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« 1968 : Quand l’Amérique gronde » – 3 questions à Jean-Éric Branaa

IRIS - lun, 28/05/2018 - 16:41

Jean-Éric Branaa (https://www.branaa.fr/) est chercheur associé à l’IRIS, spécialiste des États-Unis. Maître de conférences à l’université Paris II Panthéon-Assas, il répond à mes questions à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage « 1968, quand l’Amérique gronde », aux éditions Privat.

Pourquoi soutenez-vous le fait que Donald Trump souhaite revenir aux États Unis d’avant 1968 ?

Il nous faut nous rappeler de ce qu’ont été les États-Unis durant les années soixante : le pays n’avait pas encore atteint 200 millions d’habitants, mais 70 millions d’entre eux étaient encore quasiment des adolescents. C’est ce que l’on a appelé la génération du baby-boom, une conséquence du retour des soldats de la guerre, après une très longue absence. Les États-Unis pensaient alors s’appuyer sur cette jeunesse pour doper leur extraordinaire réussite de l’après-guerre.

Car c’était alors un pays non seulement très riche, mais qui connaissait aussi une croissance incroyable. Le pays produisait de plus en plus et s’était lancé à corps perdu dans la société de consommation de masse. On a vu de profonds changements dans la façon de vendre ou d’acheter et certains produits ont porté une symbolique forte. Ainsi, l’automobile, qui a tenu une place très particulière dans cette société. Elle est devenue un objet social, reflet de cette époque : les Américains la voulaient belle pour épater leurs amis et leurs voisins.

Cette décennie a souvent été décrite comme une société dirigée par l’acte de consommer. Les grandes surfaces se sont développées et multipliées partout, à la sortie des villes, qu’elles soient grandes ou petites, et en particulier le long des highways, ces routes qui traversent tous les États. La télévision a pris une place prépondérante dans la vie de chaque Américain : en 1968, il y avait déjà 56 millions de postes de télévision dans les foyers américains, qui étaient donc équipés à 95%. La télévision a véhiculé une vision très conservatrice de la société. Jusqu’aux années 1970, c’était un privilège d’apparaître à la télévision, plutôt réservé aux Américains caucasiens. Être blanc représentait une normalité qui n’était pas remise en question, quel que soit le type de programme (divertissement, sport, informations ou publicités).

Dans le poste, comme dans la société, il y avait un manque flagrant de diversité raciale ou de genre, absence que l’on retrouve avec la même vigueur au sein des classes sociales. La télévision s’adressait avant tout à ceux qui pouvaient s’offrir à la fois le poste et les produits qui étaient promotionnés par la publicité. Les classes sociales les plus modestes et le monde paysan ont en conséquence été délaissés et peu représentés. Les héros mis en avant étaient tous des médecins, des avocats, des journalistes et des chefs d’entreprise. Les autres professions, en particulier les métiers manuels, étaient dépeintes de manière négative ou peu reluisante, comme c’était déjà le cas avec les minorités raciales.

C’est dans ce monde qu’a grandi Donald Trump, lui qui était âgé de 22 ans en 1968. Il était donc un jeune adulte, tout comme la plupart de celles et ceux qui dirigent l’Amérique d’aujourd’hui. Leur imaginaire s’est formé autour de cette image très masculine – voire machiste – qui était projetée, avec une place très réduite pour les femmes, les minorités et les classes sociales les plus basses. C’est là qu’ils ont tous puisé leurs repères et leur construction d’adulte. Et c’est dans ce monde-là que le président américain veut effectivement revenir et ramener son pays. C’est le message subliminal, mais pourtant fort, de son slogan : « rendre à l’Amérique sa grandeur ».

Pourquoi percevez-vous la période 68-71 comme un bloc marquant la fin du siècle américain ?

Quand on évoque le siècle américain, on pense bien évidemment à Olivier Zunz et son ouvrage éponyme, au sein duquel il décrit l’attitude de ce pays qui réécrit sa propre histoire et en gomme les défauts. Depuis la fin du XIXe siècle, les élites libérales américaines ont tenté de construire une société parfaite, basée sur le capitalisme, qu’elles ont alors proposée aux autres peuples. Les Américains avaient la certitude que la classe ouvrière pouvait être détournée de la lutte des classes grâce à des salaires revus à la hausse. La société serait donc plus juste et plus prospère et cette classe ouvrière n’aspirerait qu’à un seul but, celui de devenir une classe moyenne.

