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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 15 hours 52 min ago

La Chine, nouvel artisan de l’ordre mondial ?

Fri, 27/10/2017 - 16:49

Sans surprise, le président de la République populaire de Chine a été reconduit comme Secrétaire général du Parti communiste chinois ce 25 octobre à l’issue d’un 19ème congrès qui n’a pas manqué de susciter l’émoi de la presse internationale. La Chine de Xi Jinping y a affiché la ferme ambition de prendre la tête du leadership économique et technologique. Le peut-elle également sur les questions stratégiques ? Pour nous éclairer, le point de vue de Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’IRIS.

Au lendemain du 19e Congrès du Parti communiste chinois (PPC), Xi Jinping, le président de la République populaire de Chine, est conforté sur le plan politique et idéologique. Le terme « maoïsme » usité largement par la presse internationale au lendemain de sa réélection est-il pertinent pour qualifier ce nouvel horizon politique ?

Tout dépend de ce que l’on entend par maoïsme. S’il s’agit du contenu de la politique de Mao Zedong, alors Xi Jinping avec son socialisme à la chinoise et sa glorification de l’économie de marché en est très éloigné. Il est, sur ce point, plutôt l’héritier de Deng Xiaoping. Si on comprend par maoïsme la tactique politique, qui serait, pour paraphraser Clausewitz, la poursuite de la guerre par d’autres moyens, alors on retrouve sans doute chez Xi des éléments inspirés par Mao, que la campagne anti-corruption de son premier mandat symbolise. Mais de manière générale les comparaisons sont déplacées, et assez simplistes, sans doute par manque de recul et de connaissance sur ce pays. C’est un peu comparable à la tentation pour les observateurs étrangers de vouloir trouver, chez tous les dirigeants français, un peu de Napoléon ou de de Gaulle. Pourquoi faire systématiquement référence à Mao pour chercher à comprendre les dirigeants de la Chine, sinon pour mieux montrer notre incapacité à prendre la mesure des développements exceptionnels de ce pays depuis la mort du Grand timonier, il y a plus de quarante ans ?

Xi Jinping a son propre style, et surtout un contexte que ses prédécesseurs n’ont pas connu, celui d’une Chine en position de force sur la scène internationale, et qui est en voie de devenir la première puissance économique mondiale. Certes, dans la méthode, l’habileté du président Chinois a consisté à réconcilier Mao et Deng, les deux figures de référence de la Chine contemporaine, comme pour mieux s’inscrire dans la continuité de ces dirigeants emblématiques. Mais le qualifier de maoïste est réducteur.

La Chine tend à se débarrasser définitivement de son statut « d’atelier du monde » qui l’a caractérisé au 20ème siècle pour se hisser à la pointe du progrès économique et technologique. Quelle est la Chine du 21ème siècle dessinée par Xi Jinping ?

Il s’agit là d’un vaste projet de reconversion de l’économie chinoise déjà amorcé par Hu Jintao, le prédécesseur de Xi, et son Premier ministre Wen Jiabao. Rappelons d’ailleurs au passage que le Premier ministre actuel, Li Keqiang, est proche de Hu. Les dirigeants de la Chine contemporaine ont compris que l’atelier du monde, s’il a permis à ce pays de sortir de la misère, doit désormais laisser place à une montée en gamme de l’économie. Il s’agit d’ailleurs là d’une réalité en partie consommée, et qui n’a pas attendu le 19e congrès du PCC pour se manifester.

Ces efforts se traduisent par une réduction de la pauvreté, l’émergence de classes moyennes dans des proportions qui donnent le vertige, et une augmentation de la consommation intérieure. Cela se fait au prix d’une croissance moins soutenue et d’une transformation progressive de l’économie chinoise, qui était indispensable. Mais ce sont des tendances amorcées il y a déjà près d’une décennie et que Xi ne fait que conforter, tout en capitalisant sur leurs résultats pour voir plus loin. Car, et c’est l’un des points les plus intéressants de ce congrès, la Chine se projette désormais sur plusieurs décennies, avec notamment les objectifs affichés pour 2049, année qui marquera le centenaire de la République populaire.

Avec le repli des Etats-Unis de Trump, la Chine est-elle la puissance stratégique de demain ? Comment entend-elle se positionner sur la scène internationale ?

Le déclin, relatif mais réel, des Etats-Unis sur la scène internationale, qu’on ne saurait au passage uniquement imputer à Trump et dont il ne serait qu’un accélérateur, laisse un vide. Et comme il coïncide avec la montée en puissance et la mise en avant d’un discours plus volontaire de Pékin, les raccourcis sont rapidement dessinés quant à une transition de puissance qui ferait de la Chine le nouvel artisan de l’ordre mondial. C’est aller vite en besogne.

D’une part, les Etats-Unis resteront encore plusieurs décennies, voire davantage, la première puissance militaire mondiale et ne vont pas s’effacer comme par enchantement (un rêve pour certains, cauchemar pour d’autres). La Chine est en passe de devenir un géant économique, mais elle n’est pas encore en mesure de rivaliser, sur les questions stratégiques, avec Washington. C’est sur cette base que le sinologue américain Michael Pillsbury qualifiait il y a quelques années la Chine de « puissance partielle », dominante dans certains secteurs, mais en retard dans d’autres domaines.

D’autre part, et dans le prolongement de cette idée, doit-on partir du principe que la Chine cherche à s’affirmer comme la puissance stratégique de demain, avec toutes les contraintes que cela impose et dont Washington a fait les frais ? Ne va-t-elle pas, au contraire, se complaire dans ce rôle de puissance partielle, jouant un rôle accru dans les affaires internationales, mais refusant d’être en première ligne ? Des réponses apportées par les dirigeants chinois à cette question dépendra toute l’articulation des relations internationales et de l’ordre mondial (unipolaire, multipolaire ou apolaire) des prochaines décennies.

Elections régionales au Venezuela : un retour en force du chavisme ?

Fri, 20/10/2017 - 18:14

Alors que le Venezuela est confronté à une crise politique entre l’opposition et le gouvernement qui a dégénéré en violences au printemps-été 2017 et à une crise économique et sociale d’ampleur du fait de l’effondrement des recettes de l’Etat consécutif notamment à la chute des cours pétroliers, le scrutin de dimanche a déjoué les pronostics donnant une large victoire pour Nicolas Maduro et ses partisans. Le point de vue de Christophe Ventura, chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Amérique latine.

Le scrutin régional de dimanche a donné la victoire au parti du gouvernement avec 18 Etats remportés sur 23 contre 5 pour l’opposition ; initialement le rapport de force était de 20 Etats pour les chavistes contre 3 pour l’opposition. Comment interpréter ces résultats ? Est-ce une victoire pour Nicolas Maduro ? 

Effectivement, les résultats ne sont pas ceux prédits par les sondages, ni par la presse internationale, l’Union européenne ou les Etats-Unis. Ils font d’ailleurs l’objet d’un silence gêné de la plupart des médias, pourtant très mobilisés sur le Venezuela ces derniers mois, notamment en France. La participation a été très forte puisque plus de 61% de la population est allée voter. Le parti chaviste, le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), a obtenu 54% des suffrages au niveau national contre 45% pour la Table de l’unité démocratique (MUD en espagnol). Ces chiffres sanctionnent un nouveau rapport de forces favorable au chavisme.

Ce vote confirme plusieurs choses. Tout d’abord que le chavisme est en premier lieu une force sociologique dominante dans le pays. Ensuite que l’opposition connaît un reflux depuis l’élection de l’Assemblée nationale constituante. Fondamentalement, elle est associée aux troubles et aux violences qui ont secoué le pays cette année. Ce vote la sanctionne pour cela. Déjà, lors de primaires qu’elle avait organisées le 10 septembre dans la perspective de ces élections, la MUD avait reçu de premiers signaux de son affaiblissement. En effet, ces primaires avaient mobilisé très peu de gens dans le pays –  fait à l’époque peu commenté par la presse internationale –  et la coalition avait étalé ses dissensions internes entre ses secteurs les plus radicalisés (Volontad Popular, Primero Justicia notamment), hostiles à la participation aux élections et favorables à la continuité de l’affrontement insurrectionnel, et ceux – notamment Action démocratique (AD, sociaux-démocrates) – souhaitant rompre avec cette stratégie. En effet, AD considère que la stratégie de la tension a échoué et affecté l’image de l’opposition dans le pays, notamment auprès des classes populaires et moyennes.

Le vote du 16 octobre a confirmé l’analyse et amplifié la réalité du phénomène.

En fait, l’opposition vient de connaître ce que le chavisme a vécu en 2015 lors des élections législatives, à savoir un « trou électoral » puisqu’une partie importante de ses électeurs ne s’est pas rendue aux urnes, sans doute déstabilisée par la stratégie de la MUD et ses divergences, désillusionnée par la situation générale et pour sanctionner plus spécifiquement la direction de cette opposition qui a mené une stratégie qui a échoué et semé le trouble au sein de la population. Pour sa part, l’électorat chaviste s’est quant à lui fortement mobilisé, d’abord pour exprimer son rejet de l’opposition en général. C’est un message très dur qui lui est envoyé et dont le gouvernement va profiter, ouvrant une nouvelle séquence pour le pays.

