Le régime de Pyongyang, dont le dictateur Kim Jong-un semble de plus en plus incontrôlable dans ses essais nucléaires, suit depuis des années un parcours politique marqué par des menaces. Au niveau international, toute activité nucléaire du régime a été rapidement accompagnée d’une réaction des Nations Unies (ONU) suivie de l’activité de l’Union européenne (UE) qui, depuis 2006, a adopté des Règlement et des Décisions pour se conformer aux résolutions du Conseil sécurité (CS). Cependant, 2017 a été une année emblématique pour l’escalade nord-coréenne: ceci a soulevé des inquiétudes et des alertes auprès des acteurs internationaux. L’agitation a tellement monté que même au sein du CS, les trois acteurs historiquement en désaccord sur la militarisation de la Corée du Nord (États-Unis, Chine et Russie) ont trouvé une communion d’intention, au moins dans la plupart des cas. Le but de cet article est, en premier lieu, celui de parcourir les principales étapes suivies par l’ONU et l’UE pour faire face à la menace coréenne. Deuxièmement, les enjeux politiques de l’UE concernant l’escalade militaire seront précisés. Enfin, malgré les différents débats européens entre différentes factions politiques, la probable future stratégie des institutions européennes sera présentée, en considérant leurs récentes déclarations.
Parcours historique: de la naissance de la menace nucléaire
Le 12 décembre 1985, la Corée du Nord a adhéré au TNP (Traité non prolifération) mais n’a pas conclu un accord de sauvegarde avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cependant, en 1993, cette dernière a accusé la Corée du Nord de violer le Traité sur la non-prolifération nucléaire, et seulement cinq ans plus tard, le premier missile à longue portée, Unha1 (Taepodong-1), a été lancé à partir du site de Musudan-ri (dans la province de North Hamgyong). Le 13 juin 2000, se déroule le Sommet historique entre les deux Corées à Pyongyang, où se rencontrent Kim Jong-il et le président sud-coréen Kim Dae-jung, ouvrant la voie à la réouverture des frontières et à la réunification des familles. Le Sud accorde également une amnistie à plus de 3.500 prisonniers nord-coréens. Ce calme apparent a été complètement falsifié en 2002, lorsque la Corée du Nord a décidé de rouvrir les installations nucléaires, expulsant les inspecteurs internationaux. Plusieurs tentatives menées par les cinq puissances plus concernées (la Chine, les États-Unis, la Russie, la Corée du Sud et le Japon) ont été faites avec le régime, afin de ralentir les ambitions nucléaires du pays communiste. Cependant, ce dernier n’a jamais respecté les engagements: en 2006, une bombe atomique a explosé dans les souterrains d’un centre nucléaire. Cet acte a été condamné par l’ensemble de la communauté internationale. L’année d’après, la Corée du Nord se retire du TNP et, d’après les sources diplomatiques, l’origine de cette initiative est due au « simple » besoin d’accroître sa propre défense.
L’année 2006 représente l’année de la prise de conscience de la menace : le Conseil de sécurité de l’ONU approuve la Résolution 1718 (14 octobre 2006) et « Condamne le test nucléaire annoncé le 9 octobre 2006 par la République populaire démocratique de Corée, un test qui n’est pas conforme aux résolutions antérieures sur cette question […] Elle établit que tous les États membres doivent empêcher la fourniture, la vente ou le transfert direct ou indirect vers la République populaire démocratique de Corée sur leur territoire ou pour leurs ressortissants ou en utilisant des navires ou des forces aériennes, des chars de combat, des véhicules blindés de combat, de l’artillerie de grand calibre, des produits de luxe. Le Conseil de sécurité se félicite et encourage les efforts de tous les États impliqués afin d’accroître leur engagement diplomatique et toute action qui pourrait faciliter l’accord du 19 septembre 2005 entre la Chine, la République démocratique populaire de Corée (RDPC), le Japon, la République de Corée, la Fédération de Russie et les États-Unis afin de le mettre en œuvre rapidement pour obtenir une dénucléarisation vérifiable de la péninsule coréenne et de maintenir la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne et l’Asie du Sud-Est ». L’UE, avec le Règlement 329/2007 de 2007, transpose les sanctions de l’ONU et impose un embargo sur les armes, le gel des biens, l’interdiction de voyager pour les personnes impliquées dans le programme nucléaire de la RDPC, l’interdiction d’importer et d’exporter un certain nombre d’actifs pouvant contribuer à des programmes liés à des armes nucléaires, des missiles balistiques ou d’autres armes de destruction massive, l’interdiction des importations et l’exportation de produits de luxe.
