Depuis les derniers attentats de Paris, le 13 novembre dernier, l’Europe doit faire face à une menace terroriste accrue. La dimension inédite et internationale de l’État islamique appelle l’Union à développer de nouveaux outils efficaces pour lutter contre le terrorisme. L’urgence de la situation européenne et la nécessité de « renforcer notre réponse à la terreur » a permis d’accélérer l’ouverture d’un véritable Centre européen de contre-terrorisme (CECT) au sein d’Europol, inauguré le lundi 25 janvier à La Haye. Il est absolument nécessaire de permettre un partage optimal des informations entre les différents États membres, car il est certain que les derniers événements tragiques ont montré les lacunes de l’Union européenne dans le domaine.
Europol est l’office européen des polices. Cet organisme est alors chargé de renforcer et d’améliorer la coopération et l’échange de renseignements entre les autorités policières des États membres, en vue de lutter contre la criminalité internationale. La création du CECT fait suite au Conseil JAI (justice et affaires intérieures) du 20 novembre dernier portant sur le renforcement de la réponse pénale à la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent. Le Conseil a prévu le lancement du Centre européen de lutte contre le terrorisme, avant tout avec l’objectif de créer une « plateforme permettant aux États membres de renforcer l’échange d’informations et la coopération opérationnelle en ce qui concerne la surveillance des combattants terroristes étrangers et les enquêtes à leur sujet, le trafic d’armes illicites et le financement du terrorisme ».
Ce nouveau Centre a d’ores et déjà son directeur, comme le précise le communiqué de presse d’Europol en date du 25 janvier dernier. Il s’agit de M. Manuel Navarrete Paniagua, un haut officier de la Guardia Civil espagnole, disposant d’une longue expérience dans le domaine de la lutte anti-terroriste, puisqu’il était déjà chef d’unité dans le domaine au sein d’Europol. Le CECT compte également 39 membres et 5 experts nationaux.
La visée d’Europol va alors être de fournir aux États membres, ainsi qu’à ses partenaires tels que Interpol et Eurojust, de nouveaux moyens pour lutter plus efficacement contre le terrorisme en vue de l’amélioration de la coopération européenne grâce notamment à :
La nécessité d’une amélioration de l’échange de renseignements entre les autorités policières est au cœur du débat contre le terrorisme, nous avons encore pu en être témoins lors de l’assemblée plénière du Parlement européen le 21 janvier dernier. C’est l’une des clefs face à la menace terroriste grandissante et transfrontalière que nous sommes en train d’affronter.
Il existait déjà, depuis 2010, un centre international de lutte contre le terrorisme, situé également à La Haye. C’est alors un « organisme indépendant chargé d’étudier les aspects juridiques de la lutte contre le terrorisme, de formuler des recommandations à cet égard et d’identifier les meilleures pratiques en matière de prévention du terrorisme ». Mais il s’agit avant tout d’un institut de recherche visant à examiner les aspects juridiques de la lutte contre le terrorisme et à analyser les différentes mesures préventives prises à cet effet. Ses travaux peuvent d’ailleurs servir d’appui à la coopération entre les États membres de l’Union. Mais il semblait nécessaire de créer un centre européen dédié à la lutte contre le terrorisme, non pas en tant que centre de recherche, mais véritablement comme un outil d’amélioration du partage des renseignements, et nécessairement, de la coopération.
La sécurité avant tout, il est nécessaire de disposer de moyens d’action efficaces, et il va de soi qu’une amélioration des échanges d’informations entre les États membres est l’une des conditions sine qua non pour la lutte contre le terrorisme. Il s’agit de s’adapter, avec des moyens plus européens, à cette nouvelle menace. La coopération des États membres et d’Europol permettra alors de réunir les informations les plus pertinentes en vues d’appréhender les possibles acteurs de l’État islamique afin d’éviter, le mieux possible, de nouveaux drames.
Si le CECT était prévu depuis plusieurs mois, et n’est donc pas directement lié aux attentats de Paris, ces derniers ont tout de même permis de se rendre compte que le système européen connaissait de véritable failles, et un meilleur échange d’informations entre la France et la Belgique, notamment, aurait permis une appréhension plus efficace des suspects. Ce centre opérationnel permanent devrait pouvoir aider les autorités policières à combattre la criminalité internationale. Il est nécessaire, comme l’a notamment indiqué le premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, que les États européens soient en mesure de « travailler ensemble en confiance ». Grâce à un partage accru des renseignements, les États seront plus à même de « traquer les financements terroristes » notamment, a déclaré le directeur d’Europol, Rob Wainwright. Afin de vaincre le terrorisme, qui ne connaît pas de frontières, l’Union doit, plus que jamais, former un espace européen soudé.
Il est clair qu’actuellement, au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, l’accent est mis sur la sécurité, peut être au détriment des deux autres composantes de cet espace européen, face à la nécessité d’une réponse à la terreur qu’essaie de mettre en place l’État islamique au sein de notre société occidentale. Si l’échange et le partage d’informations sont une nécessité face à la menace terroriste, certains parlementaires européens ont fait remarquer qu’il ne fallait pas pour autant commencer à collecter « un tas d’informations qui ne servent pas » (Jan-Philipp Albrecht). Le but est d’améliorer la lutte efficace contre Daesh, pas de se noyer sous une multitudes d’informations provenant des 28 États membres sans que cela ne soit d’une grande aide. Il faut réussir à collecter les informations pertinentes, afin de pouvoir prévenir de nouveaux attentats. Le CECT semble être un moyen efficace pour cela, si, et seulement si, les États acceptent véritablement de coopérer.
