In the context of the exponential growth of the coronavirus disease (COVID-19), the President of the European Parliament has announced a number of measures to contain the spread of the epidemic and to safeguard Parliament's core activities.
On 2 July 2020, the Conference of Presidents updated the EP's calendar of activities.
Core activities are reduced, but maintained to ensure that the institution's legislative, budgetary, scrutiny functions together with urgent matters in the field of human rights and democracy, are continued.
Following these decisions, the next DROI Subcommittee meeting is scheduled to take place on Monday 31 August from 13.45 - 15.45. The meeting will be held remotely.
Angela Merkel, sauveuse d’une Europe gravement fragilisée par la crise du coronavirus ? Depuis que la chancelière allemande s’est ralliée devant le Bundestag, le 13 mai dernier, à la surprise générale, à l’idée française d’une mutualisation partielle des dettes publiques nationales de reconstruction, elle est en passe de rejoindre dans le panthéon européen son glorieux prédécesseur et mentor, Helmut Kohl, l’un des pères de l’euro. Pour y gagner définitivement sa place, elle doit cependant encore convaincre quelques pays « radins », qu’elle soutenait jusque-là en sous-main, d’accepter que l’Union non seulement s’endette sur les marchés financier pour aider les pays les plus touchés par la récession sans précédent qui va submerger l’Union, mais que le remboursement soit à la charge du budget communautaire. Elle entend bien utiliser pour ce faire, les leviers que lui donne la présidence semestrielle du Conseil de l’Union qui revient à l’Allemagne à partir du 1er juillet pour inscrire son nom dans l’histoire européenne avant qu’elle ne quitte la chancellerie, en octobre 2021.
Depuis 2009, et l’entrée la présidence semestrielle est devenue largement symbolique et on en parle en général très peu. En effet, les Etats membres président seulement les réunions des différentes formation du Conseil des ministres, la branche législative qui représente les Etats, et encore pas toutes : le Conseil des ministres des affaires étrangères est présidé par le ministre européen des affaires étrangères et l’Eurogroupe (qui réunit les ministres des finances de la zone euro) par un président élu. Quant à l’enceinte la plus importante, le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, elle est aussi dirigée par un président élu, actuellement Charles Michel, un libéral belge… Mais le moment et le poids politique d’Angela Merkel vont bouleverser ce complexe ordonnancement : de facto, elle sera à la manœuvre.
Cadavre
Jusqu’à présent, Merkel n’a pas été une grande européenne, contrairement à ses prédécesseurs, seul le social-démocrate Gerhard Schröder ayant été aussi peu euro-enthousiaste qu’elle. Depuis 15 ans qu’elle est pouvoir, cette chrétienne-démocrate élevée dans l’ex-RDA n’a accepté de jouer européen qu’à la condition qu’elle ne nuise pas aux intérêts allemands et n’a jamais formulé la moindre proposition pour renforcer l’intégration communautaire. « Mais en même temps elle a toujours basculé au final du côté européen, souvent très loin de ses bases de départ », souligne-t-on à Paris, comme l’a montré par exemple la crise grecque : en juillet 2015, alors que son ministre des finances, Wolfgang Schäuble, voulait expulser la Grèce de la zone euro, elle s’y est in extremis opposée, mais en posant ses conditions, ce dont, au final, l’Allemagne n’a pas eu à souffrir.
Avec la crise du coronavirus, elle tient l’occasion unique de marquer de son empreinte l’Europe. Lors de la crise de la zone euro, entre 2010 et 2012, elle avait proclamer qu’il faudrait passer sur son cadavre pour créer des obligations européennes (« eurobonds »). Avec son pragmatisme habituel, elle a brutalement changé d’avis lorsqu’elle a pris conscience que sans solidarité financière avec les pays les plus touchés par la récession, les divergences économiques entre les pays du nord et du sud (dont la France) deviendraient intenables et mettraient en péril le marché intérieur et l’euro, sources de la richesse allemande. Surtout, un éclatement de l’Union serait mis au passif de l’Allemagne qui se retrouverait, comme avant 1945, avec de solides ennemis à ses portes. Autrement dit, l’intérêt européen et allemand coïncide, comme elle l’a reconnu la semaine dernière : en acceptant de mutualiser la dette, « nous agissons aussi dans notre propre intérêt. Il est dans l’intérêt de l’Allemagne que nous ayons un marché unique fort, que l’Union devienne de plus en plus unie et qu’elle ne s’effondre pas. Ce qui est bon pour l’Europe était et demeure bon pour nous (…) L’état de l’économie européenne est décisif à tant d’égards : un taux de chômage très élevé dans un pays peut y avoir un impact politique explosif. Les menaces contre la démocratie seraient alors plus grandes. Pour que l’Europe survive, son économie doit aussi survivre ». De ce point de vue, Merkel reste constante.
