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Diplomacy & Crisis News

Pakistan Spurns Indian Offer to Join in Regional Satellite

Foreign Policy - Fri, 05/05/2017 - 20:27
Geopolitics are their own gravitational force.

The Irony of Trump’s Trip to Masada and the Hard Road to Peace

Foreign Policy - Fri, 05/05/2017 - 20:21
The president’s strategy for a peace between Israel and the Palestinians appears to be one of “outside in."

China’s First Civilian Airliner — And Industry Ambitions — Take Maiden Flight

Foreign Policy - Fri, 05/05/2017 - 20:00
Chinese aviation, prepare for take-off.

Trump to Tell Turkey: We’re Going to Take Raqqa With the Kurds

Foreign Policy - Fri, 05/05/2017 - 19:36
The White House is poised to greenlight an Obama administration plan to seize the last bastion of the Islamic State in Syria.

Pour une société solidaire

Le Monde Diplomatique - Fri, 05/05/2017 - 19:33

Les mouvements sociaux lancés dans différents pays attestent d'une situation nouvelle, au point que l'on peut se demander si le temps des renoncements ne serait pas terminé. Ainsi, en Espagne, plusieurs grèves - dont une générale - ont agite le pays depuis juin 2002 contre la réduction du système d'indemnisation du chômage. En Italie, un formidable mouvement protestataire s'est poursuivi tout au long de l'année 2002 contre la remise en cause du code de travail. Le Portugal est lui aussi secoué par des actions de protestation contre le démantèlement des droits sociaux. Le Royaume-Uni a connu sa première grande grève dans les services publics depuis au moins vingt ans. Aux Etats-Unis, les dockers ont bloqué les ports de la Côte ouest pour la défense des salaires. En Afrique du Sud, des grèves ont bousculé le gouvernement…

Si, en France, les mouvements semblent moins spectaculaires, ils sont pourtant très nombreux, affectant le secteur privé comme le public. MM. Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin le savent bien, qui craignent une convergence de ces actions, à l'image des grandes grèves de 1995. Du coup, pour enterrer la loi sur les 35 heures, ils ciblent les anomalies de son application ; pour faire reculer les garanties des salariés mieux protégés, notamment sur la retraite, ils font semblant de déplorer le sort des plus démunis et parlent de lutte contre les inégalités. Ces principes de précaution risquent de buter sur la réalité des décisions prises. Et nul n'ose pronostiquer une quelconque paix sociale.

En Allemagne, M. Gerhard Schrôder est confronté au même dilemme : sa réélection doit beaucoup à son engagement en faveur d'actions vigoureuses contre le chômage, surtout à l'Est (1), même si ses prises de distance vis-à-vis des Etats-Unis sur l'Irak ont beaucoup joué. Pourra-t-il en rester à sa politique d'austérité d'avant ? Quant à M. Luis Inacio « Lula » da Silva, au Brésil, ses promesses de réduction des inégalités ne sont pas étrangères à son récent succès, même si une partie de la bourgeoisie nationale a misé sur le changement.

Il serait évidemment abusif de voir dans ces mouvements un raz de marée social, encore moins l'émergence d'une vague révolutionnaire. Les consciences restent embrumées par l'effondrement du communisme, l'échec du tiers-mondisme, et la crise de la social-démocratie. Mais, après deux décennies d'accablement et de silence, les populations commencent à relever la tête. Au moins une partie d'entre elles. D'autres, laissées à l'abandon, se tournent vers les mouvements autoritaires ou de droite extrême comme en témoigne le vote en faveur du Front national en France, du Mouvement social italien (MSI) en Italie, du Vlaams Blok en Belgique… D'autres encore sombrent dans la violence, souvent contre d'aussi pauvres qu'elles. Et si les Etats-Unis détiennent une sorte de record dans ce domaine, c'est que la société trouve « normal que l'Etat exerce la violence contre les pauvres », explique le cinéaste-écrivain américain Michael Moore, qui lutte contre l'explosion des ventes d'armes personnelles dans son pays (2). Son regard sur la France se révèle d'une grande lucidité : « Dès que vous commencez à déchirer votre filet de sécurité sociale déclare-t-il, dès que vous vous en prenez à vos pauvres, dès que vous commencez à blâmer vos immigrés, dès que vous commencez à agir comme nous le faisons depuis des années aux Etats-Unis, vous commencez à nous ressembler. L'éthique française dit : "Si quelqu 'un tombe malade, si quelqu'un perd son travail, nous avons la responsabilité collective d'aider cette personne L'éthique américaine, elle, dit : « Chacun pour soi ! » »

Bien sûr, la France n'en est pas encore là. Mais l'éthique de la « responsabilité collective » tend à s'étioler. Et pour cause : on ne peut penser construire une société solidaire quand la solidarité s'arrête aux portes des entreprises. Les directions de ces dernières alimentent le chômage comme un puits sans fond, ne s'interrogeant pas sur le devenir de ceux qu'elles rejettent, et en laissant la collectivité payer les ravages - de moins en moins bien d'ailleurs. En France, plus de la moitié des chômeurs ne sont pas indemnisés.

Pour rassurer les foules, certains ont tout simplement annoncé la « fin du travail » (Jeremy Rifkin) comme d'autres avaient pronostiqué la « fin de l'histoire » (3)… Pour l'instant, cependant, on n'a pas trouvé mieux que le travail pour produire et consommer. Or c'est justement la place du travail qu'il est urgent de repenser, afin d'en faire le centre de la vie collective. Il ne s'agit pas de rêver d'un quelconque retour au passé, ni de verser dans une vision productiviste de la société, mais de se poser des questions simples : Que produire ? Avec quelles finalités ? Comment s'épanouir personnellement en participant à des choix collectifs ?

Il est en effet illusoire de penser que l'on peut durablement sécuriser les personnes - ce qui est devenu un enjeu majeur au-delà même de la France - sans sécuriser les emplois, c'est-à-dire sans bâtir de nouvelles normes sociales aptes à garantir le développement de chacun.

Cela commence par une lutte acharnée contre ce que l'on ne croyait n'être qu'une spécialité américaine : les « working poors » les travailleurs pauvres. Leur nombre atteint quelque 3,4 millions de personnes en France. Ces salariés d'un type nouveau ont un emploi, mais souvent précaire, toujours à temps partiel, parfois avec des horaires « abracadabrantesques » (le soir de 18 heures à 22 heures, ou le matin très tôt, ou le week-end), et leur salaire ne leur permet même pas de se loger… Les premiers touchés : les jeunes et les femmes. Pour les uns comme pour les autres, il devient alors impossible de se projeter dans l'avenir, d'imaginer une vie indépendante (de la famille ou du conjoint), et même quelquefois d'être tout simplement présents et disponibles pour une vie familiale, sociale ou civique, active. Cela contribue au repli sur la cité, à la déstabilisation de l'autorité parentale, aux dérives en tout genre. A-t-on idée des souffrances ordinaires des vies ainsi précarisées, perpétuellement sur le fil, où le moindre incident peut prendre des allures de catastrophe sociale ? A-t-on toujours conscience de cette insécurité de vie au quotidien ?

La nature des emplois créés, leur rétribution et leur pérennité se révèlent ainsi essentielles pour sortir les jeunes et les femmes des ghettos à bas salaires, et les salariés de plus de 50 ans de la trappe à chômage. La crise d'efficacité qui frappe l'ensemble des pays développés vient précisément du faible niveau des salaires, qui comprime la consommation, du décalage entre les diplômes obtenus et les qualifications reconnues, ainsi que de la sous-utilisation du savoir-faire des individus.

De même, la nécessaire mobilité géographique ou professionnelle des salariés ne peut se développer qu'en apportant des garanties de maintien de salaire, de reconnaissance des qualifications, d'engagement de formation… Aucun licenciement ne devrait pouvoir être prononcé sans un reclassement préalable, une proposition de formation, ou un congé de reconversion. Après les scandales Enron et Vivendi, les gouvernements et les experts cherchent à protéger les placements financiers des risques du marché. Pourquoi serait-il moins noble ou plus utopique de trouver des protections pour les salariés ?

