La République fédérale d’Allemagne élit la chambre basse de son Parlement – le Bundestag – tous les quatre ans. C’est autour de cette élection, qui détermine la composition du gouvernement fédéral, que gravite la vie politique nationale du pays. Le prochain scrutin aura lieu le 26 septembre, et doit notamment déterminer le successeur d’Angela Merkel au poste de chancelier.
La dernière élection, en 2017, avait vu une chute des deux partis majeurs du pays, les conservateurs de la CDU alliés aux Bavarois de la CSU (-8,6 %) et les sociaux-démocrates du SPD (-5,2 %), le retour des libéraux démocrates du FDP, et l’entrée au Parlement de l’extrême droite (AfD, en troisième place).
Les négociations de coalition, d’abord portées sur une alliance entre conservateurs, écologistes et libéraux, ont finalement débouché sur le renouvellement de la coalition sortante, entre les conservateurs et les sociaux-démocrates. Angela Merkel a annoncé en 2018 que ce quatrième mandat de chancelière serait son dernier.
À LIRE AUSSIFiche pays : Allemagne Comment le Parlement allemand est-il élu ?L’élection du Bundestag se fait au suffrage universel direct, selon un système électoral mixte : celui-ci allie en effet un scrutin proportionnel de liste et un scrutin uninominal majoritaire à un tour. Chaque électeur dispose donc de deux voix : la première, pour élire un candidat sur sa circonscription, la seconde pour voter pour la liste d’un parti.
Les 598 sièges du Bundestag sont répartis entre les partis proportionnellement au score de leur liste (s’ils ont récolté plus de 5 % des voix), mais sont attribués en priorité aux 299 députés élus dans leur circonscription. En cas de déséquilibre entre le score réel des listes et la répartition des députés issus des circonscriptions, des sièges supplémentaires peuvent être ajoutés pour rétablir la proportionnalité. 111 sièges ont ainsi été ajoutés pour la 19e législature du Bundestag, afin de compenser la sous-représentation de certains partis n’ayant pas ou peu emporté de circonscriptions, mais ayant obtenu un score proportionnel suffisant. Si besoin, le Bundestag pourrait compter jusqu’à 750 députés pour refléter l’exacte répartition des voix entre les partis.
La chambre haute du Parlement allemand, le Bundesrat, n’est pas directement élue. Composée de représentants des gouvernements des 16 Lander, elle évolue au fil des élections régionales, disséminées au cours du calendrier électoral. Chaque Land y dispose de trois à six voix et exerce tour à tour la présidence de la chambre pendant un an.
Quels sont les principaux enjeux de ces élections ?Au-delà des positions traditionnelles des partis allemands sur la fiscalité ou l’immigration, l’élection devrait être l’occasion pour eux de se démarquer sur les grands enjeux d’actualité. La crise du Covid-19 a notamment vu naître des mouvements de protestation anti-confinement, relayés par l’extrême droite et les libéraux. La pandémie figure en première position des préoccupations du public, selon un sondage de l’institut Forschungsgruppe Wahlen.
Le climat occupe également une place importante dans les débats. Les récentes inondations en Allemagne, les impératifs européens et nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi que la sortie du pays de l’énergie nucléaire, imposent aux partis de formuler des propositions, en particulier pour répondre à l’impact de la transition sur l’industrie automobile allemande et à la dépendance du pays au charbon et au gaz.
Sur le plan économique, l’impératif d’équilibre budgétaire – inscrit dans la Constitution, mais suspendu pendant la crise du Covid-19 – ne fait plus l’unanimité. Tandis que les libéraux et la majorité de la droite y demeurent attachés, la gauche y voit un obstacle aux investissements. Enfin, les rapports du pays à la Chine ou à la Russie, la participation allemande à l’OTAN ou à la défense européenne, la relation transatlantique ou la situation en Afghanistan, sont autant de pommes de la discorde pour les partis d’outre-Rhin.
L’enjeu numéro un pour les chrétiens-démocrates de la CDU/CSU, sera de se positionner vis-à-vis du bilan de l’ère Merkel. Sa gestion des crises a parfois été saluée par les ténors conservateurs (crise de la zone euro), parfois critiquée (crise migratoire). En mal de leadership depuis 2018, le parti doit ainsi faire bloc autour de son nouveau leader pour éviter les défections sur sa droite (vers l’AfD) et sur sa gauche (vers les Verts notamment).