Isolés
Elle n’en est pas moins déterminée à ce que les Vingt-sept adoptent dès le sommet des 17 et 8 juillet, le Fonds de relance de 750 milliards d’euros proposé, le 28 mai, par la Commission présidée par sa protégée Ursula von der Leyen. La seule opposition réelle est celle du « club des radins » (Autriche, Danemark, Finlande, Pays-Bas, Suède) qui rechigne à l’accepter dans sa forme actuelle : pour eux, la Commission peut certes être autorisée à emprunter, mais c’est seulement pour reprêter les sommes recueillies aux Etats qui en ont besoin. Une solidarité très partielle, puisque chaque pays restera comptable du remboursement, ce qui accroitra chaque dette nationale. Mais leur position est fragile : jusque-là soutenue en sous-main par Berlin, ils sont désormais seuls. Et Angela Merkel n’a pas l’intention de compromettre sa place dans l’histoire à cause de quelques radins.
Photo Kay Nietfeld. DPA. AP
N.B.: analyse parue dans Libération du 1er juillet
Pour Paolo Gentiloni, commissaire aux affaires économiques et monétaires, ancien président du conseil italien (décembre 2016-juin 2018) et membre fondateur du Parti Démocrate (gauche), l’Union a pris un clair virage à gauche à la faveur de la crise du coronavirus. Entretien.
Auriez-vous imaginé il y a trois mois que l’Union jetterait par-dessus bord toutes ses vaches sacrées, de la rigueur budgétaire au refus de la mutualisation des dettes en passant par les règles de concurrence ou son refus de toute politique industrielle ?
Non, c’était totalement inimaginable avant la crise du coronavirus. Nous avons vécu dix semaines, de la mi-mars à fin mai, qui ont profondément changé l’Union. C’est d’autant plus surprenant que ce changement de paradigme, certes favorisé par ce choc sans précédent, n’était nullement automatique. D’ailleurs, chaque décision prise a nécessité de longues discussions dont l’issue était tout sauf certaine. C’est le cas de la plus évidente, comme la suspension du Pacte de stabilité budgétaire, comme de la plus difficile, comme le fonds de relance de 750 milliards d’euros alimenté par des emprunts communs – une idée que j’avais moi-même promue début avril avec Thierry Breton (commissaire chargé du Marché intérieur, NDLR).
Pourquoi ?
Parce que le logiciel européen a été mis en place lors de la crise de la zone euro en 2010-2012. Toutes les réponses, comme le Mécanisme européen de stabilité, que nous avions alors élaborées étaient intergouvernementales, c’est-à-dire reposant sur le consensus des États, et non communautaires et fondées sur la pétition de principe qu’il fallait « sauver » des États plus faibles. Il n’a pas été facile que chacun arrive graduellement à comprendre que cette fois nous étions confrontés à une crise qui nous touchait tous au même moment, qu’il n’y avait pas de coupable et qu’elle risquait d’accroitre les divergences entre les États au point de menacer l’existence de l’Union. L’élément déterminant dans ce processus a été la rapide prise de conscience allemande : la prospérité et la stabilité de l’euro sont devenues pour elle plus importantes que les tabous qui ont été dominants dans les vingt années précédentes.
Au fond, n’assiste-t-on pas à la défaite d’une « Europe de droite » et au triomphe des idées défendues par la gauche : réhabilitation du rôle de la puissance publique et des services publics face au marché, mutualisation des dettes, politique industrielle, etc. ?