Actuellement, la gestion des emplois est uniquement guidée par les mouvements de capitaux et les exigences des gros actionnaires. Il faut en finir avec la dictature de la rentabilité financière. A contrario, les gouvernements de gauche comme de droite se sont eux-mêmes désarmés au fil des ans, en faisant sauter tous les verrous de contrôle public (monnaie, entreprises publiques, politiques industrielles, droits du travail…). Sans doute certains de ces instruments étaient-il devenus obsolètes. Mais, au lieu de se lamenter et de baisser les bras en assurant, tel Lionel Jospin, que « l'Etat ne peut pas tout faire » (4), ne vaudrait-il pas mieux s'attacher à concevoir d'autres outils ? Et notamment, revoir toute l'architecture sociale, afin de bâtir un nouveau champ de garanties sociales, individuelles et collectives ? La tâche n'a rien d'insurmontable. Avant la création des contrats de travail assis sur des normes collectives légales, la force de travail était considérée comme une simple marchandise, se négociant en tête a tête (5). La création de règles collectives, dans le privé, tout comme le statut dans la fonction publique, ont représenté des premières tentatives - réussies - de dépassement de cette conception. Pourquoi ne pas aller plus loin ?

Ce n'est pas par hasard si ces acquis font l'objet d'attaques en règle de la part du mouvement des entrepreneurs français (Medef) et du gouvernement de M. Raffarin. Leur « refondation sociale » vise précisément a étendre l'univers de la marchandisation à l'ensemble des relations de travail, à la formation, aux fonds de retraite ou de prévention… Il faudrait, au contraire, commencer à extraire certains domaines des rapports marchands (comme la recherche, la santé, la formation, l'école voire l'urbanisme ou même des productions de pointe indispensables), ce qui suppose de s'attaquer au sacro-saint principe de la rentabilité financière, qui mine la société. En voulant « réguler » le capitalisme sans chercher à s'extirper, au moins partiellement, de sa logique, la gauche plurielle a perdu son âme et ses électeurs.

Une période historique s'achève. Le temps du social considéré comme un supplément d'âme est révolu. Le partage des tâches consistant à laisser les gestionnaires gérer à leur guise, et les « politiques » limiter les dégâts sociaux (au mieux), est mort en même temps que la gauche plurielle. On ne pourra espérer résoudre durablement les dérives de la société (de la violence au racisme, de l'insécurité à l'égalité entre les sexes) et fonder une nouvelle cohésion sans toucher à la question centrale de la maîtrise du développement économique et du travail. Une nouvelle articulation entre le social, l'économique et le politique est à inventer.

(1) Lire Jens Reich « Les élections se perdent à l'Est », Le Monde diplomatique, septembre 2002.

(2) Interview aux Inrockuptibles, 9-15 octobre 2002, pour la sortie, en France, de son film Bowling for Columbine et de son livre Mike contre-attaque, La Découverte, Paris.

(3) Jeremy Rifkin, La Découverte, Paris, 1996 ; Francis Fukuyama, Flammarion, Paris, 1992.

(4) Déclaration à la chaîne France 2, le 13 septembre 1999.

(5) Lire Jean-Christophe Le Duigou, « Pour une sécurité sociale professionnelle », in Formation Emploi, n° 76, octobre décembre 2001, La Documentation française.

Un sentiment d'abandon

Le Monde Diplomatique - Fri, 05/05/2017 - 19:06

Fin mars, la classe politique métropolitaine s'est réveillée pour constater les terribles retards de développement qu'accuse la Guyane malgré le succès économique du centre spatial de Kourou (16 % du produit intérieur brut) : 22,3 % de chômage, la moitié de la population sous le seuil de pauvreté, des aliments 45 % plus chers qu'en métropole et une insécurité record. Les Guyanais partagent le sentiment que Paris les méprise. Bien que très diverses, les revendications convergent toutes vers le même constat : un désengagement de l'État, alors que la population guyanaise croît à un rythme bien supérieur à celui de tous les autres départements. La population est passée de 115 000 habitants en 1990 à plus de 250 000 aujourd'hui (1). Tous les champs du service public manquent de moyens : la santé, l'éducation, la sécurité. Et les horizons de développement semblent bien sombres : la coopération économique avec les voisins (Brésil et Surinam) est quasi inexistante, tandis que persiste une sorte d'économie de comptoir, artificielle et captive, souffrant d'un déficit d'investissement chronique. Ce désespoir explique la forte mobilisation non seulement de toutes les catégories sociales, mais aussi de toute la mosaïque des peuples guyanais.

(1) « Recensement de la population en Guyane », Insee Flash Guyane, n° 56, Cayenne, 2 janvier 2017.

Près de soixante ans de lutte pour le respect des droits humains

Le Monde Diplomatique - Fri, 05/05/2017 - 19:05

12 août 1961. Assassinat de Salah Ben Youssef à Francfort (Allemagne). Il était le principal opposant du président Habib Bourguiba.

Janvier 1963. Interdiction du Parti communiste (elle durera jusqu'en 1981). Mise en place du régime de parti unique.

Janvier 1966. Lettre à Bourguiba, de l'homme politique Ahmed Tlili. Il y dénonce notamment un « système policier ».

14 décembre 1966. À la suite de l'arrestation de deux étudiants, une manifestation tourne à l'émeute ; 200 étudiants sont arrêtés. Parmi les neuf condamnés, cinq sont membres du Groupe d'études et d'action socialiste en Tunisie (GEAST), les fondateurs de la revue de gauche Perspectives tunisiennes (qui va devenir le symbole de tout un mouvement d'opposition).

6 juin 1967. Un militant du GEAST, Ahmed Ben Jannet, est condamné par le tribunal militaire de Tunis à vingt ans de travaux forcés pour avoir organisé une manifestation.

18 mars 1975. Bourguiba est nommé président à vie.

26 janvier 1978. « Jeudi noir » : répression militaire d'une grève générale, qui fait 200 morts.

1978. Publication d'un rapport d'Amnesty International couvrant la période 1977-1978. Le document dénonce les répressions policières violentes et meurtrières des manifestations ainsi que les arrestations arbitraires d'opposants et de syndicalistes.

29 décembre 1983 - 1984. Les « émeutes du pain » interviennent après l'augmentation des produits céréaliers provoquée par la suspension des subventions à ces cultures. L'émeute populaire est réprimée violemment par la police mais aussi par l'armée. L'état d'urgence est déclaré. Le gouvernement recule et fait baisser les prix. Bilan officiel de la répression : 70 morts.

1984. Publication d'un rapport d'Amnesty International sur l'année 1983. Le document dénonce le maintien en prison des prisonniers d'opinion. Il met aussi l'accent sur les soupçons de tortures et de privations sur les prisonniers politiques.

7 novembre 1987. M. Zine El-Abidine Ben Ali succède à Bourguiba (dont il était le premier ministre) en le déposant pour sénilité.

18 mars 1988. Annulation des amendes qui avaient été prononcées contre les médias des partis d'opposition (pour infraction au code de la presse).

30 avril 1988. Le président Ben Ali décide de gracier M. Ahmed Ben Salah, ancien responsable de l'expérience socialisante, M. Rached Ghannouchi, leader islamiste, ainsi que les prisonniers islamistes.

27 juin 1989. Loi d'amnistie générale : 5 416 personnes qui avaient été condamnées pour raison politique ou syndicale peuvent de nouveau jouir de leurs droits civiques et politiques.

Janvier 1991. Début de la répression du parti politique Ennahda. Des milliers d'islamistes sont arrêtés dans le pays.

28 août 1992. Condamnation à de lourdes peines pour un grand nombre de dirigeants islamistes.

Janvier 1994. Rapport d'Amnesty International intitulé « Du discours à la réalité ». Le texte dénonce notamment les arrestations arbitraires et le double langage du gouvernement tunisien sur la scène internationale par rapport à la réalité du respect des droits humains.

21 mars 1994. M. Moncef Marzouki (qui deviendra président de 2011 à 2014) est emprisonné sans jugement pendant quatre mois. La veille, il s'était présenté à l'élection présidentielle. Il ne sortira de prison qu'après l'intervention personnelle de Nelson Mandela.

