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Budapest 2024 : la gronde s’organise contre les Jeux Olympiques en Hongrie

Tue, 31/01/2017 - 17:45
Budapest est en compétition avec Los Angeles et Paris pour organiser les Jeux Olympiques en 2024. En Hongrie, l’opposition s’intensifie contre une candidature que beaucoup estiment trop coûteuse pour le pays. Entretien avec Zsolt Victora du parti satirique du chien à deux queues (MKKP).
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La Hongrie produit en masse des travailleurs pauvres

Tue, 31/01/2017 - 13:10
Selon le quotidien conservateur Magyar Nemzet, les chiffres positifs du gouvernement sur le front de l’emploi masquent une réalité crue : l’augmentation très forte des travailleurs pauvres depuis 2010.

Depuis quelques mois, le gouvernement de Viktor Orbán ne cesse de mettre en avant l’embelli dont bénéficierait la Hongrie sur le front de la lutte contre le chômage. Si l’on regarde les chiffres mis en avant par la communication gouvernementale, l’économie hongroise aurait créé 700 000 emplois depuis 2010. L’Office central de statistiques (KSH) met quant à lui en avant d’autres résultats flatteurs : l’augmentation du nombre d’actifs en emploi de 3,78 millions en 2009 à 4,4 millions en 2016, ainsi que la baisse du chômage à 4,4% de la population en situation de travailler.



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Selon le Magyar Nemzet, les résultats positifs de la majorité conservatrice Fidesz-KDNP s’expliquent surtout par un « retour à la normale » après la grave crise économique de 2009, qui avait eu la peau du gouvernement socialiste-libéral de Gordon Bajnai. Ils sont également à mettre sur le compte de la poursuite de la politique de précarisation de l’emploi entamée par la gauche, avec le vote en 2011 d’un profond assouplissement du Code du travail et la généralisation du dispositif de travail obligatoire pour les bénéficiaires des allocations chômage. Le nombre des personnes concernées est ainsi passé de 30-50000 personnes à 218000 en six ans, ce qui a eu principalement trois effets : faire baisser artificiellement le taux de chômage, créer des effets d’aubaine en matière d’embauche dans le secteur public et produire massivement des travailleurs pauvres. S’il fallait réintégrer les personnes en situation de travail obligatoire dans les sans-emploi, le taux de chômage avoisinerait les 9% en Hongrie.

Magyar Nemzet met également en avant un autre biais statistique sur le front de l’emploi : celui des nombreux jeunes actifs émigrés en Europe de l’Ouest. Selon les chiffres produits par le KSH, ils seraient actuellement 116000 à l’étranger alors que d’autres estimations parlent plutôt d’une fourchette allant de 350 à 500000 personnes. Malgré une croissance de l’économie estimée à 3% – soit l’une des économies les plus dynamiques de l’Union européenne -, le marché hongrois reste très peu redistributif et ainsi très faiblement créateur d’emplois. Sur le long terme, la Commission européenne estime que la paupérisation des travailleurs et l’hémorragie de la main d’oeuvre font même courir le risque d’une contraction de l’économie hongroise en l’absence d’un marché intérieur suffisamment robuste. La pénurie de bras devrait en tout cas inciter le gouvernement conservateur à recourir à une main d’oeuvre immigrée davantage disposée à accepter les mauvaises conditions de travail et de rémunération. Le dumping social semble avoir de beaux jours devant lui au pays de « l’illibéralisme » théorisé par Viktor Orbán.

Categories: PECO

Berlinale 2017 : l’Europe centrale à l’honneur

Mon, 30/01/2017 - 18:45
Plusieurs films d’Europe centrale ont été sélectionnés pour toutes les sections du 67ème Festival international du film de Berlin qui se tiendra du 9 au 19 février prochains. Parmi les 18 films de la sélection officielle, deux sont l’oeuvre de réalisateurs centre-européens. Cet article fait l’objet d’une publication commune avec l’association Kino Visegrad, site d’information et de diffusion du cinéma centre-européen dans l’espace francophone.

On retrouve dans la sélection officielle Spoor (Pokot) de la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland et On Body and Soul (Testről és lélekről) de la hongroise Ildikó Enyedi. Spoor (Pokot) est un thriller policier adaptant le best-seller d’Olga Tokarczuk, Sur les ossements des morts. Le script, co-écrit par Agnieszka Holland et Tokarczuk raconte une série de meurtres de chasseurs au sein d’une petite communauté villageoise. Une vieille habitante, Janina, se retrouve comme le suspect principal dans l’enquête de police. Agnieszka Mandat joue le rôle principal et le casting comprend Wiktor Zborowski, Jakub Gierszał, Borys Szyc, Andrzej Grabowski, Tomasz Kot et Katarzyna Herman. Le film est une coproduction polonaise, allemande, tchèque, suédoise et slovaque, produite par TOR Film Production en coproduction avec Heimatfilm GmbH (Allemagne), Chimney Group (Suède) et nutprodukce (République tchèque), nutprodukcia (Slovaquie). Sa production a été soutenue par l’Institut du cinéma polonais, le Programme MEDIA, le Fonds tchèque pour la cinématographie, Eurimages, le Fonds audiovisuel slovaque, l’Institut suédois du cinéma et le Fonds de co-développement polono-allemand.

Section « Berlinale Special »

Deux films centre-européens ont été sélectionnés pour le « Berlinale Special » : le documentaire The Trial: The State of Russia vs Oleg Sentsov d’Askold Kurov, ainsi que le long métrage A Prominent Patient (Masaryk) de Julius Sevcík.

The Trial est une coproduction de Marx Film (Estonie), Message Film (Pologne) et de la Télévision tchèque, avec le soutien de l’Institut du cinéma polonais et B2B Doc. Ce film narre le procès contre le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, condamné par la Russie à vingt ans de prison en août 2015. Le film aura sa première mondiale à la Berlinale et célébrera également les trente ans de l’Académie européenne du film, anniversaire qui sera suivi d’une table ronde avec Askold Kurov, Mike Downey, Agnieszka Holland, ainsi que Dimitri Dintze, l’avocat de Sentsov (qui avait également défendu Pussy Riot).

Un patient éminent (Masaryk) est un drame inspiré par la période américaine de Jan Masaryk, diplomate tchécoslovaque résidant à Londres, lequel avait fui aux États-Unis après avoir échoué à obtenir le soutien des Britanniques pour son pays en 1939. Le film est une coproduction tchéco-slovaque d’In Film, la télévision tchèque, ainsi que la radio et la télévision slovaque. Il a été soutenu par le Fonds tchèque de cinématographie, le Fonds audiovisuel slovaque et la Municipalité de la ville de Prague.



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Autres sections

La coproduction américano-tchèque Patriot, avec Michael Dorman, Kurtwood Smith, Michael Chernus et Kathleen Munroe est produite par Amazon Studios en coproduction avec Milk & Honey. Elle sera projeté dans le cadre Berlinale Special Series.

Animals (Tiere) de Greg Zglinski, un drame psychologique dans la tradition de David Lynch, a également été sélectionné pour Forum. Le film est une coproduction helvético-autricho-polonaise par Tell Film, Opus Film et COOP99. Le film met en scène Brigit Minichmayr, Philipp Hochmair, Mona Petri, Mehdi Nebbou et Michael Ostrowski.

Rudzienko de Sharon Lockhart (Pologne/États-Unis) et A Heart of Love (Miłości) réalisé par Łukasz Ronduda (Pologne) sont sélectionnés pour Forum Expanded.

Un film polonais est également dans la Short film compétition: la coproduction polono-allemande Miss Holocaust réalisée par Michalina Musielak, tandis que le court métrage américano-hongrois The Rabbit Hunt de Patrick Bresnan sera projeté hors compétition. Le long métrage polonais The Erlprince (Krolewicz Olch) de Kuba Czekaj a été sélectionné pour la Génération 14plus. Le film a été réalisé par Munk Studio-Polish Filmmakers Association en coproduction avec TVP, Odra Film et ORKA Production Studio, avec le soutien de l’Institut du cinéma polonais et la Commission du film de Wrocław. Cette histoire d’un adolescent exceptionnellement doué présentera Staszek Cywka, Agnieszka Podsiadlik et Sebastian Łach.

Little Harbour (Piata Lod d’Iveta Grófová) tiendra sa première projection mondiale au sein de la section Generation Kplus. Le film de cette réalisatrice slovaque est une adaptation d’un roman de Monika Kompaníková, avec des enfants assumant les rôles d’adultes. Le film est une coproduction slovaco-tchèco-hongroise entre Hulapa Film, endorfilm et Katapult. Le court-métrage hongrois Volcanoisland (Vulkánsziget) dirigé par Anna Katalin Lovrity, est quant à lui sélectionné pour Short Films Generation Kplus.

Les pays de Visegrád seront également représentés dans la sélection officielle des projets pour la 14e édition du Marché de la coproduction Berlinale (12-15 février 2017): Eloe de Piotr Złotorowicz et produit par Lava Films (Pologne) et Charlatan réalisé par Agnieszka Holland et produit par la société tchèque Marlene Film Production.

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En Hongrie, des Jeux Olympiques pour faire oublier les vrais problèmes ?

Sun, 29/01/2017 - 13:02
Les Jeux Olympiques de 2024 sont le symbole de l’absence d’avenir en Hongrie et de l’impasse dans laquelle nous mettent les responsables politiques actuels. Tribune publiée le 29 janvier 2017 dans Kettős Mérce. Traduite du hongrois par Ludovic Lepeltier-Kutasi.

En général, les pays organisent des jeux  lorsqu’ils ne savent plus où mettre l’argent, ou bien lorsqu’ils cherchent à compenser auprès de la population le manque de perspectives et de ressources en remuant ciel et terre autour d’un grand projet.

J’ai trente ans et un enfant d’un an et demi. Si quelqu’un me demande comment je m’imagine dans dix ans, ainsi que l’avenir de mon enfant et de ma famille, je ne saurai pas quoi répondre. Je ne sais pas si je serai encore en Hongrie, je ne sais pas dans quelles conditions je vivrai, je ne sais pas ce que je pourrai alors offrir à mon enfant dans ce pays. Je suis incapable de l’anticiper car je ne parviens pas à voir quelles sont mes perspectives ici. Car tout est précaire.

Je ne suis pas le seul à raisonner ainsi, en tout cas autour de moi beaucoup pensent la même chose. Nous n’avons aucun repère et avons peur du futur. La question n’est pas de savoir si nous avons des projets – car nous en avons -, c’est d’arriver à deviner dans quelle mesure nous parviendrons à les concrétiser.

Mon rêve dans ce pays, ça n’est pas que l’on y accueille les Jeux Olympiques. Bien sûr, ça aurait de la gueule que Katinka Hosszú décroche des médailles dans sa propre ville, mais là n’est pas l’essentiel. Car les Jeux ne nous apporteront ni de pain, ni du travail, ni d’avenir meilleur.