La fin du XIXe siècle est un moment charnière dans l’histoire des États-Unis qui, avec la fin de la guerre hispano-américaine, jouent un plus grand rôle sur la scène internationale. Ils adoptent alors le protectionnisme pour protéger leur industrie et McKinley s’engage sur la voie de l’isolationnisme et de l’interventionnisme choisi, qui sera plus flagrant encore avec Theodore Roosevelt et son Corollaire à la doctrine de Monroe de 1904, proclamant le droit pour les États-Unis d’intervenir n’importe où en Amérique du Sud.

Le vrai tournant est bien entendu l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui devient la norme commune pour tous les États membres de la nouvelle institution créée trois ans plus tôt, l’Organisation des Nations unies (ONU). Mais on en est encore à un niveau politique et institutionnel, sans que les peuples ne se soient véritablement associés au processus. C’est pourtant ce qui arrive bien vite, lorsque les Américains réalisent que leur démocratie, ainsi basée sur le capitalisme, n’a pas gommé les plus criantes inégalités. Les Noirs en ont été exclus, mais aussi, les femmes, et toutes les minorités. Pire, nous dit Harrington, les Blancs eux-mêmes ont créé un sous-ensemble qu’ils ont refusé d’assumer : celui des pauvres.

Les années soixante deviennent alors un long combat de tous ces exclus pour la reconnaissance de leur situation et la fin des sixties marque la fin de ce siècle américain qui a montré ses limites et n’est plus supportable pour une grande partie de ce peuple.

La révolte étudiante est-elle aussi aux États-Unis l’image la plus marquante de l’année 68 ?

La révolte américaine est plus globale et plus profonde que les mouvements qui éclatent un peu partout dans le monde. La comparaison avec un autre pays trouve donc rapidement ses limites. Ainsi, en France, le mouvement étudiant devient l’élément central de la contestation : il est voyant, bruyant, mais également bref, principalement centré sur le mois de mai. Le mouvement étudiant américain n’est qu’une composante d’une révolution plus complexe : sur le socle d’une contestation à la guerre du Vietnam, la contestation est plus longue, mais aussi multiple, et ne cesse de se réinventer. On peut considérer que l’étincelle allumée par Samuel Harrington, qui déclenche la guerre à la pauvreté, est un élément moteur bien plus structurant. En réalité, il s’agit à chaque fois d’un même mouvement, commun à tout ce qui va survenir ensuite : le mouvement étudiant, les grèves ouvrières, la lutte pour les droits civiques, la seconde vague du féminisme, l’émergence d’un mouvement gay ou d’une conscience écologiste, la contre-culture, qui envahit tous les espaces et voit de l’art et de la vie partout et en tout.

Pour autant, le mouvement étudiant américain est fondamental, car il pose les bases politiques de tous ces bouleversements : il introduit et adapte le socialisme, ce qui semblait impossible dans un contexte de guerre froide intense. Par cela, il intensifie encore le choc de l’affrontement entre deux sociétés, qui se retrouvent dès lors dans un autre choc, celui des générations. La société « d’avant » ne comprend pas sa jeunesse ou – dit autrement – les parents ne semblent plus capables de comprendre leurs enfants. Tout va trop vite et trop loin aux yeux des plus anciens et des plus conformistes. Tout doit être réinventé aux yeux des plus jeunes : ceux-là introduisent donc le progressisme et, en donnant le pouvoir aux fleurs et à l’amour, entendent contester tous les modèles pour faire leurs propres expériences de la vie. En 1994, Bill Clinton déclarait : « si vous regardez derrière vous, vers les années 1960, et pensez qu’il y a plus de bon que de mauvais, vous êtes sans doute un démocrate. »

Les femmes ont brulé les soutiens-gorges, les gays ont gagné leurs quartiers à New York, les artistes ont libéré leur imagination, les noirs ont regagné leurs droits civiques, il y a tant à décrire dans cette Amérique en ébullition ! L’image qui est à retenir n’est pas tant celle de la révolte étudiante, de ses luttes pour l’inclusion, la liberté d’expression, ou pour réinventer la société : l’image forte est bien celle de la révolte de TOUTE sa jeunesse et de la cassure entre deux mondes, celui d’avant et celui d’après, que l’on retrouve dans toutes les strates de la société, jusqu’à la mode, le sport, la musique ou les objets du quotidien. C’était toute la jeunesse de l’Amérique qui grondait alors.

