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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 3 weeks 5 days ago

Coopération États-Unis – Amérique latine : la Chine de plus en plus proche

Thu, 10/05/2018 - 12:08

Le 2 mai dernier, Pékin et Saint-Domingue ont annoncé la mise en place d’un accord exclusif de coopération et de reconnaissance mutuelle. Exit Taipeh, qui perd petit à petit le dernier carré de pays avec lesquels elle entretenait des relations diplomatiques privilégiées. Restent fidèles à la Chine nationaliste, le Guatemala, le Honduras, Haïti, le Nicaragua, le Paraguay, et le Salvador. En 2017 en effet, Panama avait franchi le pas après le Costa-Rica qui avait signé en 2011 un accord de libre échange avec la Chine communiste, prolongeant la reconnaissance officielle de 2007.

Mais derrière Taiwan relégué au rang de région économique de la Chine continentale au même titre que Macao ou Hong Kong, ce sont les États-Unis qui perdent influence et rayonnement commercial. Certes, Taipeh n’est plus le partenaire chinois privilégié par Washington, mais reste malgré tout un point d’appui protégé. Intervenant après bien d’autres, le choix diplomatique de la République dominicaine est révélateur d’un changement d’époque.

Deuxième puissance économique du monde, la Chine a développé sa présence internationale y compris en Amérique latine. Ses présidents successifs ont «ouvert le bal» au tournant du millénaire. Ils ont été suivis assez vite par les ministres du gouvernement central, puis par diverses autorités locales, et enfin par des acteurs économiques, privés comme publics. Dès 2010, un accord de libre échange avait été négocié et signé avec le Pérou.

La Chine a très vite cherché à donner une pérennité à ces échanges humains. Un livre blanc a été publié en 2008. La Chine a consolidé ses rapports avec le Brésil via une appartenance commune au groupe BRIC. La destitution douteuse de la présidente Dilma Rousseff n’a rien changé, du point de vue de la Chine, aux rapports bilatéraux. Michel Temer, chef d’État intérimaire du Brésil a été invité au Sommet BRIC de Shanghaï. Un réseau de consultance et de recherche en espagnol, REDCAEM, a été mis en place en 2015[1]. La CEPAL, Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, a organisé à Santiago du Chili une première conférence internationale Chine/Amérique latine en 2015. À peine constituée, la CELAC, Communauté d’États latino-américains et caraïbes, a été invitée à Pékin en 2015. Un Forum Chine-Amérique latine (FCC) a été créé. Il s’est réuni au Chili pour la deuxième fois le 23 janvier 2018. Ces différentes rencontres ont été l’occasion de doter le FCC de structures permanentes.

Le repli national effectué par les États-Unis avec Donald Trump a été saisi par Pékin pour bonifier le rapport mutuel. Initiative bien reçue par des dirigeants politiques et des responsables économiques latino-américains déconcertés par le retrait des États-Unis du TPP, (accord de partenariat transpacifique), et la dénonciation de l’ALENA. Rex Tillerson, secrétaire d’État démis par Donald Trump avait lancé l’alerte le 2 février dernier. «Chine et Russie», avait-il déclaré à l’occasion de son unique déplacement en Amérique latine, «constituent une menace commune aux intérêts des pays de l’hémisphère occidental».

Remercié de façon cavalière, il n’a pas été vraiment remplacé, pas plus que la stratégie commune aux Amériques qu’il avait tenté de proposer à son chef. Donald Trump dénonce la montée en puissance économique et commerciale de la Chine, tout comme celle de l’Europe et de l’Amérique latine. Cette offensive commerciale tous azimuts, sans mode d’emploi réaliste, ouvre la voie à toutes sortes de rapprochements entre la Chine, toujours signalée par les États-Unis comme adversaire principal, et une Amérique latine en quête de nouveaux équilibres.

Le choix de Pékin, assumé sans complexe par la République dominicaine, pourrait en annoncer d’autres. Le Chili a adhéré en 2017 à la banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB), créée par Pékin en 2015. L’Uruguay est en négociations depuis plusieurs semaines avec la Chine. La Chine a actualisé le livre blanc de ses relations avec l’Amérique latine, le 25 novembre 2016. Le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, a signalé publiquement qu’il négociait un accord de libre échange avec Montevideo le 26 janvier 2018. 2018 devrait voir se multiplier les occasions de rencontres entre décideurs, consultants et universitaires.

Révélateur d’une montée en puissance bilatérale, les liaisons aériennes ont été densifiées. Le 7 avril 2018, Air China a inauguré une liaison directe Panama/Pékin. Celle-ci complète les vols Pékin/São Paulo, via Madrid ; Pékin/La Havane via Montréal ; et les offres concernant le Mexique proposées par les compagnies China Southern Airlines et Hainan Airlines.

De fait, en 2017, la Chine aura été le troisième partenaire commercial de l’Amérique latine. Déjà le premier de l’Argentine, du Brésil, du Chili et de l’Uruguay, le deuxième du Costa-Rica, du Mexique et du Pérou. Les investissements chinois dans la région, toujours en 2017, selon la CEPAL, ont représenté 15% du total. Les trois pays accueillant le plus d’investissements chinois sont, dans l’ordre, le Brésil, le Pérou et l’Argentine. Ces investissements privilégient les secteurs minier, de l’énergie, des télécommunications, des travaux publics. Ces investissements cumulés ont généré la création entre 2001 et 2016 de 254 000 emplois, essentiellement au Brésil, en Équateur et au Mexique. La Chine, enfin, est devenue le banquier de l’Amérique latine. Elle est aujourd’hui son premier créancier, loin devant la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement.

Ce n’est sans doute qu’un début. Les latino-américains sont intéressés par le grand projet de route de la soie, certes euro-asiatique, mais qui pourrait dépoussiérer les souvenirs du galion des Philippines. D’autant plus qu’ils n’attendent rien de particulièrement positif de la part des États-Unis. Situation insolite et même paradoxale qui est celle de voir la coagulation d’une alliance entre une Chine communiste-libérale et celle de pouvoirs latino-américains libéraux-anti bolivariens …

[1] Red China America Latina

L’avènement d’une démocratie locale tunisienne ?

Mon, 07/05/2018 - 14:53

Après deux reports successifs, la Tunisie connaît ses premières élections municipales depuis la révolution de 2011. Une étape supplémentaire dans le processus de transition démocratique que connaît ce pays-laboratoire d’expérimentation démocratique dans le monde arabe.