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Le mensonge de l’organisation des Jeux Olympiques, c’est de dessiner un avenir à un milliard de forints, sans pour autant que ça impacte positivement nos destins individuels et collectifs. C’est même le contraire, dans la mesure où l’on déshabille Pierre pour habiller Paul. Cela ne sera bénéfique ni pour les familles, ni pour les travailleurs, ni pour les pauvres, ni pour les mères, ni pour les pères, ni pour les jeunes, ni pour les retraités. Si nous obtenons les Jeux, nous bénéficierons au mieux d’un élan patriotique qui nous donnera la fierté d’être Hongrois, nous aurons certes deux semaines de bonheur partagé, mais l’argent considérable qui sera investi ne comblera pas ce dont nous manquons le plus : un chemin pour sortir de l’impasse, dessiner un avenir pour le pays et redresser la société.

Les Jeux Olympiques sont une illusion qui sert à masquer les problèmes concrets de la vie de tous les jours, le pourrissement du système de santé, l’affaissement du système scolaire, notre dépendance à la croissance des pays occidentaux, les statistiques faussés du chômage et l’absence pour beaucoup des moyens élémentaires de subsistance.

Toute cette organisation ne réglera pas nos soucis quotidiens, voire même les aggravera. Elle coupera bien fermement le robinet des investissements dans des secteurs qui n’en ont que trop peu reçus ces dernières décennies.

Organiser ces Jeux Olympiques reviendrait à organiser une extraordinaire orgie avec l’argent que nous aurions mis de côté pour payer le loyer et les charges.

Le problème n’est pas en soi de vouloir organiser des Jeux, mais c’est de vouloir le faire dans le contexte de carences que nous connaissons. C’est de vouloir le faire alors que nos élites politiques sont incapables de nous dire comment elles comptent régler les problèmes du pays et trouver les voies vers la prospérité.

L’organisation des Jeux est un bel exemple d’enfumage et de blabla inutile. C’est pour ça que s’y opposer, c’est aussi manifester notre réprobation à l’égard de l’inertie d’une élite politique impuissante.

Référendum contre les JO : « une fièvre démocratique s’est emparée de la population »

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« Le Budapestois soignait son intérieur même s’il n’en était pas propriétaire »

Fri, 27/01/2017 - 11:09
Au même titre que l’argent, le logement était une préoccupation constante des Budapestois avant et après 1989.

La ville portait encore à cette époque-là bien plus qu’aujourd’hui les stigmates des vicissitudes politiques que le pays avait connues depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Les vieux immeubles du tournant de siècle de Pest qui avaient été construits en quelques années seulement avant la première guerre mondiale avaient à peu près résisté du moins extérieurement aux guerres et à la révolution de 1956. Les impacts de balles étaient cependant encore visibles et il n’était pas rare de voir des échafaudages de fortune soutenir des balcons menaçant de s’écrouler. La situation était toutefois plus catastrophique une fois poussé le portail d’entrée. Les parties communes étaient dans un état déplorable et il fallait beaucoup d’imagination pour s’imaginer ce que furent et ce qu’allaient devenir ces magnifiques immeubles une fois restaurés. Et puis, on arrivait dans les appartements et c’est là qu’on pouvait avoir les plus belles surprises. La plupart avait été divisés au fil du temps et on ne comprenait pas toujours ce qui avait conduit à la répartition des pièces comme la cuisine et la salle de bains mais en règle général, le Budapestois soignait son intérieur même s’il n’en était pas propriétaire.




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La même préoccupation motivait le locataire des panelházak ces HLM qui avaient poussé un peu partout aux portes de la ville. Quand vous alliez rendre visite à un ami habitant un tel logement, il valait mieux partir avec un maximum d’informations (numéro de rue, de bloc, d’appartement, d’étage…) car ces immeubles qui se suivaient à perte de vue se ressemblaient comme des gouttes d’eau.

Et puis il y avait des endroits privilégiés, les plus connus étant les collines de Rozsadomb, Svábhegy ou Sashegy avec leurs villas cossues où résidaient entre autres les apparatchiks mais aussi des endroits plus modestes comme Zugló où les petits pavillons coquets avec leur petit jardin fleuri bordaient une rue qui n’était parfois même pas goudronnée. Entre les maisons, on trouvait même les potagers qu’exploitaient traditionnellement les maraîchers bulgares.

Bref, Budapest dont la superficie correspondait à cinq fois celle de Paris offrait une diversité de logements incommensurable. La fin de l’ancien régime signifia pour beaucoup la concrétisation d’un rêve: pour une poignée de forint, les locataires purent devenir propriétaires. Malheureusement, ils découvrirent très vite les charmes de la copropriété et le cauchemar commença.

La ville s’est aujourd’hui métamorphosée. Même si de nombreux immeubles nécessiteraient encore des rénovations, les efforts ont été faits pour valoriser une architecture exceptionnelle qui fait de Budapest la perle du Danube.

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Un court-métrage hongrois nominé aux Oscars

Thu, 26/01/2017 - 15:29
Mindenki (Sing en anglais), réalisé par Kristóf Deák, est en lice pour décrocher l’Oscar dans la catégorie Live Action Short Film.

Le film de Kristóf Deák poursuit sa belle carrière en se qualifiant face à 70 concurrents pour la nomination à la grand-messe du cinéma mondial, les Oscars qui se dérouleront le 26 février. Il a déjà remporté le Grand Prix au Festival du film Short Shorts à Tokyo, le People’s Choice Award au Festival international du film de Toronto dans la catégorie enfants, ainsi qu’un prix au Chicago International Children’s Film Festival.

Ce court-métrage relate une histoire vraie qui remonte à 1991, rappelle la presse hongroise. Il raconte en vingt-cinq minutes les remous provoqués dans une classe par l’arrivée d’une nouvelle élève, sur fond de concours de chorale. La fin du film est saisissante.

Lors de la 89e cérémonie des Oscars, Mindenki sera en compétition aux côtés de Timecode, Silent Nights, Ennemis Intérieurs (France) et La Femme et le TGV (Suisse, avec Jane Birkin).

Sing (Mindenki) | trailer from Kristof Deak on Vimeo.

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« Penser l’homosexualité demeure problématique dans les contextes est-européens »

Thu, 26/01/2017 - 15:21
Le symposium international « Homosexualité communiste 1945-1989 » aura lieu à Paris du 30 janvier au 3 février prochain. Entretien avec Mathieu Lericq, chercheur en études cinématographique à l’université d’Aix-Marseille, initiateur de cet événement. Cet article fait l’objet d’une publication commune avec l’association Kino Visegrad, site d’information et de diffusion du cinéma centre-européen dans l’espace francophone. Pouvez-vous nous présenter le symposium en quelques mots ?

Co-organisé avec l’historien Jérôme Bazin et le sociologue Arthur Clech, le projet « Homosexualité communiste 1945-1989 » a pour vocation d’étudier les différentes formes sociales, politiques, légales et artistiques dont l’homosexualité a été la cible pendant la période communiste. Nous avons décidé, afin de réévaluer les clichés qui peuvent courir en Europe occidentale sur cette période, de comprendre la place et le rôle historiques des populations gaies et lesbiennes en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Yougoslavie, en Union Soviétique, etc.

L’événement central du projet est une conférence internationale, qui se tiendra à Créteil et à Paris les 2 et 3 février 2017. Nous avons invité plus d’une trentaine de chercheurs-ses venu-e-s du monde entier à venir interagir autour des enjeux liés à l’histoire des homosexualités dans les régimes socialistes, et ainsi écrire un pan méconnu de notre histoire européenne.

Mais il était aussi important pour nous d’ouvrir ces débats auprès de publics plus divers, en organisant des projections et des rencontres dans différentes lieux de la capitale. En ce sens, le public parisien pourra découvrir l’œuvre magnifique de Károly Makk, Un autre regard (1982), qui a été le premier film réalisé en Hongrie communiste à parler franchement de l’amour entre femmes. De plus, nous avons invité deux artistes, l’estonien Jaanus Samma et les polonais Karol Radziszewski, pour parler de leurs démarches à l’égard de la mémoire « queer » dans leurs pays respectifs. La rencontre avec Karol Radziszewski, à la galerie 22,48m2 le 3 février à 20h, viendra d’ailleurs clôturer le projet.

Pourquoi avoir choisi la période communiste et s’être focalisé sur les pays d’Europe centrale et orientale ?

Trois éléments principaux nous ont poussés à choisir cette sphère géographique. D’une part, nous avions envie de contrevenir à une certaine ignorance qui fait souvent de l’Europe centrale et orientale la proie de clichés en France; il s’agissait donc d’inviter des chercheurs de tous horizons à se poser la question : comment vivait-on en tant qu’homosexuel, c’est-à-dire de marginalisé, de l’autre côté du Rideau de fer ? D’autre part, nous avons souhaité nous intéresser à une histoire qui reste à écrire, une histoire dont les sources et les archives peinent encore à être rendues disponibles, une histoire que nous soupçonnons pourtant riche. Penser l’homosexualité demeure encore problématique dans les contextes est-européens, et nous espérons que l’organisation d’un tel colloque puisse faire évoluer les choses dans le sens d’une réappropriation de cette histoire sociale. Enfin, nous avons décidé de traiter d’un tel large spectre géographique (de Berlin à Moscou, de Gdansk à Bucarest, en passant par Belgrade et Tallinn), pour mieux percevoir les points communs et les différences qui existaient, à partir de l’influence stalinienne (sur le plan politique) jusqu’aux différentes racines mythologiques (sur le plan culturel).

Cette volonté de braquer le regard vers l’Est nous a également décidé à travailler à la publication d’un numéro spécial de DIK Fagazine (n°11, version bilingue anglais-français), qui est publié à l’occasion de la conférence.




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Le programme propose-t-il aussi des films hongrois, tchèques, polonais ou slovaques ?

Oui, absolument. En dehors du film Un autre regard, projeté au Brady le 30 janvier à 20h, un film documentaire inédit sera projeté; il s’agit des Années secrètes, un film de Mária Takács réalisé en 2009. Il s’agit d’une enquête sur l’amour lesbien pendant le communisme en Hongrie. Il est composé d’interviews extrêmement utiles et émouvantes pour penser la complexité de la situation des femmes sous Kádár. Il sera projeté le 2 février à 20h au cinéma Luminor. L’artiste polonais Karol Radziszewski a également décidé de montrer des extraits de son documentaire Kisieland au cours du débat qui aura lieu au centre LGBT le 1er février à 17h. D’autres films auraient pu être montrés, comme Le Malentendu de Piotr Majdrowicz (1978) ou Coming-out de Heiner Carow (1989). Je persiste à croire que ces films nous disent quelque chose aujourd’hui, non seulement sur le traitement de l’homosexualité, mais aussi sur les formes diverses d’expression sexuelle et politique que la société civile dans son ensemble avait pu développer pendant la période communiste.

