Vicky Ford présente son rapport sur le contrôle des armes dans son bureau (crédit : Vicky Ford / Facebook)
(BRUXELLES2) Elle s’appelle Vicky Ford et est la rapportrice du rapport sur le contrôle des armes que s’apprête à voter la commission de l’Industrie aujourd’hui (cet après-midi).
Le Moins légiférer en guise d’idéologie
Cette députée de l’East England est une conservatrice pur jus. Elle pourfend le ‘Red Tape‘. Autrement dit : « moins on légifère, mieux c’est », « plus les individus et entreprises font ce qu’ils veulent, mieux c’est »… Sous ces termes, se cachent en fait l’idéologie du laissez-faire et de « loi du plus fort ». On a vu ce qu’un tel résultat produisait au niveau financier. L’eurodéputée entend reproduire le même schéma sur la législation sur les armes. Ce qui est plus que dangereux.
Une proposition intéressante
La Commission européenne a proposé en novembre une législation intéressante et assez ambitieuse, avec un objectif d’utilité publique (Lire : Un cadre plus strict sur la détention d’armes à feu proposé par la Commission). C’est assez rare pour être souligné. Cette proposition n’est sans doute pas parfaite. Mais elle part d’un constat assez juste. Les législations nationales sur la possession légale des armes sont fort différentes d’un pays à l’autre. A l’heure de l’ouverture des frontières, il faut resserrer les boulons, mettre fin à certaines dérives, interdire les armes d’assaut et armes semi-automatiques, rendre les désactivations d’armes plus efficaces dans tous les pays (la désactivation des armes dans certains pays est légère), soumettre les collectionneurs à un peu de contrôle et recenser de façon plus efficace les armes en circulation.
Le déclencheur Breivik
Une contexte du terrorisme, dans lequel est intervenue cette proposition, a fait immédiatement penser aux derniers actes commis à Paris. C’est vrai que certaines des armes utilisées dans ces attentats ont été acquises sur un marché « légal » ou « gris » (semi-légal), particulièrement florissant en Slovaquie et en République Tchèque, et non pas sur le marché « noir » (illégal). Ce qui motivait la législation ressortait davantage des différentes tueries commises avec des armes légalement acquises par des « loups solitaires », souvent jeunes. L’exemple type qui a fait réagir est l’attaque en Norvège commise par Anders Behring Breivik sur le camp d’été de la jeunesse du parti travailliste, il y a presque 5 ans, le 22 juillet 2011. Bilan : 77 morts. Breivik a utilisé des armes à feu semi-automatiques, dont un pistolet Glock 34. Il avait un permis de chasse et était membre d’un club de tir. De quoi faire réfléchir… (lire aussi : Massacres à l’arme semi-automatique… Pour se rafraîchir la mémoire).
Un certain consensus dans les Etats membres
Les Etats membres ont apporté certaines corrections à cette directive, en juin, avec un certain consensus. Quelques pays restent hostiles à cette législation : la Slovaquie et la République Tchèque, notamment, freinent des 4 fers. Une position plus que trouble, qui interpelle. Car la législation et l’application des règles de ventes d’armes de ces deux pays est réputée « plutôt lâche » pour reprendre les termes, d’un expert de la sécurité consulté par B2.
Des arguments d’apparence technique qui n’ont qu’un but
Les amendements présentés en commission (environ 1000) sont d’apparence technique, arguant du « bon sens ». Il ne faut pas se leurrer ! Leur objectif est bien de détricoter, au maximum, la proposition de la Commission. Par exemple, on modifie les critères de désactivation d’armes, patiemment négociés entre les différents Etats membres, de manière à les rendre plus laxistes. La rapportrice veut aussi remettre en cause le fait d’avoir une législation communautaire pour les collectionneurs, renvoyant à une législation nationale. Ce qui revient à annihiler toute réglementation (1).