Depuis la chute du régime inique de Ben Ali, la Tunisie est entrée dans un processus de transition démocratique destiné à donner naissance à un nouvel ordre politique et social fondé sur un acte constituant fondateur de la Seconde République tunisienne. Au terme de près de sept années de transition politique chaotique, ponctuées par l’adoption d’une nouvelle Constitution, les premières élections municipales depuis la révolution de 2011 ont enfin lieu, dans un climat mêlant liberté et désenchantement.

Avec le scrutin du 6 mai, la démocratie locale fera-t-elle partie de la nouvelle donne politique ? Ces élections annoncent-elles l’affirmation d’un nouveau pôle de pouvoir en Tunisie, digne d’une démocratie locale fondée sur une communalisation du territoire national ?

UNE NOUVELLE ÉTAPE DEPUIS 2011

Après le soulèvement de 2011, les anciens conseils municipaux élus sous Ben Ali ont été dissoutes en faveur de « délégations spéciales », nommées et composées de citoyens dirigées par un sous-préfet (le « délégué »). Avec l’élection de 350 conseils municipaux – sortes d’élus « de proximité » –, c’est la démocratisation du pouvoir local qui se joue. Dans le même temps, ces élections ne devraient ni susciter de quelconque ré-enchantement démocratique, ni remettre en cause le système bipolaire qui s’est cristallisé autour du parti islamo-conservateur Ennahda et du parti majoritaire aux dernières élections législatives, Nidaa Tounès (au sein duquel se sont recyclés nombre d’anciens membres du parti Benaliste (le RCD)).

Reste que ce scrutin local va pouvoir tester le poids de la donne tribale dans certaines régions de l’intérieur et du sud du pays, une réalité socio-historique que nombre de Tunisiens – qui ont grandi dans la culture politico-administrative de la concentration/centralisation du pouvoir – ont (re)découvert depuis la révolution de 2011.

Est-ce que les futures municipalités disposeront de la faculté/capacité de lancer des politiques autonomes, alternatives, voire de contester et de contrer l’action gouvernementale ? Autrement dit, le pouvoir central ou d’État sera-t-il confronté à une sorte de contre-pouvoir dont disposeraient les élus locaux ? La démocratisation de la Tunisie passe quoi qu’il en soit par un nouvel équilibre entre démocratie nationale et démocratie locale.

LA DÉMOCRATIE MISE À L’ÉPREUVE PAR L’ÉCHELON LOCAL

Si la Constitution consacre le principe de libre administration des collectivités territoriales, celui-ci se trouve limité par le caractère unitaire et indivisible de l’État qui détermine l’un des éléments constitutifs de la Seconde République. Dans le modèle de l’État unitaire, il n’existe qu’un seul centre de pouvoir politique, qu’un seul pouvoir normatif général (c’est-à-dire compétent pour établir les règles applicables sur l’ensemble du territoire national). C’est pourquoi la notion de (contre-)pouvoir local ne fait pas partie de la culture politique et juridique tunisienne. On se réfère désormais plus volontiers à la décentralisation et à la démocratie locale (ou de proximité), phénomènes qui bénéficient tous deux d’une dynamique historique plus favorable depuis la révolution.

Les communes peuvent ainsi devenir progressivement un élément du régime politique : la démocratisation peut en effet s’accompagner d’un changement des rapports entre les élus locaux et l’administration centrale, entre le pouvoir local et le pouvoir central. En cela, après ces élections municipales, la transition démocratique tunisienne sera mise à l’épreuve quant à sa capacité à conjuguer la démocratie avec l’échelon local.

Afghanistan : une violence sans fin

Mon, 07/05/2018 - 11:53

Lundi dernier, deux explosions ont touché la capitale afghane, attentats revendiqués par Daech. Ces énièmes attaques semblent s’inscrire dans une volonté de déstabiliser un peu plus le pays et le gouvernement en place, et entérinent l’aggravante situation d’insécurité qui réside en Afghanistan. Face à l’échec des interventions étrangères et la progression du terrorisme à l’intérieur du pays, le pouvoir en place peut-il maintenir les élections législatives du 20 octobre ? Pour nous éclairer sur la situation, l’analyse de Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS.

L’Afghanistan fait face à une insécurité discontinue, avec un bilan terrifiant du nombre d’attentats depuis le début de l’année 2018. Comment expliquer l’impuissance des autorités, épaulées par les forces étrangères, à sécuriser le pays ?

Pour comprendre la situation d’insécurité chronique en Afghanistan, il est nécessaire de revenir sur certains points. L’armée afghane est toujours en phase de construction. Au moment de l’intervention américaine, fin 2011, le pays n’en avait pas et était dirigé par des groupes de moudjahidines originaires du Nord de l’Afghanistan, utilisés notamment par les Américains pour pourchasser les Talibans. De 2001 à 2014, la sécurité sur le territoire était assurée essentiellement par les Américains et ses alliés. Parallèlement, l’OTAN, notamment avec Washington, a commencé à établir une armée afghane. Mais ce n’est que depuis 2015 que Kaboul a commencé à prendre en main la sécurité du pays et la guerre contre les insurgés. Très vite, cette armée a montré ses limites en n’étant pas capable d’assurer de manière autonome ces deux missions. Tout cela malgré la volonté de Washington d’investir beaucoup de moyens et d’argent, apportant un financement à hauteur de 5 milliards de dollars par an. Les forces de sécurité afghanes, l’armée et la police, même diminuées ces deux dernières années, s’élèvent à près de 300 000 personnes, considérables pour un pays de cette envergure.

Malgré ces efforts, l’armée afghane reste encore peu performante pour différentes raisons. D’une part, la lutte contre les Talibans, et depuis quelques années contre Daech, se heurte à de nombreuses difficultés. De plus, la sécurité interne dans les grandes villes n’est pas totalement assurée, l’effort s’étant concentré vers l’agencement de forces spéciales. Le reste de l’armée, formé de volontaires issus de couches défavorisées, semble souffrir d’un très bas salaire, d’une faible organisation interne et d’un manque de motivation. En effet, face aux conditions extrêmement dures des combats, les estimations donnent le chiffre de 20 000 tués et blessés chaque année au sein des forces de sécurité afghane. Celles-ci sont confrontées à une guerre asymétrique menée à la fois par les Talibans et par Daech, posant des difficultés structurelles à cette jeune force militaire. De plus, cette armée reflète la société afghane en tant que société multi-ethnique, ce qui pose des problèmes internes à l’organisation, des tensions, voire des conflits entre populations étant toujours présents.