Le site du projet : www.eastqueerconference.wordpress.com
Le programme en ligne

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Référendum contre les JO : « une fièvre démocratique s’est emparée de la population »

Thu, 26/01/2017 - 14:14
Des jeunes militants de « Momentum Mozgalom » (Mouvement Momentum) ont lancé une collecte de signatures dans le but d’organiser un référendum national contre la candidature de Budapest aux Jeux Olympiques d’été de 2024. La campagne NOlimpia a démarré en trombe le week-end dernier et compte déjà plus de 50 000 signatures. Elle doit en récolter 138 000 en trente jours. Le compte-à-rebours a commencé.

« Les Jeux semblent être une aubaine pour la Hongrie mais à long terme cela va réduire les investissements dans la santé, l’éducation ou les réformes sociales. Nous ne pouvons pas nous le permettre en ce moment ». Voilà comment le directeur de la campagne Nolimpia –  qui dénonce aussi le risque de corruption –  justifie en deux phrases l’initiative de Momentum Mozgalom. « La Hongrie est gouvernée par Orbán depuis maintenant sept ans, le pays est de moins en moins démocratique et la corruption n’a jamais été aussi élevée à tous les niveaux de la société ».

Le pays devrait dépenser plus de dix millions d’euros pour financer des infrastructures qui n’auront plus raison d’être après les Jeux. Cela même alors que les systèmes de santé et d’enseignement publics sont défaillants, que le salaire moyen se situe aux environs de sept cent euros et que 40 % de la population vit ou est menacé de vivre dans la pauvreté. « Ce sont les gens qui doivent décider des questions budgétaires car ce sont tous les citoyens qui, à la fin de la journée, vont passer à la caisse tandis que c’est l’oligarchie d’Orbán qui va profiter de ces investissements. Avec ce projet de référendum, nous voulons nous emparer de ces problématiques et montrer au régime que les Hongrois n’acceptent plus le status quo. Les JO ne devraient-ils pas célébrer vingt ans de succès plutôt que vingt ans de corruption et d’apathie politique ? ».

Contrairement aux apparences, le mouvement « Momentum » ne sort pas du néant. Fondé et présidé par un jeune juriste de vingt-sept ans, András Fekete-Győr, cela fait bientôt deux ans que des jeunes entre vingt et trente ans – venus de tout horizon et de toute formation – réfléchissent aux moyens de bâtir une société hongroise plus égalitaire et plus démocratique. Momentum se revendique avant tout comme un mouvement hongrois, même si un grand nombre de ses membres a étudié et/ou travaillé à un moment de leur vie à l’étranger. Leur but : se constituer en parti politique avec un programme politique, sociétal et économique crédible en vue des élections législatives de 2018.

800 activistes répartis dans la capitale

Mais pour l’heure, l’enjeu est de motiver les Budapestois : « Êtes-vous favorable à ce que la Municipalité retire la candidature de Budapest à l’organisation des Jeux d’été de 2024 ? ». Depuis son lancement le 19 janvier, la campagne NOlimpia a mobilisé plus de huit cents « aktivistak » en vingt-cinq points de Budapest. Ils informent, interpellent, sensibilisent, mais surtout invitent les Budapestois à signer la pétition qui permettrait au référendum de prendre forme. Pourquoi seulement les habitants de Budapest alors qu’il s’agit du budget de l’Etat ? La Commission électorale en a décidé ainsi et le mouvement doit donc réunir un minimum de 138 000 signatures en un mois.

Crédit photo : Momentum Mozgalom / Facebook

« J’étais apolitique, mais pour la première fois j’ai vraiment envie de m’investir dans un mouvement politique », raconte un membre qui préfère ne pas donner son nom, lors d’une soirée organisée par Momentum au Corvin Club à l’occasion du démarrage de la campagne. « Momentum fait sens, cristallise positivement les aspirations de la jeunesse hongroise et propose des solutions crédibles sans tomber dans l’idéologie naïve et béate. Il y a de la diversité au sein des fondateurs, nous avons des économistes, des avocats, des ingénieurs…et l’organisation elle-même est profondément fondée sur le débat, c’est très démocratique ».

« 138 000 signatures, ce n’est pas assez » fait remarquer un autre militant, Sebestyén, étudiant en architecture. Et András, étudiant en psychologie et également activiste pour cette campagne, de rajouter : « Il nous en faut au moins 180 000. Je suis convaincu que les gens qui travaillent à la Commission électorale de Budapest font bien leur boulot, mais on ne sait jamais ce dont le gouvernement est capable pour rendre une signature caduque. Une lettre ou un chiffre qu’ils n’arrivent pas à lire pourrait suffire à la rendre invalide. » 50 000 signatures ont été recueillies en cinq jours et les gens ne cessent d’affluer aux stands pour signer.

Cette campagne sous le feu nourri des médias pro-gouvernementaux ne semble pas provoquer de tensions au sein de la population, comme en témoigne András et Sebestyén : « La question de la participation aux JO n’est pas particulièrement clivante, en cela qu’un grand nombre de Budapestois, qu’ils soient de droite, de gauche, jeunes ou moins jeunes, peuvent se mettre d’accord sur l’impact économique négatif de l’organisation des Jeux sur leur porte-monnaie déjà peu fourni. Tout le monde n’est bien évidemment pas d’accord avec notre proposition, mais si nous avions voulu organiser un référendum en rapport avec les migrants, nous aurions fait face à beaucoup plus d’hostilité. Mise à part quelques incidents isolés, les gens sont plutôt bienveillants ».

« Nous avons appuyé là où ça fait le plus mal »

Toute la campagne s’articule autour d’une stratégie de communication très propre aux Millénials, à grand renforts de vidéos interactives, de mèmes et d’évènements postés sur les réseaux sociaux. A peine une semaine après sa sortie publique, la page facebook de la campagne « NOlimpia » réunissait déjà quelques 25 000 likes tandis que celle de « Momentum Mozgalom » en compte environ 18 000. Mais la tête du mouvement, András Fekete-Győr, affirme que les seniors sont aussi nombreux à les soutenir. Lors du lancement de leur campagne de pétition très médiatisée à Blaha Lujza Tér, « beaucoup de retraitées insistaient pour prendre des selfies avec moi et me félicitaient chaleureusement pour ma première interview donnée la veille à ATV », se remémore-t-il.

Ce mouvement jeune a-t-il donc une chance de réussir à fédérer la société hongroise ? « L’intérêt que la campagne NOlimpia a suscité au sein de la population est tellement fort qu’il nous dépasse presque, dit-il. Que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans la rue, on a l’impression qu’une fièvre démocratique s’est emparée de la population, explique András Fekete-Győr. En même temps, c’est un thème qui regroupe tous les sujets importants auxquels la Hongrie est confrontée depuis quelques années : la corruption, les dépenses publiques, la jeunesse, la relation ville-campagne, le sport, etc. Nous avons l’impression que les gens ont placé un grand espoir en nous et tout le monde attend désormais avec impatience la réaction du gouvernement qui reste muet. En même temps, nous avons appuyé là où ça fait le plus mal : Orbán ne s’attendait certainement pas à ce que la jeunesse s’organise politiquement au point de retourner contre lui une thématique censée accroître sa popularité. Le miroir aux alouettes a été révélé et le gouvernement se retrouve aujourd’hui dans une position délicate », conclut-il. Bien sûr, si le nombre de signatures nécessaires est atteint, il restera un gros morceau, le référendum lui-même, un exercice où le Fidesz a échoué en octobre.

Crédit photo : Momentum Mozgalom / Facebook

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Naissance des «Amis de Hulala»

Wed, 25/01/2017 - 17:49
L’équipe de Hulala est heureuse d’annoncer la création d’un collectif rassemblant nos lecteurs, amis et sympathisants.

Animé par Jean-Pierre Frommer, par ailleurs animateur des Mardis hongrois de Paris, ce groupe Facebook s’est constitué autour de « l’intérêt de disposer d’une information francophone indépendante et de qualité sur l’actualité de l’Europe centrale (Hongrie, Pologne, République Tchèque, Slovaquie) ». Partant de là, il se donne « pour objectif d’apporter (son) soutien à Hulala par tout moyen à imaginer : bouche-à-oreille, réseaux sociaux, collecte de fonds, abonnement, production d’articles ou d’informations, constitution d’une association, etc. »

Si vous avez envie de contribuer à l’essor de notre média, mais également organiser le débat d’idées en français sur l’Europe centrale, n’hésitez pas à rejoindre le groupe sur Facebook.

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En Hongrie, l’arrêt maladie, un héritage du socialisme

Wed, 25/01/2017 - 10:03
Budapest possède, entre mille autres charmes, des bains thermaux qui font l’admiration des touristes et la Une des guides. Tels les Bains Széchényi où il fait particulièrement bon se tremper l’hiver dans ses bassins d’eau délicieusement chaude, douillettement emmitouflés sous des nappes de vapeur, alors que la température extérieure descend en dessous de zéro. Un pur délice.

Oui, mais à quel prix ? Entre 5200 et 4700 forints l’entrée, soit l’équivalent de 16 euros. Pour une population dont le salaire moyen net ne dépasse guère les 550 euros (170 000 forints). Donc en principe une chasse gardée des touristes (dont beaucoup de Français). En principe, car, malgré tout, on y croisera aussi des Hongrois dont quelques nouveaux riches, certes, mais surtout des retraités. Si vous faites bien attention, vous remarquerez qu’en dehors de l’entrée principale, existe sur le côté un autre accès, plus discret, réservé aux « curistes », c’est-à-dire aux Hongrois munis d’une attestation médicale leur assurant un accès gratuit. Et c’est tant mieux pour eux.

Une habitude héritée des années du socialisme. Une époque où il était relativement courant de se voir envoyé quelque temps au repos pour un oui ou pour un non. Par exemple en sanatorium, alors que vous resplendissez presque de santé mais souhaitez vous retaper avant de reprendre de plus belle le travail ou avant un événement majeur (par exemple, un mariage). Le mot est d’ailleurs l’un des plus fréquemment entendus dans le langage quotidien: « beutaló » (« bon d’admission »). Mais bon, n’allons surtout pas leur jeter la pierre. Tout d’abord parce que nous autres Français, serions plutôt assez experts en matière d’assistanat. Mais aussi et surtout car il y faut y voir une compensation nécessaire face à des conditions de vie souvent frustrantes.