Une eurodéputée sous la pression des lobbys d’armes
Sous un dehors « du bon sens », Vicky Ford cède, en fait, à (certaines) sociétés de chasse, à (quelques) porteurs d’armes et surtout aux revendeurs d’armes outre-manche, qui ont fait un énorme lobbying et une énorme pression (lire aussi : Le lobby des armes monte au créneau contre le renforcement de la législation). Face à cela, les partisans de l’ordre public, de la sécurité, des droits de l’Homme restent plutôt timides et silencieux. En tout cas, ils n’ont pas la même puissance de frappe (financière et médiatique) que les vendeurs d’armes. Entre quelques gros sous et la vie de quelques jeunes, Vicky Ford a choisi…
La campagne de Firearms United pour la liberté des armes semi-automatiques
Le joli hobby de quelques uns doit-il prendre le pas sur la sécurité publique
Les partisans des armes parlent de « sport ». Et certains clubs de chasse défendent cet « art ». On peut le comprendre avec des armes de précision qui tirent au coup par coup. Mais balancer à l’arme semi-automatique sur des cibles… n’est pas vraiment du sport. C’est un problème de société. Et il n’est pas interdit d’interdire à ce moment-là. Le petit plaisir, particulier, mortifère des uns, ne doit pas l’emporter sur l’intérêt de la société et la sécurité publique. Il y a beaucoup d’autres sports, plus relaxants, et moins nocifs à pratiquer. Un peu de marche en montagne, de la course à pied, de la voile, etc.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Dans certains pays, les collectionneurs d’armes sont soumis à une législation précise. Dans d’autres, c’est quasiment libre. Tout le monde peut se prétendre collectionneur et, du coup, acheter (pour collection) des armes.
Lire :
Cérémonie du souvenir en juillet 2015 (crédit : Twitter Jens Stoltenberg)
(BRUXELLES2) Sans remonter dans les années 1980, ces dix dernières années sont émaillées « d’incidents » qui font frémir. Le scénario semble toujours le même. Un individu, qui achète tout à fait légalement une arme, s’inscrit parfois dans un club de tir, s’en va commettre un véritable massacre, avec à l’arrivée, à chaque fois, un bilan qui se chiffre en un nombre de vies perdues important. Souvent des jeunes ! Le bilan de chaque tuerie équivaut à celui d’un attentat d’intensité ‘moyenne’.
Les lobbys d’armes qui prétendent qu’interdire certaines armes est une atteinte à la liberté individuelle, ou à la propriété, et qu’encadrer plus strictement le marché légal des armes n’aurait aucun poids sur les crimes commis commettent une lourde duperie. Il n’y a pas de droit à porter une arme, juste pour le plaisir en Europe. En revanche, il existe un droit à la sécurité publique.
Des armes acquises, tout à fait légalement, peuvent tout autant tuer que des armes acquises illégalement. Il n’y a pas que le marché illégal des armes qui alimente le crime. Les faits sont têtus. Plusieurs attaques à l’arme automatique ou semi-automatique ont été commises dans les dix dernières années en Europe, par des personnes, bien sous tous rapports (apparemment), ayant acquis tout à fait légalement leurs armes et enregistrées dans des clubs de tirs, bien souvent.
Une utilisation d’armes semi-automatique qui a été au paroxysme avec le cas Breivik en Norvège à l’été 2011. Les pays anglo-saxons et nordiques semblent plus atteints par cette vague (peut-être du fait du nombre d’armes qui sont en circulation). Mais, aucun pays ne semble à l’abri. C’est un problème qui ne doit pas être négligé aujourd’hui.
7 novembre 2007, Jokela (Finlande). Un jeune de 18 ans, Pekka-Eric Auvinen, surgit dans son lycée de Jokela. Il tire, tuant huit personnes (5 lycéens, 2 lycéennes et la proviseure du lycée) avant de se suicider d’une balle dans la tête. Une douzaine de blessés sont également relevés. Auvinen avait reçu son permis d’armes à feu quelques jours auparavant, en octobre, puis acheté un semi-automatique (SIG Sauer Mosquito calibre 22) et 500 cartouches de munitions. Il était un membre enregistré du Helsinki Shooting Club depuis le 31 août et avait assisté à une session de formation d’une heure.
