(crédit UK army)
(BRUXELLES2) A quelques jours du vote, le référendum sur le Brexit donne lieu à tous les coups. Après les partisans du départ, voici les partisans du maintien qui donnent de la voix, en prédisant le pire cataclysme en cas de départ du Royaume-Uni de l’Union européenne. Ce bombage de torse n’a que peu à voir avec la réalité. Se passer du Royaume-Uni pour l’Europe est difficile. Et le contraire est aussi vrai. Alors on va faire comme d’habitude… des compromis. Les juristes sont déjà au travail. Voici l’esquisse de ce qui pourrait se passer…
Quelques citations à garder pour l’histoire…
« Les déserteurs ne seront pas accueillis à bras ouverts », Jean-Claude Juncker (président de la Commission européenne, Le Monde, 20 mai).
« (Finis) les avantages du marché unique européen », Wolfgang Schäuble (ministre allemand des Finances, Der Spiegel, 10 juin).
« C’est le commencement de la destruction de la civilisation politique occidentale », Donald Tusk (Président du Conseil européen, Bild).
On arrête les amphétamines ?
Je ne sais pas ce qu’ils ont pris, Jean-Claude, Wolfgang, Donald et les autres. Mais on est plus proche de l’amphétamine survitaminée que de la salade bio. On a connu nos dirigeants européens plus discrets et plus modérés. Mais rassurez-vous, cette « vibrionnante attitude » ne durera pas. Ce sont des propos de campagne (1), tout aussi fantaisistes que les élucubrations du Daily Mail sur l’armée européenne (lire : Big news ! L’armée européenne existe. Le Daily Mail l’a rencontrée). Durant des années que je l’ai pratiqué, lorsqu’il présidait l’Eurogroupe, Juncker était le spécialiste de ce type de propos. Des « mots très forts », avant d’entrer réunion… sur le mode « on voir ce qu’on allait voir ». Et, après la réunion, tout rentrait dans l’ordre. Le coté « raisonnable » de Juncker avait repris le dessus sur le coté « diablotin » de Jean-Claude.
Gardons le sens du raisonnable ! On va négocier
Que le Brexit ne soit pas une bonne nouvelle pour l’Europe, c’est évident. Qu’il y ait un risque en termes économique et politique, pour l’Europe ou le Royaume-Uni, c’est certain. Que l’inconnue soit de mise, çà c’est sûr. De là à annoncer la fin du monde et l’apocalypse… il faut garder un sens du raisonnable.
La Grande Bretagne est déjà une ile et… le restera
Si les Britanniques franchissent le pas de sortir, jusqu’à nouvel ordre, la Grande Bretagne et l’Irlande du nord, restent à la même place géographique. L’île ne va se déplacer et rejoindre les zones glacières de l’arctique ou désertiques du Sahel. Une carte pourrait illustrer d’ailleurs mieux que tout le statut grand-breton : une île située clairement en Europe, à défaut d’être sur son continent, à quelques encâblures de la côte européenne, à 2 heures en Eurostar de Paris et Bruxelles et 2 heures en avion de Varsovie ou Berlin…
Le Royaume-Uni reste une (petite) puissance économique
Se passer d’un marché de près de 60 millions d’habitants, d’une City qui fait encore la pluie et le beau temps et d’une des premières puissances industrielles parait difficile, d’un Etat qui est encore un contributeur à l’UE. Il va falloir quelques mois voire quelques années de négociation pour négocier une nouvelle « maison commune » pour les Britanniques, faite sur mesure. Les Britanniques comme les Européens ont intérêt à préserver une sorte de zone de libre échange entre eux.
Négocier une nouvelle maison commune : un compromis
Les juristes sont d’ailleurs au travail, très très discrètement à la Commission européenne comme dans certains Etats membres pour dessiner cette solution sur mesure (2). Et le dessin esquissé n’est pas du tout celui annoncé par les responsables politiques. Le statut du Royaume-Uni « post Brexit » pourrait alors se situer quelque part entre la Norvège – qui participe pleinement au marché unique, voire à certaines politiques de sécurité et défense – et la Suisse.