Les Talibans, face à un gouvernement afghan divisé et fragilisé, sont présents sur l’ensemble du territoire afghan et profitent d’une certaine assise populaire grâce aux soutiens locaux, notamment au sein de la population pachtoune. Ils bénéficient aussi de l’incapacité du gouvernement, de plus en plus contesté, y compris auprès de ceux qui sont opposés aux Talibans, et de la corruption de la classe gouvernante. Les Talibans se présentent d’une certaine manière comme les défenseurs des victimes de la corruption et de la mauvaise gouvernance du pays. De plus, ils bénéficient depuis toujours d’une base arrière, à savoir le Pakistan. Renforcement des troupes américaines par Donald Trump après avoir manifesté sa volonté de se retirer d’Afghanistan, retour des soldats américains dans les combats contre les Talibans au sol et par bombardement aérien, déclarations américaines de rester durablement en Afghanistan, sont autant d’autres éléments qui éloignent la perspective d’une solution politique par le biais de négociations entre les Talibans et le gouvernement de Kaboul. L’administration américaine a au contraire durci sa position envers le Pakistan et a récemment imposé des sanctions contre Islamabad, allant jusqu’à menacer le pays d’interventions militaires contre les Talibans sur le sol pakistanais, afin qu’il prenne des mesures plus efficaces contre ce groupe.

Tous ces éléments expliquent pourquoi le gouvernement de Kaboul, avec le soutien d’une vingtaine de milliers de soldats américains, ne parvient pas à vaincre les insurgés et à assurer la sécurité au sein du pays.

Les attentats sont réalisés tant par Daech que par les Talibans. Quelles sont les stratégies poursuivies par ces deux entités ? Y a-t-il des convergences ?

Ces deux organisations ont comme ennemi commun l’État afghan, ainsi que certains de ses soutiens étrangers. Ils ont cependant une divergence dans leurs approches et stratégies.

Daech est apparu en Afghanistan à la fin de l’année 2014, sa base principale étant dans la province de Nangarhar, à l’Est du pays. Depuis lors, on constate une multiplication des attentats visant des civils : jusqu’alors, même s’il y avait de nombreuses victimes civiles, aussi bien du fait de l’armée afghane, de l’OTAN ou de par l’action des Talibans, il s’agissait davantage de ce que l’on nomme tristement des « dégâts collatéraux ». Mais depuis trois ans, la population civile en tant que telle est directement visée, que ce soit à Kaboul, dans les mosquées, notamment celles de la communauté hazâra chiite, dans des centres culturels ou dans le reste du pays. Or, à chaque fois que des civils sont victimes, les Talibans ne revendiquent pas les attaques contrairement à Daech. Le récent double attentat du 30 avril a ainsi été revendiqué par ces derniers. Parfois, même si les Talibans sont à l’origine d’actes terroristes, Daech les revendique en son nom, ce qui entraîne une confusion. Ainsi, la stratégie de Daech est fondée sur le chaos et sur la multiplication d’attaques dans une perspective de guerre religieuse, notamment contre les chiites.

Quant à leur stratégie, il y a une réelle différence. Les Talibans voient dans Daech une forme de concurrence. Dès lors, une forte rivalité réside entre ces deux organisations, illustrée par des affrontements sanglants, notamment dans l’Est du pays, où des membres de Daech ont découpé les têtes des Talibans afin de les exposer sur les routes du pays pour montrer leur « victoire » et présence en Afghanistan. Les Talibans ont répondu de la même façon.

Ensuite, concernant les objectifs, même si les combattants de Daech sont en grande partie issus des Talibans, il se sont radicalisés et sont mécontents de la stratégie de ces derniers qui étaient prêts à négocier avec le gouvernement de Kaboul, il y a trois ans. L’action de Daech s’effectue par ailleurs dans le cadre d’une perspective mondiale à l’inverse des Talibans qui restent un mouvement national. Au fur et à mesure que Daech progresse en Afghanistan, les Talibans craignent leur marginalisation, et adoptent une position de plus en plus radicale et extrême, rejetant toute forme de négociation tant que les forces étrangères seront présentes sur le sol afghan.

Les attaques contre les centres d’inscription sur les listes électorales pour les législatives du 20 octobre sont quasi quotidiennes en Afghanistan. Comment s’organisent les élections dans ces conditions ? Que peut-on en attendre ?

Le gouvernement actuel afghan est issu d’élections frauduleuses. Il a été formé avec la médiation américaine qui avait souhaité instaurer une coalition avec un gouvernement à deux têtes : l’un dirigé par le président de la République, Ashraf Ghani, leur homme de confiance, qui possède l’essentiel du pouvoir, l’autre par le chef de l’exécutif, Abdullah Abdullah.

Si en 2014, le peuple afghan avait participé avec un certain enthousiasme aux élections, un fort sentiment de déception vis-à-vis de l’ensemble des institutions politiques, en particulier envers ce gouvernement est aujourd’hui généralement partagé, n’entraînant pas l’adhésion populaire envers cette nouvelle échéance électorale. Pour donner des garanties à la population, le gouvernement a modifié le processus de vote et instauré de nouvelles mesures, à savoir des listes électorales. Dès lors, ceux qui souhaitent voter doivent s’y inscrire et des centres d’inscriptions ont donc été mis en place. C’est une mesure positive dans un pays où les statistiques sont rares. Mais le gouvernement doit faire face à de nouvelles difficultés de taille. Daech et les Talibans n’acceptent bien entendu pas la tenue d’élections par le gouvernement, et l’idée même de voter est rejetée.

Également, les contradictions et le manque d’unité de vision au sein même du gouvernement sur le processus électoral font que les Talibans trouvent une certaine motivation pour attaquer davantage ces centres électoraux. Dans son élan de réforme, le gouvernement a décidé d’attribuer à chaque citoyen une carte d’identité électronique. Or, les contradictions et conflits à caractère ethnique empêchent leur distribution. Le président de la République s’est ainsi enregistré avec cette carte, alors que le chef de l’exécutif reste opposé à cette idée. Dès lors, il est très difficile d’encourager la population à se rendre aux urnes face aux divisions qui persistent au sein même du gouvernement et aux violences.

