Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS.
Thomas Guénolé, politologue, essayiste et chercheur associé à l’IRIS, répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux 9e Entretiens européens d’Enghien organisés par l’IRIS et la Ville d’Enghien-les-Bains le 20 mai 2017 :
– Qu’entendez-vous par l’idée qu’un « projet économique de la mondialisation malheureuse » se développe ?
– Comment analyser la montée en puissance de deux votes anti-système ?
– Comment l’Union européenne peut-elle se réconcilier avec ses citoyens ?
Cette rencontre entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine marque-t-elle un reset de la relation franco-russe ?
Incontestablement, cette rencontre entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine marque un reset qui remet le jeu à zéro entre les deux pays. En effet, depuis un peu plus d’un an, les diplomaties française et russe ne se parlaient plus ou seulement pour ne rien dire. Cela pouvait s’expliquer par la perspective des élections, les Russes ayant toujours tendance à vouloir attendre le prochain président pour parler. Cela s’expliquait aussi par les accusations portées concernant le bombardement d’Alep, ainsi que la référence à la Cour pénale internationale.
Cette visite de Vladimir Poutine est un très beau coup diplomatique pour Emmanuel Macron. Elle intervient dans un contexte particulièrement favorable dans la mesure où les Russes constatent qu’ils ne peuvent plus se fonder sur Donald Trump pour faire bouger les choses ; que leur relation avec Angela Merkel est mauvaise ; et que les relations entre Berlin et Washington se sont elles-mêmes détériorées.
Dès lors, la France, sa diplomatie et son président apparaissent pour Moscou comme un pôle autour duquel on peut bâtir quelque chose. Il faut attendre de voir ce que cela va donner mais ce qui est sûr, c’est que ce reset entre la France et la Russie était nécessaire et qu’à partir de maintenant, beaucoup de possibilités s’ouvrent.
La lutte contre le terrorisme constitue-t-elle la pierre angulaire d’une coopération entre Moscou et Paris ? La « ligne rouge » évoquée par Macron à propos de la Syrie sera-t-elle partagée par Poutine ?
Le terrorisme est un problème vital pour la France et la Russie. Cet enjeu représente aussi la base à partir de laquelle on peut bâtir quelque chose car sur l’Ukraine, tout le monde sait que les négociations vont être difficiles ; tandis que sur la Syrie, les approches restent encore très différentes. La lutte contre le terrorisme représente donc le point de rencontre et figure dans l’ordre du jour comme le point positif sur lequel Paris et Moscou peuvent dès à présent commencer à travailler.
À ce sujet, la France avait déjà raté quelques occasions dans le passé puisque François Hollande avait déclaré qu’il fallait se concerter avec la Russie, sans que cela n’aboutisse. Jusqu’à présent, la « déconfliction » – mesures pour faire en sorte que les avions français allant bombarder Daech ne soient pas interceptés par des avions ou fusées russes ou d’autres pays – par la France se faisait indirectement via les États-Unis, qui présentent, eux, un vrai processus de déconfliction avec Moscou. Dans la lutte contre le terrorisme, la France n’a donc pas su utiliser cette fonction pour se rapprocher des Russes.
La ligne rouge a été concertée au sein du G7 et sans doute de l’OTAN. Elle symbolise une approche punitive consistant à dire qu’il est inhumain d’utiliser les armes chimiques et donc qu’il faut y réagir. Ce rappel de Macron est une référence, voire une critique, implicite envers François Hollande qui avait annoncé qu’il ne laisserait pas passer sans réagir des bombardements chimiques, alors que finalement il n’a rien fait à partir du moment où les États-Unis ont décidé de ne pas réagir. Emmanuel Macron, au contraire, affirme que la France réagira, y compris toute seule. Il est plutôt symbolique, à la fois dans l’annonce et dans la réaction, de dire que Paris ne dépendra pas des autres pays pour réagir.
Comment se profile l’évolution du dossier ukrainien ? Macron peut-il apporter une désescalade des tensions ?
Cela fait maintenant plus d’un an que plus rien ne bouge sur le dossier ukrainien. Beaucoup de raisons peuvent l’expliquer. La première est l’inversion des termes des accords de Minsk par les Ukrainiens, qui subordonnent les mesures politiques qu’ils doivent prendre à des mesures de sécurité – celles-ci figurent certes dans les accords de Minsk mais seulement dans les derniers points de la séquence temporelle prévue.
Deuxièmement, les Russes n’ont absolument pas eu l’intention de faire le moindre effort en attendant l’arrivée des nouveaux pouvoirs aux États-Unis et en France. Moscou a notamment fait peu d’efforts en ce qui concerne les propositions allemandes et françaises de créer une feuille de route mettant ensemble les concessions à faire par les Ukrainiens et par le Donbass, en jouant sur des simultanéités partielles pour essayer de faire avancer le dossier. Maintenant, les relations russo-américaines sont sujettes à beaucoup d’interrogations.
Le format Normandie et les accords de Minsk deviennent donc le seul point d’ancrage pour une solution éventuelle au problème de l’Ukraine. L’Europe, et la France en particulier, retrouvent leur rôle, ce qui est plutôt positif pour l’avenir.
Nicolas Tenzer, président du Centre d’étude et de réflexion pour l’action politique et professeur à Sciences Po, répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux 9e Entretiens européens d’Enghien organisés par l’IRIS et la Ville d’Enghien-les-Bains le 20 mai 2017 :
– L’opposition de Poutine aux valeurs libérales marque-t-elle un retour à la guerre froide ?
– L’Union européenne devrait-elle collaborer avec la Russie sur certains dossiers, notamment la lutte contre le terrorisme ?
– Que pensez-vous de l’idée d’une conférence de la sécurité en Europe impliquant la Russie ?
La semaine de déplacement de Donald Trump, qui s’est achevée par la réunion de l’OTAN – on ne peut parler de sommet même si les chefs d’État étaient présents – et par la réunion du G7, va peut-être changer durablement la relation transatlantique mais surtout le cours de la construction européenne. Si on regarde le bilan brut de la partie européenne du déplacement du président américain, il a obtenu que l’OTAN s’engage directement dans la lutte contre Daech, décision dont la portée opérationnelle est limitée mais qui symboliquement est importante. Donald Trump a par ailleurs sermonné les Européens sur la faiblesse de leurs dépenses de défense, une situation non acceptable pour le contribuable américain, dans un discours qui n’eut comme seul mérite que celui de la concision : 9 minutes montre en main. Le rappel de la garantie de sécurité que représente la clause d’assistance mutuelle en cas d’agression a été oublié, tandis que le maintien de l’engagement des États-Unis dans l’accord climat lors de la réunion du G7 ne semble pas d’actualité. En un mot, ce fut un échange à sens unique avec une concession, certes limitée, accordée par les Européens au nouveau président américain. Bénéfice obtenu de la part des Européens : zéro.