De ce point de vue, cette séquence ouverte avec l’élection de l’Assemblée nationale constituante et ces élections constitue une indéniable victoire tactique et stratégique de Nicolas Maduro sur ses adversaires, aujourd’hui affaiblis et divisés.

Quel est l’état de l’opposition ?

L’opposition est en crise ouverte après ce scrutin. En quelques mois, elle a perdu la bataille de la rue et celle du champ électoral. Elle n’a plus de voix unifiée, les cadres les plus radicaux, partisans de la stratégie de la « sortie » (salida) de Nicolas Maduro depuis son élection en 2013, ont été sanctionnés. La seule formation qui ressort gagnante est Action démocratique (AD), vieux parti de la social-démocratie vénézuélienne qui assume une ligne plus modérée.
Aujourd’hui, Action démocratique a remporté 4 des 5 Etats, ce qui la renforce sur le plan politique et institutionnel. De plus, les Etats remportés sont d’une haute importance stratégique pour le pays. Il s’agit des Etats frontaliers avec la Colombie et pétroliers. AD prend aujourd’hui le leadership d’une opposition sonnée. Au sein de la MUD, ce scrutin marque également, de ce point de vue, un nouveau tournant.

De son côté, la partie la plus radicale des opposants continue à ne pas reconnaître les résultats, arguant d’une fraude massive pendant le scrutin. Ce positionnement ne réussira pas à inverser le cours des choses. D’une part, la MUD a participé à tout le processus électoral, elle en a accepté et validé les règles et leur mise en place. L’audit général du vote est en cours, le Conseil des experts électoraux d’Amérique latine (Ceela) – constitué d’anciens présidents de tribunaux électoraux de divers pays latino-américains-, présent sur place, a confirmé la pleine sincérité du vote et la fiabilité du système électoral vénézuélien. Au sein même de la MUD, cette thèse de la fraude est loin de faire l’unanimité.  Des voix prennent leur distance, notamment celle du dirigeant d’AD, Henry Ramos Allup, qui pourrait aujourd’hui prétendre devenir le candidat de l’opposition pour la prochaine élection présidentielle. Selon lui, c’est bel et bien l’abstention au sein de l’électorat de la MUD qui explique la défaite et non la qualité du scrutin ou les irrégularités et entorses mentionnées par plusieurs dirigeants de son camp. Pour sa part, Enrique Capriles, autre figure de l’opposition, n’a pas directement relayé la thèse de la fraude même s’il a dénoncé la « corruption générale » du système électoral. L’ancien secrétaire exécutif de la MUD, Jesus Torrealba, rejette aussi cette thèse de la fraude et dénonce l’échec politique général de la direction de la MUD comme raison de la défaite. Il demande un changement global de stratégie et de direction.

Aujourd’hui, AD est en position de force dans l’opposition. L’aile radicale se marginalise. Cette évolution signifie qu’une ligne plus favorable au dialogue avec le gouvernement pourrait prendre le pouvoir. Cet élément est nouveau à quelques mois de nouvelles échéances électorales déterminantes. Les élections municipales pourraient se dérouler en décembre et l’élection présidentielle est prévue fin 2018.

Comment envisager des avancées dans les négociations entre l’opposition et le pouvoir ? Quelles issues à une sortie de crise tant politique qu’économique ?

L’issue ne peut être que politique. Il faut que la démarche de canalisation du conflit dans le cadre électoral progresse. AD semble incarner cet aggiornamento stratégique au sein de l’opposition.

Toutefois, la situation reste fragile et incertaine. Que vont faire les secteurs les plus à droite de l’opposition ? La défiance entre le gouvernement et l’opposition reste béante. Les cinq gouverneurs de cette dernière ne se sont pas rendus devant l’Assemblée nationale constituante pour prêter serment. En effet, l’opposition ne reconnaît pas la légitimité de cette Assemblée. Le blocage est toujours total. Comment cette Assemblée et le gouvernement vont réagir ?

Par ailleurs, les interventions et sanctions des Etats-Unis et de l’Union européenne (cette dernière étudie à son tour la possibilité de sanctions financières et commerciales) risquent de jeter de l’huile sur le feu en permanence et compliquent les possibilités de redressement financier et économique du pays, au détriment de la population. Face à cette situation, le gouvernement renforce ses liens avec la Chine et la Russie (qui ont pleinement reconnu les résultats et félicité le gouvernement pour la tenue de ce scrutin).

L’autre dimension de cette sortie de crise se jouera en effet sur le plan économique et social. Sur ce point, la responsabilité du gouvernement est cruciale car la victoire qu’il a enregistrée ne signifie pas pour autant une adhésion à son action. Détérioration économique et sociale, corruption, sécurité. Ces maux continuent d’affliger la société.

C’est donc sur le volet politique et économique que le gouvernement pourra ou non préparer la reconduction du chavisme au pouvoir. Cette force politique et sociologique a fait la démonstration de son ancrage dans le pays, de sa position majoritaire et de ses capacités de résilience, indépendamment de la crise à laquelle est confronté le gouvernement de Nicolas Maduro.

Du règlement ou non de ces questions dépendra grandement l’issue des prochains scrutins.

Fin des frontières ou nouveaux murs ?

Fri, 20/10/2017 - 15:30

François Grünewald est ingénieur agronome, directeur du Groupe Urgence, réhabilitation et développement (URD). Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 29 et 30 septembre 2017 :
– Les frontières ont-elles du sens aujourd’hui au regard des problématiques transfrontalières humanitaires, sécuritaires, climatiques ?
– Que pensez-vous des nouveaux écosystèmes transfrontaliers au Golfe de Guinée, Sahel et Lac Tchad ?
– Comment le groupe URD travaille-t-il autour de ces problématiques ?

Sommet européen : gestion de crises plutôt que refondation

Fri, 20/10/2017 - 15:15

Les 27 dirigeants de l’Union européenne se sont réunis à Bruxelles ces 19 et 20 octobre pour aborder les principaux enjeux auxquels elle est confrontée. Or la superposition de dossiers récents et sensibles – Catalogne, Turquie – qui s’empilent sur des réflexions de long terme – gouvernance économique et budgétaire, défense commune devant aboutir à un projet de refondation -, ont pour conséquence une mise à l’agenda peu lisible. Le point de vue de Rémi Bourgeot, économiste et chercheur associé à l’IRIS.

Brexit, Catalogne, crise de l’accueil des réfugiés, travailleurs détachés, situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest et au Moyen-Orient, tensions avec Ankara… Les dossiers sont nombreux. Quels étaient les priorités et les enjeux de ce sommet ?

Les dossiers sont effectivement nombreux et surtout disparates. Les débats paraissent quelque peu éloignés de l’idée d’un grand projet pour l’Europe que voudraient mettre en avant certains responsables politiques pour conjurer la crise multiforme qui secoue l’Union européenne.

La Catalogne fait planer une ombre particulière sur ce sommet, avec le spectre de la dislocation d’un Etat dans le cadre européen. Le fait que la Commission se tienne à distance, alors que l’UE a plutôt été vue historiquement comme un soutien des régionalismes, et l’hostilité des Etats membres illustrent le caractère explosif de cette situation pour le cadre communautaire.

Il était attendu de ce sommet, au cours des mois passés, qu’il permette des avancées importantes dans la construction européenne, une fois passées les élections allemandes et la relance du couple franco-allemand. Naturellement, la donne politique européenne est en réalité éloignée de la vision qui sous-tendait cet agenda il y a encore quelques semaines. Les dirigeants européens se retrouvent donc à gérer des dossiers les uns après les autres, à l’écart de l’idée d’une grande refonte ou d’une relance du projet européen. Alors que les projets relevant d’une grande vision, aussi bien économique sur le parachèvement de la zone euro que stratégique sur l’Europe de la défense, devait couvrir les controverses liées au Brexit, on voit précisément le problème du déraillement des négociations entre Bruxelles et Londres revenir sur le devant de la scène et occuper les discussions au-delà de ce qui était initialement prévu. Ce sommet qui devait viser la refondation de l’UE relève donc plutôt, une nouvelle fois, de la logique de la « gestion de crise ».

Emmanuel Macron aura été un des rares dirigeant politique européen à avoir conduit sa campagne avec comme fil conducteur un européisme assumé. L’ambition du président français de relancer l’Union européenne vous semble-t-elle réalisable ? L’actualité domestique de plusieurs Etats membres n’est-elle pas en train de paralyser la scène européenne ?

Le discours de la Sorbonne d’Emmanuel Macron a souvent été vu comme une « feuille de route » pour l’Europe, mais la conscience des limites pratiques sur les dossiers les plus fondamentaux évoquait davantage l’idée de prendre date face aux blocages européens et en particulier allemand sur l’euro.

Son élection avait suscité une vague d’optimisme en Europe et même au-delà quant à de possibles avancées pour la construction européenne et une consolidation de l’union monétaire. La prise de conscience des limites de son socle électoral au cours de l’été a commencé à ébranler cet optimisme, mais surtout la dynamique politique allemande est apparue comme contraire à ces avancées, à l’occasion des élections fédérales. Ces limites étaient en fait visibles avant même le bond de l’AfD ou la perspective de l’entrée dans la coalition d’un FDP devenu eurosceptique.