Marie Brun
Pour en savoir plus :
– Communiqué de presse d’Europol : https://www.europol.europa.eu/content/ectc
– Conclusions Conseil JAI, 20 novembre 2015 : http://www.consilium.europa.eu/register/fr/content/out/?&typ=ENTRY&i=ADV&DOC_ID=ST-14406-2015-INIT
– Centre international de lutte contre le terrorisme : http://www.denhaag.nl/fr/residents/la-haye-ville-internationale/to/Centre-international-de-lutte-contre-le-terrorisme-ICCT.htm
– Assemblée plénière du Parlement européen du 21 janvier 2016, « Augmentation de la menace terroriste » : http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/plenary/video?debate=1453361535594
– Source de l’image : https://www.europol.europa.eu/sites/default/files/publications/ectc_infographic_public.pdf
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Le ministère de l’Intérieur a diffusé, le 15 janvier 2015, les premiers chiffres sur l’immigration, la demande d’asile et l’acquisition de la nationalité française en 2015.En 2015, la France a délivré 3 197 505 visas, dont 3 millions de visas de court séjour ou de transit. La Chine reste le premier pays d’origine des titulaires de visas, avec 824 384 visas délivrés en 2015.
212 365 premiers titres de séjour ont été délivrés. Cela correspond aux titres délivrés aux étrangers majeurs à la suite d’une première demande de séjour. Le motif familial demeure le plus important même s’il est en légère baisse par rapport à 2014 (-2,9%). En revanche, l’immigration étudiante est en hausse (+2,3%). L’immigration professionnelle progresse également (+9,4%) mais elle représente moins de 10% des titres délivrés.
En 2015, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a reçu 79 126 demandes d’asile, soit une hausse de 22% par rapport à 2014. L’Ofpra et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ont pris, un total, de 19 447 décisions accordant un statut de protection (réfugié ou protection subsidiaire). Ce total est en augmentation de 33% par rapport aux décisions positives de 2014. Les principaux pays de provenance des primo-demandeurs d’asile en France sont le Soudan, la Syrie, le Kosovo et Haïti.
Le nombre de personnes ayant acquis la nationalité française est en hausse de 12% par rapport à 2014. Les naturalisations par décret et par mariage s’élèvent à 86 608 personnes.
Enfin, concernant les immigrés en situation irrégulière, 29 596 ont quitté le territoire français en 2015 dont 15 485 par des éloignements forcés et 1 118 par des retours aidés.
Les chiffres définitifs pour 2015 devraient être publiés par le ministère en juillet 2016. De son côté, l’Ofpra a publié ses premiers chiffres pour 2015. L’Office évalue à 26 700 le nombre de personnes protégées en 2015. Les chiffres définitifs seront publiés dans le prochain rapport annuel de l’Ofpra.
Pour en savoir plus :
-. Diffusion d’informations annuelles en matière d’immigration ,d’ asile, d’acquisition de la nationalité http://www.interieur.gouv.fr/Actualites/Communiques/Communique-de-presse-Diffusion-des-informations-statistiques-annuelles-en-matiere-d-immigration-d-asile-et-d-acquisition-de-la-nationalite-francaise
-. Premiers chiffres concernant l’asile en France en 2015 https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/actualites/premiers-chiffres-de-l-asile-en
La réponse sera connue rapidement, peut-être déjà en février : le Parlement européen avait annoncé une résolution pour février, mais il semble bien qu’il se résoudra à une déclaration de sa « Conférence des présidents ». La Commission européenne a, pour sa part donné rendez-vous au mois de Mars. Très attendue également la prise de position de la Commission de Venise. Pour la première fois, la Commission européenne a donc décidé d’enquêter sur une éventuelle violation des normes démocratiques en Pologne après l’adoption de deux lois controversées sur la Cour constitutionnelle et sur les médias publics. Elle a demandé des explications à Varsovie en appliquant une nouvelle procédure, dite de sauvegarde de l’Etat de droit, fondée sur le dialogue. Mais celui-ci n’est pour le moment qu’un dialogue de sourd, chacune des deux parties campant sur ses positions ? L’Union européenne a demandé des explications et la Commission a réaffirmé avec force son droit de se mêler des affaires des Etats membres lorsque ceux-ci sont soupçonnés de mettre à mal les principes fondateurs (cf. le précédent article publié par Eulogos sur l’affaire polonaise « infra pour en savoir plus ») Six jours après Beata Szydlo faisait le déplacement à Strasbourg ! Il est vrai que la procédure mise en oeuvre par l’exécutif européen n’est pas celle que prévoit l’article 7 du traité, qui invite l’Union à agir lorsqu’elle constate « un risque clair de violation grave » (mécanisme de prévention) ou « l’existence d’une violation grave et persistante » (mécanisme de sanction). L’application de l’article 7(« force de frappe nucléaire », « un risque clair de violation grave » (mécanisme de prévention) ou « l’existence d’une violation grave et persistante »), qui peut aller jusqu’à la suspension des droits de vote de l’Etat concerné, a été jugée trop lourde pour être activée. De même, un recours auprès de la Cour de justice, chargée de juger les manquements aux traités, a été écarté comme inefficace en raison du caractère général des principes que la Pologne est accusée d’enfreindre. La Commission a retenu une procédure plus légère, dont elle a adopté le principe en mars 2014 (cf. Nea say)et qui consiste, en cas de « menace systémique envers l’Etat de droit », à ouvrir des consultations avec le gouvernement incriminé afin de vérifier s’il est en conformité avec