Le seul mérite de la semaine européenne de Donald Trump est qu’elle a sans doute achevé de convaincre les Européens qu’ils vont devoir désormais se « débrouiller tout seuls ». La chancelière allemande a résumé d’une phrase limpide la situation : « Nous les Européens, devront prendre en main notre propre destin ». Quant au nouveau président français Emmanuel Macron, il restera de lui cette image de son arrivée à l’OTAN où, se détournant ostensiblement du président américain, il alla saluer en premier lieu la chancelière allemande, puis le premier secrétaire de l’OTAN, le premier ministre belge et enfin, le président américain. Des images valent parfois autant que de grands discours.
Au final, on peut même se demander s’il ne faut pas remercier le nouveau président américain.
Après le Brexit, l’Union européenne était en danger. Or, grâce à son attitude, Donald Trump oblige les Européens à se ressouder. En refusant de faire référence à l’article 5 de l’OTAN, il peut même conduire les pays du Nord et d’Europe centrale à regarder avec plus de bienveillance toutes les initiatives européennes en matière de défense. Quitte à avoir une assurance, autant en avoir une deuxième si par malheur le premier assureur devait s’avérer défaillant. Quant à la question des 2% du PIB affecté à la défense, elle devient une question européenne et non plus transatlantique. Aux Européens de s’en emparer et surtout de définir par eux-mêmes ce qu’ils veulent faire. Comme le dit Sven Biscop, l’important pour les Européens n’est peut-être pas de dépenser plus mais de dépenser mieux, c’est-à-dire plus collectivement[1]. Reste qu’il faut bouger et le faire vite. La France et l’Allemagne se retrouvent désormais en première ligne après la défection britannique. Et, pour une fois, les calendriers électoraux nous aident avec un nouveau président français bien élu et des élections allemandes très proches, le 24 septembre 2017. Il ne reste plus qu’aux équipes à travailler à la fois sereinement et vite, afin que naisse une initiative forte en faveur d’une Union de défense avant la fin d’année.
[1] Sven Biscop, “Trump first”, Egmont Institute 29 mai 2017.
Quelles sont les principales caractéristiques de la rhétorique du président américain ?
La communication de Trump est à l’image de sa vision du monde, binaire. Le vrai s’oppose au faux (lui-même ayant sa propre interprétation de la vérité), les bons aux méchants, les amis aux ennemis, les gagnants aux perdants. Cette vision très simple n’exclut pas le fait que la rhétorique du président américain soit contrôlée et partie intégrante d’une stratégie de communication populiste. Certains le qualifient d' » enfant » pour signifier son immaturité dans le job ; en tout cas, le milliardaire s’est plaint régulièrement depuis son élection de la difficulté du métier de président.
De plus, Trump a horreur de la complexité, dès que ça devient un jeu à plusieurs bandes, il donne l’impression de décrocher. Est-ce que la technicité de certains dossiers l’ennuie? Est-ce qu’il ne les comprend pas? Sans doute un peu de tout cela. Il a, de plus, gardé son fonctionnement d’homme d’affaires. Dans son monde ce sont les » winners » et les » losers « , on fait des » deals « . Mais ce raisonnement ne peut pas s’appliquer à la politique, notamment la politique étrangère.
Par ailleurs, la communication de Trump est incantatoire. Par les mots et souvent seulement par eux, le milliardaire pense agir sur le réel. Cette stratégie a très bien fonctionné en campagne, cependant elle ne peut pas avoir le même succès sur le long terme. Lors de sa visite récente en Israël, Trump a affirmé vouloir conclure un » ultimate deal » (accord ultime) pour résoudre le conflit israélo-palestinien, mais sans proposer de mesures concrètes pour autant. C’est un exemple typique.
Enfin, Trump a adopté une rhétorique qu’on pourrait qualifier d’énergique, voire d’insultante. Ses discours et ses tweets sont ponctués de nombreux points d’exclamation, d’anaphores, de majuscules, comme s’il s’exprimait à l’oral et qu’il criait. On retrouve une communication similaire chez Berlusconi, Sarkozy et Marine Le Pen. Le champ lexical est restreint et demeure toujours le même tandis que sont matraquées des phrases présentées comme des vérités, mais qu’on ne peut démontrer. Chez Trump il y a également une posture viriliste, par opposition à un Obama qualifié de » faible » par les Républicains pendants 8 ans.
Trump cherche-t-il à émouvoir ou à convaincre ?
A persuader par l’émotion, pas à convaincre. Tout le ressort des » fake news » (informations mystifiées ou imitées) qu’il utilise, s’appuie sur le ressenti des choses, ce qui n’est pas rationnel, fait appel à des croyances personnelles, à l’émotion, à l’intuition aussi, ce qu’on peut appeler le » bon sens populaire » auquel il faudrait autant, voire davantage faire confiance qu’à l’information présentée dans la grande presse nationale.
A l’issue des trois débats contre Hillary Clinton, tous les observateurs ont dit que celle-ci avait gagné car elle prenait en compte la complexité du réel et la technicité des dossiers, alors que lui revenait toujours aux mêmes choses – la Chine, la grandeur perdue de l’Amérique, la désindustrialisation, le politiquement correct, etc. Mais, convaincre ne suffit pas aujourd’hui, il y a d’autres choses qui entrent en ligne de compte, ce qui fait que le » fact checking » (vérification des informations) ne suffit plus. C’est l’un des grands enseignements de cette campagne.
Au sein de l’électorat de Trump, certains se sont rendu compte que leur candidat avançait de fausses informations et que c’était du spectacle, du théâtre. Mais ils ne lui en tiennent pas rigueur. Les gens qui ont voté pour lui le soutiennent et ne s’attardent pas sur ses mensonges, l’exagération dont il fait preuve et ses propos outranciers, au mieux, parce qu’ils voient d’autres qualités chez lui, ou adhèrent à ses propos sexistes, racistes et démagogiques, au pire.
Sa rhétorique est-elle susceptible de causer des problèmes diplomatiques et/ou politiques dans le futur ?
Trump simplifie sa rhétorique comme tout populiste afin de se positionner comme proche du peuple, comme pouvant se mettre à son niveau, développant par là sa stratégie anti-establishment. Cependant, cette rhétorique pose déjà des problèmes sur le plan international.
A l’issue du G7, Merkel a appelé l’Europe à se prendre en mains en affirmant qu’il serait désormais de plus en plus difficile de compter sur les Etats-Unis. Le discours caricatural et égoïste du milliardaire sur des sujets tels que le terrorisme, le climat, le protectionnisme ou l’immigration a fragilisé un peu plus la crédibilité de Trump à l’international.
Au niveau national, le parti républicain – sous l’étiquette duquel il est devenu président – se montre de plus en plus circonspect quant à sa personnalité jusqu’au-boutiste et sa méconnaissance des dossiers. Trump inquiète sur plusieurs thèmes dont la santé, la fiscalité, la dette fédérale, entre autres.
Dans son pays, Trump est très impopulaire, ce n’est donc pas uniquement grâce à sa communication qu’il a gagné. Le phénomène Trump n’est qu’un exemple des tentations populistes qui existent dans de nombreux pays occidentaux.
Marie-Cécile Naves, chercheuse associée à l’IRIS, répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux 9e Entretiens européens d’Enghien organisés par l’IRIS et la Ville d’Enghien-les-Bains le 20 mai 2017 :
– En quoi le multilatéralisme représente-t-il un défi pour Donald Trump ?
