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L'Afrique réelle (Blog de Bernard Lugan)

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Site officiel de l'historien africaniste Bernard Lugan, professeur à l'Université Lyon III et expert au tribunal international d'Arusha
Updated: 5 days 10 hours ago

Offre spéciale : Algérie, histoire à l'endroit

Wed, 23/02/2022 - 18:39
























L’année 2022 marque le soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, donc de l’épuration ethnique des Européens et du massacre des Harkis.

Tout au long de l’année, les médias vont imposer leur vision de ces tragiques évènements. Une vision qui n’est rien d’autre que le copié-collé de l’histoire officielle écrite par le FLN après l’indépendance et qui, une fois de plus, aura pour but  de culpabiliser les Français.

Cette fausse histoire repose sur 10 grands mensonges que je démonte dans mon livre Algérie l’histoire à l’endroit. Les 10 grandes controverses de l’histoire. Un livre qui vient d’être réédité pour la troisième fois, et dont la table des matières est donnée ci-dessous :
- L’Algérie est-elle Berbère ou Arabe ?- Comment des Berbères chrétiens sont-ils devenus des Arabes musulmans ?- Pourquoi Bougie et Tlemcen n’ont-elles pas créé l’Algérie alors que Fès et Marrakech ont fondé le Maroc ?- L’Algérie, Régence turque oubliée ou marche frontière de l’empire ottoman ?- Abd el-Kader, une résistance « nationale » ou arabe ?- Mokrani, une résistance « nationale » ou berbère ?- Que s’est-il passé à Sétif et à Guelma au mois de mai 1945 ?- Sétif au-delà des mythes- 1954-1962 : la « révolution unie », un mythe ?- La revendication berbériste- Le FLN a-t-il militairement vaincu l’armée française ?- La guerre d'Algérie ne s'est pas terminée le 19 mars 1962- Le 17 octobre 1961 à Paris : un massacre imaginaire ?- La France a-t-elle pillé l’Algérie ?
Afin que ce livre de réfutation de la doxasoit en possession du plus grand nombre possible de résistants de la pensée afin de leur donner les arguments qui leur permettront de répondre point par point à la propagande qui va s’abattre sur la France à partir du 19 mars, date de la signature des « accords d’Evian », nous vous proposons :

- De commander un exemplaire de ce livre au prix de 29 euros, port colissimo compris au lieu de  34  euros.
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Mali : les éthers idéologiques expliquent l’éviction de la France

Fri, 18/02/2022 - 18:46
Le vendredi 18 février 2022, la junte militaire au pouvoir à Bamako a exigé que le départ des forces de « Barkhane » se fasse immédiatement, et non pas par étapes, comme l’avait annoncé le président Macron. Comment en sommes-nous arrivés à une telle situation et à une telle rupture ? 
Comme je ne cesse de le dire et de l’écrire depuis des années, notamment dans mon livre Les Guerres du Sahel des origines à nos jours, au Mali, les décideurs français ont additionné les erreurs découlant d’une fausse analyse consistant à voir le conflit à travers le prisme de l’islamisme. Or, ici, l’islamisme est d’abord la surinfection de plaies ethno-raciales millénaires qu’aucune intervention militaire étrangère n’était par définition en mesure de refermer. 
De plus, au moment où de plus en plus d’Africains rejettent la démocratie à l’occidentale, la France s’arc-boute tout au contraire sur cette idéologie vue en Afrique comme une forme de néocolonialisme. Plus que jamais, les dirigeants français auraient donc été inspirés de méditer cette profonde réflexion que le Gouverneur général de l’AOF fit en 1953 : « Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte »… En un mot, le retour au réel africain et non l’incantation aux idéologies plaquées. 
Voilà la grande explication de ce nouvel échec français en Afrique. Sans même parler du refus bétonné de simplement s’interroger sur les arguments de la junte malienne. Immédiatement clouée au pilori par Paris qui ne lui laissa aucune marge de manœuvre, cette dernière fut automatiquement acculée à une fuite en avant maximaliste afin de ne pas perdre la face. Les petits marquis qui font la politique africaine de la France devraient pourtant savoir qu’en Afrique, la priorité des priorités lorsque l’on entre en contentieux, est de ne jamais faire perdre la face à son interlocuteur. Mais cela ne s’apprend pas à Science-Po…
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Un « contrat » fut-il mis par l’OTAN sur la tête du colonel Kadhafi ?

Tue, 15/02/2022 - 18:00
La France alors dirigée par Nicolas Sarkozy  porte une très lourde responsabilité dans la désintégration de la Libye avec toutes les conséquences tant locales que régionales qui s’en suivirent et qui s’en suivent encore. Mais pourquoi donc est-elle ainsi entrée aussi directement dans une guerre civile dans laquelle ses intérêts n’étaient pas en jeu ? Pourquoi l’OTAN s’est-elle également aussi profondément immiscée dans cette guerre ? L’alibi humanitaire évoqué par BHL n’apportant pas une réponse satisfaisante, deux questions demeurent toujours sans réponse :
- La France est-elle à l’origine de la guerre contre le colonel Kadhafi ?
- Le but de cette guerre était-il la mort de ce dernier ?
Des éléments de réponse existent que je mets en lumière à l’occasion de la réédition actualisée aux éditions du Rocher de mon livre « Histoire de la Libye des origines à nos jours » et qui sont exposés dans le communiqué qui suit.
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Entretien avec Bernard Lugan pour son dernier livre : Comment la France est devenue la « colonie de ses colonies »

