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B2 Le Blog de l'Europe géopolitique. Actualités. Réflexions. Reportages
Updated: 11 hours 34 min ago

5 Polonais otages des pirates nigérians

Fri, 27/11/2015 - 21:22

(B2) 5 marins polonais — dont le capitaine et 3 officiers — ont été capturés par les pirates nigérians à 35 miles des côtes. Kidnapping confirmé par le ministère polonais des affaires étrangères ce vendredi (27 novembre). Le Szafir, un cargo de 113 mètres selon sa fiche technique, bat pavillon chypriote mais appartient à l’armateur polonais EuroAfrica. Il était parti de Anvers et naviguait dans les eaux nigérianes quand il a été attaqué. Fidèles à leurs habitudes, les pirates ont d’abord commis quelques saccages à bord, avant de se retirer en emmenant quelques otages pour couvrir leur fuite.

La gestion de crises du lockdown de Bruxelles : une improvisation totale sans explication réelle (maj)

Thu, 26/11/2015 - 17:55

(B2) La gestion de crises du gouvernement belge après les attentats de Paris parait totalement surréaliste quand on la regarde avec un peu de recul. Des mesures très fortes arrivant à un état d’urgence atteint dans aucune capitale en Europe, pourtant touchée plus directement et plus gravement par des attentats que la Belgique. Sans aucune explication… La mise à l’arrêt de la capitale belge, et européenne, n’est pas vraiment un gage de sérieux dans la gestion de crises. La façon dont cette alerte a été levée ressemble à une vraie débandade et jette comme un doute sur la pertinence des mesures prises…

Premier temps : éviter de tomber dans la peur

Le premier message délivré par le Premier ministre juste après les attentats de Paris de vendredi 13 novembre est pourtant clair : « Nous demandons aux concitoyens d’éviter d’aller à Paris si ce n’est pas indispensable. Les contrôles seront renforcés dans les événements publics. Je lance un appel à ne pas tomber dans le piège de la peur. Tous les démocrates doivent se tenir debout face au terrorisme. »

Deuxième temps : la mise à l’arrêt

Ensuite, tout s’accélère. Les décisions se succèdent à un rythme formidable dans la nuit du vendredi à samedi : déclenchement de l’alerte de niveau 4, fermeture des établissements accueillant du public (cinéma, théâtre…), du métro (et de certaines lignes de bus et de tramway), puis des commerces un par un le samedi, maintien de toutes ces mesures le dimanche, et enfin, fermeture de toutes les écoles dans les 19 communes belges sur deux jours lundi et mardi. Sans vraiment d’explication publique autre que d’annoncer : il y a une menace « imminente ». Les militaires, venant des unités d’élite de l’armée belge, plus habitués aux terrains extérieurs qu’à patrouiller en ville, débarquent de leurs camions, casqués, armés, dans la capitale et se positionnent dans tous les points de Bruxelles mais pas tous. Des véhicules blindés Dingo sont même déployés aux endroits stratégiques (gares, institutions européennes, certaines ambassades…). Lire : Et Bruxelles devint noire… Des opérations de police sont menées tambour battant. Avec des résultats nuancés.

Des exceptions… ubuesques

Les trains continuaient de circuler mais pas les métros. L’aéroport, situé en bordure de la région de Bruxelles, à deux pas de l’OTAN continuait de fonctionner comme si rien n’était. Les magasins du centre étaient fermés. Mais ceux de quartier restaient ouverts sans désemplir d’ailleurs. Les villes aux alentours en région wallonne comme flamande, tels Malines (Mechelen), Halles, Waterloo restaient non concernées par les mesures. Une situation totalement ubuesque…

Troisième temps : le retour à la normale

Le descrescendo est tout aussi brutal. Le retour à un niveau 3 est annoncé de façon soudaine jeudi (26 novembre) dans l’après-midi. Il prend même de court le Centre de crises qui annonçait toujours il y a quelques instants le maintien des mesures jusqu’au 30 novembre comme les responsables politiques bruxellois et fédéraux, qui auront bien des difficultés alors à justifier le maintien des mesures.

Une mesure brutale totalement insolite en Europe

Nombre d’Etats ont vécu un niveau de menaces aussi important. Madrid en 2004, Londres en 2005, Paris en 2015. Rien de similaire n’a été prévu. Même lors des évènements de janvier à Paris, en janvier 2015, alors que certains terroristes couraient toujours, aucun lockdown de ce type n’a été mené. Idem pour les attaques les plus récentes du Bataclan et du Stade de Saint Denis. Passé la stupeur et l’effarement, la vie a repris son cours, en prenant quelques précautions. Certains théâtres ont interrompu leur représentation les premiers jours. Mais c’était plutôt que le coeur n’y était pas. Les écoles et les commerces n’ont pas été fermés, sauf raison particulière. Les métros, bus… ont continué de circuler.

Une mesure anxiogène

Bloquer de cette façon là une capitale est relativement délicat. La menace était forte, voire très forte. Certes. Mais ce n’est pas la première fois. Est-ce suffisant pour tout bloquer ? Prendre une mesure de précaution à un moment donné – le samedi – pouvait être compréhensible. Ne serait-ce que pour des raisons d’économie de force. En prolongeant cet état d’urgence au-delà de 24 heures, le gouvernement a commis une erreur. Il a créé, inutilement, un climat anxiogène dans la population, laissant croire qu’il ne maitrise pas la situation. Il n’a pas vraiment prévu de solution de sortie, improvisant chaque jour de nouvelles mesures.

Un défaut patent d’explication

Ce qui est notable en Belgique est l’absence d’explication politique, importante, détaillée. En France, dans une situation autrement plus grave et plus exceptionnelle, le président de la République, François Hollande est rapidement intervenu sur les ondes radio et télévision avec un premier message, assez clair. Puis le Parlement a été convoqué solennellement. Et un nouveau message délivré publiquement à la Nation. Une explication de texte sur la menace – assez limité mais de manière compréhensible – a été délivré. Rien de ceci en Belgique. Le message délivré à l’issue d’une réunion du Premier ministre, Charles Michel, au sortir des réunions d’un Conseil national de sécurité, l’a été presque en catamini, et est resté très succinct. On a parlé d’une menace identique à Paris sans plus de détails. Il y a bien eu une intervention devant la Chambre, le 19 novembre (lire ici). Mais là encore aucune information sur la réalité de la menace. Juste une grande liste des mesures prises. Un discours davantage destiné à montrer que le gouvernement réagit plutôt qu’à expliquer ces mesures.

Aucun message à la population solennel

Aucun propos élaboré, de message à la nation, au peuple belge, et même à la représentation parlementaire, n’a été développé. Le Roi — qui est tout de même officiellement le Chef de l’Etat et dont cela aurait pu être le rôle —, n’est pas intervenu non plus. Au moins pour délivrer un message rassurant. La seule information concrète l’a été par le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, sur la chaîne américaine CNN ! Cette manière de gérer la crise, vu l’importance des mesures prises, est révélateur d’une erreur patente dans la gestion de crises. On sentait bien que le gouvernement avait peur d’être pris en défaut en cas d’attentat. Il a préféré agir de la même manière qu’en médecine, on plonge le patient dans le coma le temps de réaliser les opérations nécessaires.

Une plongée dans le coma, faute de moyens

La vraie raison de cet état d’urgence, c’est qu’il n’y a pas d’effectif suffisant. Durant des années, il y a eu un désinvestissant croissant à la fois dans la police comme dans les forces armées (Lire : L’armée belge en manque de gilets pare-balles puise dans les stocks de l’Oncle Sam). Ce n’est pas, contrairement à ce qui est écrit (en France notamment reprenant des arguments utilisés par les nationalistes flamands), le millefeuille administratif de Bruxelles qui est particulièrement en cause. Dans le dispositif policier et sécuritaire, il a été singulièrement réduit tout de même depuis l’affaire Dutroux. Ce qui fait défaut, c’est un manque patent d’effectifs. Il manque 600 policiers dans le cadre d’effectifs bruxellois. Et dans les communes les plus sensibles, il en manque plus de 125 comme relatait sur la RTBF, le chef de police de la Zone ouest (dont fait partie Molenbeek), le commissaire Johan De Becker.

(Nicolas Gros-Verheyde)

L’armée belge en manque de gilets pare-balles puise dans les stocks de l’Oncle Sam !

Thu, 26/11/2015 - 11:10

(crédit : MOD Belgique / Composante Terre Daniel Orban & Garrett P. Jones)

(B2) Faute d’assez de gilets pares-balles nouvelle génération, l’armée belge a été obligé de recourir … aux stocks de l’armée américaine. Comme au bon vieux temps de l’après-guerre…. La Défense belge avait, en effet, conclu un accord avec les autorités américaines présentes en Belgique afin de se prêter mutuellement du matériel à la demande, comme nombre d’armées européennes (*). Cet accord a été actionné mercredi (25 novembre) « avec le prêt d’un stock de gilets pare-balles américains, que la Défense peut utiliser aussi longtemps que nécessaire ».