– Comment se définit la ligne de politique étrangère menée par Donald Trump ?
– Avec la venue prochaine de Trump sur le continent, comme l’Union européenne doit-elle réagir ?
Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS.
L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République suscite beaucoup d’attentes à l’international, preuve en est que la France reste un grand pays pour de nombreux observateurs étrangers. Cette élection constitue également une promesse. Le renouvellement générationnel, que ce président incarne, explique en partie cet enthousiasme. Il faut aussi reconnaître ses positions courageuses en matière de politique extérieure, quelque peu dissonantes par rapport aux tendances du moment. En plaidant pour une ouverture sur les autres, pour les opportunités que la mondialisation des échanges propose, et pour une profonde conviction européenne, le nouvel entrant à l’Élysée a mené une campagne clairvoyante sur ces lignes directrices qui nourrissent l’action de la France à l’international.
Sans nier les difficultés actuelles dans l’hexagone et sur le continent, ni celles d’un monde où tout s’accélère et dans lequel les inégalités s’accroissent, Emmanuel Macron arrive au pouvoir en affichant beaucoup de convictions sur les atouts de la France. Cela n’est sans doute pas mauvais pour le moral des Français, habitués aux alertes des « déclinologues » ces dernières années. C’est aussi générateur d’attentes à l’étranger.
Bien qu’elles ne doivent pas être exclusives et contraignantes pour une action globale, trois perspectives se combinent à nos portes et peuvent être considérées comme les trois marches d’une vision stratégique pour ce quinquennat. Emmanuel Macron, l’européen, doit aussi être méditerranéen et africain. Pour la France, c’est le triple horizon stratégique de sa politique étrangère.
L’Europe, la première marche
Le président n’a jamais manqué de souligner son attachement à la construction européenne et sa volonté de refonder des dynamiques de confiance ayant permis par le passé aux États du continent de se solidariser autour de secteurs clefs. Emmanuel Macron sait très bien qu’une telle relance politique en Europe passe en partie par l’efficacité du couple franco-allemand. Ce n’est pas un hasard si son premier déplacement à l’étranger fut à Berlin, le 15 mai, dès le lendemain de sa prise de fonction. L’idée est belle et bien d’agir sans attendre la fin de la phase d’apprivoisement mutuel qui caractérise souvent la relation franco-allemande quand s’installe un nouveau dirigeant. La composition du gouvernement témoigne par ailleurs d’un ancrage européen et d’une propension germanophile qui n’a pas échappé aux partenaires d’outre-Rhin.
Alors évidemment, il convient de ne pas se perdre en conjecture ! L’Europe n’est pas dans un état de forme olympique. Ni sur le plan politique, ni sur le plan socio-économique. L’’actuel président de la Commission européenne ne cesse de pointer une situation de « polycrise », tant les problèmes s’amoncèlent. Finances, dérives nationalistes ou populistes, Brexit, tensions migratoires, inconnues stratégiques dans le voisinage de l’Europe… Le président français ne saurait ignorer ces enjeux. Mais pour les traiter avec discernement, faut-il sombrer dans le pessimisme et préconiser la paralysie ? L’Europe s’est construite dans des moments de crise ou lorsque les virages de l’Histoire l’ont poussée vers l’avant. Afin de redonner de l’élan collectif, il importe pour la France d’avoir un dialogue constructif avec Berlin. C’est en agissant de concert que les deux pays pourront convaincre les autres États membres, à travers une approche fondée sur le dialogue et la recherche de solutions.
Pour rassurer les opinions sur le rôle de l’Europe et pour montrer que la protection des populations est plus grande à l’échelle européenne, il faut des actes concrets rendus possibles par des projets de long-terme. Cesser de changer les règles et les politiques si souvent, fédérer sur des secteurs clefs, raviver l’esprit de la construction européenne pour en faire l’horizon mobilisateur : ces chantiers sont complexes mais sans aucun doute essentiels si l’Europe veut retrouver du souffle. Dans le dossier du Brexit par exemple, Londres doit-elle seule fixer le tempo ? Dans celui de la défense européenne, faut-il attendre les annonces de Washington pour bâtir un système moins dépendant de la puissance américaine ? Et puis, autre exemple, n’est-il pas opportun d’explorer davantage les avantages d’un scénario où l’Europe ne ferait pas tout, opérant donc uniquement sur des questions stratégiques continentales et sans chercher à normer certains détails de la vie ordinaire des populations ? Quand les procédures et le court-termisme dominent le paysage au détriment des idées et des stratégies, l’Europe ne construit pas : elle avance à reculons comme une écrevisse. Tout objectif de refondation passe nécessairement par une projection de long-terme. Pour se remettre en mouvement, l’Europe doit savoir où se diriger. Emmanuel Macron doit contribuer à réorienter cette boussole rouillée.
La Méditerranée, la seconde marche
La priorité de politique étrangère de la France, c’est l’Europe. Et celle-ci doit d’abord et avant tout se concentrer sur sa cohésion, sa construction et son projet intérieur. Mais l’Europe ne saurait tourner le dos à la Méditerranée. Ce voisinage méridional s’avère prioritaire sur tout autre région du monde : les défis y sont immenses, connus et imbriqués. Cessons de ne pas vouloir regarder les réalités en face : une Méditerranée turbulente constitue un handicap majeur sur le parcours de la refondation européenne. Mais les dénouements ne sont ni dans la fermeture avec des murs, ni dans le vœu pieux d’une union de la Méditerranée. Dix ans après le sommet de Paris qui en avait formulé l’hypothèse, le panorama régional s’est profondément transformé. Pire, il s’est dégradé. Le multilatéralisme en Méditerranée ne fonctionne que sur des initiatives concrètes, adaptées aux besoins réels des populations ou capables de rassembler les États riverains sur des enjeux devenus si complexes que seules des réponses collectives pèsent véritablement. Dans ce registre se trouvent notamment les questions du climat, de l’eau, de la sécurité alimentaire, des infrastructures, sans oublier l’emploi, notamment des jeunes. Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir déserter les rivages méditerranéens, du Sud comme du Nord, à la recherche d’un avenir meilleur.
L’Europe, dans sa politique de voisinage en direction de la Méditerranée, va devoir faire des choix thématiques et ne plus chercher à tout traiter. Les ressources budgétaires sont limitées. Par ailleurs, certains dossiers ne peuvent être appréhendés sans tenir compte des jeux de puissance qui dépassent de loin les acteurs européens. Sur la guerre en Syrie, dans le conflit israélo-palestinien ou la gestion des instabilités au Sahel, l’Europe, et encore moins la France, ne peuvent agir isolément. Mais elles doivent prendre part à cette responsabilité collective qui consiste à trouver des solutions pour faire baisser la température au thermomètre des tensions qui traversent cette vaste région. Cela ne signifie pas pour autant un suivisme aveuglant sur les politiques américaines. L’Europe et la France, comme cela avait été fait dans la décennie 1990, ont vraisemblablement des atouts à faire valoir pour différencier leur stratégie dans la zone des autres grandes puissances et apparaître comme des partenaires crédibles aux yeux des pays nord-africains et proche-orientaux.
