REUTERS/Michael Kooren
Mon article sur le référendum néerlandais est ici. Bonne lecture !
Les quelques dizaines de fanatiques radicalisés qui ont commis des attentats sanglants en France et en Belgique sont désormais quasiment tous identifiés ce qui permet d’en dresser le « portrait robot » : pour la quasi-totalité d’entre eux, il s’agit de ressortissants d’un État membre de l’Union européenne (ou titulaire d’une carte de résident), souvent issus des mêmes quartiers voire des mêmes familles, identifiés par les services de police comme islamistes radicalisés et, souvent, comme petits ou grands délinquants de droit commun. Les hommes qui ont frappé Paris soit résidaient sur place soit ont emprunté la route, ceux qui ont frappé Bruxelles ont juste eu à prendre un taxi ou le métro. Rien d’étonnant en fait : depuis 1995 (de Khaled Kelkal aux attentats de Paris en janvier 2015 en passant par le gang de Roubaix, les assassins de Massoud, les attentats de Madrid et de Londres en 2004 et 2005, l’équipée sanglante de Toulouse en 2012 ou encore le musée juif de Bruxelles en 2014), tous les terroristes agissant au nom de l’Islam, répondent au même «portrait robot».
L’enquête, qui est loin d’être terminée, a déjà mis à jour d’incroyables dysfonctionnements des services de sécurité, et ce, en France et en Belgique : des suspects dont la dangerosité a été gravement sous-estimée, des renseignements non transmis entre services de police (à l’intérieur du pays et entre pays), des combattants européens expulsés de Turquie que les États ont laissés s’évaporer dans la nature, des renseignements transmis par Ankara non exploités faute de moyens humains, des suspects en fuite que l’on contrôle, mais que faute d’ordinateur, on laisse filer, et on en passe. En réalité, c’est parce que la gravité de la menace représentée par les « returnees », c’est-à-dire les combattants rentrant de Syrie ou d’Irak, sans parler des ravages du salafisme subventionné par l’Arabie Saoudite, a été ignorée par les États, en dépit de quelques cris d’alarme, notamment ceux du coordinateur européen chargé de la lutte antiterroriste, Gilles de Kerchove, que les attentats ont pu être commis.
Face à cet échec, autant politique que policier et judiciaire, la réaction des autorités, notamment en France, a été de se lancer dans une frénésie législative sécuritaire sans précédent, comme si la loi allait permettre de remédier à des défaillances humaines. Ainsi, au lendemain du 22 mars, Manuel Valls n’a rien trouvé de mieux que d’exiger que le Parlement européen adopte séance tenante le fichier PNR qui doit recueillir les des données de tous les passagers aériens sans distinction afin d’identifier ceux qui ont un comportement suspect, alors même qu’aucun de ces radicalisés n’a emprunté l’avion pour commettre son forfait. Le Premier ministre n’en est pas à son coup d’essai en matière de réponse inadaptée : la loi sur le renseignement intérieur de juillet 2015, votée après Charlie Hebdo et l’Hyper Cascher, a placé sous surveillance tout le trafic internet au nom de la lutte antiterroriste. Mais, outre qu’il n’y a personne en bout de chaîne pour exploiter les renseignements obtenus, le terrorisme actuel n’est nullement high-tech, mais, au contraire, low-tech : pas d’utilisation du net, on se parle en direct, on achète des téléphones jetables, on loue des voitures ou des taxis, on fabrique des bombes avec du matériel acheté dans des magasins de bricolage, on se procure des armes sur le marché de la grande criminalité...
Et que dire de l’état d’urgence qui ne s’est traduit par l’arrestation d’aucun terroriste, pas plus que le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen. C’est le travail des policiers, placés sous la surveillance de juges indépendants, qui, en appliquant la loi actuelle, a permis de remonter les filières. Mais cela n’empêche pas le gouvernement de persévérer : la future loi sur la procédure pénale va faire entrer dans le droit interne les dispositions les plus liberticides de l’état d’urgence alors même qu’il a échoué. Or, une assignation à résidence préfectorale est juste une plaisanterie en matière de lutte antiterroriste, tout comme la possibilité de retenir pendant quatre heures n’importe quelle personne même si elle a justifié de son identité.
En réalité, ce sont de moyens humains et matériels dont la police et la justice ont besoin, pas de nouvelles lois confiantes des pouvoirs exorbitants et sans contrôle à l’exécutif. La gauche française prend un risque historique en empruntant cette fausse route sécuritaire : avec ces lois d’exception, « la France peut basculer dans la dictature en une semaine »,a mis en garde Frédéric Sicard, le bâtonnier de Paris, à l’unisson de nombreux juges. Le prix à payer pour combattre et contrôler quelques centaines de « returnees » connues de la police doit-il être l’abandon de libertés publiques si durement acquises ?
