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Diplomacy & Crisis News

« Le Parisien » enchaîné

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:07

Début 2016, peu après son rachat par le groupe LVMH de M. Bernard Arnault, Le Parisien avait interdit la publication d'articles sur le film de François Ruffin Merci patron !, qui tournait en ridicule le nouveau propriétaire. Au printemps 2017, la nouvelle cible se nomme Jean-Luc Mélenchon, qualifié de « marchand de rêves » dans un éditorial (16 avril 2017). À l'avant-veille du premier tour (21 avril 2017), une double page assimilait son mouvement, La France insoumise, au Front national : « Ils appartiennent à une droite et à une gauche pour le moins radicales, allergiques l'une et l'autre à l'Allemagne, à l'Europe, au monde qui, tout autour de nous, bouge et avance. Quoi qu'on en dise, les populismes quels qu'ils soient sont un rabougrissement des idées et des ambitions qui pourrait mettre la France en état de congélation. » Contrairement au courant d'air vivifiant qu'insuffle le journalisme de faits divers.

Pour préciser le fond de sa pensée, le quotidien a sollicité un expert impeccablement neutre, présenté comme « directeur de la Fondapol » : Dominique Reynié, en réalité candidat Les Républicains aux régionales de 2015 dans le Languedoc-Roussillon. « Ces deux extrémismes sont-ils identiques ? », interroge la journaliste. « Quelle est la force qu'a cherché à mobiliser Mélenchon la semaine dernière lors de son meeting à Marseille lorsqu'il a fait huer l'État d'Israël ?, rétorque le militant grimé en politologue. Il y a toujours eu dans l'extrême gauche un vieux fond antisémite contre lequel elle se défend en insistant sur la différence, qui n'est qu'un leurre, entre “antisémitisme” et “antisionisme”. » On attend désormais que Le Parisien fasse commenter la politique étrangère américaine par Élizabeth Teissier, présentée comme géopoliticienne.

Quelque part au sud de Paris

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

Isolé au fond d'une zone industrielle bordée par la forêt de Sénart, l'hôtel de Tigery connaît ce jour-là une forte agitation. M. François Laballe, chargé de mission au Secours populaire de l'Essonne, au sud de Paris, et quelques bénévoles déchargent leur camion de vivres et de vêtements. Quelques tables sont rapidement dressées dans l'épais brouillard matinal. Plusieurs dizaines de personnes, des femmes, principalement, et quelques enfants, sortent du hall de l'hôtel. Cinquante-quatre familles, cent vingt personnes, sont hébergées ici dans soixante-quatre chambres. Immigrés économiques ou réfugiés, détenteurs de cartes de séjour ou en situation irrégulière. « En à peine deux ans, nous avons constaté l'augmentation des besoins concernant les migrants et les réfugiés dans notre département, explique Mme Annie Grinon, responsable fédérale de l'association. Les hôtels sont mal desservis par les moyens de transport et n'offrent donc pas de possibilité de rejoindre l'une de nos permanences. Nous venons donc jusqu'à eux. Bientôt, nous pourrons utiliser un nouveau bus, le Solidaribus, avec une partie réfrigérée et un espace d'accueil, capable de se rendre dans ces zones. »

Face aux premiers gestes d'impatience, M. Laballe rappelle les règles : d'abord donner son numéro de chambre, auquel correspond un panier alimentaire élaboré en fonction de la composition de la famille. « Il y a une participation de tous de 50 centimes par personne hors bébé, rappelle-t-il. Concernant le vestiaire, c'est 50 centimes pour les vêtements d'occasion et 1 euro pour le neuf. » Christine, l'une des bénévoles, reprend à peine son souffle. « Il y a un litre de lait par personne, des boîtes de conserve, un kilo de pâtes, du riz, des fruits, des légumes, de l'huile, de la viande ou des plats cuisinés. » Les produits frais proviennent principalement des collectes effectuées auprès des grandes enseignes du département ; ceux à conservation plus longue, du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD).

Tous ont été orientés jusqu'ici par le pôle hébergement et réservation hôtelière (PHRH) du Samu social de Paris dont ils dépendent, souvent après de multiples séjours, parfois brefs, dans la constellation d'hôtels de la région. Trente-cinq mille personnes sont accueillies chaque nuit dans les hôtels d'Île-de-France, selon la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement. Elles sont quatre mille par nuit dans le seul département de l'Essonne. Mme Marie Diakité, 26 ans, a composé le 115, comme tout le monde appelle ici, le numéro du Samu social. « Je suis d'abord allée dans une structure pour femmes pendant deux semaines, puis dans des hôtels à Cergy pendant quelques jours, puis à Paris, dans le 18e arrondissement, pendant une nuit, et encore à Cergy-Préfecture pendant trois ou quatre nuits, avant, enfin, d'arriver ici il y a un mois. »

Car l'hôtel de Tigery est, selon la terminologie officielle, un « hôtel de stabilisation ». « Le processus peut durer longtemps, explique M. Laballe. D'abord quelques jours, quelques semaines, puis quelques mois. Chaque fois que la composition de la famille change, ils doivent aussi changer d'hôtel. Ils font des allers-retours. » Carine, 29 ans, vit ici depuis un an avec ses deux enfants. Elle occupe une étroite chambre de quatorze mètres carrés. Un lit superposé, sur lequel s'est assoupie sa fille de 3 ans, fait face à une petite salle de bains et à une colline de sacs qu'elle a accumulés. Son itinéraire ressemble à celui de nombre de ses voisins de chambre. Carine a d'abord affronté la route des migrants. « Je viens de Côte d'Ivoire, raconte-t-elle Je suis originaire de l'ouest du pays, de la région de l'ancien président Laurent Gbagbo, et j'ai perdu mon emploi lorsqu'il a perdu le pouvoir. Je suis d'abord allée en Turquie, pendant dix mois. Le choix de la route dépend des contacts que tu as. En ce qui me concerne, c'est un Ivoirien que je connaissais qui a joué les intermédiaires avec des Nigérians en Turquie. Ensuite, je suis passée par la Grèce, la Bulgarie, la Hongrie, et enfin la France. »

Les familles se plaignent surtout de l'isolement et des difficultés à rejoindre leur lieu de travail ou, pour les enfants, leur établissement scolaire. À la défaillance du réseau de transports (quasi absents de la zone industrielle) s'ajoute son coût pour ceux qui n'ont pas la couverture maladie universelle (CMU). « Beaucoup des personnes hébergées ne bénéficient que de l'aide médicale de l'État [AME]. Or, depuis une décision du conseil régional d'Île-de-France en janvier 2016, celle-ci ne prend plus en charge le prix des billets de train ou de bus », nous explique M. Laballe.

Errements de la politique migratoire de Bruxelles

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

L'arrivée de migrants (0,2 % de la population européenne) a créé une « crise des réfugiés », qui n'est pas autre chose qu'une crise de l'Europe elle-même et de sa capacité à fédérer les États autour des droits fondamentaux.

Face à l'arrivée de migrants et de réfugiés, la réaction des États et de l'Union européenne consiste uniquement à tout mettre en œuvre pour éviter un nouvel « afflux » de population, sans engager leur responsabilité, fût-ce au prix de nombreuses violations des droits humains et du droit des réfugiés. Ils ont ainsi développé diverses techniques allant du renforcement matériel des frontières — y compris par la construction de murs ou de camps destinés à parquer et à trier les migrants — jusqu'au développement de mécanismes juridiques plus subtils, qui exacerbent les ambiguïtés du projet européen (1).

La politique migratoire commune est officiellement née avec l'adoption du traité de Lisbonne, en 2008. Toutefois, seuls certains aspects des migrations ont pu être pris en charge, notamment la politique d'asile et celle des visas de court séjour, ou l'harmonisation des conditions de renvoi des étrangers ressortissants d'États tiers en situation irrégulière.

En réalité, face au besoin de protection ressenti contre des étrangers dépeints comme des délinquants, des criminels ou des terroristes dans un contexte de crise économique, les États membres jouent un double jeu. D'un côté, ils rejettent les normes et institutions communes qui les contraignent à accepter les réfugiés et d'autres migrants. Ils ont ainsi refusé le plan de la Commission qui souhaitait imposer des quotas de réfugiés à réinstaller en Europe et une relocalisation au sein de l'Union des demandeurs d'asile arrivés en Grèce et en Italie. Mais, d'un autre côté, ils renforcent ces normes et institutions quand elles servent leurs desseins. Ainsi ont-ils accepté le développement de réseaux de fichiers de données et métadonnées permettant de contrôler les déplacements des étrangers (mais aussi des Européens), ou le renforcement de l'agence Frontex par la création d'un corps de gardes-frontières et de gardes-côtes disposant d'une autonomie et de pouvoirs plus grands (2).

