Jean-Claude Juncker s’y était engagé au lendemain du Luxleaks, en novembre 2014: comme président de la Commission européenne, il allait combattre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscale, en clair faire l’exact contraire de ce qu’il avait fait pendant 25 ans comme ministre des finances et Premier ministre du Grand Duché. Depuis lors, difficile de ne pas reconnaître qu’il tient parole: transparence des rescrits fiscaux, lutte contre la fraude à la TVA, fin du secret bancaire, etc. Il franchit un pas supplémentaire, en proposant d’imposer aux multinationales la transparence fiscale pays par pays (CBCR pour Country by country report) et donne ainsi satisfaction à une vielle revendication du Parlement européen et des ONG qui accusaient les grandes entreprises de profiter des différences de législation et de l’opacité actuelle pour échapper à l’impôt.
C’est mardi que la Commission a présenté ce projet de directive comptable qui obligera, s’il est voté par les Etats membres et le Parlement européen, les entreprises, européennes ou non, qui réalisent un chiffre d’affaire annuel supérieur à 750 millions d’euros à rendre public les lieux où elles réalisent des profits et ceux où elles payent des impôts, ainsi que les données nécessaires pour analyser ces informations (chiffre d’affaire, nombre de salariés, nature de l’activité). Mais cette obligation s’appliquera uniquement aux filiales ou aux établissements situés dans l’un des 28 Etats membres: pour le reste du monde, seuls des chiffres globaux seront fournis. Même ainsi limité, il s’agit d’une première mondiale, pour le coup, aucun pays n’imposant de révéler, en dehors des administrations fiscales bien évidemment, des informations qui ressortent, à en croire les entreprises, du « secret des affaires ».
A l’étude depuis un an, cette proposition a été revu à la hausse à la suite des « Panama papers »: l’obligation de transparence sera étendue aux filiales situées dans une liste noire de paradis fiscaux que la Commission doit présenter dans les prochaines semaines, comme s’y est engagé Pierre Moscovici, le commissaire européen à la fiscalité. Une liste qui laisse présager de belles bagarres, certains Etats membres n’ayant aucune liste de paradis fiscaux, comme l’Allemagne, alors que d’autres disposent de listes à rallonge, comme le Portugal qui y a inscrit quasiment la moitié de la planète…
Reste qu’une partie de la gauche européenne ainsi que les ONG estiment que cette proposition ne va pas assez loin: en particulier, le seuil de 750 millions d’euros ne couvre que 10 à 15 % des multinationales, même si celles-ci génèrent 90 % des revenus des entreprises transnationales. « Les banques sont déjà soumises aux CBCR et ça ne pose aucune problème », explique Pervenche Berès, eurodéputée socialiste française. « Le seuil devrait être abaissé à 40 millions d’euros ». De même, la gauche et les ONG souhaitent que le CBCR s’applique à l’ensemble des pays de la planète.
N.B.: version longue d’un article paru le 14 avril
REUTERS/Vincent Kessler
Le PNR est devenu le mantra de la lutte antiterroriste. Au lendemain des attentats de Paris, le 13 novembre, puis de ceux de Bruxelles, le 22 mars, Manuel Valls a tapé du point sur la table en enjoignant au Parlement européen de voter séance tenante la création de ce fichier qu’il bloque depuis 2007 et qui est destiné à recueillir les données personnelles de tous les passagers aériens (Passenger Name Record, en anglais), qu’il voyage de, vers ou à l’intérieur de l’Union. Le premier ministre français peut-être content: les députés européens ont voté jeudi, à une large majorité (461 voix contre 179 et 9 abstentions), la directive « relative à l’utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalités, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière » « relative à l’utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalités, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière », de son petit nom. Seuls les Verts, la gauche radicale, l’extrême droite, les souverainistes , quelques socialistes et libéraux ont voté contre.
En réalité, il s’agit de créer, non pas un super fichier européen, l’équivalent du Système d’information Schengen (SIS), mais d’autoriser et d’harmoniser la création de 28 fichiers nationaux qui chacun essaiera d’établir des profils de suspects potentiels en fonction de leurs voyages aériens, et ce, à partir des dix-neuf données personnelles détenues par les compagnies aériennes: identité, moyen de paiement, itinéraire complet, passager fidèle, bagages, partage de code, etc. Les terroristes ne seront pas les seuls à être ainsi « profilés »: la liste des infractions qui permettra d’utiliser le PNR est large (traite d’êtres humains, exploitation sexuelle des enfants, trafic de drogues, cybercriminalité)… C’est pourquoi le Parlement européen a longtemps bloqué ce texte qui autorise rien de moins qu’un profilage généralisé de tout un chacun uniquement parce qu’il voyage et non parce qu’il fait l’objet d’une enquête policière ou judiciaire (lire mon article précédent sur le sujet ici).
