Paul Magnette à la Commission européenne lors d’une conférence sur le budget (crédit : CE / Archives B2 septembre 2016)
(BRUXELLES2) Son nom n’était connu que d’un cercle restreint de spécialistes de l’Europe ou du monde politique belge. En quelques jours, Paul Magnette est devenu le symbole d’une Belgique francophone qui existe sur la planète Europe et résiste face à la Flandre. Voir dans ce positionnement uniquement des raisons politiciennes est une erreur, il y a davantage que cela, une conviction personnelle dans la façon de faire de politique.
Pas un extrémiste
Voir dans cette position l’expression d’un gauchisme exacerbé est également une erreur. Il ne faut pas s’y tromper. Magnette n’a rien d’un extrémiste ou d’un alter mondialiste utopique, c’est avant tout un homme pragmatique, socialiste plus proche des sociaux-démocrates que de l’extrême gauche. A l’échelle du village d’Astérix qui semble aujourd’hui être le symbole de la Wallonie, il jouerait davantage le rôle du druide Panoramix que de celui du chef de village Abraracourcix. Et si on devait le classer sur un échantillon français, il serait certainement plus rocardien que adepte de Mélenchon. Seulement Paul Magnette a une ambition et une expérience personnelle qui lui donne une carrure que peu d’hommes politiques ont jusqu’ici pu atteindre sur les questions européennes en particulier. Et il connait parfaitement les rouages institutionnels belges qui ont donné aux régions et aux communautés le pouvoir d’approuver les traités européens … comme l’Etat fédéral. Au surplus il a un certain charme. Ce qui ne gâte rien et lui donne dans la gente féminine une aura que n’atteignent que très peu d’hommes politiques (dans les couloirs de l’ULB, il est surnommé « le Ken de Barbie », c’est dire…).
Un homme de conviction européenne
Professeur en sciences politiques, spécialiste des questions européennes, directeur de l’Institut d’études européennes de l’université libre de Bruxelles (ULB), Paul Magnette a une réputation de sérieux qui n’est plus à faire dans les milieux européens. Avant d’être un homme politique, c’est « un intellectuel, au raisonnement très construit, imprégné de toute la pensée politique européenne, fin spécialiste des questions de démocratie » explique Vaïa Demertzis, chercheuse au Crisp un des principaux centres de recherche politique du Royaume. Sa thèse était d’ailleurs consacrée à la « citoyenneté et à la construction européenne » (1). C’est sa spécialité, sa marotte… Comment amener de la démocratie dans le fonctionnement européen. Avec le CETA, il trouve ainsi un terrain d’expérimentation à sa mesure, lui permettant de mettre en œuvre concrètement sa théorie. Sa phrase sur la nécessité de ne pas recourir à l’arbitrage privé mais à des tribunaux publics n’est pas juste de pure forme. « Nous ne voulons pas d’arbitrage privé. Les conflits entre multinationales et États doivent être tranchés par des juridictions publiques ». C’est une conviction personnelle.
Arrivé tardivement en politique
C’est à partir de 2007, à 36 ans, qu’il bascule en politique. Il est choisi par le chef du parti socialiste, Elio Di Rupo, pour aller faire le ménage à Charleroi, une ville ouvrière, historiquement socialiste, mais où la corruption est notoire. Mission qu’il réussit. Il reviendra à Charleroi comme bourgmestre (maire) en 2012, poste qu’il assure toujours. Entretemps, il est nommé ministre, d’abord en Wallonie à la Santé puis au niveau fédéral en charge de l’Énergie et du Climat dans le gouvernement de Guy Verhofstadt. En 2013, il prend même la tête du PS par intérim pour remplacer son mentor en politique, Elio di Rupo, passé Premier ministre. En 2014, il devient président de la Région wallonne, un peu par défaut. Il en fait son laboratoire personnel. La région s’est ainsi très vite mobilisée sur l’accord économique global et de libre échange avec le Canada, en organisant plusieurs séances de travail et d’auditions.