Autre  habitude, encore très répandue de nos jours : l’arrêt maladie. Vous avez un anniversaire ou une fête de famille en vue et ne pouvez espérer obtenir une journée libre? Pas de problème : vous allez voir votre toubib qui se fera un plaisir de vous arrêter. Moyennant, bien sûr, un petit geste de reconnaissance: l’enveloppe discrètement glissée dans sa poche. Discrètement ? Même pas ! Car l’habitude de remettre une enveloppe aux médecins est aujourd’hui officiellement reconnue. On appelle ça « Hálapénz » qui signifie « Gratification », mot à mot « pécule de reconnaissance ». Officiel au point qu’il existe même des barèmes, tels 100 000 forints (350 euros) pour un accouchement. Une dépense bien évidemment non remboursée et probablement non déclarée. Les gouvernements successifs ont en vain tenté d’y mettre fin. Rien à y faire : de nombreux médecins y voient une compensation méritée face à une  rémunération qu’ils estiment bien trop modeste. Pour être juste, il faut préciser que les soins médicaux sont en Hongrie gratuits. Malgré tout, cette « enveloppe » non remboursée vaut largement, voire dépasse, en regard des revenus, ce que nous déboursons en France. Sans compter que les médicaments sont aujourd’hui payants, même dans certains hôpitaux où le patient doit lui-même fournir ses remèdes.

Repos en cure, arrêt maladie, des habitudes aussi répandues en France, mais pas généralisées à ce point. Certes, en certaines circonstances (grosse opération), un geste est de rigueur, mais sous forme de cadeau et non d’espèces (sinon aux infirmières, qui le méritent largement).

Des usages hérités de l’époque du communisme. Et pas les seuls. Car, pour qui aura connu l’ancien régime et les années qui suivirent immédiatement la chute du rideau de fer, un constat s’impose, du moins à mes yeux : un mélange curieux de capitalisme sauvage et d’habitudes issues du socialisme, encore très ancrées dans les mœurs (Une mesure, par contre, prise sous le nouveau régime (mais sous gouvernement socialiste) : la gratuité des transports en commun – y compris le train – au-delà de 65 ans. Ici encore, c’est immédiatement un tollé général si l’on cherche à l’abolir. Et si vous prenez le taxi, un petit conseil : prenez place à côté du chauffeur et non à l’arrière, vieille convivialité oblige. Fi des différences de classe ! Lesquelles sont pourtant plus marquées que jamais. Mais les nouveaux riches, eux, ne prennent pas le taxi. Ils roulent dans leurs propres Mercedes ou en voiture de maître.)). Mais encore une fois, quoi de plus compréhensible quand on a passé plus de quarante ans « maternés » par un appareil étatique qui, en contre-partie, vous payait (déjà) au lance-pierre et restreignait vos libertés. Un pli qui n’est pas près d’être totalement effacé.

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Le Citoyen, le film sur la vie d’un réfugié en Hongrie sort au cinéma

Tue, 24/01/2017 - 12:06
Az Állampolgár (« Le Citoyen ») sort au cinéma ce jeudi 26 janvier. « Je ne me souviens pas qu’un film hongrois, à la fois aussi bon et important, ait été tourné », écrit le journaliste de 444.hu à propos de cette histoire d’amour entre un réfugié africain qui s’obstine à vouloir décrocher la nationalité hongroise et Mária, professeure dans la banlieue de Budapest. La version originale de cet article article de Dániel Ács a été postée sur le site 444.hu le 13 janvier 2017. La traduction en français a été réalisée par Paul Maddens.

J’avoue que j’étais incapable de me décider devant le cinéma Toldi : « Est-ce que c’est pour moi ou pas ? Est-ce que je veux regarder jusqu’au bout un film sur la question des réfugiés ? »

D’une part, cela fait bientôt deux ans que je me couche et que je me lève avec ça. Le pays a été parsemé pendant des mois de haine, d’enfermement, de repli sur soi, d’incitation à la peur. Sur tous les médias, de façon coordonnée et planifiée, ils nous ont harcelé avec des mensonges. La peur a été greffée sur la moitié du pays, l’autre moitié est taraudée par la honte et les remords. D’autre part je ne croyais pas du tout qu’il soit possible de comprendre, de saisir intelligemment, exactement, sincèrement et de façon intéressante ce qui nous arrive ici et maintenant. Je sentais que je ne supporterai pas d’avaler un nouveau mensonge ou une phrase, un geste mensongers à propos de la question des réfugiés, aussi belle soit l’intention avec laquelle ils les disent.

En un mot, c’est avec des préjugés et mal à l’aise que je suis entré m’asseoir pour regarder le film de Vranik Roland intitulé Le Citoyen. A la fin j’en suis sorti en titubant. Je ne pouvais ni cracher, ni avaler, comme celui qui aurait été frappé violemment à la gorge à coups de pieds. C’est pourquoi, maintenant, c’est avec un gosier douloureux mais de toutes mes forces que je vais essayer de vous convaincre d’aller voir ce film car de ma vie, je ne me souviens pas qu’un film hongrois, à la fois aussi bon et important, ait été tourné.

« Le Citoyen » est l’histoire d’amour entre Wilson, réfugié venu en Hongrie d’un pays d’Afrique dévasté par la guerre, âgé d’environ 60 ans, agent de sécurité dans un magasin et de Mária Herczeg professeur dans le quartier de Mátyásföld (quartier du nord-est de Budapest, ndlr). Wilson habite depuis des années en Hongrie et aimerait acquérir la citoyenneté hongroise mais il échoue toujours à l’examen des connaissances constitutionnelles de base. C’est alors qu’entre en scène Mari (diminutif de Mária, ndlr) qui accepte de lui donner des cours particuliers et parvient à lui inculquer les spécificités hongroises.

L’histoire de la rencontre est déjà en soi une histoire pleine d’intérêt et souvent comique, mais c’est le personnage de Shirin qui apporte la véritable tension dans l’histoire. La femme iranienne doit trouver dans l’urgence un mari hongrois et un lieu où se cacher, sinon elle sera expulsée dans son pays où ils l’exécuteront. Wilson et Mari la cachent dans leur logement, mais le fait de vivre enfermés à trois engendre rapidement des conflits insolubles.

Celui qui imagine que « Le Citoyen » est un film à propos d’une Hongrie à visage de gendarme et d’un réfugié africain bien intentionné, se trompe lourdement. L’équipe de Vranik dépeint une image beaucoup plus sophistiquée de la Hongrie actuelle. Wilson est bien accueilli par son entourage. A l’exception d’un collègue qui dénigre les noirs, les autres l’apprécient particulièrement et le choisissent même comme le travailleur de l’année dans le supermarché, il passe un merveilleux week-end dans un centre de wellness. Son patron le soutient en tout, avec son copain boucher ils font tourner l’argent au tippmix (jeu d’argent).

Ce ne sont pas les Hongrois qui le rejettent mais une force sans visage qui place toujours un nouvel obstacle en travers de l’acquisition de la citoyenneté. Le pouvoir ne se découvre jamais, il ne s’exprime jamais en face à face, il se terre toujours, s’excuse, tergiverse. Pendant ce temps, Wilson, tout en espérant, erre tel un personnage kafkaïen dans le labyrinthe obscur du système administratif hongrois, dans lequel on lui assène des coups tels que : « Nous regrettons mais on ne devient pas hongrois comme cela d’une minute à l’autre, surtout un africain ».

La scène la plus forte de ce processus a lieu quand Wilson, en désespoir de cause, frappe à la porte du palais Alexandre avec l’énorme heurtoir en fer (le palais Alexandre est la résidence du président de Hongrie, il est situé sur la colline de Buda). Il veut parler avec le président de la république. Cela ne marche pas car le président séjourne justement à Mexico.

Le rôle principal est interprété par le Dr. Cake-Bali Marcelo, réfugié en Hongrie depuis de nombreuses années, qui est par ailleurs conducteur de tramway à Budapest et n’a jamais joué dans un film. Roland Vranik l’a interpellé dans la rue et l’a sollicité pour le rôle principal. Je sais que je demande quelque chose de difficile mais imaginez un film hongrois dans lequel le principal acteur (de même que les autres) n’est pas maniéré, ne fait pas le cabotin, n’a pas de gestes théâtraux empotés, ne hurle pas, ne trotte pas inutilement. Il est simplement et toujours crédible et incroyablement intéressant.

Ce qui est le plus incroyable pour le spectateur hongrois dans tout le film, c’est qu’il n’y a pas dedans de dénouements poétiques pour faire beau. Nulle part il n’y a de scène haletante, ressemblant à une peinture ou un tableau. On ne voit pas des acteurs au visage ridé regardant longuement dans le lointain, il n’y a pas de longs plans forcés et remplis de lieux communs détestables, il y a simplement une histoire bien dosée, tendue, au rythme parfait. Je crois à tous les petits éléments de cette histoire. C’est une dramatique du niveau de Mike Leigh

Je ne veux pas parler de travers ni rater la chute mais Le Citoyen s’est faufilé dans mon esprit. A la fin du film je déglutissais de regrets, de honte, de fureur.

Allez le voir !

The Citizen – Trailer – Stockholm International Film Festival 2016 from Budapest Film Zrt. on Vimeo.

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Ferda la fourmi, de retour à Paris après 90 ans !

Mon, 23/01/2017 - 17:36
Le nombre de films hongrois, polonais, slovaques ou tchèques sortis sur les écrans français annuellement peut être compté sur les doigts d’une main. Ils sont souvent accueillis dans des petites salles Art et Essai, et sont vus finalement par un public averti. Cet article fait l’objet d’une publication commune avec l’association Kino Visegrad, site d’information et de diffusion du cinéma centre-européen dans l’espace francophone. 755368 IDRI2GSG items 1 le-tapuscrit-author-date default ASC http://hu-lala.org/wp-content/plugins/zotpress/

A quelques exceptions près, les résultats de fréquentation n’apportent pas une grande satisfaction au distributeur. Parmi les exceptions comptent notamment les films pour Jeune public ou les films d’archives.

Le prochain film dont la sortie se prépare en France est justement destinée aux petits à partir de trois ans. Il s’agit du dessin animé intitulé Les nouvelles aventures de Ferda la fourmi, de la légendaire Hermína Týrlová, la première femme réalisatrice de l’animation tchèque. L’auteur de l’œuvre littéraire sur Ferda, l’écrivain Ondřej Sekora, a créé ce personnage en 1927, lors de son séjour à Paris, où il a séjourné en tant que journaliste envoyé par la presse tchécoslovaque.

Cinq épisodes de la série, produits entre 1968 et 1983 ont été restaurés et sortent sur les écrans français le 10 février prochain par les soins de la société de distribution Malavida, spécialisée dans les films d’archives. Celle-ci a déjà apporté aux petits Français entre autres les films de Karel Zeman et les films d’animation de Minopolska. Une exposition sur l’écrivain et le personnage de Ferda a lieu au Centre tchèque à Paris jusqu’au 10 février 2017.