Le second problème est que les renseignements obtenus ne seront pas automatiquement partagés entre les pays européens: il faudra que chacun demande spécifiquement à ses partenaires telles ou telles données. On peut s’interroger sur l’intérêt de se lancer dans une telle usine à gaz, puisque même si les pays sont autorisés à créer un fichier commun. Surtout, beaucoup se demande en quoi le PNR aurait permis d’éviter les attentats, la quarantaine de terroristes qui ont frappé l’Europe ces derniers mois étant déjà été connus des services et aucun d’entre eux n’ayant emprunté l’avion pour frapper les cibles choisies, mais plus prosaïquement, la voiture, le taxi ou le métro… Après tout, les vols ne représentent que 8 % du trafic intra et extra-communautaire : l’Europe n’est pas une île.
En fait, tous ceux qui défendent les libertés publiques estiment que ce fichage va trop loin pour une efficacité quasi-nulle. Manuel Valls, le premier ministre français, qui était de passage à Strasbourg mardi, m’a fait cette réponse lorsque je lui ai demandé en quoi ce fichier aurait permis d’éviter les attentas: «Il ne faut pas être réducteur et caricatural sur ces questions. Personne n’a jamais dit que le PNR pourrait éviter les attentats. Au plan national, nous avons ce PNR. Il y a des problématiques techniques qui sont en train d’être réglées. Si nous voulons un PNR national qui fonctionne, il doit aller de pair avec un PNR européen. Et nous devons donc nous doter de tous les moyens dans cet équilibre qu’il faut toujours articuler entre sécurité et libertés fondamentales. Nous devons nous doter de tous les moyens. C’est ce que nous faisons au plan national par la réforme de nos services de renseignement, par les moyens que nous leur donnons, par les moyens supplémentaires que nous donnons à la police et à la gendarmerie, mais aussi à nos forces armées, par la mobilisation de la société contre ce que l’on appelle la radicalisation d’une partie de notre jeunesse qui concerne des centaines, voire des milliers d’individus en France en et Europe, par la coopération bien sûr entre les pays et les services de renseignement, en essayant de s’adapter, de comprendre ce que font les terroristes, parce que eux mêmes s’adaptent et changent. Mais pour ce qui concerne le contrôle des passagers aériens, nous avions besoin de cet outil. Sur la quarantaine de terroristes liés aux attentats à Bruxelles et Paris, vous n’en savez rien, il faut être extrêmement prudent : tous n’étaient pas fichés « S ». Il faut faire attention. D’ailleurs c’est comme si je disais que parce qu’ils sont passés pour certains d’entre eux à travers les flux de réfugiés que tous les réfugiés devraient être considérés comme des terroristes. Non, moi je considère que le PNR européen est un moyen supplémentaire dont nous nous dotons pour être efficaces dans la lutte contre le terrorisme. Mais la lutte contre le terrorisme, c’est le travail de renseignement, c’est le travail humain, ce sont de nouvelles technologies, et sans ces nouvelles technologies –c’est pour cela que nous avons une loi de renseignement que je crois efficace en France- nous ne serons pas capables de favoriser un certain nombre d’interceptions, je n’en dis pas plus, qui sont utiles dans la lutte contre le terrorisme».
Seule consolation pour les défenseurs des libertés publiques: les eurodéputés ont réussi à tordre le bras au conseil des ministres et à voter en même temps, pour prix de leur ralliement au PNR, la directive et le règlement de protection des données personnelles (pour en savoir plus, c’est ici).
N.B.: version actualisée d’un article paru dans Libération du 13 avril
REUTERS/Vincent Kessler
En dépit d’une opposition qui ne faiblit pas, d’une pétition signée par 530.000 citoyens, d’un appel commun lancé par une cinquantaine d’ONG, syndicats de salariés, de journalistes, d’avocats et de magistrats, le Parlement européen a adopté, jeudi, à une très large majorité (503 voix contre 131 et 18 abstentions), la proposition de directive sur la protection du « secret des affaires ». Un texte controversé, car les journalistes et les « lanceurs d’alerte » pourrait bien être les victimes collatérales d’une législation qui visait d’abord à lutter au niveau européen contre l’espionnage industriel et commercial. Un comble en pleine affaire des Panama Papers, parfait exemple d’une fuite (ou d’un vol) de secrets des affaires !