La coalition entre les conservateurs de la CDU/CSU et les sociaux démocrates du SPD n’avait pas abouti à une esquisse de coordination macroéconomique européenne, l’Allemagne poursuivant dans la voie d’un désinvestissement visant à l’accroissement continu des excédents budgétaires. L’idée d’un parachèvement fédéral de la zone euro y est assez largement taboue, que ce soit chez la plupart des responsables politiques mais aussi et surtout au sein d’une large majorité de la population. L’impasse sur l’instauration d’un budget substantiel pour la zone euro en découle logiquement. Ainsi la réforme de la zone euro voulue par Emmanuel Macron ne devrait pas voir le jour, en tout cas d’ici à la prochaine crise financière, si ce n’est sous une forme fortement réduite qui en change la nature.

Restent d’autres sujets, effectivement importants, mais qui ne permettent pas de régler les déséquilibres de fond qui traversent l’Europe.

Emmanuel Macron est parvenu à initier une réforme du travail détaché, sur laquelle il existe une forme de consensus assez large en Europe occidentale, et l’idée d’une Europe plus protectrice face à la mondialisation trouve un écho dans un certain nombre de sujets qui fédère notamment en Allemagne, comme le contrôle des investissements chinois ou l’arsenal anti-dumping.

La crise européenne appelle une réponse ambitieuse mais il est naturellement impossible de faire l’impasse sur les réalités politiques nationales qui se manifestent autant en Allemagne que plus récemment en Autriche avec l’arrivée du FPÖ d’extrême droite dans une coalition avec les conservateurs du ÖVP.

La première étape d’un projet économique pour l’Europe pourrait reposer sur l’idée d’une plus grande coordination économique, alors que celle-ci est quasiment inexistante au-delà du cadre limité des règles budgétaires. Ce débat, indispensable, serait difficile mais permettrait d’aborder des sujets de fond qui ne renvoie pas à de véritables tabous dans un pays comme l’Allemagne, en particulier dans une période d’assez bonne conjoncture économique, contrairement à la question de la solidarité financière ou d’un véritable gouvernement économique qui dépasserait les simples règles budgétaires.

Ce sommet européen aura été consacré en bonne partie au Brexit dont les négociations sont actuellement au point mort et doivent s’accélérer. Quels sont actuellement les points de blocage et le jeu des différentes parties ?

Le blocage actuel résulte, côté britannique, de la crise politique qui sévit à Londres depuis l’élection générale du mois de juin qui a privé Theresa May d’une véritable majorité aux Communes et donc d’un mandat fort pour négocier un accord. Côté européen, l’idée de segmenter les négociations en deux phases, la première centrée sur la facture puis la seconde sur l’accord commercial, s’avère impraticable, les deux points étant en réalité liés dans la perspective d’un accord politique. Alors que la Commission fait face à un constat de quasi-échec dans les négociations, les Etats-membres sont amenés à s’impliquer davantage pour esquisser un accord politique et aborder enfin le fond de la question commerciale.

Les blocages n’ont pas permis à Michel Barnier, le négociateur européen en chef, de cocher toutes les cases qui permettent en théorie l’accès à la seconde phase. Theresa May a tenté un signe de bonne volonté, lors du discours de Florence, en proposant un paiement de 20 milliards d’euros (encore éloigné des 60 à 100 milliards réclamés par la Commission). Face au déraillement du processus de négociation de nombreuses voies se sont élevées, notamment dans les pays continentaux qui seraient les plus directement affectés par l’absence d’accord (Pays-Bas, Belgique, Danemark), pour permettre d’esquisser un début de négociation commerciale.

Les blocages côté britannique dans l’adoption du « withdrawal bill » (projet de loi de retrait de l’Union européenne) proviennent notamment de la volonté de parlementaires des deux bords d’avoir leur mot à dire non seulement sur l’accord final mais aussi en cas d’absence d’accord pour empêcher le Brexit en l’état. Donc, sur le fond, l’idée d’un accord est bien plus ancrée qu’on ne le dit souvent.

Il semble que la partie européenne s’oriente vers l’élaboration d’un accord assez général qui serait présenté en bloc à la partie britannique pour être éventuellement amendé. Si cette démarche peut, dans certaines circonstances, permettre de sortir le processus de l’impasse actuelle, il soulève également le risque d’un nouveau blocage, plus fondamental, en cas de désaccord sur les bases même de cet accord commercial. Ces difficultés résultent de la faiblesse politique dont souffre Mme May à Westminster mais aussi du cadre impraticable qui a été fixé côté européen, le négociateur en chef souffrant de prérogatives extrêmement limitées qui l’empêche d’entrer dans une négociation véritablement politique avec la partie britannique. C’est finalement l’implication des Etats, avec leurs intérêts économiques à l’esprit, qui devrait permettre de débloquer la situation.

« Le pouvoir du sport » – 3 questions à M-C Naves et J. Jappert

Fri, 20/10/2017 - 10:59

Marie-Cécile Naves est politologue, chercheuse associée à l’IRIS et vice-présidente du think tank européen Sport et Citoyenneté (S&C). Julian Jappert, est directeur de S&C et enseignant en droit du sport. Ils répondent à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage : « Le pouvoir du sport », aux éditions Fyp.

En quoi le sport peut-il être utile à l’émancipation des femmes ?

Les bénéfices d’une pratique régulière et adaptée du sport sur la santé ont été mis en évidence par un grand nombre d’études françaises et internationales, et ce, que l’on parle de prévention des maladies chroniques ou de certains cancers (notamment celui du sein), ou même du traitement de certaines pathologies, en complément des protocoles thérapeutiques traditionnels. Or, malgré d’immenses progrès dans le dépistage de certains cancers féminins, la vigilance en matière de prévention des maladies cardio-vasculaires est plus faible chez les femmes, du fait de stéréotypes genrés fortement présents dans la santé.

En outre, chez les jeunes en particulier, les bienfaits de la pratique dans le cadre de l’EPS, du sport scolaire et universitaire, comme du sport en club ou de l’activité physique exercée de manière libre, sont immenses pour la cohésion et l’insertion sociale, le respect de l’autre, la mixité et la lutte contre l’exclusion. Mais, à l’adolescence, les filles sont nombreuses à abandonner le sport (en dehors de l’EPS bien sûr) parce que la société leur envoie de nombreux messages négatifs, « illégitimants », décourageants : conditions de pratique plus favorables aux garçons dans beaucoup de clubs et dans le cadre de la politique de la ville, très faible médiatisation des sportives qui occasionnent un manque de role models pour les filles, etc.

Or, le sport permet aussi de prendre confiance en soi, d’avoir une bonne image de son corps, d’apprendre à se dépasser, à atteindre des objectifs. Il est donc un vecteur d’empowerment, particulièrement précieux pour les femmes et les jeunes filles dans le champ scolaire et universitaire et dans le monde professionnel, qui reste très compétitif. Apprendre aux filles comme aux garçons qu’il n’existe pas de « sports d’hommes » et de « sports de femmes », pas plus qu’il n’existe de manière de pratiquer « masculine » ou « féminine », accroît leur liberté en ouvrant le champ des possibles. Cela se retrouvera d’ailleurs dans leurs choix professionnels. Une société qui tend vers l’égalité est une société plus confiante, plus pacifiée, plus performante, etc. En un mot : plus forte.

La diplomatie sportive peut-elle être considérée comme la récupération politique du sport par des régimes douteux ?

Parler de « récupération » est peut-être excessif, mais il est certain que la diplomatie du sport et par le sport ne se limite plus, en effet, aux pays développés. Tous ont compris le pouvoir extraordinaire du sport – et en particulier l’organisation de grandes compétitions internationales comme les championnats masculins de football, de handball, de rugby, ou les Jeux olympiques et paralympiques – pour améliorer ou adoucir leur image, renforcer leur rôle économique et politique sur la scène internationale – comme la Chine ou la Russie, par exemple – ou dans le but de devenir incontournables au plan régional, voire au-delà – c’est le cas du Qatar.

On a pu regretter que les promesses en matière de droits humains n’aient pas été tenues à Pékin en 2008 ou à Sotchi en 2014, mais, sous l’impulsion notamment de la FIFA, on sent un « frémissement » au Qatar, notamment par l’amélioration de la protection des travailleurs immigrés, même s’il faut rester prudent. Cela signifie que le soft power du sport porte en lui un potentiel de développement, bien sûr économique, mais aussi de lutte contre les inégalités. Or, comme le notent les grandes organisations internationales (ONU, OCDE et même FMI), le chemin vers davantage d’égalité (entre les femmes et les hommes, entre les communautés, entre les classes sociales, etc.) est une condition sine qua non d’une croissance vertueuse.

Le sport est-il en pointe ou en retard dans la lutte contre les discriminations ?

Le sport français et mondial est globalement en retard sur ce sujet, précisément parce qu’il est sous-utilisé par les décideurs comme levier d’innovation et de changement sociaux. Malgré des progrès récents, on en reste souvent aux discours incantatoires quand il s’agit des « valeurs du sport », comme la méritocratie, le vivre-ensemble et la tolérance. Mais, pour influencer efficacement les plus jeunes, ces promesses doivent se concrétiser.

