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Politique étrangère (IFRI)

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La revue de référence sur les questions internationales
Updated: 1 month 6 days ago

Danser sur un volcan. Espoirs et risques du XXIe siècle

Thu, 06/04/2017 - 12:20

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Yannick Prost propose une analyse de l’ouvrage de Nicolas Baverez, Danser sur un volcan. Espoirs et risques du XXIe siècle (Albin Michel, 2016, 248 pages).

Le dernier ouvrage de Nicolas Baverez offre un morceau de bravoure, qui consiste à essayer d’expliquer simultanément les transformations du capitalisme, le retour des conflits et la relation entre les deux. Le terme de disruption pourrait résumer le nouveau siècle : une série d’événements très peu probables mais dont l’effet de propagation et de dommage « génère une incertitude radicale ». Nicolas Baverez est surtout connu pour ses positions déclinistes, qui fustigent habituellement l’excès de dépenses publiques, l’incapacité de la France à réformer son économie, l’immobilisme social, etc. L’ouvrage leur est fidèle, mais il nuance le propos et élargit son diagnostic au reste de l’Occident. Le capitalisme connaît une évolution majeure qui met à mal les États développés : la révolution numérique non seulement permet de contourner les frontières et rend obsolète le système fiscal sur lequel repose l’État providence, mais elle profite d’abord à quelques oligopoles américains.

Sur le plan interne, l’Occident voit s’accroître la polarisation des territoires et l’aggravation des inégalités, tant pour les statuts que pour les capacités des individus, et en premier lieu celles de la connaissance. Une société de la rente étouffe la concurrence nécessaire à la préservation d’un capitalisme dynamique et créatif, susceptible de rebattre les cartes entre individus. Les classes moyennes sont menacées, et les pauvres doivent s’endetter pour faire face à la réduction de leur pouvoir d’achat. Deux types de politiques économiques tentent de lutter contre la stagnation : les Américains parient sur la croissance et l’emploi au risque de l’érosion des actifs (comme de leur monnaie), alors que les Allemands (et peut-être bientôt les Chinois) privilégient la stabilité et la transmission du patrimoine. Les économies occidentales sont bousculées par les puissances émergentes, mais l’auteur sait nuancer l’habituel panégyrique de ces dernières. Ainsi, ce qu’il sacrifie à l’afro-optimisme, il le reprend dans une description lucide de la fragilité des « puissances » africaines montantes.

Le clivage principal ne sépare plus le Nord et le Sud, mais des « modes de régulation du capitalisme et des régimes politiques libéraux ou autoritaires ». Avant de juger sur des critères moraux, il s’agit d’abord d’évaluer la capacité de ces modes à assurer leur survie. La « capacité à s’adapter » est essentielle, et si l’Occident dispose d’atouts indéniables pour ce faire, il perd du terrain face aux émergents. Mais l’émergence montre aussi ses limites. La polarisation des revenus, encore plus brutale dans ces sociétés, pousse les régimes à trouver des dérivatifs, comme le nationalisme ou la religion. La Russie et le monde arabo-musulman sont l’expression de ce « retour de la géopolitique » qui caractérise le XXIe siècle. L’impasse d’un capitalisme inégalitaire sous-tend cette « revanche de l’histoire », dont l’expression la plus tragique est la résurgence des guerres. « La guerre de religion mondiale lancée par le fondamentalisme islamique » fournit une matrice majeure, mais les ambitions de puissance des autres États révisionnistes de l’ordre occidental sont également inquiétantes. La gouvernance mondiale est devenue un exercice délicat, eu égard au retour de la primauté des intérêts nationaux et de l’opposition entre modes de régulation. La « fin des compromis » empêche de gérer efficacement les biens publics mondiaux et menace donc l’ensemble de l’économie mondiale et des sociétés de la planète.

L’ouvrage s’achève sur un plaidoyer appelant à opposer un « fanatisme de l’humanité » aux fanatismes de nationalité (selon une expression d’Élie Halévy). Livre dense et sans jargon, aux prises de position parfois audacieuses ou schématiques, mais honnête dans son argumentation et l’illustration de ses propos, l’ouvrage de Nicolas Baverez fournit une grille de lecture tout à fait valable et pratique du monde actuel.

Yannick Prost

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The Two-State Delusion

Mon, 03/04/2017 - 10:37

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Cédric Parizot propose une analyse de l’ouvrage de Padraig O’Malley, The Two-State Delusion. Israel and Palestine: A Tale of Two Narratives (Viking, 2016, 5126 pages).

The Two-State Delusion s’interroge sur la pertinence d’une solution à deux États pour régler le conflit israélo-palestinien. Amorcée en 2010 par Padraig O’Malley, cette recherche avait pour objectif initial de tirer des leçons des négociations passées pour les appliquer lors de tentatives ultérieures. Sa conclusion est sans ambiguïté : non seulement la résolution du conflit à travers la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël ne convainc plus personne, mais elle est contreproductive.

Et pour cause : les obstacles qui s’y opposent n’ont cessé de se multiplier depuis le dernier quart de siècle. Ils sont de trois types. L’auteur explique tout d’abord (chapitres 1 et 2) que la persistance de la violence depuis le premier conflit israélo-arabe (1947-1949), et sa montée crescendo depuis le lancement des négociations d’Oslo (1993-1999), ont créé une situation de stress traumatique continu, qui a contribué à enfermer les deux populations dans des récits nationaux victimaires et irréconciliables. Pire, ce processus aurait favorisé une forme d’addiction au conflit, au sens où la perpétuation du statu quo et la reproduction de modèles avérés seraient pour ces deux populations et leurs dirigeants plus rassurants que l’exploration d’autres pistes de résolution.

L’auteur analyse ensuite les obstacles liés au processus même de négociation (chapitres 3 et 4). C’est certainement une des parties les plus intéressantes de l’ouvrage. Fort de son expertise dans la résolution des conflits, il montre que les échecs des 17 tentatives de négociation ne sont pas seulement dûs aux divergences à propos de ce que devrait être le futur État palestinien, à des conceptions différentes du processus de négociation, ou à des problèmes politiques plus ponctuels, mais qu’ils résultent également de la mauvaise préparation, organisation et gestion des procédures de négociation par les Israéliens, les Palestiniens et leurs parrains.

Enfin, dans les chapitres suivants, Padraig O’Malley souligne la nécessité de prendre en compte les évolutions politiques, économiques, sociales et culturelles majeures qui ont profondément transformé le contexte depuis le lancement du processus de négociation au début des années 1990. Il évoque successivement les nouveaux défis qui ont émergé avec la montée du Hamas, et les divisions politiques au sein de la société palestinienne (chapitre 5), la question du retour des réfugiés (chapitre 6), l’accélération et l’expansion de la colonisation israélienne dans les Territoires palestiniens occupés (chapitre 7), la dépendance de l’économie palestinienne à l’égard des bailleurs de fonds internationaux et d’Israël (chapitre 8), les transformations démographiques (chapitre 9), et enfin le processus de radicalisation des populations et leur perte de confiance dans la solution à deux États (chapitre 10 et Afterword).

Richement documentée, cette recher-che s’appuie sur des sources très diversifiées, ainsi que sur un corpus d’interviews réalisées par l’auteur avec plus d’une centaine de personnalités palestiniennes et israéliennes. Plutôt que d’apporter un éclairage véritablement nouveau sur la question, comme le laisse entendre la quatrième de couverture, ce livre offre un travail de synthèse des travaux déjà réalisés sur le conflit. Il confirme l’échec d’un projet que de nombreux universitaires, journalistes et politiques se sont efforcés de signaler déjà depuis la fin des années 1990.

Cédric Parizot

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Monde arabe : le grand chambardement

Wed, 29/03/2017 - 10:29

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Denis Bauchard, ancien ambassadeur et conseiller pour le Moyen-Orient à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage d’Yves Aubin de La Messuzière, Monde arabe : le grand chambardement (Plon, 2016, 216 pages).

Le chaos du monde arabe et du Moyen-Orient interpelle. Comment en est-on arrivé là ? Qui est responsable d’une situation qui apparaît souvent hors contrôle ? Yves Aubin de La Messuzière, ancien directeur pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères, et ancien ambassadeur notamment en Tunisie, aborde différentes questions sur les printemps arabes, la tragédie syrienne, le djihadisme, le jeu de l’Arabie Saoudite, l’affrontement entre sunnites et chiites, la question palestinienne, en ne cachant pas que ce « chambardement » risque de perdurer.

Sans refaire l’histoire des printemps arabes et de leur échec, il rappelle que des signes avant-coureurs, relevés par des chercheurs comme par des diplomates, étaient apparus dans plusieurs pays, dont la Tunisie, l’Égypte et la Syrie. Certes ces révolutions, à l’exception de la Tunisie, n’ont pas réussi à déboucher sur des alternatives crédibles et ont conduit au chaos ou au retour des autocrates. Mais si elles ont échoué, une conscience de nature révolutionnaire n’en est pas moins apparue pour les jeunes générations, qui perdurera d’autant que demeurent les ingrédients expliquant leur irruption.

