir.

(2) Une réalité qui a poussé l'intéressé à annoncer en février 2016 sa décision de limiter ses interventions publiques dans le champ politique.

(3) Dans la longue guerre de succession qui a suivi le décès du prophète Mohammad (Mahomet), la bataille de Kerbala a consacré la victoire du calife omeyyade Yazid contre les partisans de Hussein. Cette défaite est le point de départ d'un martyrologe dont s'est emparé le chiisme et qui perdure à ce jour.

Risky Business: DRC Mining Gambles

Foreign Policy Blogs - Wed, 19/10/2016 - 10:39

Workers for Alphamin Bisie Mining built a 32 kilometer access road to the Bisie tin deposit. (Tom Wilson/Bloomberg)

Mining firm Alphamin is intent on building a mine in the Democratic Republic of Congo’s (DRC) northeastern province of North Kivu. It will be the first modern mining operation in this historically insecure region of the Congo.

The Toronto-listed firm is breaking ground at a site called Bisie, in the Walikale territory of North Kivu. It boasts among the world’s richest tin deposits. However, the challenges—from poor infrastructure to roving militant groups—are all too real.  

Alphamin plans to put $134m into pre-production investment, then to raise debt and equity through 2016 and 2017 to fund the ramp-up phase and working capital.

The Bisie mine is expected to produce some 9,900 tonnes of low cost tin concentrate for 12 years, with first yields expected at the end of 2018 according to the firm. With a promised 48.4% internal rate of return for investors, it is easy to see how many would bite despite the risks.

However the project has certainly not been easy. The remote location and lack of infrastructure in much of the DRC means the company has had to build its own road to the site using little more than manual labour. A mobile phone tower only recently went up in the area.  

Then there is the question of security.

Walikale is now safer than many parts of conflict-prone North Kivu. However as recently as 2014, militant groups operating in the area attacked Alphamin’s base camp, which fell within the territory of three competing armed groups.

One might wonder why a company would choose to set up operations in one of the DRC’s most unstable areas even as a constitutional crisis over the rule of president Joseph Kabila threatens to tip the entire country back towards conflict.

Boris Kamstra, chief executive of Alphamin Resources Corp, says the firm had been exploring various commercial options but decided that tin stands out as a particularly interesting commodity. Prices for the metal are on the rise, and changes in technology are fueling demand.

“The demand profile for tin changed completely when it was included in electronic solders to replace lead. You have a historic lack of exploration and underdevelopment of tin assets, which looking forward gives you a declining supply,” Mr Kamstra explains.

He downplays the risk from armed groups, saying most are now based outside Walikale and further eastwards, while stressing the work Alphamin has put into developing ties to the local communities in which it operates.  

However rebel groups still act as competition to outsiders arriving to mine in ‘their’ areas, as well as targeting companies for extortion and banditry.

DRC has a long history of its rich mining assets being coopted by militant groups to fund their violent campaigns. A 2013 UN report estimates that 98% of the gold sold from Congo that year was smuggled out, mostly through neighbouring Uganda.

Fueling conflict?

Alphamin does attempt to address the problem of conflict minerals explicitly. The company says the Bisie mine will comply with the US Dodd-Frank Act.

The Act, a wide-ranging reform bill focused mostly on financial sector reform after the 2008 financial crisis, includes a requirement that all US-listed companies determine origins for gold, tin, tungsten and tantalum sourced from the DRC or an adjoining country.

The idea is that transparency in value chains will weed out conflict minerals, starving the groups that depend on their revenues. This is much easier to do in theory than in practice.

At present more than 50 different armed groups still operate in the DRC’s borderlands, often forcing the local population to join their ranks, participate in their military and logistical activities or to turn a blind eye to criminal activities. Determining loyalties, as well as origins of mineral exports, is difficult in this fluid context.

Henri Ladyi, who leads the Centre Résolution Conflits (CRC) peace group in North Kivu, says that rebel groups have been forcibly recruiting workers and fighters during a string of bloody raids in 2015 and 2016. They target and kidnap “strong young people” who, after being trained in the bush, are used to help the militias.

He says armed groups also try to trick younger recruits into joining them.“Some local people are getting information that there are number of [plots] available for them for agriculture, so they are moving from their village into the zone that is controlled by rebels.” 

Criminalized rebel groups can pose as credible employers or protectors because many young Congolese have grown up with the instability caused by these armed groups and see the situation as normal. There are also very few legitimate alternatives in North Kivu, exacerbating the conflict and risks for companies that come into the areas.

Bjorn van Wees, Africa analyst at the Economist Intelligence Unit, does not think that the arrival of a large Western mining company like Alphamin will make much of a difference to the employment prospects of young people in the region.

“Investment projects are clearly a very important part of any peacebuilding process. The creation of jobs and revenue-generating activities can help boost stability. Unfortunately in the DRC, the authorities are ill-equipped to make good use of the revenues generated by mining projects,” he says.