Ces derniers jours, la situation s’est par ailleurs fortement dégradée. Les Talibans, au-delà des dernières attaques, mènent des offensives dans l’ensemble du pays. Ils ont notamment mené parallèlement sept offensives contre des districts différents dans la province de Badakhshan à la frontière chinoise et tadjike. Les Américains ont par ailleurs annoncé la semaine dernière que 4% du territoire afghan était totalement contrôlé par les Talibans, et qu’ils étaient activement présents sur 70% du pays. La situation est telle que le gouvernement ne contrôlerait finalement que 30% du territoire. Dès lors, c’est l’incertitude qui domine sur le processus électoral, non seulement pour l’élection législative qui aura lieu dans six mois, une élection reportée à plusieurs reprises, mais aussi sur l’élection la plus importante, l’élection présidentielle de 2019. Des manœuvres et des coalitions politiques s’organisent dès aujourd’hui, où le président sortant, Ashraf Ghani, est considéré comme le protégé des Américains, et reste contesté dans le pays, y compris par certains de ses alliés.

Géopolitique des États-Unis

Mon, 07/05/2018 - 10:36

Marie-Cécile Naves est chercheuse associée à l’IRIS, co-fondatrice du site Chronik.fr. Elle répond à nos questions à propos de son ouvrage « Géopolitique des Etats-Unis » (Eyrolles, 2018), qui vient de paraître :
– Pourquoi est-ce important de réaliser un ouvrage grand public sur les États-Unis ?
– Quels sont les principaux enjeux auxquels les États-Unis sont confrontés sur le plan géopolitique ?
– Une des caractéristiques des États-Unis est qu’ils sont vus comme un pays où persistent de forts contrastes. De quelle manière “le pays des extrêmes” pourrait-il surmonter ce défi ?

« N’ayez pas peur de la Chine » – 4 questions à Philippe Barret

Mon, 07/05/2018 - 10:27

Philippe Barret, docteur en sciences politiques, ancien élève de l’École normale supérieure, a enseigné la littérature et la politique françaises à l’université Fudan de Shanghai et à l’Institut des relations internationales de Pékin. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage « N’ayez pas peur de la Chine ! », aux éditions Robert Laffont.

Pourquoi, selon vous, la principale raison de l’incompréhension occidentale envers la Chine relève-t-elle de sa propre prétention à l’universalisme ?

C’est un fait : depuis l’apparition du christianisme, religion à vocation universelle, les Occidentaux considèrent que leurs idées, leurs idéaux et leurs valeurs ont aussi une vocation universelle. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les jésuites étaient d’ailleurs convaincus que la Chine deviendrait un pays chrétien. Aujourd’hui, notre philosophie politique – la démocratie et les droits de l’homme – a pris la place de la religion. Mais la démarche intellectuelle est la même : tous les pays et tous les peuples doivent l’adopter et finiront par le faire, de gré ou de force.

C’est pourquoi nous avons le plus grand mal à concevoir qu’un peuple ou une civilisation puisse ne pas se rallier à cette pensée dont l’universalité, pour nous, va de soi. Naturellement, ce phénomène s’accompagne d’une profonde ignorance de ce qu’est la civilisation chinoise, son histoire, sa pensée politique ou sa littérature. Si, de retour de vacances, je dis à mes amis que je viens de relire quelques pièces historiques de Shakespeare ou quelques romans de la Comédie humaine, la conversation s’engage aisément, parce que tous ont lu telle ou telle de ces œuvres. Mais si je leur dis que je viens de lire Au bord de l’eau, aucun échange n’est possible, parce qu’ils n’ont jamais lu ce magnifique roman ; ils en ignorent même l’existence.

Quelle est la part du patriotisme dans la popularité du Parti communiste chinois (PCC) ?

100% ! Le PCC a d’ailleurs été créé pour des raisons purement nationales (ou patriotiques), et non pour des raisons idéologiques. Il faut bien comprendre que pour nous, occidentaux, Karl Marx est un auteur profondément ancré dans notre culture, que nous tombions d’accord ou pas avec ses idées. Pour un Chinois, c’est un auteur complètement étranger à sa culture. Les Chinois qui ont créé le parti communiste avaient un seul objectif : rétablir la dignité nationale, la souveraineté de la Chine. À cette fin, ils pensaient avoir besoin de l’appui d’une grande puissance étrangère. Ce ne pouvait pas être la France, qui avait en Chine des concessions. Ce ne pouvait pas être la Grande-Bretagne, qui y avait des concessions et une colonie. Ce ne pouvait pas être le Japon, qui venait d’acquérir la concession allemande du Shandong. Ce ne pouvait non plus pas être les États-Unis, qui soutenaient le Japon. Restait la Russie, dont les fondateurs du PCC escomptaient obtenir ainsi le soutien politique, voire financier ou militaire.

Après 1945, la grande masse des paysans chinois s’est ralliée au PCC, alors que tout aurait dû les conduire à soutenir le Guomindang de Tchiang Kaishek. Celui-ci disposait d’une armée deux fois plus nombreuse que celle de Mao Zedong, et beaucoup mieux équipée. Tchiang Kaishek bénéficiait du soutien des États-Unis et, en août 1945, signait un traité d’amitié avec Staline. Ce n’est évidemment pas par adhésion aux théories de la lutte des classes ou de la dictature du prolétariat que les paysans chinois ont soutenu le PCC, mais parce que celui-ci leur apparaissait comme un meilleur garant de l’indépendance nationale que le Guomindang. Contre les Japonais, Mao leur était apparu plus déterminé que Tchiang. La suite de l’Histoire les a confortés dans leur choix : dès la fin des années 1950, Mao Zedong a rompu avec les Soviétiques, tandis que Tchiang Kaishek est resté jusqu’à sa mort soumis aux Américains.

Qu’est-ce qui vous fait écrire que la Chine ne va pas dominer le monde ?

Nous autres, occidentaux, avons toujours voulu dominer le monde, estimant être porteurs d’une pensée universelle : jusqu’au XVIIIe siècle, il fallait apporter le christianisme aux peuples qui étaient dans le malheur parce qu’ils en étaient privés ; au XIXe siècle, on leur apportait la civilisation ; au XXe, la démocratie et les droits de l’homme.