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Nous avons lu Double nationalité de Nina Yargekov

Mon, 23/01/2017 - 17:07
Et tant pis pour celles et ceux qui n’auront pas lu Double nationalité. Elles, ils, seront simplement passés à côté d’un petit bijou. « Qu’ils retournent au bled cyrillique à traire les coquelicots !» (Juron emprunté à Nina Yargekov). 755368 CJMMAPSS items 1 le-tapuscrit-author-date default ASC http://hu-lala.org/wp-content/plugins/zotpress/

Ce roman est excellent de bout en bout, un pavé de 684 pages qu’on dévore, où l’attention est tenue en éveil par une grande inventivité narrative, le tout écrit à la deuxième personne du pluriel. Je me suis régalé, tant par la forme qui est savoureuse, drôle, un peu déglinguée, que par le fond qui aborde des sujets sérieux du passé, de l’histoire avec un grand H et du présent, de questions éternelles, qui se posent ici chez nous et maintenant ou dans n’importe quel pays et qui sont donc universelles. Ces interrogations me (nous) touchent personnellement et elles sont abordées sans manichéisme, avec une rigueur et une honnêteté intellectuelles remarquables, en analysant toujours, comme dans un cerveau en ébullition, le pour et le contre des faits, des situations et elles conduisent finalement le lecteur à des partis pris humanistes.

Les questions de l’identité, de la nationalité, de la citoyenneté y sont traitées à la fois d’une manière juridique mais aussi morale, humaine et tout cela avec légèreté, drôlerie et une richesse langagière étonnantes. Ce roman est aussi parsemé de jurons truculents, inventifs, de digressions foutraques tout en poursuivant un fil conducteur qui est une réflexion profonde sur les problématiques de l’identité, sur les notions de réfugié politique, de migrant économique.

Il s’agit entre autres, d’un réquisitoire contre et d’un plaidoyer pour certains aspects de deux pays qui nous sont chers, la Hongrie et la France, et singulièrement sur des événements ayant défrayé l’actualité, avec une focalisation sur les questions de la nationalité, de l’identité et du racisme toujours sur un ton léger et moqueur.

Rendre compte de ce roman est difficile, tant il recèle de richesses, de réflexions profondes cachées derrière le paravent pudique de l’humour et des observations futiles. Il faudrait analyser chacune des 684 pages pour y démasquer par exemple des notations comme celles où la narratrice fait resurgir de ses souvenirs perturbés par l’amnésie, un char d’assaut. De cette amnésie et de ce souvenir elle va tirer une réflexion à la fois sur les mécanismes de la mémoire mais aussi sur un des aspects de l’identité.

« Ainsi donc le char, et à présent cette scène dans le bac à sable, dont le char était une citation, un extrait, une capture d’écran, et peut-être même votre émotion en écoutant les appels radio des insurgés de 1956, tout cela n’a rien de personnel, ce n’est pas votre vie mais une mémoire héritée, le souvenir d’un souvenir, le souvenir incorporé du récit que votre mère aura fait de l’épisode. L’amnésie ne vous dérange plus, vous vous êtes habituée, cependant que l’unique souvenir, qui ait été suffisamment puissant pour vaincre le voile, ne soit pas le vôtre mais celui de l’un de vos parents, cela vous désespère au plus haut point, vous vous sentez fondamentalement misérable, comme si vous n’étiez personne, que tout en vous n’était que truchement et procuration, que vous n’aviez pas d’histoire propre, que votre vie ne vous appartenait pas, qu’elle était tout entière prêtée, concédée par ceux qui vous ont précédée. Et votre désarroi lui-même vous perturbe, être hongroise n’est-ce pas précisément recevoir les plaies du passé en héritage, oui mais non, pas comme ça, ce n’est pas comme ça que vous voulez, là c’est comme si on vous touchait mais pas au bon endroit, comme si on vous avait trafiquée de l’intérieur. »

Encore une fois, il est impossible en quelques lignes de dégager toute la richesse, l’intelligence et la saveur d’un tel roman. Il faut le lire et chacun s’y retrouvera , surtout s’il porte en lui un peu ou beaucoup d’une culture multiple. Les deux annexes déposées à la fin du roman sont également des petites perles de drôlerie. Bravo encore à Nina Yargekov dont le roman a reçu le prix du Café de Flore 2016.

Nina Yargekov sera l’invitée des Mardis hongrois de Paris le 14 février 2017
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Lettre au Jobbik : comment devenir démocratique et civilisé

Sun, 22/01/2017 - 11:03
T. Gábor Szántó, rédacteur en chef de « Szombat » a publié un texte dans lequel il prend acte de la volonté du président du Jobbik, Gábor Vona, de rompre avec l’antisémitisme, mais émet des conditions pour l’installation d’un dialogue entre le parti et les Juifs de Hongrie. La version originale de cet article article a été postée sur le site « Szombat.org » le 10 janvier 2017. La traduction en français a été réalisée par Paul Maddens. Gábor Vona et le Jobbik le 17 octobre 2016 au parlement (Elekes Andor / wikicommons)

Ces dernières années, nombreux sont ceux à avoir tiré des conséquences du fait que la direction du Jobbik modère ses manifestations de racisme et d’antisémitisme, du moins en public. Dans les toute dernières semaines, il serait devenu possible et même nécessaire de coopérer avec ce parti, sous la forme d’une coalition technique ou d’une coalition électorale, en vue de la relève d’un pouvoir qui exerce son influence sur l’économie au moyen de la corruption et qui dénature la vie publique démocratique.

Alors qu’auparavant, les forces démocratiques souhaitaient le mettre en quarantaine et refusaient toute coopération avec ce parti du fait de son agressivité, de ses idées et de sa symbolique néonazie. L’impuissance de l’opposition face à une majorité gouvernementale qui s’est bétonnée, l’aversion devenue quasiment phobique à l’égard des gouvernants, inciteraient certains à faire des tentatives désespérées et difficilement justifiables sur le plan moral pour coopérer avec le Jobbik.

Le Jobbik porte pourtant une lourde responsabilité dans la légitimation du langage antisémite dans le discours publique hongrois. Il est devenu une force idéologique structurante, qui façonne la conscience collective.

Bien sûr, le lent changement du Jobbik ne nous a pas échappé. Ainsi en est-il de l’exclusion de la direction d’une partie des plus extrémistes et de la mise en sourdine de son ton antisémite agressif. Le même processus a été observé dans les partis d’extrême droite de l’Europe de l’ouest au cours des quinze dernières années (encore que ceux-ci sont en avance sur l’extrême-droite hongroise et ont poussé la logique plus loin).

Le plus petit dénominateur commun nécessaire pour procéder à un échange de vues avec le Jobbik et pour sa transformation en force démocratique et civilisée n’a pas encore pris forme. Il faudrait pour cela que, tout en tournant le dos à leurs positions antérieures, le Jobbik en tant que parti et ses forums :

  • clarifient leur position à propos de la mémoire de l’Holocauste et à propos des tâches et des responsabilités corrélatives que l’État doit assumer selon les normes acceptées dans le monde euro-atlantique ;
  • qu’ils expriment clairement leur réprobation vis-à-vis des groupes et forums racistes et antisémites ;
  • qu’ils formulent clairement leur point de vue concernant la légitimité de l’existence de l’État d’Israël ainsi que face à la terreur et au fondamentalisme islamique qui menacent les valeurs du monde occidental.

Dans la mesure où cela se produit, que ce tournant n’est pas seulement provisoire mais devient une norme, un comportement durable et responsable et crédible, valable dans tous les forums officiels et pour les personnalités de premier plan du Jobbik, alors les conditions nécessaires à un éventuel dialogue pourraient voir le jour.

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Trump vu de Pologne : « Et s’il voulait que la Russie rejoigne l’Otan? »

Sun, 22/01/2017 - 04:38
Faut-il prendre au sérieux les récentes déclarations de Donald Trump au sujet de l’Otan «obsolète» ? Vu de Pologne, le doute est permis, et les attentes sont grandes à l’égard du 45e président américain, investi vendredi.

Environ 3 000 soldats américains sont arrivés sur le sol polonais, le 12 janvier, pour renforcer la défense du flanc est de l’Otan, face à la Russie, suivant le plan décidé cet été au sommet de Varsovie. Une victoire de courte durée pour la Pologne, plongée dans l’incertitude par le nouveau Président des États-Unis, qui ne cache pas son manque d’enthousiasme à l’égard du Traité de l’Atlantique Nord, qu’il a récemment qualifié d’«obsolète». La Pologne, membre de l’Otan depuis 1999, est l’un des rares pays à respecter la contribution de 2 % de son budget à la Défense exigée par l’Organisation.

L’investiture de Donald Trump, ce vendredi 20 janvier, marque pour la Pologne une nouvelle ère dans ses relations avec les États-Unis, dont les modalités sont encore incertaines, alors que le pays est depuis longtemps tourné vers l’Atlantique. Les membres du PiS, le parti ultraconservateur au pouvoir depuis un an, se veulent rassurants, quand la presse est inquiète : jusqu’à quel point Donald Trump est-il sérieux ?

Le Président polonais, Andrzej Duda, a donc rappelé que « juste après son élection nous nous sommes parlés au téléphone, et le président m’a assuré que la politique serait calme et stable, il a même ri, disant de ne pas croire tout ce qui était raconté, qu’il ne fallait pas croire ce qui était écrit dans les journaux et que tout irait bien. Et je crois que tout ira bien!».

Optimiste également, le ministre des Affaires Étrangères, Witold Waszczykowski, qui espère que le déploiement des troupes en Pologne attire des entreprises américaines dans la région, qui est «stable, calme et sûre», estimant que – à l’exception de Barack Obama en 2016 – les présidents américains n’ont pas prêté assez attention à la Pologne.

D’après Andrzej Duda, « l’Otan fonctionne bien ». « Je ne vois aucun facteur qui pourrait conduire à l’affaiblissement de l’Otan », a rassuré le Président lors d’une visite officielle en Israël, le 18 janvier. « Nous devrions rappeler à nos partenaires que se retirer de la coopération transatlantique aboutit généralement à de mauvaises expériences », a cependant averti le ministre au forum de Davos, le lendemain.

Les relations entre États-Unis et Pologne, alors que Donald Trump est souvent comparé à Jaroslaw Kaczynski, le leader du PiS, pour leurs méthodes comme pour leurs idées (voir le montage en couverture de «Newsweek Polska») sont encore à déterminer.

William Ciosek, conseiller de Donald Trump sur les affaires américano-polonaises, a avancé quelques idées dans les colonnes de l’hebdomadaire «Gazeta Polska» : « Donald Trump est un entrepreneur expérimenté qui sait repérer une bonne affaire. Ce qui signifie qu’une grande part de responsabilité des futurs projets américano-polonais repose sur les épaules de la communauté polonaise. » La minorité polonaise aux États-Unis – traditionnellement très conservatrice – est donc vue comme le meilleur garant d’une relation gagnant-gagnant entre les deux États.