Il est vrai qu’on a désarmé la puissance publique, mais aussi l’Union au cours des dix dernières années. Mais la droite n’est pas seule responsable : il y a des gouvernements de gauche qui ne pensent pas qu’une Europe plus intégrée soit la bonne réponse aux problèmes du temps présent. Je ne suis pas d’accord : pour moi, une réponse de gauche est de faire redémarrer le moteur de l’intégration communautaire, car sans elle on ne pourra pas durablement protéger nos emplois, nos chaines de valeur et tout simplement nos valeurs. De même la réhabilitation du rôle de la puissance publique, qui a retrouvé sa légitimité dans la gestion de la crise, est nécessaire afin qu’elle soutienne la transition écologique ou la solidarité sociale. Mais cela doit se faire dans un cadre européen, ce qui implique le respect de l’État de droit ou des règles de concurrence. Il faut être vigilant, car on a des versions de droite du retour à l’Etat, en particulier celle portée par une droite populiste et nationalisme qui défend un capitalisme autoritaire. Cette crise a au moins permis de freiner leur ascension, leurs thèses, que ce soit celle de l’homme providentiel capable de défendre le pays contre les dangers extérieurs et intérieurs, l’isolationnisme ou la défiance à l’égard de la science, ayant été balayé par la crise. C’est ensemble, en défendant des valeurs qui sont en fait celles de la gauche sociale et libérale (pas plus de bureaucratie étatique, mais des valeurs et des biens communs comme la soutenabilité environnementale, le bien-être social, la liberté, l’éducation, le multilatéralisme, etc.) que nous avons réussies à surmonter cette crise.
Pourquoi Angela Merkel, la chancelière allemande, a-t-elle finalement accepté la mutualisation des dettes, ce qu’elle refusait encore début avril ?
Ce n’est pas la première fois que Madame Merkel montre qu’elle est capable de changer d’avis pour gérer une crise. Je crois que la relation franco-allemande a joué un rôle fondamental dans sa prise de conscience qu’il était nécessaire de disposer d’un moteur commun de politique économique, en l’occurrence le fonds de relance, pour éviter la divergence entre les économies. Cette convergence est en fait un intérêt national allemand. J’ai entendu beaucoup de gens me dire en Allemagne : si l’économie de l’Italie du Nord périclite, pour nous c’est un désastre. Le gouvernement allemand a finalement traduit ce sentiment du monde du travail et de l’entreprise en une décision politique courageuse.
L’Allemagne a donc fait le choix de l’Europe ?
Les responsables allemands ont toujours eu à cœur que l’Allemagne reste européenne en toute circonstance. Berlin aurait très bien pu profiter de la crise de la zone euro ou de celle du coronavirus pour affirmer sa puissance et emprunter un chemin solitaire ce qui aurait été très dangereux. Ce n’est pas ce qu’elle a fait : à chaque fois, elle a décidé de jouer la carte européenne, dans son intérêt et donc dans le nôtre.
L’Europe est-elle en train de vivre son « moment hamiltonien » en mutualisant une partie des dettes nationales ? Rappelons que c’est en 1790 que le secrétaire au Trésor Alexander Hamilton a obtenu la création d’une dette fédérale ce qui a fait basculer les États-Unis d’une confédération à une fédération.
On en parlera dans dix ans… Il est difficile de tirer les conclusions d’un processus qui est en cours. Il faut bien voir que depuis 2010, l’Union suivait un chemin exactement inverse, celui d’une Europe de plus en plus intergouvernementale c’est-à-dire d’une Europe des États. Ce n’est pas le cas avec le fonds de relance qui sera géré par les institutions communautaires. Est-ce que cela va pour autant entrainer la naissance des États-Unis d’Europe ? Je ne le crois pas, même si j’aimerais bien. Cependant je sais aussi que l’évolution du projet européen est faite de précédents. Or, nous allons établir un précédent, celui d’une politique économique commune dotée d’instruments communs. Si l’argent que nous allons emprunter sur les marchés est bien utilisé par les Etats et produit des effets positifs, je suis sûr que cette expérience, qui est pour l’instant d’une durée limitée, sera répétée, car on a besoin d’instruments communs sur le long terme.