Ainsi, en ce qui concerne la pratique, les propos consistant à dire que les inégalités et les discriminations à l’encontre des filles dans le sport sont spécifiques aux banlieues défavorisées – pour le dire autrement : à forte proportion immigrée ou musulmane – se multiplient et sont dangereux, en plus d’être faux. Dans sa lutte contre le sexisme, le sport doit impérativement éviter de tomber dans le piège identitaire, lequel a aussi ceci de commode qu’il permet de se dédouaner de ses propres pratiques.

Quant à la gouvernance sportive, elle doit renouveler ses acteurs en luttant contre un entre-soi qu’on ne tolère plus en politique, mais dont le sport s’accommode encore très bien. Pour cela, le non-cumul des mandats dans le temps, au sein des fédérations et du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) est une nécessité. Mais les discriminations ont ceci de pervers qu’elles sont en partie involontaires. D’où l’enjeu de sensibilisation qui passe par la formation interne, le mentorat et les bonnes pratiques, françaises et européennes. Les initiatives sont nombreuses en la matière – il y a des fédérations vertueuses. De plus, avoir été ancien sportif de haut niveau ne fait pas automatiquement de vous un bon gestionnaire ou un bon manageur du sport. Le secteur du sport, comme l’entreprise ou le champ politique, ne peut plus se passer de compétences pointues. Et parce qu’il véhicule certaines valeurs, il doit être exemplaire dans l’optimisation des talents et l’ouverture à tous, notamment les jeunes, les femmes et les personnes de toutes origines. Le sport doit être représentatif de la société française. Mais pour cela, il faut le prendre au sérieux.

La diplomatie selon Macron

Thu, 19/10/2017 - 18:06

Jean-Dominique Merchet est journaliste à l’Opinion, spécialisé sur les questions militaires, stratégiques et internationales. Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 29 et 30 septembre 2017 :
– Les coups d’éclat diplomatiques d’Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir ne sont-ils pas une manière de corriger sa popularité sur les réformes de politique intérieure ?
– Comment qualifier la ligne Macron à l’international ?
– Emmanuel Macron a-t-il les moyens de ses ambitions au niveau diplomatique ? Peut-il replacer la France au centre du jeu international ?

Ces violentes attaques venues de Chine sur le modèle de la démocratie occidentale

Thu, 19/10/2017 - 12:05

A la veille de l’ouverture du XIXe congrès du PCC qui a débuté ce 18 octobre, l’agence officielle Xinhua dénonçait « les crises et le chaos » qui caractérisent les démocraties occidentales, soutenant ainsi la supériorité politique du modèle chinois. Comment interpréter de telles déclarations, notamment au regard du discours tenu par Xi Jinping, en passe de renforcer encore son pouvoir ?

Dans le monde chinois, et pas seulement en Chine populaire, le refus critique du modèle offert par les démocraties occidentales n’est pas nouveau. Qu’il soit empereur ou chef du Parti communiste, le dirigeant chinois tire depuis toujours sa légitimité non pas d’un choix du peuple mais du fait qu’il lui garantit le nécessaire sur le plan matériel, la solidarité entre les sujets et la justice. En échange, le peuple accepte de ne pas contester son pouvoir. Toutefois, le « Mandat du Ciel » n’est accordé qu’au souverain vertueux.

Si celui-ci se révèle corrompu ou incapable de protéger ses sujets (y compris contre une administration corrompue), il perd la protection du Ciel et il est alors légitime, pour le peuple, de le renverser et de mettre en place une nouvelle dynastie. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, l’arrivée au pouvoir de Mao n’a pas vraiment changé les choses. Il est donc évident que les modèles démocratiques occidentaux que certains veulent imposer au monde entier, parfois de force et toujours avec arrogance, ne sont pas acceptables. Leur critique, déjà maintes fois entendue dans le passé, n’est qu’une manière de rappeler, autant aux commentateurs étrangers ignorants des réalités chinoises qu’aux Chinois eux même, la volonté de pérenniser un modèle politique multi séculaire.

L’agence Xinhua indique que « La médisance politique sans fin, les querelles et les renversements de politique qui font les marques de la démocratie libérale ont retardé le progrès économique et social et ignoré les intérêts de la plupart des citoyens. ». Quelles sont les forces d’opposition chinoises, en faveur de « plus de démocratie ». Les occidentaux ont ils eu tendance à surestimer ces forces ?

Dans le concept de pouvoir autocratique assez largement accepté par les Chinois, il est évident que le fonctionnement des démocraties occidentales ne peut qu’être critiqué. Les dirigeants de l’Empire du Milieu travaillent -ou essaient de travailler- sur le temps long. Cela implique de suivre une ligne et d’éviter tout ce qui pourrait faire dévier de cette ligne. Les alternances et les remises en cause perpétuelles sont inacceptables. L’interdiction de la critique est donc une base et peut conduire à mater avec brutalité tout ce qui pourrait remettre en cause l’ordre établi. Ceci est d’autant plus vrai que tout mouvement de contestation populaire est perçu par l’autorité comme une faille potentielle dans sa légitimité et un obstacle au progrès dans tous les domaines. « SI l’Empire se prend à cheval, il ne se gouverne pas à cheval. Il se prend par la force, mais se conserve par l’adhésion des sujets et l’autorité du prestige ».

Il existe quand même, bien entendu, des forces de contestation. Traditionnellement et tant que le pouvoir central fonctionnait « correctement », cette contestation se limitait à des pétitions de lettrés ou à des « grognes » populaires locales vite réprimées. Mao y a ajouté quelques grandes opérations destinées à tuer dans l’œuf des contestations potentielles. Mais ce qui était gérable dans un monde préservé des influences extérieures ne l’est plus au XXI° siècle. Les Chinois voyagent et sont en contact avec le monde extérieur, malgré une censure qui demeure parfois féroce.

De plus en plus d’entre eux sont tentés par les modèles politiques occidentaux et souhaiteraient qu’il s’applique chez eux. C’est évidemment inacceptable pour les dirigeants appartenant à la « dynastie » fondée par Mao. De temps en temps, un contestataire arrive à se faire entendre en Occident, parfois jusqu’à être reconnu par un prix Nobel. Mais il n’est pas certain que l’influence de ces opposants soit aussi grand à l’intérieur du pays qu’on se l’imagine dans les cercles « droit-de-l’hommistes » de nos pays. Pour cause d’intérêts marchands et de sinophilie, on constate d’ailleurs que les soutiens occidentaux aux contestataires demeurent excessivement limités.

Quelles sont les failles existantes dans le système mis en place ?

Le système mis en place, basé sur un autocrate s’appuyant sur une lourde hiérarchie pyramidale a relativement bien fonctionné depuis des siècles. Toutefois, toutes les dynasties, après des périodes plus ou moins longues, ont fini dans le chaos et/ou ont été remplacées par des dynasties de colonisateurs.

Le système, tel qu’il fonctionne depuis 1949, est basé sur trois piliers : Etat, Parti et Armée, le Parti étant supposé être au-dessus des deux autres. Ceci est relativement facile à gérer quand un seul homme est porteur des trois couronnes. C’est actuellement le cas de Xi Jinping. Toutefois, chacun des piliers a sa hiérarchie et sa gouvernance propre, et les intérêts sont de plus en plus divergents. Cela a conduit Xi à mener, pendant les cinq premières années de son mandat, de nombreuses purges. Celles-ci ont été justifiées par la lutte contre la corruption, sujet qui recueille depuis des siècles l’adhésion populaire. Il semble qu’il ait à peu près réussi à mettre en place presque partout des hommes qui acceptent de revenir au schéma traditionnel. On saura s’il a vraiment réussi s’il n’y a plus, après le Congrès, de nouvelles campagnes anticorruption visant des dirigeants de haut niveau.

Mais le système, parce que la population est de plus en plus en contact avec le monde extérieur et que le niveau de vie s’élève et fait découvrir de nouvelles aspirations, est exposé à de nouvelles menaces. Le libéralisme effréné qui est de règle dans une partie de la société est aussi un facteur de remise en cause des solidarités, en particulier entre les provinces. De plus, les dirigeants pékinois ont bien d’autres défis à relever : démographie, économie, pollution…. Le Mandat du Ciel pourrait s’en trouver remis en cause.

« Femen : histoire d’une trahison » – 3 questions à Olivier Goujon

Thu, 19/10/2017 - 10:37

Olivier Goujon est journaliste-photoreporter pour la presse française et européenne. Dès 2009, il fut le premier à réaliser des sujets sur les Femen en Ukraine. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de son ouvrage, « Femen : histoire d’une trahison », aux éditions Max Milo.

Selon vous, les véritables créatrices du mouvement Femen ont été écartées et mises en danger en Ukraine, par les manœuvres de celle qui a incarné en France ce mouvement, Inna. Pourquoi et comment ?