Des gilets en stock mais inutilisables en opération

Explication : l’armée belge dispose bien de gilets pare-balles en stock, des pare-éclats plutôt utilisés en Afghanistan. Mais ils sont un peu anciens, lourds et peu ergonomiques. Le genre qui pèse près d’une quinzaine de kilos et vous donne un air de statue mécanique. Ils ne se prêtent pas vraiment à un déploiement opérationnel, encore moins en zone urbaine, qui demande une certaine agilité. « Ce dernier fournit une excellente protection mais, vu son poids, il pêche par défaut d’ergonomie. Pour les militaires qui doivent les porter durant leurs patrouilles, cette charge physique est loin d’être négligeable » reconnait-on à la défense belge. Autrement dit on perd en opérationnalité ce qu’on gagne en protection. Avec l’élévation du niveau de la menace terroriste, les militaires ne veulent pas se faire prendre à revers. « À ce jour, tout notre personnel en poste dans nos rues est équipé de ce matériel des plus moderne. » Mais « si des soldats supplémentaires devaient être déployés dans les rues, il devrait être fait usage de stocks de matériel plus ancien » avertit le commandement de la composante Terre. D’où le recours aux stocks américains.

Un certain désengagement financier

L’armée paie ainsi un désengagement financier certain qui voit les matériels renouvelés au compte-goutte. Ce qu’on ne nie pas du côté militaire. « Du matériel opérationnel, dont des gilets pare-balles et pare-éclats est régulièrement acheté ». Mais « dans les proportions nécessaires pour satisfaire les besoins. Cela signifie qu’il est avant tout tenu compte de l’engagement dans les opérations à l’étranger et des besoins du personnel de garde, du service de déminage SEDEE, etc. » Pas plus. Logique avec un budget qui frôle la barre du 1% du PIB, la Défense belge se retrouve « en queue du peloton de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en ce qui concerne les investissements en matériel majeur » affirmait ainsi récemment une note de réflexion sur la Défense publiée en 2014 sous l’autorité du général Guido Andries, sous-chef d’État-Major Stratégie.

Des années de rigueur budgétaire

Le décrochage budgétaire belge ne date pas d’hier, comme le montre ce schéma. Que ce soit par rapport à l’évolution du Produit intérieur brut (PIB) ou des dépenses publiques, on note une phase descendante, lent d’abord au début des années 2000, avec un premier décrochage en 2004, une stagnation du budget jusqu’à 2009, et un plongeon dans ces années de crise financière.

Evolution du budget en Euros constants (base 2002, hors retraites)

« En ces temps de rigueur budgétaire, la Défense belge doit faire prendre conscience à la collectivité de ce qu’elle peut lui apporter. Elle ne peut pas être perçue comme un poste sur lequel on épargne facilement. » remarque le rapport de G. Andries. On ne peut mieux dire. Le ministre de la Défense, le N-VA (autonomistes flamands), Steven Vandeput promettait récemment, dans nos colonnes, vouloir renverser la tendance et opérer un tournant par rapport aux engagements gouvernementaux de diminuer le budget de la défense (Lire : Il faut réinvestir dans la défense, explique Steven Vandeput et Un budget triplé en 15 ans pour l’armée belge ?), celui-est désormais urgent.

Commentaire : cette annonce montre à quel point les armées européennes (l’armée belge n’est pas seule dans ce cas-là) ont délaissé leur mission première : la protection du pays. Et que leur équipement est loin de correspondre à une activité opérationnelle. Mais juste bon à être comptabilisé dans des rapports qui font bien et donnent l’illusion d’une certaine de sécurité. Au premier coup dur, la réalité éclate au grand jour… Elle oblige à une réflexion plus générale sur la comptabilisation plus large (2) des dépenses de défense dans le Pacte de stabilité. Une réflexion que ne pourra pas s’économiser la Commission européenne

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Cet accord – signé avec plusieurs armées européennes – n’était pas prévu à l’origine pour du prêt de matériel aussi basique que des gilets pare-balles.

(2) De façon assez discrète, les règles de comptabilité européenne ont été aménagées pour déduire certaines dépenses de recherche et d’investissement. Lire : Dépenses de défense et pacte de stabilité ? Une certaine souplesse

Un bateau de pêche iranien capturé par les pirates somaliens

Wed, 25/11/2015 - 22:30

(B2) Les pirates somaliens ont réussi à prendre le contrôle d’un navire de pêche, dimanche (21 novembre). Un navire de pêche iranien avec 15 membres d’équipage, attaqué au large d’Eyl, qui a pris la direction de Hobyo, le repaire des pirates en Somalie, selon selon John Steed de Oceans Behond Piracy, cité par l’AFP. Trois attaques ont eu lieu dans la semaine, indique-t-il. Un bateau de pêche thaïlandais a notamment été attaqué lundi, mais il a réussi à fuir. En cause selon l’expert maritime, la pêche illégale qui semble avoir repris de plus belle depuis la diminution de la menace de la piraterie.

(NGV)

Pourquoi la France se sent seule ? Pourquoi les Européens sont si lents ?

Wed, 25/11/2015 - 16:12

Mirage 2000 français sur la base aérienne en Jordanie armés pour des frappes aériennes sur la Syrie (crédit : DICOD / EMA)

(B2) C’est devenu un rituel… la France part en guerre, seule. Elle fait appel aux Européens, et s’étonne que tout le monde ne suivre, immédiatement, comme un seul homme. Un peu comme au temps de Napoléon en quelque sorte… Et fleurissent de ci, de là des commentaires qui fleurent bon le « On est les meilleurs » (versus positif) ou « les autres sont des incapables » (versus négatif). Les Européens, de leur côté, s’étonnent que la France s’en aille toute seule, aussi rapidement, y décelant un tropisme guerrier. S’il y a effectivement un net engagement français, opérationnel, robuste, et une certaine réticence, une certaine lenteur des Européens à s’engager, cela repose sur un certain nombre de raisons qu’il est intéressant de connaitre.

  • NB : cet article s’inscrit dans une série d’articles permettant de dessiner une carte des interventions extérieures des Etats membres comme de leur réponse à la demande de solidarité de la France

Première cause : la différence de système politique

La France est le seul pays de l’Union européenne à avoir un système décisionnel, au niveau présidentiel, avec une très faible participation démocratique, sur l’armée. Un système hérité des Rois, de Napoléon, de la période révolutionnaire, repris et amplifié sous la Ve République. Un dispositif très efficace, car couplé à de réelles capacités militaires, autonomes pour une bonne partie, capables de réagir dans un délai très court, qui s’appuie sur un dispositif de bases militaires et de forces prépositionnées dans plusieurs zones du monde. Mais un dispositif très spécifique à l’hexagone. Nulle part ailleurs en Europe, n’existe aujourd’hui un système identique, à une seule exception près : la Russie. Partout ailleurs, y compris au Royaume-Uni, tant célébré en France comme l’allié éternel, il y a une réflexion interne, au niveau du gouvernement, voire la nécessité d’obtenir un accord de la majorité de coalition ou/et du parlement. Cela tient au régime même et à l’organisation des Etats.

1° Ce ne sont pas des régimes présidentiels (pour la plupart) mais des régimes parlementaires. Le chef de l’Etat (Roi ou président) n’a qu’un rôle honorifique. Tout se décide au niveau du gouvernement.

2° Il faut une concertation gouvernementale. Le ministre de la Défense ne peut pas prendre une décision tout seul, ou juste en référer à son chef de gouvernement. D’où certaines valses hésitations au lendemain des attentats de Paris dans plusieurs Etats membres qui, sous le coup de l’émotion (cela existe aussi en politique) ou de la volonté personnelle, se sont un peu laissés aller à des promesses… un peu trop rapides.

3° Dans la plupart des cas, ces gouvernements représentent une coalition de partis. Il ne faut pas seulement une concertation, il faut une négociation entre les différents partenaires de la coalition pour définir une position gouvernementale.

4° Une décision gouvernementale doit être présentée, discutée au besoin, et avalisée d’une manière ou d’une autre (débat suivi d’une approbation, présentation suivi d’un vote, projet de loi entériné par un vote…) par la représentation parlementaire. C’est le cas également au Royaume-Uni. Un point que semblent parfois oublier certains commentateurs.

Deuxième série de causes : la structure et l’objectif de l’armée

1° Nombre de pays européens ont été marqués par une baisse du budget des armées à la limite du raisonnable. Globalement les budgets de défense, depuis le début de la crise financière, ont ainsi perdu près de 30 milliards d’€ (grosso modo le budget opérationnel – hors retraites – de la France ou de l’Allemagne). Quelques uns ont commencé à relever leur budget — essentiellement dans le nord-est de l’Europe (pays baltes, Pologne, Suède) — surtout face à une possible menace russe. Lire aussi : Dépenses de défense et pacte de stabilité ? Une certaine souplesse

2° Très peu de pays européens ont un tropisme « opérations extérieures » aussi marqué que la France et une capacité réactive dans les 24 ou 48 heures. Leur armée est davantage tournée vers la défense territoriale ou alors des missions multinationales, dans une organisation extrêmement structurée, type OTAN ou ONU.