Les Chinois ne partagent pas cette disposition d’esprit. Convaincus de la supériorité de leur culture, ils pensent cependant que celle-ci n’est adaptée qu’aux seuls Chinois. La Chine s’est constituée – comme la France d’ailleurs – par la conquête de régions voisines du centre du pays. Mais la Chine n’a jamais eu ni entrepris d’avoir des colonies par-delà les mers. Il est très remarquable que la Chine ait procédé, au début du XVe siècle, peu avant que le Portugal ne s’y lance, à des expéditions maritimes de grande ampleur, en Asie du Sud-est, dans le monde arabe et en Afrique, jusqu’en Tanzanie. Elle a échangé des cadeaux avec les chefs d’État rencontrés ; elle a tissé des liens commerciaux. Mais elle n’a nullement envisagé de s’installer dans l’un des pays traversés.

Ce que veulent les Chinois, c’est améliorer leur niveau de vie, s’enrichir, mais non pas dominer le monde. Le président Xi Jinping a expliqué, au cours du forum de Davos de 2017, que la Chine devait son relatif succès économique – devenue la deuxième puissance économique du monde, mais n’étant pas encore un pays riche – au « dur labeur du peuple chinois » et à la mondialisation. Ce à quoi tiennent les Chinois, c’est la libre circulation des marchandises, des capitaux et des connaissances scientifiques et techniques – et donc, autant que possible, la paix. Dans cette perspective, ils souhaitent évidemment être entourés de pays avec lesquels ils puissent entretenir des relations amicales. Ils sont déterminés à ce que leurs navires commerciaux circulent librement en mer de Chine. Ils sont convaincus que Taiwan reviendra au pays, comme l’ont fait Macao et Hong Kong. Mais ils n’ont pas besoin de colonies ni de bases militaires partout à travers le monde.

Pourquoi, selon vous, la démocratie n’est-elle pas une aspiration profonde du peuple chinois ?

Les Chinois ne contestent pas les principes de la démocratie. Ils pensent que la démocratie peut même, dans certains pays, être une excellente chose. Mais, ils pensent également qu’elle n’est pas adaptée au leur. Certes, il y a des Chinois partisans de la démocratie. Mais il ne s’agit que d’une minorité d’intellectuels. L’immense majorité des Chinois, y compris les intellectuels, sont convaincus que la Chine a besoin d’un pouvoir fort, centralisé – autrement dit « autoritaire ». Ils ont gardé le souvenir de la révolution républicaine de 1911, qui a aussitôt débouché sur l’indépendance du Tibet (en 1913) et sur la guerre civile entre les différentes régions du pays. Plus près de nous, ils n’ont pas oublié l’éclatement de l’URSS aussitôt après l’abandon du régime communiste. Ils pensent que la Chine est un pays trop vaste et trop divers pour supporter la démocratie. Si cette dernière advenait en Chine, ils imaginent volontiers que les régions de Shanghai et Canton ne manqueraient pas de revendiquer leur indépendance pour profiter pleinement de leur richesse et cesser de payer pour le Xinjiang, le Dongbei et d’autres régions pauvres de la Chine.

Au reste, beaucoup de Chinois voyagent à l’étranger, en qualité de touristes, d’hommes d’affaires ou d’étudiants. Ils peuvent lire, entendre et voir ce qui se passe dans les démocraties occidentales. Il est remarquable que cette découverte ne les ait pas fait changer d’avis : la démocratie, c’est bien pour vous, mais non pas pour nous !

Le Liban face aux urnes

Sat, 05/05/2018 - 12:47

Nucléaire au beau fixe en Corée, avis de tempête sur l’Iran

Fri, 04/05/2018 - 15:29

Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS

« Comptes à rebours » – 3 questions à Hubert Védrine

Fri, 04/05/2018 - 15:10

Ministre des Affaires étrangères de 2007 à 2012, Hubert Védrine est président fondateur de Hubert Védrine Conseil. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage « Compte à rebours », aux éditions Fayard.

Quand beaucoup dénoncent la montée du populisme, pourquoi y voyez-vous le syndrome de l’échec des élites ?

Ce que l’on appelle le « populisme » mesure l’échec des élites mondialisatrices et européistes à convaincre et entraîner les peuples plus avant. Leurs condamnations du populisme sont donc vaines et sans effet. Il faut traiter les peurs et attentes sous-jacentes des peuples. Elles sont évidentes. Ils veulent garder une certaine identité, ne pas perdre toute souveraineté et être en sécurité (le monde est inquiétant). Il ne faut pas mépriser ces revendications, mais les traiter pour les apaiser et rassurer. Sinon, le déni nourrit les extrémismes.

Pourquoi insistez-vous sur la nécessité d’écologiser la politique ?

Je suis frappé par la conjonction des engrenages à l’œuvre dans le monde, dont aucun n’est mécaniquement favorable aux Européens. Notamment la croissance démographique alors que l’Europe va, au mieux, stagner (il faudra de toute façon partout dans le monde, mieux gérer ces flux). Mais il y a surtout la dégradation écologique, d’où mon titre « Comptes à rebours ». Il ne s’agit pas « d’écologiser la politique », les écologistes politiques ont à l’évidence échoué, mais d’accélérer, par des politiques appropriées, l’écologisation de l’agriculture, de l’industrie, de l’énergie, des transports, de la construction, etc. Autant d’éléments qui dépendront également beaucoup des percées scientifiques. Ce qui est enclenché ne va pas s’arrêter.

Comment expliquer que, malgré les nombreuses concertations de dirigeants, il n’existe pas de « communauté internationale » ?

Il y a certes une forte activité multilatérale au sein de l’Organisation des Nations unies (ONU), de ses organisations spécialisées et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et de nombreux sommets qui engagent des dizaines de milliers de fonctionnaires. Mais, les peuples ne forment pas encore une « communauté ». Les mentalités, les peurs, les espérances sont trop différentes. Pourquoi ne pas y travailler en se basant sur la prise de conscience écologique ? Pour le moment, il n’y a « communauté » qu’à certains moments : COP21, parfois unanimité au Conseil de Sécurité de l’ONU…

Pourquoi estimez-vous que le dossier russe nécessite de s’affranchir des États-Unis, engagés dans une dangereuse escalade avec Moscou ?