L’expansion du djihadisme plonge ses racines dans le salafisme, dont la forme la plus intolérante, le wahhabisme, a été propagée par l’Arabie Saoudite à travers la Ligue islamique mondiale ou l’université de Médine qui a accueilli des milliers d’étudiants en théologie ces dernières décennies. L’idéologie de l’État islamique (EI), comme celle des mouvements se réclamant d’Al-Qaïda, s’en inspire. Mais ces groupes djihadistes constituent maintenant une menace d’autant plus forte contre la stabilité du royaume des Saoud, que celui-ci connaît des fragilités structurelles, notamment une jeunesse nombreuse, sous-employée et sensible au radicalisme religieux.

L’antagonisme sunnite/chiite fait également l’objet de développements intéressants. Pour l’auteur, ce conflit est largement fabriqué. Certes, la fracture existe depuis des siècles et a été accentuée par la révolution iranienne et la volonté de l’imam Khomeini de délégitimer la famille des Saoud et d’exporter sa révolution. Cependant, ce conflit « recouvre à l’évidence davantage de considérations de rivalités de puissances que d’antagonismes doctrinaux ». En clair, Téhéran et Riyad s’affrontent par procuration sur plusieurs champs de bataille – Syrie, Liban, Yémen entre autres –, pour affirmer leur leadership sur le Moyen-Orient.

L’auteur évoque à plusieurs reprises la politique française, en termes souvent critiques, à propos de la Libye, de la Syrie ou de la question palestinienne. « Le renversement du régime de Kadhafi par une coalition occidentale à l’initiative de la France a provoqué… le même chaos qu’en Syrie. » Quant à la Syrie, l’auteur précise que « la double stigmatisation de Bachar Al-Assad et de Poutine ne saurait faire une politique ».

Yves Aubin de La Messuzière nous propose un fil d’Ariane pour décrypter le « grand chambardement », et nous permet de mieux comprendre la réalité complexe d’une zone où les intérêts de puissance des acteurs, régionaux comme extérieurs, s’affrontent à partir d’objectifs opposés. Ce constat lucide ne rend guère optimiste pour l’avenir : les turbulences ne sont pas près de s’apaiser.

Denis Bauchard

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Europe, terre d’asile ?

Mon, 27/03/2017 - 12:39

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Corinne Balleix propose une analyse de l’ouvrage de Sarah Lamort, Europe, terre d’asile ? Défis de la protection des réfugiés au sein de l’Union européenne (PUF, 2016, 216 pages).

Dans un contexte où, depuis 2014, le système d’asile européen commun est ébranlé par une crise migratoire grave, le livre de Sarah Lamort arrive à point nommé. L’auteur, qui a également travaillé plusieurs années pour le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés en Turquie, prend ses distances vis-à-vis des discours militants accusant la politique d’asile européenne d’affaiblir le droit d’asile, et explore les relations complexes entre gestion des flux migratoires et promotion des droits de l’homme au travers de la politique d’asile européenne. Soulignant que l’Union européenne constitue au niveau mondial l’espace de protection le plus perfectionné, Sarah Lamort estime que la protection est inséparable du contrôle, l’État devant pouvoir identifier chaque personne qui sollicite sa protection.

Revenant sur la construction du régime d’asile européen commun, elle rappelle qu’il a pour objectif de répondre aux défis de la protection de l’espace Schengen et du shopping de l’asile, de l’interdépendance entre les systèmes d’asile des États membres, ainsi qu’à la question de la répartition équitable des charges de l’accueil des migrants.

S’agissant du partage des charges de l’asile, plusieurs systèmes sont envisageables, selon le nombre d’États qui y participent, et ce qu’ils partagent (normes communes, répartition des personnes, redistribution des charges financières). À cet égard, les outils européens (règlement Dublin, relocalisation, directive « Protection temporaire ») ont montré leurs limites.

Est ensuite analysé le phénomène de la sanctuarisation de l’espace commun d’asile, qui a pour objectif de partager les charges de l’accueil avec des pays tiers. Cette sanctuarisation doit toutefois respecter les principes de la convention de Genève : le non-refoulement et la non-pénalisation des entrées irrégulières. L’Union européenne répond à ce défi par les procédures d’asile à la frontière et l’intégration des questions d’asile dans l’action extérieure de l’UE – programmes de réinstallation, recherche de voies légales d’accès à l’asile dans l’UE, programmes nationaux ou régionaux de protection dans les pays tiers, ces dernières options pouvant soulever des difficultés si on les considère comme des alternatives, et non des compléments, à l’accueil des demandes d’asile spontanées en Europe.

Enfin, l’ouvrage présente le cas de l’extra-territorialisation de l’asile en Turquie, où la capacité de l’UE à influencer le système d’asile turc diminue parallèlement aux perspectives d’adhésion de ce pays à l’UE.

L’auteur conclut que le renforcement des frontières extérieures de l’Union rend l’espace européen de protection plus difficilement accessible. La relation de protection et de contrôle exercée par un État sur un individu, éventuellement hors du territoire de l’UE, au travers de systèmes d’information numériques et biométriques, fait du demandeur d’asile un objet de contrôle en réseau, mais aussi un sujet de droits en réseau, dont le statut méritait des recherches plus approfondies.

L’ouvrage, qui a reçu le prix Le Monde de la recherche universitaire 2016 et celui des Droits de l’homme de la ville de Lyon 2014, se fonde sur une analyse de l’Europe de l’asile close en septembre 2013. Le cadre proposé permet cependant d’éclairer utilement la crise actuelle du régime d’asile européen, et offre des pistes de réflexion précieuses pour les chercheurs et praticiens quant à la réforme de ce régime.

Corinne Balleix

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Irregular War: ISIS and the New Threat from the Margins

Thu, 23/03/2017 - 11:52

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Jean-Loup Samaan propose une analyse de l’ouvrage de Paul Rogers, Irregular War: ISIS and the New Threat from the Margins (I.B. Tauris, 2016, 224 pages).

Auteur prolifique, Paul Rogers propose ici une réinterprétation du phénomène Daech comme conséquence des dysfonctionnements du système international contemporain. Si la majeure partie des travaux consacrés au groupe terroriste a jusqu’ici étudié sa genèse irakienne et syrienne, Paul Rogers affirme que l’État islamique (EI) est aussi l’expression de ce qu’il nomme « les révoltes de la marge » (revolts from the margins). Les formes du terrorisme moderne tel que l’EI seraient un symptôme du dérèglement du système international, un système marqué par l’aggravation des inégalités économiques, le renforcement d’élites transnationales déconnectées des réalités locales et une dégradation des conditions environnementales. « D’autres exemples [que l’EI] incluent des groupes islamistes tels que Boko Haram, le front Al-Nosra, mais aussi la rébellion néomaoïste naxalite en Inde ainsi que dans un passé récent, les néomaoïstes du Népal et le Sentier lumineux au Pérou », précise-t-il dans le premier chapitre.

Pour étayer sa thèse, l’auteur retrace le développement des inégalités économiques à l’échelle mondiale, soulignant que la croissance des grands pays du Sud a été, à partir des années 1980, avant tout destinée au profit des élites locales. Non seulement les autorités nationales ont failli à leur mission publique, mais l’incapacité des organisations internationales – ONU, OMC, OIT – à endiguer ce phénomène enrichit le terreau pour les « révoltes de la marge ». À cela s’ajoutent la détérioration de l’écosystème et ses implications pour la sécurité alimentaire.

Le lecteur de Politique étrangère pourra rester dubitatif devant l’argument de l’auteur qui renvoie, peu ou prou, à une lecture marxiste des relations internationales. Cette originalité fait toutefois l’intérêt de l’ouvrage. Dans un style agréable, Paul Rogers excelle à mettre en relation les tendances climatiques, l’évolution du système économique international et les guerres d’Irak et d’Afghanistan. Son chapitre sur les divergences de narratifs entre les États-Unis et l’Europe d’une part, et les populations du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud d’autre part, est particulièrement bien mené et souligne les dommages causés par les guerres récentes sur la perception de l’Occident dans les régions considérées.

Si la thèse de Paul Rogers est originale et séduisante, elle n’est pas toujours convaincante. L’auteur semble parfois se perdre dans sa théorie englobante, lorsqu’il veut établir une corrélation entre les « révoltes de la marge » et l’évolution de l’art de la guerre. Ainsi les chapitres sur les armes de destruction massive et sur la guerre à distance menée grâce aux drones américains semblent-ils confus, peinant à convaincre de leur pertinence. Par ailleurs, la grille de lecture proposée par l’auteur n’explique pas le phénomène d’attraction du groupe Daech dans des populations jeunes et européennes qui n’appartiennent pas toujours à « la marge ». La « révolte des marginaux » qui serait engendrée par les inégalités économiques et l’insécurité alimentaire ne nous aide guère à comprendre comment de jeunes Français, parfois issus de la classe moyenne, parfois parfaitement insérés socialement et économiquement, en viennent à basculer dans la radicalisation.