N.B.: version longue de mon édito paru dans Libération du 31 mars
March 31, 2016. REUTERS/Stephane Mahe
La révolte, la soif d’égalité, la lutte contre l’injustice, voilà des traits que l’on associe à la jeunesse, surtout à la jeunesse lycéenne et étudiante, parce qu’elle a le temps de l’étude, de la réflexion et n’est pas encore contaminée par les petits renoncements de la vie quotidienne dont l’accumulation finit par se traduire en résignation. Rien d’étonnant donc à ce que les lycées et les universités se mobilisent, comme on l’a vu dans la rue le 9 mars, au lendemain du vote quasi unanime par l’Assemblée nationale (474 voix contre 32) de l’une des lois les plus liberticides adoptées par la France depuis la guerre d’Algérie, celle introduisant dans le droit commun la plupart des dispositions de l’état d’urgence, cet état d’exception digne d’une dictature. Une mobilisation qui ne faiblit pas malgré les attentats qui ont ensanglanté la Belgique. Pardon ? Cette mobilisation n’a rien à voir avec les atteintes à l’État de droit, mais est motivée par le projet de loi sur le travail, un texte dont le contenu est bien loin d’être l’horreur que l’on décrit, comme le montre la position des syndicats réformistes ?
Il faut tristement se rendre à l’évidence : la jeunesse de 2016 a la révolte sélective, très sélective. Elle ne s’est pas soulevée contre la loi sur la procédure pénale qui donne pourtant les pleins pouvoirs à l’exécutif, pas plus qu’elle n’a cillé quand l’État d’urgence a été instauré, ou que la loi sur le renseignement intérieur de juin 2015, qui a donné naissance à un Big Brother camembert, a été adoptée. Pis, l’abandon du droit d’asile par les Etats européens, lors de leur sommet du 18 mars, n’a pas suscité plus d’émotion. On cherchera en vain les pétitions massives, les déclarations enflammées, les manifestations, les grèves contre nos libertés attaquées, l’État policier que l’on met en place (enfin si, lorsque les étudiants découvrent que la police peut-être capable de violences diproportionnéescompris contre eux), les réfugiés qu’on laisse se noyer à nos frontières… Même les scores inquiétants du FN lors des Européennes de 2014 et des régionales de 2015 n’ont pas réveillé cette pétulante jeunesse prête à se battre contre le plafonnement des indemnités de licenciement après quinze ans d’ancienneté ou les accords d’entreprises. Il est vrai que le FN réalise désormais des scores plantureux parmi les 18-24 ans (35 %) : 2002, c’était presque un autre siècle.
Que l’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas : bien sûr, il y a des protestations, ici ou là, des mobilisations, ici ou là, la «jeunesse» n’étant pas un bloc, mais rien de comparable aux mouvements citoyens en faveur des réfugiés en Allemagne ou aux passions que soulèvent la loi sur le travail. Les libertés publiques, cela intéresse surtout les politiques, les médias, les intellectuels, quasiment pas la société civile qui semble parfaitement s’accommoder d’une démocratie et d’une Europe qui s’effilochent. Ce qui interroge, ce n’est pas le mouvement contre la loi sur le travail (même si certains devraient se poser des questions sur cette société qui vit très bien avec un chômage de masse touchant surtout les exclus d’un système scolaire à bout de souffle) : mieux vaut une jeunesse excessive, qu’amorphe, résignée, soumise ! Non, ce qui crée un malaise, c’est son caractère exclusif.
Tout se passe comme si la seule chose qui préoccupait les citoyens était la préservation de ce qui existe par peur du changement vécu comme une agression. Ce n’est pas un hasard si on ne trouve une aussi forte mobilisation, ces dernières années, qu’en 2006, contre le «contrat première embauche» (CPE), en 2010, la réforme des retraites, ou, dans le domaine sociétal, en 2013, contre le «mariage pour tous». Le mouvement actuel, qu’il soit ou non jugé pertinent, doit être lu en creux : il est révélateur de ce qui indiffère et des peurs qui fouaillent un pays terrifié par le présent et le futur. Notre société vieillissante se ferme sur elle-même : le moi l’emporte sur le nous, l’insider sur l’outsider, la sphère personnelle sur les principes fondant nos démocraties, le national sur l’étranger porteur d’incertitude.
The Stabilization and Association Agreement (SAA) between the European Union and Kosovo enters into force today, 1 April 2016. The SAA establishes a contractual relationship which entails mutual rights and obligations and large number of sectors. It will support the implementation of the reforms and give Kosovo an opportunity to move closer to Europe.