N.B.: entretien paru dans Libération du 1er juillet
Vendredi, le parti conservateur croate, HDZ, a diffusé sur Twitter un petit clip de campagne à la veille des élections législatives anticipées de ce dimanche. Provoquées par le Premier ministre lui-même patron du HDZ, Andrej Plenkovic, elles s’annoncent serrées, les socio-démocrates ayant déjà remporté la présidentielle de janvier dernier. Le HDZ a bien fait les choses pour ce clip final : il a demandé à douze personnalités du Parti populaire européen (PPE), dont plusieurs Premiers ministres, de lancer son slogan de campagne, « sigurna Hrvatska », une « Croatie sûre ». Et là, surprise : le clip s’ouvre sur Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, avec en arrière-plan le drapeau européen et un couloir du Berlaymont, son siège bruxellois… Malaise : il est, en effet, sans précédent qu’un patron de l’exécutif européen s’immisce dans une campagne électorale nationale. Qu’Ursula von der Leyen soit elle-même membre du PPE ne change rien à l’affaire : une fois nommée, elle représente l’Union dans son ensemble et pas un pays ou un parti politique.
Neutralité
Manifestement, l’ancienne ministre de la Défense d’Angela Merkel n’a pas lu l’article 9-3 du « code de conduite des membres de la Commission » - dont la dernière version date du 31 janvier 2018- qui stipule que les commissaires« s’abstiennent de toute déclaration ou intervention publique au nom du parti politique ou de l’organisation de partenaires sociaux dont ils sont membres, sauf s’ils sont candidats à un mandat électoral/participent à une campagne électorale », ce qui implique qu’ils se mettent en retrait de leur mandat… Certes, ils peuvent « exprimer leurs opinions personnelles », mais interférer dans une campagne électorale en arguant de son titre dépasse ce droit.
D’ailleurs, jusqu’à présent, les présidents de Commission se sont bien gardés d’intervenir dans les affaires intérieures d’un État, y compris quand cela met en jeu le projet européen lui-même. Ainsi, lors des référendums de 2005 sur le traité constitutionnel européen ou lors du référendum sur le Brexit de juin 2016, l’exécutif européen est demeuré sur son Aventin. Jean-Claude Juncker, le prédécesseur d’Ursula von der Leyen, a bien ébréché cette règle, juste après sa prise de fonction, en décembre 2014 en déclarant lors d’une émission diffusée par la télévision publique autrichienne qu’il préférerait que des « visages familiers » remportent les élections grecques de janvier 2015, en clair surtout pas Syriza… Deux mots qui ont causé un beau scandale et tendu les relations avec ce parti alors de gauche radicale avant même sa victoire. Juncker ne s’est ensuite plus jamais risqué à sortir de sa neutralité politique.
Confiance
Pourquoi imposer une telle règle de retenue aux membres de la Commission, tous membres de partis politiques, qui ne pèse aucunement sur des gouvernements nationaux ? Tout simplement parce que l’Union n’est pas une fédération et la Commission pas un gouvernement : ses membres sont désignés non pas par le Parlement européen, mais à l’unanimité des gouvernements qui ont des orientations politiques très diverses. D’ailleurs, même si von der Leyen est membre du PPE, les conservateurs ne sont majoritaires ni au Parlement ni à la Commission ni au Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement. Si la présidente faisait activement de la politique, elle perdrait la confiance des gouvernements qui ne sont pas de son bord alors que son rôle est d’être un honnête courtier entre les intérêts nationaux et partitaires très divergents.
Le pire dans cette affaire est que, manifestement, elle n’a pas été pensée : Éric Mamer, le porte-parole de la Commission, a découvert le clip comme tout le monde, sur Twitter, et il semble même que Jens Flosdorff, son très cher, à tous les sens du terme, conseiller en communication, n’ait pas été au courant… Manifestement, aucun signal d’alarme n’a fonctionné ce qui est troublant après sept mois d’exercice du pouvoir.