Dans cette perspective, cet ouvrage déçoit quelque peu. Si la thèse initiale permet d’ouvrir des réflexions nouvelles, qui dépassent la simple analyse militaro-centrée de Daech et du Moyen-Orient, la démonstration qui en découle reste incomplète.

Jean-Loup Samaan

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L’Alternative pour l’Allemagne. Programme, évolution et positionnement politique

Tue, 21/03/2017 - 07:30

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Hans Stark, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Alexander Häusler, Die Alternative für Deutschland. Programmatik, Entwicklung und politische Verortung (Springer Verlag, 2016, 256 pages).

La naissance, en 2013, du parti Alternative für Deutschland (AfD, Alternative pour l’Allemagne), sa montée en puissance dans les sondages et son entrée aux parlements de 10 des 16 Länder allemands (au 1er février 2017) ont provoqué un intérêt très vif pour cette formation, d’autant que sa progression s’inscrivait évidemment dans le contexte des succès électoraux de partis dits « populistes de droite » en Europe, le Brexit et la victoire de Trump. Sans parler de l’ombre omniprésente du IIIe Reich. C’est donc à point nommé qu’un collectif de chercheurs allemands, spécialistes de l’extrême droite d’outre-Rhin, a réalisé une première étude d’ensemble, sous le titre : L’Alternative pour l’Allemagne. Programme, évolution et positionnement politique.

L’ouvrage retrace les origines de ce parti de 2013 jusqu’à l’éviction de son président-fondateur Bernd Lucke, en juillet 2015. Il ne prend donc pas en compte l’évolution des 18 derniers mois qui ont vu une poussée incontestable vers l’extrême droite de l’AfD ; mais les auteurs l’avaient prédite, comme en témoigne la conclusion du directeur de l’ouvrage Alexander Häusler.

Sa première partie est consacrée à la place de l’AfD dans le paysage politique allemand, et aux contradictions internes d’un parti qui prône à la fois un néolibéralisme souverainiste eurosceptique et un « populisme de droite » qui se dit « proche du peuple », et donc aussi de gauche… La deuxième partie propose une comparaison entre l’idéologie de l’AfD et celle des autres partis dits populistes en Europe, puis analyse les liens entre l’AfD et les partis d’extrême droite issus des pays membres de l’UE. La troisième partie de l’ouvrage analyse les idéaux fondamentaux de l’AfD au plan sociétal, tant en ce qui concerne le rôle de la femme dans la société allemande, que la position adoptée face aux minorités sexuelles, ou quant à certaines valeurs traditionnelles (famille, IVG). Dans une quatrième partie, les auteurs s’intéressent au phénomène PEGIDA (Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident), et aux liens multiples entre ce mouvement et l’AfD, avant d’aborder les questions, devenues centrales depuis 2015, de l’islam, de l’immigration et des réfugiés. La cinquième partie s’ouvre au champ plus vaste de la nébuleuse d’extrême droite en Allemagne, et étudie les rapports entre l’AfD et la « Nouvelle Droite », avant d’analyser l’évolution interne du mouvement de jeunesse de l’AfD, la Junge Alternative, dont les acteurs, qui prendront des responsabilités au sein de l’AfD dans les années à venir, se positionnent d’ores et déjà à l’extrême droite du paysage politique allemand. Enfin, l’ouvrage accorde aussi une importance particulière à la place que l’AfD a à l’est de l’Allemagne, avec un chapitre consacré à l’AfD du Land de Brandebourg.

Voici donc un ouvrage, informatif et analytique, qui nous en apprend beaucoup sur ce nouveau parti. Et ce que l’on apprend n’est pas très rassurant.

Hans Stark

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Le Président et la Bombe. Jupiter à l’Élysée

Sat, 18/03/2017 - 08:00

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Corentin Brustlein, responsable du Centre des études de sécurité à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Jean Guisnel et Bruno Tertrais, Le Président et la Bombe. Jupiter à l’Élysée (Odile Jacob, 2016, 336 pages).

À bien des égards, la place de l’arme nucléaire dans la posture stratégique française est unique dans le monde. La possession de « la bombe » répond pour la France à des traumatismes nationaux (guerre de 1870, guerres mondiales, crise de Suez) qui, s’ils paraissent aujourd’hui éloignés, ont marqué dans la durée la culture stratégique nationale, par la place centrale accordée à des considérations telles que l’indépendance nationale et l’autonomie dans la conduite de l’action militaire. En retour, l’arme nucléaire a, elle aussi, façonné la France, à commencer par ses institutions, influence dont la traduction la plus notable est probablement l’élection du président de la République au suffrage universel. L’ouvrage de Jean Guisnel et Bruno Tertrais est une plongée dans cette exception nucléaire française. Faisant suite à un documentaire audiovisuel diffusé au printemps 2016 dont il approfondit le contenu, le livre est divisé en trois parties de volume inégal, permettant au lecteur de retracer l’émergence progressive de cette relation symbiotique et de comprendre les fondements de la posture nucléaire actuelle, ses évolutions récentes, sa pratique et son articulation avec l’ensemble de la politique de défense française.

Le titre du livre, Le Président et la Bombe, traduit parfaitement la relation privilégiée existant entre le pouvoir exécutif de la Ve République et cette arme qui, par sa capacité de destruction, a relativisé l’importance des rapports de force classiques. La première partie est ainsi dédiée à la façon dont chaque président de la République s’est approprié l’arme absolue, retraçant les orientations et arbitrages de chacun, et la constitution parallèle et progressive de la « force de frappe » dans ses différentes composantes. À grands renforts d’anecdotes allégeant utilement une lecture sur des problématiques souvent techniques, les auteurs dessinent une histoire de la stratégie française, laissant transparaître les spécificités de la posture nationale. Bâtie en cohérence avec le principe dit de « stricte suffisance », celle-ci a ainsi suivi une phase initiale d’expansion qualitative et quantitative, culminant en volume à la fin de la guerre froide, et connaissant depuis une contraction aboutissant aujourd’hui à un arsenal de moins de 300 armes.

La deuxième partie porte sur l’actuelle posture française de dissuasion : organisations, forces, moyens techniques, mais aussi mécanismes et dispositifs peu connus qui la rendent crédible aux yeux d’éventuels agresseurs potentiels tout en en assurant un contrôle politique fiable et permanent. Le ton demeure pédagogique ; pour autant le propos retranscrit de manière nuancée les ajustements, subtils mais souvent significatifs, de la posture française au cours des dernières années, ainsi que les trajectoires projetées pour l’avenir. Ce dernier fait l’objet de la troisième et dernière partie, qui éclaire les dilemmes techniques, politiques, et surtout budgétaires posés à la dissuasion française. Les auteurs ne minimisent pas les défis auxquels la posture est confrontée, qui appellent en réalité moins des réponses techniques que des arbitrages fondés sur un débat libre et argumenté. En adoptant un style qui le rend accessible au plus grand nombre, tout en s’appuyant sur les sources les plus sérieuses, l’ouvrage contribue ainsi de manière utile à ce débat crucial pour l’avenir de la défense française, voire pour la sécurité de l’Europe.

Corentin Brustlein

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Démocraties sous stress

Thu, 16/03/2017 - 10:35

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). François Thuillier propose une analyse de l’ouvrage d’Antoine Garapon et Michel Rosenfeld, Démocraties sous stress. Les défis du terrorisme global (PUF, 2016, 240 pages).

Si, depuis une quinzaine d’années, l’intelligence et le cœur n’avaient pas fait défaut à tant de commentateurs, peut-être n’en serions-nous pas aujourd’hui autant réduits à courir derrière la signification de la terreur. Or c’est peu dire que ni l’une ni l’autre n’ont jamais lâché la main d’Antoine Garapon. Et cela donne à nouveau un ouvrage ciselé et de haute tenue, dans lequel l’accompagne cette fois le professeur américain Michel Rosenfeld.

Certes, comme à peu près sur toute chose, le droit pèse peu sur le terrorisme ; mais ce qui le précède, ou plutôt qui le surplombe, sa philosophie, en produit une des lectures les plus stimulantes. Les auteurs s’attachent ainsi à décortiquer les effets des attentats sur nos vieilles sociétés démocratiques, à la fois dans leur cohésion, leur riposte et finalement le regard qu’elles portent sur elles-mêmes.

Les auteurs soulignent combien le traumatisme de l’attentat signe « la disparition de notre confiance primaire dans le monde ». Le terrorisme n’offre aucune prise à la dialectique et donc à la politique ; c’est pourquoi, lui et l’économie prédatrice « condamnent le pouvoir et les peuples à une rage impuissante », et permettent progressivement à la sécurité d’être le nouveau nom de la politique, face à une justice malmenée mais qui demeure malgré tout exemplaire.

On lit encore que le djihadisme se nourrit de la vacuité de l’offre politique, qu’il remplit par des formes mythifiées de politisation, et que finalement le terrorisme est devenu le « crime de référence » de notre époque, celui qui le fascine tant il exprime ses tourments inconscients. Cette coproduction de l’islam et de la modernité appelle dès lors une question lancinante : « comment rendre justice à ces attentats ? » – les auteurs abordent ici le défi de la justice préemptive. Ainsi que celui des assassinats ciblés par drone, ce funeste miroir que nous tend Daech.