The SAA was signed on 27 October 2015 by Ms Federica Mogherini, High Representative for Foreign Affairs and Security Policy and Vice-President of the European Commission, and Mr Johannes Hahn, Member of the Commission responsible for the European Neighborhood Enlargement negotiations, for the European Union, and by MM. Isa Mustafa, Prime Minister, and Bekim Çollaku, Minister for European Integration, for Kosovo. Negotiated between October 2013 and May 2014, the SAA was signed on October 27, 2015 and formally concluded on 12 February 2016.
In order to support the necessary reforms, the EU provides pre-accession aid to the countries of the Western Balkans and Turkey amounting to some € 11.7 billion for the period 2014-2020, 645.5 million are destined for Kosovo.
Tag: SAAKosovoThe "Counter Migrant Group" in action...
Tag: HungaryAu soir des attentats les plus meurtriers qu’ait connu la Belgique, le 22 mars, nulle déclaration martiale déclarant la guerre à Daesh, nul coup de menton pour proclamer l’état d’urgence ou la « fermeture des frontières », comme l’a fait François Hollande le 13 novembre dernier, alors que Paris était encore ravagée par les tirs des terroristes. Le petit Royaume de 11 millions d’habitants a, au contraire, choisi la retenue, le refus de la stigmatisation : « Dans ce moment noir pour notre pays, je veux appeler chacun à faire preuve de calme, mais aussi de solidarité. Nous devons faire face à cette épreuve en étant unis, solidaires, rassemblés », a déclaré Charles Michel, le Premier ministre belge (libéral francophone), évoquant, avec émotion, « des vies fauchées par la barbarie la plus extrême ». « Face à la menace, nous continuerons à répondre ensemble avec fermeté, avec calme et dignité », a pour sa part déclaré le chef de l’Etat, le roi Philippe, dans une brève adresse au pays : « gardons confiance en nous-même. Cette confiance est notre force ».
Même les nationalistes flamands de la N-VA, actuellement au pouvoir avec les démocrates-chrétiens néerlandophones et les libéraux francophones, pourtant habitués aux sorties sécuritaires à l’emporte-pièce et aux propos peu amènes à l’égard de la communauté musulmane, ont évité tout dérapage. « En Belgique, nous n’avons pas la même culture politique qu’en France, un pays où l’on aime les déclarations définitives et fracassantes », analyse la députée socialiste francophone Ozlem Özem : « on est plus calme, on réagit plus à froid et c’est tant mieux ». L’hymne national belge, la Brabançonne, qui ne parle pas de « sang impur », ne se termine-t-il pas par ces mots : « le Roi, la loi, la liberté » ?
« Nous n’avons pas eu de dérive sécuritaire à la française », se réjouit Manuel Lambert, conseiller juridique de la Ligue des droits de l’homme : « Charles Michel, depuis le début de la vague d’attentats, a répété que la Belgique agirait dans le cadre de l’Etat de droit et qu’il n’était pas question d’adopter un Etat d’urgence à la française ». De fait, il n’existe aucune loi équivalente dans le droit belge, pas plus d’ailleurs que dans les autres législations européennes, l’Etat d’urgence étant un héritage de la guerre d’Algérie. « Alors que la France a notifié au Conseil de l’Europe, en novembre dernier, la suspension de plusieurs articles garantissant le respect des droits de l’homme, comme on peut le faire en cas de danger public menaçant la vie de la nation, la Belgique ne l’a pas fait et n’a pas l’intention de le faire ».
Interrogé mercredi matin sur la RTBF, Jan Jambon, le ministre de l’Intérieur, membre de la N-VA, a balayé d’un revers de main l’instauration de « pouvoirs spéciaux » qui permettraient à l’exécutif de statuer sans passer par le Parlement (sur le modèle des ordonnances à la française) : « ce n’est pas dans la culture de notre démocratie. Je ne sais pas ce que ça rapporte. On a pris beaucoup de mesures (…) Je pense qu’on doit rester cool, vraiment maîtriser la situation et voir si on doit ajouter des mesures ». Bart De Wever, le leader du parti nationaliste, est sur la même longueur d’ondes, comme il l’a déclaré dans le journal L’Écho de samedi : « Ce serait une erreur que d’annoncer de nouvelles mesures après chaque attentat ».Bref, rien à voir avec la frénésie législative française depuis les attentats de Charlie Hebdo.