Wed, 09/02/2022 - 11:25
L'Afrique Réelle :Vous publiez un livre dans lequel vous expliquez que la conséquence de la colonisation d’hier est la colonisation à rebours que subit aujourd’hui la France au point, dites-vous d’en faire désormais la « colonie de ses colonies ». L’actuel « grand remplacement » est-il donc une conséquence de la colonisation ?
Bernard Lugan :Clairement oui et pour deux raisons :1) La première est que ce sont essentiellement nos anciens « sujets » coloniaux qui déferlent sur la France, leur ancienne métropole. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il y eut ainsi au maximum, 1,5 million de Français installés dans tout l’Empire, dont plus des deux tiers dans la seule Algérie. Or, aujourd’hui, les populations originaires de l’ancien Empire vivant en France, comptent plus de dix millions de personnes, naturalisés compris, soit dix fois plus qu’il n’y eut de « colons » dans tout l’Empire français. Quant aux Algériens qui, depuis les « Accords d’Evian », bénéficient de facilités d’entrée en France, 80% d’entre eux ont des parents en Europe, très essentiellement en France où existe le regroupement familial. Autant dire que le mouvement de colonisation à rebours n’est pas prêt de s’arrêter et cela d’autant plus que nombreux sont ces néo-colons qui installent leur mode de vie sur des fractions de plus en plus importantes du territoire français. Peut-on donc parler d’autre chose que de colonisation à rebours et de France devenue la colonie de ses anciennes colonies ?2) La seconde raison, et là est le cœur du problème, est que l’idéologie dominante justifie cette colonisation d’aujourd’hui par le prétendu « pillage colonial » que nous aurions opéré en Afrique hier. C’est au nom de ce postulat culpabilisateur que l’actuel changement de peuple nous est imposé dans une ultime volonté d’expiation de « crimes » coloniaux imaginaires. Voilà pourquoi, remettre à l’endroit l’histoire de la colonisation était donc une impérieuse nécessité car, avec la traite des Noirs, la colonisation constitue le deuxième grand pilier de l’acte d’accusation dressé contre l’Homme Blanc. Un acte d’accusation qui permet aux terroristes de la pensée de tenter de nous mettre en état de soumission. Mon livre est donc un outil de combat destiné à donner aux Résistants les arguments permettant de réfuter la colossale et mortifère entreprise de déconstruction historique que nous subissons aujourd’hui. 
L'Afrique Réelle :Votre livre est ancré sur deux grands points. Dans le premier vous démontrez, chiffres détaillés à l’appui, que la France ne s’est pas enrichie en Afrique, et que tout au contraire, elle s’y est ruinée. Dans le second vous expliquez le substrat idéologique hérité des « principes de 1789 » au nom desquels la gauche républicaine a lancé la France dans l’impasse de la colonisation. Commençons par la doxa qui soutient que la colonisation française fut une bonne affaire pour la France et qu’elle fut provoquée par les surplus de capitaux auxquels il fallait trouver des débouchés.
Bernard Lugan : Il s’agit là d’un énorme mensonge car la France n’a pas placé ses surplus de capitaux dans ses colonies. Avant 1914, les colonies françaises dans leur ensemble, Indochine, Algérie et Antilles comprises, n’attiraient en effet pas le capital privé français puisque les investissements privés y étaient grosso modo équivalents en volume à ceux réalisés dans le seul empire ottoman. Plus généralement, et contrairement à ce que veulent faire croire les « décoloniaux », et également contrairement à ce que postulait Jules Ferry, ne furent pas des raisons économiques qui poussèrent la France à la conquête d’une Afrique inconnue dont, par définition, tous ignoraient si elle recelait des richesses. Ce ne fut pas non plus pour y trouver des débouchés à son industrie car ces derniers n’existaient pas… Ce fut pour des raisons conjoncturelles politiques ou stratégiques, mais également idéologiques.
L'Afrique Réelle :Restons si vous le voulez bien, sur le postulat de l’enrichissement de la France par la colonisation.
Bernard Lugan :Vous avez raison de parler de ce postulat qui sous-entend que l’industrialisation et la richesse française reposeraient sur l’exploitation et le pillage de l’Afrique. Un peu de logique s’impose car, si la richesse était mesurée à l’échelle des possessions impériales, le Portugal aurait dû être une grande puissance industrielle mondiale. De même, la révolution industrielle française aurait dû se faire dans les régions des grands ports coloniaux, c'est-à-dire à Nantes, à Bordeaux ou à La Rochelle, et non en Lorraine. De plus, dans la décennie 1960, les pays les plus riches et les plus développés étaient ceux qui n’avaient jamais eu de colonies, comme les Etats-Unis d’Amérique, la Suède et la Suisse ou ceux qui les avaient perdues comme la Hollande ou l’Allemagne. En revanche, la Grande-Bretagne et la France qui étaient avec le Portugal, les principales puissances coloniales étaient à la traîne car les capitaux dépensés outre-mer n’avaient pas permis la modernisation et la mutation des industries métropolitaines. Le miracle est que la France ait tout de même réussi à atteindre son niveau de richesse malgré son boulet économique impérial…Je pose une autre question de bon sens : puisque la doxa soutient que la France tirait sa prospérité de son Empire africain, pourquoi son économie ne s’est-elle donc pas effondrée avec la décolonisation ? Et pourquoi, tout au contraire a-t-elle bénéficié de cette rupture ? En effet dans la décennie qui suivit les indépendances, jamais la croissance du capitalisme français n’a été aussi vigoureuse, ses transformations structurelles aussi rapides et le développement des infrastructures françaises aussi impressionnant. Soulagée du boulet économique et financier colonial, la France a pu enfin investir dans les infrastructures nées durant les décennies « glorieuses » des années 1960-1990.
L'Afrique Réelle :Chiffres à l’appui, vous montrez qu’effectivement, la France n’a pas pillé l’Afrique, mais qu’elle s’y est tout au contraire ruinée. Pour la clarté de votre démonstration, vous avez d’ailleurs converti en euros les sommes colossales englouties par elle et à fonds perdus dans ses colonies, ce qui permet immédiatement de mesurer la saignée subie par la France et qui réduit à néant le postulat du « pillage colonial ».
Bernard Lugan :Pour les listes de chiffres, et elles sont effectivement parlantes, je préfère renvoyer à mon livre. Quelques exemples cependant. Après 1945, et alors que la décolonisation était en marche, la France qui sortait ruinée du conflit et qui avait toutes ses infrastructures à reconstruire, notamment 7000 ponts sur 9000, 150 gares principales, 80% de son réseau de navigation fluviale, son réseau ferré, ses usines, 50% de son parc automobile etc., lança dans son Empire et donc à fonds perdus pour elle, une fantastique politique altruiste de développement et de mise en valeur. Ces gigantesques programmes de grands travaux qui se firent aux dépens de la métropole, permirent de construire en Afrique 220 hôpitaux dans lesquels soins et médicaments étaient gratuits, 50.000 kilomètres de routes bitumées, 18.000 kilomètres de voies ferrées, 63 ports, 196 aérodromes, des centaines de barrages, de ponts, de centrales électriques, des milliers d’écoles, de dispensaires, de maternités, de conduites d’eau, de fermes modèles, de bâtiments divers, etc. Cela coûta à la France 22% de toutes ses dépenses sur fonds publics et fut payé par les impôts et l’épargne des Français. Et l’on ose nous parler de « pillage colonial » !!!Deux autres exemples, en 1952, soit en pleine période de préparation de la décolonisation, la totalité des dépenses de la France dans son Outre-Mer, représentait 1/5e du budget français, un pourcentage colossal et suicidaire pour une économie alors en phase de reconstruction. Durant la décennie 1946-1956, pour la seule création d’infrastructures, l’Etat français a investi l’équivalent de 120,42 milliards d’euros dans ses colonies, et pour la seule année 1958, soit à peine deux ans avant les indépendances, le total de toutes les dépenses outre-mer coûtèrent à la France l’équivalent de 323 milliards d’euros. 
L'Afrique Réelle :Vous écrivez, et cela semble à première vue paradoxal, que les colonies qui ruinaient la France n’avaient que peu d’intérêt économique pour elle, et, contrairement à la doxa qui postule que la France s’y fournissait en matières stratégiques, vous montrez que tel n’était pas le cas. Bernard Lugan :Stratégiques le riz, le sucre, l’huile d’olive, les arachides, le coton et les bananes qui constituaient près de 70% des importations impériales françaises ? Stratégique le vin algérien qui constituait 25% de toutes ses importations impériales ? Tout au contraire, les matières premières minières impériales, phosphates du Maroc compris, ne représentaient que 5,6% des importations coloniales françaises en 1910, et 4,8% en 1958.
L'Afrique Réelle :Vous démontrez, autre paradoxe, qu’en plus, les productions impériales qui n’étaient en rien stratégiques, et que la France aurait pu acheter sur le marché international sans avoir à supporter le poids de la mise en valeur de son l’Empire, lui étaient vendues par ses propres colonies plus cher que sur le marché international. Un comble !
Bernard Lugan :Dans mon livre, je pulvérise effectivement l’idée selon laquelle l’empire africain était pour la France un fournisseur à bon compte. En effet, « bonne fille », la France lui a toujours acheté ses productions environ 25% au-dessus des cours mondiaux. Et comme, en plus, en amont, elle avait subventionné les dites productions, la perte fut donc double pour la France comme Jacques Marseille et Daniel Lefeuvre l’ont bien montré. Quelques exemples : le litre de vin algérien était payé 35 francs alors que, à qualité égale, le vin grec, espagnol ou portugais valait 19 francs. Le cacao de Côte d’Ivoire était payé 220 francs les 100 kilos quand le cours mondial était de 180 francs. Pour les arachides du Sénégal, les agrumes et les bananes en général, le prix colonial français était de 15 à 20% supérieur aux cours mondiaux. En 1930 le prix du quintal de blé métropolitain était de 93 francs quand celui proposé par l’Algérie variait entre 120 et 140 f, soit 30 à 50% de plus. Tout cela entraîna un surcoût pour le budget français. Pour les seules années 1954 à 1956, ce surcoût s’est élevé à plus de 50 milliards de FF, soit 81 milliards d’euros. De plus, à cette somme exorbitante, il faut encore ajouter le soutien des cours des productions coloniales qui coûta à la France 60 milliards par an pour les seules années 1956 à 1960, soit 97 milliards d’euros annuellement, l’équivalent du montant de l’impôt sur le revenu des personnes physiques françaises pour l’année 2021 !!! Même la main d’œuvre industrielle était plus chère dans l’empire que celle de la métropole. Ainsi, en Algérie, selon un rapport de Saint-Gobain daté de 1949 par comparaison avec une usine métropolitaine située en province, l’ensemble des dépenses, salaires et accessoires était de 37% plus élevée en Algérie. Dans ces conditions, économiquement parlant, cela valait-il donc la peine de conserver un empire qui vendait à sa métropole des productions non rares et plus cher que ce qu’elle aurait pu acheter sur le marché international ? Nous sommes toujours très loin du prétendu « pilage colonial »…
L'Afrique Réelle :Encore plus grave, l’Empire a, selon vous, prolongé artificiellement la survie de secteurs économiques condamnés, freinant ainsi la nécessaire modernisation de pans entiers de son économie. 
Bernard Lugan :Dans les années 1980, Jacques Marseille a brillamment démontré que le débouché colonial fut essentiel à la survie d’industries condamnées. Ainsi, de 1900 à 1958, les fabriques françaises de bougies et de chapeaux de paille réalisèrent plus de 80% de leurs exportations dans l’Empire. Dans ce cas, oui, l’Empire fut rentable pour certains privés qui s’enrichirent quand la France se ruinait... En revanche, pour les industries « motrices » comme l’industrie des métaux, les industries chimiques et électriques etc., le marché colonial ne jouait au maximum et encore, qu’un rôle d’appoint. Pour elles c’étaient les marchés des pays industriels qui leur offraient leurs débouchés. De plus, les colonies défavorisaient les industries françaises de pointe qui étaient pénalisées à l’exportation par les pays qui se heurtaient au protectionnisme impérial français. L’Empire permit donc le « sauvetage des canards boiteux », des secteurs condamnés de l’évolution économique, mais il pénalisa les secteurs d’avenir. Loin de les piller, la France était donc prise au piège de ses colonies.
L'Afrique Réelle :Que répondre aux incessantes jérémiades algériennes accusant la France d’avoir pillé le pays ?
Bernard Lugan :Ces doléances algériennes relèvent de la provocation car la « Chère Algérie » fut un véritable « tonneau des Danaïdes », un insupportable fardeau pour la métropole comme l’a si brillamment démontré le regretté Daniel Lefeuvre. Tout ce qui existait en Algérie au moment de l’indépendance y avait en effet été construit par la France, et à partir du néant. A savoir des centaines d’ouvrages d’art, des voies ferrées, des barrages, des usines, des routes, des ports, des aéroports, des écoles, des hôpitaux, des bâtiments divers. La liste est immense et je renvoie au chapitre X intitulé « La France a-t-elle pillé l’Algérie » de mon livre « Algérie l’histoire à l’endroit ».Là encore je ne prendrai que quelques exemples. En 1959, toutes dépenses confondues, l’Algérie engloutissait à elle seule 20% du budget de l’Etat français, soit davantage que les budgets additionnés de l’Education nationale, des Travaux publics, des Transports, de la Reconstruction et du Logement, de l’Industrie et du Commerce ! Une saignée permanente qui contraignit à faire des choix budgétaires douloureux, car, afin d’aider encore davantage l’Algérie, il fallut faire patienter la Corrèze et le Cantal. Le sacrifice des Français de France fut alors double puisque leurs impôts augmentaient tandis que les engagements de l’Etat dans les domaines routiers, hospitaliers, énergétiques, etc., étaient amputés ou retardés. Durant les neuf premiers mois de 1959, les crédits d’investissement en Algérie atteignirent 103,7 milliards de FF, soit 166 milliards d’euros, là encore, financés par le Trésor français. Le plus incompréhensible est que les dirigeants français acceptent de laisser insulter et calomnier notre pays par les affairistes qui ont fait main-basse sur l’Algérie, alors qu’il suffirait de publier le montant des sommes colossales qui y furent englouties jusqu’en 1962, ainsi que la liste de tout ce que les architectes et ingénieurs français y ont construit pour les réduire les aboyeurs au silence…
L'Afrique Réelle :En définitive Jules Ferry s’est donc trompé ?
Bernard Lugan :Oui, et en plus, il a trompé la France et les Français car, dès avant 1914, il était clairement apparu que l’entreprise coloniale n’était pas source de profits comme il l’avait promis. Sauf dans le cas de certains secteurs marginaux comme je l’ai montré avec les bougies et les chapeaux de paille. Aussi, comme les capitalistes privés considéraient l’empire africain comme une affaire économique sans réel intérêt et qu’ils s’en désintéressaient, ils refusèrent donc d’y investir. A travers les impôts des Français, l’Etat fut alors contraint de se substituer à eux. Pour la France l’addition fut lourde car, dans la conception de Jules Ferry, la mise en valeur et la création des infrastructures nécessaires auraient dû être confiées au capitalisme, donc relever du secteur privé. Ces investissements ne se faisant pas et les territoires n’ayant pas de ressources propres suffisantes, leurs budgets durent donc être constamment alimentés par des emprunts émis en métropole afin que puissent être entrepris en Afrique les travaux d’infrastructure lourde comme les ports, les ponts, les routes, les hôpitaux etc. La mise en valeur de l’Empire africain fut donc totalement supportée par l’épargne des Français et les sommes considérables qui y furent investies, retirées du capital disponible métropolitain afin de financer outre-mer des infrastructures pourtant nécessaires en France. Une fois encore, nous voilà loin du prétendu « pillage colonial »…
L'Afrique Réelle :Chez Jules Ferry, et vous développez ce point essentiel, il y eut également une attitude idéologique.
Bernard Lugan :Oui, car l’impérialisme de Jules Ferry reposait sur deux pieds, l’économie et la philosophie, comme il l’exposa très clairement le 28 juillet 1885, devant les députés en définissant sa doctrine coloniale. Pour lui, l’Empire devait certes offrir un débouché économique et commercial à la France, mais, et peut-être plus encore, la France « patrie des Lumières » se devait de faire connaître aux peuples qui l’ignoraient encore le message universaliste et émancipateur dont elle était porteuse. Toujours dans son célèbre discours du 28 juillet 1885, Jules Ferry ne craignit ainsi pas de déclarer :« Il faut dire ouvertement qu’en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures ; mais parce qu’il y a aussi un devoir. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ». Or, il faut bien voir qu’à l’exception de Clemenceau et de ses amis, la gauche française partageait la même idée. Ainsi, Albert Bayet, président de la Ligue des droits de l’Homme et dignitaire franc-maçon déclara en 1931, lors du congrès du mouvement qui se tint à Vichy, que la colonisation française était légitime puisqu’elle était porteuse du message des « grands ancêtres de 1789 ». Dans ces conditions, selon lui :« Faire connaître aux peuples les droits de l’homme, ce n’est pas une besogne d’impérialisme, c’est une tâche de fraternité ». Coloniser était donc un devoir révolutionnaire, et Albert Bayet ajouta :« La France moderne, fille de la Renaissance, héritière du XVIIIe siècle et de la Révolution, représente dans le monde un idéal qui a sa valeur propre et qu’elle peut et doit répandre dans l’univers (…) Le pays qui a proclamé les droits de l’homme a, de par son passé, la mission de répandre où il peut les idées qui ont fait sa propre grandeur ».
L'Afrique Réelle : Le paradoxe que vous soulignez est que la droite catholique et monarchiste se soit ralliée à cet idéal révolutionnaire et maçonnique qu’elle combattait pourtant depuis 1789…
Bernard Lugan :Totalement lobotomisée philosophiquement et ayant perdu ses repères doctrinaux, par patriotisme mal compris, et au nom de l’évangélisation des païens, la droite nationaliste et catholique se rallia comme un seul homme à la doctrine coloniale universaliste et révolutionnaire définie par Jules Ferry, donc effectivement aux principes qu’elle combattait depuis 1789. Le responsable de cette capitulation intellectuelle fut le cardinal Lavigerie qui lança la « croisade anti-esclavagiste » et qui, en 1890, par le « toast d’Alger », demanda le ralliement des catholiques à la République. J’explique cela en détail dans mon livre.
L'Afrique Réelle :Il y eut tout de même des exceptions à droite.
Bernard Lugan :Oui, mais essentiellement au sein de la droite légitimiste. Puis, plus tard, Charles Maurras fut le premier à percevoir que la colonisation risquait de provoquer un choc démographique en retour en raison de ses principes universalistes, assimilateurs ou intégrationnistes hérités des idées de 1789. Il exprima cette crainte dans un article de haute élévation intellectuelle intitulé « Qui colonise qui ? » publié dans l’Action française, le 13 juillet 1926, à propos de l’inauguration de la mosquée de Paris.
L'Afrique Réelle :Résultat de la colonisation, la France est donc devenue la « Colonie de ses colonies ». Comment a-t-on pu en arriver là ? 
Bernard Lugan :Plusieurs raisons expliquent cette catastrophe cataclysmique unique dans l’histoire de l’humanité et qui met en grave péril existentiel nos sociétés européennes. D’abord, en amont, l’échec des pays décolonisés, puis l’avidité de certains industriels qui importèrent de la main-d’œuvre à bon marché. Ensuite, la décision criminelle de Giscard-Chirac d’autoriser le regroupement familial, ce qui fit d’une immigration temporaire de travail, une immigration de peuplement. Et enfin le terrorisme « anti-raciste » qui encouragea l’immigration tout en interdisant juridiquement aux Français de s’y opposer, la gauche pensant trouver dans les migrants un électorat de substitution…. L'Afrique Réelle :Voyez-vous une solution à ce naufrage ?
Bernard Lugan :En dehors de la remigration volontaire ou forcée, il n’en existe pas car tout le reste n’est que posture ou illusion. Ceux qui sont au pouvoir depuis des décennies, ainsi que les courants « patriotes » proposent en effet pour résoudre l’insoluble problème du « grand remplacement », les mêmes recettes d’assimilation-intégration qui furent inapplicables dans l’Empire, et les mêmes inutiles impératifs économiques du toujours plus de subventions. Le démographe Jacques Dupâquier a balayé cette utopie quand il écrivait en 2006, et depuis le phénomène s’est encore accéléré, qu’ « il ne faut pas s’imaginer que l’intégration se fera toute seule, bien gentiment ».Or, ce qui a échoué hier en Afrique échouera demain dans les banlieues et dans tous les territoires métropolitains qui connaissent une colonisation de peuplement. Avec en plus, une différence de taille : pour régler le problème, il ne sera pas possible, comme l’avait fait le général de Gaulle, d’y procéder par amputation territoriale. L’avenir s’annonce donc lourd d’orages et les générations européennes futures devront choisir entre trois options, à savoir la soumission progressive, la partition territoriale donc l’exil intérieur, et la Reconquête.Mais rien ne pourra être entrepris sans un préalable qui est l’élimination de l’idéologie culpabilisatrice reposant sur le mythe incapacitant du « pillage colonial ». Puisse ce livre contribuer à cette purge salvatrice.
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Aux origines de l’échec français au Sahel