les exigences du traité. Cette procédure de « sauvegarde de l’Etat de droit », qui n’implique que la Commission, et non les Etats, comporte trois phases : évaluation, recommandation, suivi. Elle peut, en cas d’échec, conduire à l’application de l’article 7, dont elle est l’étape préalable. Mais, comme l’a souligné Jean-Claude Juncker, président de la Commission, le 15 janvier dans sa conférence de presse du nouvel an, elle donne la préférence à la « conciliation » et au « dialogue ». Clarifier ? L’atteinte présumée à l’indépendance de la justice n’est pas le seul grief de Bruxelles à l’égard de Varsovie. La Commission s’inquiète aussi de la loi sur les médias qui paraît menacer la liberté de la presse. Depuis la victoire du parti Droit et justice aux élections législatives, sous la direction de Jaroslaw Kaczynski, la Pologne a donné plusieurs signes d’une dérive autoritaire qui préoccupe l’Union européenne. « Nous voulons clarifier les faits de façon objective », a déclaré Frans Timmermans, qui a adressé trois lettres aux autorités polonaises. « Nous avons des doutes, a précisé Jean-Claude Juncker, et nous vérifions si ces doutes sont fondés ». La gravité a semblé telle que la chaine de télévision franco allemande, Arte, a suspendu toute collaboration avec la chaine polonaise. Le ministre polonais de la justice, Zbigniew Ziobro, l’un des fondateurs du parti Droit et Justice, a réagi avec force à l’intervention de la Commission, se disant « stupéfait » des pressions exercées par Bruxelles sur un Etat souverain et un Parlement démocratiquement élu. Volontiers provocateur, il s’en est pris à l’Allemagne, dont le commissaire, Günther Oettinger, a parlé de « supervision » de la Pologne. En tant que « petit-fils d’un officier » qui a combattu la « supervision allemande » pendant la seconde guerre mondiale, il a dénoncé les « pires connotations » qu’éveille ce genre de mots. Un magazine polonais a titré, en présentant Angela Merkel sous les traits d’Hitler : « Ils veulent de nouveau superviser la Pologne ». Calmer De part et d’autre on tente toutefois de calmer le jeu. Le ton semble désormais à l’apaisement. « Nous n’avons pas besoin de nous énerver », a estimé le président polonais, Andrezj Duda, de passage à Bruxelles le 18 janvier, qui a appelé à un « compromis ». Son interlocuteur, Donald Tusk, président du Conseil européen et ancien chef du gouvernement polonais, lui a donné raison en invitant les Européens à ne pas « sombrer dans l’hystérie » et à « écouter sans émotion » les explications données par Varsovie. Le commissaire français, Pierre Moscovici, a mis en garde, au cours de ses vœux à la presse, contre le risque de provoquer des réactions excessives en Pologne en allant trop vite. « La Pologne est un acteur essentiel de la construction européenne », a rappelé Jean-Claude Juncker. Si les échanges sont devenus plus courtois, sur le fond les divergences restent intactes entre Bruxelles et Varsovie. Le débat organisé le 19 janvier au Parlement européen a montré que le dialogue souhaité par Frans Timmermans, dans un esprit de « coopération », et non de « confrontation », demeure un dialogue de sourds. Les principaux orateurs, du ministre néerlandais des affaires étrangères, Bert Koenders, dont le pays assure la présidence tournante de l’Union, aux porte-parole des groupes parlementaires, ont exprimé leur attachement au respect des valeurs européennes et leur inquiétude face aux initiatives du nouveau gouvernement polonais. « Le problème, ce n’est pas la Pologne, c‘est l’autoritarisme », a ainsi affirmé l’Espagnol Esteban Gonzalez Pons, au nom du PPE (conservateur), avant d’affirmer : « Nous pouvons changer la loi, non les valeurs ». Porte-parole des socialistes, l’Italien Gianni Pittella a lancé à la première ministre polonaise, Beata Szydlo : « N’entraînez pas la Pologne sur une voie qui ne correspond ni à son histoire ni à sa tradition ». « Ce qui nous préoccupe, a ajouté, au nom des libéraux, le Belge Guy Verhofstadt, c’est de savoir si vous n’avez pas abusé de votre majorité pour démanteler les équilibres politiques ». Beata Szydlo s’est dite ouverte au débat mais elle a défendu sans faiblir les décisions de son gouvernement. Elle a soutenu que les deux réformes controversées – celle de la Cour constitutionnelle et celle des médias publics – étaient entièrement conformes aux normes européennes et que toute autre interprétation ne pouvait être le fruit que de « malentendus », d’un « manque d’informations » ou de la « mauvaise foi ». Les changements introduits par ces deux lois ont été voulus par les citoyens polonais, a-t-elle souligné, et il n’appartient pas à l’Europe de les remettre en cause. Ces questions relèvent de la politique intérieure polonaise, a-t-elle dit, avant de déclarer : « Laissez-nous résoudre nos problèmes par nous-mêmes ». Pour Beata Szydlo, la « liberté », la « justice » mais aussi la « souveraineté » sont considérées par les Polonais comme des « droits inaliénables ». La Pologne respecte les traités, a-t-elle affirmé, ajoutant : « Nous sommes Européens et nous en sommes fiers ». L’atteinte présumée à l’indépendance de la justice n’est pas le seul grief de Bruxelles à l’égard de Varsovie. La Commission s’inquiète aussi de la loi sur les médias qui paraît menacer la liberté de la presse. Depuis la victoire du parti Droit et justice aux élections législatives, sous la direction de Jaroslaw Kaczynski, la Pologne a donné plusieurs signes d’une dérive autoritaire qui préoccupe l’Union européenne. « Nous voulons clarifier les faits de façon objective », a déclaré Frans Timmermans, qui a adressé trois