Mais, entre fermeture et ouverture, entre autonomie et subordination aux États membres, les institutions européennes font elles aussi preuve d'ambiguïté. Le président de la Commission, M. Jean-Claude Juncker, semble lui-même marquer le pas lorsqu'il estime, dans son discours sur l'état de l'Union de 2016, que le devoir de solidarité ne peut pas être imposé. Le Conseil de l'Union (ministres) ne cesse, pour sa part, de proroger des autorisations données à certains États de maintenir des contrôles sur une partie de leurs frontières intérieures à l'espace Schengen. Quant à la Cour de justice de l'Union, elle affirme que les États ne sont pas obligés d'accorder un visa humanitaire à des personnes souhaitant se rendre sur le territoire européen pour demander l'asile.

Par ailleurs, les États membres et les institutions européennes cherchent à échapper à leurs responsabilités en recourant à l'externalisation des contrôles migratoires, technique empruntée au management des entreprises commerciales. Il s'agit de délocaliser les contrôles hors du territoire européen et de sous-traiter leur exercice à d'autres acteurs, essentiellement les États d'origine et de transit des migrants.

Cette technique est utilisée aux mêmes fins que l'externalisation des opérateurs économiques : ménager les finances en transférant à d'autres la surveillance de l'immigration, quitte à allouer aux États tiers une indemnisation symbolique, de plus en plus souvent déguisée en aide au développement. L'Union et ses États membres se prémunissent également contre le risque juridique d'être condamnés en repoussant les contrôles loin des yeux du public et des juges européens.

L'arrangement du 18 mars 2016 entre la Turquie et l'Union n'est qu'un aspect de ce phénomène général, qui conduit à de nombreuses violations des engagements européens en matière de droits humains et de droit des réfugiés. Avec Ankara, comme avec d'autres pays (Libye, Soudan), il s'agit, à force de « mesures incitatives » et de menaces de sanctions économiques, de bloquer les migrants à leurs frontières ou de les contraindre à réadmettre les étrangers en situation irrégulière identifiés sur le territoire des États membres.

On sous-traite encore à des États tiers qui ne reconnaissent pas le droit d'asile le soin de statuer sur les demandes de protection des étrangers qu'ils ont retenus. Il en va ainsi de la Turquie, qui est certes partie à la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, mais qui a déclaré ne l'appliquer qu'aux personnes devenues des réfugiés à la suite d'événements survenus en Europe, ce qui exclut donc les Syriens. Quant à la Libye déchirée, elle n'est pas partie à la convention de 1951. Et que dire encore des discussions avec le Soudan — dont le président, M. Omar Al-Bachir, fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale —, l'Égypte et l'Érythrée ? Sans que cela soit assumé par l'Union et par ses membres, l'Europe est de moins en moins une terre d'asile.

(1) Cf. « L'espace Schengen : crise et méta-crise », Migrations sans frontières, 11 décembre 2016.

(2) Règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016 relatif au corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes.

Mondialisons la solidarité !

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

Le grand public connaît bien les activités du Secours populaire français dans le domaine alimentaire en France — 180 millions de repas sont en effet distribués chaque année. Il connaît bien également ses grandes campagnes organisées à l'occasion des vacances ou des fêtes de fin d'année, notamment les « Pères Noël verts », pour aider les personnes en difficulté à y prendre part.

En revanche, ses activités dans le monde sont moins connues. Et pourtant ! Chaque année, le Secours populaire vient en aide, au-delà de nos frontières, à plus de 450 000 personnes dans une cinquantaine de pays, avec un réseau de 150 associations locales. Sans parler de la construction du grand mouvement d'enfants Copain du monde, créé il y a vingt-cinq ans, et qui est la traduction sur le terrain des beaux textes de la convention internationale des droits de l'enfant. Que de bonnes intentions ! Mais cela ne suffit pas. D'où l'organisation, cette année, d'une trentaine de villages « Copain du monde » pour apprendre à s'aimer les uns les autres, et non à se détester, apprendre à se rencontrer plutôt qu'à se fuir.

Mais il faut également répondre à ce drame inhumain d'une ampleur encore jamais rencontrée : ce flot d'enfants et de familles réfugiés venus du Proche-Orient ou d'Afrique, tentant de fuir les guerres, les violences, la famine et la misère. Le Secours populaire se mobilise ici et là-bas pour leur venir en aide.

Aujourd'hui, les bénévoles ou les donateurs sont les bienvenus. Ils font œuvre utile dans ce monde où tant de personnes sont confrontées à des situations dramatiques.

Le fantôme de la guerre d'Espagne

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

À la fin des années 1930, face à la guerre qui ravage leur pays, de nombreux Espagnols cherchent l'asile en France. Tandis que le Front populaire, arrivé au pouvoir en 1936, impose un accueil solidaire des réfugiés, les derniers gouvernements de la IIIe République mettent en place une législation restrictive qu'utilisera le régime de Vichy.

Dans les années 1920, la France, touchée par la première guerre mondiale et les pertes d'hommes jeunes, est amenée à recruter des travailleurs étrangers et à accueillir des réfugiés. Elle devient, à l'aube des années 1930, le premier pays d'immigration du monde. Des travailleurs entrés individuellement ou recrutés collectivement par la Société générale d'immigration, créée par le patronat, se mêlent aux réfugiés. Mais les effets de la crise économique de 1929 provoquent une poussée de xénophobie.

De l'été 1936 au printemps 1938, les premiers bombardements de l'histoire de villes européennes et les représailles exercées par les franquistes provoquent l'arrivée de plusieurs vagues de réfugiés espagnols. Souvent suivis de retours, ces flux représentent plus de 150 000 personnes. Quarante-huit heures après le putsch de Francisco Franco, à la mi-juillet 1936, le gouvernement du Front populaire recommande de pratiquer à l'égard des réfugiés un accueil conforme à la « tradition ». Le 18 août 1936, il est demandé aux préfets des départements situés entre Garonne et Loire de procéder à un recensement des locaux susceptibles de recevoir les démunis. Une « Instruction générale sur l'hébergement des réfugiés espagnols », édictée en mai 1937, détermine la liste des départements concernés et synthétise les prescriptions en matière de conditions d'accueil.

Après la chute du gouvernement de Léon Blum, en juin 1937, il se produit une inflexion restrictive sensible. Le 27 novembre, il est décidé qu'en dehors des femmes, des enfants, des vieillards et des malades, qui peuvent encore être hébergés aux frais des collectivités publiques, les réfugiés doivent pouvoir subvenir à leurs besoins.

Le gouvernement d'Édouard Daladier, constitué en avril 1938, marque un net changement dans la politique d'admission des étrangers. On considère désormais que les réfugiés sont trop nombreux et menacent la sécurité nationale. Le 14 avril, le ministre de l'intérieur réclame « une action méthodique, énergique et prompte en vue de débarrasser notre pays des éléments indésirables trop nombreux qui y circulent ». Le 2 mai, un décret prévoit que, si un étranger frappé par un arrêté d'expulsion ne parvient pas à obtenir le visa qui lui permettrait de quitter la France, le ministère de l'intérieur « pourra assigner à l'intéressé une résidence déterminée qui rendra sa surveillance possible ». Le 12 novembre de la même année, un décret estime que, pour les « indésirables » qui « sont dans l'impossibilité de trouver un pays qui les accepte », l'assignation à résidence prévue en mai représente une « liberté encore trop grande » : ils seront dirigés vers des « centres spéciaux » où ils feront l'objet d'une surveillance permanente.

En janvier et février 1939, face à l'exode d'un demi-million de personnes consécutif à la conquête de la Catalogne par les franquistes, la principale préoccupation du gouvernement est d'assurer l'ordre et la sécurité, tout en incitant les arrivants à repartir en Espagne. Malgré les avertissements répétés des diplomates, rien n'a été prévu pour préparer le moindre hébergement. L'asile est certes consenti ; mais, dépassés par des événements qu'ils n'ont pas su ou voulu anticiper, les pouvoirs publics gèrent le grand exode de 1939 de manière sécuritaire.