Pas « selon moi », mais selon les faits. La fondation du mouvement « Nouvelle Éthique » en 2007 (qui devient vite Femen), par Oxana Shachko et Sacha Shevchenko, l’installation à Kiev, l’arrivée d’Inna Shevchenko (aucun lien de parenté avec Sacha), la leader actuelle, qui ne rejoint le mouvement que fin 2010, le roman de son évasion vers la France à l’été 2012, l’année à suivre, terrible, que vont passer Sacha et Oxana en Ukraine, les manœuvres de Caroline Fourest (qui va quand même jusqu’à dire à Oxana et Sacha qu’elles ne sont pas les bienvenues en France, alors qu’elle a apporté toute son aide à Inna) pour asseoir son pouvoir sur le mouvement, l’hostilité de Femen France, instrumentalisée par C. Fourest et Inna contre Sacha et Oxana, pourtant bien plus légitimes qu’elles pour diriger le mouvement… Tout cela est documenté, sourcé, démontré et appuyé par de nombreux témoignages.

Pourquoi ? Parce que Sacha et Oxana sont des révolutionnaires sincères qui mettent en place un mouvement égalitaire et solidaire en Ukraine, alors qu’Inna poursuit un objectif personnel. Ce n’est pas condamnable en soi, sauf que la réalisation de cet objectif va passer par la mise à l’écart politique et la mise en danger des deux autres. Le tout avec la complicité de C. Fourest et devant les yeux aveugles de la presse et des institutions.

Au-delà de cette guerre pour le pouvoir, c’est tout le mouvement qui va perdre son idéal avec ce hold-up. Au départ égalitaire (en Ukraine, les fondatrices partageaient tout), le mouvement devient une structure verticale avec culte du chef et décisions autoritaires. Mouvement révolutionnaire, il se démultiplie et perd son idéologie première : la lutte pour l’égalité des sexes à travers le sextrémisme. Ce dernier, mouvement de fond qui multipliait les actions quotidiennes, notamment contre l’industrie du sexe, ne va plus se focaliser que sur les actions à forte plus-value médiatique…

Comment expliquer que les médias français, bien qu’alertés, n’aient pas voulu rendre compte de ces manipulations ?

D’abord, l’histoire était belle de cette façon. On avait une pasionaria fascinante qui s’échappait d’Ukraine, où elle était poursuivie pour avoir abattu un symbole religieux, et qui se réfugiait au pays des droits de l’homme et des lumières… Les décideurs des rédactions ne sont pas prêts à démentir ou nuancer la légende parce que la vérité est secondaire. Ce qui importe, c’est offrir au public une histoire positive, au clivage lisible, qui soit facilement digérable et permette à chacun de se déterminer facilement. Ce même souci de simplification induit des raccourcis suffisamment anodins pour que la conscience des journalistes s’en accommode, mais dont l’addition finit par corrompre en profondeur la vérité. Par exemple, Inna n’a pas fondé le mouvement Femen, mais arrive plus de deux ans après et « s’échappe » très vite vers les feux de la rampe français. Pourtant, dans la plupart des articles consacrés à Femen, elle est présentée comme une de ses fondatrices. C’est plus simple ainsi ! La répétition de ces raccourcis a été fatale à Sacha et Oxana qui avaient à cœur, elles, la pérennité du mouvement et sa flamme. L’histoire était de plus garantie, sur fond de romance, par une figure médiatique de premier plan, Caroline Fourest, qui publiait alors un livre rempli d’imprécisions, d’erreurs et de contre-vérités. [1]

Certains journalistes ont cependant alerté sur l’usurpation qui se déroulait (Marie Vaton à L’Obs ou Frédéric Beigbeder dans Lui). Mais ils ont été rares et, surtout, inaudibles. C’est tout l’enjeu de la machine médiatique. Une information s’installe comme vraie, autojustifiée par sa puissance de matraquage dans l’espace médiatique. Plus on en parle, plus elle devient réelle. Il ne s’agit pas d’accuser « les » journalistes, car les individus sont largement dépassés et inexistants à l’intérieur même de leurs médias. En mai dernier, les journaux ont massivement soutenu Emmanuel Macron, pourtant, à l’intérieur des rédactions, les journalistes, même politiques, étaient bien plus nuancés.

Mais, pour avancer, cette machine médiatique a besoin de relais forts. Caroline Fourest et son réseau au sein des médias et ministères (dont elle fait étalage à longueur de livres et d’interviews[2]) ont influencé sans aucun doute le sens de l’histoire.

Dénoncer ce type de manœuvres peu honorables est-il facile en France ? Votre livre est-il bien reçu par les médias, qui ont été nombreux à parler de l’action des Fémen ?

Non ce n’est pas facile, car personne n’aime se remettre en cause. On argue du temps qui passe, du manque d’actualité du sujet, de son effet « peu concernant » … Comme si rétablir dans leurs vérité et honneur deux réfugiées politiques, ayant donné naissance à un mouvement radical de résistance qui a acquis en quelques mois une notoriété planétaire, était moins prioritaire que le statut de Brigitte Macron ou un transfert au PSG.

Je me suis également heurté à la frilosité du monde de l’édition. Le livre m’a été commandé par les éditions Marabout. À quelques heures de partir à l’imprimerie, son éditrice, effondrée, m’apprend qu’elle ne sort pas le livre. Tout le monde est très satisfait de l’enquête, Marabout a beaucoup investi en temps, énergie, argent, nous avons un go du service juridique… Mais le livre est bloqué. Je n’ai eu aucune explication officielle. Alors, je conjecture, ce qui m’amène obligatoirement à envisager que la mise en cause de C. Fourest n’y est pas pour rien, car cette dernière publie de nombreux livres chez Hachette.

Il ne s’agit pas de crier au complot. Personne en France ne peut empêcher un livre de sortir. Elle n’était, sans doute, même pas au courant du problème (même si je l’ai évidemment contactée pour le livre et qu’elle a refusé de répondre) et n’a certainement pas décroché son téléphone pour empêcher la publication. C’est juste un raisonnement commercial : quelqu’un au-dessus de mon éditrice a jugé que mon livre allait causer davantage d’ennuis que de bénéfices. C’est de l’autocensure et de la frilosité. Heureusement, Max Milo m’a ouvert sa porte.

Pour autant, au-delà des connivences entre Inna et certains médias, le livre n’est pas mal reçu. D’abord, pour sa qualité d’enquête de fond et son caractère inédit. Personne n’a jamais dit la véritable histoire de ce mouvement, ni pourquoi et comment il se perd, mais également, même si cela semble paradoxal, parce que l’effet de système dont je parle est aussi intense que bref. Le manque de mémoire, la superficialité, les turn-overs dans les rédactions… font que le contexte est différent cinq ans après. Tout de même, je constate que partout où je suis invité, on me demande plus d’évoquer l’histoire de Femen et sa dérive, plutôt que l’emballement médiatique pour Inna Shevshenko à partir de 2012, qui fait main basse sur le mouvement, ou les mensonges de C. Fourest pour soutenir cette entreprise de confiscation.

[1] FOUREST (Caroline), Inna, Grasset, 2014.

[2] cf. les chapitres de mon livre sur l’obtention du statut de réfugiée pour Inna, établie en un temps record, ou bien sur les manipulations ayant pour but de faire croire qu’Inna est le modèle de la nouvelle Marianne.

Le Conseil de Sécurité des Nations unies au Sahel : quels enjeux ?

Thu, 19/10/2017 - 10:25

Sous la présidence française, le Conseil de sécurité va visiter cette semaine des Etats du G5 Sahel, un groupement régional composé du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad. Ces pays vivent une crise sécuritaire depuis 2005, année des premières grandes prises d’otages occidentaux et année des attaques armées d’envergure contre les forces de sécurité nationales. Un espace de transit où les trafics divers, en particulier de drogues, de cigarettes et d’êtres humains, se sont progressivement généralisés.

Il est fréquent pour ce principal organe des Nations unies qu’est le Conseil de sécurité de se rendre sur le terrain pour s’informer davantage d’une crise avant de revenir à New York avec plus d’idées de sortie de crises. Précisément, au début de la décennie 2000, le Conseil avait effectué des déplacements remarqués dans des pays alors ravagés par de violentes guerres civiles : Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Libéria, Sierra Leone. Des pays où les Nations unies avaient investi massivement pour la paix à travers le déploiement de Casques bleus et l’assistance humanitaire. Des pays qui sont aujourd’hui plutôt stables ce qui permet l’espoir pour le Sahel.

Marqué par une culture nouvellement importée et fondée sur une suspicion aiguë qui pousse à la fuite en avant, ce Sahel vit simultanément plusieurs crises. La plus médiatisée, et la plus meurtrière, sans être pour autant la plus profonde, est la crise sécuritaire. Elle résulte des attaques des mouvements djihadistes qui sont de plus en plus ‘’des indigènes’’, c’est-à-dire issus ou proches des populations autochtones. Il existe aussi une crise interne aux pays concernés qui alimente la précédente. Face à des dangers réels, la présence et l’utilité des autorités publiques ne sont pas souvent senties ou même perçues par les populations. Les gouvernements se comportent comme si la situation de leur pays était normale et que des efforts de renforcement et d’élargissement de leurs bases politiques n’étaient ni nécessaires ni utiles.