Pour autant, « tout n’est pas rose en matière d’équilibre entre sécurité et liberté », tempère Manuel Lambert : « l’appareil répressif se développe depuis quelques années et on cherche, comme en France, à dépouiller le juge judiciaire, un juge indépendant, de ses prérogatives au profit du parquet qui est soumis à l’autorité politique du ministre de la justice ». Dans le cadre de la réforme des codes belges, poétiquement appelée « pot pourri » (PP), des mesures d’exception ont été adoptées sans guère de débats. Ainsi, depuis le 1er mars, les perquisitions peuvent avoir lieu 24h sur 24 et sont désormais ordonnées par le parquet et non par un juge du siège, les écoutes téléphoniques obtenues illégalement seront toujours valides ou encore le jugement des terroristes relèvera des tribunaux correctionnels qui pourront prononcer des peines allant jusqu’à 40 ans de prison et non plus des cours d’assises… « Ce n’est pas une loi antiterroriste, mais la lutte contre le terrorisme imprègne la réforme du Code pénal », constate Manuel Lambert. Une loi antiterroriste a cependant été adoptée le 20 juillet 2015 afin de rendre punissable le fait de sortir ou d’entrer dans le pays avec une « intention terroriste », de faciliter la déchéance de nationalité si elle ne crée pas d’apatridie ou encore de permettre la confiscation des papiers des personnes soupçonnées de vouloir partir combattre à l’étranger.
D’autres mesures coincent devant le Parlement : « la détention préventive doit être confirmée par la chambre du Conseil (un juge) tous les mois, ce qui oblige le juge d’instruction à faire avancer son dossier. Le gouvernement voudrait faire passer ce délai à deux mois, ce qui n’est pour l’instant pas passé », explique Ozlem Özem, membre de la commission justice de la chambre des députés. De même, la prolongation de la garde à vue en matière terroriste de 24 h à 72 h, qui nécessite une modification de la Constitution, est toujours dans les tuyaux législatifs, tout comme le port d’un bracelet électronique par les personnes fichées par les services de renseignements…
« Je préfèrerais, à tout prendre, qu’on ait un état d’urgence à la française, plutôt que de toucher au corps même de notre droit pénal, car cela menace l’Etat de droit et donc la situation de l’ensemble des citoyens », tranche Christophe Marchand, un avocat pénaliste qui défend de nombreux « returnees », c’est-à-dire les combattants rentrant de Syrie et d’Irak. « La situation est effrayante, ces jeunes ont subi un lavage de cerveau et beaucoup d’entre eux ont commis des crimes de guerre : il faut des mesures exceptionnelles, mais qui s’appliquent seulement à eux, car le risque est gigantesque », insiste ce ténor du barreau bruxellois. Le danger, il en convient, est que l’état d’urgence devienne le droit commun, comme en France, où le gouvernement veut introduire dans le Code pénal les principales mesures de cet état d’exception. « Même si les dérives sont pour l’instant limitées, rien n’est écrit pour l’avenir », met en garde Manuel Lambert. D’ailleurs, le gouvernement belge envisage bien de proposer l’instauration d’un niveau d’alerte 5 (4 actuellement) afin de créer une sorte d’état d’urgence « light » pour une période limitée permettant d’interdire les rassemblements, d’instaurer un couvre-feu ou encore d’assigner administrativement à résidence des personnes fichées… La mesure est en discussion entre les partenaires de la majorité gouvernementale.
N.B.: version longue et mise à jour de mon article paru dans Libération du 24 mars.
Azali Nord Sud Hotel accomodationg the European Union Training Mission in Mali was shot Monday night by an attack, whose perpetrators were pushed back, killing one among the attackers. The hotel is located in the ACI 2000 quarter, close to the luxury Radisson Blu hotel which was hit on November 20 by a jihadist attack that killed 20 people besides the two assailants. Shooting, followed by exchanges of automatic weapons, broke out in the early evening in the exclusive area of the capital of Mali. Military EUTM and guards that provide protection building immediately returned fire. One of the attackers was shot. The attack against the Radisson was claimed by Al-Qaeda in Islamic Maghreb (AQIM), in coordination with the jihadist group of Algerian Mokhtar Belmokhtar, al-mourabitoun, who had sealed this occasion his support for AQIM.
EUTM, which has some 600 personnel, brings together European soldiers from 25 countries, currently under German command. It was launched in February 2013, in the wake of the military operation at the initiative of France to drive the jihadists who controlled northern Mali. It aims to rebuild a Malian army under-trained and under-equipped in providing expertise in operational readiness, logistics support, intelligence and training of combat units on the Koulikoro camp (60 km north east of Bamako).