L’intervention ultérieure du CS de l’ONU se présente avec la Résolution 1874 (12/06/2009), qui a renforcé l’embargo sur les armes et l’inspection des navires de charge en cas de doute raisonnable. Le Conseil de l’UE adopte la position commune 2009/573 / PESC et le Règlement 1283/2009, introduisant de nouvelles mesures restrictives contre la RPDC, en transposant les sanctions de l’ONU. Cependant, cela ne suffisait pas pour arrêter l’escalade nord-coréenne et, après quatre ans, en correspondance avec la prise du pouvoir de Kim Jong-un, la Corée du Nord déclare l’existence de missiles pouvant atteindre le territoire américain. À l’aube de 2013, selon une agence de presse sud-coréenne, la Corée du Nord était prête à attaquer les États-Unis suite aux raids dans l’espace aérien nord-coréen d’un bombardier américain. Alertée par l’armée, l’artillerie de Kim Jong-un plaçait des roquettes à longue portée dans la direction des îles Hawaï et de Guam, la plus grande île de Micronésie, politiquement sous le contrôle de Washington. L’ONU en un an présente deux Résolutions (2087 et 2094) pour élargir les sanctions que l’UE transpose avec deux Règlements et deux Décisions. Conformément aux Conclusions du Conseil sur la RPDC du 10 décembre 2012, l’UE adopte également des mesures restrictives autonomes.
En mars 2014, la Corée du Nord essaie de tirer deux missiles Rayong de moyenne portée en violation des résolutions des Nations Unies et quelques heures après que les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon se soient rencontrés aux Pays-Bas pour discuter de l’affaire nucléaire. En outre, les réacteurs atomiques de Yongbyon viennent réactivés. En 2016, les agences des Nations Unies ont reçu des alertes sur le lancement d’un satellite nord-coréen du 8 au 25 février, suivi par le lancement d’une fusée à longue portée. Le CS de l’ONU veut renforcer les sanctions : il décide de réduire les exportations de charbon de la Corée du Nord de 60%. Deux résolutions sont rédigées et approuvées : 2270 et 2321. La première est une Résolution condamnant, de manière plus forte, le test nucléaire mené par la RPDC le 6 janvier 2016 et le lancement de missiles balistiques le 7 février 2016, et demandant une adaptation immédiate aux obligations internationales. La seconde est une Résolution sur les sanctions, en réponse à l’essai nucléaire réalisé par la Corée le 9 septembre 2016. L’UE les transpose quelques semaines après.
En 2017, selon Kim Jong-un, la Corée du Nord est en train de développer des missiles à longue portée capables de transporter des ogives nucléaires. Pendant ce temps, la Chine élargit l’interdiction d’exporter des marchandises vers la Corée du Nord qui pourraient servir à construire des armes de destruction massive. En février, un autre missile balistique a été tiré sur la mer du Japon. En réaction la Chine suspend les importations de charbon comme signe de protestation. En avril, la Corée du Nord lance un autre missile balistique de taille moyenne dans la mer du Japon, juste à la veille du sommet États-Unis-Chine. Des essais supplémentaires sont également effectués pendant l’été, provoquant un tremblement de terre au Japon. La réponse de la communauté internationale, déterminée et en même temps concernée, se traduit par la Résolution 2356 de juin 2017 : le CS a décidé d’étendre le nombre d’individus et d’entités visés par les sanctions imposées pour la première fois dans la Résolution 1718 (2006). En adoptant à l’unanimité la Résolution 2356, le CS a condamné, dans les termes les plus forts, les activités récentes de Pyongyang pour l’arme nucléaire et le développement de missiles balistiques, y compris une série de lancements et d’autres activités connexes menées à partir du 9 septembre 2016, en violation et « ignorance flagrante » de diverses Résolutions. L’autre Résolution arrive le 5 août. En adoptant à l’unanimité la Résolution 2371, le CS a décidé que la République populaire démocratique de Corée ne fournirait, ne vendrait ni transférerait du charbon, du fer, du minerai de fer, des fruits de mer, du plomb ni du minerai de plomb dans d’autres pays. L’UE transpose les deux Résolutions et, en même temps, l’étend en ajoutant 3 entités et une personne à la liste des personnes et des entités assujetties au gel des marchandises et aux restrictions de voyage. Cette décision fait partie des nouvelles sanctions imposées par la Résolution 2375 (11/09/2017) du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Réflexions