Pour l’instant, le doute sur les intentions de Donald Trump inquiète Elizabeth Mączyńska, de la Société économique polonaise (Polskiego Towarzystwa Ekonomicznego) : « La principale caractéristique des activités Donald Trump, c’est l’incertitude, et l’incertitude est toujours mauvaise pour l’économie. Les producteurs, les investisseurs auront des difficultés, et des conséquences négatives sont à prévoir », a-t-elle déclaré à la PAP, l’agence de presse polonaise.

L’imprévisibilité du nouveau Président américain inquiète aussi la presse. Le correspondant de «Radio Polska», Michał Żakowski, notant que le discours d’investiture du Président américain reprenait la rhétorique de sa campagne, estime que les Polonais devraient plutôt penser à la manière dont Donald Trump veut changer le traité d’alliance transatlantique : « Et s’il voulait que la Russie rejoigne l’Otan? »

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À Budapest, dans les arrières-cours du «quartier de la fête»

Fri, 20/01/2017 - 16:02
Le 7e arrondissement de Budapest est devenu ces dix dernières années l’une des destinations favorites des jeunes Européens, Américains ou encore Australiens. L’ancien ghetto juif abrite désormais les fameux «bars de ruine» (romkocsma), qui donnent aux nuits de la capitale hongroise cette coloration Erasmus trash. Gergely Olt, doctorant en sociologie, nous raconte la genèse de ce «quartier de la fête» (bulinegyed) et nous en décrit ses arrières-cours. Vos recherches portent sur le «quartier de la fête», l’ancien ghetto juif dans le 7e arrondissement de Budapest. Pouvez-vous nous décrire les principaux changements qui s’y sont déroulés depuis la fin du communisme ?

Au moment de la transition, l’état du bâti y était déjà très mauvais. Par ailleurs, depuis la fin des années 1970, le «conseil» (la municipalité, dans le jargon soviétique, ndt) y avait installé des habitants de condition modeste. Pendant le communisme, les immeubles n’étaient pas réhabilités ; l’on construisait plutôt des grands ensembles à la lisière de la ville.

Gergely Olt.

En 1990, le projet c’était de faire de la promenade Madách, imaginée en 1902, la solution pour mettre le secteur en ordre. Cela aurait impliqué de tracer une route à travers le tissu historique, et donc de détruire de nombreuses maisons. Même si le plan de 1990 ne s’est jamais concrétisé, les habitants qui logeaient dans les immeubles voués à la destruction n’ont jamais pu privatiser leur appartement. Là où la privatisation était possible, les classes supérieures ont – pour beaucoup – préféré partir et les pauvres sont restés locataires d’appartements à loyer social. De cette façon, le quartier a continué de décliner dans les années 1990.

Entre 1998 et 2000, le prix du marché immobilier a doublé à Budapest et dans l’ensemble du pays (il faut dire que le prix de départ était particulièrement bas). Ceci était lié à des facteurs à la fois internationaux et nationaux, comme la crise russe ou bien le programme hongrois de soutien au crédit immobilier. Dans la mesure où plus de 10% du stock de logements appartenaient encore aux municipalités à la fin des années 1990, la mairie du 7e arrondissement s’est dit qu’elle allait vider les immeubles qu’elle possédait encore à 100%, en proposant aux occupants une indemnisation financière ou une solution de relogement. Le but était de vendre ces biens à des investisseurs immobiliers. 

Dans les faits, la municipalité a évalué les transactions sur la base du prix des terrains, car bien que de nombreux édifices étaient classés comme patrimoine historique, ils étaient souvent dans un très mauvais état. Les investisseurs voulaient construire des grands immeubles modernes afin de maximiser l’emprise foncière sur le plan du nombre de logements. Cette opération, bien que peu intéressante au départ d’un point de vue financier, s’est révélée très importante pour la municipalité, car ça a été une bonne façon pour elle d’attirer des riches à la place des plus pauvres.

Il est vrai que ces ventes se sont effectuées dans un climat de corruption, entraînant même l’emprisonnement de plusieurs responsables politiques, parmi lesquels le maire d’arrondissement de l’époque. Ce qu’il faut retenir, c’est que la municipalité n’a pas vraiment vu la couleur de ces revenus, dans la mesure où une bonne partie du produit de ces ventes est tombé dans la poche de ces élus. Par ailleurs, le choix des acquéreurs dépendait bien plus souvent de la nature de leur entregent que de la loi du marché.  Vu les conditions de la privatisation, le processus s’est déroulé plutôt lentement – les entrepreneurs ne sont pas stupides, ils se rendent compte lorsque les dés sont pipés -, et ceux qui ont acheté les immeubles l’ont souvent fait uniquement dans un but spéculatif.

Là-dessus, l’association Óvás! (pour la protection du patrimoine) a bien tenté de sauver les immeubles classés de plusieurs façons, en insistant notamment sur la labellisation Unesco du secteur de l’avenue Andrássy, situé à proximité. Du coup, les immeubles vides du début des années 2000 se sont retrouvés quelques années plus tard aux mains d’investisseurs, qui attendaient soit le permis de démolition, soit de trouver à ces biens un nouveau repreneur. Seulement, la crise a frappé en 2008 et en 2009, le maire du 7e s’est retrouvé en prison. La crise s’est étalée jusqu’au premier quart de l’année 2014, et sur toute cette période, les prix n’ont cessé de baisser.

Le Fogasház dans le quartier de la fête.

Dans les immeubles vides, des bars de ruine ont ouvert. Du coup, ce quartier n’a pas été investi par des hauts revenus, mais il est devenu en quelques temps le quartier festif de Budapest (bulinegyed). Entre temps, les prix immobiliers sont repartis à la hausse, parce que tout le monde a voulu ouvrir une auberge de jeunesse ou faire du airbnb. Les gens n’achètent plus pour habiter le quartier, parce que celui-ci est devenu une attraction touristique en soi. Les loyers sont désormais indexés sur ce que peut rapporter la manne touristique, et non plus sur la capacité financière des gens qui habitent le centre-ville.

En quoi le 7e arrondissement était davantage disposé à devenir le quartier festif de Budapest ?

Au début des années 2000, des bars ont commencé à ouvrir dans les immeubles vides appartenant à la municipalité d’arrondissement, mais ils ne fonctionnaient alors que les mois d’été. Ceux qui faisaient tourner ces affaires louaient les locaux à la collectivité pour quelques centaines de milliers de forint (moins de 1000 euros) par mois. Puis les élus ont décidé de faire fermer ces lieux, de peur des conséquences électorales, et ont de toutes façons cédé les immeubles aux promoteurs privés. Ce sont ces immeubles dégradés à coursives qui ont été les premiers bars de ruine. On avait le même genre de choses ailleurs, notamment à Kreuzberg (Berlin) déjà dans les années 1980. Mais ces quartiers n’étaient pas aussi centraux que le 7e arrondissement, et n’avaient pas un tissu de bars aussi dense qu’à Budapest. Au milieu des années 2000, la mode des bars de ruine a entraîné un engouement chez des artistes, lesquels ont expérimenté des modes de fonctionnement collectifs, que ce soit dans du locatif privé ou public. C’est comme ça que le quartier a pris ses allures bourgeoises et bohèmes.

Après la crise, du fait que les investisseurs privés n’avaient plus d’argent pour développer leurs projets, d’autres bars ont pu s’ouvrir dans ces immeubles en ruine, moyennant cette fois des loyers plus élevés, mais aussi des baux plus longs dans le temps. Du fait de l’harmonisation de la législation européenne, il est également devenu plus facile d’ouvrir des débits de boisson en Hongrie, au nom souvent de la libre entreprise. De plus en plus de lieux ont ouvert leurs portes, cette fois pas seulement des bars, mais aussi des boîtes de nuit. D’un point de vue réglementaire, la municipalité ne pouvais désormais intervenir que pour limiter les horaires d’ouverture. Du fait du succès des établissements nocturnes, telle mesure courait cependant le risque d’une rapide impopularité. Les propriétaires des bars argumentant également sur le fait que toute restriction d’ouverture entraînerait automatiquement le dépôt de bilan.

«La municipalité voulait à la fois rassurer ses électeurs, tout en continuant de gagner de l’argent»

Ce sont donc les habitants qui ont du subir les nuisances sonores. La municipalité voulait à la fois rassurer ses électeurs, tout en continuant de gagner de l’argent. Après de nombreux débats, la décision a été prise en février 2013 de créer une zone à l’intérieur de l’arrondissement (correspondant au vieux ghetto juif, ndr), dans laquelle aucune limite d’ouverture ne serait imposée. Ailleurs dans le 7e, tous les établissements devant en revanche fermer à minuit. Les habitants de la zone concernée se sont mis très en colère, car pris entre une nuisance nocturne décuplée, et l’impossibilité de vendre à bon prix leur logement jusqu’à la fin de la crise en 2014.

Fin 2014, début 2015, le boom immobilier a repris à Budapest et dans l’ensemble du pays. Là aussi, plusieurs facteurs expliquent la situation, mais dans ce cas, le contexte local semble avoir été déterminant. Des sociétés de courtage se sont révélées être des arnaques, ce qui a incité les possédants à investir davantage dans la pierre que dans des affaires financières. Cette tendance a été accentuée par le développement parallèle des sociétés aériennes low cost et du airbnb. Du fait de l’envolée des prix, beaucoup ont donc pu vendre leurs biens à des investisseurs, et quitter ainsi le quartier, souvent hélas pour des secteurs excentrés. Le processus actuel est celui d’une érosion résidentielle au profit d’une augmentation de l’offre d’hébergement touristique (hôtels, auberges de jeunesse, airbnb).

«Le tourisme est devenu un phénomène réellement planétaire mais aussi un mode de consommation particulièrement intensif et ostentatoire»

Le passage de la fonction résidentielle à la fonction festive s’est donc fait en 15 ans. Aux facteurs locaux évoqués (corruption des élus, héritage communiste, privatisation) s’ajoute le fait que le tourisme est devenu un phénomène réellement planétaire mais aussi un mode de consommation particulièrement intensif et ostentatoire. Il a donc fallu cette combinaison de facteurs locaux et globaux pour aboutir à une situation similaire à celle des centre-villes de l’ouest. Désormais, la situation est dramatique : auparavant, c’était des habitants ou des ouvriers qui habitaient dans des logements qu’ils possédaient, aujourd’hui, les appartements sont soit vides, soit destinés uniquement aux touristes. Par ailleurs, désormais personne n’a suffisamment d’argent pour y payer un loyer, dans la mesure où les prix y ont doublé en un an. Ce qui freine la contestation sociale, c’est que beaucoup de jeunes peuvent encore vivre longtemps avec leurs parents. Mais ceux qui sont étudiants, ou bien les groupes sociaux les plus pauvres, se voient contraints de quitter le centre-ville.