La séparation des familles, quand elles ont pu partir groupées, s'effectue dès la frontière : les femmes, les enfants et les personnes âgées sont généralement évacués vers des centres d'hébergement en province où ils sont tant bien que mal accueillis. Quant aux combattants et aux hommes jeunes, ils sont conduits sous bonne escorte dans des camps aménagés à la hâte sur les plages du Roussillon. Ces camps sont dits alors « de concentration » dans les textes administratifs, au sens où l'on entend « concentrer », afin de les surveiller, ceux que l'on juge « indésirables ». Les réfugiés se retrouvent dispersés sur tout le territoire pour de longs mois, voire des années.

Chaos et improvisation dominent : les premiers camps poussent sur les plages du Roussillon, à Argelès-sur-Mer et à Saint-Cyprien, dans les Pyrénées-Orientales. Ce sont de simples espaces délimités par des barbelés, sans baraquements ni installations sanitaires, placés sous la surveillance de corps de troupe (gendarmerie, gardes mobiles, troupes coloniales). Les réfugiés doivent, en plein hiver, s'enfouir dans le sable pour se protéger des intempéries. Des épidémies se répandent, tant ces populations sont affaiblies par des mois de guerre et par de longues marches.

Ces camps se révèlent vite insuffisants ; les autorités en ouvrent d'autres : au Barcarès, non loin, pour les réfugiés en instance de rapatriement ; à Bram, dans l'Aude, à Agde, dans l'Hérault, à Septfonds, en Tarn-et-Garonne, puis au Vernet d'Ariège et à Gurs, près de Pau. En février 1939, quelque 275 000 Espagnols sont internés. Fin mars 1939, des réfugiés parviennent à gagner l'Algérie, où les autorités, souvent profranquistes, les accueillent rudement ; des camps précaires, tels Morand (à Boghari) et Suzzoni (à Boghar), attendent les combattants près d'Alger.

Les autorités françaises incitent les internés à retourner en Espagne, malgré les risques encourus, ou à s'engager dans la Légion étrangère. Les autres se retrouvent, de gré ou de force, employés à la fortification des frontières ou embarqués dans l'économie de guerre : enrôlement dans les compagnies de travailleurs étrangers, militarisées, et, sous Vichy, dans les groupements de travailleurs étrangers.

Les Espagnols attendront 1945 pour bénéficier du statut de réfugiés politiques, après avoir participé en grand nombre à la guerre et à la Résistance. Entre-temps, ces camps et d'autres nouvellement créés — comme celui de Rivesaltes — auront été utilisés par le régime de Vichy, qui en aura fait les instruments de sa politique d'exclusion à leur égard et à celui d'autres « indésirables », notamment des Juifs. Le sécuritaire avait toutefois pris le pas sur l'humanitaire dès la fin de la IIIe République.

La Grèce en première ligne

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05
Bruce Clarke. – « Home Boy » (Frère),2016 Bruce Clarke / ADAGP

En visite officielle en Grèce, le 3 mars dernier, le premier ministre français Bernard Cazeneuve a trouvé quelques instants, entre deux rendez-vous consacrés à la dette, pour s'adresser aux réfugiés en partance pour la France. Chaque mois, quatre cents personnes prennent le chemin de l'Hexagone, où elles demandent l'asile tant espéré. Sélectionnées sur dossier par les autorités grecques, elles n'obtiennent l'éventuel accord final qu'une fois arrivées sur le sol français. Entre-temps, elles apprennent les rudiments de la langue et s'informent sur la vie quotidienne qui les attend. Ce programme, instauré par M. Cazeneuve lui-même en septembre 2015, lorsqu'il était ministre de l'intérieur, arrivera à son terme en septembre prochain. Pour l'instant, aucune suite n'est prévue.

Le camp de Malakasa, à une heure de route à peine à l'ouest d'Athènes, accueille principalement des Afghans et des Iraniens. Mais, aux yeux du Secours populaire français (SPF) et de son partenaire local Solidarité populaire, la nationalité ne revêt que peu d'importance dans un monde sous tension. Tous les migrants appellent un geste de solidarité, sans distinction d'origine.

Ce jour de mars, un camion du SPF arrive de France, chargé de vivres. Pour les bénévoles, la première étape consiste à préparer des sacs : huile, sauce tomate, pâtes, légumineuses, confiture, mais aussi des douceurs, comme du sirop de citron ou des bonbons, pour offrir un peu de plaisir aux petits. Chacune des deux cents familles hébergées dans le camp a droit à deux sacs remplis à ras bord.

« Nous sommes des électrons libres »

Trois clowns nous approchent. Trois femmes. Prenant le contrepied de la xénophobie qui monte dans son pays d'origine, les Pays-Bas, l'une d'elles se montre particulièrement joyeuse : « Je suis venue vous dire que je suis bien heureuse que tous mes compatriotes ne soient pas des salauds. » Juditth L. habite Amsterdam, elle est clown et, comme ses deux collègues, elle vient en Grèce aussi souvent que possible pour rendre le sourire aux enfants comme aux adultes. « Nous sommes des électrons libres, nous n'appartenons à aucune organisation », précise-t-elle avant de nous embrasser puis de poursuivre le tour du camp.

Les organisations et les « électrons libres » sont si nombreux qu'en dresser la liste se révèle malaisé. Fragmentées et confuses, les données changent en outre continuellement depuis le début de la crise migratoire, en 2015, le va-et-vient des associations variant avec l'afflux des personnes. En septembre 2016, le ministère de la politique migratoire grec recensait 170 associations, dont il était cependant impossible de savoir si elles avaient simplement foulé le sol du pays ou si elles inscrivaient leur action dans la durée. Aucune information ne permettait de préciser le rôle des unes et des autres, les objectifs poursuivis, le statut juridique et le pays d'origine, ni les budgets alloués…

L'impossibilité de réaliser un état des lieux découle principalement de l'implication de plusieurs ministères : les organisations non gouvernementales (ONG) dont la raison sociale est le sauvetage en mer sont enregistrées au ministère des ports ; celles qui s'investissent dans des actions de solidarité sociale, au ministère du travail et de la solidarité sociale ; celles qui fournissent des soins médicaux rendent des comptes au ministère de la santé ; et les ONG étrangères sont censées se faire connaître du ministère des affaires étrangères. « Si les autorités compétentes parviennent à avoir une vision assez complète de la présence des ONG dans le pays, il n'existe pas de registre officiel répertoriant tous les acteurs, confirme un ex-cadre du ministère de la politique migratoire qui préfère garder l'anonymat. Le ministère donne son accord à toutes les organisations qui le demandent, mais, en dehors des camps proprement dits, il est difficile de savoir qui fait quoi. »

La situation devrait s'éclaircir une fois finalisé le registre national des organisations non gouvernementales (RNONG), sur lequel les associations devaient s'inscrire avant le 30 mars 2017. Seules celles qui seront dûment enregistrées pourront avoir accès aux réfugiés et bénéficier des fonds européens. Le ministère n'exercera pas de contrôle sur elles, mais il pourra encadrer leurs activités en spécifiant les règles d'accès aux migrants afin de coordonner leur action. Établi par le gouvernement grec, le RNONG contiendra les informations financières, fiscales, administratives concernant chaque organisme. Il précisera également le type de service fourni et le statut du personnel (bénévole ou rémunéré).

Une collaboration harmonieuse

Le sommet européen de mars 2016 a autorisé la Commission à distribuer directement les fonds communautaires aux ONG, mettant le gouvernement grec devant le fait accompli. Depuis, c'est Bruxelles qui gère une manne sur laquelle Athènes n'exerce plus aucun contrôle. Pour les ONG internationales, intervenir dans un pays industrialisé qui n'a pas subi de catastrophe naturelle ou qui ne se trouve pas en état de guerre constitue une première. Si, dans un premier temps, la collaboration avec les autorités a été harmonieuse, quelques incidents provoquant une certaine tension sont survenus. Par exemple, dans les îles du sud-est de la mer Égée, des associations ont cimenté un terrain sans autorisation ; d'autres ont molesté un photojournaliste dont les clichés portaient, selon elles, atteinte au respect de la vie humaine. D'autres encore se sont spontanément installées sur des plages, sans coordination, suscitant des tensions avec la population locale.

Seul le RNONG pourra décider de la répartition des financements et préciser les activités de ces organisations. Sa création a été jugée d'autant plus nécessaire que maintes rumeurs circulent, certaines proches des théories du complot, d'autres reposant sur des dépôts de plaintes à l'encontre d'ONG soupçonnées de tirer avantage des réfugiés. Un rapport confidentiel de Frontex, l'agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne, mentionne le premier cas avéré impliquant une ONG de trafiquants conduisant illégalement des réfugiés vers l'Italie. Les migrants avaient « reçu avant leur départ des indications claires sur la route précise à suivre pour arriver à des bateaux appartenant aux ONG (1».