3° Plusieurs pays européens, petits et moyens, n’ont pas vraiment profilé leur armée de façon offensive. Si on recense la palette de moyens disponibles (avions de chasse, ravitailleurs, frégates de haute mer) nécessaires pour une action de bombardement ciblée ou massive en Syrie, on ne trouve qu’une demi-douzaine de pays (en dehors de la France) : Royaume-Uni, Allemagne, Danemark, Italie, Espagne, Belgique/Pays-Bas.

4° Enfin, l’acceptation du « risque mortel » à l’extérieur par les populations et les gouvernements n’est pas vraiment partagée. Le nombre de pays prêts à supporter un risque durable sur une certaine durée est assez limité : Royaume-Uni, Danemark, Espagne, Belgique.

5° Quasiment aucun Etat ne peut / veut donc mener des opérations en « solo», ou coalition ad hoc juste avec l’appui de l’allié américain. La seule exception, le Royaume-Uni, est en train de fondre. Les armées européennes préfèrent, en général, des opérations où ils s’insèrent dans un dispositif organisé, préparé par avance, qui s’inscrit dans une longue durée, où ils peuvent fournir une ou deux rotations seulement, ou davantage. Des opérations de type EUNAVFOR Atalanta contre la piraterie où le risque est faible et l’organisation planifiable ont évidemment leur préférence. Et, si l’opération est à plus haut risque, comme en Afghanistan, les pays européens attendent des Etats-Unis qu’ils assurent le rôle de « super assistance » fournissant toute la logistique, protection de force, ou capacité médicales manquantes, voire les équipements nécessaires.

La troisième série de causes tient à l’opération en elle-même

Si tous les pays européens sont solidaires avec la France sur l’acte « d’agression armée » subi le vendredi 13 novembre, cela ne signifie pas qu’ils partagent l’analyse faite en France — une « guerre » — comme la rhétorique guerrière du gouvernement. La méthode des attentats de Paris (planification, simultanéité…) a changé la donne pour nombre de gouvernements qui partagent l’inquiétude française. Mais cela ne signifie pas nécessairement qu’ils envisagent une réponse militaire.

1° Plusieurs pays ont connu des vagues d’attentats terroristes, d’origine interne souvent. C’est le cas notamment de l’Espagne (ETA), de l’Irlande (IRA), et dans une moindre mesure de l’Italie, qui les ont marqué durablement. Ils connaissent le « prix du sang » mais aussi la nécessité d’une action multiple, au plan sécuritaire comme politique, qui s’inscrit dans la durée.

2° Les dernières opérations militaires offensives n’ont pas vraiment démontré leur efficacité au plan politique, d’un point de vue durable. Elles ont plutôt aggravé que favoriser la stabilité internationale. L’exemple le plus frappant est l’opération en Libye en 2011. Mais on ne peut pas dire que l’opération de l’ISAF en Afghanistan qui s’est étendue sur plus de 15 ans — justement après la réponse aux attentats de 2001 — ait vraiment produit des effets. Il en est de même de l’opération en Irak en 2003 qui est une vraie catastrophe en matière d’équilibre international.

3° Plusieurs pays ont été particulièrement marqués par l’opération en Irak en 2003. Une opération qui leur a demandé un engagement important, long et couteux (au plan humain comme financier), sans résultat (ni opérationnel, ni politique ni même en termes de retombées économiques). C’est le cas en particulier au Royaume-Uni (une commission d’enquête est en cours), en Espagne (et en Italie dans une moindre mesure), et dans la plupart des pays d’Europe de l’Est (Pologne en tête mais aussi Bulgarie ou Roumanie). Et peu semblent prêts à reprendre l’aventure.

4° L’engagement au Sahel, mené à l’initiative de la France, mais aujourd’hui rejoint par les Nations-Unies semble paradoxalement plus à la portée des Européens. Car il a démontré une certaine efficacité avec de multiples engagements. Il y a eu une sorte de maturation par rapport à l’intervention française, redoutée au départ par certains responsables européens comme l’expression d’un nouveau néocolonialisme.

5° Enfin, que veut réellement la France en termes de moyens, de soutiens, d’actions  politiques ou militaires ? Cette question n’a pas été résolue, comme nombre d’autres questions fondamentales.

Des questions fondamentales restent posées

L’engagement français, soudain, brutal, mérite pour un certain nombre de pays européens d’être sérieusement réfléchi. Il pose toute une série de questions philosophiques, politiques, militaires, qui n’ont pas vraiment de réponse claire aujourd’hui.

1° Est-ce une guerre ? La réponse française qualifiant l’opération anti-terroriste de guerre n’est partagée aujourd’hui par quasiment aucun autre Etat en Europe. Tous les ministres, de la Finlande à l’Espagne, en passant par l’Allemagne, l’Italie ou la Pologne, ont tous insisté sur ce point. La notion de « guerre contre le terrorisme » rappelle par ailleurs trop la période Bush 2001-2003 qui n’a pas laissé un excellent souvenir.

2° Eradiquer Daech ? La rhétorique développée par François Hollande et Manuel Valls sur l’organisation de l’Etat islamique — parait également un peu courte à nombre d’alliés et mérite d’être un peu discutée et élaborée. À juste titre. Personne n’y croit sérieusement, du moins avec le seul résultat des bombes, au contraire. Il faudra une intervention terrestre. En Irak, ce ne sont pas les Kurdes qui vont la mener seules. L’armée irakienne, cela reste à prouver. Côté syrien, la formation d’une alternative de l’opposition modérée a, pour l’instant, échouée. Se reposer sur les forces de Bachar (la solution russe) parait plus réaliste mais très difficile à justifier dans ce conflit.

3° Les buts de la guerre ne sont pas définis. Quel est l’objectif final, l’effet recherché (ce qu’on appelle en termes militaires le « End state ») de cette intervention ? Comment l’opération va-t-elle se développer dans la durée ? Combien de moyens faut-il réellement mettre pour vaincre, puis pour tenir le terrain ? Combien de temps durera-t-elle ? Comment sortir de l’opération ensuite ? Comment rétablir ensuite la paix sur le territoire ?

4° À supposer même que cet objectif soit atteint, que met-on à la place ? Comment reconstruit-on l’État irakien, l’État syrien, quel avenir pour les kurdes ?

5° Dernière question — et non des moindres — : que fait-on sur le « théâtre intérieur » ? Que va-t-on faire des milliers de combattants européens partis combattre ou déjà revenus sur place (sans compter les Russes, Tunisiens, Marocains, balkaniques et autres nationalités) ? Les mettre en prison comme le réclament certains responsables politiques parait absurde. Une hérésie quand on voit que le passage en prison a souvent conduit à … la radicalisation et la propagation du terrorisme. Il y a un programme sûrement de prévention de ce phénomène qu’il faut entreprendre. Et cela nécessite une certaine remise en cause des modes de pensée et d’action sur l’économie, la mécanique sociale d’intégration, … Il y a là aussi un vaste programme de type DDR (démobilisation, désarmement, réintégration), à mener comme cela a été fait avec les enfants soldats en Afrique. Et cela mérite une certaine réflexion. Partir détruire Daech sans s’attaquer aux causes même sur le sol européen est inopérant.

Au final, une certaine « lenteur » européenne pourrait, peut-être, permettre de prendre le temps de la réflexion et de répondre à ces séries de questions qui n’appellent pas vraiment de réponse évidente et simple.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi :

Belges et Français ensemble. Le procureur fédéral fait le point sur l’enquête

Tue, 24/11/2015 - 18:49

(B2) Contrairement à certains avis (sans doute peu éclairés) d’experts qui voyaient des rivalités entre Belges et Français, les polices des deux pays (comme les services de renseignement) ont très vite renforcé leur coopération après les attentats de vendredi 13. « Dès la nuit et le jour qui ont suivi les attentats de Paris, le parquet fédéral a reçu ainsi 4 demandes d’entraide judiciaire urgentes émanant du parquet de Paris » précise aujourd’hui un communiqué du Parquet fédéral (belge). « Une Equipe Commune d’Enquête (JIT – Joint Investigation Team) a été créée afin de permettre une collaboration policière et judiciaire aisée et intensive, de part et d’autre des frontières belges et françaises. » Dans le même temps, le parquet fédéral a ouvert sa propre enquête et un juge d’instruction spécialisé en matière de terrorisme a été saisi. Au total, aujourd’hui « 5 personnes ont été placées en détention préventive cette semaine dans le cadre de l’enquête menée en Belgique depuis les attentats de Paris ».

Le communiqué publié tout à l’heure par le Parquet fédéral est intéressant car il précise quelques éléments sur l’enquête encours.

Deux jours avant les attentats de Paris, le 11 novembre vers 19h, Salah Abdeslam a été filmé dans la station-service de Ressons (sur l’A1 en direction de Paris), en compagnie d’une personne identifiée comme étant Mohamed Abrini, né le 27 décembre 1984. Ce dernier était au volant de la Renault Clio qui servira à commettre des attentats deux jours plus tard. Le juge d’instruction a émis un mandat d’arrêt international et européen. Un mandat d’arrêt européen et international a été émis. Un appel à témoins a été diffusé par la police (voir ici).