Ainsi, dans la répression du terrorisme, « la matérialité n’est plus exigée, elle qui était pourtant le fondement du droit » ; le fait disparaît au bénéfice des signes qui l’annoncent. Désormais, on s’attache moins à rechercher les causes de certains processus qu’à en neutraliser les effets. Et nous rentrons là dans une justice post-pénale, articulée non plus autour du couple crime/châtiment, mais risque/protection.

Enfin, un rappel est plutôt bienvenu avec l’affaire Korematsu vs. USA, où l’on a vu, en 1942, les États-Unis déporter dans le centre du pays jusqu’à 70 000 Américains d’origine japonaise vivant jusque-là sur la côte ouest, dans la crainte d’un défaut de loyauté. N’a-t-on pas vu depuis le terrorisme lancer dans un même élan la plupart des démocraties occidentales à la poursuite de leur « ennemi potentiel » intérieur ?

Si une critique devait tout de même être apportée à cet essai, ce serait celle d’enterrer trop vite le territoire et pas assez la religion. Les auteurs attestent ainsi un peu prématurément de la disparition des frontières (due à la mondialisation) aux sens westphalien, social et symbolique. Tandis qu’ils surestiment peut-être le rôle de l’islam dans les motivations des djihadistes. Manquent en effet à ceux-ci les deux piliers qui accompagnent une foi sincère : le doute, et le respect intrareligieux dû à tout « craignant Dieu ». Reste que voilà sans doute l’un des ouvrages les plus éclairés écrits sur le sujet depuis des années.

François Thuillier

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The Fifth Estate: Think Tanks, Public Policy, and Governance

Tue, 14/03/2017 - 10:43

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Thomas Gomart, directeur de l’Ifri, propose une analyse croisée de l’ouvrage de James G. McGann, The Fifth Estate: Think Tanks, Public Policy, and Governance (Brookings Institution Press, 2016, 230 pages), et de l’ouvrage dirigé par Donald E. Abelson, Stephen Brooks et Xin Hua, Think Tanks, Foreign Policy and Geo-Politics: Pathways to Influence (Routledge, 2016, 208 pages).

L’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche soulève bien des questions sur la production, le positionnement et l’avenir des think tanks, non seulement aux États-Unis mais aussi en Europe. La très grande majorité d’entre eux n’a pas anticipé sa victoire, remportée en dépit – ou plutôt à cause – du peu d’attention portée aux faits. Donald Trump a construit sa victoire sur une dénonciation systématique des élites politiques, médiatiques et intellectuelles traditionnelles et donc, indirectement, des think tanks. À Washington, la traditionnelle revolving door entre l’Administration et les think tanks est complètement perturbée. Plus profondément, le rôle des think tanks est directement remis en cause dans un environnement post-truth où les fake news et les déclarations mensongères semblent ouvertement assumées par le 45e président des États-Unis d’Amérique, pays qui a érigé la liberté d’expression individuelle en principe constitutionnel. À la veille de son investiture, The Washington Post publiait une tribune résumant bien les interrogations en la matière : « Trump pourrait causer la disparition des think tanks tels que nous les connaissons. »

Parallèlement, et de manière sans doute trop discrète, les think tanks se réunissent régulièrement dans différents formats internationaux pour réfléchir à leurs missions et envisager les évolutions de leur métier, pratiqué très différemment selon les pays ou les modèles d’organisation. Leurs activités suscitent fréquemment la curiosité de journalistes souvent intéressés par la notion d’influence, ou d’universitaires, intéressés quant à eux par le positionnement hybride des think tanks. Cette curiosité alimente une production régulière d’articles ou d’ouvrages qui, en raison du point de vue de leurs auteurs, restent souvent descriptifs ou, au contraire, attachés à déconstruire le phénomène. Rares sont ceux qui témoignent d’une proximité suffisante pour embrasser sa totalité, tout en ayant un minimum d’ambition conceptuelle. Parmi les ouvrages récents consacrés aux think tanks, les travaux de Thomas Medvetz avaient marqué une avancée, alors que ceux de Laurence Shoup relevaient plus d’une approche idéologique. L’ouvrage de James McGann et celui dirigé par Donald Abelson, Stephen Brooks et Xin Hua ont été élaborés dans ce cadre historiographique, mais vont être lus dans le contexte de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, au risque de laisser au lecteur l’impression qu’ils ratent leur cible principale. Ce décalage chronologique rend en réalité leur lecture plus éclairante. Ces deux ouvrages apportent, de manières différentes, des éléments utiles au débat sur les think tanks.

Senior Lecturer à l’université de Pennsylvanie, James McGann y dirige le Think Tank and Civil Societies Program, qui publie tous les ans un classement mondial des think tanks, et contribue à l’organisation de rencontres régulières entre eux à travers le monde. Depuis longtemps convaincu de leur importance croissante, James McGann considère qu’ils représentent désormais aux États-Unis un cinquième pouvoir. Partant d’une définition volontairement large – les think tanks sont des institutions qui produisent de la recherche, de l’analyse et des conseils sur les politiques publiques –, il considère que leur facteur différenciant est moins leur affiliation ou leur indépendance que leur caractère temporaire ou pérenne. Selon lui, il existerait sept types de think tanks : autonome et indépendant, presque indépendant, affilié à une université, affilié à un parti politique, affilié à un gouvernement, presque gouvernemental et, pour finir, à but lucratif. L’histoire et le paysage des think tanks sont décrits à grands traits, avant que soient abordées les contraintes qui leur sont communes. Toutes ces structures sont confrontées au même défi : comment tenir un langage de vérité aux autorités publiques (truth to power) ou, a minima, alimenter les mécanismes de décision par leur expertise ? Afin d’évaluer leur impact, James McGann consacre un chapitre à des études de cas relevant de la politique intérieure, et un chapitre à des études de cas relevant de la politique étrangère. Ce dernier examine les dossiers suivants : prolifération nucléaire en Corée du Nord, stratégie du surge en Irak, redéploiement stratégique global des États-Unis, conséquences du 11 Septembre, Darfour, politique de relance en 2009 et, pour finir, sortie d’Irak. Sur chaque dossier, le rôle joué par un ou deux think tanks est analysé, en mettant en avant l’exploitation médiatique des travaux ou les contacts au plus haut niveau qu’ils ont permis.

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PE 1/2017 en librairie !

Fri, 10/03/2017 - 10:39

Le nouveau numéro de Politique étrangère (1/2017) vient de paraître ! Il consacre un dossier complet aux crises de la démocratie, tandis que le « Contrechamps » propose et oppose deux visions de la réalité russe : vivre avec la Russie ou lui faire face ? Enfin, comme à chaque numéro, de nombreux articles viennent éclairer l’actualité, comme Trump et l’avenir de la politique commerciale européenne ou encore l’espace eurasiatique tel qu’envisagé par la Chine.

De l’élection de Donald Trump aux dérives politiques de plusieurs régimes d’Europe de l’Est, en passant par les débats de Nuit debout et les critiques du déficit démocratique européen : les régimes démocratiques paraissent aujourd’hui moins légitimes, leur pérennité moins assurée. La juste mesure des crises de la démocratie est essentielle : un nouveau monde idéologique s’ébauche, une hiérarchie des puissances inédite se dessine, et les représentations du monde qui ont prévalu depuis 20 ans s’épuisent. Le dossier de Politique étrangère fait écho aux débats très actuels sur les forces et faiblesses des démocraties.

Les relations avec la Russie posent justement question à la fois dans le champ diplomatico-stratégique et dans le champ idéologique. Moscou est-elle une nouvelle puissance dominante ? Est-elle La Mecque des opposants à la démocratie libérale ? Bref, ses nombreuses faiblesses limitent-elles l’efficacité russe, ou la poussent-elles à privilégier la logique de force face à des démocraties affaiblies ? La rubrique « Contrechamps » propose deux visions de la réalité russe et des stratégies imaginables pour demain : vivre avec la Russie, ou lui faire face ?

* * *

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Trump et l’avenir de la politique commerciale européenne

Thu, 09/03/2017 - 12:29

Lisez le second article du nouveau numéro de Politique étrangère (n° 1/2017) – à paraître demain ! – que vous offre la rédaction : « Trump et l’avenir de la politique commerciale européenne », écrit par John Solal-Arouet et Denis Tersen.

« Les États-Unis se sont donc dotés d’un président protectionniste et isolationniste. Certes, promesses et programmes ne font pas automatiquement une politique l’élection passée. Mais un candidat qui attaque la Chine, le Mexique, menace de quitter l’OMC, de dénoncer l’ALENA et l’accord de Paris sur le climat, refuse de signer le projet de Partenariat Trans-Pacifique (TPP) négocié par son prédécesseur, engage le président. Il le peut d’autant plus que, si ce dernier ne peut pas libéraliser de son seul chef, sans l’aval du Congrès, il peut largement de sa propre initiative mettre en place des mesures de protection aux frontières, ou bloquer un traité en refusant de le soumettre au pouvoir législatif. Anti-mondialisation, le nouveau président américain a une certaine forme de cohérence : il est pour une fermeture des frontières, pour les biens et services comme pour les personnes.