La France, attendue comme locomotive dans les initiatives de l’Europe en Méditerranée, serait fort inspirée de préparer ces prochains mois un agenda post-2020 pour concentrer les actions de la décennie à venir autour de quelques sujets phares. Cela passe par plus de cohésion dans les positions européennes en direction de la région et plus de synergies entre le déclamatoire et l’action. Un seul exemple de cohérence à trouver : maximiser le soutien aux pays qui réforment et qui progressent en matière de transition démocratique. Pour se refonder, l’Europe doit espérer des progrès en matière de stabilité, de croissance et de dialogue respectueux dans son voisinage méditerranéen. Emmanuel Macron doit contribuer à donner de la visibilité et des moyens à tous ceux qui, de la société civile aux institutions, en passant par les entreprises et les scientifiques, œuvrent pour une Méditerranée positive et ouverte.
L’Afrique, la troisième marche
Après la priorité européenne et la nécessité méditerranéenne, comment ne pas se projeter sur le défi africain ? C’est la troisième marche de cet escalier géopolitique que le président de la République peut gravir tout au long de ce quinquennat. En se rendant au Mali pour son premier voyage extra-communautaire, Emmanuel Macron n’a pas simplement rappelé que la France était engagée militairement dans les affaires sahélo-sahariennes pour contrer la menace djihadiste. Le message est aussi celui d’une perspective stratégique dans laquelle le prisme sécuritaire est à considérer à l’aune des enjeux de développement sur le continent. « Les Afriques » sont en ébullition : beaucoup de zones en difficulté, peu d’espaces de prospérité et de stabilité. La révolution démographique tarde dans certains pays à se mettre en œuvre. Ce sont deux milliards d’habitants qui sont attendus en 2050, soit un décuplement de la population depuis 1950 ! La croissance économique est disparate et insuffisante. Produire plus mais mieux : les pays africains, sur de nombreux secteurs – à commencer par l’agriculture -, doivent à la fois augmenter leurs rendements, veiller aux empreintes sur l’environnement et adopter les nouveaux outils numériques. Quatre révolutions simultanées à mener donc, pour proposer des trajectoires de développement propices à la sécurité, à l’emploi et à la viabilité sur le continent.
Dans une communication récente (avril 2017), l’Europe a défini les grands axes pour donner un « nouvel élan » au partenariat avec l’Afrique. Peu commenté, ce document mérite l’attention. Il est intéressant d’observer notamment l’évolution du curseur sur la question migratoire. Pour atténuer les mobilités de détresse vers l’Europe, l’approche n’est pas de barricader le Vieux-continent aux flux de migrants qui traversent la Méditerranée (quand bien même l’idée n’est pas non plus d’ouvrir toutes grandes les portes !) ; mais d’investir sur les territoires ruraux, les secteurs agricoles et halieutiques, la formation professionnelle, l’organisation des filières de production à même de créer de la valeur ajoutée sur place et donc de l’emploi… Pour renforcer la résilience sociétale en Afrique, comme en Méditerranée, l’Europe et la France seraient en effet bien mieux inspirées de miser sur ces enjeux de développement local que d’axer la coopération sécuritaire sous le seul angle militaire. Il en faut, mais cela doit se conjuguer avec des initiatives en faveur de la sécurité humaine. D’ailleurs, ce sont aussi ces éléments qui nourrissent de plus en plus les réflexions stratégiques de l’Allemagne vis-à-vis du continent africain, comme cela est actuellement exprimé dans le cadre de leur présidence du G20.
Pour se refonder, l’Europe doit penser à l’Afrique en termes de risques et d’opportunités. Ne pas nier les problématiques et les vulnérabilités, mais ne pas non plus ignorer la responsabilité de contribuer à apporter plus de stabilité et plus de perspectives d’avenir à ces populations africaines, dont le destin géopolitique ne saurait être celui de la migration forcée. D’innombrables initiatives en Afrique émergent. D’immenses progrès se réalisent. Des talents multiples s’activent pour développer le continent. Ces dynamiques positives doivent être soutenues pour cesser de regarder l’Afrique avec l’unique crainte de la voir exploser.
Samedi en Iran, Hassan Rohani a été réélu dès le premier tour avec environ 57% des voix et une forte participation. L’analyse de Thierry Coville, chercheur à l’IRIS.
Cette victoire dès le premier tour avec une forte participation est-elle révélatrice d’une adhésion massive de la société iranienne à la politique d’ouverture de Rohani ? Comment expliquer l’échec des conservateurs ?
La réélection de Rohani dès le premier tour avec un très fort taux de participation révèle deux choses. Tout d’abord, qu’il existe une adhésion à sa politique. Une part de la population iranienne reconnaît en effet que Rohani est un modéré et qu’il reprend clairement à son compte le programme des réformateurs, existant depuis la fin des années 1990, notamment lorsqu’il parle de défense des libertés individuelles, des droits des femmes, et d’ouverture culturelle et politique. Néanmoins, cette réélection révèle aussi – en particulier de la part des jeunes iraniens des grandes villes – un vote contre les ultras conservateurs. La société veut éviter l’arrivée des radicaux au pouvoir, qu’elle considèrerait comme un retour en arrière.
Pour expliquer l’échec des radicaux, on ne met pas assez en avant le fait qu’ils ont beaucoup souffert de la période de Mahmoud Ahmadinejad. Une partie de la population iranienne associe les radicaux à l’ancien président, que ce soit en termes de populisme économique et de polarisation de la société, de répression forte, ainsi que de tensions maximales avec le reste du monde. Le camp des radicaux a maintenant du mal à faire disparaître ce lien de la tête des Iraniens et ce refus de revenir à la période Ahmadinejad s’exprime notamment au sein des classes moyennes et aisées.
L’échec des ultras conservateurs peut aussi s’expliquer par des éléments sociologiques. La population iranienne devient de plus en plus moderne, urbaine et éduquée. Elle ne se reconnaît donc pas dans le discours ultra d’Ebrahim Raïssi, qui énonçait de façon assez populiste qu’il allait tripler les subventions pour les plus pauvres ou créer des emplois sans vraiment expliquer comment. Le discours de Raïssi était également méfiant envers l’étranger, déclarant qu’il fallait être plus dur en comparaison avec le gouvernement Rohani jugé trop « gentil ». La population iranienne ne se reconnaît plus dans ce discours et demande plutôt une ouverture politique et économique, un Iran « normalisé » et « moderne » avec un État de droit. La défense des libertés individuelles tient notamment à cœur aux Iraniens, dont la défense par Rohani a beaucoup joué dans sa réélection. Au contraire, Raïssi était mal à l’aise et n’a jamais répondu directement aux critiques de Rohani sur ce sujet car il sait très bien que son camp refuse absolument toute ouverture politique et culturelle.
À quels défis Rohani va-t-il devoir faire face sur le plan intérieur ?