L’actuel remake de guerre froide, sans même les mécanismes de la Détente qui existaient autrefois, est une impasse. Il faut imaginer une relation Europe/Russie à long terme, où l’Europe se montrerait ferme et dissuasive, mais aussi coopérative. Ce n’est pas facile à réaliser, d’autant plus que la politique occidentale des trente dernières années a réveillé les pires reflets en Russie ! Raison de plus pour ne pas dépendre des faucons et des foucades de Washington. Cet accord stratégique entre Européens est très important (quelle stratégie envers la Russie ?) et, contrairement à une idée reçue, ne serait pas automatiquement renforcé par une plus grande intégration économique de la zone euro. C’est une question de mentalité, de volonté et de courage au niveau des dirigeants.

 

Législatives au Liban : des élections symboliques ?

Fri, 04/05/2018 - 10:53

Le 6 mai prochain, le Liban va connaître ses premières élections législatives depuis 2009. Malgré la situation quelque peu critique du pays, marquée par une faible croissance économique, un gouvernement instable et une persistance des rivalités régionales sur son territoire, une certaine effervescence demeure au sein de la société libanaise à la veille des élections. Ces législatives vont-elles permettre au Liban de renouveler sa classe politique ? Le point de vue de Karim Emile Bitar, directeur de recherche à l’IRIS.

Après neuf années sans élections, ces législatives vont-elles permettre au Liban de se stabiliser politiquement ? Quel va être l’effet de la nouvelle loi électorale introduisant un mode de scrutin proportionnel ?

C’est en effet la première fois depuis 2009 que les Libanais vont se rendre aux urnes. Ces dernières années, le Parlement s’était autoprorogé de façon illégitime et anticonstitutionnelle à deux reprises, en évoquant des prétextes sécuritaires liés à la situation instable de la région. Toute une génération de Libanais va donc voter pour la première fois. Cela suffira-t-il à remettre le pays sur la voie de la démocratie ? Est-ce que cela va permettre un renouvellement de la classe politique ? Rien n’est moins sûr. On vante souvent la résilience, bien réelle, de la société civile libanaise, mais on a parfois tendance à oublier que l’establishment politique libanais est très doué pour assurer sa reproduction. Au fil des ans, la « démocratie consociative » à la libanaise s’est transformée en véritable système oligarchique. Ces élections en témoignent. Le passage à la proportionnelle ne suffira pas à produire le changement escompté. Cette petite oligarchie de 6 ou 7 personnes contrôlant le pays fait elle aussi preuve de résilience et est très astucieuse. Ils sont incapables de gérer les affaires publiques et l’économie, mais dès lors qu’il s’agit d’assurer leur maintien au pouvoir, l’incompétence cède la place à une véritable ingéniosité dans la malfaisance. Ce ne sont pas des amateurs. L’argent, le communautarisme, la peur de l’autre, les parrainages étrangers sont les outils qui leur permettent de s’accrocher.

Le mode de scrutin proportionnel, adopté suite à la nouvelle loi électorale de juin 2017, aurait pu être une bonne nouvelle. Théoriquement, ce type de scrutin devrait permettre l’arrivée de nouvelles forces politiques. Cependant, le diable se niche dans les détails et a été introduit dans cette loi un certain nombre de mécanismes qui viennent vider la proportionnelle de son sens et de son contenu. Ce sont ajoutées à cela des alliances électorales purement tactiques et opportunistes entre partis de l’establishment traditionnel, ayant pour objectif de s’aider mutuellement à conserver le nombre de sièges dont ils disposent déjà. Le nouveau Parlement, qui sera élu le 6 mai prochain, devrait donc ressembler à bien des égards au Parlement existant. Il y aura beaucoup de nouveaux entrants, pour la plupart issus du système, mais le rapport de force global ne sera modifié qu’assez marginalement.

En règle générale, doivent résulter d’un scrutin proportionnel des listes cohérentes, construites et présentées par les mouvances politiques. La proportionnelle doit favoriser l’expression d’un vote partisan. Malheureusement, au Liban, dans le cadre de ces élections, les candidatures ont d’abord été présentées à titre individuel, et ce n’est que par la suite que des alliances électoralistes se sont formées. La plupart des listes sont très hétéroclites. Sur nombreuses d’entre elles, il y a à la fois des partisans de l’axe irano-syrien et des pro-Saoudiens, des notabilités traditionnelles, des figures issues des milices, ou encore des hommes d’affaires ayant littéralement « acheté » un siège sur l’une des listes les plus influentes. Par conséquent, ce scrutin donne l’impression que ces élections sont entièrement dépolitisées, avec une occultation des questions sensibles, stratégiques ou socio-économiques, ainsi qu’un désintéressement vis-à-vis des projets d’avenir. Il s’agit uniquement pour les forces en présence de compter leurs partisans et d’assurer une mobilisation électorale de leurs troupes afin de revenir au Parlement. Tous les moyens sont bons. L’asphalte est par exemple un agent électoral important. Pour certains candidats, notamment les notabilités locales fortunées, goudronner les rues des villages reculés permet d’augmenter rapidement leur capital électoral.

Quels sont les enjeux et défis du Liban à l’heure actuelle ?

Depuis une quinzaine d’années, le Liban subit directement les guerres régionales par procuration, notamment celle que se livrent l’Iran et l’Arabie saoudite sur le terrain de plusieurs pays voisins comme l’Irak, le Yémen, la Syrie et dans une moindre mesure le Bahreïn. Dans chacun de ces pays, figure un camp politique globalement aligné sur l’Iran et un autre plutôt proche de l’Arabie saoudite. Le Liban n’échappe pas à cela. Les élections de 2009 avaient été marquées par une polarisation très intense autour de la question des armes du Hezbollah. Doit-on revenir à un État qui détiendrait le monopole de la violence légitime, autrement dit désarmer le Hezbollah ? Ou doit-on considérer que tant que la menace israélienne persiste, l’arsenal du Hezbollah est légitime ? Aujourd’hui, ce débat a été largement occulté. Le rapport de force à l’échelle régionale a été quelque peu modifié : le camp iranien a le sentiment d’avoir remporté des victoires importantes en Syrie. Quelques figures au Liban continuent de mener le combat en réclamant le désarmement du Hezbollah, mais ces voies semblent noyées ou marginalisées. La quasi-totalité des partis politiques accepte de faire partie de « gouvernements d’union nationale » aux côtés du Hezbollah.