Lors de sa 106e session plénière (Venise, 11-12 Mars 2016), la Commission de Venise a dû débattre de plusieurs cas d’ingérence indue dans le travail des Cours constitutionnelles d’Etats membres, sujet qui sera également discuté lors du 4ème Congrès de la Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle (Vilnius, 10-13 septembre 2017). Un avis spécifique, adoptée lors de la 106e session plénière, a porté sur les amendements à la loi sur le Tribunal constitutionnel de la Pologne. La Commission de Venise est gravement préoccupée par les déclarations faites par le Président de la Turquie selon lesquelles il ne respectera pas un récent arrêt de la Cour constitutionnelle de Turquie et qui a menacé d’abolir cette Cour. En tant qu’État membre du Conseil de l’Europe, la Turquie est liée par les principes fondamentaux du Conseil : la démocratie, la protection des droits de l’homme et l’état de droit.
Ces menaces contre la Cour constitutionnelle de Turquie constituent une violation flagrante des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe. En outre,, la Commission de Venise est préoccupée par les informations qu’elle a reçues faisant état de problèmes et de retards dans la nomination des juges à la Cour constitutionnelle en Slovaquie et en Croatie. En ce qui concerne la Géorgie, la Commission est préoccupée par les appels publics de l’exécutif à mettre fin au mandat du Président de la Cour constitutionnelle, ce qui risque, notamment, de porter atteinte à l’autorité de la Cour. (EN) http://www.venice.coe.int/webforms/events/default.aspx?id=2193&lang=EN
Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, il existe au sein de l’ordre juridique de l’Union européenne une base juridique pour la création d’un parquet européen à l’article 86 du Traité sur le fonctionnement de l’UE. Si certaines ambitions étaient de créer un parquet européen similaire à un FBI européen pour lutter contre la criminalité transfrontalière, il a vite fallu revoir les objectifs à la baisse face aux inquiétudes souverainistes des États membres. Il aura fallu attendre 2013 pour que les négociations pour la création de ce parquet européen débutent. Ce fut un dossier tendu, c’est pourquoi le règlement du Conseil portant création du parquet européen n’a toujours pas vu le jour, trois ans après le début des discussions. Cependant, la réunion du Conseil « Justice et Affaires Intérieures » qui s’est tenue le 11 mars dernier a montré que les ministres étaient en bonne voie pour aboutir à un accord unanime, et la présidence néerlandaise espère même que cet accord soit trouvé avant la fin de son mandat, le 30 juin prochain, ou au plus tard à la fin de l’année, comme le souhaite la Commission. Ce parquet européen sera alors chargé uniquement de protéger les intérêts financiers de l’Union européenne via un procureur européen et des procureurs européens délégués issus des États membres.
Si le travail de la présidence néerlandaise, qui a suivi les bases posées par la présidence luxembourgeoise précédente, a été salué par tous les ministres européens, certains points ont tout de même fait encore débat, mais le Conseil semblait confiant quant aux futures discussions pour aboutir véritablement à un texte définitif pouvant être adopté à l’unanimité. La présidence néerlandaise a fait savoir que le Conseil recherchait une approche solide et pragmatique, axée sur les résultats. Plusieurs points restent en suspens et des compromis doivent encore être trouvés. Lors de la réunion du 11 mars, les discussions portaient principalement sur les relations extérieures, les aspects financiers, les données personnelles et les dispositions générales.
Dans cet article, nous allons nous intéresser essentiellement à la question principalement débattue lors de cette réunion qui portait sur l’article 49 du projet de règlement concernant le budget du futur parquet.
Cet article prévoit que «
Dans son document préparatoire en vue du débat, le Conseil avait ajouté à cet article la note suivante : « La présente note de bas de page concerne les paragraphes 4 et 5. Le considérant ci-après devrait être envisagé: « Les dépenses opérationnelles devraient inclure les coûts liés aux activités d’enquête et de poursuite du Parquet européen, y compris les missions et traductions nécessaires au fonctionnement interne du Parquet européen, par exemple les traductions destinées à la chambre permanente. Elles n’incluent pas: – les coûts liés à des mesures d’enquête, – les coûts de l’aide juridictionnelle. » Pour la Commission, les coûts liés au secrétariat des procureurs européens délégués devraient eux aussi être exclus des dépenses opérationnelles du Parquet européen ».
Il était donc important pour la présidence néerlandaise, soutenue par la commissaire Vera Jourova, que les États membres se mettent d’accord sur le contenu précis de ces dépenses opérationnelles pour savoir exactement ce que couvre le budget européen du parquet et les frais qui devront rester à la charge du budget des États membres.
Si les ministres ont montré que les États membres n’étaient pas encore en total accord sur ce que devaient couvrir les dépenses opérationnelles, il n’y a pas de réel désaccord majeur et un compromis devrait pouvoir être trouvé dans les prochains mois, sur ce point.
