A l’aube du World Economic Forum (WEF) où se rencontreront les leaders politiques, business et intellectuels pour examiner les risques sociaux et politiques qui menacent la mondialisation des économies.s, nous avons décidé de nous pencher sur une des solutions à la refondation du capitalisme de marché qu’ils proposent.
Nous sommes aujourd’hui face à un marché où les emplois risquent de disparaitre petit à petit. Notamment grâce (ou à cause) de l’amélioration technologique : à mesure qu’elle s’améliore elle met aussi à mal certains secteurs économiques. Et même si d’autres sont créés, à mesure que s’accélère cette amélioration, les robots dotés d’une intelligence artificielle (de plus en plus généralisé) remplacent à bas cout les hommes et les femmes. On craint de plus en plus que les nouveaux secteurs ne seront pas créés en nombre suffisant ou suffisamment rapidement.
En Chine par exemple, neuf robots pas chers peuvent mettre au chômage 140 ouvriers.
Face à ce risque plusieurs réponses sont offerte aux quatre coins du monde :
Considérez qu’à partir de mois prochain, 1.000€ sont déposés sur votre compte en banque pour l’unique raison d’être un citoyen. Un revenu garanti quel que soit les autres sources de revenus dont vous pouvez bénéficier, un revenu qui vous garantit de commencer le mois au-dessus du seuil de pauvreté pour le reste de votre vie. Une sorte de sécurité sociale pour tous qui remplacerait les nombreux bénéfices temporaires qui sont accordé dans le cas d’urgences. Une utopie ? Pas tant que ça, l’idée prend de l’ampleur dans les esprits aux quatre coins du monde. Dans le spectre politique, à droite comme à gauche, l’idée est aussi reprise.
De nombreuses raisons soutiennent ce projet : l’inégalité salariale croissante, des dizaines d’année de salaire stagnant, la transformation de la durée de vie des carrières, la technologie qui prend un essor grandissant (de l’économie collaborative aux robots d’intelligence artificielle toujours plus poussé). Le World Economic Forum (WEF) fait même un lien entre la nécessité grandissante d’un revenu mensuel garanti pour tous et les changements récents tels que le Brexit et l’élection de Trump.
Qui soutient ce projet, où a-t-il été mis en place ?En Europe en général, des ministres européens ont recommandé aux états membres de considérer sérieusement un revenu universel de base. Et certains pays membres ont d’ores et déjà mis en place l’idée ou l’ont imbriquée dans leur agenda politique
En Finlande
Depuis le 1er janvier 2017, 2 000 chômeurs ont droit à une allocation de 560 versée chaque mois pendant deux ans. Il n’y a pas de conditions ni de contreparties. Au bout de ces deux années, cette étude permettra de voir l’impact du revenu de base chez les demandeurs d’emplois.
En France
Le sénateur EE-LV Jean Desessard, avait lancé une proposition de résolution pour l’instauration d’un revenu de base universel. Elle a été refusée.
Aujourd’hui c’est un grand thème de la campagne électorale qui divise les candidats de gauche.
o Montebourg et Peillon y sont fermement opposé
o Benoit Hamon propose un revenu universel de 750€
o Valls, lui, propose ce qu’il appelle un revenu minimum décent de 850€ sous conditions de ressources.
A droite, les candidats sont plus enclins à une refonte des minimas sociaux qui tendrait alors vers une ‘allocation universelle’.
En Allemagne
L’association ‘Mein Grundeinkommen’ repris le concept sans attendre que la sphère politique la mette en place. Financée grâce à un crowdfunding et offert à des citoyens tirés au sort dès que la cagnotte atteint les 12.000€ (soit 1.000€ par mois)
Aujourd’hui 73 personnes de tester le revenu de base pendant un an, sans condition ni contrepartie. Michael Bohmeyer, fondateur de l’initiative, explique vouloir donner la possibilité aux gens de faire l’expérience du revenu universel, inviter au questionnement et au dialogue.
Ce revenu est un transfert net. C’est-à-dire qu’il ne coute pas 20$ de donner 20$, que, pour reprendre l’exemple du Forum Economic Mondial, donner à tous les citoyens adultes 12.000€ et à tous les enfant 4.000€ qui continueraient à payer un montant variable de taxes, ne reviendrait pas à 3 trillion mais 30% de cette somme, soit 900 billion.
Avec cette nouvelle approche, les aides sociales seraient supprimées et l’impôt sur le revenu serait modifié. Au lieu d’être progressif il serait proportionnel dès le premier euro. Ces taxes seraient prélevées directement sur le revenu universel.
Des aides sociales qui, rapellons-le pèsent de plus en plus lourd. En France le système de protection sociale et des minima sociaux atteint un niveau incroyable où le chômage de masse persiste déjà depuis plus de trente ans
D’après le WEF il n’y a pas de lien de cause à effet, les personnes n’étant pas réellement motivées par l’argent lorsqu’elles travaillent.