Trois véhicules utilisés lors de l’attentat. Lors des attentats de Paris, les auteurs ont utilisé 3 véhicules munis de plaques d’immatriculation belges — VW Polo, Seat Leon et Renault Clio — qui avaient été loués le 9 novembre par Brahim Abdeslam (mort dans les attentats), et par son frère Salah Abdeslam, deux ressortissants français résidant à Molenbeek.

La fuite de Paris – première voiture. Salah Abdeslam a été contrôlé à Cambrai, quelques heures après les faits, aux alentours de 9h10, sur l’autoroute en direction de Bruxelles. Il était à bord d’un véhicule de marque VW Golf en compagnie de deux autres personnes. L’enquête menée en Belgique sur ce véhicule a permis l’arrestation dimanche 15 novembre de Mohammed AMRI, propriétaire de la VW Golf et de Hamza ATTOU, le passager. Arrêtés, ils sont tous deux inculpés de participation aux activités d’un groupe terroriste et d’assassinats terroristes. Et leur maintien en détention a été confirmé par la chambre du conseil de Bruxelles le 20 novembre.

La fuite de Salah Abdeslam – 2e voiture. S. Abdeslam semble ensuite avoir été emmené à bord d’un autre véhicule conduit par une autre personne. Les suites d’enquête ont permis de remonter jusqu’à Ali O., un ressortissant français de 31 ans résidant à Molenbeek. Il est interpellé dimanche 22 novembre en soirée, placé sous mandat d’arrêt le 23 novembre et inculpé de participation aux activités d’un groupe terroriste et d’assassinats terroristes. Il comparaîtra vendredi 27 novembre devant la chambre du conseil de Bruxelles en vue de la confirmation éventuelle de son maintien en détention.

Des armes de poing. L’instruction a également permis l’interpellation du nommé Lazez A., un ressortissant marocain de 39 ans résidant à Jette. Deux armes de poing ont été découvertes dans son véhicule ainsi que des traces de sang. Placé sous mandat d’arrêt le 20 novembre par le magistrat instructeur et inculpé de participation aux activités d’un groupe terroriste et d’assassinats terroristes, il comparaîtra demain matin devant la chambre du conseil de Bruxelles en vue de la confirmation éventuelle de son maintien en détention.

(NGV)

Incident entre la Turquie et la Russie. L’OTAN se réunit en urgence

Tue, 24/11/2015 - 13:55

(crédit : CNN Turk)

(B2) Le Conseil atlantique nord (NAC) se réunit en urgence ce mardi (24 novembre) à 17h. Il a été saisi par la Turquie afin d’informer les alliés sur l’incident survenu ce matin. Ce matin, deux F-16 turcs ont abattu un avion Sukhoi Su-24 (*) du groupe aérien russe de Syrie qui avait violé l’espace territorial turc en bordure la Syrie. Les deux pilotes ont pu s’éjecter. Mais leur sort est encore incertain (un des parachutes pourrait s’être enflammé).

Un moment mal choisi

Cette affaire survient à un moment clé au moment où Paris comme Washington cherchent à renforcer avec Moscou la coopération en Syrie pour combattre l’organisation de l’état islamique (Daech). Et il n’est pas exclu des provocations de part et d’autre.

D’un côté, les violations de l’espace aérien turc ne sont pas rares par l’aviation russe. Celle-ci « teste » ainsi régulièrement la défense turque. Le test a-t-il été « positif » cette fois. En tout cas, côté turc, on affirme que des sommations ont été faites par les avions turcs et sont restées sans réponse. Tandis que du côté de la défense russe, on affirme que l’avion se trouvait « exclusivement au-dessus du territoire de la Syrie (…) à 6.000 mètres d’altitude » et que l’avion a été abattu visiblement par des tirs « venant du sol ». A noter que l’avion abattu a heurté le sol côté syrien.

De l’autre, il est certain que l’intervention russe bouleverse les plans d’Ankara dans la région. La Turquie entend également protéger les rebelles turkmènes qui combattent de l’autre côté de la frontière en Syrie. Abattre un avion est normalement une phase ultime de la surveillance aérienne. Mesure extrême, elle n’est normalement prise qu’en cas de risque avéré et pas pour une simple violation territoriale, qui donne lieu d’ordinaire à des mesures plus classiques : signaux visuels, radios, suivi à distance, tirs d’encadrement.

Pas d’article 4 ?

On peut noter que, pour l’instant, la Turquie s’est bien gardée d’invoquer l’article 4 (ouverture de consultations formelles) du côté de l’OTAN, comme lors d’incidents précédents de nature identique (1). Elle a, en parallèle, convoqué l’ambassadeur russe dans la capitale turque. Procédure ordinaire en cas d’incident entre deux pays. Ce qui pourrait témoigner — nous a confié un diplomate de l’Alliance — la volonté de ne pas exacerber les tensions. La réunion même pourrait ainsi ne pas déboucher sur une déclaration de l’Alliance en tant que telle (des 28 Etats membres). Mais juste d’une déclaration du secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg. Ce qui aurait pour effet de ne pas engager, en tant que tel, l’OTAN.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire : La Turquie veut informer ses alliés de l’action contre l’Etat islamique

(*) Des appareils également présents dans l’armée syrienne

Les Rafale Marine du Charles-de-Gaulle s’envolent. Les Belges assurent la solidarité

Mon, 23/11/2015 - 21:40

Décollage d’un Rafale du pont du Charles-de-Gaulle (crédit : EMA/Marine – archives B2)

(B2) Les avions Rafale embarqués à bord du Charles de Gaulle ont effectué leur première sortie pour frappe ce lundi (23 novembre). « Le groupe aéronaval (GAN) constitué autour du porte-avions français Charles de Gaulle, déployé en Méditerranée orientale, a conduit ses premières missions au-dessus des zones contrôlées par Daech en Irak », annonce l’état-major des armées aujourd’hui.

Deux frappes sur l’Irak

Vers 8 heures ce matin (heure française), deux patrouilles de Rafale Marine ont été catapultées du GAN. Chacune constituées de deux chasseurs. Destination : l’Irak. A Ramadi, les frappes ont « mis hors de combat un groupe de terroristes » souligne le communiqué de l’état-major des armées. « Une position d’artillerie de Daech qui était en train de tirer sur les troupes irakiennes a été détruite à Mossoul ». Au total, l’opération a duré près de 7 heures. Des missions aériennes, conduites en coordination avec le centre des opérations aériennes de la coalition (CAOC) situé à Al Udeïd au Qatar, et en lien étroit avec d’autres nations. Les quatre chasseurs français ayant, notamment, « été ravitaillés par des avions de la coalition ».

La frégate belge en position défensive…

Pour la frégate belge qui accompagne le porte-avions français, ce passage à une action plus offensive, ne pose pas de problème. Le conseil des ministres (belge) du 30 octobre avait approuvé l’intégration de la frégate Léopold Ier au sein du groupe aéronaval français. Il a confirmé mercredi (18 novembre) la réorientation de la mission. « Nous la considérons comme une réponse à la demande d’aide formulée par le gouvernement français. Nous participerons à la mission défensive du Charles de Gaulle » a justifié le ministre de la Défense, Steven Vandeput face aux parlementaires. « La mission du Léopold Ier sera de détecter et d’identifier des menaces qui s’approchent du porte-avions. Si une menace est avérée, le bâtiment peut faire usage de la force, selon ses règles d’engagement qui sont confidentielles. »

…pour une action offensive

En fait, cette position est strictement exacte d’un point de vue de technique opérationnelle. C’est le Charles-de-Gaulle et la France qui mènent l’action offensive, le navire belge n’étant là que pour assurer sa protection. D’un point de vue de politique interne, on est cependant plus proche d’une manoeuvre de contorsion (que ne renierait aucunement un jésuite) permettant d’échapper à tout reproche d’engagement dans une action armée. Ainsi que le précisent l’état-major français, c’est le Groupe d’action navale qui mène les frappes. Au plan européen, l’honneur belge est en revanche sauf. Car la Belgique devient ainsi le premier pays à s’être engagé aux côtés des Français dans la guerre aérienne menée en Syrie contre Daech et à avoir appliqué et même revendiqué l’application de la clause de solidarité.

Une opération prévue de longue date…

Ce qui n’était pas tout à fait prévu au départ. Le ministre de la Défense le raconte, l’engagement avec le Charles de Gaulle était prévu de longue date. C’est « fin juillet (que) la France a sollicité notre collaboration » raconte-t-il (1).  Ce nouveau positionnement ne présente pas de problème pour Steven Vandeput. Au contraire. « Il s’agissait d’une perspective intéressante pour la marine car nous allions enfin pouvoir mobiliser à nouveau une frégate. La mission initiale concernait l’escorte du Charles de Gaulle qui, à la demande des États-Unis, était censé garantir une présence dans la région du Golfe. Cette mission semblait alors relever davantage d’un entraînement que d’une opération. »

… qui a un peu changé de nature en cours de route

Le gouvernement français « nous a informés (mardi 17 novembre) que « contrairement à ce qui avait été initialement prévu, le porte-avions ne se dirigeait plus vers le golfe Persique. (et qu’il était) possible que des opérations soient effectivement menées en Syrie depuis le Charles de Gaulle. J’ai immédiatement informé le Conseil des ministres de ces modifications et hier soir, le Conseil des ministres restreint a donné son feu vert à la poursuite de l’opération. » De fait, bien avant les attentats, alors que le Leopold Ier devait rejoindre le « Charles », la défense belge avait prévu l’hypothèse d’une attitude plus offensive de la France, précisant qu’on « aviserait à ce moment-là ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) De fait, les contacts étaient déjà entamés depuis plus longtemps auparavant. Nous avions rencontré début juillet un haut responsable de la défense belge qui évoquait déjà cette éventualité.