Des politiques de libre circulation adaptées
La libre circulation des capitaux, des marchandises, des services pourrait être ainsi préservée. Et la libre circulation des personnes serait à peu de choses près ce qui a été négocié par David Cameron, avec quelques mesures plus précises. Il n’est même pas interdit de signer des accords en matière de sécurité sociale pour permettre aux Européens de bénéficier de certains soins au Royaume-Uni et surtout aux Britanniques de bénéficier de la réciproque dans les pays où ils sont installés (sud de la France, Espagne, Chypre etc.). C’est déjà pratiqué avec certains pays « tiers ».
Une participation à la carte aux programmes
Le Royaume-Uni pourrait continuer à participer à certains programmes européens, en choisissant ceux qui l’intéressent, une sorte d’Europe à la carte : Erasmus pour les étudiants par exemple, Horizon 2020 pour la recherche, etc. Il suffira de trouver — comme pour les autres Etats tiers — les modalités de participation et de contribution au budget. Il pourrait continuer — contrairement à ce que disent certains — à bénéficier sous certaines conditions des accords de libre échange ou de commerce signés par l’Union européenne au titre d’Etat associé (comme la Norvège aujourd’hui).
L’Angleterre a déjà une partie de son hémisphère dehors
L’Out des politiques « intérieures » et de défense européenne
Sur les autres politiques qu’on pourrait qualifier de « souveraineté », il faut bien voir que le Royaume-Uni a déjà une série d’opt-outs : il est déjà hors de la Zone Euro, hors du système Schengen et du contrôle aux frontières (de Frontex notamment). En matière de défense de l’UE, le Royaume-uni reste un acteur théorique. Mais il ne participe que du bout des lèvres aux politiques de l’Union européenne. Et sa présence dans l’OTAN lui suffit. Son départ ne changera pas un iota à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Dire le contraire serait mentir (lire aussi : Brexit. Le Britannique est-il nécessaire à l’Europe de la défense ?)
La possibilité de passer des accords ad hoc
Rien n’empêcherait d’ailleurs le Royaume-Uni de signer un accord cadre ou des accords ad hoc pour participer soit à des missions ou opérations de la PSDC (comme l’ont fait une vingtaine de pays), soit à l’Agence européenne de défense ou au futur Corps européen de garde-frontières et garde-côtes. Ni d’ailleurs de participer à des programmes bilatéraux ou multilatéraux (comme l’ A400M) déjà hors du circuit communautaire. De la même façon que les Irlandais participent aujourd’hui aux opérations de Frontex ou les Norvégiens aux opérations de lutte anti-piraterie…
Un vrai changement : la participation aux décisions
Dans les faits, le Royaume-Uni continuerait ainsi à participer à nombre de politiques européennes et à ne pas participer aux politiques… auxquelles il ne participe pas. Le grand changement serait plutôt ailleurs : le Royaume-Uni n’aura plus voix au chapitre pour décider de l’évolution des législations. Mais là encore on peut trouver quelques solutions. Une consultation informelle en cas de modification de certaines législations (comme c’est déjà pratiqué avec quelques Etats « amis »). Il ne contribuerait plus au budget européen et ne recevrait plus les subsides européens notamment en matière agricole.
Le sort des fonctionnaires britanniques européens : un phasing out en douceur
Les fonctionnaires et agents de nationalité britannique ne pourront plus être recrutés dans les institutions européennes. C’est un fait. Il faudra trouver quelques solutions. Mais c’est possible. D’une part, le départ du Royaume-Uni n’entraîne pas ipso facto la fin des contrats. Ensuite des phases de transition et des arrangements permettraient un passage en douceur (jusqu’à la retraite de ces agents), avec au besoin (ou non) une contribution britannique pour le paiement des pensions (dans un fonds spécial, comme on l’a fait pour d’autres institutions, à l’Union pour l’Europe occidentale par exemple). Enfin, plusieurs de ces agents ont soit une double nationalité, soit la possibilité d’en acquérir une (par mariage, droit de résidence en Belgique ou tout simplement par l’histoire en Irlande du Nord, etc.).
Les répercussions politiques intérieures : difficiles à apprécier
Le risque d’effet tâche d’huile : pas évident !