11 février 1998. Le vice-président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, M. Khemaïs Ksila, est condamné à trois ans de prison.

30 décembre 2000. M. Marzouki est condamné à un an de prison pour son appartenance au Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et pour avoir critiqué la gestion du Fonds de solidarité nationale, placé sous l'égide du président Ben Ali.

12 février 2001. La justice annule les actes du Congrès de la ligue tunisienne des droits de l'homme.

Septembre 2002. Libération de M. Hamma Hammami, dirigeant du Parti communiste, qui était en prison depuis onze ans.

Octobre-novembre 2005. Des opposants se lancent dans une grève de la faim pour dénoncer les atteintes aux libertés publiques.

Janvier-juillet 2008. Mobilisation sociale à Gafsa (bassin minier). Arrestation de centaine de personnes. Les leaders écopent de dix ans de prison.

Novembre 2009. Taoufik Ben Brik (journaliste d'opposition) est condamné à six mois de prison ferme au prétexte (controversé) de l'agression d'une femme.

19 décembre 2010. Les manifestations consécutives à l'immolation, le 17 décembre, d'un jeune marchand tunisien, Mohamed Bouazizi, prennent de l'ampleur et se multiplient dans le pays. Début de la révolution tunisienne.

24 décembre 2010. La police ouvre le feu sur les manifestants. Mohamed Ammari est tué d'une balle dans la poitrine.

2 mars 2011. Des centaines de prisonniers politiques sont libérés. Ces libérations font suite à la loi d'amnistie générale qui a été décrétée le 20 janvier par le gouvernement intérimaire, six jours après la chute du régime de M. Ben Ali.

16 octobre 2011. Des milliers de tunisiens manifestent pour la liberté d'expression et contre l'islam radical en réponse à l'attaque qu'a subi la chaîne de télévision Nessma, qui avait diffusé le film Persepolis (sur la révolution islamiste en Iran), par des islamistes et à la plainte déposée contre la chaîne par un groupe d'avocats pour atteintes aux valeurs religieuses et morales.

28 janvier 2012. A Tunis, 10 000 personnes marchent pour la défense des libertés et contre les violences religieuses.

27 novembre 2012. Répression violente d'une manifestation des habitants de Siliana, qui protestaient contre leur gouverneur (préfet).

6 février 2013. L'homme politique et opposant de gauche Chokri Belaïd est assassiné à Tunis.

25 juillet 2013. L'homme politique Mohamed Brahmi est assassiné à Tunis.

16-21 janvier 2016. Vague de protestations populaires contre le chômage et les inégalités. Mouvement sans précédent depuis la révolution en 2011.

Novembre 2016. Début des audiences publiques de l'Instance vérité et dignité (IVD).

13 février 2017. Amnesty International publie un rapport sur les violations des droits humains commises au nom de la sécurité, « Tunisie. “Nous ne voulons plus avoir peur”. Violations des droits humains sous l'état d'urgence ».

The Mother of All Terrorist Groups Isn’t the Islamic State

Foreign Policy - Fri, 05/05/2017 - 18:03
The Trump administration is taking its eyes off the ball in Afghanistan. The real threat is still al Qaeda.

Dans les villes rebelles espagnoles

Le Monde Diplomatique - Fri, 05/05/2017 - 17:44

En Espagne, la jeune formation Podemos a manqué son objectif de « prendre le ciel d'assaut » : renverser le système politique par le biais des élections générales. De Barcelone à Madrid en passant par Valence ou Saragosse, les forces progressistes critiques de l'austérité ont toutefois conquis plusieurs municipalités-clés. Mais changer de maire permet-il de changer le monde ?

Boa Mistura. – « Dors moins et rêve plus », Madrid, 2014 www.boamistura.com

Une montagne de fleurs et de crucifix s'élève sur la place du Pilar, en cette mi-octobre, à l'occasion de la fête annuelle de Saragosse. Les rues regorgent de touristes, les grands magasins font le plein : aucun soviet, pas de prise d'un quelconque Palais d'hiver ibérique. Ici comme à Madrid, Barcelone ou encore Valence, une « coalition d'unité populaire » formée par des militants du mouvement social et de divers partis de gauche a remporté les élections municipales de mai 2015. Mais, en dépit des cris d'orfraie des conservateurs, alarmés par ces victoires, la révolution se fait discrète.

« On ne change pas une ville en un an et demi », plaide M. Guillermo Lázaro, coordinateur du groupe municipal de la coalition Zaragoza en Común (ZeC) (1). Avant d'ajouter que, en dépit des promesses de progrès social figurant dans les programmes électoraux, le changement auquel aspire la population consiste moins à abolir la propriété privée qu'à balayer la « caste » : « Les gens n'espéraient pas tant un changement réel de leurs conditions de vie que l'accession au gouvernement de personnes normales, qui leur ressemblent. »

À Saint-Jacques-de-Compostelle, la plate-forme victorieuse Compostela Aberta (« Compostelle ouverte ») est née d'« un dégoût », nous expliquent Mme Marilar Jiménez Aleixandre et M. Antonio Pérez Casas, respectivement porte-parole et militant de la coalition. « À peine un an après son élection, le précédent maire, le conservateur Gerardo Conde Roa, a été condamné pour fraude fiscale. » Deux autres se sont succédé au cours d'une mandature scandée par les affaires judiciaires, ce qui a valu à la ville d'être rebaptisée « Santiago de Corruptela ».

Cette crise de la représentation politique, moteur du mouvement du 15-M (né le 15 mai 2011 à Madrid), a favorisé la création de coalitions hétéroclites, renouvelant le profil des exécutifs traditionnels : « Compostela Aberta se compose en partie d'anciens militants de grands partis, mais pas uniquement, indiquent Mme Jiménez Aleixandre et M. Pérez Casas. Beaucoup de ses membres n'avaient jamais fait de politique auparavant ou viennent des associations de voisins (2), du mouvement féministe ou syndical, de collectifs de lutte contre la spéculation immobilière, etc. On trouve aussi des personnalités, des écrivains, des représentants du monde de la culture, ainsi que des gens issus du 15-M. » Et tout le monde ne se définit pas comme « de gauche ».

Utilisée par leurs adversaires et par une partie de la presse, l'appellation « mairies Podemos » (du nom du parti apparu en octobre 2014) oblitère les relations délicates, voire conflictuelles, que ces équipes entretiennent avec la jeune formation. D'ailleurs, « au-delà de nos différences avec les autres coalitions municipales, nous avons un point commun, observe Mme Jiménez Aleixandre : nous ne nous concevons pas comme des partis. Dans leur grande majorité, les partis de gauche traditionnels donnent la priorité aux intérêts de leurs noyaux dirigeants : garder son poste, sans toujours dialoguer avec les militants. On observe une évolution similaire au sein de Podemos. Nous, nous testons diverses formes d'organisation pour donner la priorité à notre programme. »

Main dans la main ou face à face ?

Lequel ? D'une ville à l'autre, les feuilles de route intègrent de nombreuses ambitions communes : démocratie, répartition des richesses, réduction du poids de l'Église, réappropriation des services publics, droits des femmes, etc. Notre entretien n'a débuté que depuis quelques minutes lorsque le maire de Saint-Jacques-de-Compostelle, M. Martiño Noriega Sánchez, se lève : « Je descends dans la cour, prévient-il. Nous organisons une minute de silence chaque fois qu'une femme meurt sous les coups d'un homme. » Dans cette ville de près de cent mille habitants, de telles actions accompagnent la réhabilitation d'un centre d'accueil pour les femmes victimes d'agression, ainsi que des campagnes destinées à rendre leur lutte plus visible. Le 25 novembre, défini par les Nations unies comme la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, la ville se drapait de noir, bus et vitrines arborant l'inscription « Contra a violencia ».