Sun, 06/02/2022 - 22:20
L’échec de la France au Sahel était prévisible. Les lecteurs de ce blog et les abonnés à l’Afrique Réelle savent que depuis 2011, je n’ai cessé d’en expliquer les raisons largement développées dans mon livre Les guerres du Sahel desorigines à nos jours.
Ce naufrage politique et non militaire est dû à six principales causes :
1) Corsetés par leur idéologie, les responsables français considèrent que l’enraciné et légitime droit des Peuples doit s’effacer devant les nuées des « droits de l’Homme », les chimères de la « bonne gouvernance » ou l’éthéré postulat du « vivre ensemble », idéologies inadaptées au Sahel où elles amplifient les problèmes.
2) Ces mêmes décideurs français ont privilégié les analyses économiques et sociales en s’accrochant au mirage du « développement ». Selon leur présupposé universaliste, les Africains étant des Européens pauvres à la peau noire, les recettes qui avaient marché en Europe ne pouvaient, selon eux, qu’être transposables aux Afriques. Funeste illusion et coupable aveuglement…
3) Ils ont superbement ignoré l’histoire et les réalités ethniques, oubliant les sages recommandations faites en 1953 par le Gouverneur de l’AOF : « Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte ».
4) Sans mémoire et sans culture historique régionale, les décideurs français n’ont pas vu qu’à la fin du XIXe siècle, la colonisation eut deux conséquences contradictoires. Elle libéra les sudistes de la prédation nordiste, mais, en même temps, elle rassembla victimes et bourreaux dans les mêmes limites administratives.
5) Ces mêmes responsables français n’ont pas davantage vu que dans la décennie 1960, avec les indépendances, les délimitations administratives de l’ancienne AOF devenues frontières d'Etats, s’étaient transformées en autant de prisons de peuples. Or, à l'intérieur de ces artificielles frontières, comme ils sont les plus nombreux, les lois de l’ethno-mathématique électorale donnent automatiquement le pouvoir aux sudistes. Résultat, au Mali, au Niger et au Tchad, dès les années 1960-1965, les Touareg et les Toubou qui refusaient d’être soumis à leurs anciens tributaires sudistes se soulevèrent.
6) Les irresponsables qui définissent la politique africaine de la France n’ont pas davantage compris que le Sahel est le domaine du temps long où l’affirmation d’une constante islamique radicale est d’abord la surinfection d’une plaie ethno-raciale millénaire que nous ne sommes, et par définition, pas en mesure de refermer.
Alors que la politique africaine de la France aurait dû être confiée à des hommes de terrain héritiers de la « méthode Lyautey » et de l’approche ethno-différentialiste des anciennes « Affaires indigènes », elle a, hélas, été gérée par des « petits marquis » issus des Sciences Po. Insignifiants et prétentieux, ces sectaires enkystés au Ministère de la Défense et aux Affaires Etrangères portent, avec les ministres qui en théorie les dirigent, la terrible responsabilité de l’échec français au Sahel.

Categories: Afrique

L'Afrique Réelle n°146 - Février 2022

Tue, 01/02/2022 - 18:24
Sommaire

Dossier : Burkina Faso : autopsie de la guerre
- Les conséquences du coup d’Etat
- Une guerre qui n’est pas religieuse
- Une guerre aux causes d'abord endogènes

Les idées à l'endroit :
- « Françafrique » : un mythe qui a la vie dure
- Le Sahel face au sentiment antifrançais
- Comment la France est devenue la « colonie de ses colonies »

Editorial de Bernard Lugan
Sahel : et maintenant, que faire ?
Au Sahel, la France s’arc-boute sur l’idéologie démocratique désormais vue en Afrique comme une forme de néocolonialisme. Résultat, après la Centrafrique, elle va être « éjectée » du Mali alors que ses soldats y tombent pour assurer la sécurité de populations abandonnées par leur propre armée... Les incessantes manifestations de Bamako, les convois français bloqués « spontanément » par des civils au Burkina Faso ou au Niger, ainsi que les déclarations enflammées de responsables politiques locaux, appellent donc à un total changement de paradigme qui doit déboucher sur un désengagement rapide.Le fond du problème est que le Mali, le Burkina Faso et le Niger, Etats faillis aux armées incompétentes, accusent la France de « néocolonialisme », alors que ses soldats font la guerre à leur place… Or, si guerre il y a, c’est parce que ces trois pays ont, comme je ne cesse de le dire depuis des années (voir mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours), toujours refusé de prendre en compte les revendications de leurs minorités ethniques, Touareg ou Peul, sur lesquelles se sont opportunément greffés les jihadistes. C’est en effet sur les braises des quatre guerres touareg du Mali qu’ont su souffler ces derniers. Sans parler des humiliations permanentes subies par les pasteurs peul. De toute évidence, le rôle de Barkhane n’était pas de régler ces questions ethno-politiques inscrites dans plusieurs siècles d’histoire. En réalité, ceux qui dénoncent la France ont choisi de le faire afin de flatter leurs opinions publiques. Nous sommes en présence d’une entreprise de défausse rendue d’autant plus facile que l’accusation de néo-colonialisme est toujours prompte à échauffer des esprits gangrenés par la rente mémorielle et encouragés par l’ethno-masochisme des élites françaises. Une situation dangereuse pour les populations locales car, de cette dénonciation de la France ne sort aucune proposition, aucune alternative, en dehors d’épanchements de bile momentanés qui font bien rire les mercenaires russes…Voilà donc la France devenue bouc-émissaire permettant aux élites locales qui ont systématiquement pillé leurs pays respectifs de cacher six décennies de corruption, de détournements, d’incapacité politique, en un mot d’incompétence. Regardons la réalité en face :- Est-ce la faute de la France si, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, le désastre est total, si les crises alimentaires sont permanentes, si l'insécurité est généralisée et si la pauvreté atteint des niveaux sidérants ?- Est-ce la faute de la France si les armées locales s’enfuient devant les groupes armés après avoir pillé ceux qu’elles étaient censées protéger ?Face au ressentiment antifrançais, l’urgence est donc de laisser les faillis face à leurs responsabilités. D’autant plus que la « françafrique » est un fantasme, la France n’ayant, ni économiquement, ni stratégiquement, ni politiquement, de véritables intérêts dans la région. 
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Nouveau livre de Bernard Lugan : Comment la France est devenue la colonie de ses colonies

Tue, 25/01/2022 - 08:58
























Présentation
Dans ses colonies, la France a construit 220 hôpitaux dans lesquels soins et médicaments étaient gratuits, 50 000 kilomètres de routes bitumées, 18 000 kilomètres de voies ferrées, 63 ports, 196 aérodromes, des centaines de barrages, de ponts, de centrales électriques, des milliers d’écoles, de dispensaires, de maternités, de conduites d’eau, de fermes modèles, de bâtiments divers, etc.Cette entreprise titanesque fut intégralement payée par les impôts et l’épargne des Français. Elle coûta à la France 22 % de toutes ses dépenses sur fonds publics.Entre 1946 et 1956, alors que la décolonisation était en marche, l’Etat français dépensa encore, pour la seule construction d’infrastructures coloniales, l’équivalent de 30,29 milliards d’euros supplémentaires.Quant à l’Algérie, de 1950 à 1960, elle engloutit à elle seule 20 % du budget de l’Etat Français. Des sommes colossales qui auraient pu être utilisées à moderniser la métropole.Et l’on ose nous parler de « pillage colonial » en « réparation » duquel, dans une volonté d’expiation de « crimes » imaginaires, les Français sont aujourd’hui sommés, non seulement d’accepter, mais plus encore, d’intégrer une déferlante migratoire qui, selon la formule parlante d’Edouard Herriot, a fait de la France la « colonie de ses colonies ».Remettre à l’endroit l’histoire de la colonisation était donc une nécessité afi n de donner aux résistants de la pensée les arguments qui leur permettront de combattre l’entreprise de déconstruction historique à laquelle se livrent des groupes de pression aux méthodes totalitaires.