La Commission a insisté sur les dernières estimations issues du rapport de la Cour des comptes du 3 mars qui a montré que le manque à gagner TVA était d’environ 168 milliards d’euros et que le montant total de la fraude TVA en Europe avoisinait les 50 milliards d’euros. Le parquet européen est une nécessité pour permettre un recouvrement de ces montants et une réalimentation des budgets nationaux.
Pour les dépenses opérationnelles, la Commission estime qu’il faut un partage des dépenses entre le budget européen et les États membres. Le budget européen couvrirait alors les rémunérations du personnel (y compris le personnel travaillant pour le parquet central et une partie des coûts des procureurs délégués), ainsi que les coûts afférents au fonctionnement opérationnel de l’agence, les coûts de traduction, etc. Mais cela ne devrait pas couvrir les coûts des enquêtes engagées au niveau national pour le compte du parquet européen. Ces coûts doivent continuer à être supportés par les États.
Pour comprendre le raisonnement du Conseil, de la Commission et des États membres, il faut également s’intéresser à l’article 325 du TFUE. En effet, cet article, issu du chapitre 6 visant à lutter contre la fraude, prévoit dans ces deux premiers alinéas que «
Les États membres ont donc une obligation de protéger les intérêts financiers de l’Union européenne, au même titre qu’ils protègent leurs intérêts financiers nationaux, ce pourquoi, même s’il faut veiller à leur indépendance, le Conseil, la Commission et certains États membres estiment que les missions des procureurs européens délégués ne doivent pas être à la charge que du budget européen et que la participation financière des États relève justement de leurs obligations issues de cet article du traité.
Il faut bien comprendre que, même si les procureurs européens délégués appartiennent à des États membres, dans le cadre de leurs missions pour le parquet européen, ils vont devoir agir en toute indépendance, ce pourquoi, d’autres États estiment que leurs missions doivent relever essentiellement du budget européen.
C’est notamment le cas de l’Allemagne qui considère que c’est au parquet européen d’assurer les coûts liés aux procureurs délégués, mais le ministre estime tout de même que les États doivent prendre part aux coûts des enquêtes. La Pologne semblait également assez ferme sur le fait que si l’on a voulu un parquet européen c’était pour réaliser des enquêtes transfrontalières, donc des enquêtes au coût plus élevés que les enquêtes nationales et cela devrait être pris en charge par le budget du parquet. La République Tchèque, Chypre, ainsi que l’Italie estiment également que si l’on veut se doter d’un parquet européen fort et indépendant, nous devons lui accorder une indépendance maximale par rapport aux budgets nationaux. La Roumanie estime que les États membres ne devraient avoir la charge que des coûts au niveau logistique.
Cependant, cette solution semble être véritablement minoritaire, et la plupart des États membres optent plutôt pour un compromis, mettant en œuvre à la fois le budget européen du parquet et le budget national des États. Il faudrait alors que les États membres prennent à leur charge les frais d’enquêtes des procureurs européens délégués et que, seulement à titre exceptionnel, lors de grandes enquêtes transfrontalières impliquant des frais exorbitants, l’on puisse puiser dans le budget du parquet européen et faire entrer ces dépenses dans les coûts opérationnels. C’est notamment la solution envisagée par la France, la Suède, l’Espagne (qui estime tout de même qu’il va falloir trouver un juste équilibre pour assurer l’indépendance des procureurs délégués), l’Autriche, la Finlande, le Portugal (qui estime que les dépenses extraordinaires doivent être à la charge du parquet, comme la traduction, l’interprétation, la prise de témoignage, le coût des déplacement de témoin, les frais de voyage, les frais encourus sur les biens saisis ou encore le transfert de données entre États membres), la Slovénie, la Lettonie, la Grèce, la Lituanie, Malte, la Slovaquie, le Luxembourg, la Croatie, la Bulgarie, ou encore l’Estonie.
Nous voyons donc que même si ces États ont parfois des revendications qui diffèrent quelque peu, c’est tout de même la solution qui semble ressortir de leurs interventions respectives. Si en vertu de l’article 325 TFUE les États doivent continuer à prendre à leur charge les frais d’enquête, les dépenses extraordinaires liées à ces enquêtes transfrontalières pourraient faire partie des dépenses opérationnelles de l’article 49.
Quant aux pays ne souhaitant pas prendre part au parquet européen grâce à un système d’opt out, via des protocoles, si le Danemark s’est montré très concis sur le fait qu’il ne participait pas à ce règlement, l’Irlande et le Royaume-Uni, qui n’y participent pas non plus, ont tout de même apporté leur soutien au Conseil en prévoyant que la protection des intérêts financiers de l’Union devait être aussi importante que la protection des intérêts financiers nationaux.