Si le Britannique choisit le « Out » (3), la période après le 23 juin ne ne sera pas vraiment une fine partie de plaisir. Mais y voir la fin du monde, est (un tantinet) exagéré ! L’effet tâche d’huile tant évoqué (avec un Tchexit, un Danxit, ou un Dutchxit) est très difficile à apprécier. La Grande-Bretagne a sans doute une certaine justification à se mettre en dehors de l’Europe continentale. Voir le schéma se reproduire ailleurs est plus difficile. Je souhaite bien du courage aux Tchèques, Néerlandais ou danois tentés un moment donné par ce « petit » suicide…
Le statut très particulier des Britanniques : difficilement reproduisible
Aucun pays en Europe n’a le même statut très particulier du Royaume-Uni. Aucun pays n’a autant une partie de son esprit et de son corps dedans et dehors à la fois. Londres a l’hémisphère droit en Europe et l’hémisphère gauche en dehors. Aucun pays, à ma connaissance, n’est une île, ne dispose du rayonnement international et de la profondeur économique du Royaume-Uni (appartenance au Commonwealth, armée conséquente, siège et droit de veto aux Nations Unies, etc.) sans compter une langue parlée dans le monde entier, qui donne à Londres et aux Britanniques cette force si particulière…
Un effet « électrochoc » : à espérer mais restons réalistes…
Certains plaident d’ailleurs, comme mon ami Jean Quatremer pour un effet positif du Brexit (lire : partez les premiers messieurs les Anglais !). Le raisonnement est logique. Le départ du Royaume-Uni serait un électrochoc, provoquant un effet de resserrement pour certains pays, pour se dire qu’ensemble finalement « c’est pas gai tous les jours mais qu’il reste de bons moments tout de même ». C’est une hypothèse probable. Mais je reste dubitatif sur la volonté de certains dirigeants de s’afficher en pleine période électorale (en France et en Allemagne notamment) pour une intégration européenne plus poussée.
En réalité, avec ou sans Brexit, les risques sont ailleurs
Une Europe en panne de fondateurs
La volonté de créer un noyau dur plus intégré (avec une fiscalité équivalente et non concurrentielle, des politiques économiques similaires, etc.) n’est pas évidente. Si l’Europe est en panne, aujourd’hui, ce n’est pas à cause de Londres, Varsovie ou Budapest. C’est parce que le noyau des pays fondateurs (France, Allemagne, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Italie, etc.) n’arrive plus à produire ensemble de nouveaux projets. Cela ressemble davantage à un assemblage de pistons et de compresseurs qui s’agitent dans tous les sens, de façon non coordonnée.
Une heure de vérité douloureuse, la perte d’un « adversaire utile »
Pour de nombreux pays qui s’abritent aujourd’hui derrière le Royaume-Uni pour cacher leurs propres faiblesses et leurs propres réticences, le Brexit peut donc être une heure de vérité, douloureuse. L’Allemagne, qui clame haut et fort son attachement européen, va devoir afficher au grand jour ses « veto » cachés. Idem la France. D’autres pays (Suède, Danemark, Pays-Bas…) vont perdre un précieux allié. Les autres vont perdre un « adversaire utile ». Exemple : quand Londres a exigé de poser des limites à la libre circulation des personnes, à La Haye, Paris, Berlin, vous n’avez pas entendu hurler à l’atteinte aux droits. Seule la Commission européenne — et quelques pays de l’Est — ont défendu l’esprit européen.
Le principal risque du Brexit : le business as usual
L’autre risque du Brexit serait de retomber dans un « business as usual » un peu comme lors des précédents référendums (France, Pays-Bas, Irlande, Danemark…). La population dit non. On est ému. On s’alarme. Puis on trouve un arrangement. Et la machine repart cahin cahan, avec un gramme de réflexion en plus mais pas de réels changements. Les soutiens à l’Europe se réduisent, référendum après référendum, comme une peau de chagrin. Qu’importe ! C’est le peuple qui a tort, qui ne comprend rien. La dynamique du vélo européen (être toujours en mouvement selon la théorie de Jacques Delors) l’emporte. Et toute critique même positive du travail communautaire devient du « populisme ». Le problème c’est que l’Europe aujourd’hui n’est pas en panne avec ses opposants mais parce que l’Europe ne mobilise plus, déçoit, voire vilipende ses partisans.