IMPORTANT : CE LIVRE EST UNIQUEMENT DISPONIBLE VIA L'AFRIQUE RÉELLE
Prix : 27€
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Categories: Afrique

Le covid en Afrique : un petit rhume ?

Thu, 06/01/2022 - 15:22
Le centre épidémiologique Epicentre rattaché à (MSF) Médecins Sans Frontières, a publié en date du 28 décembre 2021 un article intitulé « Covid-19 en Afrique : le virus circulerait plus qu’annoncé » et, en sous-titre « L’épidémie de Covid 19 a-t-elle été sous-estimée ? »

Ces deux titres « alarmistes » cachent l’intérêt principal de l’article qui est de ramener le « fléau du siècle » à sa juste réalité. Du moins en ce qui concerne l’Afrique où les dévastations annoncées ne se sont pas produites puisque les cas officiels de Covid, y sont particulièrement bas. Un mystère compte tenu de sa contagiosité et du très faible taux de vaccination.

Aussi, afin de tenter de comprendre cette exception africaine, plusieurs études ont été réalisées sur la séroprévalence, ce marqueur infaillible permettant de comptabiliser le nombre de sujets ayant, à un moment ou à un autre, été en contact avec le, ou les, virus du Covid.

L’étude qui a été menée dans six pays, le Mali, le Niger, le Kenya, le Soudan, la RDC et le Cameroun a ainsi permis à ses auteurs d’établir que le pourcentage de personnes asymptomatiques, c’est-à-dire qui n’éprouvent aucun symptôme, est très élevé. Ainsi, selon les analyses de séroprévalence, 42% des Nigériens ont été infectés à un moment ou à un autre par le, ou les, covid, et cela, sans ressentir le moindre symptôme alors que le taux national officiel est de 0,02% malades. Au Mali, les rapports sont de 25% et de 0,07%, et au Soudan de 34% et de 0,08%.

L’étude balayant une volonté des autorités de camoufler les vrais chiffres de malades, l’explication est potentiellement triple :

1) N’ayant aucun symptôme, les ressortissants de ces pays ne vont pas se faire dépister.

2) Le virus circule d’une manière très importante, mais souterraine, et sans provoquer de formes graves. Sauf, comme en Europe, chez les personnes à risque, les jeunes y étant peu sensibles. Or, la population africaine est jeune. Dans ces conditions, écrit le rapport, « Au Niger il n’est peut-être pas nécessaire de vacciner toute la population, dont la moyenne d’âge est de 15 ans ». D’autant plus que l’étude nous apprend que 42% de la population est désormais immunisée puisqu’elle a été en contact avec le virus…

3) A travers ce qu’écrivent les auteurs, mais sans qu’ils le disent ouvertement, en Afrique, l’immunisation naturelle de la population semblant donc être une réalité,peut-il en être de même en Europe ? Voilà qui mériterait une nouvelle étude. 
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L'Afrique Réelle n°145 - Janvier 2022

Tue, 04/01/2022 - 16:52
Sommaire

Dossier : L’année 2021 en Afrique : bilan et perspectives pour 2022

Dossier : Les guerres africaines d'hier permettent de comprendre celles d'aujourd'hui et de prévoir celles de demain- Est-il possible de prévoir les conflits africains de demain ?
- Les guerres anciennes
- Les guerres africaines depuis les indépendances
- Les causes des conflits africains : droit des Peuples ou droits de l’Homme ?


Editorial de Bernard Lugan

Libye : les nuées démocratiques face aux réalités

En Libye, les élections du 24 décembre 2021 ont été annulées et « reportées ». Les naïfs avaient assuré qu’elles allaient permettre de refermer la parenthèse de chaos ouverte en 2011 par un Nicolas Sarkozy bien mal inspiré par BHL. Un échec de plus pour la bien-pensance démocratico-occidentale. Depuis 2011, refusant de prendre en compte les réalités humaines, cette dernière prétend en effet reconstruire la Libye autour d’un préalable électoral incompatible avec le système politico-tribal. D’où une impasse reposant sur quatre grandes erreurs :
1) Le postulat de l’existence de la nation libyenne
Or, il n’existe pas d’identité libyenne. La constante historique est ici la faiblesse du pouvoir par rapport aux tribus. Les bases démographiques des groupes tribaux ont certes glissé vers les villes, mais les liens tribaux ne se sont pas distendus pour autant. Groupées en (alliances ou confédérations), les tribus ont leurs propres règles internes de fonctionnement qui ne coïncident pas avec la démocratie occidentale individualiste fondée sur le « One man, one vote ».
2) Ne pas avoir vu que le colonel Kadhafi avait fondé son pouvoir sur l'équilibre entre les trois grandes confédérations libyennes.
Or, le colonel éliminé, ces dernières ont repris leur autonomie par rapport au pouvoir central.
3) Avoir privilégié les politiciens rentrant d’exil et négligé les vraies forces du pays
Or, adoubés par les Occidentaux, ces politiciens ne représentent qu’eux-mêmes et non les vraies forces du pays qui sont les tribus. Le 14 septembre 2015, le Conseil suprême des tribus de Libye avait déclaré à ce sujet que seul le fils du colonel Kadhafi, Seif al-Islam était habilité à parler en son nom.
4) Avoir imposé le préalable électoral avant de reconstruire l’Etat
Or, la priorité n’est pas électorale. Comme après 1945, il fallait établir un nouveau pacte social en partant du réel tribal et régional. Tout au contraire, corsetés par leur idéologie, les Occidentaux ont postulé que des élections allaient permettre de dégager un consensus « national_» entre les factions libyennes. En 2012 et en 2014, trois élections furent alors organisées au forceps et elles permirent d’élire un Congrès général, une Assemblée constituante, puis une Chambre des représentants. Au mois d’août 2014, menacée par les milices, cette dernière se réfugia à Tobrouk, en Cyrénaïque. Au lieu de créer un consensus, ces trois élections ont tout au contraire accentué les divisions locales, élargi le fossé entre Tripolitaine et Cyrénaïque et provoqué une guerre civile à l’intérieur de la guerre civile, surtout en Tripolitaine. Avec pour résultat, une guerre de tous contre tous sans issue, ponctuée d’accords internationaux jamais appliqués sur le terrain, et enfin l’immixtion de la Russie et de la Turquie.Aujourd’hui, et plus que jamais, la Libye étant coupée en deux, l’on voit mal autrement qu’à travers un système confédéral, il serait possible de ramener la Cyrénaïque et les Tripolitaines à s’inventer un destin commun. Mais la « communauté internationale » s’obstine à exiger que la date des élections soit fixée…
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Orages de papier : Bernard Lugan dit tout !

Thu, 30/12/2021 - 20:57
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Les causes de l’échec politique de la France au Sahel

Sat, 18/12/2021 - 18:40
Au Sahel, dix ans après l’accueil triomphal fait aux forces françaises, et après que 52 des meilleurs enfants de France soient tombés pour défendre des Maliens préférant émigrer en France plutôt que se battre pour leur pays, les manifestations anti-françaises se succèdent. Les convois militaires circulent désormais sous les insultes, les crachats et les jets de pierre. Sur l’axe routier partant de la Côte d’Ivoire, la situation devient à ce point difficile que la question du ravitaillement de Barkhane commence à se poser. Fin novembre 2021, au Niger, après la mort de plusieurs manifestants qui avaient bloqué un convoi militaire français, le gouvernement nigérien a mis en accusation Barkhane… La stratégie française de redéploiement au Niger des forces jusque-là stationnées au Mali va donc relever de l’équilibrisme…
La situation régionale est à ce point dégradée que, par crainte de manifestations, le président Macron vient de renoncer à se rendre sur place afin d’y rencontrer les responsables régionaux. Peut-être se rendra-t-il uniquement sur une emprise militaire pour fêter Noël avec une unité française.

Pourquoi un tel désastre politique? Après nous être auto-chassés de Centrafrique par l’accumulation de nos erreurs, allons-nous donc connaître un nouvel et humiliant échec, mais dans la BSS cette fois ?

Comme je ne cesse de le dire et de l’écrire depuis des années, et comme je le démontre dans mon livre Les Guerres du Sahel des origines à nos jours, les décideurs français, ont dès le départ fait une fausse analyse en voyant le conflit régional à travers le prisme de l’islamisme. Or, la réalité est différente car l’islamisme est d’abord la surinfection de plaies ethno-raciales millénaires qu’aucune intervention militaire n’est en mesure de refermer.

Au nord, il s’agit de la résurgence d’une fracture inscrite dans la nuit des temps, d’une guerre ethno-historico-économico-politique menée depuis 1963 par les Touareg. Ici, la solution du problème est détenue par Iyad Ag Ghali, chef historique des précédentes rebellions touareg. Depuis 2012, je n’ai cessé de dire qu’il fallait nous entendre avec ce chef Ifora avec lequel nous avions des contacts, des intérêts communs, et dont le combat est d’abord identitaire. Or, par idéologie, par refus de prendre en compte les constantes ethniques séculaires, ceux qui définissent la politique africaine française ont considéré tout au contraire qu’il était l’homme à abattre… Le président Macron a même plusieurs fois ordonné aux forces de Barkhane de l’éliminer et cela, jusqu’à dernièrement, au moment où les autorités de Bamako, négociaient directement avec lui une paix régionale…Déjà, le 10 novembre 2020, Bag Ag Moussa, son lieutenant, avait été tué par une frappe aérienne.

Le conflit du sud (Macina, Liptako, région dite des « Trois frontières » nord et est du Burkina Faso), a lui aussi des racines ethno-historiques résultant de la confrontation séculaire entre Peul et diverses populations sédentaires. A la différence du nord, deux guerres très différentes s’y déroulent. L’une est l’émanation de larges fractions Peul conjoncturellement regroupées sous le drapeau d’AQMI (Al-Quaïda pour le Maghreb islamique). L’autre est effectivement d’abord religieuse et elle est menée par l’Etat islamique l’EIGS (Etat islamique dans le Grand Sahara). L’EIGS a pour objectif la création dans toute la BSS (Bande sahélo-saharienne), d’un vaste califat trans-ethnique remplaçant et englobant les actuels Etats. Tout au contraire, les chefs régionaux d’AQMI qui sont des ethno-islamistes, ont des objectifs d’abord locaux et ils ne prônent pas la destruction des Etats sahéliens.