La réouverture totale des frontières extérieures de l’Union européenne n’est pas pour demain, alors que l’on circule à nouveau librement entre les vingt-sept Etats membres depuis le 15 juin (sauf avec le Danemark...). A partir du 1er juillet, les ressortissants de quinze Etats tiers pourront de nouveau se rendre sur le Vieux Continent. Il s’agit de l’Australie, du Canada, du Japon, de l’Algérie, de la Géorgie, de la Nouvelle-Zélande, du Maroc, du Monténégro, du Rwanda, de la Serbie, de la Corée du Sud, de la Thaïlande, de la Tunisie et de l’Uruguay. La Chine est aussi dans cette liste, mais sous condition de réciprocité, une condition qui ne s’applique pas, par exemple, à la Nouvelle-Zélande qui n’accepte toujours pas les voyageurs européens. Cette liste n’est qu’indicative, chaque Etat membre étant libre de ne pas l’appliquer, ce qui est déjà le cas de la Hongrie : aucun voyageur d’un pays tiers à l’Union ne sera pour l’instant accepté...
Critères
Les Etats membres ont négocié durant plusieurs semaines non pas des pays avec lesquels l’Union va rouvrir ses frontières, mais des «critères épidémiologiques les plus objectifs et les plus précis possible», selon une source diplomatique, qui détermineront ceux qui ont réussi à juguler la pandémie de coronavirus. Mais certains étant plus exigeants que d’autres, cela a pris plus de temps que prévu. C’est sur la base de ces critères que le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPC) a établi une liste de pays les remplissant. «On la révisera régulièrement afin de l’adapter à la situation épidémiologique», précise un diplomate européen.
L’exercice a été difficile, car il a fallu réunir l’unanimité des Etats, le contrôle des frontières extérieures restant une compétence nationale. Déjà, la fermeture totale de l’espace européen n’avait pas été évidente à mettre en œuvre : début mars, alors que les Etats membres fermaient les uns après les autres leurs frontières intérieures pour «stopper» la pandémie, ils laissaient ouvertes leurs frontières extérieures contre toute logique. Il a fallu une réunion du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, le 17 mars,pour décider d’une fermeture de l’espace européen pour un mois à compter du 18 mars, une mesure régulièrement reconduite depuis. Il s’agit maintenant d’en sortir de façon ordonnée.
Réciprocité
Le New York Times a révélé mardi 23 juin l’existence de deux listes de pays en notant que les Etats-Unis n’y figuraient pas. En réalité, il ne s’agissait que d’un exercice mené par le CEPC à la demande des Vingt-Sept pour voir ce que donnerait l’application de tel ou tel critère. Mais il est vrai que les Etats-Unis n’en remplissent pour l’instant aucun, la pandémie n’y étant toujours pas maîtrisée. Son exclusion finale n’est donc pas une surprise.
Comme pour la Chine, les Vingt-Sept exigeront sans guère de doute la réciprocité lorsqu’ils rouvriront leurs frontières aux Américains : ils n’ont toujours pas digéré la fermeture unilatérale du territoire américain aux Européens annoncé le 12 mars par Donald Trump, qui avait alors pris soin d’exclure le Royaume-Uni avant de se raviser. Ses paroles accusatrices de l’époque n’ont pas été oubliées : «En prenant ces mesures drastiques et rapides, nous avons vu bien moins de contaminations par le virus aux Etats-Unis qu’en Europe. Mais l’Union européenne n’a pas pris les mêmes précautions […]. Par conséquent, un grand nombre de nouveaux foyers aux Etats-Unis sont dus à des voyageurs venus d’Europe.» Retour à l’envoyeur.
Photo Benoit Tessier. Reuters
Neuf policiers belges, en pleine affaire George Floyd, se sont illustrés en bousculant sans ménagement une députée européenne noire, âgée de 70 ans, qui a eu la mauvaise idée de vouloir filmer l’interpellation manifestement agitée de deux jeunes Noirs près de la gare du Nord, à Bruxelles, le 16 juin. L’élue écologiste allemande d’origine malienne, Pierrette Herzberger-Fofana, a raconté lors de la session plénière du Parlement du 17 juin comment quatre policiers lui ont arraché son téléphone puis l’ont «brutalement»plaquée contre un mur, les jambes écartées, les mains en l’air : «J’ai dit que j’étais députée au Parlement européen, mais ils ne m’ont pas crue. Alors qu’ils avaient en main le laissez-passer du Parlement et mon passeport allemand, ils m’ont demandé ma carte de résidence en Belgique.» Pour elle, aucun doute, elle a été victime d’un «acte discriminatoire à tendance raciste».