Ces tensions ont déplacé le débat sur le terrain politique. L'opposition accuse le gouvernement de M. Alexis Tsipras de manquer de transparence et de se laisser dépasser par les événements. Les élus locaux montent au créneau. M. Spyros Galinos, maire de Lesbos, une des îles qui accueillent le plus de réfugiés — sa population est passée de 90 000 à 450 000 habitants en 2015 —, exprime souvent sa reconnaissance envers les ONG.

Mais toutes ne sont pas si vertueuses : « Beaucoup d'ONG sont venues sans prendre la peine de s'enregistrer, sans chercher à coopérer avec notre municipalité, déplore l'élu local. Elles suscitent le doute et la méfiance parmi les résidents de Lesbos. Je dirais que leur présence est plus perturbatrice qu'utile (2).  » Outre les trente associations dûment enregistrées dans l'île, une quarantaine travailleraient de manière autonome.

L'Union des médecins du secteur public de Lesbos exprime, pour sa part, ses inquiétudes dans un communiqué de presse : l'encadrement des réfugiés et la distribution des soins médicaux de base ont été délégués à des ONG « qui ne disposent pas d'un seul pédiatre pour les camps de Moria et de Kara Tepe (3)  ».

C'est donc l'hôpital de Lesbos qui traite tous les cas, alors même que ce sont les ONG qui disposent des financements. « Ils ont lamentablement échoué à assurer des conditions humaines pour les réfugiés », concluent les médecins. Mais ce n'est pas le seul sujet de préoccupation.

Un magnat controversé

La multiplication des intervenants pose de redoutables défis de coordination. En effet, on distingue quatre catégories. En premier lieu, les grandes organisations internationales : l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). En deuxième lieu, les ONG financées par la direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes de la Commission européenne (ECHO). Il y a ensuite les ONG financées par des dons, comme la Croix-Rouge, ou par des fonds privés, tel l'International Rescue Committee (IRC), fondé par Albert Einstein pour aider les opposants à Adolf Hitler. En Grèce, l'IRC reçoit des dons, entre autres, de la Fondation Stavros-Niarchos. Enfin, certaines ONG puisent dans leurs propres fonds, comme Solidarity Now (« Solidarité maintenant »), financée par Open Society Foundations (OSF), du magnat controversé George Soros. À cette liste déjà longue pourraient s'ajouter d'autres associations, plus petites mais exerçant elles aussi dans le secteur caritatif sur le sol grec. Faute d'être enregistrées, celles-ci échappent à tout repérage.

Les grandes ONG parviennent à travailler dans une certaine harmonie les unes avec les autres. Par exemple, les organisations françaises Médecins sans frontières et Médecins du monde assurent la médecine générale, Save the Children s'occupe principalement des enfants, l'IRC distribue des coupons d'alimentation et prend soin de la sécurité et de l'hygiène, le Centre pour le développement des réfugiés (Refugee Development Center, RDC) se concentre sur la gestion et la distribution des produits non alimentaires, etc.

Après les tensions des premiers mois, la plupart des ONG tentent de tirer les leçons de l'expérience dans leurs relations avec les populations locales. Elles cherchent notamment à mettre en valeur l'économie grecque. Par exemple, les repas, qui étaient à l'origine distribués par des traiteurs, le sont désormais en collaboration avec des cuisines communautaires. Conçues soit par les ONG, soit par les réfugiés eux-mêmes, celles-ci utilisent des produits locaux.

Selon les chiffres de la Commission européenne, depuis le début de 2015, 481,9 millions d'euros ont été alloués à la Grèce au titre du Fonds asile, migration et intégration (AMIF) et du Fonds pour la sécurité intérieure (ISF), sur un total de 1 059 millions engagés jusqu'à l'année 2020. Cependant, au-delà des annonces et des engagements dans les livres de comptes, qu'en est-il exactement ? Comme tout financement européen, le décaissement dépend de procédures compliquées et longues. En ce début d'année 2017, les chiffres demeurent imprécis quant à l'argent réellement parvenu aux réfugiés, l'Union manifestant une tendance à les gonfler et les bénéficiaires à les sous-estimer. Les récipiendaires, tant l'État grec que les organismes internationaux ou européens et les ONG, doivent déposer des dossiers et attendre qu'ils soient acceptés.

On sait en revanche qu'une « aide extraordinaire » de 352 millions d'euros a bien été débloquée. Elle se décompose de la manière suivante : 178 millions d'euros alloués à l'État et à ses ministères — la défense, la police et les gardes-côtes se taillent la part du lion — et 174 millions d'euros à d'autres organismes (OIM, HCR, Bureau européen d'appui en matière d'asile, etc.).

En outre, le commissaire européen chargé de l'aide humanitaire et de la gestion des crises, le Chypriote Christos Stylianides, a pu attribuer une enveloppe de 198 millions d'euros prélevée sur le fonds d'aide d'urgence de l'Union européenne pour 2016. Ce montant — versé aujourd'hui à 94 % — est consacré à une série d'actions spécifiques : l'amélioration des logements existants et des conditions d'hygiène, la construction de nouveaux camps avant l'hiver, la fourniture d'une assistance directe aux réfugiés, l'accès des enfants réfugiés à l'éducation et l'assistance aux mineurs non accompagnés.

Contrôle sévère des fonds

En janvier 2017, le ministre de la politique migratoire, M. Yannis Mouzalas, a réclamé à la Commission européenne un contrôle sévère des fonds alloués aux ONG. Ce médecin-gynécologue de formation ne mâche pas ses mots. « Avec moins d'argent que ce qu'ont reçu les ONG et les organisations internationales, nous avons satisfait plus de 70 % des besoins dans des camps », a-t-il déclaré lors d'un voyage à Lesbos en compagnie du responsable européen du financement des ONG, M. Philippe de Broers, et du commissaire chargé de l'immigration, M. Dimitris Avramopoulos (4). Ce dernier a appelé les ONG à « gérer l'argent disponible dans la transparence » et à « intensifier leurs efforts pour fournir une aide immédiate aux personnes dans le besoin dans les îles » (5).

On imagine aisément les frictions entre l'État grec et les ONG, chacun ayant sa part de responsabilité. Le bras de fer qui a opposé les pouvoirs publics à l'association allemande Arbeiter-Samariter-Bund (ASB) début 2015 en fournit un bon exemple. Il s'agissait d'aménager les bâtiments d'une usine de papier toilette désaffectée appartenant à la société Softex. Les locaux accueillaient des dizaines de réfugiés depuis plusieurs mois dans des conditions précaires. C'est pourquoi ASB a proposé de consacrer 1,5 million d'euros à améliorer les installations. L'État a formulé une contre-proposition, plus ambitieuse mais aussi plus chère. Finalement, l'absence d'accord a conduit au statu quo : les bâtiments sont restés en l'état, c'est-à-dire inadaptés pour permettre à leurs occupants d'affronter un hiver particulièrement rigoureux. Des situations semblables se retrouvent dans la plupart des camps de réfugiés.

Loin de tout financement européen ou national, parfois même sans statut juridique, regroupant de simples citoyens désireux de manifester leur soutien aux réfugiés, on trouve ceux qu'on surnomme les « solidaires ». Ils agissent spontanément, par de petits gestes. Ils ne figurent dans aucun registre, mais la plupart collaborent sans heurts avec les autorités grecques ou les ONG.

C'est dans cette perspective d'une solidarité concrète que travaille le collectif Solidarité populaire, partenaire du Secours populaire français. L'association s'est installée dans un coin tranquille du centre d'Athènes. « C'est un don, nous ne payons pas de loyer, l'espace appartient à un ami », précise le trésorier, M. Haïk Apamian, un Français installé en Grèce depuis plus de vingt ans. Plusieurs de ses membres sont francophones, et son président, M. Frédéric Bendali, est français lui aussi, d'où les liens avec le SPF. Comme l'explique M. Ismaïl Hassouneh, secrétaire national, à la tête de la délégation venue de Paris, le SPF privilégie les partenariats locaux plutôt que la création de bureaux propres à l'étranger. De même, une partie des aliments distribués provient de France, l'autre étant achetée sur place.

L'action solidaire est non seulement la passion, mais aussi la raison de vivre de la plupart des membres de Solidarité populaire. « Une fois l'accueil initial organisé et les actions urgentes assurées (nourriture, soins), nous nous préoccupons de l'insertion des réfugiés dans la société », explique le secrétaire Edouardos Georgiou. Les enfants font l'objet d'une attention particulière. Des « matinées créatives » leur sont proposées en fin de semaine, ainsi que des escapades d'une journée à la campagne.