Qui sont les principaux acteurs de ces changements urbains ?

L’État ne soutient aucunement cette situation dans le 7e arrondissement. Pour le Premier ministre (Viktor Orbán), les bars de ruine sont les lieux de socialisation de la jeunesse libérale, laquelle s’y réunirait pour s’opposer à lui. Mais il faut aussi souligner que depuis le début des années 2010, on voit aussi émerger des acteurs locaux qui s’entendent très bien avec le pouvoir en place. Ceci explique aussi l’absence de mesures pour restreindre les activités nocturnes. Comme je l’ai dit, la réglementation européenne est plutôt favorable aux entrepreneurs, ce qui rend les gérants de bars dans une situation plutôt confortable face à la contestation des riverains qui se plaignent du bruit. Pour les élus locaux, c’est une bonne chose qu’il y ait beaucoup de lieux de fête, tant que les établissements s’acquittent des impôts. C’est même plus intéressant pour la municipalité qu’il n’y ait plus d’habitants dans le quartier, mais uniquement des entreprises. Et pourtant, les majorités municipales sont reconduites, car les gens votent souvent en fonction d’enjeux nationaux – et en l’occurrence pour le Fidesz.

Les acteurs principaux de cette situation restent les gérants de bar et les restaurateurs, dans la mesure où ils sont aux premières loges pour repérer les affaires immobilières, mais aussi – dans la mesure où beaucoup ont voyagé – importer des idées d’ailleurs, comme par exemple de Berlin.

L’ancienne équipe municipale a aussi joué un grand rôle, car le système de corruption mis alors en place a beaucoup influencé le processus de privatisation. En ce qui concerne l’équipe actuelle, nous pouvons simplement remarquer que certains d’entre eux sont directement investis – souvent pas officiellement – dans le monde des bars et restaurants.

Les nouveaux acteurs importants, ce sont les responsables d’auberges de jeunesse ainsi que les locataires en airbnb. Ce groupe est néanmoins très divers. Il y en a qui sont très riches, qui achètent beaucoup de logements et les transforment en airbnb de luxe ; d’autres font de la sous-location avec des biens qui ne leur appartiennent pas toujours, et rien ne dit qu’ils font beaucoup d’argent avec, tout dépend de la chance.

La société civile est quant à elle très faible. Il y avait bien des riverains qui se sont mobilisés contre les bars, mais ils ont été instrumentalisés par les politiques. D’ailleurs, les plus actifs de ces habitants se sont, depuis, résolus à déménager… Quant aux locataires de logements municipaux, ils n’osent pas s’opposer à la municipalité, car ce serait s’exposer à un risque d’expulsion.

Article de presse sur le 7e arrondissement.

Ce qui est curieux, c’est que les gérants aussi se sont constitués en association, notamment pour défendre leurs intérêts quant à l’ouverture tardive. Leur influence a commencé à devenir importante, au moment où des entrepreneurs proches du pouvoir se sont engagés à leurs côtés. L’association de défense du patrimoine – Óvás! – a longtemps été assez forte, car elle disposait d’un ancrage politique. Celui-ci s’est disloqué depuis l’arrivée au pouvoir du Fidesz. L’organisation reposait beaucoup sur des personnes âgées, et son succès s’expliquait par la convergence entre la défense du patrimoine et le contexte de corruption. L’État a depuis supprimé la protection du patrimoine et a inscrit le façadisme dans les règles d’urbanisme. En gros, maintenant plus rien ne protège les anciens édifices.

Les organisations juives restent quant à elles assez actives, mais leur activisme n’atteint que très peu les habitants. Cela s’explique par le fait que les Hongrois restent assez peu religieux, y compris ceux qui ont découvert récemment leurs origines juives. Ce qui est différent, c’est la mise en avant de l’identité juive dans le tourisme, qui intéresse par exemple beaucoup les touristes américains. Du coup il y a beaucoup de restaurants avec des plats juifs, mêmes si l’établissement n’est pas kascher.

Enfin, les conflits de riverains ne portent pas sur des questions générales, mais uniquement sur du NIMBY, comme par exemple le bar qui se situe dans le voisinage. Mais fermer un bar ne règle jamais tout, dans la mesure où les rues restent remplies de gens qui font du bruit la nuit, essentiellement des touristes éméchés. Par ailleurs, la culture citoyenne, et celle du règlement des problèmes par le dialogue, reste encore marginale.

Dans quelle mesure ces transformations observées à l’échelle du 7e arrondissement s’articulent-elles avec des bouleversements plus larges à l’échelle de Budapest ?

Souvent, ce qui a influencé les changements urbains ces 25 dernières années, c’est vraiment la façon dont la privatisation s’est déroulée à l’échelle locale. Dans le 9e arrondissement par exemple, les choses ont été faites consciencieusement, les élus n’ont pas laissé la privatisation se faire, car la réhabilitation y a démarré dès les années 1980. La municipalité d’arrondissement ainsi que la Caisse française des dépôts et consignations ont actionné le levier institutionnel qui a permis le départ du renouvellement urbain. Vu que l’immobilier était entre les mêmes mains et qu’il n’y avait qu’un seul et unique objectif, celui-ci a pu se concrétiser très facilement. Alors que dans les copropriétés, il suffit qu’un habitant s’oppose à la volonté d’un autre pour que les choses ne se fassent pas. Dès lors que la municipalité dispose de tous les outils juridiques et financiers, les transformations qu’elle impulse peuvent être plus profondes. C’est à cause de ce levier institutionnel que la gentrification a pu être aussi violente dans le 9e arrondissement, où l’on a aussi détruit beaucoup d’anciens immeubles. Maintenant, ces quartiers sont sans aspérité, la qualité du bâti n’est pas de très bonne qualité, mais ce sont des résidences modernes, et pas un quartier de la fête.

Dans le 6e arrondissement voisin de l’ancien quartier juif, les logements ont été privatisés beaucoup plus rapidement, et nombre d’entre eux ont même été cédés à des étrangers, dans la mesure où ce secteur forme avec le 5e le centre historique prestigieux de Budapest. On a surnommé le 6e arrondissement le «Soho de Pest» car on y trouve de nombreux théâtres… Il n’est pas devenu un quartier festif car très peu de bars ont pu y ouvrir, car il n’y avait pas assez d’immeubles entre les mêmes mains. Dans la partie centrale du 8e arrondissement, la privatisation ne s’est pas non plus passée de la même façon qu’ailleurs, en raison de la pauvreté extrême des habitants, mais aussi du caractère insalubre des logements. C’est comme ça qu’ils ont pu raser un quartier entier pour construire la promenade Corvin et lancer le programme Magdolna.

L’une des leçons du cas hongrois, c’est la façon dont la structure immobilière (le fait que par exemple les immeubles soient divisés en copropriété) impacte le marché immobilier d’une façon très différente qu’en Europe de l’Ouest. Après 2015, le quartier de la fête est devenu l’épicentre d’une gentrification-domino vers les quartiers excentrés. Vu qu’il est de plus en plus difficile de louer à bon prix, voire même de trouver du locatif disponible pour les Budapestois dans ce secteur, de nombreux habitants se voient contraints d’investir d’autres quartiers, plus éloignés du centre-ville. Ceux qui cherchent la centralité doivent ainsi acheter désormais dans le 8e arrondissement, ce qui a pour effet d’exclure les strates les plus pauvres qui y vivaient.

De plus, vu que l’immobilier devient un investissement intéressant, beaucoup de personnes cherchent à acheter des immeubles entiers. En définitive, il est possible qu’émerge à Budapest le marché locatif privé qui lui faisait défaut jusqu’à présent. Mais nous en sommes quand même encore loin. Enfin, il faut aussi garder à l’esprit que la rive occidentale du Danube – Buda -, est presque vierge de tout bar, ou en tout cas ils sont obligés de fermer à 22h. Cela illustre le fossé entre les habitants des deux rives, les habitants de Buda ayant des connexions plus fortes avec le personnel politique.

Avec l’avènement du tourisme de masse à Budapest, est-ce qu’on peut parler comme pour Prague, d’une forme de «disneylandisation» de l’espace urbain ?

Ce qui s’est passé à Prague il y a quelques années, a pris à Budapest un tournant assez différent. Là-bas, la privatisation a pris la forme d’une restitution, et ça a très vite bénéficié aux expatriés et aux touristes, puis des hôtels ont été aménagés dans les vieux immeubles. Du fait que les immeubles anciens appartenaient aux mêmes propriétaires, c’était intéressant de les transformer en hôtel. Dans le cas hongrois, le processus de privatisation a morcelé la propriété du bâti, et beaucoup de personnes ont acheté avant tout pour des raisons de cadre de vie, et non de profit. Ce qui fait que les acteurs capitalistes n’ont pas investi ce marché chez nous, car il aurait fallu négocier avec trop de monde.

«Budapest attire davantage des jeunes fêtards et des enterrements de vie de garçon»

À Cracovie, le taux de locataires est également plus élevé qu’à Budapest, et l’immobilier y est globalement plus cher, ainsi que les loyers. Ensuite, ce qui a aussi joué à Prague, c’est la proximité immédiate de l’Allemagne. La spécificité de Budapest en Europe centrale, c’est que la «disneylandisation» a produit davantage de bars que d’hôtels, ce qui fait que la capitale hongroise n’attire pas autant de vieux touristes américains à la recherche de l’exotisme des villes d’Europe de l’Est, mais davantage des jeunes fêtards et des enterrements de vie de garçon. Mais bon, les choses changent aussi de ce côté là, car on observe de plus en plus de familles avec enfants dans le quartier de la fête.

Ce que j’ai également constaté ces dix dernières années, c’est qu’à la différence des autres capitales de la région, le phénomène budapestois n’a pas été anticipé ni planifié de cette façon. À Prague par exemple, le marketing urbain a mis en avant l’image de la «ville médiévale romantique», alors qu’à Budapest, il n’y a jamais de telle stratégie touristique. Si les projets imaginés au début des années 1990 s’étaient réalisés, le 7e arrondissement, ou en tout cas le quartier festif, serait devenu à coup sûr un quartier résidentiel haut standing.

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Les socialistes hongrois peaufinent leur stratégie pour dévisser Viktor Orbán

Thu, 19/01/2017 - 11:35
Après plusieurs semaines de confusion entre László Botka et la direction du MSzP, c’est finalement le maire de Szeged qui va prendre la main dans les tractations entre le Parti socialiste et les autres formations de gauche.