Avec un minimum d’intelligence tactique, en jouant sur les rapports de force régionaux et ethniques, la question du nord Mali pouvait être rapidement réglée, ce qui aurait permis un rapide désengagement permettant d’opérer la concentration de nos moyens sur la région des « 3 frontières », donc contre l’EIGS[1]. Or, à l’inverse de ce que préconisaient les chefs militaires de Barkhane, Paris s’obstina dans une stratégie « à l’américaine », « tapant » indistinctement les GAT (Groupes armées terroristes), et refusant toute approche « fine »… « à la Française »...comme nos anciens l’avaient si bien réussi en Indochine et en Algérie. Le fond du problème est que, pour les dirigeants français, la question ethnique est secondaire ou même artificielle, quand elle ne relève pas, selon eux, du romantisme colonial...
 
Le dernier et caricatural exemple de l’aveuglement idéologique, fut la réaction de Paris face au coup d’Etat du colonel Assimi Goïta qui s’est produit au Mali au mois d’août 2020. Au nom de la démocratie, de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit, notions relevant ici du surréalisme politique, la France a coupé les ponts avec l’ancien commandant des Forces spéciales maliennes dont la prise de pouvoir était pourtant une chance pour la paix. Ayant par ses fonctions une juste appréciation des réalités du terrain, ce Minianka, branche minoritaire du grand ensemble sénoufo, n’avait en effet de contentieux historico-ethnique, ni avec les Touareg, ni avec les Peul, les deux peuples à l’origine des deux conflits du Mali. Il ouvrit donc des négociations avec Iyad Ag Ghali, ce qui ulcéra les décideurs parisiens. Englués dans leurs a priori idéologiques, ces derniers ne prirent pas la mesure du changement de contexte qui venait de s’opérer, et ils continuèrent à parler de refus de « négocier avec le terrorisme ». Prenant pour prétexte ce coup d’Etat, Emmanuel Macron décida de replier Barkhane, ce qui fut compris comme un abandon. Et, pour achever le tout, Bamako ayant demandé l’aide de la Russie, la France menaça, ce qui fut dénoncé comme étant du néo-colonialisme….

Reposant sur un refus obstiné de prise en compte des réalités du terrain, cette accumulation d’erreurs a donc conduit à une impasse. Désormais, la question est de savoir comment en sortir sans danger pour nos forces. Et sans que notre départ ouvre la porte à un génocide qui nous serait reproché. Pour mémoire, au Rwanda, c’est parce que l’armée française s’était retirée qu’il y eut génocide, car, si les forces du général Kagamé n’avaient pas exigé leur départ, ce génocide n’aurait en effet pas eu lieu.

Quatre grandes leçons doivent être tirées de ce nouvel et cuisant échec politique africain :

1) L’urgente priorité étant de savoir ce que nous faisons dans la BSS, il nous faut donc définir enfin, et très rapidement, nos intérêts stratégiques actuels et à long terme afin de savoir si oui ou non, nous devons nous désengager, et si oui, à quel niveau, et sans perdre la face.

2) A l’avenir, nous ne devrons plus intervenir systématiquement et directement au profit d’armées locales que nous formons inlassablement et en vain depuis la décennie 1960 et qui, à l’exception de celle du Sénégal et de la garde présidentielle tchadienne, sont incompétentes. Et si elles le sont, c’est pour une simple raison qui est que les Etats étant artificiels, aucun véritable sentiment patriotique n’y existe.

3) Il faudra privilégier les interventions indirectes ou les actions rapides et ponctuelles menées à partir de navires, ce qui supprimerait l’inconvénient d’emprises terrestres perçues localement comme une insupportable présence néocoloniale. Une redéfinition et une montée en puissance de nos moyens maritimes projetables serait alors nécessaire.

4) Enfin et d’abord, nous devrons laisser l’ordre naturel africain se dérouler. Cela implique que nos intellectuels comprennent enfin que les anciens dominants n’accepteront jamais que, par le jeu de l’ethno-mathématique électorale, et uniquement parce qu’ils sont plus nombreux qu’eux, leurs anciens sujets ou tributaires soient maintenant leurs maîtres. Cela choque les conceptions éthérées de la philosophie politique occidentale, mais telle est pourtant la réalité africaine.
 
Depuis plus d’un demi-siècle, en Afrique, l’obsession occidentale des droits de l’homme conduit aux massacres, l’impératif démocratique provoque la guerre et les élections débouchent sur le chaos. 
Plus que jamais, il importe donc de méditer cette profonde réflexion que le Gouverneur général de l’AOF fit en 1953 : « Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte »… En un mot, le retour au réel et le renoncement aux nuées.
[1] L’on pourra à ce sujet se reporter à mon communiqué en date du 24 octobre 2020 intitulé « Mali : le changement de paradigme s’impose ».
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L'Afrique Réelle n°144 - Décembre 2021

Wed, 01/12/2021 - 10:24
Sommaire
  
Actualité
  
- Afrique du Sud : Analyse des élections municipales du mois de novembre 2021
- Algérie-Maroc : La dangereuse fuite en avant de l’Algérie
- Ethiopie : La guerre du Tigré et les menaces du démembrement de l’Ethiopie


Editorial de Bernard Lugan

Dans ce dernier numéro de l’année 2021, trois dossiers d’actualité sont traités.1) En Afrique du Sud, les élections municipales qui se sont déroulées le lundi 1er novembre 2021 ont marqué à la fois la fin de la domination absolue de l’ANC sur la scène politique du pays, et l’émergence de nouvelles forces ethniques ou catégorielles. Certes, l’ANC reste le premier parti,  mais son déclin s’accélère car il passe de quasiment 70% des voix en 2011 à 46% en 2021. Le parti de Nelson Mandela paie le prix de ses prévarications, de sa gestion calamiteuse, de son incapacité à assurer la sécurité, et des luttes internes entre ses factions affairistes, clientélistes, ethniques et racialistes. 2) Entre l’Algérie et le Maroc, la crise s’exacerbe chaque jour un peu plus sur fond de course aux armements. Alors que le Maroc se tient sur la réserve, l’Algérie souffle sur le feu. Après avoir unilatéralement rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, puis après avoir interdit son espace aérien aux avions civils marocains et mis un terme au projet de gazoduc à destination de l’Espagne transitant par le Maroc, le discours guerrier algérien est encore monté d’un niveau après la destruction de deux camions algériens par un drone marocain. Que cherche donc Alger en jouant aussi dangereusement avec le feu ? La réponse est claire : l’Algérie est économiquement en faillite et politiquement au bord du précipice avec une jeunesse qui n’a plus qu’un seul espoir, la migration vers l’Europe… Quant à l’armée dont 30 généraux sont ou ont été emprisonnés, elle est divisée en clans qui se haïssent. Le « Système » est donc aux abois et c’est pour retarder l’inévitable implosion qu’il s’est engagé dans une fuite en avant nationaliste qui lui sert de stratégie de survie. 3) En Ethiopie, en raison des apparentements ethniques transfrontaliers, la guerre qui oppose actuellement l’armée éthiopienne aux sécessionnistes du Tigré, rejoints par plusieurs forces ethniques opposées au gouvernement central est une menace gravissime pour la stabilité de toute la Corne. Le fond du problème, et les abonnés à l’Afrique Réelle le savent, est que les Tigréens qui sont à l’origine de l’Ethiopie, et qui, en 1991 ont sauvé le pays, n’acceptent pas  l’ethno-mathématique électorale qui les condamne à se trouver sous la tutelle de leurs anciens vassaux au seul motif que ces derniers sont électoralement plus nombreux qu’eux. Comme partout ailleurs en Afrique, le système démocratique occidentalo-centré du « one man, one vote » a donc débouché sur le chaos. Un chaos amplifié par l’intransigeance guerrière du Premier ministre Abiy Ahmed… prix Nobel de la Paix 2019…
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Bernard Lugan présente ses Nouvelles incorrectes

Sun, 14/11/2021 - 20:09
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La Première Guerre mondiale ne s’est pas terminée le 11 novembre, mais le 25 novembre 1918, en Afrique orientale allemande

Wed, 10/11/2021 - 18:25
C’est en effet le 25 novembre 1918, soit 14 jours après la signature de l’Armistice du 11 novembre, que les derniers combattants allemands déposèrent les armes. Loin des fronts d’Europe, en Afrique orientale, où, commandés par le général Paul-Emil von Lettow-Vorbeck, ces irréductibles invaincus avaient résisté quatre ans durant à 300 000 Britanniques, Belges, Sud-africains et Portugais. 
Au mois d’août 1914, à la déclaration de guerre, l‘Afrique orientale allemande (actuelle Tanzanie moins l’île de Zanzibar, plus le Burundi et le Rwanda), était défendue par la Schutztruppe composée de 216 officiers et sous-officiers allemands ainsi que de 2540 askaris africains. La mobilisation des réservistes, colons et fonctionnaires, porta le contingent à 2500 Allemands ultérieurement renforcés par les 322 marins du Königsberg et les 102 de la Môwe. Au plus fort de ses effectifs, von Lettow-Vorbeck disposa de 60 compagnies d'infanterie et de deux compagnies montées, chacune d'entre elles à effectif de 200 askaris, soit environ 3000 Allemands et 12 000 askaris.
 
Von Lettow-Vorbeck organisa le mouvement de sa troupe à partir de deux voies ferrées. L’une, au nord, le Nordbahn, courait le long de la frontière du Kenya ; l’autre le Zentralbahn, traversait toute la colonie, reliant l'océan Indien au lac Tanganyika sur lequel se déroulèrent de furieuses batailles navales. Dans un premier temps, ces deux voies ferrées  permirent aux Allemands de déplacer rapidement leurs compagnies, de faire face aux offensives ennemies, et de lancer des contre-attaques, notamment au Kenya, afin de couper la ligne ferroviaire anglaise reliant l’océan indien au lac Victoria.
Entre le Kilimandjaro et l'océan Indien, les Allemands eurent initialement l'avantage. Aussi, comme ils ne parvenaient pas à enrayer leur offensive, les Britanniques opérèrent un débarquement sur leurs arrières afin de contraindre von Lettow-Vorbeck à combattre sur deux fronts à la fois. Le 3 novembre 1914, à Tanga, dans l’extrême nord du territoire allemand, une flotte de 16 navires anglais mit ainsi à terre un corps de débarquement fort de 6500 hommes. Cependant, menée  par moins d’un millier d’Allemands, la contre-attaque fut foudroyante et le 5 novembre, les Britanniques rembarquèrent, abandonnant des centaines de prisonniers et une quantité considérable de matériel.
 
Dans la seconde moitié de l’année 1915, la disproportion des forces en faveur des Britanniques fut telle que la steppe du Serengeti devint indéfendable. Von Lettow-Vorbeck qui ne pouvait pas recevoir de renforts changea alors de tactique. Les coups de main ou les brutales et brèves contre-attaques remplacèrent les assauts frontaux, ce qui lui permit de harceler l'ennemi tout en évitant de s'épuiser contre ses énormes réserves. La guérilla d'Afrique-Orientale débuta alors pour ne s'achever qu'en novembre 1918.
 
Ayant face à lui des dizaines de milliers de Britanniques, de Sud-Africains, de Belges et bientôt de Portugais, von Lettow-Vorbeck retraita lentement vers le sud, d’une manière parfaitement organisée et contrôlée, tout en lançant de puissantes contre-attaques. Au mois de novembre 1917, il envahit le Mozambique portugais. Durant neuf mois, il y nomadisa, y enchaînant les victoires, dont celles de Ngomano et de Namacurra qui lui permirent de réapprovisionner et de rééquiper totalement la Schutztruppe en armement moderne.
 