À son retour, le maire nous expose le plan de prestations sociales entré en vigueur en octobre et dont il souhaite que d'autres gouvernements s'inspirent. « “Compostela Suma” est le programme le plus ambitieux que nous ayons porté jusqu'à présent. Nous avons signé des accords avec des hôtels, des associations, comme la Croix-Rouge, et débloqué des moyens pour loger les sans-abri, en utilisant des immeubles de la mairie qui n'avaient jamais été destinés à cela. » Le programme prévoit de venir en aide à des habitants considérés comme « trop riches » pour bénéficier de l'allocation d'inclusion sociale de Galice (Risga). M. Noriega Sánchez n'hésite pas, en outre, à afficher son soutien aux grévistes lors des grandes journées de mobilisation des travailleurs précaires et des sous-traitants de Telefónica, le principal opérateur de télécommunications d'Espagne.

Parmi les cibles des nouvelles équipes municipales, certains symboles. À Barcelone, la réapparition d'une statue décapitée du général Francisco Franco a scandalisé les conservateurs. Pour l'Épiphanie, le 6 janvier 2016, la mairie de Valence a choqué en remplaçant certains Rois mages par des reines. Provocations gratuites ? Il s'agirait plutôt de bousculer les héritages franquiste et catholique, en écho à l'aspiration républicaine du 15-M. Laquelle continue de flotter sur les manifestations espagnoles à travers le drapeau violet, jaune et rouge (les couleurs de la IIe République espagnole, 1931-1939).

Une fois le programme défini et l'élection remportée, il faut gouverner. L'entrée dans l'institution d'anciens militants associatifs habitués, pour les avoir souvent subis, aux rapports conflictuels avec les équipes municipales a provoqué un changement d'attitude du nouveau pouvoir local vis-à-vis du secteur associatif. « On constate une volonté de nous inclure dans les processus de décision, se félicite M. Enrique « Quique » Villalobos, président de la Fédération régionale des associations de voisins de Madrid (FRAVM). Il est devenu plus facile d'obtenir des informations. Ça n'a peut-être l'air de rien, mais c'est un pas de géant, parce que, une fois en possession de ces informations, nous pouvons revendiquer. Les conflits qui nous opposent actuellement à la mairie ont donc été facilités par la mairie elle-même ! »

Boa Mistura. – « Je te mangerais de poésie », Madrid, 2013 www.boamistura.com

Travailler main dans la main, mais sans renoncer au face-à-face : pour les collectifs militants, collaborer avec d'anciens camarades implique également de conserver son indépendance, pour « maintenir la pression ». Car l'amélioration des relations entre les acteurs des sphères publique et politique n'offre pas un gage d'avancées sociales, pas plus que la cordialité n'est synonyme de collaboration. « Nous portons un regard mitigé sur les premiers temps du gouvernement de Barcelona en Comú, déclare M. Daniel Pardo, membre de l'Assemblée des quartiers pour un tourisme durable (ABTS). Des espaces de dialogue se sont ouverts, alors qu'auparavant les questions liées au tourisme demeuraient le pré carré de l'institution, en lien avec les professionnels du secteur : les seconds décidaient, la première signait. Mais nous sommes assez surpris de voir que notre voix, qui défend l'intérêt général, est mise sur le même plan que l'avis du premier hôtelier venu. »

Accompagné d'une vingtaine de militants reconnaissables à leurs tee-shirts verts et à leurs slogans enjoués, M. Carlos Macías, porte-parole de la Plate-forme des victimes du crédit hypothécaire (PAH) de Barcelone, manifeste devant la mairie, en ce jour de tenue du conseil municipal, en octobre 2016. Une motion qu'ils portent depuis des mois vient d'être adoptée. Elle dénonce une clause prévoyant l'indexation des intérêts de certains prêts immobiliers sur un indice dont la méthode de calcul a été revue de manière très favorable aux banques par une loi de septembre 2013. Plus d'un million de prêts seraient concernés, empêchant de nombreuses familles de payer leurs mensualités à cause du surcoût important engendré par cette disposition, régulièrement jugée abusive par les tribunaux. À Barcelone, la municipalité s'engage désormais à ne plus travailler avec les banques qui l'utilisent et à fournir une aide administrative aux victimes. À l'échelle nationale, le rôle des mairies est pourtant limité : au mieux, elles peuvent demander au gouvernement espagnol de changer la loi, de mettre en place un système de prêts à taux zéro ainsi qu'un remboursement de tous les intérêts injustement perçus par les banques. Ce qui suffit à faire trembler les grands financiers. « Je sais qu'il est peu probable que la mairie cesse de travailler avec ces établissements financiers, confesse M. Macías. Il resterait deux banques, tout au plus, et aucune qui puisse lui prêter de l'argent. Mais je suis convaincu qu'il faut continuer à mettre la pression pour que l'équipe municipale ne baisse pas les bras. »

Ne pas se démobiliser, telle serait la priorité. « Barcelona en Comú ou Podemos ont une responsabilité : celle du discours, poursuit M. Macías. Si vous envoyez à votre propre camp le message : “Tout va bien, calmons-nous, nous sommes arrivés au pouvoir et on va tout régler”, c'est que vous n'avez rien appris au cours des quarante dernières années. » Les nouvelles équipes se disent conscientes du risque : « Nous ne voulons à aucun prix reproduire l'erreur de 1982, quand la victoire du PSOE [Parti socialiste ouvrier espagnol] a abouti au démembrement du mouvement social, veut rassurer Mme Luisa Capel, membre de l'équipe de communication d'Ahora Madrid (« Madrid maintenant »). À l'époque, la gauche a choisi une logique de démocratie représentative, et nous avons perdu du pouvoir dans la rue. Cela s'est vérifié tout au long des années 1990, avec des effets dévastateurs. Nous souhaitons que le mouvement social continue à jouer son rôle pour nous aider à mener notre politique. Ceux d'en face, eux, ne se privent pas d'essayer de peser. »

« Technique de profanation des institutions »

Cette invitation provoque néanmoins quelques tensions. À Barcelone, elles se cristallisent autour de la lutte contre le tourisme de masse, point fort du programme de Barcelona en Comú. À l'été 2015, la maire, Mme Ada Colau, a adopté un moratoire d'un an (prolongé jusqu'en juin 2017) sur les licences permettant l'ouverture de nouveaux logements touristiques, le temps de mettre sur pied une politique de long terme dans une ville où tous les quartiers souffrent de l'essor du tourisme de masse. Si le moratoire — au grand dam des représentants du secteur — répond à la première des exigences de l'ABTS, le plan spécial urbaniste de logements touristiques (PEUAT) qui l'accompagne a essuyé le feu de ses critiques.

Encore en discussion après avoir reçu une centaine d'amendements, cette réglementation vise à définir quatre zones urbaines. Dans le centre, zone dite de « décroissance naturelle », aucune nouvelle construction hôtelière ne serait autorisée, et les établissements existants ne pourraient être ni agrandis ni remplacés par d'autres si leur activité venait à cesser ; dans la deuxième zone, le statu quo serait maintenu ; et, dans les quartiers périphériques des troisième et quatrième couronnes, des licences seraient délivrées de manière « soutenable », avec des restrictions en fonction de la superficie et du nombre de places des établissements. « Nous savons que ce projet est ce qui s'est fait de plus courageux à Barcelone, mais nous savons aussi à quel point il est insuffisant, explique M. Pardo. La mairie nous demande de la soutenir, mais nous ne pouvons pas lui signer un chèque en blanc. La “décroissance naturelle” est un tour de passe-passe langagier. En l'état, certains des quartiers représentés dans nos assemblées se retrouveraient immédiatement à la merci de la spéculation. Notre exigence ? Un moratoire indifférencié. Politiquement, c'est peut-être un suicide, mais nous ne pouvons pas demander moins. »