lettres aux autorités polonaises. « Nous avons des doutes, a précisé Jean-Claude Juncker, et nous vérifions si ces doutes sont fondés ». De part et d’autre on tente toutefois de calmer le jeu. Le ton semble désormais à l’apaisement. « Nous n’avons pas besoin de nous énerver », a estimé le président polonais, Andrezj Duda, de passage à Bruxelles le 18 janvier, qui a appelé à un « compromis ». Son interlocuteur, Donald Tusk, président du Conseil européen et ancien chef du gouvernement polonais, lui a donné raison en invitant les Européens à ne pas « sombrer dans l’hystérie » et à « écouter sans émotion » les explications données par Varsovie. Le commissaire français, Pierre Moscovici, a mis en garde, au cours de ses vœux à la presse, contre le risque de provoquer des réactions excessives en Pologne en allant trop vite. « La Pologne est un acteur essentiel de la construction européenne », a rappelé Jean-Claude Juncker. Si les échanges sont devenus plus courtois, sur le fond les divergences restent intactes entre Bruxelles et Varsovie. Le débat organisé le 19 janvier au Parlement européen a montré que le dialogue souhaité par Frans Timmermans, dans un esprit de « coopération », et non de « confrontation », demeure un dialogue de sourds. Les principaux orateurs, du ministre néerlandais des affaires étrangères, Bert Koenders, dont la pays assure la présidence tournante de l’Union, aux porte-parole des groupes parlementaires, ont exprimé leur attachement au respect des valeurs européennes et leur inquiétude face aux initiatives du nouveau gouvernement polonais. « Le problème, ce n’est pas la Pologne, c‘est l’autoritarisme », a ainsi affirmé l’Espagnol Esteban Gonzalez Pons, au nom du PPE (conservateur), avant d’affirmer : « Nous pouvons changer la loi, non les valeurs ». Porte-parole des socialistes, l’Italien Gianni Pittella a lancé à la première ministre polonaise, Beata Szydlo : « N’entraînez pas la Pologne sur une voie qui ne correspond ni à son histoire ni à sa tradition ». « Ce qui nous préoccupe, a ajouté, au nom des libéraux, le Belge Guy Verhofstadt, c’est de savoir si vous n’avez pas abusé de votre majorité pour démanteler les équilibres politiques ». Beata Szydlo s’est dite ouverte au débat mais elle a défendu sans faiblir les décisions de son gouvernement. Elle a soutenu que les deux réformes controversées – celle de la Cour constitutionnelle et celle des médias publics – étaient entièrement conformes aux normes européennes et que toute autre interprétation ne pouvait être le fruit que de « malentendus », d’un « manque d’informations » ou de la « mauvaise foi ». Les changements introduits par ces deux lois ont été voulus par les citoyens polonais, a-t-elle souligné, et il n’appartient pas à l’Europe de les remettre en cause. Ces questions relèvent de la politique intérieure polonaise, a-t-elle dit, avant de déclarer : « Laissez-nous résoudre nos problèmes par nous-mêmes ». Pour Beata Szydlo, la « liberté », la « justice » mais aussi la « souveraineté » sont considérées par les Polonais comme des « droits inaliénables ». La Pologne respecte les traités, a-t-elle affirmé, ajoutant : « Nous sommes Européens et nous en sommes fiers ». Il n’est pas certain que les trois heures de débats (peut-on parler de dialogue ?) vont influencer le chef du gouvernement polonais. Son comportement à la tribune surprend : elle convoque les souvenirs du IIIe Reich de Hitler comme si cette argumentation était d’actualité, elle applaudit les interventions de ceux qui se revendiquent de son camp : ainsi on l’a vu applaudir tout au long de son discours le représentant du Front national. Un sentiment de malaise devant une rhétorique qui se veut intimidante (mais c’est aussi celle d’un Fico, d’un Milos Zeman ou d’un Orban).Beaucoup d’intervenants ont lissé leur discours, se censurant eux-mêmes par crainte d’une réplique du camp polonais criant à la provocation. Manfred Weber, président du groupe PPE a renoncé à prendre la parole au nom de son groupe parce qu’allemand. Que le président Martin Schulz fasse remarquer qu’il est interdit de manifester dans les tribunes et qu’il fera expulser les manifestants, des partisans bien évidemment de Beata Szydlo, elle s’étonne, se scandalise : « c’est permis en Pologne ! » On nous fait un débat politique pas juridique (…) ces débats sont dégradants, ils n’ont pas de sens » A ce stade remarquons que les critiques affirmées sont difficiles à l’heure où le cas français de la « loi d’urgence s’est invité dans le débat. Le virage sécuritaire de la France inquiète de plus en plus ; participent à cette inquiétude grandissante la prolongation de l’état d’urgence alors qu’il n’a donné à ce jour que peu de résultats concrets, le projet de loi renforçant les pouvoirs de l’exécutif au détriment du juge judiciaire, la déchéance de la nationalité pour les binationaux condamnés pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la nation, la loi sur le renseignement autorisant une surveillance qualifiée « de masse » par ses opposants. La déchéance de la nationalité a envahit complètement le débat public. Autant de mesures qui seraient reprochés sévèrement à tout candidat à l’Union européenne fait-on remarquer. D’autres soulignent que les attentats dont a été victime la France montre bien qu’elle est bien en état d’urgence : ainsi Martin Schulz déclare commentant la dérive autoritaire en Europe observée dans plusieurs pays : le gouvernement français veut donner aux forces de l’ordre les moyens nécessaire d’agir préventivement, c’est compréhensible ».Même son de cloche compréhensif au sein du Conseil, chacun comprend