Les ministres belges Jan Jambon (Intérieur) & Koen Goens (Justice) lors de la minute de silence au Conseil exceptionnel du 14 mars (Crédit : UE)
(BRUXELLES2) La réunion exceptionnelle des 28 ministres de l’intérieur ce jeudi (24 mars) avait d’abord un objectif symbolique : exprimer les condoléances au peuple belge et réaffirmer l’unité européenne après la double attaque terroriste perpétrée ce mardi 22 mars à Bruxelles.
Une symbolique nécessaire
Cette symbolique peut paraitre parfois superficielle. Elle est importante en matière politique, car elle montre une Europe unie, même si il existe des divergences d’appréciation, et surtout présente. On se souvient certainement du certain cafouillage politique après les attentats de janvier 2015 à Paris, durant la présidence lettonne (lire : Anti-terrorisme. Un retard à l’allumage européen ).
Six mois de perdus !
L’impression d’une absence de réactivité politique avait été à l’époque pour le moins nocive au plan politique. Elle a très concrètement retardé toute prise de conscience, le début des travaux et l’accélération nécessaire. Car ensuite, entre avril 2015 et novembre 2015, l’attention européenne et la volonté politique ont été distraits de la question « terrorisme » pour se focaliser sur d’autres aspects, notamment la crise des réfugiés et des migrants. Clairement il y a eu ainsi six mois de perdus qu’il faudrait rattraper maintenant.
Peu d’engagements nouveaux … et un délai retard probable
Or la réunion de jeudi l’a montré. Si la symbolique est bien là, en matière d’engagements concrets, il n’y a malheureusement rien de très nouveau en soi. On accélère un peu par ci par là, notamment sur le PNR. On attend une proposition (sur les frontières), des mesures concrètes (sur les empreintes digitales), un code de conduite (pour internet)… Tout cela d’ici juin 2016. Ce qui est tout de même dans trois mois. Mais rien de plus. A vrai dire, c’est même un peu léger face à l’ampleur des menaces nouvelles qui se jouent clairement des frontières et attaquent de front plusieurs pays européens en même temps…
Un réseau plus organisé que l’apparence
Malgré une impression d’amateurs qui peut parfois sembler exister, le « réseau » mis en place par l’organisation de l’Etat islamique en Europe (ISIL / Daesh) s’appuie en effet clairement sur une organisation para-militaire, avec des unités de « l’avant », des unités « logistiques », des structures de commandement, des lieux de repli qui jongle avec les frontières, qui peut ressembler dans certains points à celui mis en place par le GIA algérien dans les années 1990.
Un ennemi qui cherche à diviser plus qu’à revendiquer
Cet « ennemi » n’a pas de revendications politiques classiquement exprimées par un mouvement terroriste (reconnaissance d’un Etat, renversement du pouvoir…). Mais il a une volonté très claire de semer la terreur, de diviser, de prendre à partie la population civile de plusieurs Etats membres.
Pour l’instant, seuls les pays francophones (France et Belgique) ont été plus nettement visés (mis à part une action au Danemark). Il n’est pas exclu qu’il en soit différemment dans l’avenir : que l’Allemagne ou l’Italie voire le Royaume-Uni, l’Autriche ou la Hongrie soient visées. La présence de l’unité franco-bruxelloise d’Abdelslam entre Allemagne, Autriche et Hongrie devraient, aussi, inquiéter nettement ces pays. Il y a des cellules logistiques dormantes, ou au moins des points d’appui qui mériteraient un intérêt.
La double attaque de Bruxelles ne visait pas spécifiquement la Belgique, malgré les apparences, mais au-delà l’institution européenne. C’est l’Europe avec son fonctionnement somme toute pacifique, démocratique, de mixité sociale et religieuse qui est visé. Les attentats de lundi à Bamako (tentative) et mardi à Bruxelles (deux attaques suicidaires mortelles) l’ont démontré (lire notre éditorial : C’est l’Europe qu’on a voulu viser !). En répondant faiblement et lentement à cette menace, les Européens s’exposent à ce que la réplique suivante les prenne, une nouvelle fois de court.
