(B2) La Chambre des communes avait à peine terminé de voter (*) que les moteurs des avions de chasse vrombissaient sur la base de la Royal Air Force à Chypre.
4 avions Tornado GR4s ont ainsi décollé de Akrotiri, ce jeudi (3 décembre) au matin. Direction : la Syrie, comme l’a confirmé rapidement le ministère britannique de la Défense. En l’air, également un avion Voyager – pour assurer le ravitaillement en fuel — et un drone Reaper — pour assurer la surveillance et surtout le retour sur l’efficacité des frappes. Six cibles avaient été identifiées précisément par la coalition, visées par les bombes guidées laser Paveway IV, placées sous les Tornado.
Particulièrement visés : les champs de pétrole de Omar à environ 60 km à l’intérieur de la Syrie à l’est de la frontière avec l’Irak. Le champ d’Omar est un des plus importants et plus vastes champ de pétrole détenus par Daech (alias ISI). Il lui procure, selon les Britanniques, jusqu’à 10% de leurs ressources du pétrole.
« Couper les sources de revenus est extrêmement important pour dégrader (diminuer la force de frappe de terroristes, saper leur campagne en Irak et commencer à diminuer leur action dans le nord de la Syrie » estime le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon.
Le pétrole objectif prioritaire
Le pétrole est devenu un objectif prioritaire des avions de la coalition, Américains principalement, contre Daech mais aussi des Russes. Car il s’agit de frapper ISIS au porte-monnaie. Jusqu’à peu encore, il y avait certaines réticences à cause du risque de dégâts collatéraux. « Taper un camion citerne est risqué » assurait une source militaire à B2. D’une part, on doit « pouvoir être sûr » que ce qui est convoyé dans le camion appartient aux forces de ISIS. D’autre part, le risque de dégâts collatéraux – le passage dans un village, ou la présence d’autres véhicules ou piétons à proximité – n’était pas négligeable. Aujourd’hui ces réticences semblent envolées. Tout comme le risque de pollution, possible, en cas de frappe sur un champ pétrolifère.
(NGV)
(*) A l’issue d’un débat long et intense, très démocratique — comme seuls peuvent le faire, d’une certaine façon, les Britanniques — la Chambre des communes a approuvé, mercredi (2 décembre), l’élargissement des missions de frappe de l’Irak à la Syrie. La majorité était finalement plus large (397 voix contre 223), que ce que pouvait escompter le gouvernement
V. Andriukaitis sur l’ile de Lesbos (Grèce) le 19 novembre (crédit : CE)
(B2) C’est une lettre pas banale que s’est procurée notre confrère belge, Jurek Kuczkiewicz, qui couvre l’Union européenne pour le quotidien Le Soir. Celle du commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis, adressée à son chef, Jean-Claude Juncker Président de la Commission européenne. Ce Lituanien, médecin de son état, est inquiet. Il était à Lesbos le 19 novembre. Et son message ressemble à un cri d’alerte.
Un seul médecin, seul, dans un cabanon boueux
« J’étais sur la côte, un petit bateau est arrivé, il y avait à l’intérieur de petits enfants, des femmes, des bébés, certains malades, certains blessés, d’autres encore tout simplement épuisés, frigorifiés et déshydratés. Il n’y avait pas de lieu où les examiner ni les traiter, pas d’équipement, pas de staff médical à part un médecin volontaire dépassé d’une ONG dans un cabanon boueux. Pas d’ambulance, pas de soins d’urgence, pas de couvertures. »
Trois enfants morts d’hypothermie
Et de poursuivre : « On m’a dit que trois petits enfants arrivés sur la même plage étaient morts d’hypothermie les jours précédents. En effet, je sais en tant que médecin que cela ne prend que quelques minutes pour un enfant de mourir d’hypothermie. Dans un centre de réception à quelque distance de la plage j’ai vu un médecin seul traitant plusieurs patients – dont un bébé de quelques jours – dans une petite tente, sans électricité, sans équipement ni conditions. J’ai vu beaucoup de familles déplacées (…), des enfants d’à peine deux ou trois ans marchant dans le froid, gelés, affamés, malades. Le soir, alors que je grelottais de froid, j’ai été horrifié de voir des gens se préparer pour dormir dehors. »
La frustration des volontaires
« J’ai entendu la frustration de volontaires, d’ONG, de locaux, pas en mesure de sauver des vies d’enfants. » Et d’ajouter comme une apostrophe : « Président, ce n’est pas en Afrique que j’étais la semaine passée, ni dans un lointain pays en développement. J’ai été témoin de cela ici, dans l’Union européenne, sur l’île de Lesbos en Grèce, sur la plage de Skala Sykamias, où les bateaux arrivent, au hotspot de Moria. »
Où est l’Europe, quand viendra-t-elle ?
« Ceci est inacceptable. Il n’y avait pas de signe d’Union européenne, et les gens me demandaient : quand l’UE viendra-t-elle, quand nous aiderez-vous ? » L’ancien médecin n’en peut plus. « Il est inacceptable que des gens meurent de pneumonie juste parce qu’il n’y a pas assez de tentes, de couvertures ni de chaufferettes » en Europe.
Penser à décider en urgence
Pour Vytenis Andriukaitis, il faut penser à agir autrement. « Nous discutons de ce sujet à chaque séance du Collège, mais nous devons envisager des solutions urgentes, des mesures extraordinaires pour des temps extraordinaires. (…) Nous devons peut-être penser à déroger à certaines des règles régissant nos fonds et programmes, afin d’accélérer notre réponse à la lumière de cette tragédie en cours. »
(Nicolas-Gros Verheyde)