qu’il faut se défendre. Cette compréhension n’exclut pas des remarques plus désagréables, le même Martin Schulz, si compréhensif, avertit « il faut être vigilant, ces mesures doivent rester compatibles avec les droits fondamentaux, et de ce point de vue je considère que le débat qui a lieu en France honore la gauche », estime Martin Schulz même s’il juge que pour l’instant « il est trop tôt pour conclure » que la balance entre sécurité et liberté penche dangereusement vers la sécurité. Un avertissement feutré…D’autres députés européens furent moins nuancés comme Sophie In’t Veld qui s’interroge pour savoir si un jour il ne faudra pas se poser la question de la France, sous entendu, comme on se pose aujourd’hui le cas de la Pologne. Sylvie Goulard juge la « situation malsaine » et elle s’interroge comment Manuel Vals peut-il conditionner la fin de l’état d’urgence à la défaite de Daech, le groupe étant en Syrie, Irak, Libye « on va vivre sous ce régime pendant trente ans ? » s’interroge-t-elle. D’autres députés font remarquer qu’il y a dix ans des pays comme l’Espagne, le Royaume-Uni ont été confrontés à des actes terroristes de grande ampleur et ont fait face sans adopter l’équivalent de l’état d’urgence. On a conscience qu’il est difficile de continuer à critiquer les dérives autoritaires de Viktor Orban ou d’ouvrir une enquête sur les atteintes à l’Etat de droit en Pologne tout en ignorant ce qui se passe en France où le juge judiciaire est délibérément contourné. Les pays de l’Est seraient dans leur droit d’estimer qu’il y a bien deux poids deus mesures. Il reste à savoir si la tactique emprunter par les députés européens pour faire sortir la Commission européenne de son immobilisme actuel :le groupe libéral vient de demander qu’un débat soit organiser sur les lois d’exception françaises et que la Commission européenne ouvre une enquête pour s’assurer que l’Etat de droit n’est pas violé. À suivre donc ! L’année 2016 sera-t-elle pour l’Union européenne l’année de l’Etat de droit ? Outre les affaires évoquées, n’oublions pas que la commission Libe du Parlement européen a mis en chantier un rapport d’initiative sur l’Etat de droit dont le rapporteur est précisément Sophie I’ntVeld. N’oublions pas également qu’est dans le pipeline une Initiative citoyenne européenne (ICE) sur l’Etat de droit en Hongrie. Pour en savoir Plus : -. « le début des hostilités http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3727&nea=170&lang=fra&lst=0&arch=0 -. What allies can the polish PIS government rely on in European Parliament http://www.votewatch.eu/blog/what-allies-can-the-polish-pis-government-rely-on-in-the-european-parliament/
.. . C’est aussi un avertissement salutaire qui nous vient d’Irlande. Dans son discours aux ambassadeurs, le président de la République irlandaise, Michael D. Higgins, a averti aujourd’hui les Européens du risque que présentait pour l’Europe la crise des réfugiés. Un risque qui n’est pas uniquement celui de Schengen ou du principe de libre circulation, avertit-il. Mais ce sont nos valeurs qui sont menacées. Oubliées ces mêmes valeurs qui ont fait défiler les chefs d’Etat et de gouvernement, il y a un an à Paris?
« The risk is not just that this refugee crisis has the potential to undermine Schengen and the principle of free circulation within the European Union. It also has the potential to undermine the values at the basis of that humanistic spirit to which Europeans recommitted themselves after the devastation of WWII. The issue of migration touches upon some of the most divisive and sensitive aspects of European identity: our relationship to the outside world, to the South, and to the Muslim world »
Le président irlandais demande à tous « nos ambassadeurs européens ici de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que cette crise devienne une opportunité de raviver un ethos européen de dignité humaine, liberté et solidarité, une opportunité peut-être de forger une cohérente politique commune et cohérente sur l’asile. Je leur demande de donner un sens à ce qui est un concept partagé dans toutes les croyances et les cultures: l’hospitalité. »
« Again I would, with humility, urge all of our European Ambassadors here to do everything that is in their power to ensure that this crisis becomes an opportunity to rekindle a European ethos of human dignity, freedom and solidarity; an opportunity – perhaps – to forge a coherent common policy on asylum. I urge them to give meaning to the most shared concept across all belief systems and cultures – ‘hospitality’; ‘care for the stranger not yet a friend. »
Mises à part les prises de parole du pape François, voire d’Angela Merkel, les occasions d’entendre de telles paroles sont rares. Avant d’être un migrant c’est à une personne humaine que nous avons à faire. La journée mondiale du migrant et du réfugié du 16 janvier dernier s’est déroulée dans la plus grande confidentialité. Chacun d’entre tous ces migrants porte en lui une histoire, une culture des valeurs précieuses mais aussi des expériences de misère, d’oppression et de peur. Les migrants représentent quelque chose d’important. Ils ne sont pas simplement un phénomène à subir mais une opportunité pour construire un monde nouveau.
Rappel : le gouvernement irlandais a donné le bon exemple : lui qui ne fait pas partie de l’espace Schengen a offert de participer volontairement au processus de relocalisation et a aussi envoyé plusieurs navires en Méditerranée, durant six mois, permettant le sauvetage de 8.500 personnes ces derniers mois (selon Dublin), soit quasiment autant que la seule marine allemande….