Le grand défi du Liban est de trouver les moyens d’être « insularisé », autrement dit de ne pas subir à nouveau les conséquences si les relations entre Téhéran et Riyad ou entre Téhéran et Washington devaient se dégrader. Il y a un sentiment d’être dans une situation de calme avant la tempête même si ces élections du 6 mai vont être marquées par une ambiance folklorique. Ce ne sont peut-être pas des élections parfaitement démocratiques, mais elles ont le mérite d’avoir lieu, dans une région où la démocratie est loin d’être la norme.

Par contre, dès le 12 mai, la situation au Moyen-Orient risque de se dégrader considérablement si Donald Trump décide de rompre l’accord nucléaire avec Téhéran. Le Liban serait un des pays qui serait directement affecté compte tenu de l’influence iranienne dans le pays, et une montée des tensions pourrait avoir lieu à l’échelle régionale.

La priorité, comme toujours, devrait donc être de se désengager de cette guerre des axes et de former un gouvernement qui pourra s’attaquer aux grands défis économiques et sociaux, à l’heure où une grande partie de la population continue de souffrir du chômage, de la pauvreté, de la crise des déchets et des coupures d’électricité. Il faut espérer qu’après ces élections, la classe politique libanaise, plutôt que de se laisser embarquer dans de grandes querelles géopolitiques qui dépassent le Liban, se préoccupe des questions concrètes pour l’amélioration de la vie quotidienne des Libanais.

L’édification d’un État fort et impartial demeure le principal défi. Le général de Gaulle l’avait déjà compris durant son séjour au Liban, entre 1929 et 1931. Dans un discours prononcé à l’Université Saint-Joseph, il avait incité la jeunesse libanaise à « construire un État », à « créer et nourrir un esprit public, c’est-à-dire la subordination volontaire de chacun à l’intérêt général. » En 2018, nous sommes encore très loin d’avoir construit un État fondé sur les valeurs de la citoyenneté.

 

 

Kazakhstan must look beyond the Belt and Road

Fri, 04/05/2018 - 09:52

At Khorgos, the Kazakh border town which is the first stop on the new Silk Road to Europe that Beijing has been building and promoting, China’s presence is overwhelming.

Shops and restaurants within the Khorgos trade zone are run almost entirely by Chinese citizens. Most of its 15,000 daily visitors come from the Chinese side. Trains and trucks move in both directions, but the traffic from China is heavier as many of the shipping containers traveling east from Europe are empty.

For most of the past 25 years, Kazakhstan, Central Asia’s largest economy, has managed under President Nursultan Nazarbayev to delicately balance its relationships with various major powers. Now with Beijing’s economic influence rising quickly, Astana must find a way to deal with its powerful neighbor’s geopolitical ambitions while benefiting from new economic opportunities.

Kazakhstan should not delay as speculation is growing about the country’s political direction when the 77-year-old Nazarbayev leaves the scene. The last of the original Soviet-era leaders who shepherded Central Asia’s republics to independence, he oversaw constitutional changes last year that enhanced parliament’s powers and which some analysts saw as preparation for a leadership transition. The authorities should seize opportunities to deepen ties with Europe while also looking for openings to work more with the U.S. and Russia.

China’s rise in Kazakhstan has been swift. It now buys almost 25% of Kazakh oil output, with a reduced share going to Italy, the Netherlands, France and other European states. As part of its Belt and Road Initiative, Beijing is rapidly investing in east-west infrastructure projects across the Central Asian republic that have overshadowed previously launched programs backed by the US and Russia.

On the Chinese side of the Khorgos border zone is a new city with a growing line of high-rise buildings housing some 100,000 people. Many of these Chinese were encouraged to move to this part of the country to take part in BRI-related business activities. Chinese state-owned companies have moved in and private businesses are being set up.

From Beijing’s point of view, Kazakhstan, where the BRI was first announced by Chinese President Xi Jinping in 2013, is a critical element of its fast-growing drive for international influence. It sits in a strategic spot between China and Russia and is far away from potential competing powers including the U.S. and the EU.

While many officials and businesspeople have cheered on the BRI, ordinary Kazakhs are wary about the country’s China connections. In spring 2016, protests broke out in western Kazakhstan over a government proposal to make rural land available to foreigners. The general sentiment was that Chinese companies would benefit directly from the new law. Eventually, the authorities suspended the plan.

China has therefore tried to win hearts and minds across this proud country. Kazakhstan is now home to six Confucius Institutes, the Chinese government-run centers for teaching Mandarin. Some 15,000 Kazakh nationals now study in China, up from 5,000 in 2013, with most receiving scholarships from Beijing.

Yet Kazakhstan’s longstanding ties to Russia, dating back to Tsarist and Soviet times, run deep and strong, with many Kazakhs still learning Russian and looking northward for study, work or business opportunities. Nearly 70,000 are pursuing higher education in Russia, according to UNESCO data. Mainstream Kazakhs feel little sense of commonality with China’s ethnic Han majority. Like many residents of Siberia and eastern Russia, they have a palpable fear of Chinese rushing into their underpopulated nation of just 18 million people spread over a territory comparable in size to India.

Both to reassure the public about their prospects under the long shadow of China and to safeguard Kazakhstan’s independent standing, Astana needs to get other powers more interested in what it has to offer. Last year’s energy-focused World Expo and the hosting of Syrian peace talks were well and good, but the government should make targeted efforts too.

Russia would seem a likely starting point. As the traditional hegemon of the region, Russia still carries strong political and cultural weight. But Kazakhstan is wary of Moscow’s domineering tendencies. Also, its Eurasian Economic Union trade bloc, of which Kazakhstan is a founding member, so far has not offered a meaty alternative to the Belt and Road Initiative.

Kazakhstan has sought at times recently to separate itself with Russia, accelerating plans to replace the Cyrillic alphabet and distancing itself from Moscow’s annexation of Crimea. But Astana could perhaps get Russia’s attention by working to breath more life into the Eurasian union. Its initiative last year to put bloc monitors at the China-Kyrgyzstan border to screen imports was a sign of commitment and could be followed up.

While President Nazarbayev was warmly welcomed to the White House by U.S. President Donald Trump in January, the possibility of significant new American investment or even interest seems remote in the near term. There are just too many other higher priorities for the current administration.