C’est un petit groupe de multinationales, américaines (Intel, General Electric, etc.) et européennes (Michelin, Alstom, etc.), qui a demandé, en 2010, à la Commission de proposer une directive sur le secret des affaires, celui-ci n’étant pas protégé en tant que tel dans la quasi-totalité des pays de l’Union à la différence de ce qui se fait aux Etats-Unis, au Japon ou en Chine. En général, le sujet est traité par le biais de la concurrence déloyale, de la propriété intellectuelle (brevets, marques,…), du droit du travail (clause de non concurrence), du droit pénal (vol de documents), etc. Or, le « secret des affaires » est, dans l’esprit des entreprises, beaucoup plus large et partant plus flou, puisqu’il concerne aussi bien l’aspect technique qui n’est pas forcément protégé par un autre moyen (dessins, recettes, savoir-faire, essais cliniques, évaluation scientifique des produits chimiques, etc.) que commercial (liste de clients, études de marché…) de l’activité d’une société, dès lors qu’ils sont secrets et ont une valeur commerciale (parce que secrets).
Lobbying des multinationales
Plusieurs cas de vols de secrets d’affaires ont défrayé la chronique ces dernières années, affaires mises en avant par les entreprises et la Commission pour justifier cette législation. Cela va de la stagiaire chinoise qui a copié, en 2005, des fichiers informatiques de l’équipementier automobile Valeo à Michelin, dont un prototype de pneu a été copié, toujours en 2005, lors d’un rallye automobile… Autant de cas pourtant déjà couverts par la législation existante dans les différents Etats européens (vols de documents, brevets, concurrence déloyale). « En réalité, le problème existe surtout pour les PME qui, en raison de l’hétérogénéïté des droits des Etats membres, n’ont pas les moyens, faute de levier juridique unique, de lutter contre l’espionnage industriel », explique la députée européenne (radicale) Virginie Rozière.
Michel Barnier, le commissaire au marché intérieur de l’époque, s’est laissé convaincre et a proposé, en novembre 2013, une directive sur le secret des affaires, une législation a minima qui autorise les Etats à aller plus loin s’ils le souhaitent. Ce projet ayant été largement inspiré par des cabinets d’avocats grassement rémunérés par les multinationales, comment s’étonner que sa première version permettait d’interdire aux journalistes de faire leur métier et de baillonner les lanceurs d’alerte ? En effet, le « secret des affaires » aurait concerné l’ensemble de la société et plus seulement les concurrents commerciaux : « de facto, on passe d’un cadre juridique de concurrence déloyale à quelque chose qui se rapproche de la propriété intellectuelle, sur le modèle américain où le secret des affaires en est une catégorie », explique Martin Pigeon de Corporate Europe Observatory: « l’intention concurrentielle n’est plus requise ».
Une définition vague
Surtout, la définition du « secret des affaires », qui figure dans un « considérant », est particulièrement vague et ouvre la porte à bien des abus : «savoir-faire ou informations» ayant «une valeur commerciale, effective ou potentielle. Ces savoir-faire ou informations devraient être considérés comme ayant une valeur commerciale, par exemple lorsque leur obtention, utilisation ou divulgation illicite est susceptible de porter atteinte aux intérêts de la personne qui en a le contrôle de façon licite en ce qu’elle nuit au potentiel scientifique et technique de cette personne, à ses intérêts économiques ou financiers, à ses positions stratégiques ou à sa capacité concurrentielle».
La société civile n’a découvert ce texte qu’en novembre 2014, au moment de son adoption par le Conseil des ministres (c’est-à-dire les Etats), et ce qu’il impliquait pour la liberté d’information. Les ONG, les syndicats (qui craignent que la mobilité des cadres soit entravée par ce texte) et les journalistes ont alors essayé de limiter les dégâts. Avec un certain succès, puisque le Parlement, colégislateur avec les vingt-huit Etats membres, a modifié le projet « afin d’exclure journalistes et lanceurs d’alerte du champs d’application de ce texte », explique Viriginie Rozière, même si « la bataille a été assez rude ». Ainsi, « le secret des affaires ne pourra pas être opposé aux journalistes, point », affirme l’eurodéputée radicale.
Les «lanceurs d’alerte» oubliés
Pour les « lanceurs d’alerte » qui ne sont pas cités en tant que tel, l’article 5 de la directive indique que ne pourront pas être poursuivis ceux qui violent le secret des affaires s’ils ont « agi pour protéger l’intérêt public général ». Autrement dit, « ce sera au juge d’apprécier au cas par cas, car on est à la limite », estime Virginie Rozière. Reste que l’exception est limitée aux seuls cas où il s’agit de révéler une « faute, une malversation ou une activité illégale ». Pas question, donc, de dévoiler des petits ou grands secret au nom de la seule morale ou de l’idée qu’on s’en fait. « L’alerte éthique peut pourtant porter sur des violations des droits de l’homme, des risques pour la santé ou l’environnement », s’inquiète l’ONG Transparency International. Des limites dont ont conscience les eurodéputés: « le Parlement demande à la Commission de proposer un texte horizontal sur le statut des lanceurs d’alerte », précise Virginie Rozière qui fait valoir qu’il était difficile d’aller plus loin dans le cadre de cette directive.