Un matin, nous partons tôt à Malakasa pour participer à la distribution organisée par le SPF et Solidarité populaire avant le déjeuner. Les bénévoles n'ont pas fini de remplir les sacs destinés aux réfugiés que déjà les premiers bénéficiaires approchent. Ce sont surtout des jeunes de 15-17 ans. Ils sont accompagnés d'un réfugié d'une cinquantaine d'années qui garde le silence, car il ne parle pas anglais. Karim, son fils, nous explique le rôle de chacun : « Nous pouvons vous aider à organiser la distribution, mais il faut que mon père nous surveille. Ainsi, nous serons acceptés par les autres migrants. » Mais nous sommes suffisamment nombreux pour assurer l'ensemble des tâches. D'autres jeunes s'approchent. « Il faut faire attention, insiste notre interlocuteur, il y a des gens qui vont essayer de passer deux ou trois fois. Après, ils essaieront de vendre les aliments pour acheter de la drogue. »

Tensions avec la Turquie

Les réfugiés font tranquillement la queue, serrant dans leur main les tickets attribués par la direction du camp. Elena, qui supervise les distributions au sein de la direction du camp, vient nous saluer au nom de tous les travailleurs de Malakasa. Elle nous laisse rapidement : connaissant les bénévoles de Solidarité populaire, elle sait qu'aucun problème ne surgira. Elle vaque donc à d'autres tâches. Beaucoup d'enfants demandent un bonbon de plus aux militants du SPF. Heureusement, l'association française en a apporté plus qu'assez pour tout le monde.

Des personnes âgées viennent s'asseoir auprès de nous à l'ombre d'un olivier. Au-delà de leur utilité immédiate, les distributions d'aliments organisées par Solidarité populaire constituent des événements sociaux. Si les jeunes peuvent aisément se rendre au village voisin, qui n'est distant que d'un kilomètre, pour les vieux, l'horizon se limite souvent aux barrières du camp. « Comment ont-ils fait pour arriver jusqu'ici ? », se demande-t-on spontanément quand on les voit se déplacer avec peine.

Et c'est justement la question. Les tensions entre la Turquie et l'Union européenne pourraient conduire à l'arrivée de nouvelles vagues, incontrôlables, de réfugiés. Dans ce cas, même si la solidarité manifestée par le peuple grec se révèle exemplaire, et même si l'aide d'organisations telles que le SPF est inestimable, comment assurer à tous les soins nécessaires ?

(1) Duncan Robinson, « EU border force flags concerns over charities' interaction with migrant smugglers », Financial Times, Londres, 15 décembre 2016.

(2) Helen Nianias, « Refugees in Lesbos : Are there too many NGOs on the island ? », The Guardian, Londres, 5 janvier 2016.

(3) Penny Bouloutza, « Les médecins dénoncent les ONG » (en grec), I Kathimerini, Athènes, 14 février 2017.

(4) Ethnos, Athènes, 19 janvier 2017.

(5) Ibid.

L'Europe au défi des réfugiés

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:04
Bruce Clarke. – « Life After » (La Vie d'après), 2013 Bruce Clarke / ADAGP

Les conflits qui ravagent le Proche-Orient, singulièrement la Syrie, l'Irak et l'Afghanistan, ont jeté des centaines de milliers de personnes (hommes, femmes et enfants) sur les routes de l'exil. Si les pays frontaliers, comme le Liban, assurent le gros de l'effort d'accueil, les États de l'Union européenne sont également sollicités au nom du droit d'asile. Mais leur réponse varie selon les capitales et est souvent parcimonieuse. À Bruxelles, la Commission a tenté en vain d'organiser une réponse coordonnée des Vingt-Huit. Sur le terrain, les associations se mobilisent pour prodiguer aux réfugiés les premiers soins, leur fournir gîte et nourriture : un devoir de solidarité, comme le rappelle M. Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français (lire « Mondialisons la solidarité ! »). En Grèce, l'afflux inattendu de dizaines de milliers de migrants met à rude épreuve toute la société (lire « La Grèce en première ligne »). Le bilan de la crise révèle le non-respect de la convention internationale relative au statut des réfugiés et un certain oubli des leçons de l'histoire (lire « Le fantôme de la guerre d'Espagne »).

Rectificatifs

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:04

— L'article « Le piège de la dépendance se referme sur le Mexique » (numéro d'avril) contenait une erreur de date. Nous voulions écrire « le salaire moyen enregistré entre 1988 et 2015 [et non 2005] ne dépasse pas 60 à 70 % de son niveau de 1981 ».

— Le revenu moyen mensuel des dentistes n'est pas de « 21 900 euros net », comme écrit dans l'article « L'assurance-maladie universelle en questions » (numéro d'avril), mais de 21 900 euros en honoraires, soit 8 600 euros net par mois en moyenne.

Politique de la pollution

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:04

On peut décimer la population avec des gaz toxiques sans recevoir de missiles de croisière ni encourir la réprobation internationale, mais à une condition : procéder à très large échelle et de manière continue. « En 2015, estime une équipe de chercheurs dans un article publié par la revue médicale The Lancet, l'exposition longue aux particules fines (moins de 2,5 microns) a causé la mort de 4,2 millions de personnes et la perte de 103,1 millions d'années de vie en bonne santé (1).  » Le bilan de cette pollution de l'air d'origine essentiellement industrielle ne cesse de s'alourdir. Mais pas pour tous. « Ces morts prématurées surviennent dans 59 % des cas en Asie du Sud et de l'Est », notamment en Chine, en Inde, au Pakistan et au Bangladesh. Dans ce dernier pays, l'atmosphère contient en moyenne neuf fois plus de particules fines qu'aux États-Unis.

On suffoque dans les ateliers du monde pour qu'on puisse soupirer d'aise dans les centres commerciaux de Paris ou de Los Angeles sans risquer de s'encrasser les bronches. Cette hypothèse audacieuse, qui fait du libre-échange l'une des causes majeures de mortalité sur terre, ne provient pas d'un livret militant mais d'un second article, publié cette fois par la revue scientifique Nature (2). Région par région, les chercheurs ont évalué les décès dus aux particules fines selon qu'ils découlaient de la production de biens et de services, de leur consommation ou du déplacement atmosphérique des polluants. Ils estiment que, sur les 3,45 millions de décès prématurés dus aux particules fines comptabilisés en 2007, « 22 %, soit 762 400 morts, étaient liés à des biens et des services produits dans une région mais consommés dans une autre », donc au commerce international, contre « 12 %, soit 411 100 morts, à des polluants émis dans une région différente de celle où les décès surviennent », c'est-à-dire au déplacement par le vent des particules fines d'un pays à l'autre.

Par exemple, « la pollution émise en Chine en 2007 se traduit par plus de 64 800 morts prématurées dans d'autres régions du monde, dont 3 100 morts en Europe de l'Ouest et aux États-Unis. Mais, d'un autre côté, la consommation en Europe et aux États-Unis de biens chinois est liée à plus de 108 600 décès prématurés en Chine ». Parce qu'ils corrompent leur atmosphère pour produire chez eux les baskets et smartphones que d'autres consomment ailleurs, les Chinois se retrouvent exportateurs net de biens et de services, mais importateurs net de morts dus à l'air vicié. Réciproquement, lorsqu'ils importent des marchandises, les pays riches exportent la mortalité associée aux particules fines. « S'il s'avère que le coût des produits importés est plus faible à cause de contrôles de pollution atmosphérique moins stricts dans les pays producteurs, concluent les scientifiques, alors les consommateurs font des économies au détriment de vies perdues ailleurs. »

Diffusées en boucle par la presse, des photographies de petites victimes agonisantes décideraient-elles M. Donald Trump à bombarder le siège de l'Organisation mondiale du commerce ?

(1) Aaron Cohen et al., « Estimates and 25-year trends of the global burden of disease attributable to ambient air pollution : An analysis of data from the Global Burden of Diseases Study 2015 », The Lancet, Londres, vol. 389, no 10078, 15 avril 2017.

(2) Qiang Zhang et al., « Transboundary health impacts of transported global air pollution and international trade », Nature, Londres, vol. 543, no 7647, 30 mars 2017.