L’autre risque principal : le repli sur soi-même et l’oubli du monde
Le second risque politique du Brexit est de voir l’Europe se refermer sur ses propres problèmes, pour régler ce qui, en soi, est juste une question d’intendance interne mais pas une menace de destruction du monde occidental (lire : Un bavarois aux fruits de la passion). De la même façon que l’Europe préoccupée par la Grèce ne s’est que peu occupée du conflit syrien, de la montée de Daesh en Irak, de Boko Haram au Nigeria, il y a là un vrai risque, le vrai risque du Brexit, selon moi : voir l’Europe plus préoccupée de son nombril que du monde.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Des propos assez étranges en soi. Car quand elle est interrogée, sur les conséquences du Brexit par exemple en matière juridique, la position officielle de la Commission européenne reste « aucun commentaire », « La Commission ne participe pas à la campagne » affichant une neutralité très ferme…
(2) Officiellement personne ne l’avoue. Mais c’est un fait, des travaux sont réalisés ne serait-ce que pour déterminer la méthode éventuelle de négociation, le calendrier induit du traité, les vides juridiques, les solutions apportées par le droit international (Convention de Vienne, etc.), les possibilités de période de transition, les politiques d’opt-out ou d’opt-in qui existent déjà, et les différents schémas d’association déjà en vigueur ailleurs (Norvège, Suisse…)
(3) Les sondages sont tellement fluctuants, la marge d’indécis et d’erreur tellement importante que l’inconnue est quasi-totale.
Lire aussi :
Descendre l’escalator pour inaugurer le nouveau « connecteur » de l’aéroport de Zaventem était plus facile que de gérer les attentats (crédit : PM Belge)
(BRUXELLES2) Le gouvernement belge comme la région de Bruxelles s’échinent aujourd’hui à essayer de redorer l’image de Bruxelles, de la Belgique, pour attirer touristes et hommes d’affaires dans la belge capitale… Autant dire que c’est une mission difficile. On peut aimer Bruxelles, son atmosphère, ses habitants… force est de reconnaître que durant plusieurs six mois, de novembre à avril, certains responsables politiques avec des décisions hasardeuses, dignes d’un certain amateurisme politique, ont beaucoup plus fait pour écorner son image qu’aucun attentat. Tels de savants pompiers pyromanes, ils ont, à plusieurs reprises, jeté de l’huile sur le feu, au lieu d’utiliser les extincteurs. Pire, ils sont tombés tête avant dans le piège tendu par les terroristes.
Le principe de l’effet de souffle
Le principe d’un acte terroriste « classique » est, en effet, d’avoir un impact en deux temps. Tout d’abord, l’acte lui même, brutal, sanglant, conçu pour surprendre et faire mal, mais qui reste limité en soi comparé à un acte de bombardement ou de guerre (1). Ensuite, l’effet de souffle qui se prolonge plus ou moins longtemps, dont l’intensité n’est pas identique, mais dont les effets peuvent être tout aussi graves à terme que l’acte lui-même, entraînant un déséquilibre notable. C’est ce qui s’est passé en Belgique. La prise de mesures sidératives, hors du commun, a abouti à cette désorganisation économique, et contribué à cet effet de souffle. Si la Belgique n’est pas tombée, c’est d’abord grâce à sa population, à sa résilience naturelle, à son tissu économique plutôt qu’à des décisions d’un gouvernement au bord de la panique…
1ère erreur : le lockdown après les attentats de Paris en novembre
Après les attentats du 13 novembre au Bataclan et au Stade de France, le risque sur Bruxelles est avéré. Les auteurs des attentats sont des « Bruxellois ». Il faut les rechercher activement. Faute d’autres moyens disponibles, en termes de forces de police, la décision est prise de geler toute l’activité sur Bruxelles. Normalement, cette mesure ne dure pas plus de 12 ou 24 heures, le temps de s’adapter. Ici, elle dure 5 jours. Ce lockdown — mesure extraordinaire qu’aucun pays en Europe n’a pris suite à des attentats directs — produira ensuite des effets en chaîne qu’il sera difficile de rattraper. La baisse d’attractivité touristique qui frappe Bruxelles ensuite et qu’elle subit toujours en est la conséquence directe. (Lire : La gestion de crises du lockdown de Bruxelles : une improvisation totale et surréaliste).