Passer la vitesse supérieure
Il ne s’agit pas de réinventer la roue, ou de mettre en place de nouvelles institutions mais de commencer à réfléchir à un nouveau dimensionnement de la réponse policière et judiciaire européenne, comme l’avaient fait en leur temps en matière de criminalité « ordinaire » l’affaire Dutroux, ou de temporalité terroriste, les attentats de septembre 2001 (New-York) et surtout de mars 2004 et juillet 2005 (Madrid / Londres). Les Européens doivent passer la vitesse supérieure, concevoir tout un dispositif en commun allant des dispositifs communs d’analyse et de prévention de la menace, aux équipes conjointes d’enquête, aux interventions communes de forces spéciales.
Des procès en commun
Il faudra aussi se poser la question de mettre sur pied des procédures communes permettant à une enquête judiciaire comme au procès pénal ensuite de couvrir les faits commis dans deux (voire trois) pays. Cela implique de révolutionner un peu nos modes de pensée et d’organisation judiciaire. Abdelslam est-il aujourd’hui davantage coupable en France pour avoir été le « chef d’équipe » de plusieurs kamikazes avant de se rétracter lui-même ou avoir été le complice ou l’ « instigateur » des auteurs des attaques de Bruxelles ? C’est une vraie question. Et choisir le lieu du procès aujourd’hui, ce serait déjà répondre à la question finale : de quoi est-il coupable ? Avec un risque de cafouillage judiciaire… et au final d’une peine plus légère qu’attendue. Le manque d’Europe sur ce dossier est clairement préjudiciable à l’enquête. Il faut entamer ce travail tout de suite.
(Nicolas Gros-Verheyde)
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(B2) Quel avenir pour la Libye ? Faut-il sanctionner les fauteurs de trouble ? Quel est l’objectif ? Une intervention militaire en Libye est-elle utile, nécessaire, réaliste ? Comment les Européens peuvent agir en Libye ? Quelques questions réalistes, avec des réponses aussi concrètes que possible sur un terrain délicat…
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Azali Nord Sud Hotel accomodationg the European Union Training Mission in Mali was shot Monday night by an attack, whose perpetrators were pushed back, killing one among the attackers. The hotel is located in the ACI 2000 quarter, close to the luxury Radisson Blu hotel which was hit on November 20 by a jihadist attack that killed 20 people besides the two assailants. Shooting, followed by exchanges of automatic weapons, broke out in the early evening in the exclusive area of the capital of Mali. Military EUTM and guards that provide protection building immediately returned fire. One of the attackers was shot. The attack against the Radisson was claimed by Al-Qaeda in Islamic Maghreb (AQIM), in coordination with the jihadist group of Algerian Mokhtar Belmokhtar, al-mourabitoun, who had sealed this occasion his support for AQIM.
EUTM, which has some 600 personnel, brings together European soldiers from 25 countries, currently under German command. It was launched in February 2013, in the wake of the military operation at the initiative of France to drive the jihadists who controlled northern Mali. It aims to rebuild a Malian army under-trained and under-equipped in providing expertise in operational readiness, logistics support, intelligence and training of combat units on the Koulikoro camp (60 km north east of Bamako).
(B2 *) Le double attentat du 22 mars signe pour les Belges et Européens qui vivent en Belgique, la fin d’une certaine insouciance.
Chacun s’y attendait. Et au niveau des forces de sécurité, on le redoutait. C’est finalement quelques jours à peine après l’annonce de l’arrestation de Salah Abdelslam que la terrible nouvelle est arrivée. Dans la capitale européenne, très vite, la nouvelle s’est répandue. Bruxelles reste une « petite » ville. Et il suffit d’ouvrir sa fenêtre ou de lever les yeux au ciel pour voir que cette journée ne sera pas tout à fait normale. Les sirènes des voitures de police et de pompiers, stridentes à la manière de la police américaine, se succèdent sans discontinuité. Plusieurs hélicoptères survolent les habitations.