Sur la droite de la rue, derrière une balustrade bleue, un empilement de panneaux. Le premier indique que le stationnement est alterné, le second, juste en dessous, mentionne que l’on entre dans la ville de Quiévrain et le troisième, une plaque ornée du drapeau européen, porte au milieu l’indication : « Belgique ». Autant dire qu’il faut vraiment faire attention pour comprendre que l’on vient de quitter la France en venant de Quiévrechain, sa sœur jumelle. Le point de passage entre la République et le Royaume est un petit pont enjambant un ruisseau. Aucun barrage routier, alors que, dans l’émotion des attentats du 13 novembre, François Hollande annonçait une « fermeture des frontières », en réalité un rétablissement des contrôles fixes comme le prévoit la Convention de Schengen. Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, martelait le 20 novembre qu’ils seraient maintenus « aussi longtemps que la menace terroriste le nécessitera ». Mais alors, où sont-ils ? Où est la police de l’air et des frontières (PAF) ?
Ni cohérent, ni compréhensible
Au moment où l’on se pose la question, une voiture de police française passe tranquillement la frontière belge et se gare à quelques mètres de là, devant un marchand de tabac. Il y en a plus d’une dizaine alignée à la queue leu leu, les taxes frappant ce produit étant bien moindre qu’en France. Les policiers entrent dans le magasin pour s’approvisionner pendant qu’un de leur collègue monte la garde à l’extérieur, près de leur véhicule. Il s’esclaffe lorsque nous l’interrogeons sur cette absence de contrôle : « on s’est posé exactement la même question ! Je reconnais que ce n’est ni cohérent ni compréhensible ». Car, à quelques kilomètres de là, sur l’autoroute A2-E19 Valenciennes-Mons-Bruxelles, l’autoroute est réduite dans le sens Belgique-France, à une bande de circulation par des plots de chantier et deux policiers accompagnés de deux militaires scrutent les voitures. Ce qui suffit à créer de gigantesques embouteillages (il y a même eu un accident mortel), surtout en semaine lorsque les camions s’ajoutent aux voitures. Il faut s’armer de patience et compter entre 40 minutes et deux heures d’attente…
Certes, pendant quelques jours, comme le raconte le policier de Quiévrechain, il y a eu des contrôles fixes entre les deux villes et un peu partout le long de la frontière franco-belge. Mais ils ont vite été levés, cette frontière étant tout simplement impossible à surveiller : « il y a 1500 points de passage possibles », s’esclaffe Dominique Riquet, député européen (UDI) de la région Nord et ancien maire de Valenciennes. « Vous imaginez le nombre de policiers qu’il faudrait ? » « Très rapidement, les habitués ont compris que les contrôles se limitaient à l’autoroute : ils passent désormais ailleurs », explique Dominique Riquet. « Ailleurs », c’est de fait le désert des Tartares. Nous l’avons vérifié sur une vingtaine de kilomètres à l’est de l’A2 : entre Crespin et Jeumont, sur les dix-neuf points de passage, nous n’avons croisé aucun pandore. Les nationales, les départementales, les chemins vicinaux serpentent entre la frontière, celle-ci étant rarement signalée, seul l’état dégradé de la chaussée indiquant qu’on se trouve du côté belge, la Wallonie n’étant pas réputée pour l’entretien de ses chaussées. La frontière passe dans les champs, dans les villages, dans les jardins des maisons, comme entre Roisin et Bry. Mieux : à Goegnies-Chaussée, elle est exactement au milieu de la rue principale. En allant vers l’Est, on roule en France, si on double, on se retrouve en Belgique… Les Français traversent la route pour aller acheter leur tabac en Belgique, et les Belges font l’inverse pour s’approvisionner en eau minérale, celle-ci étant 50 % moins chère dans l’Hexagone. Au café du coin, on se rappelle que juste après le 13 novembre, au bout de la rue de la Chaussée, là où la frontière fait un angle droit vers le sud, « la police avait établi un barrage juste avant la N6 belge ». Mais le souvenir de ce bref contrôle fait marrer les clients : « c’était de la gesticulation, ça ne servait pas à grand-chose ».
Contrôles sur l’autoroute Mons-Valenciennes
Pas d’ordinateur
Deux mois après le rétablissement des contrôles fixes, ceux-ci sont désormais réservés, sur la frontière franco-belge, à l’autoroute Mons-Valenciennes : ailleurs, on circule comme avant les attentats, par exemple en allant vers Lille. Comme si le fait que les terroristes soient venus de Bruxelles avait concentré toute l’attention policière sur ce seul tronçon autoroutier. Un contrôle qui plus est pour le moins curieusement effectué : les policiers se contentent en général de regarder les voitures défiler et lorsque, parfois, les papiers sont demandés, ils ne sont pas vérifiés par ordinateur, les policiers n’étant pas équipés de terminaux… « Si on a un doute », explique une policière, « on appelle le central et eux vérifient ». En clair, il faudrait un véritable coup de chance pour arrêter quelqu’un.