Le défi économique est prioritaire et Rohani a notamment été mis en question sur ce sujet. Il ne faut pas oublier que 40% des Iraniens ont tout de même voté pour Raïssi et si Rohani était resté sur le terrain économique, le résultat de l’élection aurait sans doute été différent. Alors qu’existe un mécontentement au sujet de la corruption et des inégalités, le président réélu doit aussi parvenir à diminuer le taux de chômage dans le pays. L’économie iranienne a besoin de stabilité et Rohani doit mettre en place des conditions économiques qui permettent de faire face aux évolutions démographiques environ 700 000 personnes arrivent chaque année sur le marché du travail iranien.
Deux grands chantiers attendent Rohani. Le premier est la privatisation : le secteur privé doit prendre davantage d’importance dans le pays et l’État de droit doit assurer une meilleure justice commerciale. C’est véritablement le secteur privé qui pourra créer les emplois car le public, qui contrôle 80% de l’économie, n’a plus vraiment les capacités de le faire. Cependant, cela pose problème du fait des intérêts rentiers existant dans le secteur public, notamment vis-à-vis des fondations qui refusent la privatisation.
Le deuxième grand chantier consiste à attirer davantage d’investissements étrangers pour permettre l’ouverture de l’économie iranienne et des transferts de technologies, afin d’améliorer la compétitivité des secteurs non-pétroliers et pétroliers. On voit là le lien entre la politique extérieure et la politique économique iranienne : plus les tensions extérieures diminueront, plus il sera facile d’attirer les investissements étrangers. La question des sanctions reste aussi posée, notamment celles américaines qui continuent à paralyser le pays. Les grandes banques européennes refusent toujours d’intervenir en Iran et tant que ce sera le cas, on voit mal comment le pays pourra attirer des investissements étrangers.
D’autres chantiers sont aussi importants et portent les attentes de la population. L’ouverture politique par exemple importe la société iranienne, qui attend notamment la libération des deux leaders réformateurs, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi. Le président ne contrôle certes pas le judiciaire mais on peut noter que, comme par hasard, des opposants emprisonnés il y a quelques semaines viennent d’être libérés. La question de défense des droits des femmes est aussi un sujet central. Certes, des femmes ont obtenu des postes importants dans l’administration régionale mais il faut que Rohani poursuive ces efforts. Enfin, l’ouverture culturelle est aussi un enjeu et il n’est pas anecdotique que des concerts aient été interdits par les durs.
En visite à Riyad, Donald Trump a appelé les pays arabes à « isoler l’Iran ». Comment se profile la relation entre Washington et Téhéran pour le deuxième mandat de Rohani ?
La relation entre Trump et Téhéran semble plutôt mal partie… L’accord sur le nucléaire avait été possible grâce à deux présidents – Barack Obama et Hassan Rohani – prêts à négocier. Or, aujourd’hui, Donal Trump recycle la littérature des années 1960 du danger communiste, maintenant incarné par le terrorisme iranien et la diabolisation de Téhéran, qui serait responsable de tous les problèmes du Moyen-Orient. Rohani et son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, sont prêts à négocier mais tant que Trump ne sera pas sur cette ligne, il leur sera difficile de pouvoir faire avancer les choses. D’autant plus que les durs en Iran reprochent à Rohani d’avoir fait trop de concessions sur l’accord sur le nucléaire.
Rohani a promis de faire lever le régime des sanctions, ce qui impliquerait des négociations avec les États-Unis. Mais comment le président iranien va-t-il essayer de négocier avec Washington et faire lever les sanctions ? Rohani n’est pas le seul à décider en Iran et il faut aussi prendre en compte le guide, qui ne va sans doute pas laisser une marge de manœuvre totale au président. Côté états-unien, Trump va-t-il continuer sur sa politique en dépit de la réélection de Rohani ? On peut espérer qu’à Washington, des experts davantage pragmatiques mettront fin au discours caricatural envers l’Iran. Les discours américains néo-conservateurs au Moyen-Orient et en Iran dans les années 2000 n’avaient fait que renforcer le camp des durs à Téhéran et augmenter les tensions ; on voit donc mal quels sont les bénéfices que retirera Trump à moyen-terme de cette politique de la tension.
Le choix de remplacer Jean-Yves Le Drian – qui rejoint le Quai d’Orsay – par une européiste convaincue à la tête de ce ministère régalien, ainsi que le changement de nom de ce dernier, laissent entrevoir des éléments de compréhension de la politique qu’entend mener Emmanuel Macron en matière de défense. Le nouveau président de la République use de symboles marquants en ce début de quinquennat.
Pour une relance de l’Europe de la défense
Sylvie Goulard hérite donc du portefeuille de la Défense. Il s’agit de la deuxième fois dans l’histoire qu’une femme prend la tête de ce ministère – après Michelle Alliot Marie entre 2002 et 2007.
Juriste de formation, Sylvie Goulard a été élue en 2009 et réélue en 2014 au Parlement européen. Véritable fer de lance d’Emmanuel Macron sur les questions européennes tout au long de sa campagne présidentielle[1], elle fut auparavant conseillère de Romano Prodi lorsque ce dernier était à la tête de la Commission européenne (2001-2004). Mais la nouvelle ministre des Armées possède aussi une expérience de l’Allemagne. Elle a fait partie de l’équipe de négociateurs français lors de la réunification de l’Allemagne, avant de retourner au service de la prospective du ministère des Affaires étrangères en charge des questions européennes. C’est à ce poste qu’elle noua de nouveaux liens avec ses homologues allemands. Un atout qui a très certainement orienté le choix du nouveau président de la République, soucieux de renouer un lien fort avec l’Allemagne.
Cette nomination vient confirmer l’orientation européenne que veut impulser Emmanuel Macron. Et pour cause, la construction et la consolidation d’une défense européenne est l’une des mesures phare proposée par le nouveau président, objectif défendu durant sa campagne présidentielle. Dans son programme, on peut retrouver ainsi sa volonté d’agir pour une Europe de la défense qu’il qualifie « d’indispensable »[2].
De plus, Emmanuel Macron doit probablement estimer que la France – tout comme les autres États européens désireux d’avancer en la matière – bénéficie d’une fenêtre d’opportunité. L’élection de Donald Trump et le changement de comportement de l’administration américaine sur la scène internationale doit pouvoir permettre à l’Union européenne d’utiliser activement les outils législatifs et institutionnels dont elle dispose pour permettre le développement d’une base de défense européenne solide.
Au cœur de ce projet, le couple franco-allemand, qu’Emmanuel Macron entend mettre au premier plan, pourrait être un élément moteur. Sa première visite officielle extérieure à Berlin pour rencontrer la Chancelière Angela Merkel, au lendemain de son investiture officielle à l’Elysée en est le symbole.
De la « Défense » aux « Armées » : une rhétorique symbolique
Deuxième symbole important dans cette nomination, la rebaptisation du ministère de la Défense en ministère des Armées. Ce changement peut s’interpréter de deux manières différentes, toutes deux complémentaires.
Tout d’abord, de par la Constitution, le président de la République est chef des armées (article 15). Cela peut donc montrer la volonté affichée d’Emmanuel Macron de son rôle prééminant dans la détermination de la politique de défense de la France.
