(B2) La Chef de la diplomatie européenne a tenu un propos très politique, devant un aéropage de hauts fonctionnaires européens et africains, réunis à Malte pour faire le point sur le plan conjoint d’action sur les migrations de la Valette. « La migration ne peut être gérée efficacement que par la coopération et le partenariat » entre les pays européens et africains — a démarré la Haute Représentante.
Construire des murs, ce n’est pas la méthode européenne
Et d’enchaîner : « Il y a des forces partout dans le monde qui poussent à une approche totalement différente : une approche basée sur la confrontation plutôt que sur la coopération, sur la construction de murs plutôt que sur la construction de partenariats, sur les fermetures et les interdictions plutôt que sur le dialogue. Ce n’est pas la voie africaine. Ce n’est pas la façon dont nous partageons autour de cette table. » Une déclaration qui vise clairement Donald Trump mais aussi certains dirigeants européens qui ne sont pas loin de penser la même chose. Une manière aussi de répondre à certaines attaques, venues des ONG ou même de responsables africains, accusant l’Europe de ne pas vouloir prendre sa part du fardeau des migrations et de se décharger sur le continent noir de cette tâche.
Un déni des droits de l’Homme…
Ce n’est pas la première fois que la Haute représentante de l’Union, exprime ses fortes réticences par rapport à l’administration Trump. Au Parlement européen, début février, juste après la publication des décrets du nouveau président américain bannissant quelques nationalités des États-Unis. Elle s’était écriée : « Personne ne peut être privé de ses droits à cause de son lieu de naissance, de sa religion ou de son ethnie. C’est dans toutes nos constitutions, dans l’Union européenne (comme) aux États-Unis ». « L’Union européenne ne tournera pas le dos contre quiconque a le droit à la protection internationale. Et nous nous continuerons de le faire. » Un propos qu’on ne peut soupçonner de venir d’une personne hostile à l’Amérique. Formée à la Marshall Fund, Federica Mogherini a toujours été en faveur de liens étroits transatlantiques et n’a jamais caché son admiration pour le modèle américain… et la politique du président Obama. Mais la coupe semble être pleine.
(NGV)
Le salut fraternel entre les deux marines libyennes et italiennes (crédit : Marine italienne)
(B2) Ils étaient presque 90 sur le San Giorgio, le navire italien de débarquement, ancré dans le port de la Valette (à Malte), à se voir remettre par la Haute représentante de l’UE, Federica Mogherini, leur diplôme de fin de formation ce mercredi (8 février) (1).
Ces 89 garde-côtes, marins et officiers de la marine libyenne ont suivi des cours théoriques et pratiques, durant plusieurs semaines, avec leurs collègues européens (à bord du San Giorgio et du navire néerlandais Rotterdam), avec plusieurs modules à leur programme. Objectif : acquérir toutes les notions de secours en mer, mais aussi de contrôle du trafic maritime, d’intervention à risque — parmi des réfugiés qui comptent femmes et enfants —
Une capacité à opérer dans les eaux territoriales
C’est la première cérémonie du genre. Et une petite fierté certaine pour tous les hommes engagés dans l’opération Sophia (EUNAVFOR Sophia). Chacun sait en effet que la lutte contre les réseaux de passeurs et autres trafiquants au large de la Libye, comme le sauvetage des nombreux navires transportant des migrants, menée par les Européens est un puits sans fond, si les Libyens ne prennent pas le relais rapidement (2).
C’est « une priorité pour l’Union européenne » a d’ailleurs souligné Mogherini. « Ce ne sont pas seulement des diplômes que nous remettons aujourd’hui » mais ce que nous permettons aussi c’est de développer « une capacité à opérer dans les eaux territoriales le long des côtes », a-t-elle ajouté s’adressant aux garde-côtes et marins mais aussi à leur chef, le Commodore Abdalah Toumia. Cette « capacité libyenne vise à sauver des vies et lutter contre la contrebande humaine mais aussi de sécuriser les côtes libyennes contre le trafic illicite d’armes, de drogues et de pétrole ».
Au tour de l’Est libyen maintenant ?
L’ambition pour les Européens est de répéter cette formation pour une nouvelle série d’environ 80 stagiaires provenant, cette fois, du secteur « Est » des garde-côtes libyens. Un point notable pour les Européens. « C’est la première fois que le chef de la garde-côte libyenne a spécifiquement demandé de coopérer avec l’Est. Et cela pourrait être un important signe d’une nouvelle volonté de construire une capacité maritime complète, tout au long de la côte libyenne » avait indiqué précédemment le contre-amiral Credendino, dans un compte-rendu fait aux ambassadeurs de l’UE, selon nos informations. Une gageure cependant du point de vue de la sécurité comme de la fiabilité des stagiaires. Les deux bouts de la Libye ne se parlent plus vraiment. « La procédure de vérification (vetting) des garde-côtes pourrait probablement être plus difficile car les contacts de la garde-côte libyenne avec ces secteurs sont moins fréquents ».