La situation est la même sur l’ensemble des frontières françaises : un ou deux points de contrôle au maximum, quasiment uniquement sur les autoroutes, comme c’est le cas entre l’Espagne et la France. Avec l’Allemagne, c’est le pont de l’Europe entre Strasbourg et Kehl qui fait l’objet des attentions policières : « ça a été l’enfer après le 13 novembre et au moment de la Saint-Sylvestre », raconte Julie qui vit à Kehl et travaille à Strasbourg. « Il y avait jusqu’à une quinzaine de policiers et l’attente durait entre 30 et 45 minutes. Maintenant, il n’y a plus que deux policiers et si on évite les heures de pointe, on passe en un quart d’heure. Mais à 18 km au nord de Strasbourg, le pont de Gambsheim, ou au sud, le pont Pfimlin à Eschau ne sont pas contrôlés… » Entre le Luxembourg et Thionville, même constat : les routes secondaires sont restées sans surveillance à la différence de l’autoroute. Au plus fort de la crise, ces contrôles ont créé un véritable chaos : jusqu’à deux heures d’attentes aux heures de pointe, ce tronçon étant déjà très encombré en temps normal à cause des frontaliers qui travaillent dans le Grand Duché… L’activité économique a été tellement perturbée que les policiers sont rapidement rentrés chez eux. Avec la Suisse, il a aussi fallu lever la garde.
Finalement, les contrôles systématiques sont réservés aux aéroports à l’arrivée en France (pas au départ des autres pays) et à certains trains internationaux. Ainsi, les passagers du Thalys, qui effectue la liaison entre Bruxelles et Paris, doivent presque systématiquement montrer leurs papiers, soit à des policiers français, soit à des patrouilles mixtes franco-belges, dans le train ou à l’arrivée à Paris. Mais là aussi, les policiers ne disposent d’aucun ordinateur leur permettant de savoir si une personne est recherchée. Et la mention « terroriste » ne figure que rarement sur les papiers d’identité… Quant aux ports et aux côtes françaises (3427 km), ils ne sont tout simplement pas surveillés.
La Belgique commence là où la route est défoncée
Des frontières incontrôlables, Schengen ou pas
En réalité, l’État français sait que ses frontières sont incontrôlables, Schengen ou non. Outre sa façade maritime, l’Hexagone compte 2889 km de frontières terrestres : 620 km avec la Belgique, 451 km avec l’Allemagne, 73 km avec le Luxembourg, 623 km avec l’Espagne, 573 km avec la Suisse, 515 avec l’Italie, Andorre, Monaco… Au ministère de l’intérieur français, on en convient : « le dispositif initial comportait un contrôle de 285 points de passage », c’est-à-dire une goutte d’eau. Il faut savoir que 200.000 personnes franchissent chaque jour, selon le ministère de l’intérieur, les frontières terrestres, soit 73 millions de mouvements par an, 84 millions si on ajoute les ports et les aéroports. Autant dire qu’il est impossible de s’assurer de l’innocuité de ces personnes, sauf à bâtir un rideau de fer…
« Ces contrôles fixes aléatoires n’ont aucun effet en terme sécuritaire », affirme Dominique Riquet. D’ailleurs, aucun terroriste n’a été arrêté au passage d’une frontière depuis le 13 novembre, même si au ministère de l’Intérieur on se vante d’avoir contrôlé 3 millions de personnes en deux mois et d’avoir refusé l’entrée à 3142 voyageurs européens ou non. Pour quel motif ? Mystère. En revanche, « l’impact sur le trafic de marchandises est important », poursuit Dominique Riquet, « car les camions sont obligés d’emprunter l’autoroute, en particulier le tronçon Mons-Valenciennes. Les transporteurs se plaignent : ces contrôles ont un impact sur le nombre de rotations de leurs camions ». La vie des frontaliers a, elle-aussi, été compliquée. La France compte entre 350.000 et 400.000 travailleurs frontaliers (Belgique, Luxembourg, Allemagne, Suisse, etc.), un nombre qui a explosé depuis 1995, date d’entrée en vigueur de Schengen. Il s’agit là d’un réservoir d’emploi vital pour des départements comme la Lorraine, la Franche-Comté ou le nord Pas de Calais (1,5 % de l’emploi salarié dans le département du nord) fortement touchés par le chômage.
Goegnies-Chaussée: la frontière suit la ligne discontinue
Un coût de 3 milliards d’euros
Selon Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, « les contrôles aux frontières intérieures vont coûter 3 milliards d’euros » à l’économie européenne en temps perdu aux frontières et en diminution de trafic de marchandise. Par exemple, « les contrôles entre la Suède et le Danemark ont un prix : 300 millions d’euros de perte de revenus. Entre le Danemark et l’Allemagne, les pertes s’élèvent déjà à 90 millions, tout comme au Luxembourg ». Selon Yves Pascouau, chercheur associé et spécialiste des questions migratoires à l’Institut Jacques Delors et à l’European Policy Center (EPC), il faut aussi tenir compte de l’impact que ces contrôles auront sur le tourisme : « les Chinois, par exemple, qui vont d’Amsterdam à Madrid, renonceront à traverser la France si cela leur fait perdre trop de temps ».
« Remettre en place des contrôles fixes coûterait une fortune », convient un diplomate français. « Il faudrait doubler les effectifs de la PAF, investir dans du matériel, notamment informatique, reconstruire des guérites qu’on a détruites, les prix des marchandises importées augmenteraient, etc. », souligne Yves Pascouau. « Ceux qui s’opposeraient à la fin de Schengen, ce serait les ministres des Finances », estime-t-il, « car ce serait un suicide économique. On oublie que Schengen a été mis en place à la demande des acteurs économiques qui perdaient trop d’argent au passage des frontières intérieures », le marché intérieur européen s’accommodant mal d’obstacles à la libre circulation. Pis : comme l’a souligné Jean-Claude Juncker, une monnaie unique sans libre circulation et donc sans confiance, signifierait à terme la fin de l’euro. « Surtout, l’image que l’on a de Schengen est fausse », insiste Yves Pascouau : « un espace sans contrôle fixe ne veut pas dire sans sécurité. Schengen, c’est un fichier central, des coopérations policières et douanières en profondeur de part et d’autre des frontières, un droit de poursuite et de filature pour les policiers sur le territoire voisin, etc. ».