Les premières nominations ne démentent pas la rhétorique de campagne : Wilbur Ross ministre du Commerce, Peter Navarro, un économiste « défensif mais pas protectionniste » à la tête du tout nouveau National Trade Council placé auprès du président pour le conseiller sur les sujets commerciaux, Robert Lighthizer, représentant américain du commerce (USTR). Ils se sont fait remarquer par des déclarations antichinoises, et en défendant les intérêts de la « vieille » industrie. Celui qui mènera les négociations commerciales, Robert Lighthizer, est un avocat connu en matière d’antidumping, vétéran de l’administration Reagan. Le méchant était alors japonais, et les États-Unis avaient obtenu de leur partenaire, sous la pression, des accords volontaires de restrictions aux exportations. C’était avant l’OMC, avant les « chaînes de valeur mondiales », qui permettent aux entreprises américaines d’éclater leur production dans de nombreux pays, au premier rang desquels la Chine, pour importer ou recomposer leurs produits aux États-Unis, et avec un marché japonais dont le niveau de fermeture était sans commune mesure avec celui de la Chine. Les tweets, ces coups de menton de l’âge numérique, à destination des entreprises ayant des velléités d’investissement au Mexique, s’inscrivent également dans la droite ligne de la campagne. Le discours inaugural du président le 20 janvier dissipe les doutes : « La protection conduira à une grande prospérité et à la force. » Les premiers communiqués venant de la Maison-Blanche le soir même annoncent le retrait du TPP et la renégociation de l’ALENA. Nous y sommes.

Donald Trump n’est pas seul : le Brexit l’a précédé, les mouvements populistes progressent partout en Europe. L’accord économique et commercial global (CETA) avec le « petit » Canada (0,6 % du commerce extérieur français) a été proche de s’arrêter au stade de la signature, et son avenir est aléatoire. On pourrait traiter ces évolutions majeures avec une relative indifférence, considérer que, par une ruse de l’histoire, les populistes vont nous débarrasser d’un dangereux libre-échange et de mauvais accords, tel le TTIP. De plus, ainsi que l’on nous l’a enseigné, l’infrastructure – la base matérielle, les forces productives – précède la superstructure : le commerce mondial progresse moins vite que la « richesse » mondiale et recule même depuis quatre ans. Entrerions-nous sans ambages et sans trop de regrets dans l’ère de la démondialisation ?

Faut-il donc traiter la nouvelle Amérique à la légère ? Non. Les mêmes symptômes affectent l’Europe. Les difficultés nées de la phase « commerciale » de la mondialisation n’ont pas été résolues. L’entrée dans la mondialisation « informationnelle » fait surgir de nouveaux problèmes. Et s’annonce la « grande convergence » chère à Richard Baldwin – la troisième vague de la mondialisation va permettre de mobiliser les personnes dans le cycle de production quelle que soit leur localisation dans le monde et devrait buter sur des résistances encore plus fortes.

Ces dernières sont-elles vraiment de nature économique comme nous le suggèrent les commentateurs du « déclassement » de l’ouvrier blanc américain ? En réalité, non. Toutes les analyses du vote Trump montrent qu’il transcende les classes sociales, appartenances ethniques ou genres. It’s not the economy stupid[, ironisent ceux qui soulignent la primauté des dimensions identitaires et culturelles qui construisent une ligne de ressentiment populaire à l’encontre des élites mondialisées. Pourtant, c’est bien sur l’économie que les populistes concentrent le tir : pour construire des murs, au risque d’ajouter de nouveaux risques géopolitiques, économiques, et démocratiques à ceux qui affligent déjà leurs électeurs révoltés. Pour arriver aux commandes de la première économie mondiale, Donald Trump a clairement annoncé le programme. Si certains misent sur un soft Trump, nouveaux Giraudoux venant nous expliquer que « la guerre de Détroit n’aura pas lieu », Paul Krugman n’a pas ces illusions : la guerre commerciale n’est plus seulement une option, c’est une probabilité.

L’Europe devra être méfiante. Le face-à-face avec la Chine est inévitable, mais l’administration américaine prendra en compte le rapport de puissance. Pragmatique, elle se tournera vers des « partenaires » plus à sa portée. Le Mexique est un candidat déjà visé, mais une Europe faible sera également au menu. Son excédent bilatéral vis-à-vis des États-Unis progresse. Les sujets de frictions ne manquent pas : contentieux aéronautique ou agricole (datant du xxe siècle…), enjeux numériques aux dimensions multiples (fiscalité, concurrence, droit des données), déséquilibres macro-économiques allemands, climat… »

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J-2 : Politique étrangère, printemps 2017

Wed, 08/03/2017 - 10:17

Découvrez la vidéo de présentation du nouveau numéro de Politique étrangère, n° 1/2017, disponible en librairie et en ligne sur le site d’Armand Colin à partir de vendredi 10 mars !

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Le tesbih et l’iPhone : islam politique et libéralisme en Turquie

Tue, 07/03/2017 - 11:04

Suite au sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir avant la sortie officielle du numéro de printemps de Politique étrangère (n° 1/2017), l’article que vous avez choisi : « Le tesbih et l’iPhone : islam politique et libéralisme en Turquie », par Max-Valentin Robert.

« L’influence de la religion sur le comportement économique constitue une thématique de recherche récurrente pour les sciences sociales. Ainsi Max Weber attribuait-il l’apparition du capitalisme à l’émergence de la pensée protestante. Plusieurs décennies plus tard, Gerhard Lenski comparait les attitudes respectives des juifs, des catholiques et des protestants américains à l’égard de l’économie et du travail. Puis, dans un double contexte de réaffirmation confessionnelle et de diffusion du libéralisme après la chute de l’URSS, un ouvrage dirigé par Richard Roberts tenta de réinterpréter les relations des diverses éthiques religieuses à l’économie de marché. En outre, Luigi Guiso, Paola Sapienza et Luigi Zingales ont montré que la religiosité alimentait une interprétation individualisante de la pauvreté, ainsi qu’un attachement au modèle libéral et une certaine hostilité à l’égard du travail des femmes.

Plus spécifiquement, il existe une abondante littérature sur le rapport de l’islam au capitalisme. Celle-ci s’est progressivement détachée des thèses weberiennes (qui percevaient la culture musulmane et l’économie de marché comme étant incompatibles), au profit d’une approche relativisant le poids du facteur religieux. De plus, Rodney Wilson a souligné l’émergence d’une nouvelle interprétation de l’islam, pleinement adaptable au capitalisme. Toutefois, la relation entre islam politique et libéralisme s’avère être moins étudiée. Or le recours à la littérature précédemment mentionnée, bien que nécessaire, ne saurait suffire à analyser le rapport qu’entretient l’islamisme à l’économie de marché (l’islam et l’islamisme correspondant à deux réalités sociales distinctes : religieuse pour l’un, politique pour l’autre). L’islamisme turc s’avère donc être un cas d’étude particulièrement pertinent : en Turquie, la permanence relative de la démocratie permet d’analyser l’évolution du discours économique des partis se revendiquant de l’islam politique.

Necmettin Erbakan et l’« ordre économique juste »

L’hostilité à l’économie de marché est une caractéristique récurrente des mouvements islamistes. Rappelons que le marxisme fut reformulé dans une optique religieuse par certains théoriciens iraniens à la veille de la révolution de 1979. De même, les Frères musulmans égyptiens défendaient initialement un socialisme islamique. Un phénomène similaire a également impacté la Turquie des années 1970 : les idéologies islamiste et
marxiste « convergeaient dans leur opposition au capitalisme et à la domination économique occidentale ».

L’affirmation de l’islamisme turc n’aurait sans doute pas été possible sans l’apparition de Necmettin Erbakan sur la scène politique. Soutenu par le Parti de la Justice (Adalet Partisi – AP) du Premier ministre Süleyman Demirel, cet ingénieur de formation fut nommé en 1966 à la direction du Département d’industrie de l’Union des Chambres et des Bourses de Turquie (Türkiye Odalar ve Borsalar Birligi – TOBB), avant de se voir attribuer un siège au conseil d’administration de cette même institution. Élu secrétaire général de la TOBB en 1967, il tenta de se faire élire à sa présidence en mai 1969. Soutenu par les petits entrepreneurs d’Anatolie, mais perçu avec méfiance par les grands industriels d’Istanbul et d’Izmir, il fut élu mais le gouvernement AP invalida son élection. Erbakan se porta ensuite candidat aux primaires organisées à Konya par la branche locale de l’AP, en prévision des élections législatives du 12 octobre 1969. Écarté par Demirel mais bénéficiant de l’appui des commerçants locaux, l’ex-secrétaire général de la TOBB se présenta en tant que candidat « indépendant », parvint à se faire élire député de Konya, et créa en janvier 1970 le Parti de l’Ordre National (Milli Nizam Partisi – MNP).