He also warns that bringing in a project of this scale and then failing to live up to local expectations can have serious consequences. “A failure by the government to ensure that benefits from the new tin mine…go beyond jobs could heighten tensions if government revenues from the project are not invested back into the community,” he points out.

Breaking the longstanding link between the area’s abundant natural resources, illicit smuggling networks and armed groups will only happen if the DRC’s government can provide the security that legitimate large and small employers need to return to the area.

Until then, the only companies that will venture out to North Kivu will be the ones like Alphamin who can afford to bring their own private security with them—and even then their ventures will be met with scepticism in many quarters.

An earlier version of this article was published at This Is Africa and reappears here with kind permission.

The post Risky Business: DRC Mining Gambles appeared first on Foreign Policy Blogs.

UN mission in Afghanistan reports 'worrying' rise in child casualties

UN News Centre - Wed, 19/10/2016 - 07:00
Even though overall conflict-related civilian casualty numbers in Afghanistan fell by one per cent in the first nine months of 2016 compared to the same period in 2015, child casualties saw a marked increase of 15 per cent, the United Nations mission in the country said today.

Tackling impacts of land degradation vital to achieving Global Goals – senior UN treaty official

UN News Centre - Wed, 19/10/2016 - 02:43
The head of the United Nations Convention to Combat Desertification told delegations gathered in Nairobi, Kenya, to assess the treaty’s implementation, the impacts of land degradation affect the sustainability of the entire world, so a global effort is needed to tackle it, including through the UN 2030 Agenda for Sustainable Development.

UN human rights experts outline steps to strengthen prohibition, prevention of torture

UN News Centre - Wed, 19/10/2016 - 02:24
Following a discussion with the main committee of the United Nations General Assembly responsible for social, humanitarian affairs and human rights issues affecting people all over the world, three UN human rights experts briefed reporters in New York, highlighting steps to strengthen protection against torture.

Haiti: UN special adviser calls for ‘robust’ hurricane response to tackle ‘extremely difficult’ situation

UN News Centre - Wed, 19/10/2016 - 02:14
Hurricane Matthew, which ripped through Haiti 13 days ago, has left more than 700,000 people in an “extremely difficult situation,” United Nations Special Adviser David Nabarro said today, and while steady progress is being made, led by Haitians themselves, the response must be accelerated as the needs are still great, frustrations are high, and access to hard-hit areas remains tough.

Ignored Wars (I)

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Wed, 19/10/2016 - 00:00
(Own report) - Berlin persists in its support for Riyadh's ruling clan, despite the Saudi armed forces' ongoing war crimes committed in Yemen. Whereas demands to tighten sanctions against Russia are under consideration - for alleged or actual war crimes in the Syria's Aleppo - Saudi Arabia need fear no consequences even after bombing a funeral service, killing over 140 civilians. The Saudi-led war coalition's air raids in Yemen are already responsible for more than 2,400 civilian casualties, including patients in hospitals run by Doctors Without Borders and children in a Quranic school. Desperately poverty stricken Yemen, which depends on imports for 80 percent of its food, is being cut off from its vital supplies by Riyadh's maritime blockade. More than 1.5 million children are already suffering malnutrition, 370,000 of them acute. Medial care is insufficient, because Saudi Arabia is bombing pharmaceutical factories and limiting the import of medicine. German media hardly report on the humanitarian catastrophe in Yemen, for which Riyadh, one of Berlin's most important allies in the Middle East is responsible. Riyadh's war in Yemen against the Houthi insurgents is also aimed at rolling back Iran's influence, thereby also serving the interests of Germany's elite.

Mosul: UN mission calls for Iraqi unity behind Government forces fighting ISIL

UN News Centre - Tue, 18/10/2016 - 23:57
With the military operations under way to wrest the control of Mosul from Islamic State of Iraq and the Levant (ISIL/Da’esh) terrorists, the United Nations Assistance Mission for Iraq (UNAMI) today called on the Iraqi people to unite in support of their country’s armed forces and is urging “that every step be taken to avoid civilian casualties.”

HABITAT III: ‘A human-centred city is a culture-centred space’ says UNESCO report

UN News Centre - Tue, 18/10/2016 - 23:22
With top diplomats and urban development experts gathered this week in Quito, Ecuador, for a major United Nations conference on green, clean urban spaces, the UN Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) has released a new report spotlighting the power of culture as a strategic asset for creating cities that are more inclusive, creative and sustainable.

UN aid agencies brace for possible displacement ‘catastrophe’ caused by military offensive in Mosul

UN News Centre - Tue, 18/10/2016 - 22:58
United Nations humanitarian agencies operating in Iraq are bracing for what could be a displacement catastrophe requiring the largest and most complex global response in 2016, in the wake of the military offensive under way to oust terrorists from Mosul, the country’s second-largest city.

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