Cela fait aussi référence à l’histoire de ce ministère. En effet, celui-ci a pris dans le passé une seule fois cette dénomination, quand le général de Gaulle fut président de la République de 1958 et 1969. Ce n’est qu’à partir de la présidence de Georges Pompidou que le ministère prendra le nom de ministère de la Défense nationale, même si l’appellation « ministre des Armées » refera brièvement son apparition sous le gouvernement de Pierre Messmer (1972-1974). La dénomination de ministère de la Défense, qui a donc prévalu jusqu’à cette année, sera adoptée à partir de la présidence de Valery Giscard d’Estaing en 1974.
Il s’agit ensuite de redonner un positionnement majeur aux forces armées. Cette nouvelle appellation porte avec elle l’idée que le soldat doit être au cœur des problématiques de défense. D’abord parce que les forces armées françaises sont aujourd’hui pleinement engagées à travers le monde et sur différents théâtres d’opérations : bande sahélo-saharienne, lutte contre Daech en Irak, en Syrie dans le cadre de l’opération Chammal, présence de bâtiments de la Marine nationale sur plusieurs mers du monde, ainsi que sur notre territoire avec l’opération Sentinelle. Ensuite, parce que la condition des militaires est aujourd’hui affectée par cette activité intense ou par les difficultés des familles de soldats à s’adapter à des carrières caractérisées par des mutations fréquentes. À sa manière, le nouveau président souhaite leur montrer que la République veillera à leur condition durant les cinq années qui viennent.
Et cela n’est pas le fruit du hasard si le jour même de son investiture officielle, Emmanuel Macron s’est rendu au chevet de soldats blessés à l’hôpital militaire de Percy à Clamart, après avoir fait la promesse que son premier déplacement irait en direction des forces armées françaises.
Depuis son accession à la tête de l’État, Emmanuel Macron multiplie les gestes symboliques. Reste à voir maintenant comment les signaux forts qui sont donnés – engagement européen, attention accrue au sort des militaires – se traduiront concrètement dans les mois qui viennent.
[1] Sylvie Goulard a rejoint le mouvement En Marche ! en 2016 pour militer aux côtés d’Emmanuel Macron.
[2] Il s’agit de l’objectif n°2 du programme de défense porté par Emmanuel Macron pour la présidentielle 2017, et son mouvement En Marche ! https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/defense
Alain Gresh, spécialiste du Proche-Orient, est directeur d’Orient XXI. Hélène Aldeguer, dessinatrice, illustre les articles de la rubrique « Va comprendre » d’Orient XXI. Ils répondent à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage : « Un chant d’amour : Israël-Palestine, une histoire française », aux éditions La Découverte.
Pourquoi avoir choisi la bande-dessinée pour vous exprimer ?
Il s’agit d’abord de toucher un public nouveau, différent. Avec la bande-dessinée, on emmène le lecteur dans un récit vivant, en mettant en scène l’Histoire et en donnant la parole à la société française pour transmettre des émotions et une atmosphère. Utiliser cette forme de narration, c’est aussi rendre compte que l’image a nourri cette « passion française ». Nous montrons comment les personnages, qu’ils soient des politiques, des diplomates, des intellectuel-le-s, des journalistes ou des manifestant-e-s ont été bousculés par des photos et des vidéos qui sont à l’origine de débats, de scandales, de revirements d’opinions – des images du siège de Beyrouth en 1982 à celle prises par l’équipe de Charles Enderlin de la mort du petit Mohammed Al-Doura, en passant par celles de la première Intifada…
Pour scénariser 50 ans d’Histoire en seulement 192 pages dessinées, nous avons joué avec le gaufrier pour rythmer le récit, en rompant sa linéarité par des illustrations pleine page. Dans le livre, des faits méconnus ou oubliés sont mis en avant, parfois de façon spectaculaire : ainsi la Une de France-Soir, au matin du 5 juin 1967, annonçant « Les Egyptiens attaquent Israël » – alors que c’est le contraire qui s’est produit – ou l’illustration quelques pages plus loin des Palestiniens expulsés par Israël durant la guerre de 1967, alors invisibles dans la presse française. On prend ainsi conscience du parti pris des médias à l’époque.
Lorsque le général de Gaulle rompt avec Israël en 1967, il doit affronter la presse et l’opinion publique, très hostiles à sa décision. Pouvez-vous développer ?
Contre l’ensemble de la classe politique (à l’exception des communistes), contre nombre de gaullistes, contre les médias, le général de Gaulle va condamner l’attaque israélienne de juin 1967 contre les pays arabes. Il n’agit pas par hostilité à Israël, encore moins par antisémitisme. Non seulement il a une grande admiration pour les réalisations du mouvement sioniste – on rappelle ses échanges épistolaires avec Ben Gourion – mais il a continué, malgré l’embargo sur les armes décrété en 1967, à fournir jusqu’en 1969 les pièces de rechange indispensables à l’aviation israélienne. Ce que de Gaulle condamne, c’est le pays qui a pris la responsabilité de déclencher les hostilités car il comprend les conséquences dramatiques de cette agression pour la région. Il faut relire son avertissement lors de sa fameuse conférence de presse de novembre 1967 : « Maintenant, Israël organise, sur les territoires qu’il a pris, l’occupation, qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s’y manifeste une résistance qu’à son tour il qualifie de terroriste. » La ligne fixée par de Gaulle pour la politique française va se maintenir jusqu’à la signature des accords d’Oslo en 1993, ce qui confirme le côté visionnaire de ses positions.
D’où vient l’importance prise par le CRIF (Conseil représentatif des Institutions juives de France) dans le paysage politique français, quasiment inexistante en 1967 ?
Plusieurs facteurs ont joué. D’abord, l’arrivée d’une vague de juifs d’Afrique du Nord qui a profondément renouvelé la communauté (il faudrait plutôt utiliser ce terme au pluriel) juive française. Ensuite, une redécouverte (que l’on constate à travers le monde) de l’identité juive, notamment après la guerre de 1967, souvent identifiée à la solidarité avec Israël. Ces évolutions ont poussé un CRIF, jusque-là plutôt discret, à s’affirmer sur la scène publique à la fin des années 1970, notamment en faisant de la solidarité avec Israël un des piliers essentiels de son action. Enfin, il faut insister sur les ingérences israéliennes. On en donne plusieurs exemples dans la BD : par exemple, comment un diplomate israélien a contribué à la naissance du mouvement Renouveau juif à partir de 1980, dont un des objectifs était de lutter contre une invitation de Yasser Arafat à Paris. Aucun pays étranger n’intervient autant sur la scène française. C’est le gouvernement français, dans une déclaration rédigée personnellement par de Gaulle en janvier 1969 qui notait : « Il est remarquable, et il a été remarqué, que les influences israéliennes se font sentir d’une certaine façon dans les milieux de l’information ». Mais c’était une autre époque, aucun responsable français n’oserait aujourd’hui tenir de tels propos.
Comment expliquer l’histoire d’amour entre la France et Israël qui survit à tous les drames stratégiques, même la présence forte de l’extrême droite au sein du gouvernement israélien ?
C ‘est effectivement stupéfiant. Le président français François Hollande, lors d’un dîner à Jérusalem en novembre 2013 avec le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, a déclaré vouloir déclamer « un chant d’amour pour Israël et pour ses dirigeants ». D’où le titre de notre bande dessinée. On se croit revenu au temps de l’alliance de 1956 entre la vieille SFIO et le parti travailliste israélien dans la pitoyable aventure de la guerre de Suez, celle qui a suivi la nationalisation par Nasser de la compagnie du canal le 26 juillet 1956. Au moins, à l’époque, le parti travailliste se réclamait de la gauche !