Chaque jour, les « mairies du changement » se retrouvent aux prises avec les difficultés qu'implique le passage de la rue aux institutions. Cette mutation dépossède le mouvement social d'une part significative de ses forces. Assise à la terrasse d'un café, Mme Ana Menéndez, récemment propulsée à la tête de la Fédération des associations de voisins de Barcelone (FAVB), énumère ceux de ses anciens camarades qui travaillent désormais pour les services municipaux. Le phénomène fait écho au siphonnage de nombreux animateurs du mouvement social par Podemos. Dans les rangs de Compostela Aberta, Mme Jiménez Aleixandre ne parvient pas à dissimuler son découragement quand elle analyse l'impact sur l'action militante d'un an et demi de présence dans les institutions : « Ces derniers temps, le fonctionnement de Compostela Aberta, comme celui des autres “mairies du changement”, a été très affecté par les processus électoraux. Nous avons vécu une élection municipale, deux générales et une régionale en un an et demi ! Nous nous y sommes investis à corps perdu, et elles ont absorbé une énorme part de l'énergie que nous aurions pu consacrer à la ville. Sans compter les tensions internes que ce processus a provoquées, puisque les coalitions changeaient en fonction du type d'élection. »

Boa Mistura. – « La vie pourrait être de couleur rose », Madrid, 2014 www.boamistura.com

Ces tensions ne résultent pas seulement de visions divergentes. Elles révèlent la difficulté de reproduire dans les institutions politiques les pratiques et les mots d'ordre du mouvement social. Adeptes du concept d'empowerment, repris et développé par Podemos, les nouvelles mairies pensent le terrain institutionnel comme un champ d'expérimentation politique. Elles misent sur la conception de plates-formes numériques citoyennes (3) — une prolongation des méthodes en vogue pendant le 15-M, où chacun pouvait, au coin d'une place, au détour d'un débat, inscrire ses propositions sur un tableau blanc. « L'objectif est de rompre avec cette bureaucratisation de la participation pour faire quelque chose de plus dynamique, davantage dans l'esprit du 15-M, où les accords s'obtiennent par consensus et où il n'est pas nécessaire d'appartenir à une association déclarée pour pouvoir participer », explique Mme Capel à Madrid.

Mais cette inventivité numérique — que le journaliste Ludovic Lamant qualifie de « technique de profanation des institutions (4)  » — et la bonne volonté qui l'accompagne se heurtent parfois aux pratiques des habitants. « Beaucoup ont finalement découvert que l'institution, ce n'est pas Twitter », constate le directeur de la FRAVM. À Saint-Jacques-de-Compostelle, le vote des budgets participatifs a mobilisé un millier de personnes, soit un peu moins d'un habitant sur cent. À Madrid, lors de la vaste campagne de réhabilitation de la place d'Espagne en 2016, 31 761 personnes ont voté en ligne pour les divers projets : environ 1 % de la population totale de la capitale. La répartition des 60 millions d'euros du budget participatif a quant à elle suscité l'intérêt de 45 522 habitants. Gadgets hors-sol ou « démocratie réelle » ? Pour le maire de Saint-Jacques-de-Compostelle, M. Noriega Sánchez, ces outils feront la preuve de leur efficacité de manière rétroactive, « une fois que les habitants auront pu constater que les propositions dont ils ont été les auteurs ont bien été adoptées et mises en place ».

Devenir de simples exécutants locaux ?

À condition, toutefois, de pouvoir porter ces mesures et les faire adopter par le conseil municipal. Aucune des coalitions de gauche arrivées au pouvoir en mai 2015 ne jouit d'une majorité absolue. « Nous gouvernons la ville, mais nous n'avons pas le pouvoir », résume M. Pablo Hijar, conseiller municipal au logement de ZeC. Le soutien d'autres groupes — souvent le PSOE, ou des partis régionaux comme Chunta Aragonesista (Union aragonaisiste, CHA), mouvement nationaliste et écosocialiste en Aragon — s'avère donc indispensable. À Saragosse, « les socialistes nous empêchent d'appliquer des critères de progressivité fiscale », s'agace le maire Pedro Santisteve. « Le PSOE entrave systématiquement les grandes décisions, celles qui remettent en question le système capitaliste », renchérit M. Guillermo Lázaro, de ZeC.

Sans compter qu'un certain nombre de mesures figurant dans les programmes électoraux relèvent de prérogatives régionales ou nationales. « S'il y avait eu un changement simultané à ces échelles, cela aurait été plus facile, soupire M. Villalobos. La région de Madrid gère les hôpitaux, l'éducation publique, la loi du sol. Nombre de décisions de la mairie sont donc accessoires : elle invite la région à prendre telle ou telle mesure... le plus souvent sans l'obtenir. » Les moyens ne suffisent pas à mettre en œuvre les mesures radicales promises contre les expulsions. Et ce d'autant moins que les mairies subissent la pression budgétaire de Madrid : « Seul 12,8 % du budget national leur parvient, reprend M. Santisteve. Elles doivent pourtant répondre aux besoins élémentaires des citoyens en matière de transport, de traitement des eaux et des déchets. »

La stratégie de « changement de l'intérieur » promue par les nouveaux exécutifs municipaux achoppe sur la définition de leurs compétences, héritée de la transition démocratique et des lois nationales. En particulier la loi de rationalisation et durabilité de l'administration locale, dite loi Montoro, du nom du ministre des finances de M. Mariano Rajoy, M. Cristóbal Montoro, qui l'a fait adopter en 2013. La première phrase de son préambule ne laisse planer aucun doute sur ses visées : « La réforme de l'article 135 de la Constitution espagnole (…) consacre la stabilité budgétaire comme principe directeur devant présider à l'action de toutes les administrations publiques. » Dictée par le « respect des engagements européens en matière de consolidation fiscale » et arrivant dans le sillage des politiques d'austérité, cette loi impose, en plus de la réduction du déficit, de consacrer tout éventuel excédent budgétaire au remboursement de la dette. Au-delà des exigences de leur politique, les mairies doivent mener un combat sur la conception même de l'action municipale : faut-il se satisfaire de devenir des exécutants locaux dans le cadre prévu par l'État ou bien tenter de se consolider comme entités politiques à part entière, dans la lignée de la tradition « municipaliste » ancrée dans l'histoire du pays depuis le XIXe siècle ?

Cette situation oblige les coalitions progressistes à d'étranges contorsions en matière de communication. Si toutes peuvent se vanter d'avoir assaini les comptes publics et dégagé un confortable excédent budgétaire depuis leur prise de pouvoir (5), elles ont dû, en vertu de la loi Montoro, reverser celui-ci aux banques (2,3 milliards d'euros cumulés (6)). Certaines décident toutefois de faire contre mauvaise fortune bon cœur : faute de pouvoir investir l'argent récupéré, elles choisissent de présenter ces remboursements comme la preuve de leur bonne gestion.

Une telle stratégie n'interdit pas aux figures de proue du mouvement de tenter d'obtenir une modification de la loi. Avec le soutien des « maires du changement », le groupe parlementaire Podemos a déposé une proposition de loi allant dans ce sens en octobre 2016. Fin novembre, une cinquantaine de représentants municipaux se sont réunis à Oviedo afin de lancer un cycle de rencontres pour dénoncer la dette illégitime et les coupes budgétaires. Loin d'être isolée, la réunion d'Oviedo relève d'une démarche familière aux « mairies rebelles » : faire front. Les 4 et 5 septembre 2015 se tenait ainsi à Barcelone le sommet « Villes pour le bien commun. Partager les expériences du changement », prolongé à La Corogne un mois plus tard. Il s'agissait dans les deux cas d'échanger sur les sujets les plus conflictuels : la remunicipalisation des services publics, les centres de rétention administrative, les réfugiés, la mémoire.