Le chemin suivi par l’UE met en évidence la conformité aux Résolutions de l’ONU mais en même temps la volonté pour une intervention fondée sur le soft power, au moins pour le moment. Cependant, la question coréenne continue d’être une préoccupation, pas seulement au niveau de la sécurité de l’UE. Selon Janka Oertel, chercheuse du German Marshall Fund, les développements récents de la crise nucléaire nord-coréenne ont provoqué des craintes en Europe concernant l’escalade militaire. Dans son essai, elle a déclaré qu’il existe un grand consensus international sur la menace croissante du régime de Kim Jong-un et que, malgré la dissonance transatlantique sur certaines questions (comme la migration, le développement durable, l’environnement), la menace imminente de la Corée du Nord sur la sécurité mondiale exige une réponse unifiée. L’UE « joue » un rôle apparemment désavantageux puisqu’elle se trouve entre deux feux. D’une part, il faut décider quelle politique adopter pour stopper l’escalade militaire, mais d’autre part, elle doit aussi faire attention aux choix des États-Unis en tant qu’allié historique. Selon l’experte, la mesure la plus raisonnable serait basée sur la coopération transatlantique. L’Europe peut apporter une contribution significative dans divers domaines pour soutenir une transformation pacifique de la crise nord-coréenne.
Conscients du lien fort entre la sécurité européenne et sa dépendance à l’égard de la coopération transatlantique, certains États (comme l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique) perçoivent des solutions plus diplomatiques. La récente escalade de la crise nucléaire nord-coréenne, selon la chercheuse, pourrait donc rappeler la nécessité d’une politique européenne commune. Bien que n’ayant pas un pouvoir décisif sur la Corée du Nord, les gouvernements européens ont de bonnes raisons de s’engager, comme dans la sauvegarde de l’ordre juridique international et lutter contre la menace de la criminalité informatique nord-coréenne. À son avis, tous les États membres européens doivent mettre pleinement en œuvre les sanctions existantes de l’ONU, en contournant les problèmes « politiques-bureaucratiques ». De plus, des analyses récentes suggèrent que de nombreux pays européens n’ont pas les moyens de traiter directement ce type de menace. Toutefois, la coopération en matière de défense existante entre la Corée du Sud et les États membres pourrait être augmentée. Par exemple, il s’avère que les sous-marins allemands appuient déjà les capacités de la Corée du Sud. De plus, Paris et Séoul ont repris les discussions bilatérales dans le domaine de la défense. Selon la chercheuse, le soutien du gouvernement sud-coréen serait une solution réalisable, au moins en suivant les voies diplomatiques de toutes les parties.
La position européenne
Comme montré, l’UE a eu une politique très cohérente envers la Corée du Nord. Ses objectifs sont fondés sur l’utilisation du soft power, et surtout arrêter la prolifération nucléaire dans un continent caractérisé par des tensions. C’est la raison pour laquelle, depuis des années, l’UE travaille activement avec tous ses partenaires dans la région pour atteindre ces objectifs. L’action de l’UE, comme mentionné ci-dessus, et l’adaptation aux sanctions de l’ONU affectent plusieurs domaines :
Comme mentionné dans la première partie de l’article, l’UE a (jusqu’à présent) transposé les Résolutions des Nations Unies par des Décisions et les Règlements. La Décision est l’une des sources dérivées du droit de l’Union européenne, et c’est un acte obligatoire dans tous ses aspects, et il peut s’adresser à des groupes spécifiques ou à des personnes physiques. Le Règlement, d’autre part, doit être appliqué sous tous ses aspects dans toute l’Union européenne. Cela montre que malgré les différentes positions politiques au sein de l’UE, en fait, les États suivent une réponse commune et cohérente. Jusqu’à présent, il n’y a qu’une seule Déclaration du 14/09/2017 de la part du Conseil européen concernant la dernière Résolution de l’ONU (2375). Le Conseil a affirmé qu’il adoptera rapidement les sanctions supplémentaires prévues dans la dernière Résolution qui prévoit celles-ci contre le RPDC, y compris le renforcement de certaines des mesures prévues dans la Résolution 2371, comme pour les travailleurs nord-coréens. Cette Déclaration reflète l’approche convenue lors de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’UE, tenue à Tallinn le 7 septembre, qui ont souligné également la nécessité de veiller à ce que tous les États des Nations Unies mettent en œuvre l’ensemble des résolutions.