Au contraire, offrant aux citoyens une liberté positive, elle affecte vos décisions présente et futures : du travail que vous choisissez des relations que vous maintenant mais aussi des risques que vous prenez.
Et encore mieux, des études révèlent que récompenser des activités avec de l’argent est un bon moyen pour le travail mécanique mais une faible motivation pour le travail créatif.
Sachant que ledit travail mécanique disparait petit à petit avec les améliorations technologiques, il ne resterait bientôt plus que le travail dit ‘créatif’. Celui-ci poursuit un goal plus important que l’argent, drillé par la motivation intrinsèque de l’individu. Alors n’est-ce pas le moment de changer de type de motivation, aller vers un nouveau modèle de société ?
Illustration de l’ACEF de Montréal
Le WEF a créé deux infographies comparatives du marché du travail. Une sans revenu minimum (A) et une avec (B)
Cliquer pour visualiser le diaporama.Pour en savoir plus :
https://www.weforum.org/agenda/2017/01/why-we-should-all-have-a-basic-income/
Halte au feu c’est le terme utilisé par les militaires pour faire cesser des tirs intempestifs, meurtriers le plus souvent. Les plus anciens d’entre nous conservent le souvenir de cas particulièrement dramatiques, notamment en France pendant la guerre d’Algérie.
Cet appel vise le président de la Commission européenne objet d’attaques incessantes et de toute nature depuis sa nomination. Elles me semblent excessives et surtout contreproductives. La dernière en date : l’ex Premier ministre du Luxembourg, aurait empêché l’UE de lutter contre l’évasion fiscale lorsqu’il était à la tête de son pays, selon des documents révélés récemment par le quotidien britannique The Guardian et le Consortium International de Journalistes d’Investigation. Cette information a été reprise et amplifiée ces dernières semaines par toute le presse et ces attaques ne datent pas d’aujourd’hui, bien avant même d’être investi comme président de la Commission
Rappelons que les pays européens ont été appelés à collaborer dans la lutte contre l’évasion fiscale, depuis près de 20 ans, au sein du comité « Fiscalité des entreprises » crée par le Conseil européen en 1998, également appelé groupe Primarolo. Cette enceinte est méconnue oubliée, rarement pour ne pas dire jamais citée dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale. Euractiv vient de rafraichir notre mémoire (cf. pour en savoir plus). Les petits pays, mais ils ne sont pas les seuls, y sont les plus ardents et les plus habiles dans ce genre de sport, l’évasion fiscale. Le terme de LuxLeaks est devenu la dénomination emblématique la plus connue, accolée généralement à celle de scandale. En effet c’est bien de scandale qu’il s’agit. Il ne s’agit pas de le minimiser ou de l’étouffer. Mais de grâce ne harcelez pas inutilement Jean-Claude Juncker. Au temps lointain où il était premier ministre, peut-être n’a-t-il pas fait preuve de toute la vigilance et de toute la détermination souhaitées, mais c’est ancien et il semble sincèrement engagé dans la lutte, une lutte gigantesque et à l’issue incertaine. De grâce n’affaiblissons pas Jean-Claude Juncker inutilement car c’est l’Institution que nous affaiblissons et par les temps actuels ce n’est pas notre intérêt.
En effet avec sa lucidité bien connue, Pierre Defraigne dans un article de la Libre Belgique vient de sonner l’alarme « l’Europe ne peut plus désormais compter que sur elle-même ». Pénétrons nous bien du sens et de la force de ces mots, de ce que cela veut dire concrètement pour la vie de tous les jours, de chaque jour et pour les rapports géostratégiques internationaux. Dans un tel contexte, ne nous privons pas inutilement d’un allié précieux à la vaste expérience. Les personnalités européennes d’une réelle envergure sont trop rare pour s’en priver de façon irréfléchie, voyez les difficultés que l’on a à remplacer Martin Schulz, l’ancien président du Parlement européen. Cela me rappelle cet excellent et talentueux collègue du Parlement européen qui critiquait avec ardeur la Commission européenne chaque fois qu’il me rencontrait et multipliait les sarcasmes jusqu’au jour où je lui posais la question : que feras-tu le jour où il n’y aura plus de Commission celle-ci ayant disparu sous les attaques en tout genre ? Il m’a alors répondu avec une parfaite bonne foi : « comme les chiens il ne me restera plus qu’à aboyer à la lune » (crier inutilement). Redoutons que nous ne soyons un jour la victime de ce genre de comportement. Travaillons à faire prendre conscience dans les Etats membres qu’ils n’ont pas de meilleurs alliés que la Commission elle-même, c’est sa nature institutionnelle. Dans ces attaques il y a un aspect sournois qui vise avant tout non pas Jean-Claude Juncker, mais la construction européenne elle-même.