À LIRE AUSSIBiographie : Angela Merkel, chancelière allemande Quels sont les partis en lice ? La CDU/CSU (Union chrétienne-démocrate)Le parti chrétien-démocrate d’Angela Merkel, divisé entre tenants de la ligne centriste de la chancelière et partisans d’une ligne plus radicale proche de l’AfD, a désigné en avril 2021 le centriste Armin Laschet comme candidat à la chancellerie. L’actuel ministre-président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie prône un allègement fiscal pour les entreprises, une limitation de l’immigration et un renforcement de la sécurité intérieure du pays. Il défend les politiques environnementales en place, et le marché des quotas d’émissions CO2. En faveur de l’intégration européenne, il se montre toutefois sceptique quant à une plus grande intégration budgétaire.
Alliance 90/Les VertsLes écologistes allemands n’ont été au gouvernement fédéral qu’entre 1998 et 2005, en coalition avec les sociaux-démocrates. Ils dirigent toutefois le Land de Bade-Wurtemberg depuis 2011. En avril dernier, ils ont désigné la modérée Annalena Baerbock comme candidate à la chancellerie. Son programme comprend la mise en place d’un impôt sur les hautes fortunes, et la fin du frein à la dette pour financer des investissements dans des infrastructures vertes et numériques. Elle souhaite accélérer la transition vers les énergies renouvelables et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le SPD (Parti social-démocrate allemand)L’historique deuxième parti d’Allemagne a souffert de son alliance gouvernementale avec les chrétiens-démocrates depuis 2013, et réalisé le pire score de son histoire en 2017. Son candidat à la chancellerie est l’actuel ministre des Finances d’Angela Merkel, le vice-chancelier Olaf Scholz, au profil technocrate. Son programme axé sur l’économie et l’écologie inclut notamment un mix électrique 100 % renouvelable à l’horizon 2040, des investissements dans la santé, le logement, le numérique et la mobilité verte. Il prévoit également une hausse du salaire minimum, et défend une harmonisation fiscale et sociale au niveau européen.
Le FDP (Parti libéral-démocrate allemand)Les libéraux-démocrates allemands, attachés au marché libre et aux libertés individuelles, se sont montrés critiques du gouvernement au cours des dernières années, en particulier sur la gestion de la crise du Covid-19 et de la crise migratoire. Son président et candidat à la chancellerie, Christian Lindner, défend – entre autres – une limitation des allocations chômage, des droits étendus pour les couples de même sexe et une protection accrue des données personnelles.
L’AfD (Alternative pour l’Allemagne)Le parti d’extrême droite est entré au Bundestag en 2017. Il est la deuxième force politique dans plusieurs Lander d’ex-RDA (République d’Allemagne de l’Est), où il réalise des scores supérieurs à 20 %. Ses têtes de liste pour septembre, Alice Weidel et Tino Chrupalla, sont en faveur de la sortie de l’UE, défendent le service militaire obligatoire, s’opposent à l’islam et l’immigration, et sont ouvertement climatosceptiques.
Die Linke (La Gauche)Héritier du parti unique de la RDA, le parti de gauche populiste est à la tête du Land de Thuringe. Ses têtes de liste, Janine Wissler et Dietmar Bartsch, souhaitent quitter l’OTAN et former une alliance avec la Russie. Ils visent la neutralité climatique du pays en 2035, la sortie du charbon en 2030, et souhaitent passer à la semaine de travail de quatre jours tout en augmentant les taxes sur les hauts revenus, les retraites et le salaire minimum.
Que disent les sondages ?Longtemps dominés par les conservateurs, les sondages montrent aujourd’hui une bataille acharnée entre les trois principales forces politiques :
Les trois partis en tête de course peinent à imposer leurs candidats comme de potentiels successeurs d’Angela Merkel. Interrogés sur la personne qu’ils souhaiteraient voir à la chancellerie, les Allemands placent tour à tour les trois candidats Laschet, Baerbock et Scholz en première position, avec de 15 à 30 % d’opinions favorables. Le social-démocrate Olaf Scholz devance actuellement ses concurrents.