Le 11 septembre, la Haute Représentante (HR), Federica Mogherini, a déclaré que la pression économique et les sanctions, tout en laissant la porte ouverte au dialogue diplomatique, seront les voies suivies par l’UE. Selon la Haute Représentante, l’UE, face à l’escalade militaire, a montré une coordination entre les États membres également grâce à des contacts avec tous les partenaires mondiaux et tous les interlocuteurs régionaux. De plus, lors de sa visite dans les pays asiatiques, Federica Mogherini a confirmé qu’elle avait discuté avec les ministres des affaires étrangères des États-Unis (secrétaire Tillerson), de la Chine (Wang Yi), de la Fédération de Russie (Sergey Lavrov), de la République de Corée (Kang Kyung-Wha) et du Japon (Taro Kono), afin de comprendre comment prévenir une nouvelle escalade de la tension.
Cependant, les résultats de cette coopération dépendent de différentes parties et différents acteurs. L’UE, face à la menace de la Corée du Nord, pourrait jouer un double rôle. Tout d’abord, se confirmer comme une puissance basée sur le soft power, en continuant sa voie politique-économique sous l’égide des Nations Unies. En deuxième lieu, elle peut démontrer son unité et sa cohésion face à une menace pour l’Europe et l’ensemble de la communauté internationale.
Maria Elena Argano
Pour en savoir plus:
Site de l’EEAS – European External Action Service: https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage_en/8899/EU-Democratic%20People’s%20Republic%20of%20Korea%20(DPRK)%20relations
Site du German Marshall Fund: http://www.gmfus.org/publications/europes-options-sidelines-north-korea-crisis
Site del l’Arm Control Association: https://www.armscontrol.org/factsheets/dprkchron#1985
Site UNRIC – Résolution 1718: http://www.unric.org/it/pace-e-sicurezza/risoluzioni/31086-consiglio-di-sicurezza-14-ottobre-2006-s2006805-risoluzione-1718–nord-corea
Site du Conseil européenne: http://www.consilium.europa.eu/it/policies/sanctions/history-north-korea/
Site de l’ONU – Résolution 1874: https://www.un.org/press/en/2009/sc9679.doc.htm
Site de l’ONU – Résolution 2087: https://www.un.org/press/en/2013/sc10891.doc.htm
Site de l’ONU – Résolution 2094: https://www.un.org/press/en/2013/sc10934.doc.htm
Site de l’ONU – Résolution 2070: https://www.un.org/press/en/2016/sc12267.doc.htm
Site du Conseil européenne: http://www.consilium.europa.eu/it/press/press-releases/2017/09/14-north-korea-eu-sanctions-reinforcement/
Site Lifegate: http://www.lifegate.it/persone/news/corea-del-nord-come-siamo-arrivati-questo-punto
Site de l’ONU: https://www.un.org/press/en/2017/sc12853.doc.htm
Site de l’ONU – Résolution 2375: https://www.un.org/press/en/2017/sc12983.doc.htm
The finalists for this year's Sakharov Prize have been announced. The laureate will be selected on 26 October by the President and the political group leaders.
Aura Lolita Chavez Ixcaquic, the Democratic Opposition in Venezuela, and the Swedish- Eritrean journalist Dawit Isaak have been named as this year's finalists for Parliament's Sakharov Prize for Freedom of Thought following a vote by the foreign affairs and development committees on 10 October.