[…]

L’éthique musulmane et l’esprit du capitalisme

Comme le rappelle Dilek Yankaya : « L’affinité entre ces deux organisations [l’AKP et le MÜSIAD] se manifeste par leur ambition de représentation politique. L’AKP est le représentant des nouvelles classes moyennes culturellement conservatrices […] et économiquement libérales. Le MÜSIAD se présente aussi comme le porte-parole du “capital anatolien” […]. Ils apparaissent donc comme des organisations jumelles, défendant les intérêts des groupes sociaux pieux en voie de modernisation et sur le chemin d’une ascension sociale en phase avec la globalisation. » On relève d’ailleurs une certaine porosité entre les deux mouvements : lors des élections législatives du 1er novembre 2015, plusieurs membres de cette organisation patronale ont été élus députés (notamment à Konya, Malatya, Elazig et Gaziantep) sous les couleurs du mouvement islamo-conservateur.

La « nouvelle bourgeoisie islamique » a bénéficié d’un contexte politico-économique favorable après la victoire de Turgut Özal et de son Parti de la Mère-Patrie (Anavatan Partisi – ANAP), lequel obtint 45,1 % des suffrages exprimés aux législatives de 1983. Le passage d’un étatisme relativement protectionniste à un libéralisme tourné vers les marchés extérieurs fut au cœur des années ANAP. Özal se faisait le chantre du marché et de la dérégulation, promouvait les PME exportatrices et affichait une certaine europhilie. C’est dans ce contexte qu’émergea, à partir des années 1990, une nouvelle catégorie d’entrepreneurs conservateurs d’origine anatolienne, caractérisés par leur désir de conjuguer éthique islamique et acceptation du libre-échange. Cette bourgeoisie conservatrice affichait une certaine ouverture à l’export, et a constitué le fer de lance du développement des « tigres anatoliens ». Dilek Yankaya remarque l’existence (dans ce milieu) d’un capital social ayant deux capacités fondamentales : une « capacité de marchandisation symbolique pour créer une dynamique de collaboration », et une « capacité de rentabilisation sociale en vue de l’insertion de l’entrepreneur dans les niches économiques ». En témoigne par exemple l’affiliation au MÜSIAD : « Le marché capitaliste oblige l’entrepreneur à prendre des risques dans un environnement compétitif, parfois sans qu’il ait suffisamment de compétences techniques, de sources de financement ou d’informations sur le marché. À cela s’oppose la convivialité du [MÜSIAD] qui, en faisant bénéficier ses membres d’une ambiance non compétitive, solidaire et sincère, favorise l’échange d’expériences et le partage de l’information. » Il ne s’agit pas ici d’un calcul mais d’un qualcul : le choix du partenaire économique ne se fait pas seulement pour des raisons de stricte rentabilité, mais s’effectue aussi à travers la sélection de collaborateurs partageant des qualités communes (en l’occurrence, le respect des valeurs musulmanes).

[…]

En renforçant les prérogatives du pouvoir exécutif, le projet de réforme constitutionnelle actuellement débattu aurait pour conséquence indirecte une accentuation de l’emprise d’Erdogan sur l’AKP (ce qui rendrait difficile l’émergence de tendances dissidentes au sein du parti). L’arrestation, dans la nuit du 3 au 4 novembre 2016, de 12 députés du HDP (Halklarin Demokratik Partisi – Parti Démocratique des Peuples) peut être aussi interprétée comme une velléité de contrôle de l’offre électorale par le pouvoir islamo-conservateur – ce mouvement pro-kurde constituant le principal rival de l’AKP dans les provinces du Sud-Est. L’autoritarisme constituerait donc une ressource pour le Parti de la Justice et du Développement, face à d’éventuels risques de scissions que pourrait alimenter l’hétérogénéité de sa base électorale.

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Politique étrangère n°1/2017 : votez pour (é)lire votre article préféré !

Mon, 27/02/2017 - 12:29

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La prévention du terrorisme en Grande-Bretagne

Fri, 24/02/2017 - 12:19

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Marc Hecker, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Claire Arènes, La prévention du terrorisme en Grande-Bretagne. Le programme Prevent et la communauté musulmane (Presses universitaires de France, 2016, 256 pages).

Le prix Le Monde de la recherche universitaire permet, depuis près de 20 ans, de donner une visibilité importante à des thèses de doctorat. Non seulement les thèses sélectionnées font l’objet d’une présentation dans le quotidien, mais certaines d’entre elles sont publiées aux Presses universitaires de France. Parmi les lauréats 2016 se trouve Claire Arènes, récompensée pour son travail sur la prévention du terrorisme en Grande-Bretagne.

Claire Arènes analyse bien la manière dont la perception du terrorisme a changé en Grande-Bretagne au tournant des années 2000. Les autorités découvrent alors que des citoyens britanniques participent à des actions de terrorisme international à l’étranger. En avril 2003 par exemple, deux jeunes hommes nés en Angleterre se font exploser dans une boîte de nuit de Tel Aviv. Dans certaines mosquées radicales de Londres – que d’aucuns surnomment « Londonistan » –, des prêcheurs radicaux appellent au djihad. En juillet 2005, quatre terroristes – nés au Royaume-Uni pour trois d’entre eux et en Jamaïque pour le quatrième – commettent des attentats-suicides dans la capitale britannique. Le terrorisme est désormais perçu comme une menace interne et il apparaît nécessaire aux responsables politiques de prévenir la radicalisation des « communautés vulnérables ».

L’auteur décrit précisément la mise en œuvre du principal programme de prévention, baptisé PREVENT. Son analyse repose sur de nombreux entretiens avec des acteurs de terrain, notamment des militants associatifs, des représentants institutionnels et des policiers. Son verdict est sévère : PREVENT aurait entretenu un mélange des genres dangereux entre community cohesion et lutte contre-terroriste, et conduit à une stigmatisation des communautés musulmanes. La réforme du programme consécutive à la défaite des travaillistes en 2010, n’aurait pas inversé la tendance : PREVENT demeurerait une « marque honnie » que les acteurs de terrain chercheraient à cacher.

Si le livre de Claire Arènes mérite assurément d’être lu – en particulier par les acteurs chargés de la lutte contre la radicalisation –, il appelle cependant deux regrets. D’une part, l’essentiel du travail de recherche a été réalisé entre 2010 et 2012 : il est donc question d’Al-Qaïda, mais pas de Daech. Or on aurait souhaité savoir dans quelle mesure PREVENT avait réussi à détourner les jeunes Britanniques de l’État islamique. D’autre part, un chapitre comparatif aurait été utile, la stratégie britannique ayant fait des émules en Europe. La France, qui a longtemps résisté à l’approche britannique en mettant en avant son incompatibilité avec le modèle laïque et républicain, est aujourd’hui plus encline à s’inspirer des expériences conduites outre-Manche. Les similitudes entre le plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART) présenté par Manuel Valls en mai 2016, et la stratégie britannique CONTEST – dont PREVENT est un des piliers – sont frappantes.

Claire Arènes se demande à l’issue de son travail si PREVENT ne s’est pas révélé contre-productif, et n’a pas conduit le gouvernement britannique à « perdre les cœurs et les esprits » d’une partie de la population. Si tel est le cas, espérons que le PART français connaîtra un meilleur destin.

Marc Hecker

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Méditerranée, un objet introuvable ?

Wed, 22/02/2017 - 08:30

Le blog Reflets du Temps, qui consacre une large place aux questions internationales, a publié le 18 février dernier un article mettant à l’honneur le dossier du numéro d’hiver (n°4/2016-2017) de Politique étrangère : « Méditerranée, mer de toutes les crises ? ».

 

« Méditerranée, une idée d’empire. Du Mare Nostrum romain à l’empire européen sans frontière, qui s’imagine aujourd’hui rongé par les vagues de migrants ».

Formidable sujet que celui de la revue d’hiver. Un espace maritime et ses rives, brassant toute l’Histoire au carrefour de civilisations de première importance, comportant les zones sensibles où bat le plus dangereusement le pouls de la Géopolitique actuelle, charriant les flux de populations, migrants fuyant les guerres ou émigrés clandestins, par voies de terres et bien plus de mer, qui donnent à la Méditerranée cette représentation de tombeau – 10000 morts depuis 2014 – qui pour la plupart d’entre nous signe indéfectiblement cet espace géographique. Méditerranée, zone de tous les dangers, malheurs, et, pour certains, menaces ? Réalité, qui, comme tout ce qui porte un tel niveau de crises, véhicule son lot de fantasmes et de représentations approximatives ou fallacieuses.

Aussi pouvons-nous être particulièrement reconnaissants à la revue PE, qui, tout en mettant sur la table l’état le plus pointu des savoirs géographiques, historiques, géopolitiques, aborde également ce sujet, vaste et mouvant, par des faces moins connues, pour autant parfaitement pertinentes, et garantes de mieux armer nos connaissances. Méditerranée ; a priori, du « connu » ? A voir.