À ces deux déficits s’ajoute un troisième bien plus grave : le déni des réalités. Celui-ci est conforté par une propagande insidieuse et quasi officielle qui attribue l’origine des difficultés des pays et leur gravité à des forces extérieures. Un euphémisme pour désigner ceux qui viennent au secours de nos pays ! Dans la rue et les salons, comme dans les écoles, les populations sont orientées, voire chauffées à blanc contre les partenaires dans une ambiance xénophobe dont les ravages seront encore plus sévères dans le futur.

Au lieu d’appeler à la solidarité avec les alliés extérieurs qui combattent un ennemi commun et d’aider à une plus grande efficacité des troupes nationales et internationales, des campagnes sont menées à travers plusieurs États pour démontrer la connivence entre djihadistes, rebellions et les forces extérieures bilatérales et multilatérales. Aussi incompréhensible que cela puisse paraître c’est dans cet environnement de suspicion que la délégation du Conseil de sécurité se rendra dans les pays du G5 Sahel.

Dans ce contexte, comment aider à résoudre la tragédie de la région ? Le second secrétaire général de l’ONU, le suédois Dag Hammarskjöld aimait dire : « Les Nations unies n’ont pas été créées pour mener l’humanité au Paradis mais pour l’empêcher d’aller en enfer. »

Critiquer cette organisation est tout à fait légitime et reste un exercice facile ce qui le rend fréquent même avant le fameux ‘’machin ‘’du Général de Gaulle. Mais là n’est pas le point. Pour les pays affectés par une crise multidimensionnelle, et pour leurs alliés extérieurs, la priorité doit être de créer de solides fronts internes capables de venir à bout d’un adversaire déterminé et qui ne cesse de prendre plus de place et plus de poids. Ouverte ou insidieuse, la diabolisation des alliés bilatéraux ou internationaux est injuste mais surtout une fuite en avant qui ne sert que des intérêts politiques immédiats. Les gouvernements nationaux ne peuvent utiliser les partenaires extérieurs pour se décharger des responsabilités qu’ils ont vis-à-vis de leurs citoyens. La réécriture de l’histoire est un exercice futile qui a souvent engendré de terribles désastres que les nations du Sahel seraient bien inspirées d’éviter.

En définitive, les Etats du G5 Sahel et leurs alliés doivent s’atteler à réaffirmer à la délégation du  Conseil de sécurité leurs priorités et s’y conformer par leurs décisions et leurs déclarations. Il s’agit tout d’abord de mettre fin à l’insécurité ce qui exige plusieurs mesures dont l’action militaire est un élément essentiel et qu’il faudra cesser de minimiser et encore moins de diaboliser. Pour en assurer l’efficacité, celle-ci a besoin du soutien moral et politique des gouvernements et surtout des opinions publiques nationales. Il s’agit alors d’agir simultanément sur plusieurs fronts à commencer par la restauration de la visibilité et de l’utilité de l’Etat ainsi que de la sauvegarde de ce qui reste de son autorité.

Détribaliser l’administration et les forces de sécurité est l’une des premières mesures que les pays concernés doivent mettre en route afin de stopper le processus de déconstruction des Etats post coloniaux. Une déconstruction qui renforce les bases ethniques et régionales des rébellions.

Le Conseil de sécurité sait qu’il existe des guerres de choix quand des acteurs extérieurs interviennent pour aider un allié, exercer des pressions ou affirmer leur puissance. Ceci étant, dans une région où malgré de grands progrès en matière de liberté d’expression, le Conseil doit rappeler aux gouvernements visités que la sagesse et l’intérêt bien compris de tous sont de constituer un front commun et non d’exposer leurs alliés à la vindicte populaire. À cet égard, et au-delà de la vérité historique, les lancinantes évocations d’agendas secrets des partenaires extérieurs du Sahel ou d’actions de résistance à la colonisation, il y a plus d’un siècle, ne servent pas les priorités actuelles de lutte contre le terrorisme. Ni l’agenda du développement. Et ne permettront pas de faire l’économie des efforts de gouvernance désormais indispensables à fournir à des citoyens plus exigeants.

Comme à son habitude, la délégation du Conseil de sécurité écoutera et discutera avec les autorités nationales et rencontrera sans doute des délégués de la société civile et des personnalités des pays visités. Elle trouvera la manière et le style pour encourager ses interlocuteurs à agir de façon à ce que les gouvernements sahéliens, et leurs partenaires extérieurs, œuvrent ensemble pour atteindre leur objectif commun de retour à la stabilité et au développement. Silences et questions seront les réponses à des affirmations, hors contextes, qui leur seront servis. Toutefois, le message sera amical et donc sincère. Précisément ce qu’il faut pour marginaliser un adversaire de plus en plus confiant car de plus en plus présent dans la région.

Pour les gouvernements visités, ces rencontres avec le Conseil de sécurité sont des occasions importantes non comme opérations de politique intérieure mais pour présenter des explications convaincantes parce que crédibles à un organe politique dont l’influence ne saurait être sous-estimée.

Le financement des forces du G5 Sahel, des troupes des Nations unies et des mesures économiques d’accompagnement se jouera sans doute au cours de cette visite. Familière avec le Sahel et ses problèmes, la présidence française du Conseil de Sécurité peut aider à faire aboutir les demandes des pays visités et, pour le moins, selon la formule consacrée, maintenir le sujet inscrit à l’ordre du jour du Conseil.

Les conflits oubliés : pourquoi ?

Wed, 18/10/2017 - 17:09

Françoise Sivignon est présidente de Médecins du Monde (MdM). Elle répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 29 et 30 septembre 2017 :
– Comment expliquer qu’un conflit intéresse davantage que d’autres ?
– Comment MdM choisit-elle ses interventions? Quelle est la politique de votre organisation ?
– Comment MdM travaille-t-elle pour mobiliser le public sur les conflits oubliés où vous êtes engagés ?

Congrès du Parti communiste chinois. Une Chine mondiale et conquérante

Wed, 18/10/2017 - 12:14

À l’approche du 19e congrès du Parti communiste chinois, qui s’ouvre ce mercredi, les documents qui circulent reflètent l’état d’esprit qui règne à Pékin. En dehors de la consolidation politique intérieure qui domine l’agenda de Xi Jinping, lequel sera confirmé dans ses fonctions de secrétaire général, le parti entend désormais affirmer sa vision du monde.

Destiné prioritairement au public chinois, le message est double : d’une part, la Chine entend participer pleinement aux institutions internationales, et peser de tout son poids ; d’autre part, offrir des alternatives à « l’ordre international » mis en place à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale et largement dominé par les États-Unis.

En janvier 2017, le discours prononcé à Davos par Xi Jinping a révélé au grand jour l’entreprise chinoise déjà largement amorcée depuis quelques années. À travers sa participation aux Nations unies, mais aussi à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine milite pour la mondialisation des échanges dont elle a grandement bénéficié depuis son entrée à l’OMC en 2001. Elle est également partie prenante à de nombreux traités internationaux.

Mais les quatre dernières années ont aussi mis en lumière la volonté chinoise d’établir ses propres institutions telles la Banque asiatique pour les investissements dans les infrastructures (BAII), ou le projet Belt and Road qui vise à développer des infrastructures dans une vaste région allant de la Russie orientale à l’Afrique, en passant par l’Asie centrale, le Moyen-Orient et le continent européen.

Pas à l’avantage des Occidentaux

Ces institutions visent à affirmer la puissance chinoise dans les domaines économique, diplomatique et stratégique, le tout accompagné d’une vaste politique de soft power, concert que Pékin cherche à s’approprier (non sans mal).

La vision d’une Chine ambitieuse figurera en bonne place dans le document final présenté au congrès. Le message sera retransmis abondamment dans les médias chinois. Cette situation est particulièrement nouvelle pour un parti qui s’interdisait, il y a encore une décennie, de « s’immiscer dans les affaires des autres ».

Les diplomates chinois, qui maintenaient un profil bas au siège des Nations unies, sont, aujourd’hui, parmi les plus actifs. Depuis une quinzaine d’années, il n’est guère de zone géographique délaissée sur le plan bilatéral ou régional. Et s’il ne s’agit plus de fédérer idéologiquement des régimes communistes qui ne se comptent plus que sur les doigts d’une main, on ne peut nier que de nombreux régimes accueillent avec empathie le « modèle de Pékin », mélange de capitalisme semi-étatique et d’autoritarisme politique.

On ne peut nier que le jeu mondial est en train d’évoluer sous la pression de ce puissant acteur. Au final, ce ne sera probablement pas à l’avantage des Occidentaux, empêtrés dans leurs errements économiques ou politiques (avec pour résultat le populisme et la montée des extrêmes). L’élection de Donald Trump aux États-Unis, le Brexit et le résultat obtenu par l’extrême droite allemande en sont les trois exemples les plus évidents.

Pour autant, l’Europe ne peut nier une communauté de valeurs avec l’Amérique. Quoi qu’en disent ceux qui prétendent défendre l’idée d’un rapprochement sino-européen au nom d’un antiaméricanisme primaire devraient s’interroger sur les valeurs qu’ils offrent en guise d’alternative.

Le sport n’est pas une priorité gouvernementale

Thu, 05/10/2017 - 18:34

Peu de temps après que la France célèbre quasi-unanimement l’obtention des Jeux Olympiques pour 2024 et s’enthousiasme des valeurs du sport pour la société, le budget nous ramène à de plus tristes réalités.