Pourquoi invoquer l’article 42.7 ? A quoi sert-il ? Quelles conséquences ?

Sun, 22/11/2015 - 11:44

(B2) La clause de défense mutuelle — alias l’article 42.7 pour les intimes — invoquée par Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense mardi dernier — est peu connue. En tout cas moins que son alter ego de l’OTAN (l’article 5) ou même que la clause de solidarité de l’Union européenne (l’article 222 du Traité). Elle présente plusieurs intérêts cependant. Et son déclenchement est plutôt finement joué.

Premièrement, c’est un acte politique. Une obligation de solidarité comme le mentionne le texte (et ainsi que je l’ai expliqué pour Vieuws). Un engagement également. Ce qui diffère des autres évènements (par exemple Charlie Hebdo) qui avaient amené des momentum symboliques : minute de silence, condoléances, promesse de solidarité, conclusions fermes, restée souvent sans suite immédiate.

Deuxièmement, il oblige à une mobilisation des Européens sur les différents théâtres d’opération en cause. Certes si les Français s’attendent à un déploiement dans les trois jours, avec des bombardements sur la Syrie, ils seront déçus (article à suivre). Cela nécessite une réflexion au sein de chaque pays, qui a déjà été entamé, mais durera plusieurs semaines.

Troisièmement, cette mobilisation est essentiellement militaire. Même si le texte ne le mentionne pas (pour des raisons essentiellement politiques de respect des différents modes d’organisation de chaque pays), le terme d’assistance signifie l’engagement de moyens militaires. Et celui-ci pourra (devra) s’opérer à différents niveaux.

Quatrièmement, c’est chacun « en fonction de ses moyens ». Autrement dit, on ne demandera pas à l’Irlande, pays neutre, de venir prêter main forte en bombardant en Syrie. Elle n’a, de toute façon pas d’aviation de chasse. Mais elle pourra venir renforcer les moyens dans le Sahel, ou en Centrafrique, dans des missions de formation par exemple.

Cinquièmement, il permet une concertation souple qui peut monter en puissance au fil des évènements, de manière intergouvernementale au début (rien n’exclut qu’elle une forme plus organisée par la suite, de type mission ou opération PSDC). Le dispositif de l’article 5 de l’Otan était trop lourd à invoquer. Et il aurait eu un (grave) inconvénient : éliminer toute possibilité d’avoir une coalition unique, notamment avec la Russie. Le dispositif de l’article 222 du Traité de l’UE (l’autre clause de solidarité) aujourd’hui en vigueur, a une portée, plus communautaire, et une dimension davantage « protection civile » qu’intervention militaire extérieure qui est davantage l’objectif recherché par Paris. De plus, il a été entouré d’un dispositif, somme toute assez complexe, qui nuirait rapidement à l’objectif avéré.

Sixièmement, et ce n’est pas le moindre des effets, c’est une circonstance « objective », prévue « juridiquement et entérinée politiquement, pour permettre d’accorder à la France une exception au pacte de stabilité. Ce n’était pas le but de cette clause à l’origine. Mais ce pourrait en être un des effets principaux.

Commentaire : avoir choisi d’invoquer cette clause est donc une décision intelligente prise par l’équipe Hollande-Le Drian. Car elle aboutit à un effet multiplicateur, sans nécessairement mettre en place de structures lourdes. Elle n’obère à aucun moment la volonté française d’agir en coalition ad hoc, avec d’autres pays du monde. Elle n’oblige aucun Etat à suivre la France dans sa voie la plus robuste (le bombardement en Syrie). Elle permet en revanche toute une série de nouvelles actions qui permettront de compléter cette action. Des critiques se sont élevées contre le fait de ne pas voir soulever la clause de l’article 222. Cela aurait été intéressant mais plus inadapté en l’espèce si on recherche un engagement opérationnel. L’engagement en opération militaire relève, en effet, aujourd’hui toujours de la souveraineté, de la volonté, et de la seule capacité des Etats membres. Ce qui en revanche, pourrait être utile, c’est de soulever les deux clauses (42.7 et 222). Et rien n’exclut que, à l’avenir, celle-ci soit également soulevée.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Explications en anglais pour Vieuws

Lire aussi : L’effet Le Drian

Et Bruxelles devint noire…

Sun, 22/11/2015 - 00:15

(B2) L’hiver est tombé sur Bruxelles au sens propre et au figuré. Face à une menace d’attentat du type de ceux de Paris, les autorités n’ont pas lésiné conseillant la fermeture de tous les grands lieux publics.

Menace imminente

L’alerte est survenue dans la nuit de samedi à dimanche. « Menace imminente en Région bruxelloise » annonce l’OCAM, l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace, qui décide d’élever le niveau de la menace au niveau 4, le plus haut niveau existant. Ce dans les 19 communes de la région de Bruxelles.

Le Conseil national de sécurité comprenant les principaux ministres concernés, réuni au petit matin, confirme la gravité de la menace. « La menace est précise. Nous devons prendre des mesures » souligne le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon. Dans la foulée, le ministre-président de la région de Bruxelles-Capitale, Rudy Vervoot, recommande « d’annuler tous les évènements attirant du public, les manifestations culturelles et sportives ».

Libérer les forces de police de la vie ordinaire

Des messages sont diffusés à la population leur demandant « d’éviter les lieux de rassemblement », d’éviter de « répandre les rumeurs » et « faciliter les contrôles de sécurité ». Les autorités craignent la reproduction du scénario du vendredi 13 à Paris. Elles veulent aussi libérer un maximum de forces de police pour les concentrer sur l’action anti-terroriste. « Il faut diminuer toute possibilité d’attaque. Il faut avoir la capacité policière de réagir là où c’est nécessaire » confirme Yvan Mayeur, le bourgmestre de Bruxelles. Celui qui est devenu un des suspects numéro 1 après les attentats, Salah Abdeslam, court toujours en effet. Il a été laissé par un de ses « amis », à Laeken, une des communes de Bruxelles, samedi dernier, « passablement énervé » dit son avocate.

La vie s’arrête

Peu à peu, dans la ville, la vie s’est donc arrêtée, samedi. Cela a commencé par les métros. Puis certains tramways ont stoppé net, au premier arrêt souvent. Et les passagers priés de débarquer, largués en pleine rue et priés de se débrouiller seul, à pied ou… en taxi. Quelques chauffeurs de bus ont même fait joué leur droit de retrait. Tous les évènements, à commencer par le grand concert de Johnny Halliday au Heysel, ont été annulés. Les salles de théâtres ou de concerts, publiques comme privées, ont supprimé leurs représentations. Filigrane qui ne ferme jamais (même pas le dimanche) annonce, la mort dans l’âme qu’il a bouclé sa célèbre libraire. Les piscines, musées, cinémas ont éteint leurs lumières. Une petite affiche, rédigée parfois avec les moyens du bord, annonce la nouvelle. Les grands centres commerciaux ont fermé leurs portes. Dans la Rue neuve, la grande artère piétonne de Bruxelles, à deux pas de la Grand place, les boutiques qui avaient déjà ouvert le matin ont fermé leurs portes une par une, rapidement. Cette artère, habituellement noire de monde a, en quelques heures, ainsi été désertée. Les premiers flocons de neige fondue commençaient à tomber. On pouvait se croire un jour férié.

Dans les commerces, encore ouverts, loin de la bousculade et l’ambiance insouciante d’un week-end ordinaire, l’heure semblait grave. Les gens parlent à voix basse. « Ca donne le cafard » confie une jeune bruxelloise qui termine ses courses. Les restaurants sont quasi-déserts. Seuls quelques petits commerces de quartier semblaient profiter de cette atonie de la ville. « Je n’ai jamais vu autant de monde. C’est comme un jour de Noël » témoigne un des vendeurs.

Les militaires en renfort

Dès 3 heures du matin dans la nuit de vendredi à samedi, selon nos informations, les premiers renforts de militaires se déploient dans les grands axes stratégiques. On en retrouve rue Louise notamment. Ils continuent de se déployer dans la journée du samedi. Les Dingo, ces véhicules blindés, plus habitués aux pistes du Sahel ou de l’Afghanistan se déploient aux abords des lieux les plus stratégiques. On en voit à la gare centrale comme à l’aéroport de Bruxelles National. En fin d’après-midi, d’autres renforts de militaires arrivent, cette fois, dans les quartiers résidentiels. A bord de leurs camions Mercedes Unimog, ils se postent aux croisements de rues, généralement à proximité des commerces. La moindre supérette de quartier, Delhaize, GB – Carrefour, Picard, — se retrouve désormais protégée par 2 ou 3 militaires lourdement armés. On en trouve ainsi à Woluwe Saint Lambert près du parc Georges Henri comme au métro Thieffry.