6 solides et copieux articles se partagent ces regards croisés sur La Méditerranée, mer de toutes les crises ? Le point d’interrogation n’étant pas rien dans la problématique. Jean-François Daguzan place d’utiles jalons d’entrée :« Les politiques méditerranéennes de l’Europe : trente ans d’occasions manquées ».

« Jamais le fossé n’a été  plus profond entre les rives de la Méditerranée alors que se dresse un mur physique et mental qui a pour nom : terrorisme, réfugiés, conflits ». L’auteur place le sommet de Barcelone 1995 comme l’ambition type et le ratage classique d’unir le destin de l’UE en plein élargissement et de certains pays riverains, s’étendant jusqu’à Israël, la Palestine, la Mauritanie, la Jordanie, excluant la Libye. Objectifs de paix, dans cette après-guerre froide, et de coopération économique, se donnant à l’horizon 2020 la possibilité d’une zone méditerranéenne de libre échange (Shimon Pérès en était l’un des inspirateurs, au nom du « New Middle East »). L’échec à venir à bout du conflit Israélo-Palestinien fut une des grandes raisons de sa paralysie. L’UE se rabattit sur « une politique de voisinage » en 2003, ensemble de partenariats bilatéraux entre l’Europe et les pays de la zone méditerranéenne. Dès son arrivée au pouvoir en 2007, N. Sarkozy mena « L’Union pour la Méditerranée », dont l’échec vint d’une volonté affichée de contourner la domination allemande, et de repousser aux calendes l’adhésion de la Turquie. Comme on descendrait des marches, ces stratégies passent, voit-on, d’ambitions de haute voilure, à de « simples » et habituels contrats de coopération entre l’UE et les États. Les Révolutions arabes de 2011 changent totalement la donne – les interlocuteurs ont changé, le terrorisme islamiste, et son volet sécurité, colorent tout. En 2016, une nouvelle politique méditerranéenne est amorcée ; on baigne encore dans cette séquence. Plus large, elle s’ouvre vers le Golfe et le Sahel, plus attentive aux nouvelles donnes, le défi démographique, les migrations, le climatique. L’article souligne les défauts réitérés d’une UE menant le bal, dans un modèle de toute puissance, n’ayant pas suffisamment saisi les changements structuraux de ses partenaires méditerranéens (ainsi, d’Israël bunkerisé, de l’Egypte paralysée, de la Tunisie aux prises à ses équilibres, de la Turquie renvoyée dans un rôle de frontière). La puissance supposée de l’UE s’effrite du coup en Méditerranée, et montent les voix des pays du Golfe, notamment, sans compter la Chine.

[…]

Les autres articles posent sur le lieu méditerranéen d’utiles regards, de nature à affiner l’analyse. Plus latéraux que centraux, non moins essentiels. Ainsi, des « industries de la migration » de Marseille à la plaque tournante Stambouliote (« Le commerce migratoire », Michel Peraldi), des formes si différentes des « Diplomaties navales » (Fernando Del Pozo, Ferdinando Santefelice di Monteforte, Patrick Hebrard), permettant avec d’excellents rappels historiques de mesurer l’état géopolitique des influences – celle des USA se retirant ; celle de la Russie poutinienne s’avançant, comme on sait. Richesses et notamment celles des énergies font évidemment partie de l’état des lieux. Ainsi, du Gaz trouvé en quantités de plus en plus importantes dans la partie orientale. C’est l’occasion de connaître le cas d’Israël en la matière : « De l’eau dans le gaz » (David Amsellem). Enfin, pages informatives au plus haut point, que cet article sur« La Chine en méditerranée ». Patronne de plus d’un port, dont Le Pirée, grande alliée de la Grèce, bâtissant une stratégie de partenariats saute-mouton – discussions actuelles avec la France – la Chine met « naturellement » le pied en Méditerranée.

Revenons en conclusion à l’éditorial de ce numéro PE : c’est bien « une Méditerranée réceptacle, réservoir de contradictions et de conflits… une des lignes de partage démographique de la planète » que présente la revue. Mais « définir aujourd’hui la Méditerranée, c’est s’interroger sur ce que nous voulons être, Européens, dans notre environnement ». « Un objet introuvable ? » cette Méditerranée ? Pas sûr.

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Méthode de recherche en relations internationales

Mon, 20/02/2017 - 12:00

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Pauline Poupart propose une analyse de l’ouvrage collectif dirigé par Guillaume Devin, Méthode de recherche en relations internationales (Presses de Sciences Po, 2016, 280 pages).

Cet ouvrage offre un tableau des différentes méthodes utilisées actuellement dans la recherche en relations internationales. Il est divisé en quatre grandes parties qui abordent successivement les questions de description et de comparaison, puis des cas plus concrets d’utilisation de différents types de ressources dans la discipline (archives diplomatiques, images, représentations spatiales ou portail internet de l’ONU). L’ouvrage évoque ensuite les questions de « terrain » (de la préparation à la pratique des entretiens). Enfin, une dernière partie très explicative évoque la question, généralement délaissée en France, des apports des approches quantitatives.

Il est donc bien question d’une « méthode », qui peut être utilisée à la fois par les étudiants, les doctorants souvent perdus dans les outils à leur disposition, ainsi que par toute personne qui s’interroge sur les méthodes de travail en relations internationales. En effet, cet ouvrage est construit sur un ensemble de contributions laissant s’exprimer spécialistes et praticiens, avec pour résultat un propos clair et très pédagogique. L’aridité de certaines approches théoriques ou chiffrées, la technicité de certains logiciels d’analyse – lexicométrique notamment – sont toujours explicitées par des cas concrets d’analyse (analyse comparée des discours de Bush Jr. et d’Obama, ou représentations cartographiques des migrations internationales…), ce qui attise la curiosité envers les diverses approches abordées.

Par ailleurs, les auteurs insistent sur la complémentarité des méthodes, ce qui peut rassurer les jeunes chercheurs qui craignent trop souvent le « bricolage » pouvant résulter de l’utilisation d’outils d’analyse de types différents. Cette vision permet également d’ouvrir d’autres perspectives pour le questionnement d’un objet de recherche donné. Ainsi, les chapitres sur l’analyse d’image, ou sur la représentation graphique dans l’analyse de discours (sous forme de nuages de mots clés pour un corpus de texte) sont particulièrement intéressants et actuels, dans un contexte où le déferlement d’images est quotidien, et où l’infographie devient un des supports explicatifs privilégiés par les médias. Cet ouvrage pousse donc à s’interroger à la fois sur la nature des ressources mobilisables lorsque l’on traite de sujets de relations internationales mais surtout sur leur combinaison possible.

Ce livre constitue une bonne introduction et un bilan clair des grandes techniques d’analyse en relations internationales. Il peut apparaître comme trop général pour les familiers de certaines méthodes, mais il a le mérite d’articuler réflexions théoriques et conseils pour la pratique. Les références bibliographiques proposées pour chaque approche donnent un bon aperçu des ouvrages de référence, et l’on peut également y trouver des réponses à des questions concrètes, trop souvent peu abordées, sur l’élaboration même de la recherche (préparation du terrain, enjeux des entretiens, question de confidentialité…). Praticiens comme étudiants en relations internationales pourront donc y trouver des éléments d’interrogation sur les outils qu’ils utilisent, mais aussi des perspectives techniques nouvelles pour leur recherche.

Pauline Poupart

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The Choppers Boys. Helicopter Warfare in Africa

Fri, 17/02/2017 - 09:47

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Rémy Hémez, chercheur au Laboratoire de recherche sur la défense (LRD) à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Al J. Venter, The Chopper Boys. Helicopter Warfare in Africa (Hélion & Company, 2016, 296 pages).

The Chopper Boys. Helicopter Warfare in Africa est une réédition revue et augmentée d’un ouvrage paru en 1994. Le journaliste sud-africain Al J. Venter est un bon connaisseur des guerres africaines : il a commencé sa carrière de correspondant de guerre au Nigeria en 1965 et a couvert ensuite de nombreux conflits : Rhodésie, Soudan, Sierra Leone, etc.

La couverture de ce volume représentant des hélicoptères Tigre et un Gazelle attire immédiatement l’œil du lecteur français. Ce dernier est cependant rapidement déçu puisque la légende de cette photographie indique que ces appareils appartiennent à l’armée de l’Air : or ils sont de l’Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT). C’est là un détail pour beaucoup, pourtant symptomatique des imperfections qui viennent émailler les contributions sur l’action des hélicoptères français en Afrique. C’est ainsi que les chapitres sur l’Algérie (1954-1962), les guerres du Tchad (1969-1987) et le Mali (2013) sont imprécis et incomplets. Dommage, surtout si l’on considère que la guerre d’Algérie fut en quelque sorte la première guerre des hélicoptères, et que de bonnes sources en anglais existent sur le sujet. Enfin, et pour finir sur le cas français, il est étonnant que l’intervention en Libye de 2011 n’y soit pas traitée, tant l’ALAT y a joué un rôle clé, déjà bien documenté.