En attente des navires
Il s’agit aussi pour les Européens de tenir leurs engagements désormais. Les Libyens attendent de se voir livrer les douze navires qui sont actuellement retenus (en Tunisie notamment). Le gouvernement italien a promis de procéder à ces équipements. Encore faut-il obtenir du comité des sanctions de l’ONU, l’autorisation de livrer ces navires. La Libye est encore, en effet, officiellement, sous l’objet de l’embargo sur les armes, imposé lors de l’opération d’interposition menée par l’OTAN et la communauté internationale en 2011. Ce qui ne doit pas poser trop de problème… normalement.
(Nicolas Gros-Verheyde)
NB : Tous les visages des garde-côtes et marins libyens sont floutés. Question de sécurité pour eux-mêmes et leurs familles.
(1) Le Premier ministre maltais, Joseph Muscat (qui assure la présidence tournante de l’UE) était présent ainsi que la ministre italienne de la Défense, Roberta Pinotti. L’effort principal dans la formation ayant été fait par les Italiens.
(2) Du côté européen, on sait très bien que l’autorisation de pénétrer dans les eaux territoriales ne pourra que difficilement être donné par un gouvernement libyen, encore précaire, et très chatouilleux sur sa souveraineté. Tout l’effort est donc de permettre aux Libyens d’avoir les moyens d’agir dans leurs eaux. Et, à ce moment-là, il sera peut-être envisageable d’aller vers une coopération entre les marines, permettant de coopérer dans les eaux territoriales libyennes, sous plusieurs conditions (notamment le respect de l’autorité et du commandement libyen).
Lire aussi :
Le général Bradshaw, actuel DSaceur, est le commandant d’opération désigné pour l’opération EUFOR Althea en Bosnie-Herzégovine. Après 2019, cette position ne pourrait plus être occupée par un Britannique, Brexit oblige (crédit EUFOR Althea avril 2014 / Archives B2)
(B2) Depuis des années, le commandant adjoint des opérations de l’OTAN — le DSaceur pour les intimes — est un ressortissant de sa Gracieuse Majesté (le commandant étant toujours un Américain). Et si cette tradition cessait du fait du Brexit ? Cette hypothèse n’est pas totalement farfelue. Et elle a été évoquée très sérieusement par le réputé RUSI, l’Institut royal des relations internationales, établi à Londres (télécharger ici son étude publiée en janvier).
« Il est possible que la position du Royaume-Uni au sein de la structure de commandement de l’OTAN puisse également être affectée par la sortie de l’UE. On discute déjà de la possibilité que l’affectation du poste de commandant suprême allié (DSACEUR) au Royaume-Uni, qu’elle détient depuis 1951, puisse être transférée à un membre de l’OTAN membre de l’UE ».
Et le RUSI de rappeler — s’appuyant sur l’histoire — qu’il existe des alternatives.
« Une deuxième position de DSACEUR pourrait être recréée (l’Allemagne occupait ce poste jusqu’en 1993), ou le Royaume-Uni pourrait échanger sa position actuelle pour le rôle important de chef d’état-major. »
Même si le résultat réel de ce changement reste assez « limité » au plan opérationnel, « le fait qu’ils soient déjà soulevés est un message clair qui indique que le rôle et l’influence du Royaume-Uni au sein de l’OTAN ne peuvent pas être totalement isolés des conséquences de Brexit » insiste l’éminent institut.
Commentaire : une réflexion à avoir…
Si cette hypothèse reste… hypothétique, il parait certain, en revanche, qu’un Britannique ne pourrait plus assurer le rôle de commandant d’opération pour une opération européenne dans le cadre des accords de Berlin Plus (1). A supposer que ce type d’opération européenne recourant aux moyens de l’OTAN soit encore utilisée après 2019 (date supposée de la séparation réelle du Royaume-Uni avec l’UE).
L’OTAN va devoir trouver une solution, une parade. Officiellement la question n’est pas à l’ordre du jour. Officieusement dans les couloirs, on cogite. L’Alliance pourrait fort bien désigner un commandant d’opération pour les accords de Berlin Plus autre que le DSaceur.
Cette disposition n’est pas vraiment prévue par les accords de Berlin Plus mais elle n’est pas non plus totalement exclue. Les accords soulignent ainsi que « In this case, Deputy Supreme Allied Commander Europe (DSACEUR) is the primary candidate for EU Operation Commander ». Autrement dit, le DSaceur est candidat naturel mais il n’est pas sacralisé.
Cette solution aurait l’avantage de ne pas bouleverser la hiérarchie à l’Alliance. Après tout, le Royaume-Uni est, en termes de budget, le pays qui a le plus gros budget après les États-Unis. Et il a toujours tenu une position ferme sur le rôle de l’OTAN comme participer de façon intensive à toutes ses opérations (1). Il n’y a donc, a priori, aucune raison de changer ce dispositif.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Contrairement à ce qui se passe du côté de l’UE.