Astana’s best prospects of counterbalancing China  without overreliance on Moscow probably lie with the EU. With Kazakh input, Brussels is a developing a new overarching policy strategy for its relations with Central Asia for release this year or next. It is also working on plans for improved transport and infrastructure links

In November, the European Commission committed to extend 1 billion euros ($1.2 billion) of financial support for Central Asia programs through 2020, a jump from the 435 million euros extended for the previous five-year period. The EU’s scientific research center is also exploring the idea of linking the power grids of Europe and China, a project that would cross through Kazakhstan.

While the prospect of additional pipelines to Europe now seems remote, the continent could easily take more oil from Kazakhstan. Astana could also look to the EU for more support for its broad privatization program, which could potentially be attractive to a range of European investors. Europe, which now hosts about 5,000 Kazakh students, could also look to expand its educational links with the country.

Astana needs to embrace these openings to deepen the EU’s stake in Kazakhstan’s future. Ultimately most Kazakhs will feel comfortable with the BRI and all it brings from China, only if the country becomes a truly international platform with the EU, in particular, establishing a bigger presence. For Kazakhstan, engaging in a deeper partnership with Brussels could help secure its political and economic autonomy.

Mexique-Etats-Unis : qui rira le dernier ?

Wed, 02/05/2018 - 16:42

Le 25 avril 2018, le Sénat mexicain a ratifié le CPTPP (le Traité intégral et progressiste d’association transpacifique[1]), quasiment au lendemain de la fin réussie d’une négociation Mexique-Union européenne (UE). Donald Trump, dès le lendemain a surpris. Réagissant au quart de tour, il a signalé la possibilité d’un compromis sur l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) avec le Mexique et le Canada, compromis jusque-là publiquement rejeté.

L’enchainement concomitant de ces événements déconcerte. Depuis l’entrée de Donald Trump à la Maison-Blanche le 1er janvier 2017, rien ne va plus entre Washington et Mexico. Le président des États-Unis soigne sa popularité, ainsi que son capital électoral en affrontant le camp mexicain.

Depuis janvier 2017, fidèle à ses engagements de campagne, Donald Trump a multiplié les déclarations blessantes et les initiatives agressives. Commerce, immigration, déploiement de l’armée sur la frontière, de tweet en tweet les mauvaises nouvelles pour le Mexique se sont enchainées.

Au point comme l’a reconnu le Secrétaire mexicain aux relations extérieures, Luis Videgaray, de ne plus savoir sur quel pied danser avec Donald Trump. Conclusion a-t-il dit dos rond avec les États-Unis et en parallèle défense et illustration de nos principes.

Dos rond évident, le rapport de forces étant ce qu’il est. Les Mexicains ont donc évité de polémiquer. Ils ont tenté à plusieurs reprises d’amadouer en direct Donald Trump. Encore candidat, rompant avec une tradition de non-ingérence électorale, le « Premier » mexicain Enrique Pena Nieto avait en août 2016 invité le candidat Trump à Mexico. Il avait changé de Secrétaire d’État et désigna pour cette fonction Luis Videgaray, ami personnel du gendre de Donald Trump.

Devant l’évidence de l’absence de résultats, cette approche diplomatique a été mise en sourdine. Dès lors, le Mexique a choisi de répondre coup pour coup sur le terrain économique et commercial. Sans doute par nécessité, celle de trouver au plus tôt des partenariats alternatifs au cas où l’ALENA in fine serait dénoncée. Mais certainement aussi pour se placer sur le terrain privilégié par Donald Trump celui du poker diplomatique en mode bras de fer.

Un an et demi plus tard, les autorités mexicaines peuvent exiger une fin de partie, cartes sur table. Ils ont en effet réussi à construire de façon pragmatique un réseau alternatif sur bien des points à celui qu’ils avaient consolidé avec les États-Unis depuis 1994, date de la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain.

Pressés par l’urgence de la situation, ils ont exploré toutes les voies bilatérales et multilatérales possibles. Sans a priori idéologiques, ils ont multiplié les contacts et signé des accords avec des blocs commerciaux, l’Union européenne et le TPP. et également avec les BRICS. De son côté, le Canada sollicité avec succès est devenu membre de l’Alliance du Pacifique[2], en avril 2018.

Les grands acteurs du commerce international, Chine et Japon n’ont par ailleurs pas été oubliés. Tout comme les pays européens pris dans leur individualité, Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, mais aussi la Pologne, la Slovaquie, la Suisse et la Russie. Des partenaires jusque là peu présents ont également été visités, Ghana, Israël, Turquie, Vietnam. Les chantiers de demain, tout aussi improbables il y a deux ans, seraient ouverts. Par exemple avec le concurrent continental historique, le Brésil.

Face aux avancées mexicaines, Rex Tillerson, Secrétaire d’État nord-américain, s’en était publiquement inquiété le 1er février dernier.  Il avait proposé une nouvelle donne, une nouvelle doctrine Monroe aux pays latino-américains qui devait être sanctionnée par Donald Trump au VIIIe sommet des Amériques de Lima les 13 et 14 avril 2018. Cependant, Rex Tillerson a été brutalement remercié le 13 mars 2018 et Donald Trump a présenté un bulletin d’excuses syrien pour éviter le la rencontre continentale au Pérou.

Quinze jours plus tard, le Mexique a abattu coup sur coup trois cartes majeures : l’adhésion du Canada à l’Alliance du Pacifique, la fin heureuse des négociations commerciales avec l’Union européenne et la ratification de l’Accord TPP avec les pays riverains du Pacifique. Le 25 avril, Donald Trump, rompant avec ses discours habituellement critiques sur l’ALENA, rétropédalait : « Les choses bougent. (..) On avance bien sur l’ALENA. Il pourrait y avoir une signature bientôt. Bien que je ne sois pas sûr que ce soit bon pour les États-Unis », a-t-il déclaré à des journalistes.

Le Mexique aurait-il comme la Corée du Nord trouvé la bonne clef pour contraindre Donald Trump à s’asseoir sérieusement à la table de négociations ? Celle du « Gros bâton » et des dollars alternatifs ?

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[1] Pays parties, Australie ; Brunei ; Canada ; Chili ; Japon ; Malaisie ; Mexique ; Nouvelle-Zélande ; Pérou ; Singapour ; Vietnam.

[2] Organisation interaméricaine créée en 2011 par le Mexique, la Colombie, le Pérou et le Chili

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