Une alerte inégalée

Jamais la capitale belge n’a connu une telle alerte. Certes, après Noël 2007, la menace avait été aussi élevée au même niveau, le niveau 4, après l’interpellation de 14 personnes planifiant l’évasion de Nizar Trabelsi emprisonné pour tentative d’attentat contre une base militaire. Mais l’effet n’avait pas été aussi magistral. Et de mémoire de Bruxellois on ne se rappelle pas une telle mise en sommeil aussi brutale.

En revanche, les trains et les aéroports ont continué de fonctionner. L’aéroport national de Zaventem, situé en région flamande, hors de Bruxelles était plein samedi. Et les avions atterrissent et décollent normalement. Logique ?

Des contradictions patentes

Commentaire : Le discours officiel est cependant totalement contradictoire. En deux mots, il s’agit d’être prudent, de ne pas s’affoler et de vivre comme d’habitude. Comment ne pas s’affoler quand tournent en boucle sur les médias (tv particulièrement) des messages plus anxiogènes les uns que les autres et sèment une drôle d’ambiance ; que les autorités ne décrivent pas précisément la menace et que les mesures se mettent en place dans une atmosphère d’improvisation généralisée ? Comment « mener une vie ordinaire » quand tout est fermé, magasins comme cinémas, métros et tramways ?

(Nicolas Gros-Verheyde)

(*) version longue d’un article paru dans Sud-Ouest

Pacte de stabilité ou de sécurité ? Partir en guerre en Syrie ?

Sat, 21/11/2015 - 22:17

(B2) Sur 500 millions d’Européens, l’émission du week-end sur BFM Business consacrée à l’Europe après les attentats de Paris, nous n’avons pas refait le monde mais répondu à une série de questions concrètes — à commencer par le pacte de stabilité vs pacte de sécurité ou les conséquences stratégiques du départ en guerre des Français en Syrie, aiguillonnés par le talentueux Yann-Antony Noguès, qui avait parfois du mal à discipliner, notre belle équipe de chroniqueurs : Jean Quatremer du célébrissime blog « les Coulisses de Bruxelles » et Charles de Marcilly, de l’éminente Fondation Robert Schuman.

A réécouter ici ! ou regarder ci-dessous

Lire aussi :  En 24 heures, une clarification stratégique sur 4 points fondamentaux. La fin d’une inconséquence

 

Le lobby des armes monte au créneau contre le renforcement de la législation

Sat, 21/11/2015 - 09:47

(B2 – exclusif) Les détenteurs d’armes à feux de collection, les chasseurs, les tireurs… ont fait entendre leur voix, dès la présentation, mercredi 18 novembre, par la Commission européenne (1). Discrètement mais de façon très efficace. Aussitôt la mesure connue, de nombreux mails ont inondé les bureaux des eurodéputés, notamment les francophones. Un mail contenant invariablement le même argumentaire. Un envoi qui n’est sans doute pas le plus important, note un observateur averti au sein du Parlement européen, mais qui n’en est pas moins massif.

Quels arguments utilisent-ils ? « Des fonctionnaires de la Commission européenne sont visiblement tentés d’instrumentaliser les dramatiques événements de ces derniers jours et de faire un énième amalgame douteux entre la détention légale d’armes semi-automatiques par des citoyens respectueux des lois et la détention illégale d’armes automatiques par des terroristes. (…) Cette prohibition des armes légales n’a évidemment aucune chance d’avoir le moindre impact sur les risques induits par l’arrivée d’armes illégales au travers des frontières poreuses de l’espace Schengen. Les détenteurs d’armes légales – chasseurs, tireurs, collectionneurs – comptent sur leur représentation au Parlement européen pour ne pas devenir des victimes collatérales du terrorisme et résister à l’influence excessive des personnels non élus de la Commission européenne. »

Un argumentaire contestable. Certes, la réglementation visée laisse tout entier le « marché » des armes de type Kalachnikov, provenant notamment des stocks des Balkans (2). Mais elle répond à certains problèmes constatés par certains responsables de sécurité. La neutralisation de certaines armes peut facilement être supprimée. Et quand on parle d’armes semi-automatiques, on ne vise pas les vieux chassepots ou de fusils à silex antiques mais des armes plus récentes, pistolets, qui peuvent toujours servir, qui ont un chargement automatique même si les balles sont tirées au coup par coup (3). Une arme semi-automatique n’est tout de même pas une boite de cassoulet. Selon les spécialistes, elle est peut d’ailleurs être aussi dangereuse qu’une arme automatique. Le resserrement de la législation européenne semble donc tout à fait justifié, même s’il ne répond pas à toute la problématique plus vaste des trafics d’armes.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Lire : Un cadre plus strict sur la détention d’armes à feu proposé par la Commission

(2) Un problème qui sera traité à un autre niveau, par les Européens. Les ministres de l’Intérieur viennent de le décider vendredi (20 novembre).

(3) Selon la définition communautaire, de la directive de 1991, c’est une « arme à feu qui, après chaque coup tiré, se recharge automatiquement et qui ne peut, par une seule pression sur la détente, lâcher plus d’un seul coup »

En 24 heures, une clarification stratégique sur 4 points fondamentaux. La fin d’une inconséquence

Wed, 18/11/2015 - 18:40

La Russie devient un allié. Un rapprochement engagé lors des discussions entre Obama et Poutine à Antalya (Crédit : Maison Blanche)

(B2) Jusqu’ici face à la crise en Syrie et dans le reste du monde, les Français et les Européens n’avaient pas de réelle stratégie. Ou plutôt ils en avaient plusieurs, souvent contradictoires. Elles s’annihilaient l’une et l’autre et empêchaient ainsi toute action conséquente (lire : Réfugiés, Russie, Bachar ? L’Europe va, vraiment, devoir choisir !). Après les attentats de Paris, le discours de François Hollande devant le Congrès lundi (16 novembre) et la discussion entre les ministres de la Défense mardi (17 novembre), des clarifications se sont faites, de façon notable, sur quatre points fondamentaux.

Première clarification : en Syrie, l’ennemi est bien Daech (alias l’organisation de l’Etat islamique ISIL ou ISIS selon les dénominations). La question de Bachar devient donc secondaire. François Hollande l’a confirmé dans son discours du congrès (lire : Terrorisme. François Hollande sonne les cloches aux Européens et réclame plus de solidarité). Paris a clarifié ses objectifs qui, du coup, permettent de clarifier la stratégie européenne. La France étant un des derniers pays à proclamer, urbi et orbi, son ambition de voir Bachar quitter le gouvernement.

Seconde clarification : la Russie n’est plus un adversaire. Moscou n’est pas devenu un ami. Mais c’est un allié. La volonté d’une coalition « unique » allant de la Russie aux Etats-Unis, englobant la Turquie et l’Iran, pourrait être discutée par certains alliés. Elle est cependant ipso facto entrée en vigueur. Les Russes frappant symboliquement, à la suite des Français, Raqqa, le fief de Daech en Syrie. Avec l’assentiment de Washington. C’est bien pour cela également que la France a choisi d’invoquer l’article 42.7 du traité européen et non l’article 5 de l’Alliance atlantique, pour permettre d’incorporer un maximum d’alliés dans la bataille. Cette clarification ferme la porte de presque deux années de tension, presque jour pour jour après la signature des accords d’association avec l’Ukraine qui avaient provoqué l’ire de Moscou. Certes la situation reste identique en Crimée et la question ukrainienne n’est toujours pas réglée. L’épreuve de vérité de cette nouvelle doctrine se situera en décembre, au moment de réviser les sanctions économiques et politiques envers la Russie.

Troisième clarification : on devra dépenser davantage sur la sécurité et la défense. Jusqu’à présent, il y avait deux objectifs contradictoires définis au niveau européen et euroatlantique. Il faut dépenser davantage pour la défense disaient les 28 de l’OTAN rassemblés à Newport au Pays de Galles, il y a un an, pour atteindre les 2% du PiB (seuls quelques pays dont la Grèce sont à ce niveau). Il faut économiser à tous les niveaux de l’Etat pour entrer dans les critères du Pacte de stabilité disaient les 28 (de l’UE) et la Commission européenne. Aujourd’hui, ce dilemme est résolu. Et la phrase de François Hollande, le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité devient de fait la règle non écrite. Mais il faudra encore définir la nature de cette exception, sa durée, et son intensité. L’invocation de l’article 42.7 fournit là un motif « objectif », d’ordre juridique à la Commission européenne, lui permettant d’octroyer à la France ce qu’elle pourra refuser à d’autres pays demain. La question qui se pose désormais officiellement est de savoir s’il ne faut pas exonérer plus généralement certaines dépenses de défense du pacte de stabilité. Bien plus complexe.