Le sport n’est pas une priorité gouvernementale. Rien de nouveau sous le soleil, c’est plutôt une longue tradition. Les responsables politiques aiment célébrer les victoires de nos champions mais ne font guère d’efforts pour préparer la relève et diffuser la pratique du sport. Les jours de victoire, le haut de la pyramide est fêté. Au quotidien, le bas de la pyramide est trop souvent oublié.

Bien sûr, il faut réduire les déficits. Mais, il y a des budgets qui sont sanctuarisés quand d’autres vont augmenter. Celui du sport, lui, subira une baisse de 6,9 % des crédits. Le Centre national de développement du sport connaît une baisse de 260 à 133 millions d’euros tandis que le ministère passe de 247 à 348 millions. Le budget de dernier s’élève désormais à 481 millions d’euros, contre 507 l’an dernier.

Le mauvais traitement subi par le ministère du Sport n’est pas étonnant. Le sport ne fait pas partie de la formation des élites françaises contrairement à d’autres pays, notamment anglo-saxons.

En France, le sport n’est pas une priorité. La seule subvention accordée à l’opéra de Paris est de 100 millions d’euros, soit 1/5ème du budget global alloué au sport. Cette subvention est en grande partie auto-accordée par les élites, elles-mêmes, car les spectateurs de l’opéra sont majoritairement classés socialement. Je ne souhaite pas ici opposer la culture au sport. Les deux sont indispensables. Ceux qui les opposent privilégient justement la première pour négliger le second.

Certains expliqueront qu’il y a beaucoup d’argent dans le sport. C’est vrai. Mais il s’agit du sport professionnel qui ne coûte rien à l’État, voire lui rapporte, par le biais des impôts et des taxes. C’est sans charge pour l’État que le tour de France offre un spectacle gratuit à dix millions de spectateurs. C’est également sans charge pour l’État que, chaque année, environ 8 millions de personnes assistent à des matchs de football de ligue 1.

Là où les financements manquent, c’est pour le sport amateur, afin de permettre une plus grande pratique du sport de masse, bénéfique pour la cohésion sociale, l’éducation et la santé. Souvent, les clubs ne peuvent pas accueillir la totalité des enfants souhaitant s’inscrire, faute d’installations et/ou d’encadrants. Le risque est de créer un fossé entre ceux qui ont les moyens de s’inscrire dans des salles ou clubs privés aux abonnements coûteux et ceux qui, faute de moyens, seraient privés de pratiques sportives.

Il y a pourtant 17 millions de Français adhérents à une association sportive, sans compter les pratiquants informels et les bénévoles qui encadrent ces différentes activités. Le monde du sport est peut-être trop légitimiste et peu conscient de sa réelle puissance pour faire valoir ses droits.

Fin des hydrocarbures : « Cela fait 17 ans que l’on balade la Guyane »

Thu, 05/10/2017 - 14:34

La fin des hydrocarbures d’ici 2040, qu’est-ce que cela signifie concrètement pour la Guyane ?

Si la loi est votée, ce qui ne fait guère de doute, la Guyane ne pourra plus exploiter de pétrole après 2040, ni accorder de nouveaux permis d’exploration. Or en 2000, la loi d’orientation des Outre-mer avait pourtant prévu le transfert de la compétence à la Guyane pour développer et renouveler les titre miniers en mer. Les gouvernements ont traîné les pieds. En 2014 et en 2016, le conseil d’Etat a rappelé à l’ordre le gouvernement, sans succès. Il fallait un décret d’application qui n’a toujours pas été signé.

Si les gouvernements précédents avaient respecté la loi, la collectivité territoriale de Guyane aurait eu la possibilité de renouveler le permis de Total. Elle aurait aussi pu accorder des permis à d’autres compagnies pétrolières. Cela fait 17 ans que l’on balade la Guyane ! Même si Nicolas Hulot a indiqué hier (le 4 octobre 2017) que la compétence serait transférée, je vois mal comment la collectivité de Guyane pourrait accorder d’autres permis d’exploration pétrolière avec la loi hydrocarbures.

Toutefois, le ministre de la Transition écologique a quand même prolongé le permis d’exploration de Total. En tant qu’écologiste, il aurait pu en décider autrement…

Il aurait pu le tenter, mais cela n’aurait pas été légal. Et puis cela aurait donné une mauvaise image de l’Etat français aux investisseurs dans tous les domaines. Nicolas Hulot veut la fin de la production des hydrocarbures d’ici 2040, mais le permis Guyane Maritime  a été légalement accordé à un consortium pétrolier et d’après la loi en vigueur ce consortium (réduit aujourd’hui au groupe français Total) a le droit de demander la prolongation.

Le ministre de la Transition écologique a voulu dans ce dossier éviter d’être traîné devant les tribunaux par des compagnies pétrolières. Il y a l’aspect financier, toujours désagréable en période de difficultés budgétaires, mais il y a surtout l’image de marque de la France face aux investisseurs.

Que va-t-il se passer maintenant si Total trouve du pétrole dans ce contexte de fin de la production des hydrocarbures en France ?

Si Total trouve du pétrole et surtout s’il y en a suffisamment pour que la production soit rentable, la compagnie pourra l’exploiter. Elle devrait le savoir d’ici à 2020. L’entrée en production pourrait débuter en 2024-2025.

On sait qu’il y a du pétrole depuis 2011 dans cette zone, de manière sûre. Ce n’est pas de la science-fiction. Mais il faut trouver des réserves importantes pour assurer une rentabilité, d’autant plus qu’on est en mer profonde avec des coûts de production très lourds. Total est une société privée et vise avant tout une exploitation rentable.

Hier à l’Assemblée nationale, le projet de loi hydrocarbures a fait l’objet d’un amendement gouvernemental qui a été voté qui stipule que Les concessions prendront fin en 2040 « sauf dans un seul cas bien précis: si l’industriel peut prouver que cela ne couvre pas les frais engagés ». Est-ce que cela concerne le permis Guyane maritime ?

Si Total trouve du pétrole comme je viens de vous le dire et que c’est rentable, la compagnie le saura assez vite. Certes cela ne se fait pas en trois jours, mais en deux-trois ans, Total saura si la production pourra se faire ou pas. Cela fait partie des procédés bien connus de l’industrie pétrolière mondiale. Ainsi si la production débute autour de 2024-2025, en 15 ans d’exploitation, je ne vois pas comment cela ne serait pas rentable.

Si Exxon Mobil a trouvé du pétrole au Guyana, que Total investit au Brésil, la région semble très riche en pétrole et donc prometteuse ?

Il est certain que la région sur le plan géologique est riche en pétrole, avec des quantités importantes. Nous ne sommes pas loin du Venezuela, premier détenteur de réserves pétrolières au monde devant l’Arabie Saoudite. Nous ne sommes pas loin du Brésil, puissance montante dans ce secteur. Au Guyana, le groupe américain Exxon Mobil a fait des découvertes importantes. Nous parlons d’une estimation de 2 à 3 milliards de barils de pétrole (120 000 baril par jour).

La production devrait intervenir à partir de 2020 en mer profonde. La première compagnie mondiale pétrolière (Exxon Mobil) va investir 4,4 milliards de dollars pour développer cette découverte. Ce n’est pas un petit gisement ! Il y a aussi de l’exploration au large du Suriname avec Exxon Mobil et la compagnie Tullow oil. Cela incite donc Total à poursuivre la recherche au large de la Guyane, mais cela ne veut pas dire que c’est une garantie de succès pour la compagnie française.

Géopolitique des droits des femmes

Thu, 05/10/2017 - 11:13

Entretien avec Françoise Picq, docteure en science politique, rattachée à l’IRISSO Université Paris-Dauphine, à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 29 et 30 septembre 2017 :
– Dans quelle mesure le féminisme est-il lié aux bouleversements géopolitiques de cette dernière décennie ?
– Quelles sont les dynamiques actuelles autour des droits des femmes dans le monde notamment autour d’un certain retour d’un phénomène religieux ?
– Comment se situe la France dans ces différentes dynamiques ?

Catalogne : une solution est-elle possible avec Rajoy ?

Wed, 04/10/2017 - 17:09

Le 1er octobre 2017, s’est tenu un référendum sur l’indépendance de la Catalogne. Jugé illégal par le gouvernement espagnol, il a vu le Oui l’emporter à 90% des voix (taux de participation : 42,3%) dans un contexte de fortes violences.

Il y a presque une vingtaine d’années, j’avais développé le concept de « prolifération étatique », à la suite de l’implosion de l’URSS et de la Yougoslavie. Je mettais en garde contre un phénomène qui me paraissait au moins aussi grave que celui de la prolifération des armes nucléaires : les sécessions d’États, qui n’étaient d’ailleurs pas uniquement animées par une volonté d’indépendance nationale, comme au temps de la décolonisation, mais guidées par l’égoïsme économique de vouloir conserver ses ressources naturelles/richesses, sans les partager avec les membres d’une ancienne fédération. Les Républiques slaves de l’URSS ne voulaient plus payer pour celles d’Asie centrale. La Slovénie, qui représentait 10% de la population et 25% du PIB yougoslave, a été la première à faire sécession. Cela pouvait conduire à un émiettement du monde et surtout des conflits, parce que, mis à part l’expérience tchécoslovaque, les divorces de velours sont plutôt rares. Les sécessions se terminent généralement dans le sang.