REUTERS/Christian Hartmann
La loi sécuritaire d’Emmanuel Macron, la énième depuis les attentats de janvier 2015, est soi-disant destinée à permettre de sortir de l’état d’urgence. En réalité, elle l’inscrit dans le droit commun, ce qui constitue une atteinte sans précédent à l’état de droit puisqu’elle donne des pouvoirs disproportionnés aux autorités administratives (préfets, police) en privant le juge judiciaire, le juge des libertés, de presque tous ses pouvoirs de contrôle. Cette loi ne s’arrête pas en si bon chemin en n’hésitant pas à établir un lien entre terrorisme et immigration irrégulière, ce qui a poussé le pourtant très répressif Bernard Cazeneuve, ancien ministre de l’Intérieur et Premier ministre, à demander la saisine du Conseil constitutionnel. Je ne suis pas le seul à le dire, loin de là : les juristes, les ONG de défense des droits de l’homme ou encore le défenseur des droits, Jacques Toubon, dénoncent ces inquiétantes dérives. Le chef de l’État, qui est si fier d’affirmer qu’il fait ce qu’il a promis durant sa campagne, fait pour le coup l’exact contraire : il débute son quinquennat là où François Hollande à terminé le sien, en faisant adopter par sa majorité (hormis quelques députés En Marche, souvent des anciens policiers ou magistrats, qui ont sauvé l’honneur) un texte que le Front National pourrait endosser sans difficulté.
Je ne peux que souscrire à cette dénonciation de l’affaiblissement de l’état de droit : « La volonté des terroristes est de déstabiliser le pays, de l’atteindre dans ce qu’il a de plus fondamental. C’est, au fond, la démocratie qui est visée, notre cohésion qu’ils veulent ébranler, nos valeurs auxquelles ils veulent porter un coup décisif. Dans ces circonstances, le rôle premier du président de la République est, en tant que chef des armées et garant de nos institutions, de protéger les Français. Cela ne consiste pas, comme je le vois ici ou là, à céder à quelque surenchère pour répondre à l’événement tragique qui endeuille notre pays. Être prêt à assumer les responsabilités de l’État, en matière de lutte contre le terrorisme, c’est avoir une vision claire, des objectifs précis et présenter des priorités d’action. Je sais que les Français n’ont pas peur, que nous n’avons pas peur. Je sais que nous saurons rester fidèles à nous-mêmes, à notre histoire, que nous saurons maintenir notre unité. À chaque fois, la nation française a été forte. Dans ce moment crucial pour l’avenir de notre pays, dans ces instants décisifs pour notre démocratie, je pense aux mots de Victor Hugo : «Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, tenir bon, tenir tête. Voilà l’exemple dont les peuples ont besoin et la lumière qui les électrise.» Je le dis avec beaucoup de force : remettre en cause la légitimité de l’autorité judiciaire, c’est affaiblir l’autorité de l’État et l’autorité dans l’État, et ça n’est pas compatible avec une vraie politique de sécurité dont notre pays a aujourd’hui besoin. La justice a la haute fonction de punir, donc de distinguer le vrai et le faux, le normal et le disproportionné, le juste et l’injuste. Nul autre ne peut s’arroger ce droit, aucun responsable politique, quel que soit le contexte, ne peut s’arroger ce droit. Parce qu’alors, il décide de fragiliser l’État de droit dont nous sommes toutes et tous, avant tout, les gardiens, et de fragiliser en même temps les institutions dont chacune et chacun, dans cette élection, prétend à terme devenir le gardien. » L’auteur de ces lignes ? Emmanuel Macron… Il est vrai qu’il était alors en campagne et qu’il s’agissait de séduire les électeurs déçus par la politique sécuritaire de François Hollande (extrait publié par Libération en juin dernier).