Au mois de septembre 1918, menacé par une vaste offensive anglo-portugaise, il se déroba une nouvelle fois et retourna en territoire allemand, passant au travers des lignes alliées, laissant une fois de plus ses adversaires médusés. Comme l’écrivit le commandant en chef britannique « Il y a toujours trois routes ouvertes à l’ennemi et von Lettow-Vorbeck prend d’ordinaire la quatrième ».
 
A ce stade de la guerre, ayant laissé ses blessés et ses malades dans des hôpitaux de campagne, ayant renoncé à son ravitaillement et à son artillerie, avec 200 Allemands et 2000 askarisencore en état de combattre, il continua à livrer bataille, se payant même le luxe d’envahir la colonie britannique de Rhodésie. Certains de ses lieutenants lui proposèrent alors de traverser le continent jusqu’au Sud-Ouest africain occupé par l’armée sud-africaine… et de marcher sur l’Afrique du Sud pour y soulever les Boers qui attendaient leur revanche sur les Anglais… Mais, le 13 novembre 1918, par l’interception d’une estafette motocycliste anglaise, von Lettow-Vorbeck apprit qu’un armistice avait été signé en Europe.
Sur ordre de Berlin, il fut alors contraint de cesser le combat. Mais, comme pour lui, il n’était pas question de reddition ou de capitulation, il négocia pied à pied avec le commandement britannique auquel il déclara qu’il avait encore les moyens de combattre durant deux années. Les Britanniques acceptèrent ses conditions, à savoir une remise des armes et non une capitulation, les Honneurs militaires, le droit pour les officiers de conserver leurs armes, le non-internement et le rapatriement rapide en Allemagne. Quant aux askaris et aux porteurs, ils devaient être payés par les Britanniques et autorisés à retourner dans leurs foyers.
 
Finalement, le 25 novembre 1918 au matin, à Mbaala, dans la région d’Abercorn, en Rhodésie du Nord, l’actuelle Zambie, alors que l'armistice avait été signé 14 jours auparavant, une colonne allemande se rangea face à l'Union Jack hissé sur un mât de fortune. Derrière le Dr Schnee, gouverneur de l'Est africain allemand et le général von Lettow-Vorbeck, commandant en chef, 155 Allemands, officiers, sous-officiers, rappelés et volontaires, ainsi que 1156 askariset 1598 porteurs se formèrent en carré face aux forces britanniques qui leur rendirent les Honneurs. Durant quatre années, conduits par un chef de guerre exceptionnel, ces survivants avaient résisté à 300.000 soldats britanniques, belges, sud-africains et portugais commandés par 130 généraux, après leur avoir tué 20.000 hommes et leur en avoir blessé 40.000.
 
Durant ces années, plusieurs fois atteint par les fièvres, quasiment laissé pour mort, von Lettow-Vorbeck ne s’était jamais découragé. Il avait reçu la croix de l’ordre « Pour le Mérite » le 18 août 1916, puis, en 1917 après sa grande victoire de Mahiwa, la « Croix pour le Mérite  avec Feuilles de Chêne ». Le 20 octobre 1918, dernier officier général promu par le Kaiser Guillaume II, il fut nommé général (GeneralMajor). Durant toute la campagne d’Afrique, une solide fraternité d’armes unit Allemands et askaris, ces derniers vouant une véritable dévotion à un chef qu’ils admiraient et auquel ils avaient donné le nom de Bwana mukubwa ya akili mingi  (le grand homme qui peut tout).
 
Rapatriés en Europe par les Britanniques, les survivants allemands de l’épopée de l’est africain ne tardèrent pas à écrire une autre page d’histoire, elle aussi peu connue. Le 2 mars 1919, acclamés par une foule en liesse, par la porte de Brandebourg et la Pariser Platz, ils firent une entrée triomphale à Berlin. A leur tête le général Paul von Lettow-Vorbeck se tenait à cheval coiffé de son célèbre chapeau colonial à bord redressé orné de la cocarde impériale.
Paul von Lettow-Vorbeck fut ensuite intégré comme Brigadier général dans la nouvelle armée allemande de 100.000 hommes. Le 1er juillet 1919, sur ordre du gouvernement, il écrasa le soulèvement communiste de Hambourg à la tête d’un corps de volontaires, le  « Lettow-Korps ». Ce même mois de juillet, il fut nommé Commandant de la 10° Brigade d’Infanterie. En 1920, il prit part au putsch Kapp-Luttwitz, et après son échec, le 15 mai 1920, il fut mis à la retraite sans solde, cependant que nombre de membres du « Lettow-Korps » partaient rejoindre les corps-francs du Baltikum.
Personnage légendaire, le général Paul-Emil von Lettow-Vorbeck devrait, aujourd’hui, être honoré en Allemagne. Mais le politiquement correct particulièrement virulent dans un pays littéralement étranglé par ses complexes existentiels, a fait qu’à Wuppertal, Brême, Cuxhaven, Mönchenglabad, Halle, Radolfzell et même à Graz, en Autriche, les rues portant son nom ont été débaptisées. En 2010, le conseil municipal de Sarrelouis, sa ville natale, avait fait de même avec l’avenue von Lettow-Vorbeck. Quant aux quatre casernes de la Bundeswehr qui, à Brême, à Bad Segeberg, à Hambourg-Jenfeld et à Leer, portaient son nom, elles furent débaptisées pour recevoir ceux de  déserteurs, de militants communistes ou anti-militaristes (!!!).  
Mais, loin des petitesses de la nouvelle Allemagne, là-bas, en Afrique, entre le Kilimandjaro et la Rovuma, de Tanga à Kigoma et de Tabora à Ruhengeri,  la grande ombre du Bwana mukubwa ya akili mingi, flotte encore dans les notes lointaines mais de plus en plus étouffées des fifres et des caisses plates… Heia Safari !
  Cette épopée illustrée de très nombreuses cartes et photographies originales est racontée dans mon livre Heia Safari ! Général von Lettow-Vorbeck, du Kilimandjaro auxcombats de Berlin (1914-1920)
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Mali et Libye : « Moins d’élections, plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte »

Sat, 06/11/2021 - 17:38
Un court communiqué de synthèse pour prendre date. Depuis 2011 dans le cas de la Libye, et depuis 2013 dans celui du Mali -voir l’historique des numéros de l’Afrique Réelle et mes communiqués-, ne travaillant que sur le seul réel, j’annonce ce qui va globalement se passer dans les deux pays. En toute humilité, les faits ont semblé me donner raison : 
1) Au Mali, nous sommes en présence de deux guerres, celle des Touareg au nord et celle des Peul au sud. Dans les deux cas, la question n’est pas d’abord religieuse car l’islamisme n’y est que la surinfection de plaies ethno-raciales millénaires. Au nord, la clé du problème est détenue par Iyad Ag Ghali, chef historique des précédentes rebellions touareg. Or, ce dernier est de longue date soutenu par l’Algérie, comme les récentes rencontres qu’il vient d’avoir avec les services algériens le confirment.
Depuis le début, ne fallait-il pas, comme je n’ai cessé de le proposer, nous entendre avec ce chef Ifora avec lequel nous avions des contacts, des intérêts communs, et dont le combat est identitaire avant d’être islamiste ? Par idéologie, par refus de prendre en compte les constantes ethniques séculaires, ceux qui font la politique africaine française ont considéré tout au contraire qu’il était l’homme à abattre…Tout récemment encore, le président Macron a une nouvelle fois ordonné aux forces de Barkhane de l’éliminer. Et cela au moment même où, sous parrainage algérien, les autorités de Bamako, négocient avec lui une paix régionale…
Le conflit du sud (Macina, Liptako et région dite des « Trois frontières »), a, lui aussi des racines ethno-historiques. Cependant, deux guerres s’y déroulent. L’une est l’émanation de larges fractions des Peul et son règlement se fera parallèlement à celui du nord, par une négociation globale. L’autre, à base religieuse, est menée par l’Etat islamique.
L’erreur française fut de globaliser la situation alors qu’il était impératif de la régionaliser. Ainsi :
1) Paris n’a pas voulu voir que l’EIGS (Etat islamique dans le Grand Sahara) et AQMI ( Al-Quaïda pour le Maghreb islamique)  ont des buts différents. L’EIGS qui est rattaché à Daech a pour objectif la création dans toute la BSS (Bande sahélo-saharienne), d’un vaste califat trans-ethnique remplaçant et englobant les actuels Etats. De son côté, AQMI étant l’émanation locale de larges fractions des deux grands peuples à l’origine du conflit, à savoir les Touareg au nord et les Peul au sud, ses chefs locaux, le Touareg Iyad Ag Ghali et le Peul Ahmadou Koufa, ont des objectifs d’abord locaux, et ils ne prônent pas la destruction des Etats sahéliens.
2) Paris n’a pas voulu voir que, le 3 juin 2020, la mort de l’Algérien Abdelmalek Droukdal, le chef d’Al-Quaïda pour toute l’Afrique du Nord et pour la BSS, tué par les forces françaises, changeait radicalement les données du problème. Son élimination donnait en effet leur autonomie au Touareg Iyad ag Ghali et au Peul Ahmadou Koufa. Après celles des « émirs algériens » qui avaient longtemps dirigé Al-Qaïda dans la BSS, celle d’Abdelmalek Droukdal marquait la fin d’une période, Al-Qaïda n’y étant désormais plus dirigé par des étrangers, par des « Arabes », mais par des « régionaux ». Or, ces chefs régionaux ont des buts ethno-régionaux ancrés sur une problématique millénaire dans le cas des Touareg, séculaire dans celui des Peul. Le manque de culture des dirigeants français leur a interdit de le voir. D’où l’impasse actuelle. Ils auraient pourtant pu méditer ce qu’écrivait en 1953 le Gouverneur général de l’AOF : « Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte »…
Or, pour les dirigeants français, la question ethnique est  secondaire ou même artificielle. La « spécialiste » qui m’avait succédé à l’EMS de Saint-Cyr Coëtquidan après que j’en fus écarté, ne craignait ainsi pas de dire et d’écrire que l’approche ethnique est une « c…. ». Avec une telle formation hors sol, nos futurs chefs de section se virent donc contraints de préparer leur projection dans la BSS avec la lecture clandestine de mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours, un ouvrage précisément construit à partir des cours que je donnais à l’Ecole de Guerre et à l’EMS avant mon éviction…
2) En Libye où la question est d’abord tribale -et non ethnique-, et où la guerre insensée inspirée par BHL a abouti à l’éclatement des confédérations tribales, donc à l’anarchie, j’explique depuis le début que la solution passe par la  reconstruction du système politico-tribal jadis édifié par le colonel  Kadhafi. Je n’ai également jamais cessé de soutenir que le seul à pouvoir le reconstituer est Seif al-Islam Kadhafi, son fils. Pour une raison simple : par son père, il fait partie des alliances tribales de Tripolitaine, et par sa mère, de celles de Cyrénaïque. A travers lui, peut donc renaître l’engrenage tribal sur lequel repose toute la vie politique du pays. Tout le reste n’est qu’artificiel placage politique européo-centré. 
Selon certaines sources, Seif al-Islam Kadhafi, soutenu par le Conseil des tribus, envisage de se porter candidat aux prochaines élections. Où et quand pourrait-il annoncer sa candidature ? Depuis la Libye, ou depuis un pays du Maghreb ?
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L'Afrique Réelle n°143 - Novembre 2021