24 députés de couleur sur 705
Si le racisme reste à établir, l’abus de pouvoir est clair, comme il est clair que les policiers n’ont pas cru possible qu’une Allemande noire puisse être députée européenne : dès qu’elle a invoqué sa qualité, son immunité parlementaire aurait dû les conduire à cesser leur contrôle, abusif ou pas. Atterrés par ce récit, les députés européens l’ont longuement applaudi, y compris la présidente de la Commission, l’Allemande Ursula von der Leyen, venue justement annoncer qu’elle entendait «faire plus» pour lutter contre le racisme en Europe…
L’affaire est révélatrice d’un état de fait totalement occulté à Bruxelles : les institutions communautaires sont tellement aveuglément blanches qu’un député ou un eurocrate un tantinet basané est une réalité totalement improbable dans l’imaginaire policier… Selon Pierrette Herzeberger-Fofana, l’un des policiers belges a d’ailleurs insinué qu’elle était plutôt femme de ménage. De fait, si l’on veut rencontrer des minorités visibles, il faut regarder du côté du personnel d’entretien ou des agents de sécurité, généralement recrutés par des contractants extérieurs. Ainsi, au Parlement européen, on ne compte que 24 députés de couleur, issus de 12 pays (sur 705 membres). Et les députés non blancs ont tous été confrontés à des huissiers (blancs évidemment) leur refusant l’accès au Parlement (comme Magid Magid, élu britannique écologiste d’origine somalienne, l’a raconté en juillet 2019) ou de prendre la porte de service…
Responsabilité nationale
Du côté de la Commission, c’est encore pire : tous les commissaires sont blancs, tout comme les ambassadeurs des Etats membres. Au niveau des bureaucrates, même constat : la haute administration ne compte que des Blancs et dans les services, les minorités visibles (ou non, comme le montre l’absence totale de Roms, première minorité européenne) sont très rares. Difficile d’être plus précis, puisque les institutions ne font pas officiellement de statistiques ethniques. Pourtant, vu l’incroyable questionnaire détaillé sur leur vie que doivent remplir tous les nouveaux fonctionnaires, il serait extrêmement simple d’avoir au moins une estimation de la présence de minorités visibles. Mais le résultat serait tellement affligeant que personne ne souhaite se livrer à cet exercice.
Comment expliquer cette sous-représentation des minorités à Bruxelles ? Du côté politique, la réponse est simple : ce sont les gouvernements qui nomment les commissaires et les partis politiques nationaux qui composent les listes des candidats aux européennes. En clair, la responsabilité de l’exclusion des minorités se trouve dans les Etats membres et dans le personnel politique choisi, qui ne pratique guère de politique volontariste de recrutement : par exemple, il y a peu d’assistants parlementaires de couleur.
Des concours européens discriminatoires
Côté fonction publique, les filtres se trouvent aussi en amont de l’Union puisque, pour passer un concours européen, il faut un diplôme national. Or, les minorités visibles sont souvent exclues, à la fois pour des raisons culturelles et sociales, des formations les plus qualifiantes d’un point de vue européen. «Mais il y a aussi un problème de vocation : l’Europe attire un public particulier, tempère Didier Georgakakis, professeur de sciences politiques à Paris 1-Panthéon-Sorbonne et spécialiste des questions européennes (1). Par exemple, dans les masters dont je m’occupe, j’ai constaté que les minorités visibles étaient davantage attirées par les relations internationales classiques que par les carrières européennes.»
Reste que l’Union n’est pas exempte de reproches : depuis la réforme de 2004, les concours de recrutement ne reposent plus sur les connaissances, mais sur des tests psychométriques. Or, comme le rappelle Didier Georgakakis, ces tests ont été inventés dans les années 20 aux Etats-Unis par des wasp (white anglo-saxon protestants) «pour soutenir des théories eugéniques et raciales favorisant les hommes blancs anglo-saxons et scandinaves». Même s’ils ont depuis été «légitimés» par le secteur privé qui s’en sert pour recruter ses cadres, «les effets de discrimination – en termes de classe, de sexe et de race – posent à tout le moins question», estime Georgakakis. Autant dire que la diversité à Bruxelles n’est pas pour demain.
(1) Dernier ouvrage : Au service de l’Europe, Crises et transformations sociopolitiques de la fonction publique européenne.
Photo Francisco Seco. AP