Un fort soutien populaire
Le « non » wallon au CETA n’est donc pas tombé du ciel. A défaut d’être prévisible, il est logique… Au sein du parlement wallon, il n’y a qu’un parti, le mouvement réformateur (libéral) dont est issu le Premier ministre fédéral, Charles Michel, qui soutient le CETA. Tous les partis, sans exception — des chrétiens-démocrates CDH tout aussi déterminés que l’extrême gauche du PTB en passant par les Ecolos — sont vent debout contre. Une position partagée par la société civile que ce soit au niveau des trois principaux syndicats — socialiste, chrétien et libéral — des agriculteurs ou ONG de développement comme le CNCD 11.11.11. Cette question fédère d’ailleurs tous les francophones au-delà de la Wallonie. Puisque la région de Bruxelles a aussi dit presque non. Elle assure à Paul Magnette une réelle assise populaire lui permettant de dire calmement… non. Une position d’autant plus intéressante qu’il a tout à gagner sur le plan de la politique interne.
Une bataille interne
Bousculé par le PTB, le parti d’extrême gauche d’inspiration maoiste, le parti socialiste doit se refaire une virginité à gauche. « En accentuant sur l’aspect de la démocratie — un point qui n’est pas vraiment défendu par l’extrême gauche, Magnette enfonce également un coin sensible chez les personnes ralliées récemment au PTB » nous explique Vaïa Demertzis. Il met dans le même temps en difficulté le Premier ministre Charles Michel (Libéral) qui n’a pas les moyens d’imposer son autorité sur une région autonome, d’autant plus qu’au plan régional son parti est … dans l’opposition. Il envoie également un signal à la Flandre qui avait bataillé pour octroyer la compétence du commerce extérieur aux régions, se retrouve aujourd’hui victime de sa propre victoire. Même s’il est venu tardivement en politique, Paul Magnette est un ambitieux et sait se ménager des marges de manœuvre pour des batailles futures.
Magnette pourrait, dans cette confrontation du CETA, gagner ses galons de capitaine pour les échéances futures : élections communales en 2018 et législatives de 2019. Gageons qu’il ne s’arrêtera pas à son poste de président de la région wallonne…
(Nicolas Gros-Verheyde)
Commentaire : la fin d’une partie
Dans ce dossier, les autorités européennes ont fait preuve d’une incroyable maladresse et ont surtout largement sous-estimé la détermination wallonne. En ne déminant pas le sujet au préalable, et en préférant jouer la montre et le dernier moment pour commencer à négocier, une tactique de négociation normalement efficace, l’exécutif européen a perdu une part de sa sagesse naturelle.
Une erreur de jugement
En adressant coup sur coup plusieurs ultimatums aux Belges pour se prononcer, les Européens n’ont pas réussi à recueillir le « Oui » espéré. Au contraire… En se croyant en position d’échapper à cette maxime belge — « il n’y a d’accord sur rien tant qu’il n’y a pas d’accord sur tout » — la Commission a commis une erreur culturelle notable. La négociation au forceps fait partie intrinsèque de la vie politique belge. Il faut savoir montrer les muscles, dire non au besoin, pour entrer en négociation. Si tout est négociable en Belgique, le principe de la négociation ne l’est pas. Tel un tennisman de fond de cours, Paul Magnette a ensuite pu aisément renvoyer la balle à l’envoyeur. « Nous avons déjà reçu trois ultimatums de part et d’autre. On ne tolèrera pas un quatrième ultimatum » a-t-il déclaré mardi soir juste avant d’entrer dans une enième séance de négociation. De quoi le positionner encore plus dans le camp « dur ».
Une signature finale du Traité avec quelques petits ajouts
Certes la signature du Traité aura bien lieu finalement. L’accord intervenu entre les autorités belges ce jeudi (27 octobre), auquel les ambassadeurs de l’UE ont donné leur aval lors d’une réunion extraordinaire qui a été rapide (une bonne heure et demie à 28, c’est rapide). Reste à faire entériner par les différents parlements de Belgique (dont les Wallons et les Bruxellois). Et Justin Trudeau pourra prendre l’avion pour Bruxelles pour signer l’accord sur le CETA et les dispositions provisoires d’entrée en vigueur. Restera alors une autre paire de manche : la ratification par les 28 États membres (dont les 7 niveaux parlementaires belges!).