 

Les bienfaits de la donnée

Institut Montaigne - lun, 28/05/2018 - 15:43

Faut-il encourager ou restreindre l’utilisation des données personnelles ? 

Le 25 mai 2018, le Règlement général sur la protection des données, marqueur de la volonté européenne de se distinguer de ses voisins chinois et américains concernant l’utilisation des données personnelles, est entré en vigueur. 

Ancré dans un contexte de défiance croissante des utilisateurs envers les grandes plateformes…

Les bienfaits de la donnée : le point de vue des chargés d’études

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Macron-Poutine, une voie bien étroite

Institut Montaigne - lun, 28/05/2018 - 13:50

En Syrie comme sur le dossier du nucléaire iranien, Moscou n'est plus sous-estimé comme il a pu l'être par le passé. Attention toutefois à ne pas commettre l'erreur inverse en surestimant sa puissance.

Pour un président français qui vient d'entrer dans la deuxième année de son mandat, il convenait d'abord de dissiper les "ombres" laissées par la récente rencontre à Washington avec le président américain : trop de…

Macron-Poutine, une voie bien étroite

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Jours sombres en perspective pour la démocratie en Turquie

Fondapol / Général - lun, 28/05/2018 - 13:08

Dominique Reynié était l’invité d’Yves Calvi dans L’info du Vrai sur Canal Plus pour analyser la situation politique en Turquie. L’émission dans son intégralité ici.

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L'Europe et la puissance

Fondation Robert Schuman / Publication - lun, 28/05/2018 - 02:00
Les formes de la puissance Définitions philosophiques de la puissance La "puissance" peut s'opposer à la notion d'impuissance ou de faiblesse. Mais elle peut aussi se référer à la distinction classique, remontant au moins à Aristote, de la puissance et de l'acte. On peut dire que les...

Fondation, L'Europe de la Défense, une ambition, une exigence

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
La Ville de Saint-Malo et la Maison de l'Europe Rennes et Haute-Bretagne organisent conjointement le 1er juin une conférence sur le thème de l'Europe de la Défense. Jean-Dominique Giuliani y intervient sur les dernières avancées sur le sujet.

Fondation, Rapport Schuman 2018 sur l'état de l'Union

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
Le "Rapport Schuman 2018 sur l'état de l'Union" est disponible en français et en anglais. Cette édition analyse les défis auxquels l'Europe doit faire face. Un entretien exclusif avec le président français Emmanuel Macron, des cartes et statistiques commentées, offrent une vue complète de l'Union européenne. Vous pouvez le commander en ligne sur notre site, le trouver au format numérique ou en librairie.

Commission, Publication du rapport de printemps du semestre européen

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
Le paquet de printemps du semestre européen 2018 a été publié par la Commission européenne le 23 mai. Celle-ci recommande notamment aux Etats membres d'accélérer leur processus de mise en place d'une croissance soutenue, inclusive sur le long terme. Les lignes directrices économiques décrites dans ce rapport seront valables pour les 12 à 18 prochains mois. Elle a proposé de sortir la France de la procédure pour déficit excessif ouverte contre elle en 2009.

Commission, Budget 2019 : un budget axé sur la continuité et la mise en œuvre

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
La Commission européenne a présenté le 23 mai sa proposition pour le projet de budget 2019 de l'Union. Le budget, qui se chiffre à 166 milliards € en crédits d'engagement, soit en hausse de 3 % par rapport à 2018, vise à investir dans une économie européenne plus forte et plus résiliente et à promouvoir la solidarité et la sécurité de part et d'autre des frontières de l'Union.