Chacun pressent qu’il y a quelque chose d’inhabituel dans l’air. On n’est pas un jour de sommet européen ni de manifestation. Effectivement… Un double attentat vient d’avoir lieu au petit matin. La RTBF, la radio et télévision publique francophone, son alter ego flamand, la VRT, tout comme les chaînes privées RTL ou VTM interrompent leurs programmes et passent en information quasi-continue, comme c’est l’habitude en cas d’événement, grave ou… joyeux.
Les réflexes acquis lors du premier « lockdown » de novembre après les attentats de Paris jouent, quand Bruxelles est devenu en quelques heures ville morte, jouent. Ceux qui ne sont pas encore partis travailler restent chez eux. Ceux qui sont au travail ne sortent plus. Les métros s’interrompent. Les bus font demi-tour, évitant le quartier européen où ils passent d’habitude. Les enfants sont confinés dans les écoles, avec interdiction de sortir. Les parents sont directement informés directement par SMS. Il est, en effet, impossible de téléphoner. Tous les réseaux de téléphone mobile sont saturés. Les tunnels routiers, qui amènent la circulation dans la ville, se ferment. La rue de la Loi, d’habitude dégorgeant de voitures, est bloquée, étrangement vide. Une atmosphère d’inachevé règne.
Le soir venu, l’inquiétude voire l’angoisse affleurent sur les visages des passants, pressés de rentrer chez eux de quitter cette capitale européenne. La menace hier ressentie de façon intellectuelle est devenue aujourd’hui réelle.
Certes, dans le passé, la Belgique a pu être atteinte par divers attentats, ils restaient en général bien ciblés, contre la communauté juive notamment, ou contre l’Etat du temps de l’action des Cellules communistes combattantes, groupuscule d’extrême gauche. Mais, c’est loin. Le souvenir collectif s’est estompé. Aucun n’avait en tout cas, la puissance de souffle, en termes de victimes comme de symbolique de cette journée du 22 mars. Et la Belgique n’a jamais connu les vagues d’attentat qu’ont connu la France (en 1986 et 1995), l’Espagne en 2004 (et aussi avec l’ETA), le Royaume-Uni en 2005 (et aussi avec l’IRA).
Inconsciemment, aussi, les Belges (et les Européens) se disaient qu’en abritant les structures arrières ou logistiques de divers groupes terroristes, oeuvrant ailleurs en Europe — GIA algériens il y a 10 ans, Al Qaida, en 2001, groupe de l’Etat islamique aujourd’hui —, ils étaient protégés par une sorte de karma extraordinaire et ne pourraient pas être touchés. Cette foi, sous-jacente,
Le double attentat à l’aéroport national où travaillent de nombreux Bruxellois comme à la station Maalbeck en plein centre du quartier européen, a ainsi brisé plusieurs dizaines de vies mais aussi une certaine innocence et douceur de vivre qui irradiaient la capitale belge, flamande et… européenne.
La station Maelbeck, moins connue que sa grande sœur, la station Schuman, est en effet stratégique dans le puzzle européen. Située à quelques minutes à pied du Berlaymont, le siège de la Commission européenne, elle est très fréquentée le matin par tous ceux qui travaillent de près ou de loin « au Marché commun », comme on dit encore à Bruxelles (lire aussi : C’est l’Europe qu’on a voulu viser !). Maelbeck est ainsi un petit condensé de l’Europe en Belgique.
Aujourd’hui, quand la ville va commencer à se réveiller, groggy, c’est donc chacun de ses quartiers, de ses communes, de Uccle, la riche, à Anderlecht la populaire, en passant par Ixelles, la bobo, ou Saint Gilles, la francophone, et Zaventem la flamande, qui pleureront leurs morts ou souffriront aux côtés des blessés.
(Nicolas Gros-Verheyde, avec Johanna Bouquet)
(*) Papier publié dans une première version dans Sud-Ouest ce matin
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