Quatrième clarification : la solidarité militaire est à double détente. Jusqu’ici, personne ne remettrait en doute la primauté de l’OTAN pour assurer la défense face à un ennemi commun, étatique ou semi-étatique de préférence. L’OTAN avait un concept du « Tous ensemble », dans une version « guerre froide. Tous ensemble contre la Russie. Tous ensemble en Afghanistan… Le semi-échec de l’opération en Afghanistan (1), a remis les pendules à l’heure. Aujourd’hui, la doctrine devient plus réaliste c’est chacun « selon ses moyens » et sa posture de défense (neutre / pas neutre, …). Et l’effort de solidarité est assurée selon une coordination des moyens faite par l’Union européenne, et non dans une mission européenne. L’OTAN est laissée de côté (2), reléguée (pour l’instant) à la fonction de défense territoriale du territoire européen, au sens strict.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Déclenchée par les Etats-Unis sous l’article V, après les attentats de 2001

(2) On peut remarquer que les Américains qui dirigent la coalition internationale en Irak n’ont jamais demandé l’implication de l’OTAN (pour mieux impliquer les pays arabes). Ce qui devrait inquiéter au bd Leopold III, le siège de l’Otan.

Cap au sud-est pour le porte-avions Charles-de-Gaulle

Wed, 18/11/2015 - 16:01

(B2) Le Charles-de-Gaulle, le porte-avions français, a quitté Toulon ce matin et mis le cap à l’est de la Méditerranée. Objectif : prendre part rapidement aux opérations contre Daech.

Tripler la force de frappe sur la Syrie

Avec ses 18 Rafale Marine et 8 Super Etendard (modernisés), le navire dispose d’une force de frappe conséquente qui « va permettre de multiplier par trois le potentiel miliaire des moyens français engagés au Levant contre Daech » précise-t-on à l’état-major des armées. Le Charles-de-Gaulle s’en ira ensuite dans le Golfe arabo persique.

Un groupe de 5 navires au minimum

Le groupe aéronaval qui est constitué autour du Charles-De-Gaulle comprend 5 bâtiments dont un Belge et un Britannique :

  • la frégate de défense aérienne Chevalier Paul (avec 1 hélicoptère Caïman Marine) ;
  • la frégate anti-aérienne britannique HMS Defender (+ Lynx et Merlin) ;
  • la frégate anti sous-marine La Motte Piquet (avec 1 hélicoptère Lynx) jusqu’à mi-janvier 2016 relayée ensuite par la frégate FREMM Aquitaine (avec 1 hélicoptère Caïman Marine) ;
  • la frégate belge Léopold Ier (+ Alouette III) jusqu’au au 4 janvier qui devrait assurer selon nos informations la protection de patrouille du GAN ;
  • le bâtiment de commandement et de ravitaillement BCR Marne (+ Alouette III)

La frégate FREMM Provence (+ 1 Caïman Marine) viendra prendre le relais dans le Golfe persique lors du déploiement de longue durée. Ponctuellement des moyens américains navals et aériens viendront le renforcer. Et la présence d’autres bâtiments d’autres nations alliées – sans préciser la nationalité – est annoncée.

Le groupe aérien embarqué à bord du « Charles » comprend outre les Rafale Marine et Super étendard déjà mentionnés : 2 Hawkeye, 2 Dauphin et 1 Alouette III.

Manoeuvres conjointes et diplomatie navale

Au cours de son déploiement, le groupe aéronaval participera également à des manœuvres conjointes dans un cadre multinational et interalliés, ainsi qu’à des manœuvres bilatérales avec les pays de la région. Dans le golfe Arabo-Persique, le GAN assurera durant plusieurs semaines le commandement de la Task Force 50.

Mission Arromanches 2 pour la TF 473

Petit nom de cette Task Force, commandée par le contre-amiral René-Jean Crignola = la TF 473 ou Mission « Arromanches 2 » pour les plus romantiques. Précision importante : le GAN sera placé d’abord sous le contrôle opérationnel (OpCon) du commandant de la zone maritime en Méditerranée puis, dès son entrée en Océan Indien et jusqu’à sa sortie du golfe Arabo-Persique, sous le commandement de la composante navale de la coalition et, enfin, sur le trajet du retour, jusqu’au franchissement du canal de Suez, sous l’autorité commandant de la zone maritime de l’Océan Indien (Alindien).

Une question

Reste à savoir quelle attitude adoptera le commandement si des bateaux de réfugiés s’approchent du bord. La loi de la mer impose de venir au secours s’ils sont en détresse. Mais se poseront immanquablement des questions de sécurité, plus importantes qu’auparavant, dans le contexte post-attentats de Paris. Question sans doute théorique vu la distance des côtes auxquelles évoluera le groupe aéronaval. Mais néanmoins pas tout à fait exclue…

(NGV)

La Marseillaise résonne dans l’hémicycle

Tue, 17/11/2015 - 19:30

(B2) Une marseillaise à capella entonnée par le président du Parlement européen, Martin Schulz, dans l’hémicyle du Parlement à Bruxelles, aux cotés du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, de la Haute-Représentante de l’UE pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, et du Secrétaire d’État français chargé des Affaires européennes, Harlem Désir. L’instant était d’une rare émotion qui n’était pas feinte…

http://www.bruxelles2.eu/wp-content/uploads/2015/11/LR_I112218INT1W.mp4

« Les attentats de Paris étaient une attaque contre notre liberté, une attaque contre nos valeurs européennes et notre mode de vie, une attaque contre nous tous. Dans la douleur, nous, Européens, sommes aux côtés du peuple français », a souligné Martin Schulz. Le président du Parlement européen a voulu mettre en garde contre un éventuel changement d’approche sur le droit d’asile des Syriens : « Nous ne nous laisserons pas empoisonner par le venin de ces criminels (…) Si nous suspectons tous les réfugiés de Syrie, alors nous confondons victimes et meurtriers, car les réfugiés cherchent précisément chez nous un asile contre la barbarie de ces assassins ».

L’effet Le Drian

Tue, 17/11/2015 - 09:57

En Afghanistan, avec François Hollande, en 2012 (crédit : MOD France)

(B2) Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la défense, avait promis de secouer l’Europe de la défense. Avec la force des évènements survenus à Paris vendredi (13 novembre), il a choisi de mettre sa promesse à exécution. En déclenchant la clause d’assistance mutuelle ou de défense mutuelle, de l’article 42.7, il déclenche un vent de force 7. Une petite révolution, tout de même, à l’échelle européenne.

Une clause délaissée

Jamais personne n’avait pensé un jour que cette clause, reproduite du Traité de l’Union de l’Europe occidentale, et datant de 1948 (tournée plutôt contre l’Allemagne à l’origine puis vers la Russie), trouverait un jour à s’appliquer. Personne n’avait non plus la moindre idée, hier encore, de ce que pouvaient demander les Français ni des modalités de discussion. Il y a, en effet, eu très peu de travaux doctrinaux, internes, depuis son introduction dans le Traité de Lisbonne, ne serait-ce qu’une note interprétative sur la façon dont peut fonctionner cette clause (lire notre explication : La clause d’assistance mutuelle. Origine, déclenchement, effets, limites (fiche-mémo)). Dans un monde de procédures, on sentait donc quelque peu le flottement. Les autorités européennes semblaient également avoir été averties assez tard de la demande française.

Au pied du mur, sur les autres théâtres d’opération

Avec cette demande, Jean-Yves Le Drian veut surtout mettre les Européens au pied du mur, « face à leurs responsabilités » comme l’a expliqué François Hollande dans son discours devant le Congrès à Versailles, lundi après-midi (16 novembre) (Lire : Terrorisme. François Hollande sonne les cloches aux Européens et réclame plus de solidarité). Il souhaite un peu plus que des mots de compassion mais un engagement plus ferme au plan politique comme opérationnel. Il faut davantage d’implication des Européens sur le terrain militaire en Syrie par exemple, mais aussi sur les autres théâtres d’opération où sont engagés les Français : au Sahel (Mali, Niger…), en Méditerranée. La France veut arriver également à un dispositif de solidarité financière plus efficace qu’aujourd’hui. Toutes les tentatives pour réformer le système n’ont pas échoué mais ont fait des avancées minimes.

Des mesures dans la lutte anti-terrorisme

La France veut aussi faire prendre conscience de la nécessité pour les Européens — les Etats membres mais aussi les autres institutions européennes (le Parlement européen) — d’avancer sur certaines mesures législatives ou opérationnelles en matière de lutte anti-terroristes, notamment sur l’échange de renseignements. Accessoirement, l’ouverture de cette clause permet d’avancer vers une reconnaissance d’une exemption pour circonstances exceptionnelles aux règles du Pacte de stabilité.

(Nicolas Gros-Verheyde)

NB : une conférence de presse du ministre français et de la Haute représentante de l’UE est prévue dans quelques minutes à Bruxelles (vers 10h). On en saura plus à ce moment là.