C’est tout le problème: « le texte a évolué, mais il reste marqué par sa logique d’origine », estime Martin Pigeon. Pour lui, il va permettre aux entreprises de poursuivre journalistes et lanceurs d’alertes pour les intimider: « il faudra attendre que la jurisprudence se stabilise pour savoir ce qu’il en est vraiment, ce qui risque de prendre du temps et, en attendant, de permettre aux entreprises d’imposer le silence sur leurs activités ». Les Etats, qui doivent encore formellement adopter la directive (elle est ici) lors d’un prochain Conseil des ministres, auront deux ans pour la transposer dans leur droit interne.
N.B.: Un article sur ce thème a été publié dans Libération de jeudi
Pierre Moscovici, le commissaire européen à la fiscalité, voit dans les « Panama papers », l’occasion d’en finir avec la réticence des Etats à lutter contre la fraude et « l’optimisation » fiscale. C’est la première fois que l’ancien ministre des finances français s’exprime depuis la révélation de ce qu’il qualifie de « scandale insupportable ».
L’ampleur des révélations des Panama Papers vous ont-elles surprises ?
Je n’ai pas été surpris de ce scandale mondial, ce scandale insupportable, car je mène un combat constant contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale, l’optimisation fiscale agressive, qui visent à payer moins d’impôts et érodent la base fiscale. Toutes ces pratiques ne sont pas illégales, mais toutes sont immorales et choquantes. Si nous ne les combattons pas résolument, nous fournirons une arme incroyable aux populistes : si les citoyens pensent que tous les partis politiques, tous les acteurs publics, toutes les entreprises, tous les individus qui gagnent beaucoup d’argent sont «pourris», si on a l’impression qu’il y a une élite qui se protège mutuellement pour échapper à l’impôt, alors le populisme triomphera. Face à ce danger pour la démocratie, il y a une chance politique qu’il faut saisir : avec ces Panama papers, ceux qui combattent la fraude et l’évasion fiscale, comme la Commission européenne, bénéficient désormais du soutien de l’opinion publique pour y mettre fin. Comme commissaire, je me sens conforté quand je me tourne vers les États membres pour les inciter à se montrer impitoyables.
Le principal parti populiste français, le FN, est lui-même impliqué indirectement dans l’affaire des Panama papers. Pensez-vous que cela aura des conséquences en terme électoral ?
Au-delà du cas du FN, il faut avoir conscience que le populisme ne frappe jamais les populistes. Ceux qui sont le plus blâmés ne sont pas forcément les plus blâmables, c’est ainsi. Il faut donc que les démocrates, les républicains, les Européens soient les défenseurs ardents de l’exemplarité et de la transparence. C’est ainsi que nous ramènerons les citoyens qui doutent des partis démocratiques et de l’Europe vers la démocratie et vers l’Europe.
Est-ce la crise économique et financière qui a rendu insupportable l’évasion fiscale ?
Effectivement. La crise nous ayant contraints à lutter contre les déficits afin de réduire des stocks de dettes devenus insupportables, les impôts ont alors été augmentés. Mais certains, parce que plus riches ou mieux conseillés, ont utilisé des trous dans les législations ou les ont contournés pour échapper à l’impôt. Autrement dit, les bons citoyens ont vu leurs efforts dérobés par d’autres : ces sommes qui échappent aux budgets des États sont colossales : on l’estime à près de 1000 milliards d’euros par an au niveau mondial. Rien que le manque à gagner à la TVA dans l’Union représente 170 milliards d’euros par an, ce qui m’a conduit à présenter un plan d’action contre ce fléau ce jeudi 7 avril. De même, selon des estimations récentes du Parlement européen, nous perdons chaque année entre 50 et 70 milliards d’euros à cause des phénomènes d’évasion fiscale des multinationales dans l’UE.
Les Panama papers vous réjouissent donc ?
C’est une excellente nouvelle politiquement, qui va nous permettre de franchir de nouveaux pas dans cette révolution de la transparence fiscale qui est en cours : la lutte contre l’évasion fiscale a déjà fait des progrès considérables depuis la prise de conscience américaine en 2010 et les actions menées par l’OCDE, le G20 et l’Union européenne. Nul ne peut s’y opposer : ceux qui imaginent qu’on peut continuer à faire ses petites affaires dans l’opacité viennent d’avoir la démonstration qu’on est toujours rattrapé par la patrouille. La leçon des Panama papers ou du Luxleaks, en 2014, s’adresse aussi à ceux qui sont tentés d’échapper à l’impôt : les Panama papers, la plus grande fuite qui ait jamais existé, n’est pas un feu de paille. Ceux qui n’ont pas été pris cette fois-ci le seront la prochaine fois, ce qui doit inciter tout le monde à jouer la transparence.