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Un monde de camps

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:04

La planète compte aujourd'hui soixante-cinq millions de réfugiés et de déplacés. Faute de politiques d'accueil, un grand nombre d'entre eux sont contraints de vivre dans des camps, sortes de prisons à ciel ouvert dont les résidents sont privés de droits fondamentaux (lire « La fabrique des indésirables »). Longtemps confinées aux pays du Sud, ces structures prolifèrent et se banalisent en Europe depuis quelques années, s'ajoutant aux centaines de centres de rétention administrative qui servaient déjà à enfermer les migrants clandestins (lire « Internement à la française »). Par leur nombre et leur pérennité — le temps de séjour moyen dans un centre du Haut-Commissariat pour les réfugiés est de dix-sept ans —, les camps ont fini par représenter un marché que se disputent âprement organisations non gouvernementales et multinationales (lire « Les réfugiés, une bonne affaire »).

En Syrie, l'ONU enquête toujours

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:04

Le gouvernement français accuse formellement le régime de M. Bachar Al-Assad dans l'attaque chimique contre une ville de la province d'Idlib. Selon le chef de la diplomatie, Jean-Marc Ayrault cette responsabilité est prouvée par un rapport des services de renseignements qui affirme que Damas détient toujours des agents chimiques de guerre. De son côté, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) estime « irréfutables » les preuves d'emploi de gaz de type sarin dans ce bombardement. En collaboration avec les Nations Unies, cette instance continue d'enquêter en Syrie sans pour autant désigner de coupable.

Rabee Kiwan. – Sans titre, 2014 Galerie Europia, Paris - europia.org

Le 4 avril 2017, au petit matin, une attaque à l'arme chimique contre la ville de Khan Cheikhoun provoquait le décès de quatre-vingt-sept personnes, en majorité des civils, et en blessait près de six cents. Tout en reconnaissant avoir mené un raid aérien, mais en milieu de journée, contre cette localité de la province d'Idlib, située à vingt kilomètres de la ligne de front qui sépare l'armée régulière des forces rebelles, les autorités syriennes nient l'usage de gaz de combat. Elles rappellent s'être engagées à ne plus utiliser d'armement chimique depuis septembre 2013 et clament que tous les stocks et sites de production du régime ont été détruits par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) entre l'automne 2013 et la mi-2014. Damas incrimine le Front Fatah Al-Cham — la nouvelle appellation de l'ex-Front Al-Nosra —, lié à l'organisation Al-Qaida, qui manipulerait l'opinion. Dans un entretien accordé à l'Agence France-Presse (13 avril 2017), M. Bachar Al-Assad qualifiait même cette attaque de « fabrication à 100 % », parlant d'une « histoire montée (…) par les États-Unis ». Tout en accusant l'Occident de complicité avec « les terroristes » — formule habituelle pour désigner l'opposition armée —, M. Al-Assad dénonçait également les bombardements décidés en représailles par le président américain Donald Trump sur l'aéroport militaire de Chayrat, d'où, selon Washington, l'avion responsable du bombardement chimique aurait décollé.

Cet épisode rappelle l'attaque au gaz sarin contre la Ghouta, une proche banlieue de Damas, le 21 août 2013 (entre trois cents et deux mille morts selon les sources, dont l'organisation Médecins du monde). Contrairement à une idée reçue, l'enquête diligentée à la fin août 2013 par l'Organisation des Nations unies (ONU) n'a désigné aucun coupable : les inspecteurs dépêchés sur place — avec l'accord du gouvernement syrien — ont certes établi l'usage « à relativement grande échelle » de gaz sarin ; mais leur mandat ne visait pas à établir une quelconque responsabilité. En janvier 2014, MM. Richard Lloyd, ancien inspecteur de l'ONU, et Theodore Postol, enseignant au Massachusetts Institute of Technology (MIT), ont publié un rapport mettant en cause les rebelles syriens et disculpant le régime. Quoique très critiqué par de nombreux spécialistes (1), ce document sert, à tort, d'argument paré du label onusien aux partisans de M. Al-Assad. Car, comme l'explique un diplomate arabe en poste à Washington ayant requis l'anonymat, « dans l'affaire de l'attaque chimique de la Ghouta, l'ONU n'a accusé aucune des parties. Par contre, cela pourrait être différent en ce qui concerne le bombardement de Khan Cheikhoun car, désormais, l'ONU peut, en théorie, désigner les coupables ».

De fait, depuis l'engagement pris par Damas de détruire ses stocks et ses capacités de production d'armes chimiques, l'OIAC intervient en Syrie pour veiller au respect des promesses. Lauréate en 2013 du prix Nobel de la paix pour « ses efforts intenses pour éliminer les armes chimiques », cette organisation doit aussi identifier « les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui ont perpétré, organisé ou commandité l'utilisation comme arme, en République arabe syrienne, de produits chimiques, y compris le chlore ou tout autre produit toxique (2) », via un « mécanisme d'enquête conjoint OIAC-ONU » instauré par la résolution 2235 du Conseil de sécurité (7 août 2015). Certes, ce mécanisme d'enquête conjoint n'a pas mandat pour « agir et fonctionner comme un organe judiciaire ou quasi judiciaire » ; et il n'est pas « investi de l'autorité ou de la compétence, que ce soit directement ou indirectement, de rendre une décision judiciaire officielle ou contraignante établissant la responsabilité pénale de quiconque » (3). Mais, comme l'explique encore notre diplomate en poste à Washington, « il s'agit d'une instance qui instruit des dossiers. Ce qu'elle glane sur le terrain comme informations peut être versé demain à un dossier de mise en accusation qu'utilisera un éventuel tribunal ad hoc. Et ce sera bien plus concret que les allégations américaines contre le régime de Saddam Hussein à la veille de l'invasion de l'Irak en 2003. D'ailleurs, l'ironie de l'histoire, dans cette affaire, c'est que les armes qui étaient introuvables à l'époque en Irak existaient bel et bien chez le voisin syrien... ».

Le mécanisme d'enquête conjoint OIAC-ONU a beau ne pas posséder de compétences judiciaires, ses intentions n'en sont pas moins claires. Dans son premier rapport, publié en février 2016, l'instance avertit ainsi que « tous les individus, groupes, entités ou gouvernements qui jouent le moindre rôle pour rendre possible l'utilisation de produits chimiques comme arme (…) doivent comprendre qu'ils seront identifiés et auront à rendre compte de ces actes odieux ». Après l'attaque de Khan Cheikhoun, l'OIAC a donc ouvert une enquête et confirmé les accusations d'usage de gaz de combat de type sarin. Le gouvernement syrien ainsi que son allié russe ont souhaité que les enquêteurs de l'institution puissent se déplacer sur place, tout en les appelant à l'« impartialité ».

Officiellement, entre les deux parties, la coopération a été « permanente et intense » jusqu'en 2016, et de nouvelles réunions à haut niveau sont prévues durant le mois de mai à la demande de l'OIAC. Soumis à une stricte exigence de confidentialité, les membres des équipes du mécanisme d'enquête conjoint, répartis entre New York et La Haye, fuient les médias ; on en sait peu sur leurs investigations. Néanmoins, la lecture des rapports réguliers qu'adresse le conseil exécutif de l'OIAC au secrétaire général de l'ONU apporte des éléments d'information. D'abord, la « structure légère » prévue dès 2014 et qui devrait accueillir des enquêteurs du mécanisme d'enquête conjoint de façon plus ou moins permanente à Damas n'existe pas encore, malgré les souhaits de l'ONU (un seul enquêteur est basé actuellement en Syrie). Ensuite, il semble bien que les autorités syriennes aient respecté les engagements pris après l'adoption, par la Russie et les États-Unis, le 14 septembre 2013 à Genève, du « cadre de référence pour l'élimination des armes chimiques syriennes » (lire la chronologie ci-dessous). Ainsi, selon l'OIAC, « tous les produits chimiques déclarés par la République arabe syrienne qui avaient été retirés de son territoire en 2014 ont maintenant été détruits ». De même, à la fin 2016, l'organisation confirmait que « vingt-quatre des vingt-sept installations de fabrication d'armes chimiques » déclarées en 2013 par Damas avaient été détruites (4). Ne subsistent donc à ce jour que trois installations, dont un hangar d'aviation interdit d'accès au personnel de l'OIAC car les autorités syriennes affirment ne pas pouvoir assurer sa sécurité.