Patrick Weill, directeur de recherche au CNRS et professeur à Yale Law School, spécialiste de l’immigration qui a été à la pointe du combat contre la déchéance de nationalité pour les terroristes, a publié dans Le Monde du 29 septembre une superbe tribune sur un des aspects passé inaperçu de cette loi. Il est en accès payant alors qu’il est d’utilité publique. Je ne peux donc que publier sa version anglaise. Néanmoins, Le Monde m’a autorisé à publier les deux premiers paragraphes en français : « Pour lutter contre le terrorisme, l’arme la plus forte, la plus essentielle, c’est l’unité des Français. Chaque citoyen doit la rechercher autour de soi, dans sa vie quotidienne. Et ce doit être bien sûr la priorité absolue du président de la République, qui en est le garant. C’est pour avoir brisé cette unité, en proposant de distinguer dans la Constitution deux catégories de Français – afin de pouvoir déchoir certains d’entre eux de leur nationalité –, que François Hollande a, en 2015, profondément choqué – et a dû finalement reculer. Pourtant, Emmanuel Macron semble avoir décidé de suivre le même chemin, et d’aller beaucoup plus loin encore. Si le projet de loi que son gouvernement soumet au Parlement pour lutter contre le terrorisme était adopté, des millions de Français, résidant notamment dans les zones urbaines, seraient soumis aux contrôles d’identité, sous le prétexte de la lutte contre l’immigration illégale. Le traitement auquel ils risquent d’être soumis n’a qu’un précédent dans notre histoire : le code de l’indigénat. Voici comment et pourquoi ».
La loi Macron ressuscite le code de l’Indigénat
« In the fight against terrorism, the strongest and most crucial weapon is the unity of French citizens. Everyone must search for it in his or her daily life. And this must be of course the top priority for the President of the Republic, supposed to be its guarantor. It is for having broken this unity, by proposing to distinguish between two categories of French citizens in the constitution – in order to be able to strip some of them of their nationality – that, in 2015, François Hollande deeply shocked part of the nation and eventually had to back down. However, Emmanuel Macron seems to have decided to go much further down this same path. If the bill that his Government is submitting to Parliament to combat terrorism were to pass, millions of French citizens, especially those living in urban areas, would be subject to identity checks, under the pretext of the fight against illegal immigration. The treatment to which they would be subjected has only one precedent in French history: the code de l’Indigénat. Here is how and why.
In order to combat terrorism, the bill proposes to codify the exceptional provisions of the state of emergency – house arrest, administrative searches – in ordinary law. That this power to undermine fundamental liberties is given to administrative authorities, rather than judges, already represents in itself a disturbing and unprecedented break with the rule of law. At the end of the bill appears a provision, article 10, that seemingly comes from nowhere. The Schengen Agreement establishes a common border in continental Europe that, once crossed by foreign visitors, allows them to move easily throughout the countries party to this agreement. In order to avoid irregular crossings, this agreement has, since 1993, allowed limited document checks to take place in train stations, seaports, airports and within 20 kilometers of each Schengen countries’ borders. The proposed bill would expand the space in which these checks can take place, reaching up to 20 kilometers from airports and train stations that receive international arrivals. It would thus extend the police’s authority to perform these checks on people suspected of an irregular legal status across 28% of the French territory, in which 67% of the French population lives.
In a 2009 study about police methods at two of Paris’ major train stations– the Gare du Nord and the commuter rail hub at Châtelet – two researchers, Fabien Jobard and René Lévy showed that men were between 3.5 and 10 times more likely to be stopped than women, Blacks 3.3 to 11.5 times than Whites, and North Africans between 1.8 and 14.8 times than Whites. 7.5% of the passengers exiting, for example, one international train Thalys, are Black, but they represent 31% of the people stopped by police. Young people, especially those who appear to dress like it, shatter this ceiling: They are stopped 5.7 to 16.1 times more frequently, depending on the station, and two-thirds of this group are Black or North African.