Le citoyen a le sentiment que l’État se montre plus impitoyable à son égard s’il a 24 heures de retard de paiement qu’à l’égard des grandes fortunes…
Ne généralisons pas. Les Panama papers ne concernent que certaines fortunes et certaines entreprises. La transparence va permettre de combattre ces pratiques immorales. Je suis très fier d’avoir introduit dans la loi bancaire de 2013, alors que j’étais ministre des finances français, l’obligation pour les banques françaises de publier les données comptables et fiscales de leurs filiales à l’étranger (« Country by country report » ou CBCR). Mardi prochain, la Commission va proposer un CBCR public pour toutes les grandes entreprises, et pas seulement un échange d’informations entre administrations fiscales. Nous serons les premiers à mettre en place cette transparence afin que tout le monde puisse avoir accès à ces données: nous répondons ainsi à une demande des opinions publiques, des ONG et du Parlement européen.
À la suite du Luxleaks, vous n’avez pas voulu rendre publics les rescrits fiscaux, mais seulement rendu obligatoire l’échange d’informations entre administrations fiscales.
Le cas est différent, car il s’agit de permettre à des entreprises de connaître par avance leur taux d’imposition. Pour cela, la réponse doit être l’échange d’informations entre administrations fiscales afin d’éviter les distorsions dans les législations et les pratiques des entreprises, pas la publicité qui peut nuire à la décision d’investir. Mais le résultat de ces opérations sera connu à terme puisqu’il figurera dans les données fiscales des entreprises qui seront publiées…
Pourquoi les lanceurs d’alertes préfèrent-ils s’adresser aux médias plutôt qu’aux administrations fiscales ? Faut-il craindre que les États étouffent ce genre d’affaires ?
Les choses évoluent : Michel Sapin, mon successeur à Bercy, vient de déclarer qu’il fallait encourager les lanceurs d’alerte. Plus généralement, il faut une évolution de la mentalité dans les administrations fiscales. Leur réflexe est souvent d’être prudentes. D’ailleurs, lorsque j’ai présenté en début d’année un paquet annonçant une série de réformes visant à imposer la transparence en matière de fiscalité des entreprises, dont le CBCR public, j’ai senti de la part de certains ministres des finances une certaine réticence. Après les Panama Papers, j’ai envie de leur dire : laissez tomber la prudence mes amis… Il faut que les entreprises payent leurs impôts là où elles réalisent leurs profits.
Le problème concerne aussi les paradis fiscaux.
Nous avons fait beaucoup de progrès en mettant fin au secret bancaire en Europe continentale. Mais avec les paradis fiscaux non européens, c’est autre chose. En juin dernier, j’ai proposé de mettre en place une liste européenne des juridictions non coopératives, qui a pu être critiquée. La méthode était imparfaite, je le savais, car j’ai procédé en compilant les listes nationales qui sont très hétérogènes. Dans certains pays de l’Union, et cela reflète la psyché des administrations fiscales, on trouve des listes très longues, comme au Portugal qui recense 85 paradis fiscaux, alors que dans d’autres pays, comme en Allemagne, il n’existe aucune liste. Au sein de l’Union, il n’y a que huit pays, neuf bientôt avec la France, qui ont inscrit le Panama dans leur liste. J’avais donc proposé une liste de 30 paradis fiscaux et j’avais averti les pays qui y figuraient. Tous m’ont répondu et certains sont venus ici : chez certains, comme Jersey, Guernesey ou le Liechtenstein, il y avait une claire volonté de se mettre en conformité avec les standards internationaux, car figurer sur une liste, cela crée immédiatement la volonté d’en sortir, car on va immédiatement être placé sous les feux de la rampe, puis être l’objet de toutes sortes d’enquêtes. Je veux donc profiter de ce momentum pour proposer la création d’une vraie liste européenne établie non pas à partir des listes nationales, mais de critères communs et assortis de sanctions communes. Je veux que nous avancions concrètement dans les 6 mois. Il faut en finir avec cette hétérogénéité et parfois ces complaisances ou ces attitudes compréhensives à l’égard des paradis fiscaux.
On a l’impression que les administrations fiscales disposent de moins de moyens d’investigation que les médias. Comment, par exemple, la France a-t-elle pu laisser de grandes entreprises françaises créer des offshores sous son nez ?
Les administrations fiscales ont les moyens d’enquêter et la législation européenne leur fournit les moyens de le faire notamment dans le domaine bancaire. Il faut qu’elles y mettent encore davantage d’énergie. Maintenant, aller enquêter au Panama, c’est plus compliqué…
François Hollande avait promis qu’il interdirait aux banques françaises d’avoir des filiales dans les paradis fiscaux...