Où se trouvent ces installations qui n'ont pas été détruites ? Mystère. Sont-elles trop proches des zones de combat, ou bien tombées entre les mains d'un quelconque groupe rebelle ? On ne le sait pas non plus, mais cette hypothèse alimente la propagande du camp pro-Assad : elle lui permet d'affirmer que les forces antigouvernementales disposent de ces armes chimiques et peuvent donc les utiliser. Pour autant, l'argument risque de se retourner contre le régime s'il vient à être prouvé qu'il n'a pas pris toutes les mesures pour détruire à temps ces sites et leurs stocks. En effet, dans ses prérogatives, le mécanisme d'enquête conjoint OIAC-ONU doit s'employer à déterminer « si les personnes occupant des postes dirigeants étaient tenues de prendre les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher l'utilisation comme arme de produits chimiques ». Une formulation vague, qui permet des mises en cause pour, au minimum, des négligences à haut niveau en matière de sécurisation des sites d'armements chimiques face à la menace rebelle.

Plus important encore, un discret bras de fer oppose l'ONU au régime syrien. Selon plusieurs documents de l'OIAC, la fondation sur laquelle repose le processus entier du désarmement chimique est sujette à caution. « Il n'a pas été possible pour le moment de vérifier pleinement que la déclaration et les autres informations présentées par la République arabe syrienne sont exactes et complètes », relevait un rapport adressé le 28 mars 2016 au secrétaire général de l'ONU d'alors, M. Ban Ki-moon. Autrement dit, la liste des stocks et des sites de production d'armes chimiques transmise en urgence par Damas à l'OIAC en septembre 2013 pourrait être incomplète. Depuis le printemps 2016, les documents et rapports de l'organisation insistent sur « des lacunes, des incohérences et des contradictions » contenues dans la déclaration syrienne. On en sait peu sur ces critiques, si ce n'est que l'une d'elles concerne le rôle exact du Centre syrien d'études et de recherches scientifiques (CERS). Pour l'OIAC, la déclaration le concernant est incomplète ; elle ne traduit pas l'ampleur et la nature des activités de cette structure dans le développement du programme d'armement chimique. Le 24 avril, le Département du Trésor américain a d'ailleurs annoncé avoir pris des sanctions fermes contre 271 employés du CERS. Washington les accuse d'avoir fabriqué les armes utilisées lors de l'attaque de Khan Cheikhoun. Les mis en cause ne peuvent plus voyager et les transactions financières avec des banques étrangères leur sont interdites. Dans les semaines qui viennent il est probable que les activités de ce centre soit de nouveau mises en avant pour justifier d'autres sanctions.

Les critiques de l'OIAC laissent la porte ouverte à toutes les conjectures et, in fine, permettent tous les types d'instrumentalisation. Un mensonge avéré serait d'abord une violation de la résolution 2118 du Conseil de sécurité (27 septembre 2013), qui interdit à toutes les « parties syriennes », qu'il s'agisse de l'État ou des acteurs non étatiques, de détenir, d'acquérir, de fabriquer, de transférer ou d'employer des armes chimiques. Cela mettrait aussi la Russie dans une position inconfortable, car Moscou avait réussi le tour de force d'éviter en août 2013 une escalade militaire entre les États-Unis, la France et la Syrie en prenant l'initiative de proposer le plan de démantèlement immédiat de l'arsenal chimique syrien et de ses capacités de production.

Quoi qu'il en soit, le mécanisme d'enquête conjoint continue ses travaux sans que pointe pour l'heure la moindre information permettant de mettre en cause telle ou telle partie. Avant même que ne survienne le bombardement de Khan Cheikhoun, la presse arabe attendait déjà d'éventuelles révélations, voire des accusations précises, concernant une autre attaque chimique, celle subie par la ville de Daraya, dans la banlieue de Damas, le 15 février 2015. Las, la mission de l'OIAC a relevé un « haut degré de probabilité que certaines personnes aient, à un moment donné, été exposées à du [gaz] sarin ou à une substance analogue », mais n'a pu « déterminer comment, quand et dans quelles circonstances l'exposition s'est produite. » À ce jour, l'organisation a recensé plus d'une centaine de cas allégués d'utilisation d'armes chimiques en violation de la résolution 2118 et a enclenché plus d'une trentaine d'enquêtes. Le 17 novembre 2016, le Conseil de sécurité a décidé de prolonger d'un an le mandat octroyé au mécanisme d'enquête conjoint. On ne sait toujours pas si cette instance se trouve dans l'impossibilité d'identifier les responsables des attaques chimiques ou si elle rechigne à rendre public le résultat de ses investigations.

Chronologie

17 juin 1925. Adoption du protocole concernant la « prohibition d'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques ». Ce texte, ou protocole de Genève, n'interdisait pas la fabrication de ces armes.

22 novembre 1968. Adhésion de la République arabe syrienne au protocole de Genève.

13 janvier 1993. Signature à Paris de la convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction (le texte avait été adopté par l'Assemblée générale des Nations unies à Genève le 3 septembre 1992).

29 avril 1997. Entrée en vigueur de la convention sur l'interdiction des armes chimiques qui donne naissance à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), dont le siège est à La Haye et le laboratoire à Rijswijk (Pays-Bas).

Second semestre 2012. Le régime syrien et l'opposition armée s'accusent mutuellement de recourir à l'arme chimique.

27 mars 2013. L'OIAC s'inquiète officiellement de l'usage d'armes chimiques dans le conflit en Syrie.

21 août 2013. Attaque à l'arme chimique dans la Ghouta, une banlieue de Damas. Le régime de M. Bachar Al-Assad et l'opposition armée s'accusent mutuellement.

14 septembre 2013. À l'initiative de M. Vladimir Poutine, la Russie et les États-Unis adoptent à Genève le cadre de référence pour l'élimination des armes chimiques syriennes. Le gouvernement syrien s'engage à respecter la convention du 13 janvier 1993. L'adhésion de la Syrie à celle-ci sera effective le 14 octobre 2013.

16 septembre 2013. L'ONU et l'OIAC confirment l'usage de gaz sarin dans l'attaque de la Ghouta, mais ne désignent aucun responsable.

19 septembre 2013. Le gouvernement syrien transmet à l'OIAC les informations détaillées concernant son armement chimique (stocks, nomenclatures, moyens de production, moyens de recherche et de développement, etc.).

1er semestre 2014. Fin de la destruction des stocks d'armes chimiques et des sites de production déclarés par la Syrie.

29 décembre 2016. L'OIAC annonce que tous les produits chimiques et les installations de production déclarés par la Syrie ont été détruits, mais juge « incomplètes » les déclarations qui lui ont été transmises.

4 avril 2017. Attaque chimique contre la ville de Khan Cheikhoun.

(1) Eliot Higgins, « Attempts to blame the Syrian opposition for the August 21st sarin attacks continue one year on », Bellingcat, 20 août 2014, www.bellingcat.com

(2) Rapport de l'OIAC au secrétaire général des Nations unies, 12 février 2016.

(3) Ibid.

(4) Rapport du directeur général de l'OIAC au secrétaire général des Nations unies, 29 décembre 2016.

L'État profond

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:04

Quand un président erratique et peu soucieux d'apprendre tout ce qu'il ignore commande la plus puissante armée du monde, mieux vaut que les garde-fous soient nombreux. Or, lorsque M. Donald Trump a ordonné à ses généraux de bombarder la Syrie et d'engager des manœuvres navales en Asie, il a été ovationné par les parlementaires américains, républicains et démocrates, ainsi que par la quasi-totalité des médias, y compris en Europe. Un quotidien national français a même jugé que « les frappes sur la Syrie » avaient eu « quelque chose de libérateur » (1). Cinquante-neuf missiles tirés contre une base aérienne au Proche-Orient auraient donc presque métamorphosé un président empêtré dans l'impopularité, l'amateurisme et le népotisme en homme déterminé, sensible, incapable de contenir son humanité devant des photographies de « beaux bébés cruellement assassinés lors d'une attaque très barbare ». Un tel concert de louanges inquiète d'autant plus dans le climat international actuel, lourd de tensions, que M. Trump adore être adulé.

En janvier 1961, trois jours avant de quitter le pouvoir, le président républicain Dwight Eisenhower mettait en garde ses compatriotes contre un « complexe militaro-industriel » dont « l'influence — économique, politique et même spirituelle — s'éprouve dans chaque ville, chaque État, chaque administration ». À en juger par la succession de revirements de l'actuel président des États-Unis, ce « complexe » n'a pas chômé ces dernières semaines. Le 15 janvier, M. Trump estimait que « l'OTAN est obsolète » ; le 13 avril, que « l'OTAN n'est plus obsolète ». Il escomptait il y a quelques mois que la Russie deviendrait « une alliée » ; le 12 avril, il conclut que les relations entre Washington et Moscou ont chuté au « point le plus bas jamais atteint ».