Pour certains, douze mois ont toutefois suffi à susciter un sentiment de déception. Successeur de Mme Colau dans le rôle de porte-parole de la PAH de la capitale catalane, M. Macías déplore la lenteur des changements promis : « Prenons la question de la sanction des banques propriétaires de logements maintenus vides : la mairie n'a pas rempli sa mission. Elle a infligé entre cinquante et soixante amendes ; il aurait dû y en avoir deux mille. Soit elle ne va pas dans la bonne direction, soit elle est excessivement lente. Et, sur cette question, il n'y a pas de débat quant à ses prérogatives : c'est bien de son ressort. »

Tenus par les décisions de leurs prédécesseurs

Début 2016, un conflit a agité l'équipe municipale, critiquée pour sa gestion de la grève des travailleurs des transports publics. Convoquées au moment du Mobile World Congress, vitrine internationale du secteur de la téléphonie, fin février 2016, les mobilisations exigeaient la fin des contrats précaires, le dégel des salaires et la publication des revenus des cadres dirigeants. Après le rejet par les syndicats des solutions proposées par la « mairie rebelle » pour arrêter la grève, Mme Colau a qualifié le mouvement de « disproportionné », et sa conseillère à la mobilité, Mme Mercedes Vidal, en a appelé à la « responsabilité » des grévistes. « Cette position totalement hostile à la grève, peut-être plus féroce que celle d'autres équipes municipales, a beaucoup surpris, rapporte M. José Ángel Ciércoles, délégué CGT Metro, le syndicat majoritaire dans cette branche des transports. Il est évident que ceux qui avaient voté pour Ada Colau se sont sentis trahis. »

Président d'Ateus de Catalunya (« Athées de Catalogne »), une association nationale dénonçant le poids de la religion catholique dans la société espagnole, M. Albert Ruba Cañardo se demande quand aboutira le recensement des propriétés immobilières de l'Église — et de leurs privilèges —, qu'il a réclamé à la mairie de Barcelone et qu'il considère comme une donnée-clé de la question du logement. « Le concordat, que nous voulons abolir, exonère d'impôt les propriétés de l'Église référencées comme lieux de culte. Mais c'est une hypocrisie. Vous pouvez avoir un immeuble gigantesque, avec une façade longue de plus de cent mètres et donnant sur une place centrale de la ville, qui appartient à l'Église, avec, à l'intérieur, des bureaux d'avocats, des magasins, tous loués. Et, sur cet immeuble, l'Église ne paie aucun impôt. Pourquoi ? Parce qu'elle a installé une sculpture de saint dans un coin. »

En prenant le relais de la droite dure, comme à Madrid, où Mme Manuela Carmena a été élue après vingt-quatre ans de gouvernement du Parti populaire (PP), les coalitions héritent d'accords et de projets antérieurs. Les nouveaux venus subissent alors le feu d'une critique qui devrait en grande partie s'adresser à leurs prédécesseurs. La capitale espagnole vient ainsi d'avaliser la construction du quartier Los Berrocales, imaginé par l'ancienne mairie. Plus de 22 000 logements devraient y être construits d'ici à 2018. « Le PP a laissé derrière lui tout un héritage de contrats sur trente ans ou plus avec telle ou telle entreprise, commente M. Villalobos. Les remettre en question impliquerait des indemnisations énormes. Los Berrocales, par exemple, est une folie. La ville dispose aujourd'hui d'un nombre suffisant de logements pour les trente ou quarante prochaines années. Si nous construisons le nouveau quartier, certains resteront vides. » Mme Carmena avait promis de ne pas autoriser de nouveaux chantiers urbains de cette ampleur ; elle a néanmoins estimé ne pas pouvoir révoquer ce projet conçu par ses adversaires politiques.

En avril 1931, la victoire des forces progressistes dans plusieurs grandes villes du pays, dont Madrid, avait préfiguré la IIe République. Certains voient dans les « mairies du changement » un écho à ce précédent. Mais, sur place, une forme de déception guette, à la mesure de l'enthousiasme qu'avaient suscité ces victoires en 2015, dans un contexte différent. À l'époque, de nouvelles formations politiques, Podemos en tête, bénéficiaient d'une forte dynamique. Elles espéraient triompher lors des dernières élections législatives. Leurs dirigeants théorisaient l'idée d'un « assaut institutionnel » : la conquête rapide du pouvoir à tous les niveaux par le biais d'une stratégie électoraliste assumée, peu clivante (le discours du « ni droite ni gauche ») et ouvertement revendiquée comme « populiste ».

Dans l'attente d'un nouvel assaut, et au-delà de leurs propres contradictions, les « mairies du changement » doivent faire face à des exécutifs nationaux et régionaux structurellement plus puissants, et bien décidés à les tenir en échec.

(1) Formée par Podemos, Izquierda Unida (union du Parti communiste d'Espagne et d'autres partis de la gauche radicale), Equo (écologistes), Puyálon (souverainistes aragonais anticapitalistes), Somos (républicains de gauche), Demos Plus (né du mouvement social de défense de la santé et de l'éducation publiques) et Piratas de Aragón (Parti pirate).

(2) Le mouvement des associations de voisins tient une place particulière en Espagne depuis la dictature franquiste. Présentes dans tout le pays, celles-ci se regroupent par fédérations dans les communautés autonomes et participent de manière très large au débat public.

(3) La mairie de Madrid a par exemple créé la plate-forme https://decide.madrid.es

(4) Ludovic Lamant, Squatter le pouvoir. Les mairies rebelles d'Espagne, Lux, Montréal, 2016.

(5) Madrid, en particulier, fait figure de « bon élève » pour avoir réduit la dette publique de 19,7 % en un an.

(6) Eduardo Bayona, « La deuda en los ayuntamientos del cambio se reduce 160.000 euros cada hora », Público, 26 novembre 2016.

Here’s How We’re Building a Better Mosul

Foreign Policy - Fri, 05/05/2017 - 17:42
I know it can be hard to look past the destruction wrought by the Islamic State, but together we can build a peaceful, prosperous city.

U.S. Navy SEAL Killed, Two Wounded, in Counter-Terror Raid in Somalia

Foreign Policy - Fri, 05/05/2017 - 16:50
Trump steps up the fight against terrorists in Africa and Middle East, leading to a wave of combat deaths.

Retour de la question sociale

Le Monde Diplomatique - Fri, 05/05/2017 - 16:31

Longtemps oubliée, la question sociale revient au cœur du débat politique. En France, pour avoir sous-estimé l'attachement de ses électeurs à cette question, la gauche a été sévèrement sanctionnée. Les élections présidentielle et législatives du printemps 2002 se sont traduites, en effet, par un véritable séisme : défaite du gouvernement de la gauche plurielle ; retrait de la vie politique du premier ministre en exercice, M. Lionel Jospin ; quasi-disparition du Parti communiste ; forte montée de l'extrême droite ; réélection « triomphale » (82 % des voix) de M. Jacques Chirac ; victoire de la droite, qui a obtenu, le 16 juin 2002, la majorité absolue à l'Assemblée nationale.

L'oubli de la question sociale est sans doute à l'origine de ce grand chambardement. Après cinq ans de gouvernement d'une « gauche plurielle » qui comprenait des socialistes de toutes les tendances, des communistes, des Verts, des radicaux de gauche et des républicains du Mouvement des citoyens, cette gauche ne soulevait plus aucun enthousiasme populaire et ses importantes réformes (1) étaient oubliées, voire critiquées.

Ce 21 avril 2002, une certitude confortable s'est effondrée : alors que tout changeait dans le monde, deux vieux partis — gaulliste et socialiste — devaient continuer de se partager tranquillement le pouvoir comme depuis trente ans…

Or ces deux forces étaient usées, leur mission historique épuisée. Elles donnaient l'impression, chacune à sa manière, d'être en panne, avec des appareils déliquescents, sans organisation ni véritable programme, sans doctrine, sans boussole et sans identité.

Des élections précédentes avaient montré qu'aucun de ces deux partis ne savait s'adresser à ces millions de Français victimes des nouvelles réalités du monde postindustriel engendré par la mondialisation libérale. Cette foule des ouvriers jetables, des déclassés des banlieues, des chômeurs endémiques, des RMistes, des exclus, des retraités en pleine force de vie, des jeunes précarisés, des familles modestes menacées par la pauvreté. Toutes ces couches populaires angoissées par les effets brutaux de la mondialisation libérale...

Le Parti socialiste, en particulier, qui ne compte presque plus de cadres issus du peuple et dont de nombreux dirigeants, en revanche, sont assujettis à l'impôt sur les grandes fortunes, a donné l'impression d'être sur une autre planète sociale, à des années-lumière du peuple commun. Il s'est montré peu sensible aux mille et un problèmes — licenciements massifs, délocalisations d'entreprises, insécurité, marginalisation, chômage, précarité, nouvelles pauvretés — qui accablent la France d'« en bas ». Il a été incapable de sentir le mouvement en profondeur de « la souffrance de cette sous-France », selon l'expression du journaliste Daniel Mermet.