2e erreur : le déploiement des militaires dans la rue, en nombre, et de la façon la plus voyante qu’il soit
Dans la foulée de ce lockdown, se déploient dans la ville des militaires, armés jusqu’aux dents (avec des armes pas tout à fait adaptées à utiliser en zone de haute densité), se déplaçant à bord de véhicules totalement inappropriés en zone urbaine, qu’on verrait davantage en Irak ou en Afghanistan, alors que le risque est vraiment « mineur » (on n’a pas affaire à des engins explosifs improvisés placés à tous les carrefours) mais à de bonnes vieilles bombes à l’explosif voire aux tirs à la Kalachnikov. Même à Paris, en France, où cependant on adore montrer les muscles, la politique gouvernementale a été beaucoup « plus modérée, préférant faire circuler jusqu’à leurs points de patrouille les militaires dans des véhicules « blancs » plutôt qu’en gros half tracks. Ce déploiement en force n’empêchera pas la suite…
3e erreur : le blocage des transports après les attentats du 22 mars à Bruxelles
Là encore on déploie les militaires en nombre et dans le désordre. Tout le métro est fermé durant plusieurs jours. Et on rouvre au compte-goutte les stations avec force contrôles aux entrées si drastiques qu’ils rendent la vie impossible à tous les quidams. Mesure tout à fait exceptionnelle. Pour avoir vécu une telle situation après l’attentat du RER Saint Michel, le 25 juillet 1995, je n’ai pas souvenir d’un tel « arrêt ». Au contraire (2).
En fait de contrôle, ceux-ci tournent court, quelques jours plus tard. Les militaires ne contrôlent rien. Et d’ailleurs ils n’en ont pas le pouvoir (article à suivre). Vous pouvez rentrer dans le métro avec un sac à dos bien chargé sans aucune interception… Les militaires prennent un repos (mérité) avec un sandwich… Il n’y a tout simplement personne pour les relever. L’aéroport de Bruxelles national (Zaventem) fermé durant plusieurs jours le temps de se relever et réparer les dégâts rouvre dans un grand sentiment de bazar. Là encore les contrôles drastiques sont finalement allégés devant la levée de boucliers des autorités économiques notamment. Pas vraiment le genre de mesures qui instaure le respect. Il faudra quasiment un mois pour que l’aéroport revienne à la normale.
4e erreur : le temps des dérapages non contrôlés
Non content de cette improvisation totale, le gouvernement sombre très vite dans une régression infantile du type : « c’est pas moi c’est lui ». Il n’y a même plus besoin d’opposition pour semer le fil de la discorde. C’est de l’intérieur que provient la polémique. Le gouvernement estime qu’il avait donné l’ordre à la STIB (les transports en commun bruxellois) de fermer le métro. La STIB assure n’avoir jamais reçu l’ordre à temps. Une polémique plutôt stérile quand on sait que cela n’aurait pas forcément permis d’éviter les attentats et des victimes (lire : Attentats de Bruxelles : fallait-il arrêter le métro ? Une question théorique). Ensuite on vilipende un (pauvre) policier fédéral en poste en Turquie et l’accuse nommément d’avoir fait un loupé dans ses dossiers. C’est du rarement vu et relativement injuste. Le rôle d’un ministre est d’assumer, même les errements de ses subordonnés (à supposer qu’il y en ait eu en l’occurrence). L’irruption de hooligans néo-nazis sur la place de la Bourse, le 27 mars, en plein hommage aux victimes (lire le Huffington Post) achèvera de démontrer une certaine incapacité du gouvernement à assurer un minimum d’ordre.