En fait, l’auteur ne vise ni l’exhaustivité ni un caractère scientifique. Il procède par touches, sans se soucier de chronologie. On trouve ainsi dans ce livre 36 chapitres très variés et de qualité inégale sur les Russes en Angola, les guerres portugaises en Afrique, l’opération britannique Palisser en Sierra Leone, ou encore l’intervention américaine en Somalie. Mais le cœur de l’ouvrage et la majorité de ses chapitres tournent autour des guerres de frontières sud-africaines (1966-1988) et du conflit en Rhodésie. Ces parties forment le véritable intérêt du livre. On y trouve par exemple de bonnes informations sur les Fire Forces rhodésiennes, ces équipes aéromobiles et aéroportées mises en place dans le cadre de la lutte contre les mouvements de libération zimbabwéens. Elles constituent un bon exemple d’adaptation tactique mais aussi technique, impliquant notamment l’ajout d’armement de bord sur des hélicoptères Alouette III. Les opérations menées par les Koevoet – une unité contre-insurrectionnelle sud-africaine – en liaison avec les hélicoptères donnent aussi lieu à des développements intéressants. The Chopper Boys contient aussi des témoignages rares, comme un récit du capitaine sud-africain Tinus von Risburg, dont l’hélicoptère fut touché par une roquette lors d’une opération menée en Angola contre le SWAPO en 1980, et qui rejoignit la frontière sud-africaine à pied en échappant à ses poursuivants.

Cet ouvrage de grand format très richement illustré n’est pas désagréable à lire. Il est intéressant en ce qui concerne les guerres des frontières sud-africaines et le conflit rhodésien, tous deux peu abordés en France. Mais le manque de rigueur scientifique de l’ensemble, l’absence de mise en perspective conceptuelle et historique de la guerre des hélicoptères, et ses impasses importantes l’empêchent d’aspirer au statut de livre de référence, sur un sujet qui en mériterait pourtant un.

Rémy Hémez

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India at the Global High Table

Tue, 14/02/2017 - 10:58

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Isabelle Saint-Mézard propose une analyse de l’ouvrage de Teresita Schaffer et Howard Schaffer, India at the Global High Table (Washington D.C., Brookings Institution Press, 2016, 352 pages).

Anciens diplomates, les auteurs apportent dans ce nouvel ouvrage un éclairage particulièrement intéressant sur les pratiques diplomatiques indiennes. La première partie – assez classique – propose une analyse systémique de la politique indienne : les grands principes depuis l’indépendance, les différentes visions que les dirigeants indiens ont de la place de leur pays dans le monde, les mécanismes de la prise de décision en politique étrangère.

Cette partie rappelle que depuis l’indépendance la politique étrangère indienne se caractérise par deux grandes constantes. Elle a toujours cherché à imposer l’Inde comme puissance prédominante dans son environnement immédiat et s’est toujours attachée à tracer une voie singulière – proprement indienne – sur la scène mondiale, sous la forme du non-alignement des années 1950 aux années 1980, ou sous celle de l’autonomie stratégique depuis les années 1990. Troisième principe directeur depuis les années 1990 : faire de la croissance économique un levier de puissance.

Le meilleur de l’ouvrage se trouve dans la deuxième partie, consacrée à l’étude des pratiques de négociation indiennes. En l’espèce, les auteurs analysent ces pratiques surtout au prisme de la relation indo-américaine et de ses divers dossiers (sécurité et défense, nucléaire, économie). Mais les caractéristiques qu’ils décrivent valent pour l’ensemble des relations extérieures indiennes. Les auteurs rappellent ainsi que, quel que soit l’organe partie prenante des négociations – Bureau du Premier ministre, ministères des Affaires étrangères, du Commerce ou de la Défense – les négociateurs indiens sont en sous-effectif. Les décisions sont, elles, prises en lien étroit avec le sommet de la hiérarchie politico-administrative. Par ailleurs, les dossiers classés prioritaires font l’objet d’une préparation très détaillée. Mais ceux considérés comme secondaires accusent d’inévitables retards, « résultat d’un système qui récompense la prudence et “l’absence d’erreurs” plus que l’efficacité ou la prise de risque ».

Concernant le style de négociation indien, les auteurs le décrivent comme un « mélange de noblesse d’esprit et de dureté ». Les négociateurs indiens répugnent ainsi à se trouver dans une position de demandeurs, d’abord parce que cela blesse leur fierté, ensuite parce qu’ils craignent d’être désavantagés s’ils font le premier pas. Autre caractéristique, ils témoignent d’une susceptibilité exacerbée sur les questions de souveraineté, et d’une volonté farouche d’éviter tout engagement qui mettrait le pays dans une situation de dépendance. Ces caractéristiques s’exacerbent en contexte multilatéral où, d’après les auteurs, les Indiens abordent les dossiers sur le registre de la moralité et de l’équité. Ils s’enferment alors dans une position maximaliste, qui conçoit les négociations comme un jeu à somme nulle, et le compromis comme un aveu de faiblesse. Ils peuvent même opposer un « non » catégorique à certains accords, quitte à saborder l’ensemble d’un processus de négociation multilatéral (comme cela fut le cas en 2014, lorsque l’Inde mis en péril les accords conclus à la 9e conférence ministérielle de l’OMC à Bali).

Ouvrage riche et instructif, India at the Global High Table a en somme le grand mérite de montrer combien diplomates et négociateurs indiens sont collectivement imprégnés de la « conviction que l’Inde est unique, et qu’elle peut donc exiger des solutions uniques ».

Isabelle Saint-Mézard

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Histoire de l’Irlande. De 1912 à nos jours

Fri, 10/02/2017 - 10:45

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Marie-Claire Considère-Charon propose une analyse de l’ouvrage d’Alexandra Slaby, Histoire de l’Irlande. De 1912 à nos jours (Paris, Tallandier, 2016, 464 pages).

Cet ouvrage paraît cent ans après l’insurrection de Pâques 1916, qui a donné lieu à de nombreuses commémorations. Même si le bien-fondé de l’insurrection continue à faire débat, elle demeure, bien que minoritaire, la grande césure de ce XXe siècle irlandais, associée à une symbolique qui continue de hanter l’imaginaire collectif. L’auteur toutefois ne choisit pas d’ouvrir son étude à cette date mais par l’année 1912, où le projet d’autonomie destiné à toute l’Irlande (Home Rule) recevait à nouveau l’aval de la Chambre des communes sans le risque d’être bloqué par les Lords.

1912 et 1916 renvoient à deux visions distinctes et concurrentielles de la nation irlandaise, à deux projets politiques divergents autant par les moyens (voie parlementaire ou lutte armée) que par l’objectif ultime (autonomie sous l’autorité de la Couronne ou pleine indépendance). Du fait de l’intrusion d’un conflit mondial qui allait peser sur le destin de l’Europe et de l’hostilité des Unionistes d’Ulster, farouchement opposés à tout compromis avec les Nationalistes, le projet de Home Rule sera abandonné, cédant le pas à la guerre d’indépendance, l’escalade de la violence, la partition de l’île et le chaos de la guerre civile dont les séquelles marqueront la vie politique de l’Irlande dans les décennies suivantes.

En interrogeant le travail des historiens passés et contemporains, l’auteur pose la question de l’historiographie qui, après avoir été longuement dépourvue de sens critique vis-à-vis des héros nationalistes, a, dans les années 1970, fait apparaître une lecture « révisionniste » qui entend déconstruire les récits hagiographiques. Entre deux lectures aussi tranchées, Alexandra Slaby parvient à livrer une analyse contrastée et nuancée, à l’abri de tout a priori.

Le livre suit un découpage chronologique réparti en dix chapitres qui peuvent se lire séparément comme autant de tranches d’histoire. Il propose également une galerie de portraits fouillés de ceux qui ont fait l’Irlande et changé le cours de son histoire. Parmi tant d’autres, la haute stature de De Valera, seul survivant de l’exécutif des Pâques sanglantes, domine sans conteste.

Un certain nombre de questions sont parallèlement traitées avec doigté et talent. Il en est ainsi de la neutralité irlandaise et des répercussions qu’elle a eues sur les relations de l’Irlande avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, de l’évolution du système politique des « deux partis et demi », spécificité irlandaise qui, malgré ses insuffisances, a réussi à instaurer une alternance démocratique et des transitions sereines, ainsi que de la place de l’Église catholique et de l’emprise qu’elle conserva si longtemps sur les esprits jusqu’à ce que son déclin s’amorce de façon irrémédiable, après les nombreux scandales et abus qui entachèrent la réputation de tout un clergé.

L’on ne peut que rendre hommage à cette précieuse contribution qui séduit par la pertinence de ses analyses et son approche pluridisciplinaire intégrant des observations et des réflexions sur les politiques culturelles, la littérature et le cinéma. L’auteur parvient largement à éviter le récit fastidieux en proposant une chronique au style alerte, émaillée de commentaires instructifs et éclairants pour le lecteur avisé qui trouvera dans les nombreuses notes et une importante bibliographie tous les outils nécessaires pour approfondir sa réflexion sur « le peuple le plus résilient au monde ».

Marie-Claire Considère-Charon

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