La Commission, représentée par Vera Jourova, a alors estimé qu’il restait du travail pour aboutir à un texte qui pourrait être adopté. Elle a cependant mis l’accent, après avoir écouté les interventions des différents ministres européens, sur le fait qu’il ne fallait pas non plus que le parquet européen se consacre trop à devoir fournir des justificatifs à l’Union pour qu’elle prenne, ou non, en charge certains coûts. Il faut réussir à trouver une feuille de route claire qui permette d’éviter de telles complications administratives. Le système est déjà complexe, et le but principal est de lutter contre la criminalité liée aux intérêts financiers de l’UE, il faut éviter de le compliquer davantage.
Le parquet européen serait une véritable avancée pour l’espace pénal européen en construction. Si les ambitions ont dû être revues à la baisse, le projet reste une base intéressante vers une meilleure coopération des États pour la protection des intérêts financiers de l’UE. Cela rejoint également les travaux autour de la Directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal et après ces années de négociations, le Conseil et la Commission, conscients du travail qu’il reste à terminer pour aboutir à un accord, semblent tout de même confiant pour que le parquet européen voit enfin le jour durant l’année 2016 !
Marie Brun
En savoir plus :
– Document du Conseil, 15 avril 2010, « Le parquet européen dans l’espace judiciaire européen » : http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-8614-2010-INIT/fr/pdf
– Débat d’orientation du Conseil – Proposition de règlement portant création du parquet européen – 3 mars 2016 : http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-6667-2016-INIT/fr/pdf
– Fiche de procédure du Parlement européen – Procédure d’approbation du règlement : http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?reference=2013/0255(APP)&l=fr
– VIDEO : Réunion du Conseil JAI du 11 mars 2016 : http://video.consilium.europa.eu/fr/webcast/9d29bacf-d4e3-4b1f-a147-6b00d0b6188b
– VIDEO : Conférence de presse du 11 mars 2016 : http://video.consilium.europa.eu/fr/webcast/6f99951d-1a58-4f88-8a04-868926f4ba8c
– Cour des comptes européenne – Rapport spécial n° 24/2015 : Lutte contre la fraude à la TVA intracommunautaire : des actions supplémentaires s’imposent : http://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=35308
– Fiche de procédure – Lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal : http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?lang=fr&reference=2012/0193(COD)
– Articles précédents EU LOGOS concernant le parquet européen : http://europe-liberte-securite-justice.org/?s=parquet+europ%C3%A9en
Derrière les grandes proclamations sur le respect des droits de l’homme, du droit international et du droit européen, la réalité est brutale : les vingt-huit États européens vont bel et bien enterrer le droit d’asile accusé d’attirer des centaines de milliers de réfugiés. Le plan germano-turc, présenté lors du sommet européen du 7 mars, et qui prévoit le renvoi quasi-automatique de tous les migrants, économique ou demandeur d’asile, vers la Turquie, a été adopté aujourd’hui par les chefs d’État et de gouvernement, une nouvelle fois réunis à Bruxelles.
· Comment l’Union va-t-elle supprimer le droit d’asile tout en respectant la légalité internationale et européenne ?
« Nous respecterons le droit européen et la Convention de Genève, ce n’est pas possible de faire autrement », a martelé, hier, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. « En tant qu’Européen, nous ne pouvons tourner le dos à l’asile, nous avons l’obligation d’aider les réfugiés », a surenchéri, Frans Timmermans, le vice-président de l’exécutif européen. En réalité, la souplesse du droit permet de rendre légal ce qui est moralement indéfendable.
Contrairement à ce que suggérait la chancelière Angela Merkel, qui a brusquement et sans concertation avec ses partenaires européens, changé son fusil d’épaule, il n’est pas question de renvoyer immédiatement les migrants arrivant dans les îles grecques. La Commission, mais aussi le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU, a expliqué que cela serait illégal, tout demandeur d’asile ayant le droit de voir son dossier examiné. Tel sera bien le cas, assure la Commission, en application de la directive européenne du 26 juin 2013 « relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale ».
Si un étranger demande l’asile, il aura la garantie que l’office grec compétent examinera son dossier sur place. Et une procédure d’appel devant un juge, jusqu’à présent inexistante, sera organisée. En attendant la réponse, le candidat réfugié restera confiné dans un camp (ou « hotspot »).Jusque-là, rien à dire : les demandeurs d’asile seront simplement obligés de demander protection à la Grèce, ce qu’ils font peu actuellement, préférant se rendre en Allemagne ou en Suède.