Nouveau raid en Syrie

Tue, 17/11/2015 - 09:24

(B2) Les avions français ont mené à nouveau un raid contre Daech (organisation de l’Etat islamique / ISIS) à Raqqah en Syrie, annonce l’état-major des armées. Dix avions de combat étaient de la partie : 6 Mirage 2000 et 4 Rafale. Comme dans la nuit de dimanche à lundi (lire : Deux frappes de représailles sur Raqqah), les équipages ont décollé à partir des bases situées en Jordanie et dans le Golfe arabo-persique (GAP) pour se rejoindre au-dessus de la Syrie. Ils ont frappé « simultanément un centre de commandement qui abrite l’un des quartiers généraux de Daech, et un centre d’entraînement ». Au total 16 bombes ont été larguées.

 

(NGV)

Deux frappes de représailles sur Raqqah

Mon, 16/11/2015 - 17:58

Rafale engagé dans l’opération Chammal (crédit : EMA / DICOD)

(B2)  Les avions français ont effectué dimanche (15 novembre) deux raids sur Raqqah en Syrie, respectivement « à 19h50 et 20h25 » indique l’état-major des armées. Les deux objectifs visés par les frappes — 1 centre de commandement et 1 camp d’entraînement de Daech — ont été détruits. 12 avions dont 10 chasseurs – 6 Rafale, 4 Mirage 2000 (2 M2000D et 2 M2000N) — ont participé à l’opération. Celle-ci a été menée « de façon simultanée, à partir des bases du golfe arabo-persique et de Jordanie ; les équipages se sont rejoints au-dessus de la Syrie pour attaquer les deux objectifs occupés par Daech ».

Situé à 6 km au Sud de Raqqah, le premier objectif a été frappé par une patrouille de 2 Mirage 2000D. Le site était utilisé par Daech comme « poste de commandement, centre de recrutement djihadiste et dépôt d’armes et de munitions ». Une patrouille de 4 Rafale et 2 Mirage 2000D a détruit le deuxième objectif localisé à l’Ouest de Raqqah. « Infrastructure industrielle inachevée, l’objectif abritait un camp d’entraînement terroriste et des cellules de recrutement ».

Planifiée sur des sites préalablement identifiés lors des missions de reconnaissance réalisées par la France, cette opération a été « conduite en coordination avec la Coalition » précise le communiqué. Les deux sites ont fait « l’objet d’une longue observation préalable ». Le raid a pu être conduit grâce aux vols de renseignement réalisés au-dessus des zones contrôlées par Daech en Syrie depuis le 8 septembre. Les Français ont également bénéficié d’une aide précieuse des Américains, comme l’a précisé le président de la République.

Le Charles de Gaulle en Méditerranée

A noter que le porte-avion Charles de Gaulle appareillera jeudi (19 novembre) finalement et non mercredi de Toulon. Et il se rendra tout d’abord « en Méditerranée orientale » et non directement dans le Golfe persique comme annoncé (lire : Le Charles-de-Gaulle en mission anti-Daech avec une escorte belgo-britannique).

 

(NGV)

La France peut-elle déclencher une clause de solidarité de ses alliés ? Quel intérêt ?

Mon, 16/11/2015 - 15:35

(B2) Après les attentats de Paris, qui sont d’une magnitude importante mais pas inédite en Europe (1), plusieurs clauses de solidarité peuvent être activées tant au niveau de l’OTAN que de l’Union européenne. Et la France pourrait solliciter l’une comme l’autre, voire les deux à la fois, selon ce que décidera le gouvernement français. Rien n’interdit, en effet, à Paris de solliciter à la fois les alliés de l’OTAN et ses alliés de l’Union européenne (souvent les mêmes). Les deux clauses sont d’ailleurs complémentaires. L’une est plus politique et militaire ; l’autre est tout autant politique mais comprend une palette de mesures plus large.

La clause de solidarité de l’OTAN : un acte majeur

La plus célèbre des clauses de solidarité est celle incluse dans le Traité pour l’Atlantique nord (OTAN). C’est l’article 5 qui prévoit que si un Allié est victime d’une attaque armée, chacun des autres membres de l’Alliance « considérera cet acte de violence comme une attaque armée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il juge nécessaires pour apporter une assistance à l’Allié attaqué ». Elle n’a été invoquée qu’une fois, par les Etats-Unis, lors des attentats du World trade center et du Pentagone, le 11 septembre 2001. De par la nature politico-militaire de l’OTAN, la réponse naturelle à ce type de consultations est d’ordre plutôt militaire.

Un succédané existe, une procédure de consultation, ou d’alerte, prévue à l’article 4 qui prévoit de consultations entre alliés « chaque fois que, de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties sera menacée ». Clause invoquée à plusieurs reprises par les Turcs notamment.

Lire notre fiche mémo : La clause de l’article 5 (solidarité), la clause d’alerte (article 4)

La clause de solidarité à l’européenne : jamais utilisée en tant que telle

Depuis les attentats en Espagne de 2004, et le Traité de Lisbonne, l’Union européenne dispose d’une procédure d’alerte et de solidarité, formalisée, et déclenchable en cas de problème majeur (attaque terroriste, catastrophe importante naturelle ou humaine) prévue à l’article 222. Elle est déclenchée par un État membre quand celui-ci « estime, après avoir exploité les possibilités offertes par les moyens et les instruments existants, tant au niveau national qu’à celui de l’Union, que la situation manifestement dépasse les capacités de réaction dont il dispose ». Il y a là une notion d’incapacité partielle de réponse, qui n’est pas présente dans la clause de solidarité de l’OTAN. Une décision est venue préciser, en 2014, les modalités d’usage de cet article.

L’Union européenne mobilise alors « tous les instruments pertinents (qui) peuvent le mieux contribuer à la réaction face à la crise », que ces instruments soient « sectoriels, opérationnels, stratégiques ou financiers » voire « militaires ». L’intérêt de cet instrument est qu’il est tout autant technique que politique et, surtout, qu’il offre une palette d’outils de réponse possibles, de façon très souple. Outre les mesures conjoncturelles, on peut ainsi considérer qu’il y a nécessité de prendre une décision obligatoire, d’engager des financements, de mettre à disposition des moyens d’autres pays (policiers, experts de renseignement…). On peut même estimer qu’il est nécessaire de reporter certains engagements financiers de la France (par exemple en matière de déficit).

Cependant le porte-parole de la Commission Margaritis Schinas n’a pas voulu se placer dans cette hypothèse. « Nous sommes dans la période de deuil et de recueillement, ce n’est pas le moment » a-t-il déclaré ce midi, en réponse à la question d’un collègue. « Toute une série de conditions sont associées » à la mise en oeuvre de la clause. Il n’a cependant pas voulu totalement exclure cette hypothèse parmi toutes les autres mesures.  « Le collège (des commissaires européens) en discutera mercredi (tout comme) les ministres vendredi » a-t-il ajouté

Lire notre fiche-mémo (B2 Pro) : La clause de solidarité – article 222

La clause d’assistance mutuelle

L’Union européenne dispose aussi d’une autre clause, dite de défense ou d’assistance mutuelle – semblable à celle de l’OTAN et découlant directement de l’article V du traité de l’Union pour l’Europe Occidentale signé en 1948 —. Si un État membre est objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui « doivent » aide et assistance « par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies », prévoit ainsi l’article 42.7 du Traité.

Lire notre fiche-mémo : Les clauses de solidarité et défense mutuelle dans le Traité

Un signal politique très important

Au-delà du symbole, le déclenchement d’une de ces clauses obligerait les Européens et les alliés euro-atlantiques à s’engager plus avant, que ce soit par des mesures politiques, financières, de sécurité, voire militaires. L’usage de l’article 5 de l’OTAN serait un signal politique de gravité notable, en rapport avec les déclarations (guerrières) du président François Hollande quelques heures après l’attentat. Elle obligerait à une solidarité extrême, militaire, les autres Etats membres. L’usage de l’article 222 de l’Union européenne comme de l’article 42.7 serait une première en soi. Elle serait conforme au tropisme européen de François Hollande et obligerait les partenaires européens et les institutions européennes à être à la fois plus solidaires et plus réactifs, pas seulement dans les mots… mais aussi dans les actes.

(Maj – 17h) Le président de la République française, François Hollande, vient d’annoncer à Versailles avoir demandé à son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, d’évoquer demain, mardi, lors de la réunion des ministres de la Défense de l’UE, la mise en oeuvre de la clause de défense mutuelle, prévue à l’article 42.7 du Traité de l’UE.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Les attentats survenus à Madrid dans plusieurs gares au même moment le 11 mars 2004 ont fait près de 200 morts et 1400 blessés

Attentats de Paris. Une nuit en Europe et ailleurs aux couleurs françaises

Sun, 15/11/2015 - 10:51

Le mur des lamentations à Jérusalem (crédit : Israel)

(B2) Dans toute l’Europe et ailleurs dans le monde, de nombreux monuments officiels ou symboliques se sont illuminés aux couleurs tricolores cette nuit de samedi à dimanche, en hommage aux victimes des attentats de Paris du 13 novembre 2015, au Bataclan, au Stade de France, sur les terrasses et les rues du 10e et 11e arrondissement. Un hommage visuel qui a sans doute autant de poids que les mots.

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