Le premier ministre russe Dmitri Medvedev en a déduit que, sitôt « les derniers brouillards électoraux dissipés », M. Trump a été « brisé par le système de pouvoir » de Washington. Repris en main par un « État profond », en somme, qui ne se laisse jamais distraire de ses priorités stratégiques par les changements de locataire à la Maison Blanche. Les républicains et les démocrates les plus attachés à l'empire américain peuvent pavoiser : si M. Trump ressemble à un pantin, ce n'est plus à une « marionnette du Kremlin (2»… Sur ce point, l'État profond a gagné.

Si Eisenhower ressuscitait, il adjoindrait sans doute à son « complexe militaro-industriel » un associé médiatique. Car l'information continue raffole de la tension permanente, elle aime la guerre ; et les commentateurs attitrés alignent d'autant plus volontiers les proclamations ronflantes que ce ne sont plus des conscrits comme leurs fils qui périssent dans les conflits armés, mais des « volontaires » souvent prolétaires. Les principaux journaux américains ont publié quarante-sept éditoriaux relatifs aux « frappes » américaines en Syrie. Un seul se prononçait contre (3)…

(1) Libération, Paris, 9 avril 2017.

(2) Lire « Marionnettes russes », Le Monde diplomatique, janvier 2017.

(3) Adam Johnson, « Out of 47 major editorials on Trump's Syria strikes, only one opposed », Fairness & Accuracy in Reporting (FAIR), 11 avril 2017.

Donald Trump’s Great Patriotic Purge

Foreign Policy - Thu, 27/04/2017 - 01:33
The administration's assault on experts, bureaucrats, and functionaries who make this country work isn’t just foolish, it’s suicidal.

Trump Takes Aim at NAFTA Once Again

Foreign Policy - Thu, 27/04/2017 - 00:23
With reported plans to pull out of the trade pact, the administration seeks to ratchet up pressure on Canada and Mexico.

Another Big Win for Russian Pipeline Politics in Europe?

Foreign Policy - Wed, 26/04/2017 - 22:29
The controversial Nord Stream 2 pipeline reaches a new milestone.

The Worst Mistake of Trump’s First 100 Days

Foreign Policy - Wed, 26/04/2017 - 21:32
There’s plenty of blunders to choose from, but only one clear winner.

Britain to Import School Textbooks from Chinese Communist Party Publisher

Foreign Policy Blogs - Wed, 26/04/2017 - 20:40

(Shanghai Century Publishing Group meets with Shanghai Communist Youth League)

In a bid to raise student math scores while ingratiating itself ever more deeply with China, Britain will now import translated Chinese math textbooks and Chinese teaching methods for schools throughout the country. The wholesale adoption of Chinese teaching methods for math is the brainchild of Britain’s China-happy schools minister Nick Gibb; and emphasizes a “collective approach,” uniformity, and Chinese-style rote learning over individualized Western methods. Textbooks will be imported through a deal between HarperCollins Publishers and a publisher in Shanghai. The deal was lauded in Shanghai as a “delightful” soft-power boost for China.

What HarperCollins and the UK education department haven’t told the British public about “The Shanghai Maths Project” is that these textbooks come straight from a Chinese state-run publisher that operates under the direct authority of the Chinese Communist Party’s propaganda and censorship apparatus. The publisher in question is Shanghai Century Publishing Group (上海世纪出版 [集团] 有限公司 or 上海世纪出版集团, SHCPG). As the SHCPG website clearly states in Chinese, the group was established in 1999 under the authority of the Communist Party’s Central Propaganda Department (中共中央宣传部), the Shanghai Municipal Communist Party Committee (中共上海市委), and the State Council’s Press and Publication Administration (新闻出版总署).

SHCPG’s subordinate relationship to these agencies is widely noted in Chinese media reports on SHCPG and its agreement with HarperCollins. SHCPG’s president, Gao Yunfei (高韵斐), is also the organization’s Communist Party secretary. As the U.S. Congressional-Executive Commission on China observes, the Press and Publication Administration that oversees SHCPG is one of the primary agencies responsible for censorship in China.

SHCPG also works closely with the Communist Youth League (中国共产主义青年团 or 中国共青团), the party agency responsible for indoctrinating Chinese youth from primary school through university. The SHCPG website includes a section dedicated entirely to “Youth League Activities.”

In Shanghai in August 2016, SHCPG prominently took part in a state-run book fair to “promote the core values of Chinese socialism” and to commemorate the 95th anniversary of the founding of the Chinese Communist Party. Among the titles SHCPG promoted at the fair was: To Be Turned Into Iron, The Metal Itself Must Be Strong: How to Be a Member of the Communist Party (打铁还需自身硬: 今天如何做一名合格的共产党员). In 2015, SHCPG marked the 94th anniversary of the founding of the Communist Party with awards for “outstanding party workers and party-building projects” within the organization.

Now SHCPG will be supplying textbooks to students in British schools. As China Global Television Network notes, “These textbooks, created for students in China, will be translated exactly with no editing to adjust them to the UK’s local curriculum.” Britain is simply importing Chinese government curriculum lock, stock, and barrel, with translated textbooks from a state-run Chinese Communist Party publisher.

Not everyone in Britain is as happy about this arrangement as Nick Gibb and HarperCollins are. “Why are we blindly following the Chinese approach to teaching maths?” asks British educational scholar Ruth Merttens, “A one-size-fits-all approach is unlikely to improve children’s learning. Worse still, it undermines more important features of our culture and heritage, where we punch above our weight in creativity and celebrate originality and difference rather than uniformity.”

Merttens called the education department’s mandatory application of Chinese teaching methods “profoundly undemocratic.” No wonder, since China and the Chinese educational system that Britain so wishes to emulate are also profoundly undemocratic.

The Shanghai textbook deal follows a “disastrous experiment” in bringing math teachers from Shanghai to instruct British students according to Chinese methods. “I’m used to speaking my mind in class, being bold, giving ideas, often working in groups to advance my skills and improve my knowledge,” said one student, “But a lot of the time in the experiment, the only thing I felt I was learning was how to copy notes really fast and listen to the teacher lecture us.”

Beyond the issue of Chinese school textbooks and teaching methods, the British government has been broadly criticized for its starry-eyed approach to Sino-British relations and its apparent love affair with any and all things Chinese. Current prime minister Theresa May and former prime minister David Cameron have both been accused of  “grovelling,” “kowtowing,” and “sucking up” to China in pursuit of trade deals with the one-party state. Among Brexit fears is the concern that Britain will become only more dependent on China after leaving the European Union.

Math textbooks are of course unlikely to contain a great deal of overtly political content. But if it’s math textbooks today, one might reasonably ask, then what will it be tomorrow? Chinese language and culture programs at educational institutions throughout the UK are already run by the Chinese government’s Confucius Institutes, a noted part of Beijing’s “overseas propaganda” apparatus whose presence on Western campuses has been described as “academic malware” and as an educational “Trojan horse” due to their censorship practices and overtly propagandist character. Is it wise to give the Chinese government an even greater footprint in British education?

One might reasonably also question the moral acceptability of a publishing deal that directly profits and legitimizes a party-state apparatus recognized as one of the worst human rights violators in the world. To purchase textbooks from a Chinese Communist Party publisher is to enrich and validate the same party-state agencies that suppress freedom of expression, freedom of information, and academic freedom in China. “The Shanghai Maths Project” is one that educational stakeholders in Britain may wish to think twice about.

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U.S. Probes Into Trump’s Russia Links, Kremlin Meddling Gain Two Heavyweights

Foreign Policy - Wed, 26/04/2017 - 19:16
The Senate investigation gains a former NSA lawyer. The FBI probe gets a veteran prosecutor.

Top Admiral Says Not Looking at Regime Change in North Korea

Foreign Policy - Wed, 26/04/2017 - 18:55
The head of U.S. Pacific Command told a House panel Wednesday that he needs more submarines and missile defense to counter North Korea’s growing threat.

Moins !

Le Monde Diplomatique - Wed, 26/04/2017 - 18:53

Le journal romand d'écologie politique ouvre quelques fenêtres sur cet « art primordial » qu'est celui d'habiter (en convivialité), exemples à l'appui : autoconstruction, maison de paille, coopérative, voisinage, mais aussi squat, habitat léger ou construit de ses propres mains. (N° 28, avril-mai, bimestriel, abonnement à prix libre. — Vevey, Suisse.)

http://www.achetezmoins.ch

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