Quelles sont les coalitions probables ?La CDU/CSU et le SPD sont les deux seuls à avoir été présents au Bundestag sans discontinuer depuis 1949. Toutefois, aucun parti n’a obtenu de majorité absolue depuis 1957. Ils seront ainsi obligés de négocier la formation de coalitions pour gouverner. Pour le scrutin de septembre, plusieurs arrangements sont envisageables :
Dans toutes ces configurations, le chancelier devrait en principe être le candidat du parti qui, au sein de la coalition, dispose du plus de sièges. Quoi qu’il arrive, ces négociations risquent fort de prendre du temps : les partis devront se mettre d’accord sur la répartition des portefeuilles ministériels, et établir ensemble un programme commun. En 2017, ces pourparlers avaient duré près de six mois.
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Confrontés à la pandémie de Covid-19 et à ses conséquences économiques et sociales majeures, les Etats membres sont à pied d’œuvre pour exécuter leurs plans de relance nationaux, alimentés par les fonds de Next Generation EU. Mi-août, les premiers versements ont été effectués, un an après l’accord historique sur un plan de relance européen de 750 milliards d’euros au Conseil européen de juillet 2020. Le versement de ces fonds étant conditionné au respect des objectifs fixés par la Commission européenne, chaque pays a ainsi dû soumettre son programme de réformes et d’investissements à Bruxelles, justifiant de sa cohérence avec les priorités de l’exécutif européen.
Parmi celles-ci, les transitions verte et numérique. “Tout au long de la pandémie, nous avons vu combien les technologies numériques sont devenues centrales dans nos vies. Le numérique constituera un pilier essentiel de notre effort de relance”, déclarait ainsi Thierry Breton au mois de juin dernier.
À LIRE AUSSIQu’est-ce que le plan de relance de l’Union européenne ? Quels montants pour le numérique ?La majeure partie du plan de relance européen, baptisée “facilité pour la reprise et la résilience” et dotée de 672,5 milliards d’euros, vient alimenter des programmes nationaux. Cette facilité prend la forme de subventions (à hauteur de 312,5 milliards d’euros) et de prêts (à hauteur de 360 milliards d’euros). Si les Etats européens ont déjà bénéficié de premiers versements, son paiement s’étalera jusqu’en 2025.
Fin avril, la France, l’Allemagne, l’Italie ou encore le Portugal ont soumis à la Commission européenne un “plan national pour la reprise et la résilience” (PNRR). Un document qui démontre que les mesures pour lesquelles des subventions européennes sont demandées respectent un certain nombre de critères.
Parmi ces exigences, esquissées dès le mois de juillet 2020 puis affinées par les services de la Commission, l’obligation de consacrer au moins 20 % des fonds à la transition numérique. Libre à chaque Etat membre d’y allouer une part plus importante, sous réserve de respecter les autres impératifs fixés par Bruxelles, à savoir l’attribution de 37 % des dépenses aux objectifs environnementaux européens et le respect des recommandations par pays du Semestre européen.
À LIRE AUSSIDe “Next Generation EU” à “France Relance” : quels liens entre les plans de relance européen et français ? Répartition des dépenses “vertes” et “numériques” des plans nationaux pour la reprise et la résilience - Crédits : BruegelDans une étude comparative des vingt premiers plans nationaux soumis par les Etats membres, l’institut Bruegel souligne d’importantes disparités dans l’allocation des dépenses à l’objectif numérique. Les auteurs relèvent ainsi que “les pays qui reçoivent des montants relativement plus faibles en pourcentage de leur PIB ont présenté des plans qui se concentrent sur les dépenses vertes et numériques”. Ainsi l’Allemagne consacre 14,7 milliards d’euros à la transition numérique, soit 52,5 % des 28 milliards d’euros de subventions. A l’inverse, la Slovaquie, la Roumanie ou encore la Lituanie entendent y attribuer environ 20 % des fonds qui leur sont alloués. La France avançait quant à elle un chiffre de 25 %, depuis revu à la baisse (21 %) après l’évaluation des services de la Commission.
La classification officielle classe les projets selon six objectifs, dont celui de “transformation numérique”. Toutefois, comme l’explique Bruegel, cette classification arbitraire n’est pas toujours adéquate pour effectuer des comparaisons. En effet, la plupart des projets et réformes proposés par les Etats membres couvrent plusieurs piliers : il est parfois difficile de les classer.