C’est un engagement qui a été tenu à travers la transparence que j’ai imposée dans la loi bancaire de 2013. A ma connaissance, il y a une seule banque française qui est impliquée dans les Panama papers et son président a pris des engagements en la matière. Ce n’est donc pas du côté des pouvoirs publics que des manquements seront trouvés.
L’existence de ces paradis fiscaux n’est-elle pas la résultante d’une absence de volonté politique des États de lutter contre eux ? Les États-Unis n’ont-ils pas réussi à avoir la peau du secret bancaire suisse le jour où ils ont réalisé les dommages qu’il leur causait ?
Les progrès dans la lutte contre l’érosion de la base fiscale ont été faits au niveau international et il faut clairement aller plus loin. Je crois beaucoup au travail effectué dans ce cadre multilatéral, à l’OCDE, au G20, en Europe : les problèmes sont mondiaux ou européens, la réponse doit l’être aussi. Je veux au passage saluer les progrès faits par la Suisse qui, en signant avec l’Union européenne un accord d’échange automatique d’information, met fin au secret bancaire.
Si les fraudes sont avérées, les sanctions doivent-elles être exemplaires ?
Il faut des sanctions, mais il faut aussi que nous réformions nos législations, en comblant les trous qui existent, pour empêcher ce genre de pratique. Un bon impôt est un impôt simple, juste et non excessif .Tout le monde doit balayer devant sa porte. Il faut de la transparence et de l’exemplarité. Les Panama papers nous offrent une opportunité extraordinaire de prendre le leadership dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. C’est pour cela que je tiens beaucoup aux deux propositions que je vais porter, sur la publicité du CBCR et la liste commune des paradis fiscaux.
N.B.: Version longue de l’entretien paru dans Libération du 9 avril
L’avenir de l’Europe?
REUTERS/Yves Herman
L’Union européenne ou la crise sans fin... Les Néerlandais, en rejetant, mercredi 6 avril, par référendum, l’accord d’association entre l’Union et l’Ukraine, ont accru le gite d’un bateau européen secoué par les crises à répétitions, et ce, juste avant une autre consultation autrement plus périlleuse qui décidera, le 23 juin, du maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union. Certes, les Néerlandais ne se sont pas prononcés sur leur appartenance à l’Union, ce sujet ne pouvant pas être soumis à référendum, mais le scrutin était un test de la popularité de la construction communautaire dans ce pays qui fait parti des six premiers signataires du Traité de Rome de 1957. Le verdict est, a priori, sans appel, puisque 61,1 % des Néerlandais ont voté « non » (un vote négatif concentré dans les campagnes et les petites villes). Mais, en réalité, on est loin d’un raz-de-marée : ce premier référendum d’initiative populaire n’a mobilisé que 32,2 % du corps électoral, ce qui signifie que seuls 2,45 millions de Néerlandais sur 12,5 millions ont rejeté l’accord d’association. Néanmoins, il sera difficile au gouvernement libéral-social démocrate du Premier ministre Mark Rutte de ne pas tenir compte du résultat, même s’il est juridiquement consultatif. Un scrutin qui pose aussi de redoutables défis à l’Union. Passage en revue des conséquences.
· L’Ukraine fragilisée
Le référendum néerlandais n’a pas d’impact immédiat. De fait, l’Union a décidé d’appliquer provisoirement l’accord d’association avec l’Ukraine dès le 1er janvier 2015 afin de soutenir économiquement un pays étranglé par la guerre larvée que lui mène la Russie. « La période provisoire, qui porte sur l’essentiel, c’est-à-dire l’aspect commercial, n’a pas de durée limitée, ce qui nous donne le temps de trouver une solution », explique un diplomate européen. « Il faut aussi éviter que ce référendum soit instrumentalisé par Vladimir Poutine qui ne peut que se réjouir du coup que viennent de porter les Néerlandais au régime ukrainien », poursuit-il. C’est loupé, le Kremlin s’étant immédiatement réjoui de la « défiance » ainsi manifestée par les Néerlandais, tout comme les partis d’extrême droite qu’il soutient en Europe (le Front national en tête). De fait, les événements de la place Maidan ont eu pour origine le refus du gouvernement ukrainien de l’époque de signer, en novembre 2013, cet accord d’association, ce qui a abouti à la chute, en février 2014, du président pro-russe Viktor Ianoukovitch. C’est donc un retournement de l’histoire qui doit particulièrement plaire à Moscou, puisque la Russie considère que cet accord, pour lequel elle n’a pas été consultée, avec un pays qu’elle estime faire partie de sa sphère d’influence est un véritable acte d’agression… De là à ce que Moscou se sente conforter dans ses revendications sur l’Ukraine après ce désaveu infligé aux États européens par le peuple néerlandais, il n’y a qu’un pas qui donne des sueurs froides aux chancelleries occidentales…
· La politique extérieure de l’Union paralysée.