Il faut inscrire cette évolution, qui remonte au milieu des années 2000, dans le cadre du rapprochement de la France avec les États-Unis et l’OTAN, porté par la conviction qu’Israël est son allié dans la lutte contre le terrorisme et l’islamisme. À droite comme au Parti socialiste, Paris a abandonné l’idée d’une politique autonome de la France à l’égard de Washington.
Notre BD met en lumière un « tournant silencieux » de la diplomatie française sur le Proche-Orient ces dix dernières années. En principe, rien n’a changé : la France reste favorable à la création d’un État palestinien aux côtés de l’État d’Israël et elle condamne la colonisation. Mais Paris s’est engagé dans un resserrement des relations bilatérales avec Tel-Aviv, quelle que soit la politique israélienne à l’égard des Palestiniens.
Paris a abandonné le rôle d’avant-garde sur le dossier diplomatique tenu dans les années 1980 : c’est la France qui avait promu, contre les États-Unis, Israël et une partie des pays européens, l’acceptation des principes qui fondent le droit international : le droit à l’autodétermination pour les Palestiniens, la nécessité de négocier avec l’OLP. Depuis les accords d’Oslo, la France (et l’Union européenne) se contente de financer l’Autorité palestinienne et laisse la diplomatie aux mains des États-Unis. Or, on sait que ces derniers sont tout sauf un médiateur impartial. Paris se borne à demander la reprise des négociations entre l’OLP et Israël, en « oubliant » que l’on n’a pas face à face deux interlocuteurs égaux, mais un occupant et un occupé.
Sarkozy affirmait, au lendemain de son élection en 2007, que le rapprochement avec Israël permettrait à Paris de peser sur la politique de Tel-Aviv. Au moins lui, à la fin de son mandat, reconnaîtra qu’il s’était trompé et expliqua au président Obama que Netanyahou était « un menteur ». Rien d’équivalent chez Hollande à l’issue de son mandat ! Il faut aussi constater que c’est sous sa présidence que le gouvernement a accentué sa campagne assimilant antisionisme et antisémitisme et confirmé sa volonté de criminaliser le mouvement pacifique de boycott d’Israël.
Quelles sont les attentes des électeurs qui ont choisi de réélire Hassan Rohani ?
Les attentes sont énormes. Il y a actuellement beaucoup de problèmes économiques et sociaux dans le pays et notamment la question du chômage chez les jeunes entre 15 et 24 ans (le taux de chômage des jeunes sur cette tranche d’âge s’élevait à 27,8 % au printemps 2016). Cela peut expliquer en partie le score obtenu. Il symbolise également le souhait de la population envers M. Rohani de continuer sa politique d’ouverture vers l’Occident avec une démarche plus conciliante et plus diplomatique à son égard. Entre autres, l’accord sur le nucléaire a contribué à améliorer la situation du pays. Le peuple place aussi beaucoup d’espoirs dans la défense des droits de l’homme, des libertés individuelles et de l’ouverture culturelle.
Dans quelle mesure pourra-t-il gouverner librement sous la coupe du guide suprême ?
Cette élection va laisser des traces puisqu’elle change le rapport de forces en faveur de Hassan Rohani. Il a été très offensif à l’égard du guide suprême durant la campagne, ce qui a même surpris ses propres partisans. Les Iraniens croient fortement au pouvoir du vote et Rohani sait qu’il ne pourra pas décevoir. Il a placé la barre très haut pendant la campagne et si rien ne change, cela pourrait même remettre en question la stabilité de l’Iran. Or la situation est compliquée. Le guide suprême a toujours beaucoup de pouvoir et garde la mainmise sur le judiciaire et le militaire. Les radicaux ont cependant conscience de l’état de la société et savent qu’il faut lâcher du lest, sinon ils risquent d’engendrer de la colère chez les jeunes. Rohani va donc devoir jouer de ce rapport de force, tout en étant obligé de composer et négocier pour gouverner afin de montrer sa capacité à réformer.
Quelles sont les leçons politiques à tirer du résultat du scrutin pour le camp conservateur ?
C’est une défaite cuisante pour les radicaux, qui s’ajoute à celle des législatives de 2016. Il n’est pas possible de nier l’importance du résultat du scrutin. Malgré la mobilisation du guide suprême ou encore de la chaîne de télévision nationale en faveur d’un populisme total, cela n’a séduit que les populations rurales et les moins éduquées. Ce vote montre notamment les traces qu’a laissées Mahmoud Ahmadinejad derrière lui. Les conservateurs sont automatiquement associés à lui. La population se méfie particulièrement de leur programme en matière de libertés individuelles. Mais les radicaux n’ont pas l’intention de capituler. Il faut donc rester prudent, car en dépit de leur défaite, ils contrôlent toujours plusieurs pans du pouvoir iranien.
Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS.
Suite à la révélation de corruption accusant le président brésilien Michel Temer, oppositions, grande presse et bourse réclament sa démission. L’analyse de Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS.
Ce scandale pourrait-il mener à la destitution ou à la démission du président Michel Temer ? Quelle serait alors l’alternative politique envisageable ?
Les faits reprochés au président pourraient effectivement le conduire à démissionner. À la suite de révélations similaires, le sénateur et président du Parti social-démocrate brésilien (PSDB) – candidat malheureux aux présidentielles de 2014 -, Aecio Neves, vient de se voir retirer son mandat de sénateur. Il a en conséquence démissionné et remis à disposition du PSDB sa charge de président du parti. Sa principale collaboratrice – qui se trouve être sa sœur – est actuellement en prison. Ainsi, pour le même type d’accusation, ce sénateur a été contraint de s’écarter du jeu politique.
Le cas du président Michel Temer est certes différent. En tant que président de la République, il bénéficie d’un statut judiciaire particulier – comme dans d’autres pays. Cela étant, compte-tenu de l’ampleur du scandale, combien de temps va-t-il pouvoir résister ? Déjà une demi-douzaine de demandes de destitution ont été présentées à la justice brésilienne par des parlementaires. Beaucoup d’élus considèrent que la meilleure solution serait que le président présente volontairement sa démission. Néanmoins, si effectivement sous la pression des élus, de la presse – en particulier du groupe Globo, dont le rôle avait déjà été très important en 2016 pour la destitution de Dilma Rousseff – de la bourse et de la rue, Michel Temer démissionnait, une grande inconnue demeurerait : dans quelles conditions le Brésil pourrait-il être dirigé jusqu’aux prochaines élections d’octobre 2018 ? La Constitution prévoit l’organisation d’élections pour suppléer la vacance au sommet de l’État survenue durant les deux premières années d’un mandat présidentiel. Ce délai étant dépassé, c’est au vice-président d’assurer la fin du mandat. Le pays est déjà dans ce cas de figure puisque l’an dernier, la présidente Dilma Rousseff, élue en 2014, a été écartée du pouvoir par un coup d’État parlementaire dont les motivations strictement politiques n’ont rien à voir avec des scandales de corruption – contrairement à ce que disent souvent les médias français. La Constitution ne prévoit pour une nouvelle relève en fin de mandat présidentiel qu’une seule option : l’élection de l’éventuel successeur du chef de l’État, ou du vice-président intérimaire, par un candidat élu par les parlementaires. Or, quand on connaît l’état politique et éthique du Parlement élu en 2014, il est difficile de penser que cette solution serait acceptée comme satisfaisante par les Brésiliens.