Mon, 01/11/2021 - 20:41
Sommaire
Algérie :- Emmanuel Macron a-t-il eu raison de s’interroger sur l’existence de la nation algérienne avant 1830?- A la recherche du fantôme de la « Nation » algérienne
Dossier : Par refus de voir la réalité ethnique, la France a été poussée hors du Mali- L’islamisme n’est pas la cause profonde de la guerre- La guerre du Mali a débuté en 1963- Les 8 principales erreurs politiques françaises

Editorial de Bernard Lugan
Parenthèse au milieu d’une longue et insupportable litanie de repentance, Emmanuel Macron a jeté un gros pavé dans la mare des relations entre Paris et Alger. En s’interrogeant sur l’existence de la « nation algérienne » avant la conquête française de 1830, il a en effet frappé au cœur la fausse histoire de l’Algérie. Cette histoire reconstruite sur laquelle repose la « légitimité » des profiteurs de l’indépendance (voir à ce sujet mon livre Algérie, l’Histoire à l’endroit) qui, depuis 1962, mettent le pays en coupe réglée après avoir dilapidé l’incomparable héritage laissé par la France. Le président Macron n’est d’ailleurs pas le premier à poser la question de la réalité historique de l’Algérie. Ainsi Fehrat Abbas, le futur premier chef d’Etat algérien en 1962 qui avait déclaré au mois de février 1936 dans l’Entente franco-musulmaneL’Algérie en tant que Patrie est un mythe. Je ne l’ai pas découverte. J’ai interrogé l’Histoire ; j’ai interrogé les morts et les vivants ; j’ai visité les cimetières : personne ne m’en a parlé. » Dans sa conférence de presse du 16 septembre 1959, le général De Gaulle disait la même chose :« Depuis que le monde est le monde, il n’y a jamais eu d’unité, ni, à plus forte raison, de souveraineté algérienne. Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes syriens, Arabes de Cordoue, Turcs, Français, ont tour à tour pénétré le pays, sans qu’il y ait eu, à aucun moment, sous aucune forme, un Etat algérien ».
Au Mali, pourquoi, dix ans après avoir été applaudie, lors du déclenchement de l’Opération Serval, la France y est-elle désormais détestée ? Pourquoi une aide salvatrice dans laquelle elle a laissé 52 de ses meilleurs enfants et des dizaines de mutilés, s’est-elle transformée en entreprise « néo-coloniale » aux yeux des Maliens ? Pourquoi les dizaines de milliers de déserteurs maliens installés dans la région parisienne et qui laissent les militaires français se battre à leur place osent-ils critiquer la France ? Pourquoi un tel retournement de situation ? Pourquoi un tel échec politique ? 
La réponse est pourtant claire : par refus idéologique et dogmatique de prise en compte du réel ethnique au profit des éternelles nuées démocratiques. Si les dirigeants français avaient eu un minimum de culture, ils auraient pu méditer cette phrase écrite dans le rapport de 1953 du Gouverneur général de l’AOF, précisément au sujet des pays du Sahel :
« Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte ».
Tout est dit dans cette phrase qui explique en quelques mots l’échec actuel de la France dont les dirigeants n’ont pas vu que nous n’étions pas face à une guerre religieuse, mais face à une guerre ethno-raciale millénaire dans laquelle les islamistes se sont insérés. Comme je ne cesse de le dire depuis le début de la guerre, dans toute la BSS, l’islamisme n’est en réalité que la surinfection d’une plaie ethnique historique. Mais encore faut-il ne pas refuser de le voir. Et là encore je dois renvoyer à mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours dans lequel cette problématique millénaire est longuement expliquée.
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Soudan : pourquoi le coup d’Etat ?

Mon, 25/10/2021 - 19:48
Par de-là les commentaires artificiels et hors sol des médias, les évènements  en cours au Soudan sont l’exacte répétition de ce qui s’est passé en Egypte entre 2011 et 2013.
En Egypte, laissant déferler la vague des « printemps arabes », l’armée a déposé le maréchal Moubarak, abandonnant en apparence le pouvoir aux civils. Pensant qu’il avait gagné, le président Morsi commit alors plusieurs fautes politiques sous le regard attentif de l’armée qui laissa le mouvement révolutionnaire se diviser. Puis, en 2013, face à l’exaspération de la population en raison des pénuries qui avaient été largement organisées par elle, l’armée reprit le pouvoir. A l’issue du « printemps arabe », la parenthèse civile refermée, le général al-Sissi avait donc succédé au maréchal Moubarak … (voir à ce sujet mon livre Histoire de l’Egypte des origines à nosjours).
Au Soudan, en 2019, l’armée fut à son tour face à une énorme contestation populaire. Ne voulant par affronter directement la foule, elle laissa cette dernière chasser du pouvoir le général  Omar el-Béchir. Mais, tout comme en Egypte, elle demeura maîtresse du jeu à travers la création d’un Conseil de Souveraineté présidé par le général al-Burhane et d’un gouvernement de transition composé pour moitié de militaires et de civils présidé par Abdallah Hamdok.
Comme en Egypte, l’armée laissa pourrir la situation tout en poussant la composante civile du gouvernement à la faute. Cela lui fut d’autant plus facile que le pays est en faillite depuis que l’indépendance du Soudan du Sud en 2011 l’a privé d’environ 75% de ses recettes pétrolières. La dette nationale est colossale, les pénuries apocalyptiques et, pour ne rien arranger, le poumon du pays qui est Port-Soudan sur la mer Rouge, et qui est relié à Khartoum par une voie ferrée, véritable artère vitale du pays, est régulièrement bloqué par l’insurrection de l’ethnie des Bedja qui vit dans son arrière-pays.
Dans la nuit du 24 au 25 octobre, jugeant le moment favorable, et afin de sauvegarder les intérêts de l’armée, le général al-Burhane prit un pouvoir qu’il exerçait déjà largement à travers le Conseil de Souveraineté. Le moment était crucial car la composante civile de l’Etat menaçait doublement ses intérêts :

 - Economiquement car, comme en Egypte, ici, au Soudan, ce sont les forces armées qui sont les véritables acteurs économiques du pays.

- Judiciairement en raison des crimes commis lors de la guerre du Darfour. Crimes qui ont valu à l’ancien président Omar el-Béchir d’être inculpé par la Cour pénale internationale. Or, la composante civile du gouvernement a donné son accord à sa livraison à ce tribunal, ce que nombre de militaires ont perçu comme une insulte. Mais également comme une menace car tous les hauts officiers de l’armée soudanaise ont participé à ces terribles évènements.

La solidité de l’armée soudanaise est-elle à l’image de l’armée égyptienne ? Si oui, comme en Egypte, après le théâtre d’ombres civil, un général aura donc succédé à un général…

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17 octobre 1961 : un « massacre » imaginaire