Pour en rester aux problèmes institutionnels, il y a un combat de beaucoup plus prioritaire que de s’attaquer au président de la Commission, aussi imparfait soit-il. C’est la réforme de la loi électorale et tout particulièrement la désignation du président de la Commission. Des progrès importants ont été faits lors de la dernière élection mais ils sont insuffisants nous nous en rendons compte : les plaintes concernant le déficit démocratique restent nombreuses. Il n’y a pas d’élus dans toutes ces structures technocratiques, dit-on de façon un peu rapide. Même le Parlement européen n’arrive pas à convaincre malgré les progrès réalisés lors des dernières élections de 2014. Le pas suivant serait donc, outre le dispositif actuel, l’instauration de listes transnationales . La liste de qui arriverait en tête serait celle où serait choisi le président de la Commission en attendant le jour où il serait possible de faire une élection au suffrage universel directe avec un seul collège, celui des députés élus. Nous sommes profondément convaincus de la nécessité d’un système intégré de partis politiques au niveau européen pour favoriser un véritable débat sur les politiques européennes qui ne seraient pas entièrement phagocytées par les politiques, les enjeux nationaux et par les personnalités politiques nationales.
Les données sont connues et ont été mises sur la table avec le rapport de Danuta Hubner et Jo Leinen. Depuis les choses sont claires dans leur simplicité : le Conseil bloque. Il faut reconnaître que la procédure de réforme de la loi électorale ressemble davantage à une révision des traités qu’à une procédure législative ordinaire. Le Conseil doit approuver à l’unanimité les propositions du Parlement européen et les Etats membres doivent ratifier conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Il faut reconnaître aussi de façon réaliste que seules des approches successives, pas à pas et en plusieurs temps (au moins deux) permettront de progresser. Enfin il faut reconnaître que par le passé et maintenant, la procédure de l’élection et de leurs enjeux sont insuffisamment expliqués aux électeurs. Le temps presse et les élections c’est dans deux ans en 2019, demain matin ! Un des premiers objectifs est de préserver la pratique de 2014 et exclure la possibilité pour le Conseil européen de revenir aux temps antérieurs à Lisbonne où le choix du président de la Commission procédait d’arrangements obscurs conclus par les chefs d’Etat, toutes portes fermées. La désignation de candidats chefs de file par les partis politiques européens devra être une disposition contraignante dans le futur Acte électoral. Cela devrait consolider la procédure électoral actuel, mais aussi accorder aux partis politiques européen, en raison de la loi européenne un rôle formel lors, si c’est possible, des prochaines élections européennes. Les électeurs devront être avertis, éclairés, la visibilité des partis politiques européens devra être assurée sur les bulletins de vote par une disposition qui le rend obligatoire.
Pour en revenir à notre propos initial et au-delà de toutes ces considérations, il reste vrai que lutter contre l’évasion fiscale, lutter sérieusement reste une obligation impérative, prioritaire, de tous les instants, mais c’est un combat homérique, titanesque, de longue haleine pour plusieurs générations. Pour autant, il ne faut pas minimiser les succès acquis : les communiqués de l’OCDE, du G20, de nos gouvernements sont peut être trop triomphaux, mais les progrès sont réels. L’échange automatique d’informations entre les fiscs de 80 pays se met en place, le secret bancaire Suisse appartient au passé dans ce qu’il avait d’implacable, le rapatriement de capitaux cachés rapporte des milliards et il est donc de plus en plus difficile d’y échapper. L’OCDE a adopté de nouvelles règles contre l’optimisation fiscale des multinationales. Il y a des progrès à faire, certes mais on doit cependant s’interroger honnêtement : les gouvernements n’ont-ils pas pris de bonnes mesures ? L’écart peut encore être resté grand entre les déclarations officielles et les actes. La police fiscale manque d’effectifs, parfois de façon dramatique en termes de capacité d’investigation, de répression, de moyens humains et matériels, paradoxe alors que les pénalités et redressements fiscaux rapportent gros aux finances publiques.
En matière de lutte contre la fraude fiscale, il semble bien qu’on a dépassé le stade des faux-semblants. La bataille n’est pas perdue d’avance. Sous prétexte qu’une bataille n’est pas encore gagnée on ne doit pas renoncer à en livrer une autre : édifier des institutions fortes pour l’Europe. Pas d’Europe forte avec des Institutions faibles ! Le temps du militantisme européen et de la participation citoyenne est arrivé. Dans l’attente, ménageons de façon réfléchie le président de la Commission. Halte au feu !
Pour en savoir plus : principales sources d’information
Réforme de la loi électorale http://www.taurillon.org/reforme-de-la-loi-electorale-de-l-union-europeenne-vers-un-marche
Pierre Defraigne : La Libre Belgique « que faut-il à l’Europe pour avancer http://www.lalibre.be/debats/opinions/que-faut-il-a-l-europe-pour-avancer-opinion-586e9e3dcd708a17d559ea4a