« Je ne me fais pas sur l’année qui pointe trop d’illusions », a lancé vendredi à la presse européenne un Jean-Claude Juncker particulièrement sombre : « je suis impressionné par le nombre de fragilités » et par les « ruptures » qui sont apparues au sein de l’Union au cours de l’année 2015 qui restera celle d’une « polycrise non maitrisée » : l’Ukraine, la Grèce, les réfugiés, le terrorisme. « L’Union ne se trouve pas dans un bon état » et le président de la Commission n’hésite pas évoquer « le début de la fin ».
Jean-Claude Juncker fait ainsi écho à notre analyse publiée dansLibération du 2 janvier dans laquelle nous nous demandions, provocateur à dessein, si 2016 ne marquerait pas la fin de l’idée européenne. Que ce sombre diagnostic soit repris par l’un des principaux responsables de l’Union, la dénégation étant plutôt la marque de fabrique de la Commission, en dit long sur l’ampleur de la crise qui menace de « destruction un édifice qui a été bâti au prix de tant de peine et au milieu de tant d’espoirs », pour reprendre les mots qu’employa le général de Gaulle 27 novembre 1967 pour refuser l’adhésion de la Grande-Bretagne. Jean-Claude Juncker ne croyait pas si bien dire lorsqu’il annonçait en prenant ses fonctions fin 2014 que sa Commission serait celle de « la dernière chance »…
Pour le président de la Commission, il ne faut pas chercher bien loin les responsables de ce délitement qui menace : les gouvernements des États membres qui se laissent tous peu à peu gagner, qu’ils soient de droite ou de gauche, par le populisme et le nationalisme. « Ma génération n’est pas une génération de géants », comme celle de François Mitterrand, d’Helmut Kohl ou de Jacques Delors, a martelé Jean-Claude Juncker, mais celle « de faibles héritiers qui oublient vite. Que laisserons-nous derrière-nous ? », s’interroge-t-il accablé.
Cette médiocrité des élites nationales est, de fait, le problème cardinal de l’Union, celle-ci n’étant pas une fédération achevée. Que seraient aujourd’hui les États-Unis s’ils avaient continué à être dirigés, comme au départ, par un collège de 50 gouverneurs statuant à l’unanimité ? Or, c’est exactement la façon dont l’Union est gouvernée sauf dans deux domaines très précis dans lesquels les Etats ne peuvent pas mettre leur nez : la politique de concurrence et surtout la politique monétaire. Ainsi, sans la Banque centrale européenne à la manœuvre, la zone euro aurait sans aucun doute explosé en plein vol en 2010 : les gouvernements, surtout soucieux de défendre leurs intérêts nationaux à courte vue, n’ont bougé que parce que Francfort avait les moyens de les y forcer. Mais aujourd’hui, il n’y a aucun Mario Draghi doté des mêmes compétences fédérales pour contraindre les États à coopérer pour régler la crise des réfugiés, ce qui impliquerait au minimum une vraie diplomatie communautaire, ou à coopérer dans la lutte contre le terrorisme. La Commission et le Parlement européen peuvent seulement les supplier de rester unis, ce qui pour l’instant n’a pas produit de grands résultats.
Jusque-là, cet édifice brinquebalant a plus ou moins tenu grâce à des dirigeants nationaux de talents, profondément persuadés que le projet européen était une condition de survie dans un monde où l’occident se marginalise rapidement. Le temps où un Helmut Kohl ou un François Mitterrand imposaient l’euro à leurs citoyens réticents n’est plus qu’un lointain souvenir. Que Angela Merkel, qui n’a jamais porté un projet européen construit, soit devenue la clef de voute de l’édifice en dit long sur la médiocrité générale. En quatre ans, par exemple, François Hollande a été incapable d’articuler la moindre pensée européenne, non pas par manque d’idées, mais par absence de courage politique vis-à-vis d’une gauche divisée sur le sujet. Curieusement, il n’a pas fait montre des mêmes atermoiements pour défendre la très contestable déchéance de nationalité pour les binationaux coupables d’atteintes aux intérêts de la nation… On peut aussi citer, comme l’a fait un Juncker furieux contre cet Européen de pacotilles, Matteo Renzi, qui passe son temps à rendre responsable la Commission de toutes ses difficultés. Résultat : plus de 40 % des Italiens sont désormais favorables à une sortie de l’Union. Et que dire de David Cameron, le Premier ministre britannique, qui joue à la roulette russe avec l’avenir de son pays et de l’Union ?
L’incapacité des dirigeants nationaux à penser au-delà de leurs frontières nationales ne peut qu’avoir des conséquences désastreuses. Par exemple, comme l’a rappelé Juncker, « à quoi bon avoir une monnaie unique si nous ne pouvons pas voyager librement ? Schengen risque de mettre fin » à l’euro. De même, le refus de toute solidarité dans la crise des réfugiés risque de faire imploser le budget européen : pourquoi continuer dans ces conditions à verser à la Pologne ou à la Hongrie 4 % de leur PIB chaque année ? Néanmoins, Jean-Claude Juncker refuse de « baisser les bras » et jure qu’il fera tout pour éviter l’effondrement. Une application de la maxime d’Antonio Gramsci : « je suis pessimiste par l’intelligence, mais optimiste par la volonté ».
N.B.: version longue de mon analyse parue dans Libération du 16 janvier
N.B.: L’intervention de Jean-Claude Juncker est ici et les questions des journalistes sont ici.
N.B.: Image empruntée à ce site: http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?...
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