Commission, RGPD : les nouvelles règles ont pris effet le 25 mai

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
Les nouvelles règles européennes en matière de protection des données, qui renforcent les droits des citoyens et simplifient les règles pour les entreprises, sont entrées en vigueur le 25 mai. Le nouveau règlement général avait été adopté en avril 2016 et vise à protéger les citoyens contre toute violation de leur vie privée et de leurs données, dans un monde de plus en plus basé sur les échanges de données, tout en créant un cadre plus clair et plus cohérent pour les entreprises.

Commission, Union des marchés des capitaux : faciliter le financement des petites entreprises

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
Le 24 mai, la Commission européenne a proposé de nouvelles règles visant à faciliter l'obtention de financements sur les marchés boursiers pour les petites et moyennes entreprises (PME). Cette initiative, qui s'inscrit dans le cadre du programme pour la mise en place d'une union des marchés des capitaux (UMC), a pour but d'aider les entreprises européennes qui souhaitent se développer à se financer plus facilement, et à moindre coût, sur les marchés.

Commission, Union financière : la Commission en faveur de plus d'intégration financière

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
La Commission a proposé le 24 mai de nouvelles règles qui autoriseront le marché à offrir des solutions pour contribuer à intégrer et à diversifier le secteur financier européen, afin de construire une Union économique et monétaire plus forte et plus résiliente. Cette mesure supprimera les obstacles réglementaires non justifiés à l'élaboration par le marché de titres adossés à des obligations souveraines. Il s'agirait de titres de créance sur un portefeuille d'obligations des États membres de la zone euro, émis par des établissements privés.

Commission, Faire du secteur financier un acteur majeur de la lutte contre le changement climatique

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
La Commission a publié le 24 mai les premières actions concrètes permettant au secteur financier européen de montrer la voie vers une économie plus verte et plus propre. En effet, la participation du secteur financier stimulera considérablement les efforts visant à réduire notre empreinte écologique tout en renforçant la durabilité et la compétitivité de l'économie européenne.

Commission, Une Europe pour la jeunesse

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
La Commission européenne a annoncé la mise en place d'une Zone européenne pour l'Education d'ici à 2025. Cette initiative permettra de renforcer l'aspect culturel de l'Union européenne et la participation de la jeunesse grâce à de nombreuses mesures comme la "stratégie pour la jeunesse" ou encore un Agenda pour la Culture.

Commission, Justice fiscale de l'UE : vers un espace de TVA unique et étanche à la fraude

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
La Commission a proposé le 25 mai des modifications techniques des règles européennes relatives à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui viennent compléter la proposition de réforme du système visant à le rendre plus résistant à la fraude, estimée à 50 milliards €. Elles ont pour but de faciliter la tâche des entreprises mettant ainsi fin à 25 ans de régime "transitoire" de TVA au sein du marché unique.

Parlement, Mark Zuckerberg devant les députés européens

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
Le fondateur et PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, s'est rendu au Parlement le 22 mai pour une réunion avec le Président Tajani et les dirigeants des groupes politiques du Parlement. Il a dû répondre aux questions des députés sur la protection des données, les nouvelles règles RGPD, les ingérences de Facebook lors des campagnes électorales ces dernières années ou encore l'avenir des publicités et autres contenus ciblés.

Conseil, Défense européenne : accord pour un programme de développement industriel

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
La présidence bulgare et des représentants du Parlement européen ont annoncé le 23 mai la mise en place d'un nouveau programme de développement industriel pour la défense européenne. Après avoir suivi la procédure législative classique, le texte sera voté en 2019 pour que les premiers effets concrets apparaissent en 2020.

Conseil, Conclusions du Conseil "Education, jeunesse, culture et sport"

Fondation Robert Schuman / Actualités - lun, 28/05/2018 - 02:00
Lors du Conseil "Éducation, jeunesse, culture et sport" des 22 et 23 mai, les ministres ont adopté des conclusions sur la création d'une Zone européenne pour l'Éducation, la promotion d'une éducation inclusive en Europe, le rôle de la jeunesse face au défi démographique, et la promotion des valeurs européennes à travers le sport. Ils ont également discuté des priorités pour la future Politique de la jeunesse et de l'investissement dans la culture afin qu'elle soit au premier plan des politiques dans l'Union.

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