« Ce mouvement en profondeur écrit un analyste politique, la gauche plurielle ne l'a pas vu venir. D'où sa déroute. A l'évidence, Lionel Jospin n'était pas le bon candidat. Il a mené une mauvaise campagne avec un mauvais entourage. (…) L'erreur de Lionel Jospin et de sa gauche plurielle est bel et bien d'avoir privilégié les bobos contre les prolos (2). »

Comme d'autres pays européens — Autriche, Norvège, Belgique, Suisse et, plus récemment, Italie, Danemark, Pays-Bas et Portugal —, l'extrême droite, en France, a su tirer profit des traumatismes causés au sein de la société par la mondialisation libérale, l'unification européenne, la désindustrialisation, les privatisations, le démantèlement des services publics, la réduction de la souveraineté nationale, la disparition du franc, l'effacement des frontières, l'hégémonie des Etats-Unis, le multiculturalisme, la crise de l'Etat-providence…

Tout cela dans un contexte de très grandes mutations technologiques qui ont entraîné l'apparition d'une grave insécurité économique et ont causé d'insupportables ravages sociaux. Un contexte où, la logique de la compétitivité ayant été élevée au rang d'impératif naturel, les violences et les délinquances de toute sorte devaient naturellement se multiplier.

Devant la brutalité de ces changements, les incertitudes s'étaient accumulées, l'horizon s'était brouillé. De nombreux Français se sont alors sentis abandonnés par des gouvernants de droite comme de gauche, que les médias n'ont cessé par ailleurs de décrire comme des « affairistes », des « tricheurs », des « menteurs » des « voleurs » et des « corrompus ». Sur un tel terreau social, fait de peurs, de désarroi et de ressentiment, il était presque fatal que réapparaissent les vieux magiciens. « Le fascisme ne tombe pas du ciel, écrit Jean-Michel Quatrepoint. Il se nourrit toujours de la paupérisation et de l'exaspération des classes moyennes ainsi que des erreurs, de la suffisance et de l'aveuglement des pseudo-élites du moment (3). » A base d'arguments démagogiques, les néofascistes promettent de revenir au monde d'antan (« Travail, famille, patrie »), rejettent sur l'étranger, l'immigré maghrébin ou le juif la cause de tous les maux et de toutes les insécurités. Les immigrés constituent en particulier les cibles les plus faciles et les plus constantes parce qu'ils symbolisent les nouveaux bouleversements sociaux, et représentent aux yeux des plus modestes une concurrence indésirable.

Absurde, haineux, ce discours séduit depuis longtemps, selon certaines enquêtes, « plus d'un Français sur quatre (4)  ». Et a été approuvé, le 21 avril 2002, par des millions d'électeurs issus des classes sociales modestes (30 % des sans-emploi, 24 % des ouvriers, 20 % des jeunes).

La crise de la politique s'était accentuée en France en raison notamment d'attitudes inacceptables adoptées par certaines formations politiques. En particulier depuis le revirement de M. Jacques Chirac en octobre 1995, lorsque, cinq mois après son élection à la présidence, il renia le programme sur lequel il avait été élu (fondé sur le constat de la « fracture sociale »), et adopta une politique ultralibérale. La grande révolte des cheminots en novembre et décembre 1995, soutenue par la majorité des salariés et appuyée par des intellectuels, en particulier Pierre Bourdieu, avait déjà montré que la société était consciente des dangers que la globalisation libérale faisait courir au modèle social.

Cela s'est traduit aussi par la montée de l'abstention, ainsi que par celle du vote blanc et la non-inscription sur les listes électorales. En France, un jeune sur trois de moins de vingt-cinq ans n'était pas inscrit à la veille de l'élection présidentielle de mai 2002 ; le nombre de militants politiques ne dépasse pas 2 % des électeurs, et seuls 8 % des actifs salariés adhèrent à un syndicat (ces deux derniers chiffres étant l'un des plus faibles du monde occidental).

A gauche, le Parti communiste n'a plus d'identité politique, et a même largement perdu son identité sociologique. Les élections de mai et juin 2002 ont confirmé sa quasi-disparition (moins de 5 % des voix) en tant que force politique nationale. Quant au Parti socialiste, il a été lâché par les couches populaires.

Le socialisme, l'un des grands mythes unificateurs de l'humanité — « Le socialisme est l'expression de la vérité, de la raison et de la justice absolues » disait Engels —, a également été trahi par les dirigeants sociaux-démocrates européens. Déjà la démission, le 12 mars 1999, de M. Oskar Lafontaine, ministre allemand des finances, avait révélé la panne sociale-démocrate, son effondrement idéologique et son incapacité à proposer une solution de rechange à l'hégémonie néolibérale. Naviguant à vue, obsédée par l'urgence et la proximité, la social-démocratie demeure sans boussole et dépourvue d'assise théorique, à moins d'appeler théorie ces catalogues de renoncements et de reniements que sont La Troisième Voie d'Anthony Giddens, ancien conseiller de M. Anthony Blair, et Le Bon Choix de Bodo Hombach, longtemps inspirateur de M. Gerhard Schröder.

Pour la social-démocratie, qui gouverne plusieurs grands pays européens (Royaume-Uni, Allemagne, Suède), la politique, c'est désormais l'économie ; l'économie, c'est la finance ; et la finance, ce sont les marchés. La question sociale ne figure plus parmi ses priorités. C'est pourquoi elle a favorisé les privatisations, la réduction du budget de l'Etat, le démantèlement du secteur public, tout en encourageant les concentrations et les fusions des firmes géantes. Elle a accepté de se convertir au social-libéralisme. Plus question de se fixer pour objectifs prioritaires le plein emploi, la défense des acquis sociaux, la relance des services publics ou l'éradication de la misère pour répondre à la détresse des 18 millions de sans-emploi et des 50 millions de pauvres que compte l'Union européenne.

Entre les déceptions du rêve socialiste et les décombres de nos sociétés déstructurées par la barbarie néolibérale, y a-t-il un espace pour une nouvelle utopie sociale ?

Beaucoup de citoyens souhaitent voir la gauche se ressaisir et introduire des graines d'humanité pour faire dérailler la machinerie néolibérale. En Italie, en Espagne, dans d'autres pays, les salariés se mobilisent, participent à des grèves générales. Partout on sent le désir d'action collective. Chacun éprouve la nécessité de réintroduire du collectif porteur d'avenir (5). Et le seul avenir acceptable est celui qui s'édifie sur un projet politique dont la préoccupation centrale reste précisément la question sociale.

(1) Le gouvernement de M. Lionel Jospin a fait adopter quelques grandes lois sociales qui représentent incontestablement des avancées historiques : les 35 heures, la couverture maladie universelle (CMU) et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

(2) Jean-Michel Quatrepoint, « La France d'en bas », La Lettre A, Paris, 26 avril 2002.

(3) Ibid.

(4) Le Monde, 13 avril 1996.

(5) Lire Pierre Bourdieu, « L'essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, mars 1998 ; lire aussi, du même auteur, « Le néo-libéralisme, utopie (en voie de réalisation) d'une exploitation sans limites », in Contre-feux, Liber-Raison d'Agir, Paris, 1998.

Nos armées au temps de la Ve République

Politique étrangère (IFRI) - Fri, 05/05/2017 - 10:00

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage de Michel Forget, Nos armées au temps de la Ve République (Economica, 2016, 208 pages).

Le général de corps aérien Michel Forget, ancien pilote de chasse, a eu une carrière très riche dans l’armée de l’Air française. Depuis qu’il a quitté le service actif en 1983, il se consacre à des études sur la défense et publie régulièrement sur ces sujets. Son dernier ouvrage offre une intéressante perspective historique (1958-2016) sur les armées françaises.