La fin d’une négociation à l’ancienne
Mais le débat imposé sur la Wallonie aura sans doute réveillé une certaine apathie en Europe dans les milieux parlementaires. Un Parlement n’est pas là que pour dire Oui mais aussi négocier certaines conditions. Les ajouts voulus par les francophones belges modifient pas complètement la donne mais ils changent nettement l’esprit de la négociation internationale. Le dispositif à l’ancienne — où la Commission européenne négocie dans son coin et ne rend pas compte publiquement des avancées de la négociation — parait difficile à tenir. Il faudra obtenir un consensus plus large de la négociation avec les 28 parlements (voire plus si les parlements régionaux sont impliqués) avant même l’idée de pouvoir négocier un traité de libre échange.
(NGV)
Papier enrichi, commenté et mis à jour de l’article publié dans l’édition de Sud-Ouest mercredi
(1) Dont le titre exact est « Citoyenneté et construction européenne. Etude de la formation du concept de citoyenneté et de la recomposition de ses formes institutionnelles dans le cadre de la construction européenne » sous la direction de Mario Telo. Et publiée sous forme d’ouvrage : La citoyenneté européenne. Droits, politiques, institutions (ULB, 1999).
Paul Magnette a notamment publié plusieurs ouvrages autour de ces questions qui montre qu’il ne s’agit pas d’une découverte récente de sa part mais bien d’une marotte ancienne. Remarquons notamment :
• Repenser l’Europe (ULB, 1996) avec Mario Telo.
• Contrôler l’Europe. Pouvoirs et responsabilité dans l’Union européenne (ULB/IEE, 2003). « La crise institutionnelle de 1999, qui a vu tomber la Commission de Bruxelles menacée de censure, a révélé au grand public les travers d’un système politique construit sans plan d’ensemble, par ajustements graduels. (L’auteur) montre, en examinant la genèse et la pratique des mécanismes de responsabilité dans l’Union, que la crise n’est pas seulement passagère, mais qu’elle tient aussi à certaines des caractéristiques fondamentales du système politique européen. »
• Vers un renouveau du parlementarisme en Europe ? (ULB/IEE, 2004) avec Olivier Costa (Sciences Po Bordeaux).
• Une Europe des élites ? Réflexions sur la fracture démocratique de l’Union européenne (ULB/IEE, 2007) avec Olivier Costa, et Eric Kerrouche.
NATO defense ministers gathered in Brussels to follow up on the decisions taken at the Warsaw Summit in July. The core issue will be again Russia and its assertive military moves in Europe and beyond. In light of the continued meddling of Russia in the Eastern Ukrainian conflict, the deployment of Iskander missiles to Kalinigrad, the provocative military maneuvers from the Baltics to the English Channel and its heavy military engagement in Syria, NATO-Russia relations are not about to improve drastically any time soon.
The United States has taken the lead in the formation of a response by the alliance by providing the core strength of four battle groups to be deployed in the Baltics and in Poland. Germany, Britain and Canada have already made the commitment to lead a battlegroup as a framework nation, and it is expected that France, Denmark, Italy and other allies will offer military contributions at the current ministerial Summit. Strengthening NATO’s readiness and demonstrating solidarity is of course vital for the Alliance, however, in today’s security environment not enough.
From Russia’s hybrid warfare to increasing cybersecurity challenges to widespread transnational threats and challenges – such as illegal migration - in the Mediterranean security challenges outside the realm of traditional defense matters are rising. The lines between military and other types of security challenges are becoming ever more blurred, hence battling them requires comprehensive responses, including building partnerships with organizations better equipped to deal with the challenges.
Of course in a way this is phenomena is not new, new security challenges were already emerging in the post cold war era, and NATO took notice, building partnerships with multiple stakeholders, from individual countries to international organizations, including the EU. The partnership with ‘the other institution’ in town has never been smooth, with well known obstacles such as US and British objections to an independent EU military structure or the Cyprus issue standing in the way of a strategic cooperation.
However, above all the increasing pressures in the Mediterranean emanating from the MENA region are forcing the EU and NATO closer together. In a joint session of NATO ministers with EU foreign policy chief Frederica Morgerini and other non-NATO member EU defense ministers a decision was made to continue NATO’s maritime mission in the East Aegean tackling human trafficking and to launch a similar mission, Operation Sea Guardian in the Central Mediterranean to support EU’s Operation Sophia. Deepening cooperation on countering hybrid threats, cyber defense and exercises were also on the table.