László Botka s’est vu confier hier la gestion des négociations entre le Parti socialiste hongrois (MSzP) et les différents partis de gauche. Cette décision de la direction socialiste clôt ainsi deux semaines de tension entre le parti à l’œillet et son candidat, lequel souhaitait entamer au plus vite le travail de rassemblement de l’opposition progressiste. Elle confirme également l’abandon définitif de l’idée de primaire qui commençait pourtant à faire consensus ces derniers mois.

László Botka s’est félicité de cette issue et a déclaré vouloir commencer les pourparlers au plus vite avec la Coalition démocratique (DK) ainsi qu’Ensemble (Együtt) et Dialogue (Párbeszéd). Selon Index.hu, le candidat socialiste devra gérer le cas très délicat de Ferenc Gyurcsány, ancien premier ministre MSzP et fondateur de DK. Cette personnalité décriée, tenue pour beaucoup comme le responsable de la déroute de la gauche face à Viktor Orbán, misait jusqu’à présent sur l’absence de leadership socialiste pour revenir dans l’arène politique. La désignation du très populaire maire de Szeged László Botka change radicalement la donne, d’autant que ce dernier ne cache pas sa volonté de renouveler l’offre et le personnel politique de la gauche.

Pour 2018, les socialistes hongrois ont trouvé leur candidat providentiel

Les discussions entre les différents partis et le candidat du MSzP vont se dérouler à huis-clos de façon à ne pas alimenter le feuilleton des divisions de l’opposition. La confirmation de László Botka par les socialistes signifie également que ces derniers se sont finalement ralliés aux conditions fixées par le maire de Szeged en décembre dernier : l’union de la gauche autour d’un projet politique commun ainsi qu’une répartition des candidats dans les circonscriptions qui se fasse au cas par cas, indépendamment des appartenances partisanes. László Botka ne cache pas ses velléités de recomposition du paysage politique hongrois autour d’un nouveau grand parti de gauche. Son mot d’ordre, ainsi que celui de sa campagne, devrait être celui d’une « nouvelle justice sociale » pour la Hongrie.

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On fête l’investiture de Donald Trump vendredi à Budapest

Thu, 19/01/2017 - 11:13
Des soutiens du Premier ministre Viktor Orbán préparent un rassemblement en faveur du nouveau président américain Donald Trump.

Ce vendredi, jour même de l’investiture de Donald Trump à la Maison Blanche, une fondation de droite (’56 Lángja Alapítvány) organisera un rassemblement sur la Place de la Liberté à Budapest, non loin du parlement national. De façon symbolique, c’est précisément entre la statue de Ronald Reagan et le mémorial aux soldats soviétiques, que se déroulera l’évènement, à 17 heures.

Il ne  faut pas s’imaginer un rassemblement populaire pour autant, et il n’y aura probablement pas foule au rendez-vous. Mais des personnalités très proches du pouvoir seront présentes, telles que l’économiste László Bogár et l’analyste politique György Nógrádi. Parmi elles, le journaliste-polémiste Zsolt Bayer, encarté de la première heure au Fidesz et connu pour ses diatribes racistes dans le journal « Magyar Hírlap », prononcera un discours.

Dans un communiqué, la fondation explique sa motivation en ces termes abstraits : « Nous avons attendu des décennies pour un miracle qui empêche au dernier moment notre monde de se précipiter tête baissée vers la destruction. Nous espérerons que ce miracle est en train de naître« .

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Amnesty demande la libération d’un Syrien condamné pour terrorisme en Hongrie

Wed, 18/01/2017 - 18:43
Amnesty International vient de lancer une pétition en ligne afin d’obtenir la libération d’Ahmed Hamed, condamné à dix ans de réclusion pour « acte de terreur » lors d’une émeute en septembre 2015 à la frontière serbo-hongroise.

Le tribunal de Szeged, dans le sud de la Hongrie, a jugé Ahmed Hamed coupable d’« acte de terreur » à la fin du mois de novembre dernier. A tort, selon l’ONG qui précise que ce jugement en première instance a été rendu au titre d’une législation hongroise relative à la lutte contre le terrorisme, dont elle estime que « les termes sont extrêmement vagues ».

Comme nous le racontions peu après sa condamnation, l’histoire d’Ahmed Hamed est tout à fait singulière puisque celui-ci n’est pas un « migrant », mais résidant depuis de nombreuses années à Chypre, qu’il avait quitté pour aider sa famille fuyant la Syrie à se réfugier en Allemagne.

Concrètement, la Justice hongroise lui reproche d’avoir jeté trois pierres en direction des forces de l’ordre pour forcer le passage de la frontière hongroise lors d’une émeute le 16 septembre 2015, soit le lendemain de la fermeture par Budapest du rideau de barbelés sur la frontière Schengen entre la Hongrie et la Serbie.

Amnesty espère obtenir 15 000 signatures pour cette pétition.

Des législations « orwelliennes »

Amnesty réclame également à la Hongrie de mettre fin à « l’utilisation abusive » de ses lois antiterroristes et d' »arrêter de faire des déclarations qui établissent un lien entre les migrations et le terrorisme« .

L’ONG vient aussi de publier un rapport très critique sur les législations pour lutter contre le terrorisme de plusieurs pays européens : « Antiterrorisme en Europe : des lois orwelliennes« . Concernant la Hongrie, Amnesty critique le « sixième amendement » à la Constitution promulgué en juin 2016 qui définit une « situation de menace terroriste » trop vague selon l’ONG et qui instaurerait un régime d’exception restreignant le droit à la liberté d’association et de rassemblement pacifique, le droit à la vie privée et le droit de circuler librement.

Un Syrien condamné pour l’exemple en Hongrie ?

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Mon hommage à Ildikó et aux «védőnő»

Wed, 18/01/2017 - 14:05
Toute jeune étudiante en première année de médecine, étrangère, sans entourage familial à proximité, j’attendais mon premier enfant en 1977 en Hongrie. Très vite, je fus prise en charge d’une façon très rassurante non seulement médicalement mais aussi par un tissage social très efficace.

L’organisation du réseau des « védőnő », ce qui signifie littéralement « femme protectrice », remonte à 1915. Il fut fondé alors sous le nom de Fédération Nationale Stéphanie pour la Protection des Mères et des Enfants. Stéphanie, princesse de Belgique, veuve de l’archiduc Rodolphe d’Autriche avait épousé en secondes noces le comte hongrois Elemér Lónyay. Elle était la marraine de cette initiative. Après la seconde guerre mondiale, ce réseau unique au monde fut restructuré et rebaptisé en Service des Femmes protectrices. Cette expression peut sembler emphatique mais elle reflète la philosophie du rôle de ces femmes respectées dans la société hongroise, au-delà des changements et des régimes politiques. Chaque quartier, chaque village, chaque école est, maintenant encore, sous la responsabilité d’une professionnelle très bien formée et qui a des compétences limitées mais intégratives en accompagnement social, en soins infirmiers, obstétrique, puériculture et diététique. J’ai donc bénéficié de ce service en 1977 comme jeune maman.

Dès que ma grossesse fut confirmée, je dus me présenter à la consultation obstétricale de mon quartier. Là, je rencontrai Ildikó, une femme d’une quarantaine d’année, charismatique, la poitrine bien serrée dans sa blouse blanche trop étroite et les pieds chaussés de drôles de petites bottines blanches, lacées, à bouts et talons ouverts. À cette époque toutes les femmes de Hongrie faisant un métier debout, infirmières, serveuses, coiffeuses, vendeuses, portaient ces chaussures uniformisées destinées à prévenir les varices. Ildikó, ma protectrice, sans me demander mon avis, c’était la règle à l’époque, prit les choses en mains. Elle s’occupait d’ailleurs avec la même autorité des jeunes mamans sans expérience que des mères de famille plus nombreuse. Enregistrement administratif, premières mesures médicales, tout fut rondement mené avant que je rencontre le médecin. Convoquée tous les mois je rencontrais toujours une dizaine d’autres jeunes femmes suivies par Ildikó. Dans la salle d’attente les conversations étaient générales, les confidences n’étaient plus confidentielles, les informations circulaient, le groupe rassurait, Ildikó régnait. Le médecin, toujours un homme, restait cantonné dans un rôle très technique.

Très rapidement Ildikó se présenta chez moi comme elle le faisait régulièrement chez ses autres protégées. Elle travaillait, ainsi que toutes ses collègues, suivant un protocole strict traitant tous les domaines et qui ne pouvait être remis en question. Au-delà de son activité paramédicale elle s’assurait dans une attitude fine mais déterminée que mon logement était bien tenu, que je commençais à préparer le trousseau du bébé, que je menais une vie adaptée au développement optimal de mon enfant. Elle me parlait de l’importance de la « pólya », sorte de maillot matelassé permettant de porter le bébé en toute sécurité, du repassage des couches pour éviter les infections, de la préparation du thé à la camomille pour l’hydratation du bébé et du thé au cumin pour calmer ses maux de ventre. Elle m’apprit à couper le lait de vache si le lait maternel venait à manquer et nous eûmes des discussions véhémentes sur l’introduction du premier légume dans l’alimentation du bébé. Carotte à la française ou pomme de terre à la hongroise ? Déjà une différence culturelle !

Elle était également tenue d’accompagner le pédiatre à domicile dans les trois jours suivant le retour à la maison après la naissance. Là, elle notait l’examen minutieux qui servait de base au suivi de l’enfant. La question de l’allaitement fut abordée comme une évidente obligation et non comme un choix. A posteriori cette attitude paraît très intrusive, elle l’est avec le regard d’aujourd’hui, mais à cette époque et dans ce pays où le collectif primait sur l’individu cette prise en charge de tous les aspects d’une situation très intime était difficilement négociable. D’autre part ces femmes protectrices étaient de vrais soldats de première ligne dans la grande cause qu’était la prévention dans l’action médicale et sociale. Elles suivaient les enfants de la conception à l’adolescence, travaillant avec l’obstétricien et le pédiatre de quartier, en donnant à toutes les mères le même enseignement, les mêmes conseils, la même présence, le même accès aux services. Personnellement, loin de ma mère à qui j’aurais pu demander conseil dans cette situation particulière, les communications téléphoniques avec la France étant très difficiles -deux heures d’attente au minimum pour une conversation sans doute surveillée- j’appréciais cette sollicitude.

L’Union Européenne était loin de la Hongrie il y a quarante ans, je venais d’un pays où le régime politique, les valeurs économiques et sociétales dans lesquelles j’avais été élevée étaient diamétralement opposés à ceux de mon pays d’accueil et pourtant j’ai joui des mêmes droits sociaux, des mêmes aides financières que les Hongroises au nom d’une solidarité universelle remise en question aujourd’hui. Dix ans plus tard, de l’autre côté du miroir, derrière le bureau et à la table d’examen du gynécologue que j’étais devenue, j’eus la chance de travailler avec une autre Ildikó, protectrice des femmes de mon quartier. Mon éternelle reconnaissance !

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