Le livre s’ouvre sur la fin de la guerre d’Algérie qui marque une première rupture franche pour la défense française. La seule armée de Terre passe de 700 000 à 300 000 hommes et, entre 1962 et 1965, 5 000 officiers sont contraints de quitter le service actif. S’ouvre alors une période de refondation et de modernisation, avec un budget de la défense jamais inférieur à 4 % du PIB dans les années 1960. Deux événements majeurs contribuent à définir la stratégie de défense française pour la période à venir : la place prépondérante prise par la dissuasion nucléaire et le retrait du commandement intégré de l’OTAN.

Le début des années 1970 est ponctué par une crise sérieuse dans les armées, symbolisée par « L’appel des cent » de mai 1974, les Comités de soldats et des manifestations d’appelés. Mais cette époque voit aussi l’effort de modernisation des équipements se prolonger et s’ouvrir une ère d’opérations extérieures (Mauritanie, 1977 ; Tchad et Kolwezi, 1978, etc.) qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Contrairement à ce qui était attendu, l’arrivée des socialistes au pouvoir en 1981 marque une continuité, avec la poursuite de la stratégie de dissuasion, des programmes d’équipements et des interventions extérieures.

La fin de la guerre froide constitue bien entendu un nouveau tournant majeur, qui entraîne en particulier la professionnalisation, annoncée en 1996 par le président Jacques Chirac. S’ensuit la mise en œuvre de nouveaux modèles d’armées. Ils sont rapidement invalidés par « l’échec » de deux Lois de programmation militaire (1997-2002 et 2002-2008), la dernière présentant, par exemple, un manque de 11 milliards par rapport aux dépenses prévues pour les équipements.

L’arrivée du président Nicolas Sarkozy en 2007 signale un infléchissement stratégique, avec le plein retour de la France dans l’OTAN. Mais d’importantes ambitions dans le domaine de la défense entrent en concurrence avec les déflations prévues, comme la réduction de la flotte d’avions de combat de l’armée de l’Air de 300 à 240 appareils. L’auteur décrit particulièrement bien la réforme des soutiens des années 2000, basée sur une mutualisation entre armées et organismes censée produire des économies de fonctionnement. Ses arguments en sa défaveur sont convaincants. Le début de la présidence de François Hollande poursuit sur la lancée, mais les attentats de janvier 2015, et les insuffisances de notre modèle d’armée mises au grand jour par le déclenchement de l’opération Sentinelle finissent par infléchir cette politique.

Le général Forget ébauche une très intéressante mise en perspective de notre politique et de notre outil de défense, avec une analyse convaincante de ses forces et de ses faiblesses actuelles. Il est dommage que l’auteur ne cite quasiment pas de sources et que nulle bibliographie ne figure en fin d’ouvrage. De plus, les opérations extérieures, qui, pourtant, sont au cœur de notre défense depuis une quarantaine d’années, ne sont qu’évoquées. L’ouvrage est cependant à recommander à tous ceux qui s’intéressent aux évolutions de la défense française.

Rémy Hémez

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Efforts to impeach Nepalese Chief Justice 'an assault on human rights' – UN rights chief

UN News Centre - Fri, 05/05/2017 - 07:00
Raising alarm over moves to impeach the Chief Justice of Nepal &#8211 who has been instrumental in a number of high-profile and politically sensitive decisions &#8211 the United Nations High Commissioner for Human Rights, Zeid Ra&#39ad Al Hussein, warned today that such actions suggest a concerted attempt by the Government to undermine the independence of the judiciary.

UN migration agency transports hundreds of South Sudanese refugees from border into Ethiopia

UN News Centre - Fri, 05/05/2017 - 07:00
The United Nations migration agency has begun transferring South Sudanese refugees from Ethiopia&#39s Pagak border entry point in Gambella to the Gore-Shembola refugee camp in Benishangul Gumuz Regional States &#8211 approximately 835 kilometres away.

On Global Road Safety Week, UN health agency urges 'Save Lives: Slow Down'

UN News Centre - Fri, 05/05/2017 - 07:00
Spotlighting the relationship between speeding and traffic fatalities &#8211 speeding contributes to one in three traffic deaths &#8211 the UN health agency, ahead of Global Road Safety Week, is urging countries to take measures to curb dangerous driving behaviour.

Saudi Arabia must reform 'unacceptably broad' counter-terrorism law – UN rights expert

UN News Centre - Fri, 05/05/2017 - 07:00
Saudi Arabia must stop using its anti-terror law to violate the right to free speech of its people, and end the use of torture terrorist suspects during investigations, a United Nations human rights expert urged at the end of his mission to the country.

Le procès des droits de l'homme. Généalogie du scepticisme démocratique

Le Monde Diplomatique - Fri, 05/05/2017 - 00:00

Pour les auteurs — l'une directrice du Centre de théorie politique à l'Université libre de Bruxelles, l'autre membre de ce même centre —, « nous vivons sans doute dans “l'âge des droits” au sens où les droits de l'homme sont la seule idée politique et morale qui ait reçu une consécration universelle ». Une lingua franca mondiale, en quelque sorte, compte tenu de l'échec des autres utopies. Mais le constat est accablant : « Plus de la moitié du monde vit dans une situation où les droits de l'homme sont quotidiennement violés. » En effet, l'exigence d'universalité n'a de sens que si elle s'appuie sur un projet politique d'émancipation sociale, faute de quoi les droits humains ne constituent qu'une idéologie participant d'une légitimation du statu quo. C'est en effet la même Assemblée nationale qui adopte la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et qui vote deux ans plus tard la loi Le Chapelier, interdisant notamment les organisations ouvrières. Les arguments des « procès » intentés par Edmund Burke ou Carl Schmitt, Marcel Gauchet ou Régis Debray sont analysés.

Seuil, coll. « La couleur des idées », Paris, 2016, 352 pages, 22 euros.

Des valeurs. Une approche sociologique

Le Monde Diplomatique - Fri, 05/05/2017 - 00:00

C'est essentiellement aux « valeurs-principes », celles qui sont facteurs de valorisation, que s'attache ici Nathalie Heinich, au fil de cet essai touffu de sociologie axiologique. L'ouvrage est porté par une ferme critique des méthodes quantitatives dans ce domaine, de l'« invisibilisation » de cette question imputée à « la tradition matérialiste, et plus précisément marxiste », et de l'approche de Pierre Bourdieu, pour qui il n'existerait d'autre motivation « qu'intéressée à la perpétuation de la domination ». Il entend en particulier « mettre en évidence, à partir d'exemples concrets pris dans des contextes variés, les différentes catégories de principes d'évaluation et de justification, et leur articulation ». Appuyée sur de nombreux exemples porteurs de conflits, de l'appréciation de la corrida à celle de l'artiste Jeff Koons, c'est donc « la question des représentations que se font les acteurs de ce qui possède, ou de ce qui produit, de la valeur » qui se met en place, refusant l'universalisme pour un « relativisme descriptif ». Au lecteur soucieux de comprendre le sens — historique, idéologique, philosophique — de telle ou telle valeur de prolonger le travail.

Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », Paris, 2017, 416 pages, 25 euros.

Cuba and Revolutionary Latin America. An Oral History

Le Monde Diplomatique - Fri, 05/05/2017 - 00:00

À travers les témoignages des acteurs de l'épopée cubaine, ce livre raconte l'influence de la petite île sur les mouvements révolutionnaires latino-américains. Le retour historique sur les relations entre les États-Unis et Cuba éclaire les motivations des barbudos : une fibre nationaliste doublée d'une profonde préoccupation sociale. Le récit décrit par la suite le soutien apporté aux guérillas et aux partis de gauche en Amérique latine, ainsi que l'influence d'Ernesto « Che » Guevara, dont la vie (puis la mort) fut une source d'inspiration pour beaucoup.

Si ses forces militaires ont plutôt opéré en Afrique, Cuba n'a jamais hésité à prêter main forte à ses alliés dans la région. Deux mille professeurs, par exemple, furent envoyés au Nicaragua afin de soutenir le gouvernement sandiniste dans sa politique d'alphabétisation. Au fil des pages et des années, on observe la façon dont La Havane adopte une attitude plus pragmatique. En témoigne sa participation aux négociations de paix entre les guérillas colombiennes et Bogotá.

Zed Books, Londres, 2017, 304 pages, 19,99 livres sterling.

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