5e erreur : l’oubli d’une règle de base
En cas d’acte terroriste, ce qui importe est de très vite faire repartir la vie normalement, comme d’habitude, même si le coeur n’y est pas et les plaies béantes, de vivre comme d’habitude et surtout de ne pas céder à la panique. C’est un principe de base qu’ont adopté toutes les villes frappées par le terrorisme. A Paris 1986, 1995 et 2016, à Madrid 2004, à Londres 2005, tous ont suivi peu ou prou ce même modèle. Parfois en renforçant à l’extrême les mesures de sécurité (type état d’urgence), ils ont toujours veillé à laisser tous les transports publics, commerces et lieux publics ouverts et en « fluidifiant » les mouvements de population. Bruxelles a échappé à cette « règle non écrite ». Elle en paie le prix…
Une succession d’erreurs qui se paie
Une telle succession d’erreurs se paie cash sur la situation économique. Il ne faut pas espérer que cette ambiance délétère ne produise pas d’effets. La Grand Place et alentours était quasi déserte durant le mois de mai, là où elle est bondée d’habitude. Le gouvernement belge dirigé par Charles Michel a commis, en l’espèce, un péché d’orgueil, trop de confiance en soi, une impréparation notoire au plan politique et une méconnaissance de l’esprit de la lutte contre le terrorisme.
Depuis les attentats du musée juif de Bruxelles en mai 2014, les autorités belges savent qu’elles sont une cible. L’auteur de l’acte n’est pas tout à fait un « loup » isolé comme cela a pu être interprété… La neutralisation de la cellule de Verviers en janvier 2015, est un nouveau signal. Tous les spécialistes le savent désormais. Bruxelles sera, un moment visé. Les seules questions sont : quand, où et comment. Ne pas avoir tiré de ces alertes les conséquences en termes d’organisation gouvernementale, de méthode de gestion de crises est assez incompréhensible…
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Les attentats de New York en 2001 sont une exception dans ce caractère « limité ». L’acte de terrorisme, selon moi, doit être distingué clairement de l’acte de guerre même s’ils se superposent parfois et que les responsables politiques se plaisent à les confondre.
(2) Le trafic du RER sera rétabli dès le lendemain. Regarder le journal de France 2 du 26 juillet 1995 (source INA)
A bord du Phoenix des ONG, un membre de la croix-rouge italienne (crédit : CRI)
(BRUXELLES2) Nouvelle journée difficile en mer Méditerranée pour les sauveteurs. Vendredi (10 juin), l’avion luxembourgeois Merlin III a repéré plusieurs canots pneumatiques surpeuplés à 20 milles nautiques au large du port de Garabuli (en Libye). Une alerte répercutée en chaîne du QG de la Force de l’opération Sophia à bord du porte-aéronefs italien Garibaldi et au centre de coordination du sauvetage en mer (IMRCC) à Rome.
Le navire océanographique britannique HMS Enterprise a pris en charge 523 migrants à bord de 4 canots pneumatiques tandis que le navire auxiliaire allemand FGS Frankfurt faisait de même pour 3 canots pneumatiques supplémentaires transportant 293 personnes. D’autres canots ont ensuite été repérés par l’hélicoptère AB 212 de la frégate espagnole Reina Sofia.
Les personnes prises à bord du HMS Enterprise ont ensuite été transférées sur le navire norvégien Siem Pilot de l’opération Triton. Le FGS Frankfurt s’est dirigé vers le port de Messine (Sicile) après avoir pris en charge 243 migrants, sauvées par le Phoenix, navire affrété par les ONG, lors de deux opérations de sauvetage consécutives jeudi (9 juin).
Au dernier bilan dressé par le QG de l’opération Sophia (EUNAVFOR MED) à Rome, 71 passeurs et trafiquants présumés ont été poursuivis par les autorités italiennes. Et 139 bateaux (109 canots pneumatiques, 27 bateaux en bois, 3 navires de pêche) ont été détruits. Depuis son lancement en juin 2015, l’opération militaire européenne a pris en charge directement 15.600 personnes lors de 95 interventions et contribué au sauvetage de 32.334 migrants supplémentaires par d’autres moyens (garde-côtes italiens, Frontex, ONG).
(NGV)