This is the exceptional regime – today applicable only to airports, seaports, train stations and to some international trains– that the new bill aims to extend to the majority of France’s population. It claims to be required by the emergence of a new situation, namely the fight against terrorism. But in fact, it take place in a part of France’s history – sometimes ignored, often repressed. Codifying exception – here the identity checks – in permanent law, in order to target a particular population, France has already done this on its territory. It was in 1881, in Algeria – when Algeria was part of France – and then in the rest of Africa, with the code of the Indigénat. For more than 60 years, French colonial subjects were subject to administrative authority, which could arbitrarily impose special punishments applicable only to colonial subjects. This ran parallel to the judiciary power of ordinary law. General de Gaulle put an end to this regime in 1944. But some may say, about Macron’s new bill, that there is no special punishment, that it is just an identity check. At this massive and unprecedented scale, however, the special punishment is the identity check itself. It is this very procedure, the public interrogation, before fellow countrymen who never get stopped and who are staring at you. Imagine the humiliation that we would feel, each one of us who lives in a city big or small, if we were stopped, every day, without any reason other than the color of our skin, our age, our clothes, in front of our neighbors, our classmates, our colleagues, or anonymous passersby.
Illegal immigration has nothing to do in a bill to fight terrorism. Except to create, by way of a cynical connection, the worst situation. One can indeed set a goal to eradicate terrorism and hope to achieve it. But never, despite the bluster of President Macron and Minister of the Interior Collomb, will illegal immigration ever end. Much less important than they claim, illegal immigration is the normal consequence of France being an open democracy and the most touristed country in the world. Aspects of the state of emergency transferred in ordinary law in order to fight terrorism could thus, one day, be suspended, the identity checks, justified with reference to illegal immigration, will never end.
So, faced with terrorism, instead of creating bonds and unity, we create division and senseless stigma. We set up a permanent and durable apparatus for identity checks, causing physical and symbolic violence that will far surpass any hypothetical advantages. Unacceptable from the point of view of our fundamental liberties, it is at heart a political crime, against the Republic. This project gives a mortifying satisfaction to the two extremes of French politics: the extreme Right, which considers it legitimate to treat differently those they call undesirable Frenchmen, but also a certain extreme Left, which claims the Republic is an extension of colonization. So, republican members of parliament, wake up – those on the Left, of course, but also those on the Right, Gaullists or Christian Democrats, deeply attached to the values of the Republic. MP of the majority, you were not elected for this, quite the contrary. You have not signed up for your name to sit in the text of a law that creates within the Republic, parallel to the rule of law, a discriminatory police state. Each of you has the duty to stand up, to say no, and to prevent this unacceptable abuse of power».
The idea of a European Public Prosecutor’s Office (EPPO) emerged during the 2000s into the “Brussels bubble”. After all this time, during the past plenary session of the European Parliament in Strasbourg, the legislative institution adopted the principle of the creation of a European Public Prosecutor’s Office. This Prosecuting Authority will entry into force in 2019 or 2020 (depends on the comments) and must be approved by the European Council, by the unanimity of this members.
The EPPO will have the power to prosecute all crimes against European financial interests, including money laundering or cross-border VAT fraud (estimated at a total of at least €10 million damage in the European budget). All offences against the Union’s financial interests are defined under the “PIF Directive” adopted in July 2017.
The main goal of this European Prosecuting Authority is to enhance cooperation and collaboration between the member states. Moreover, the Public Prosecutor can participate in harmonizing national regulations to shape a real European policy in the matter of financial justice.
For now, only 20 member states have agreed with the Commission’s proposal. It can be noticed that the UK, Ireland and Denmark have an automatic opt-out from the EU justice initiative. Nonetheless, every member states can adhere to the process at every moment.
This authority will coordinate national law enforcement efforts with the European police and both law agencies Europol and Eurojust, and the anti-fraud office OLAF. The prosecutor will be present in every member states involved, taking the form of a decentralized structure. The European Prosecutors present at national levels will have a double role: acting on behalf of the EPPO and exercising functions as national prosecutors. In order to ensure an effective coordination and a unique European approach, a Central Office would be composed of the European Chief Prosecutor, the College (composed by national European Prosecutors per member states), the permanent Chambers and the Administrative Director.
The vote, which took place this October, the 5th during the European Parliament plenary session, has been applauded by Vera Jourova, European commissioner for Justice.
After the vote, some European experts have already called for the opportunity to add new powers to the EPPO, especially to tackle crimes like trafficking and terrorism.
Jean-Hugue Baraër
For further information:
European Parliament: http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2017/608711/EPRS_ATA(2017)608711_EN.pdf
Politico EU: http://www.politico.eu/article/eus-jourova-wants-funds-linked-to-new-prosecutors-office/