La destitution constitutionnelle, au cas où le président refuserait de démissionner, suppose la mise en œuvre d’une procédure initiée par les élus. Dilma Rousseff avait été instruite par une commission d’enquête créée avec l’aval et les encouragements du président du Congrès de l’époque, Eduardo Cunha, actuellement emprisonné pour corruption. Celui-ci, avec une majorité d’élus eux-mêmes accusés de corruption, avaient écarté la présidente en détournant les dispositifs requis par la Constitution. Cette dernière ne prévoit une relève présidentielle que dans le cas où une violation grave de la Constitution et de la morale publique était constatée. Ce cas de figure pourrait être appliqué avec pertinence pour destituer Michel Temer. Mais cette voie apparait peu crédible compte tenu du sinistre moral, politique et économique ambiant, de même que du discrédit du Parlement et des élus.
En quoi la corruption représente-t-elle un sujet particulièrement sensible au Brésil ?
La corruption est un thème de débat sociétal et politique dans tous les pays se trouvant dans une situation socio-économique compliquée, ce qui est le cas du Brésil. Depuis le rétablissement de la démocratie dans le pays, le fonctionnement du système politique et des règles électorales pose des problèmes récurrents, politiques comme éthiques. Dans ce pays fédéral, le système électoral éclate la représentation partisane. Ainsi, depuis le rétablissement de la démocratie, tous les gouvernements ont été à majorité composite avec des têtes de file venant la plupart du temps du PSDB ou PT (les deux grands partis). Cependant, ces partis ont toujours été très minoritaires au Parlement et ont donc dû négocier avec cinq à dix autres formations, plus ou moins importantes. Bien souvent, des compensations sont exigées par ces alliés de circonstance, ce qui ouvre la voie à toute sorte d’abus et de fait, de corruption.
La réforme politique et électorale est un serpent de mer de la vie politique brésilienne. Tout le monde sait qu’il faudrait assainir la vie politique en modifiant le mode d’élection pour simplifier le fonctionnement de la vie partisane, ainsi que procéder à de profondes réformes institutionnelles. Néanmoins, aucun président n’a eu soit le courage d’affronter les petits partis du Congrès, soit n’a eu la capacité de pouvoir le faire. La crise de l’an dernier a été démonstrative de ces dysfonctionnements. Les députés politiques opposés au programme économique de Dilma Rousseff ont voté sa destitution, alors qu’ils étaient en théorie membres de sa majorité. Ils ont basculé de la majorité vers l’opposition du jour au lendemain, du fait de leur manque de « consistance » idéologique et morale. Dilma Rousseff a fait l’objet d’une manipulation parlementaire et politique visant à l’écarter du pouvoir pour changer de politique économique et sociale. Parallèlement, des collaborateurs des présidents Lula et Rousseff ont été mis en examen et condamnés pour des faits de corruption, relevant du mode de fonctionnement institutionnel brésilien, signalé supra. L’ex-président Lula a fait l’objet de poursuites nombreuses, qui n’ont pas abouti mais qui se sont accentuées depuis l’an dernier.
Mais l’affaire actuelle, qui vise Michel Temer, l’ex-sénateur Aecio Neves, ainsi que leurs amis politiques du PMDB et du PSDB, a révélé qu’une fois lancée, la justice ne peut pas s’arrêter aux affaires concernant le seul PT : tout le système étant gangrené, de fil en aiguille tous les partis politiques sont aujourd’hui sur la sellette. On assiste, comme en Italie avec l’opération « Mani pulite », à l’explosion du système politique brésilien, ce qui pose trois sortes de problèmes. Le premier concerne la gouvernabilité du pays. Le deuxième a trait au devenir de la démocratie brésilienne. Le troisième concerne les conséquences sur le contexte économique déjà difficile dans lequel est plongé le pays depuis plusieurs années.
Un an après sa prise de fonction controversée, quel est le bilan global de la présidence Temer ? La multiplication des manifestations illustre-t-elle une crise politique et socio-économique d’une ampleur sans précédent dans le pays ?
Le président Temer est arrivé au pouvoir au terme d’un coup d’État parlementaire, alimenté par un certain nombre d’élus proches des milieux d’affaires et des medias dominants. Ceux-ci considéraient la politique suivie par Dilma Rousseff et le PT comme trop favorable aux catégories populaires, empêchant la mise en œuvre d’une autre politique économique, nécessaire au rétablissement « des grands équilibres ». Selon eux, le Brésil se devait de pratiquer une politique d’austérité, coupant dans les budgets sociaux et d’investissements et réorientée vers les États-Unis et l’Europe.
Conformément à cette orientation, Michel Temer a pris des mesures d’austérité. La plus spectaculaire a consisté à geler le budget de l’État fédéral pendant vingt ans au niveau de celui de 2016. Cela a provoqué des troubles et des revendications sociales, ainsi qu’un regain de popularité pour l’ex-président Lula. Ces mesures n’ont par ailleurs pas redressé la situation de l’économie. La croissance n’est toujours pas au rendez-vous, tandis que le chômage réel s’élève aujourd’hui à 24% de la population active, soit deux points de plus qu’en 2016. La crise que vivait le Brésil à l’époque de Dilma Rousseff, loin de s’atténuer, s’est donc approfondie. C’est peut-être l’une des clefs des révélations faites par le journal brésilien O Globo, qui avait aussi été à la manœuvre pour la destitution de Rousseff et que l’on retrouve en première ligne aujourd’hui. Les milieux d’affaires sont insatisfaits. Michel Temer n’a non seulement pas su redresser la situation économique mais il n’a pas réussi non plus à arrêter les processus judiciaires en cours, qui déstabilisent la plupart des grandes entreprises brésiliennes ayant donné de l’argent aux partis politiques. Le délateur à l’origine des déboires de Michel Temer n’est rien moins que Joesey Batista, le patron du numéro 1 mondial de la viande froide, JBS.
Jean de Gliniasty est ancien diplomate, directeur de recherche à l’IRIS. Il répond à nos questions à propos de son ouvrage « La Diplomatie au péril des ‘valeurs’ : pourquoi nous avons eu tout faux avec Trump, Poutine et d’autres… », paru aux éditions L’Inventaire :
– En quoi la notion de « valeur » est-elle opposée à celle de « diplomatie » ?
– Comment expliquer qu’au nom d’intérêts commerciaux, des États puissent mettre de côté leur attachement à des valeurs ?
– Pourquoi malgré l’échec des États-Unis en Irak, la France tente toujours d’exporter des valeurs universelles à l’étranger ?
– En quoi la France a-t-elle « eu tout faux » avec Donald Trump et Vladimir Poutine ?