Le non néerlandais est un coup dur pour la politique étrangère des Vingt-huit. En effet, les principaux instruments de l’influence de la première puissance économique du monde sont les accords commerciaux, les accords d’associations et bien sûr les traités d’élargissement. C’est par ces moyens que Bruxelles parvient à exporter ses valeurs et ses normes, comme l’a montré sa gestion réussie de la transition démocratique des anciennes Républiques populaires d’Europe centrale et orientale, aujourd’hui membres à part entière de l’Union. « Ce sont aussi ces accords qui nous permettent de maintenir la stabilité dans les Balkans », souligne un diplomate bruxellois. Négociés par la Commission sur mandat des États membres, ces traités doivent être approuvés par l’ensemble des États membres et ratifiés par le Parlement européen et les Parlements nationaux. Or, l’irruption du référendum d’initiative populaire dans le champ diplomatique complique singulièrement la donne, fragilisant un processus déjà complexe. En théorie, lorsqu’un accord est purement commercial, ce qui est une compétence exclusive de l’Union, l’approbation des parlements nationaux n’est pas requise, celle d’une majorité qualifiée d’États membres et du Parlement européen suffisant. Mais la plupart des traités comprennent des aspects politiques et surtout traitent de sujets qui relèvent de l’unanimité (exception culturelle, visas, etc.), les ratifications nationales sont nécessaires. « L’idée était d’inclure le commerce dans une démarche politique afin d’en faire un instrument diplomatique. Ne plus faire que du commercial pour éviter un référendum serait une sacrée régression », met en garde un diplomate européen.
· L’élargissement rejeté
On a conscience, à Bruxelles, qu’il y a une « fatigue de l’élargissement ». Les tenants du « non » aux Pays-Bas ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils ont expliqué que l’accord d’association avec l’Ukraine était un premier pas vers l’adhésion. Difficile de leur donner totalement tort, puisque c’est ainsi que le présente Kiev, mais aussi les pays d’Europe de l’Est désireux d’arracher l’Ukraine à l’influence de Moscou et la Russie elle-même inquiète de cet expansionnisme de l’UE (et de l’OTAN). La France est l’un des rares pays à refuser cette perspective d’élargissement infini, mais elle est très minoritaire dans le politiquement correct ambiant hérité de la chute du mur en 1989 : « il y a une hypocrisie à affirmer la perspective européenne des Balkans, de l’Ukraine ou de la Turquie », tranche un diplomate français. De fait, depuis les référendums français et néerlandais (déjà) de 2005 sur le traité constitutionnel européen, les gouvernements européens et la Commission savent que la majorité des opinions publiques d’Europe de l’Ouest est vent debout contre tout nouvel élargissement, l’adhésion de dix pays entre 2004 et 2007 n’ayant jamais été digérée. Même la perspective d’une levée des visas pour ces pays ne passe plus. Mais avouer officiellement que la porte de l’Union est fermée pour longtemps risque de déstabiliser durablement ses marches. Bref, entre perdre son opinion publique et prendre le risque de l’instabilité à ses frontières, l’Union louvoie. Les Néerlandais ont tranché pour tout le monde.
· Le projet européen contesté
« Il est horriblement difficile de gagner un référendum sur la question européenne », euphémise-t-on à Bruxelles. Depuis le traité de Maastricht de février 1992, on ne compte plus les référendums négatifs : Danemark, Suède, Irlande, France, Pays-Bas, Grèce et, sans doute, Royaume-Uni. En décembre dernier, les Danois ont ainsi refusé de lever, par 53 % des voix, la dérogation que leur pays avait obtenue en 1992 dans le domaine de la justice et de la police. L’addition des mécontentements, tant vis-à-vis de l’Europe que du gouvernement en place, constitue presque toujours une majorité qu’il est difficile de renverser, « la conjuration des forces rationnelles ne faisant que renforcer les tenant du non », comme le note un diplomate bruxellois : « Il a aussi une incapacité à démontrer la valeur ajoutée de l’Union en période de crise ».