Mais, pour pouvoir renvoyer massivement les demandeurs d’asile, la Commission propose d’organiser l’irrecevabilité de ces demandes en s’appuyant sur l’article 33 de la directive qui prévoit que l’asile sera refusé si l’étranger provient d’un « pays sûr » ou est passé par un « premier pays d’asile ». Un « pays sûr » (articles 36 à 39), c’est un statut accordé par chaque État membre à un pays tiers, comme vient de le faire la Grèce à l’égard de la Turquie : il faut simplement que, dans ce pays, le réfugié ne risque pas d’être persécuté au sens de la Convention de Genève de 1951 et qu’il puisse y obtenir le statut de réfugié. Le « pays de premier asile » (article 35), c’est celui où il peut jouir « d’une protection suffisante ». Certes, chaque demandeur d’asile pourra contester que le pays tiers soit sûr dans son cas (par exemple un kurde syrien), mais il faudra l’établir… Surtout, si l’asile est accordé, il le sera seulement en Grèce.
L’examen étant ainsi individualisé, il n’y aura pas « d’expulsion collective », une pratique bannie par le droit international et la charte européenne des droits de l’homme à la suite des barbaries nazies et soviétiques, mais des expulsions individuelles groupées… Le secrétaire général du Conseil de l’Europe, le Norvégien Thorbjorn Jagland, s’est dit satisfait de ce tour de passe-passe juridique qui revient, en réalité, à refuser l’asile en Europe à toute personne ayant traversé un « pays sûr » ou un « pays de premier asile ».
En décidant d’appliquer massivement ces articles, l’Union régionalise le droit d’asile : il est rare qu’un réfugié n’ait pas, au cours de son périple, traversé des pays où il ne risque rien, la persécution étant souvent limitée à son pays d’origine. Avec ce principe, aucun Cambodgien ou Vietnamien n’auraient obtenu l’asile en France dans les années 80, puisqu’ils ont d’abord séjourné en Thaïlande, un pays sûr. Désormais, il reviendra aux pays se trouvant autour des zones de conflit ou de dictatures de gérer le problème des réfugiés. En réalité, on se demande à quoi sert encore le protocole de 1967 étendant la protection de la convention de Genève de 1951, jusque là limitée à l’Europe, à l’ensemble de la planète.
- Quels sont les problèmes pratiques que cette solution soulève ?
Le problème est que la Turquie n’a pas ratifié le protocole de 1967 : le statut de réfugié est réservé dans ce pays aux seuls Européens… Il va donc falloir qu’elle le ratifie ou que l’Union modifie la directive de 2013 pour se contenter d’un statut « équivalent », ce qui est la voie la plus simple. Côté grec, il va falloir installer dans les cinq hotspots chargés de recenser les arrivants, des « officiers de protection » chargés d’examiner les demandes d’asile et surtout prévoir des juridictions ad hoc pour statuer sur les recours, ce qui s’annonce pour le moins difficile quand on connaît le temps que prennent les réformes en Grèce… Il faudra que ces juges spécialisés travaillent non stop afin de statuer au plus vite, sauf à prendre le risque de voir les réfugiés coincés pendant de longs mois dans les îles avec tous les problèmes (santé, éducation, etc.) que cela posera. Enfin, la question éminemment pratique des retours de dizaines de milliers de personnes n’est absolument pas abordée : il faudra sans doute mobiliser l’armée pour assurer le calme et affréter des norias de bateaux chargés de ramener les réfugiés et les immigrés sur les côtes turques. Les images risquent d’être particulièrement choquantes.
- Est-ce que l’abandon du droit d’asile va interrompre le flux de migrants ?
Les réfugiés ne représentent qu’environ la moitié, voire moins, du flux actuel. Autrement dit, les migrants économiques tenteront toujours d’entrer par d’autres voies. Pour les réfugiés, l’Union promet d’appliquer le principe du « un pour un » : pour chaque demandeur d’asile renvoyé, elle s’engage à reprendre un réfugié statutaire installé en Turquie. Mais à y regarder de plus près, il n’est pas question d’accueillir des centaines de milliers de personnes. Les Vingt-huit s’engagent seulement à accueillir, sur une base « volontaire », des réfugiés dans la limite du plafond des 160.000 personnes qui doivent être relocalisées comme ils l’ont décidé en juillet dernier. Sur ce contingent, il reste 18.000 places et les Vingt-huit sont prêts à ajouter 54.000 places. Soit 72.000 réfugiés… On est loin du « un pour un » qui ressemble fort à un attrape-gogo destiné à calmer les ONG de défense du droit d’asile. C’est donc bien d’un abandon du droit d’asile qu’il s’agit.
N.B.: Article paru dans Libération du 18 mars.
La conclusion de sommet fait l’objet de cet article, par ici.