Enfin, 77,5 milliards d’euros du plan de relance viennent compléter la facilité pour la reprise et la résilience. Ces fonds ne seront pas versés directement aux Etats, mais viendront étoffer les programmes européens, comme Horizon Europe pour la recherche et l’innovation, ou le nouveau fonds pour une transition juste. Ils alimenteront également, par l’intermédiaire de l’initiative REACT-EU, les fonds structurels comme le Fonds européen de développement régional (FEDER), utilisés par les régions françaises pour soutenir leurs stratégies numériques.
À LIRE AUSSIEn Bretagne, l’Europe soutient l’accès à la fibre pour tous Quels sont les objectifs visés ?Les sommes engagées au titre de la facilité pour la reprise et la résilience doivent permettre aux Etats membres de concrétiser la “décennie numérique”, initiée par la Commission européenne. En mars 2021, l’exécutif européen présentait ses objectifs pour la transformation numérique de l’Europe à l’horizon 2030, répartis en quatre grandes catégories : compétences, infrastructures numériques et durables, transformation numérique des entreprises, numérisation des services publics.
L’UE espère notamment lutter contre l’ ”illectronisme” en s’assurant que 80 % de la population possède les compétences numériques de base. Selon Eurostat, seuls 56 % des Européens se trouvaient dans ce cas de figure en 2019. La Commission souhaite également doubler la part de l’UE dans la production de semi-conducteurs ou encore permettre à l’ensemble des citoyens d’accéder à leurs dossiers médiaux en ligne.
Des objectifs que le plan national de relance et de résilience français s’attèle donc à remplir. Approuvé par les services de la Commission le 23 juin dernier, le document détaille les mesures allant dans ce sens : “Nous estimons pouvoir former 5 millions de Français éloignés du numérique en 3 ans et générer plus de 1,4 milliard d’euros de retombées économiques y compris en termes de pouvoirs d’achat pour les Français”. La France a d’ailleurs initié le recrutement de 4 000 conseillers numériques chargés d’organiser des ateliers de formation. Interrogé par Toute l’Europe à l’occasion de la Paris Cyber Week en juin dernier, la députée LREM Valéria Faure-Muntian expliquait que l’objectif avait déjà été identifié. “Des circuits de formation existaient [avant la crise], lesquels ont été alimentés de manière complémentaire pour offrir plus rapidement davantage de choix aux citoyens”, expliquait-elle.
À LIRE AUSSINumérique : comment l’UE veut améliorer les compétences des EuropéensDeux milliards d’euros doivent enfin contribuer au développement du numérique dans le secteur de la santé, et 240 millions d’euros seront alloués au plan “France Très Haut Débit”, visant à couvrir l’intégralité du territoire en fibre.
Des cibles, qui malgré les montants engagés, pourraient ne pas être atteintes. C’est le constat fait par le cabinet Deloitte dans une étude comparative de 20 plans de relance nationaux. “Des investissements privés et publics supplémentaires peuvent être nécessaires dans certains domaines pour atteindre les objectifs, en particulier les infrastructures, les compétences numériques et la numérisation des entreprises”, précise le document. Le constat touche d’ailleurs l’ensemble des Etats membres concernés. Même l’Allemagne, qui doit consacrer 52 % des fonds de Next Generation EU à l’objectif numérique, n’est pas épargnée. En effet, seuls 33 % des ménages allemands sont connectés à des réseaux haut début, bien en-deçà de la moyenne européenne (44%).
À LIRE AUSSINumérique : le classement 2020 des pays européensLe numérique pour rembourser l’emprunt ?
La mise en place du plan de relance européen, financé par un emprunt commun, pose irrémédiablement la question du remboursement. Pour le financer, l’Union européenne prévoit de créer de nouvelles ressources propres. Parmi les éléments évoqués, une taxe “Gafa” sur les géants du numérique.
L’idée de taxer le chiffre d’affaires des entreprises du numérique, poussée notamment par la France, revient régulièrement dans le débat européen depuis plusieurs années. Sa mise en place semble toutefois compromise en raison des négociations internationales autour de la réforme de la fiscalité des entreprises. Nombreux sont ceux qui ne souhaitent donc ne pas voir une nouvelle taxe européenne s’y ajouter.
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