Tue, 12/10/2021 - 19:08
Le 17 octobre prochain, comme chaque année, les autorités françaises, les islamo-gauchistes et le « Système » algérien vont commémorer un massacre qui n’a pas eu lieu…
Sur ce blog, ayant périodiquement à la même date déconstruit l’histoire officielle de ce prétendu « massacre », je me contenterai de renvoyer au chapitre IX intitulé « 17 octobre 1961, un massacre imaginaire » de mon livre « Algérie l’Histoire à l’endroit » en ajoutant ici quelques éléments essentiels à la compréhension du montage culpabilisateur qui nous est imposé : 1) La guerre d'indépendance algérienne se déroula également en métropole. Pour la période du 1er janvier 1956 au 23 janvier 1962, 10 223 attentats y furent ainsi commis par le FLN. Pour le seul département de la Seine, entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1962, 1433 Algériens opposés au FLN furent tués et 1726 autres blessés. Au total, de janvier 1955 au 1er juillet 1962, en Métropole, le FLN assassina 6000 Algériens et en blessa 9000 autres.  2) Face à ces actes de terrorisme visant à prendre le contrôle de la population algérienne vivant en France, le 5 octobre 1961, un couvre-feu fut imposé à cette dernière afin de gêner les communications des réseaux du FLN et l’acheminement des armes vers les dépôts clandestins.  3) En réaction, le 17 octobre 1961, le FLN décida de manifester afin de montrer sa force, et pour tenter d’achever sa prise de contrôle des Algériens vivant en métropole.  4) Assaillis de toutes parts, les 1658 hommes des forces de l’ordre rassemblés en urgence, et non les 7000 comme cela est trop souvent écrit, sont, sous la plume de militants auto-baptisés « historiens », accusés d’avoir massacré des centaines de manifestants, d’en avoir jeté des dizaines à la Seine et d’en avoir blessé 2300. Or, cette version des évènements du 17 octobre 1961 à Paris relève de la légende et de la propagande. Tout repose en effet sur des chiffres inventés ou manipulés à l’époque par le FLN algérien et par ses alliés communistes. Jouant sur les dates, additionnant les morts antérieurs et postérieurs au 17 octobre, pour eux, tout Nord-Africain mort de mort violente durant le mois d’octobre 1961, est une victime de la « répression policière »… Même les morts par accident de la circulation comme nous le verrons plus loin !!!  Cette manipulation fut réduite à néant en 1998, quand le Premier ministre de l’époque, le socialiste Lionel Jospin, constitua une commission d’enquête. Présidée par le conseiller d’Etat Dieudonné Mandelkern, elle fut chargée de faire la lumière sur ce qui s’était réellement passé le 17 octobre 1961 à Paris. Fondé sur l’ouverture d’archives jusque-là fermées, le rapport remis par cette commission fit litière de la légende du prétendu « massacre » du 17 octobre 1961[1].  Le paragraphe 2.3.5 du Rapport intitulé Les victimes des manifestations est particulièrement éloquent car il parle de sept morts, tout en précisant qu’il n’y eut qu’un mort dans le périmètre de la manifestation, les six autres victimes n’ayant aucun lien avec cet évènement, ou ayant perdu la vie postérieurement à la dite manifestation dans des circonstances parfaitement détaillées dans le rapport.  Quel est donc l’état des connaissances aujourd’hui ? - Le 17 octobre 1961 à Paris, il n’y eut qu’une seule victime dans le périmètre de la manifestation… et ce ne fut pas un Algérien, mais un Français nommé Guy Chevallier, tué vers 21h devant le cinéma REX, crâne fracassé. Par qui ? L’enquête semble attribuer cette mort à des coups de crosse de mousqueton. - Le 17 octobre 1961, alors que se déroulait dans Paris un soi-disant « massacre » faisant des dizaines, voire des centaines de morts algériens, ni les hôpitaux parisiens, ni l’Institut Médico-Légal(la Morgue), n’enregistrèrent l’entrée de corps de « NA » (Nord-Africain dans la terminologie de l’époque). Ce qui ne veut naturellement pas dire qu’il n’y eut pas de blessés, mais mon analyse ne porte que sur les morts. - A Puteaux, donc loin du périmètre de la manifestation, deux morts furent néanmoins relevés, or ils étaient étrangers à la manifestation. L’un d’entre eux deux, Abdelkader Déroues avait été tué par balle, quand le second, Lamara Achenoune, avait quant à lui été achevé par balle après avoir été étranglé.  - Le 18 octobre, à 04 heures du matin, le bilan qui parvint à Maurice Legay le directeur général de la police parisienne était donc de 3 morts, pour rappel, Guy Chevallier, Abdelkader Déroues et Lamara Achenoune. Nous sommes donc loin des dizaines ou des centaines de morts et de « noyés » auxquels la bien-pensance française rend annuellement hommage !!! Conclusion : le seul mort algérien de la manifestation est donc un Français métropolitain… Certes, postulent les accusateurs de la France, mais les cadavres des Algériens « massacrés » par la police furent reçus à l’IML, l’Institut Médico-Légal de Paris (la Morgue), les jours suivants.  Cette affirmation est également fausse. En effet, l’Annexe III du « Rapport Mandelkern » donne un décompte détaillé des 41 cadavres de Nord-Africains entrés à l’IML de Paris du 19 octobre au 4 novembre. Pour mémoire, le 17 octobre il n’y eut aucune entrée, et 2 le 18 octobre.Sur ce nombre de 41 morts, 25, soit 13 corps identifiés et 12 corps non identifiés sont mentionnés sous la rubrique « Dossiers pour lesquels les informations disponibles sur la date de la mort ou ses circonstances ne permettent pas d’exclure tout rapport avec les manifestations des 17-20 octobre ». Ceci fait que les 16 autres morts n’ont rien à voir avec la manifestation du 17 octobre. En ce qui concerne les 25 morts restants, notons immédiatement que le sous-titre de l’Annexe III est singulier car la manifestation dont il est question eut lieu le 17 octobre et non les 19 et 20 octobre. De plus, ce titre est trompeur car il laisse sous-entendre que ces 25 décès auraient donc pu être causés par la police française, chiffre d’ailleurs régulièrement et péremptoirement transformé en morts avérés par certains auteurs ou journalistes. Or : 1) Si ces derniers avaient pris la peine de lire le document en question dans son originalité et son intégralité, et non à travers ses recensions, ils auraient vu qu’en face de chaque corps est porté un numéro de dossier de la police judiciaire suivi de la précision suivante : « Indications relevées dans le dossier d’enquête de la police judiciaire ». 2) Or, grâce à ces « Indications relevées dans le dossier d’enquête de la police judiciaire », il apparait clairement que 17 de ces 25 défunts ont été tués par le FLN, la strangulation-égorgement, l’emploi d’armes blanches etc., n’étant pas d’usage dans la police française… D’autant plus que parmi ces 17 morts, quatre furent assassinés le 19 octobre, soit deux jours après le 17 octobre, à savoir un commerçant qui avait refusé de suivre la grève du 19 octobre décrétée par le FLN et deux autres ligotés et noyés par ce même FLN… 3) Cela interroge donc sur le placement de ces morts dans la rubrique « Dossiers pour lesquels les informations disponibles sur la date de la mort ou ses circonstances ne permettent pas d’exclure tout rapport avec les manifestations des 17-20 octobre ». Voyons le détail de cette liste :  Corps Identifiés : - 6 furent tués par le FLN (strangulation, arme blanche, arme à feu)- 2 décès sur la voie publique (troubles mentaux et alcoolisme)- 1 décès par crise cardiaque le 21 octobre- 1 décès par accident de la circulation- 1 mort à l’hôpital Boucicaut des blessures reçues le 17 octobre.- 2 morts dont les causes ne sont pas élucidées. Corps non identifiés - 7 tués par le FLN (1 arme blanche, 2 noyades, 1 noyade nu, 2 armes à feu, 1 strangulation)- 1 mort de blessures à la tête. Blessures reçues le 17 octobre ? Nous l’ignorons.- 1 mort des suites de blessures reçues Place Saint-Michel- 3 morts dont les causes ne sont pas élucidées. Conclusion, sur 25 morts « pour lesquels les informations disponibles sur la date de la mort ou ses circonstances ne permettent pas d’exclure tout rapport avec les manifestations des 17-20 octobre », la Morgue n’en a reçu que deux décédés très probablement des suites de blessures reçues le 17 octobre. Une interrogation demeure pour l’un d’entre eux, mais sans aucune certitude.Soit 2 ou 3 morts des suites de leurs blessures, aucun n’ayant perdu la vie durant la manifestation[2]laquelle n’a donc comme il a été dit plus haut, connu qu’un seul mort, le Français Guy Chevallier.  Nous voilà donc très loin des 50, 100, 200 ou même 300 morts « victimes de la répression » avancés par certains, et pour lesquels François Hollande a reconnu la responsabilité de la France !!!  Mais, plus encore :  1) Le « Graphique des entrées de corps « N.A » (Nord-africains) par jour. Octobre 1961 », nous apprend que du 1er au 30 octobre 1961, 90 cadavres de « NA », furent reçus à l’Institut Médico-Légal. Or, selon les enquêtes judiciaires, chaque décès étant suivi d’une enquête, la plupart de ces morts étaient des musulmans pro-Français assassinés par le FLN !!! 2) Pour toute l’année 1961, 308 cadavres de « N.A » entrèrent à l’IML, dont plusieurs dizaines de noyés. Or, toujours après enquête, il fut établi que la quasi-totalité de ces morts étaient des victimes du FLN (Harkis, partisans de la France, individus ayant refusé d’acquitter « l’impôt de guerre », membres du MNA etc.). Or, une des méthodes d’assassinat du FLN était l’étranglement ou l’égorgement suivi de la noyade… Pour les historiens de métier, les prétendus « massacres » du 17 octobre 1961 constituent donc un exemple extrême de manipulation de l’histoire. Quand la liberté de penser sera rétablie dans cette Corée du Nord mentale qu’est devenue la pauvre université française, ils feront l’objet de thèses car ils seront alors étudiés comme un cas d’école de fabrication d’un mythe. Comme Katyn, comme les « charniers » de Timosoara en Roumanie, comme les « couveuses » au Koweit ou encore comme les « armes de destruction massive » en Irak.  Mais, dans l’immédiat, sourds, aveugles ou simples agents d’influence, les butors continueront à ânonner la légende culpabilisatrice du « 17 octobre 1961 ». D’autant plus que, dans l’actuel contexte de tension franco-algérienne, Alger va faire donner ses affidés qui seront complaisamment relayés par ses habituels supplétifs de presse. 
Bernard Lugan

[1] « Rapport sur les archives de la Préfecture de police relatives à la manifestation organisée par le FLN le 17 octobre 1961 ». Rapport établi à la demande du Premier ministre, M. Lionel Jospin et remis au mois de janvier 1998 par M. Dieudonné Mandelkern président de section au Conseil d’Etat, président ; M. André Wiehn, Inspecteur général de l’administration ; Mme Mireille Jean, Conservateur aux Archives nationales ; M. Werner Gagneron, Inspecteur de l’administration. En ligne. [2] Dans une note infrapaginale, Brunet (2011) parle de 13 morts « certains » dont plusieurs blessés décédés ultérieurement. Or, ces morts ne sont pas documentés dans les archives de l’IML. Brunet, J-P., (2011) « Combien y a-t-il eu de morts lors du drame du 17 octobre 1961 ? ». Atlantico, 17 octobre 2011.
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Les raisons de la crise franco-algérienne

Sun, 03/10/2021 - 18:26
L’Algérie vient de rappeler en consultation son ambassadeur à Paris, puis elle a décidé de fermer son espace aérien aux avions français  ravitaillant Barkhane. La raison ? Simple calcul électoral ou véritable et louable prise conscience, le président Macron qui, jusque-là, parlait de la colonisation comme d’un « crime contre l’humanité », vient étonnamment de faire preuve de « virilité » en dénonçant le cœur du « Système » qui pompe la substance de l’Algérie depuis 1962. Deux points de la déclaration présidentielle ont littéralement ulcéré les dirigeants algériens :
 
1) Les prédateurs qui dirigent l’Algérie survivent à travers une rente mémorielle entretenue par une fausse histoire.
 
2) L’existence de l’Algérie comme nation est discutable puisqu’elle est directement passée de la colonisation turque à la colonisation française. Or les dirigeants d’Alger ne dénoncent jamais la première.
 
Le président Macron aurait-il donc lu mon livre Algérie, l’histoire à l’endroit, un livre expédié à l’Elysée au moment de la publication du lamentable « rapport Stora », et dans lequel la fausse histoire algérienne est démontée en dix chapitres ? L’on pourrait en effet le penser puisque, l’Algérie vit effectivement au rythme d’une fausse histoire entretenue par une association sangsue, l’ « Organisation nationale des moudjahidines » (ONM), les « anciens combattants ». Or, comme l’a déclaré l’ancien ministre Abdeslam Ali Rachidi, « tout le monde sait que 90% des anciens combattants, les moudjahidine, sont des faux » (El Watan, 12 décembre 2015). J’ai ainsi démontré, toujours dans mon livre, que les moudjahidine furent en réalité cinq fois moins nombreux que les Algériens combattant dans les rangs de l’armée française.
 
En 2008, Nouredine Aït Hamouda, député du RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie), a lui-même pulvérisé cette fausse histoire et son mythe du1,5 million morts causés par la guerre d’indépendance. Un chiffre que tous les Algériens sérieux considèrent comme totalement fantaisiste, mais qui permet au « Système » de justifier le nombre surréaliste des veuves et des orphelins, soit 2 millions de porteurs de la carte de moudjahidine et d’ayants-droit, dont les ¾ sont des faux…
Ces faux moudjahidine qui vivent de la rente mémorielle née de la fausse histoire, bénéficient du 3° budget de l’Etat, juste derrière ceux de l’Education et de la Défense. Car, « originalité » algérienne, et contrairement à la loi naturelle voulant que plus on avance dans le temps, moins il y a de gens qui ont connu Abd el-Kader…, en Algérie, tout au contraire, plus les années passent, et plus le nombre des « anciens combattants » augmente…Ainsi, fin 1962-début 1963, l’Algérie comptait 6000 moudjahidineidentifiés, 70.000 en 1972 et 200.000 en 2017…
 
Comment regarder l’histoire en face quand, en Algérie, six décennies après l’indépendance, l’on obtient encore la carte d’ancien moudjahidinesur la simple déclaration de « faits d’armes » imaginaires ? La raison est que ses détenteurs ainsi que leurs ayants-droit touchent une rente de l’Etat, bénéficient de prérogatives, jouissent de prébendes et disposent de passe-droits. Cette carte permet également d’obtenir une licence de taxi ou de débit de boisson, des facilités d’importation, notamment de voitures hors taxes, des réductions du prix des billets d’avion, des facilités de crédit, des emplois réservés, des possibilités de départ à la retraite, des avancements plus rapides, des priorités au logement etc.
Dans ces conditions, toute remise en question de la fausse histoire entrainerait la ruine des prébendiers et la mort du « Système ». Voilà donc pourquoi les dirigeants algériens se sont directement sentis visés par les propos du président Macron.
 
La situation économique, sociale, politique et morale de l’Algérie est à ce point catastrophique que des milliers de jeunes sans espoir tentent l’aventure mortelle de la haraga, la traversée de la Méditerranée. Quant au « Système », totalitaire et impuissant tout à la fois, acculé par la rue dans une impasse, il est aux abois.  Réduit aux expédients et aux basses manœuvres, afin de tenter de faire diversion, voilà pourquoi, totalement isolé diplomatiquement et coupé de sa propre population, il a ordonné une double offensive, à la fois contre le Maroc, d’où la rupture des relations diplomatiques avec Rabat (voir le numéro d’octobre de l’Afrique Réelle), et  contre la France. Une fuite en avant suicidaire.
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