23 septembre 2008, Kauhajoki (Finlande). Un incident similaire se déroule un an plus tard sur le campus de l’Université des Sciences appliquées de Seinäjoki. Un étudiant de 22 ans, Matti Juhani Saari, arrive masqué, tire au jugé, tuant dix personnes (8 étudiantes, 1 étudiant, 1 professeur) avec un pistolet semi-automatique Walther P22, avant de se tirer une balle dans la tête. L’assassin, là encore, était membre d’un club de tir local et avait obtenu, juste avant (août 2008) une licence pour un pistolet de calibre 22 (5,6 mm). Il avait même été interrogé la veille du massacre par la police après avoir diffusé une vidéo le montrant s’entraîner au tir, sans retrait de l’arme.
11 mars 2009, Winnenden (Allemagne). Rebelote, cette fois en Allemagne. Un étudiant de 17 ans, Tim Kretschmer, tire dans une école secondaire, le collège Albertville-Realschule (qu’il avait fréquenté un an plus tôt). Il est armé d’un pistolet semi-automatique Beretta 9 mm. Bilan : 15 morts (huit filles et un garçon, trois institutrices, un passant et deux vendeurs d’une concession automobile) + l’agresseur qui se suicide. Le père de Tim Kretschmer possédait légalement 15 armes à feu en tant que membre d’un club de tireurs d’élite local (Schützenverein). L’arme utilisée par Tim est retrouvée manquante dans ce stock, ainsi que plusieurs centaines de cartouches de munitions. Quatorze des armes à feu étaient tenus dans un coffre-fort, comme prévu. Mais le Beretta était dans la chambre à coucher. Une procédure pénale est engagée contre le père pour homicide par négligence. Un débat s’engage sur la nécessité de renforcer le contrôle des armes. Malgré le poids des clubs de tirs, cela aboutit à la création d’un registre national des armes (au lieu d’un enregistrement par Länder).
2 juin 2010, Cumbria (Royaume-Uni). Un tireur isolé, Derrick Bird, tue 12 personnes et en blesse 11 autres avant de se suicider. Un des pires actes criminels avec armes à feu de l’histoire britannique. Bird était titulaire d’armes à feu sous licence. Il a tiré un total d’au moins 47 balles au cours de la plupart des tirs (29 avec son fusil de chasse, 18 avec son fusil 22 long rifle). Il avait chez lui un véritable arsenal : plus de 750 balles de 22 mm, 240 balles de fusil de chasse.
9 avril 2011, Alphen aan den Rijn (Pays-Bas). Tristan van der Vlis, 24 ans, fait irruption dans le centre commercial Ridderhof, à environ 33 kilomètres au sud-ouest d’Amsterdam. Vêtu d’un gilet pare-balles, il tire. Bilan : sept morts (six sur le coup et un blessé décédé par la suite) + le tueur, et 16 blessés. L’auteur était membre d’une association de tir et possédait trois armes à feu : un semi-automatique Smith & Wesson M&P15-22, d’un pistolet Colt M1911 de calibre .45, et d’un revolver Magnum Taurus Raging Bull .44. Il présente des antécédents de problèmes psychologiques et psychiatriques (notamment la schizophrénie paranoïde). L’évènement aux Pays-Bas sème l’émotion. Le Premier ministre est alors, Mark Rutte, toujours à la tête du gouvernement.
22 juillet 2011, Utøya (Norvège). Anders Behring Breivik fait irruption dans le camp d’été de la jeunesse du parti travailliste. Armé d’un pistolet semi-automatique (un Glock 34 avec un magasin de 17 balles), d’un fusil semi-automatique Ruger Mini-14 et de quelque 3000 cartouches, il va parcourir le camp semant la mort au passage. Il tire 121 fois. Bilan : 69 morts et plus d’une centaine de blessés. La plupart sont très jeunes : de 14 à 19 ans. C’est une partie de la jeunesse norvégienne qui est fauchée. Ils s’ajoutent aux 8 morts commis par le même individu dans un attentat à la bombe contre un bâtiment abritant le siège du parti travailliste à Oslo (le dirigeant du parti, Jens Stoltenberg, l’actuel secrétaire général de l’OTAN, est heureusement absent). Breivik avait un permis de chasse et était membre d’un club de tir.Il avait un permis de chasse et était membre d’un club de tir.
(NGV)