· L’incompatibilité du référendum avec le système politique de l’Union européenne
La Suisse, qui pratique de façon assidue la démocratie directe, a compris depuis longtemps que le référendum d’initiative populaire était incompatible avec le système institutionnel de l’Union. Non pas en lui-même, mais parce que le référendum est pratiqué au niveau national, ce qui revient à donner un pouvoir de blocage à une infime minorité d’Européens. Un référendum paneuropéen sur les questions qui relèvent des compétences de l’Union, comme c’était le cas de l’accord d’association avec la Turquie, permettrait de lever l’objection. Mais il n’existe actuellement aucun consensus entre les États pour instaurer une telle procédure : pour eux, la démocratie s’exerce pour l’essentiel dans un cadre national. Le référendum peut donc remettre en cause un consensus difficilement obtenu entre les États et entre les États et le Parlement européen y compris pour des textes adoptés à la majorité qualifiée des États. Qui osera appliquer demain une directive ou un règlement légalement adopté par l’Union, mais rejeté par un référendum ? « Il peut vite devenir un instrument de chantage pour certains États, comme on le voit en Grande-Bretagne, en Hongrie, en Pologne, ou pour les Europhobes, ce qui paralysera durablement l’Union », met en garde un haut fonctionnaire. Et il est difficile aux pro-européens de dénoncer ces référendums nationaux sauf à être accusés de vouloir tenir à l’écart les peuples, ce qui renforcera mécaniquement le camp europhobe. Le piège est parfait.
N.B.: version longue de mon article paru dans Libération du 8 avril
Voir la version française en bas
The propagande and the reality are noticeably different about the Hungarian patrols of 600 soldiers and 400 policemen at the border between Hungary and Serbia (175 km). At about the same number at the Croatian border. The basical units of the border security are the duos of a soldier and a police officer, deployed by 2-3 border stone.
They work 18-20 hours a day for 1-2 weeks and live in pits dug by themselves. They also tinker tents with garbage bags that they also wear against rain because their jacket can not stand the rain for an hour. They often undergo super-controls forcing their for example to extinguish the fire which serves as the only way to warm up. On paper they are eating 5000 calories but in fact they have 2 sandwich, 1 apple and 1 chocolate per day.
In addition the policemen do not see why they work, because they lack the equipment needed to see at night when they have a few meters of visibility and so they are almost incapable of intercepting migrants who cut the fence.
La propagande et la réalité sont visiblement différents quant aux patrouilles des 600 soldats et 400 policiers hongrois à la frontière serbo-hongroise (180 km). A peu près le même effectif à la frontière croate. Les bases de la sécurité frontalière sont les duos composés d`un soldat et d`un policier, ils sont déployés par 2-3 pierres de frontière.
Ils travaillent 18-20 heures par jour durant 1-2 semaines et habitent dans les fosses creusées par eux-mêmes. Ils bricolent également des tentes à l`aide des sacs de poubelle qu`ils portent également contre la pluie, car leur veste ne supporte la pluie que pendant une heure. Ils subissent souvent des super-controls qui leur oblige par exemple d`éteindre le feu qui leur est le seul moyen de se réchauffer. Sur papier ils mangent 5000 calories mais en réalité ils n`ont que 2 sandwich, 1 pomme et 1 chocolat par jour.
De plus les policiers ne voient pas la raison de leur travaille car ils ne disposent pas d`équipements nécessaires pour voir pendant la nuit lorsqu`ils ont une visibilité de quelques mètres et ainsi ils sont presque incapables d`intercepter les migrants qui coupent la clôture.
Tag: HungarymigrationDeclaration by the High Representative on behalf of the EU concerning the political situation in the Republic of the Congo following the presidential election
07/04/2016 14:05 Press release 170/16 Foreign affairs & international relations
On 4 April the Constitutional Court confirmed the result of the presidential election in Congo.
The fact that many opposition candidates stood for election, and the large voter turnout, testify to the democratic aspirations of the Congolese people, despite the serious flaws in electoral governance highlighted in the declaration by the European Union on 19 February. The post-electoral process has been marked by human rights violations, arrests and intimidation of the opposition and the media. This calls into question the credibility of the results.
The violent events which took place in Brazzaville on 4 April put Congo’s stability at risk. The EU calls on all stakeholders to show restraint and refrain from any act of violence or manipulation.
Democratic debate and respect for civil liberties are the best guarantee of the country’s stability and development. With a view to the forthcoming general election, the Congolese Government and all stakeholders must ensure that fundamental freedoms are respected and that a transparent electoral process, which reflects the will of the people, can actually be conducted. In this context, the EU reaffirms its willingness to continue its dialogue with Congo.
The Candidate Countries the former Yugoslav Republic of Macedonia* and Montenegro*, the country of the Stabilisation and Association Process and potential candidate Bosnia and Herzegovina, and the EFTA countries Iceland, Liechtenstein and Norway, members of the European Economic Area, as well as the Republic of Moldova, align themselves with this Declaration.
* - The former Yugoslav Republic of Macedonia and Montenegro continue to be part of the Stabilisation and Association Process.
Tag: Congo