These tactical steps are to be warmly welcome by both organizations and each member state. The scope and the nature of the challenges suggest that only joint and coordinated efforts will deliver long term solutions or at least mitigate the negative effects of the crises in Europe’s vicinity. However, without proper harmonization of objectives and efforts at the strategic political level, they will remain ineffective.
Both institutions have to recognize, that non of the major security challenges could be dealt with effectively without the other organization, including the challenge posed by Russia. The latter could achieve some success in recent years because of its swift and decisive use of multiple elements of power and statecraft. In the end both NATO and the EU are multinational frameworks to better coordinate and allocate resources for the common good of its members and in order to project power. NATO’s military power and the EU’s political, economic and financial power should complement and mutually reinforce the effectiveness of the other.
Political leaders on both sides of the Atlantic should start by avoiding to deepen the challenges ahead. Here are some suggestions:
Demonstrating solidarity and resolve towards Russia is necessary, but keeping channels of communications towards Moscow open is vital. It takes two to tango, and one cannot push all the blame on Russia for the current hostile relationship.
Align rhetoric and stated political objectives with realistic goals and levels of commitment in the Middle East. It is tough to confront with it and partly against our sense of justice, but fostering stability should be the top priority in the current environment. This means above all helping the fight against terrorist groups by assisting local partners and allies and supporting a political resolution of the war in Syria.
As for the refugee and migration crisis, the priority should be saving lives, that is to stop the illegal flow of people through the Mediterranean. The way forward should be to help to establish stability in Libya and in neighboring countries, strengthen maritime and land border protection and discourage people from trying to reach Europe illegally. Yes, European states should help people in imminent danger, help provide their basic needs, help protect them, but offering them the prospect of ‘a la carte’ the social benefits of Europe and without limits in terms of numbers is a completely different story.
Language Undefined Tag: NATOEURussiaMiddle EastLe San Giorgio sera un des deux navires où les stagiaires libyens seront formés (crédit : Marine italienne, archives B2 – exercice Trident 2015)
(B2) Les marins de EUNAVFOR MED Sophia ont commencé, ce jeudi (27 octobre), la formation de la Garde côtière libyenne et de la marine libyenne, annonce le QG de l’opération à Rome.
Deux navires dédiés à la formation
La formation se déroulera sur deux navires qui ont été spécialement dédiés à cette fonction : le navire de débarquement italien San Giorgio (L 9892) et le Néerlandais Zs Ms Rotterdam (qui a intégré depuis la mi-octobre l’opération Sophia avec cette tâche spécifique jusqu’à la mi-décembre normalement). Elle se déroulera en « haute mer ». Mais les Européens ne préfèrent pas détailler la façon dont les stagiaires libyens rejoindront les navires, pour « raison de sécurité » (1) .
La formation pour 80 stagiaires
La formation va concerner 78 stagiaires qui ont été sélectionnés — et « screenés » au préalable. Ils seront embarqués avec leurs mentors. Le programme de formation initiale comporte divers modules — précise le QG de l’opération, allant « des compétences marines de base aux compétences plus avancées spécialisées », sans oublier une notion « substantielle » de formation sur les droits de l’homme et du droit international.
Quelques retards à l’allumage
Le démarrage de cette nouvelle activité n’a pas été sans difficultés et a pris quelque retards sur le planning projeté. La question de la sélection des Libyens devant être formés comme leur contrôle ultérieur par l’autorité libyenne, une fois formés, posant problème notamment. L’adjonction de deux nouvelles tâches avait été décidée par le Comité politique et de sécurité (COPS) en mai, avalisée par les ministres le 20 juin. Mais il a fallu encore plusieurs semaines de discussions, au niveau des ambassadeurs en général ou des experts de relations extérieures des 28 (lire : De nouvelles tâches pour EUNAVFOR Med Sophia. Non sans difficulté), pour aboutir à un accord sur le cadre de la formation.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Ce pourrait être avec les moyens libyens mais aussi des moyens légers européens dépêchés vers la Libye.
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