N.B.: version longue de l’article paru dans Libération du 28 janvier
Photos: J.Q.
La France sous état d’urgence pourrait-elle adhérer à l’Union européenne ? Cette boutade d’un haut fonctionnaire européen en dit long sur l’inquiétude qui commence à poindre à Bruxelles face au virage sécuritaire effectué par le gouvernement français pour contrer le terrorisme. La prolongation de l’état d’urgence, alors même qu’il n’a donné, jusqu’au présent, aucun résultat concret, le projet de loi renforçant les pouvoirs de l’exécutif au détriment du juge judiciaire, la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés « pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation », la loi sur le renseignement intérieur autorisant une surveillance de masse, autant de mesures qui seraient reprochées à tout impétrant à l’Union européenne. Mais, pour l’instant, l’onde de choc des attentats du 13 novembre paralyse encore toute critique publique qui serait perçue comme une absence de solidarité des partenaires européens.
« Une année qui commence avec Charlie Hebdo et se termine avec le Bataclan montre que la France est bien en état d’urgence », affirme ainsi Martin Schulz, le président du Parlement européen (socialiste, Allemagne), dans un entretien à paraître dans Libération sur la dérive autoritaire de plusieurs pays de l’Union. « Le gouvernement français veut donner aux forces de l’ordre les moyens nécessaires d’agir préventivement, c’est compréhensible ». Au Conseil des ministres, l’instance où siège les représentants des États, les partenaires de la France se montrent tout aussi compréhensifs : « je n’ai eu aucune remarque de mes collègues sur les mesures que nous adoptons », raconte un diplomate hexagonal. « Chacun comprend bien qu’il faut que nous nous défendions ».
Reste que la « compréhension » n’exclut pas certains avertissements feutrés : « il faut être vigilant : ces mesures doivent demeurer compatibles avec les droits fondamentaux et de ce point du vue je considère que le débat qui a lieu en France honore la gauche », estime Martin Schulz, même s’il juge que, pour l’instant, « il est trop tôt pour conclure » que la balance entre sécurité et liberté penche dangereusement vers la première. Mais certains de ses collègues sont moins prudents : la semaine dernière, en plein débat sur la dérive autoritaire du gouvernement polonais, Sophie In’t Velt (libérale néerlandaise) n’a pas hésité à se demander « s’il ne faudra pas un jour se poser la question de la France ». Sylvie Goulard, elle aussi libérale, juge « la situation malsaine » : comment Manuel Valls peut-il conditionner la fin de l’état d’urgence à la défaite de Daech « alors que ce groupe est en Syrie, en Irak, en Libye. On va vivre sous ce régime pendant 30 ans ? »
En off, beaucoup d’eurodéputés, notamment français, y compris à droite, sont sur la même longueur d’onde. Car il n’a échappé à personne que ni l’Espagne, ni la Grande-Bretagne, eux-aussi confrontés il y a dix ans au terrorisme islamiste de masse, pas plus que les pays européens qui ont eux-aussi eu à souffrir des exactions de groupes armés, n’ont adopté l’équivalent de l’état d’urgence. Mais ces élus estiment que, dans l’actuelle orgie sécuritaire post-attentat, toutes les voix divergentes seraient inaudibles et surtout mal interprétées. Pis, elles n’intéressent guère les médias. Jean Arthuis, président de la commission du budget, nous a ainsi confié qu’il avait cherché à exprimer son désaccord, mais qu’il n’avait pas trouvé preneur…
Dans les couloirs de la Commission, on se demande d’ailleurs comment critiquer utilement la « patrie des droits de l’homme » alors qu’elle vient de subir une série d’attentats sanglants. N’y a-t-il pas un risque d’être pris en porte-à-faux, d’être accusé d’angélisme, si, demain, un groupe terroriste frappait à nouveau l’Hexagone ou un autre pays ? Le précédent des réfugiés a aussi enseigné la prudence à l’exécutif européen, lui qui a immédiatement soutenu la politique d’ouverture d’Angela Merkel et condamné l’érection d’un mur par la Hongrie. Résultat, il se retrouve aujourd’hui aussi isolé que l’est la chancelière allemande… Depuis les attentats du 13 novembre, on notera d’ailleurs que les commissaires européens se sont soigneusement tenus à l’écart des projecteurs sur un sujet considéré comme trop « explosif ».
Reste qu’on a bien conscience, à Bruxelles, qu’il est impossible de continuer à critiquer les dérives autoritaires du gouvernement hongrois de Viktor Orban ou d’ouvrir une enquête sur les atteintes à l’État de droit en Pologne, tout en ignorant ce qui se passe en France où le juge judiciaire est désormais considéré comme un gêneur. Les pays de l’Est pourraient à bon droit estimer qu’il y a bien deux poids deux mesures. Afin de faire sortir la Commission de son immobilisme actuel, le groupe libéral du Parlement européen vient de demander qu’un débat soit organisé sur les lois d’exception françaises et que l’exécutif européen ouvre une enquête pour s’assurer que l’État de droit n’a pas été violé.
N.B. Article paru dans Libération du 25 janvier