Je ne suis pas forcément un adepte du séparatisme et de la sécession. Mais ce qui vient de se passer en Catalogne me paraît être d’un ressort tout à fait différent. Bien sûr, cette dernière représente la partie la plus riche de l’Espagne, et l’aspect économique n’est initialement pas absent des revendications d’autonomie, les droits culturels des Catalans réprimés par Franco étant désormais reconnus. Mais, comment expliquer que, dans la période récente, la volonté indépendantiste se soit autant renforcée ?

La responsabilité du gouvernement espagnol n’y est pas étrangère. Depuis plusieurs années, Mariano Rajoy ne veut pas négocier avec les Catalans et les pousse davantage dans leurs retranchements. Bien sûr, dès le départ, certains souhaitaient l’indépendance. Mais d’autres réclamaient simplement une plus grande autonomie et une redistribution différente. On peut dire que l’intransigeance hermétique de M. Rajoy est venue augmenter le nombre de Catalans désirant l’indépendance.

Rajoy a perdu la « guerre des images ». Peut-on empêcher ainsi par la force, la force brutale et non la force de la loi, des gens qui veulent se rendre aux urnes ? Comment imaginer et accepter, qu’au sein de l’Union européenne (UE), basée sur des règles de démocratie, on puisse charger par la force des gens qui veulent voter ? Même si ce référendum était décrété illégal par Madrid, il y avait certainement d’autres moyens de s’y opposer. Ces violences à l’égard d’une population civile qui souhaite s’exprimer, la répression d’une manifestation par la force… Tout ceci est très grave.

Bien sûr, les gouvernements européens sont très gênés. Ils ne veulent pas critiquer un État membre, auquel ils tiennent, dont ils ont besoin. C’est également une façon de n’être pas critiqué soi-même. Mais, peut-on concevoir que l’UE, qui aime bien faire la leçon au reste du monde, notamment sur les questions du respect des droits de l’homme, de gouvernance, ne dise pas un mot sur une répression si violente ? Quoi qu’on puisse penser du référendum en tant que tel, ce silence pesant est un peu gênant. Il n’est pas du tout normal que l’on puisse s’élever contre des violences policières partout dans le monde, sauf lorsqu’elles ont lieu dans un autre pays membre de l’UE.

De même que David Cameron, par un enfermement politique et psychologique, a précipité le Brexit, on peut dire que M. Rajoy aura accentué le désir d’indépendance de la Catalogne. Il sera très difficile de reprendre le fil d’un débat, d’une négociation, d’un dialogue entre les Catalans et le gouvernement espagnol, tant que ce dernier sera dirigé par M. Rajoy.

Il est loin d’être certain que l’indépendance serait bénéfique à la Catalogne. Cette dernière ne serait plus membre de l’UE. Le fait de maintenir ensemble une fédération, malgré les différences des États membres, y compris sur le plan de la richesse, nécessite souplesse et ouverture. Mais M. Rajoy ne semble disposer ni de l’une, ni de l’autre. Les solutions répressives et autoritaires ne sont que des politiques de Gribouille, qui conduisent à la réalisation ce qu’on disait vouloir combattre.

Catalogne : l’Espagne pourrait se transformer « en État fédéral multinational ou plurinational » pour sortir de la crise

Wed, 04/10/2017 - 12:33

La Catalogne peut-elle déclarer son indépendance ?

Beligh Nabli : C’est possible théoriquement. Rien n’empêche un pouvoir politique de déclarer l’indépendance d’une entité sauf que dans le cas de la Catalogne, elle n’aurait aucune effectivité. Quand vous voulez créer un État, ce qui importe, c’est la manière dont vont réagir les autres États. Est-ce qu’ils vont vous reconnaître ce statut, cette qualité étatique ? Dans le cas de la Catalogne, au regard des réactions diplomatiques de l’ensemble de la communauté internationale, ni les États européens, ni les États de la communauté internationale, ni même les organisations internationales y compris l’Union européenne, n’ont émis un quelconque signe positif en faveur d’une telle reconnaissance.

Que fait-on du principe onusien du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » ?

C’est un principe qui est reconnu par la charte des Nations unies et qui est à l’origine de la naissance d’un certain nombre d’États. Si vous créez ou si vous déclarez une volonté de vous constituer en État en tant que nation, il faut absolument, pour que cette déclaration devienne une réalité effective, qu’elle reçoive l’accord des autres membres de la communauté internationale. Sinon, vous vous retrouvez dans une situation d’État virtuel sans capacité d’avoir des relations avec les autres États.

Comment peut-on sortir de l’impasse politique ?

On est dans un rapport de force politique. Ce n’est pas un problème de droit international, mais un problème interne avant tout qui pourrait avoir une solution. Si on remonte dans l’histoire de ce conflit politique, la censure du tribunal constitutionnel espagnol de la reconnaissance par la loi espagnole de la qualité de nation est un acte fondateur. Cette idée, inscrite dans une loi espagnole, a été censurée. C’est de là qu’il y a eu une crispation politique. Il faudrait contourner cette censure par une révision de la Constitution espagnole qui prévoirait une mutation de l’État espagnol en État fédéral multinational ou plurinational. Il y aurait non seulement une nation espagnole, mais aussi une nation catalane. Cela existe en Belgique.

Crise politico-sécuritaire en Catalogne au lendemain du référendum : un point de non-retour ?

Tue, 03/10/2017 - 16:54

L’escalade rhétorique de ces derniers mois entre l’exécutif espagnol et catalan s’est muée en une crise majeure, qui laisse présager une incapacité à ouvrir un dialogue au vu de l’antagonisme entre Madrid et Barcelone. Pour nous éclairer, le point de vue de Jean-Jacques Kourliandsky chercheur à l’IRIS sur les questions ibériques.

Au lendemain de la tenue du référendum d’autodétermination, l’exécutif catalan a proclamé une large victoire des partisans de l’indépendance, tandis que la réponse sécuritaire de Madrid à la tenue des élections a largement choqué. Comment expliquer ce soudain embrasement ? Au-delà de la suite à donner à ce référendum, Madrid n’a-t-elle pas perdu la bataille des images et entériné de fait un après et un avant 1er octobre 2017 ?

Ce qui s’est passé dimanche était un accident démocratique prévisible compte-tenu des positions antagonistes et antidémocratiques des acteurs en présence. Le gouvernement de la Généralité est passé outre la Constitution qui avait été adoptée en 1978 par 90% des Catalans et le gouvernement espagnol a refusé tout dialogue depuis 2011. Cet autisme réciproque ne pouvait s’achever qu’en accident politique. Avec une interrogation qui portait sur celui qui allait l’emporter médiatiquement. Le gouvernement catalan a joué la provocation pour piéger Madrid qui est tombée dans le panneau en envoyant la police sur les lieux de vote où devaient se prononcer les principaux responsables gouvernementaux catalans.

Une majorité silencieuse ne s’est pas déplacée ce dimanche. Comment l’interpréter ? Est-ce une manière de renvoyer dos à dos un exécutif régional faisant de l’autodétermination l’alpha et l’oméga de sa politique et un gouvernement central totalement dépassé dans la gestion politique et sécuritaire des événements ?

Le gouvernement central n’est pas dépassé par les événements : il a refusé toute forme de dialogue avec les autorités catalanes depuis 2011 pour deux raisons. La première est idéologique : le parti populaire est un parti nationaliste, dans la tradition de la droite espagnole qui conçoit le pays comme un Etat unifié. L’autre raison est électorale : les partisans du Parti Populaire (PP) considèrent qu’il n’y aucune concession à faire à la Catalogne. Aux dernières élections catalanes, les indépendantistes ont fait 48% des suffrages exprimés. C’est-à-dire que 52% des électeurs préfèrent une autre solution préservant sous une forme ou sous une autre le lien avec le reste de l’Espagne. Interrogés régulièrement depuis 2012, une majorité de Catalans souhaiterait revenir au statut d’autonomie appliqué de 2006 à 2010 et qui a été suspendu par le tribunal constitutionnel sur plainte du PP. Ce statut définissait la Catalogne comme une nation dans la nation espagnole, et lui donnait des droits plus étendus. Le PP n’a jamais répondu depuis son accession au pouvoir en 2011, au vœu d’une majorité des catalans souhaitant rester au sein de la nation espagnole mais avec une reconnaissance de leur particularisme avec des droits plus importants. Pas plus qu’il n’a accepté la demande de Pacte fiscal proposé en échange d’un abandon de la revendication « nationale » par le parti nationaliste de centre-droit, CiU (aujourd’hui PDCat) en 2011.

Cette majorité n’est pas allée voter car le scrutin ne s’est pas déroulé dans des conditions démocratiques : pas de liste électorale, pas de bulletin de vote anonyme, pas d’espace pour une campagne en faveur du Non etc… Les partisans d’une autre voie ne pouvaient pas d’autre part participer à ce référendum car la possibilité d’une autre option que celle de l’indépendance n’était pas présente dans la question posée.

Une sortie de crise suppose que les différents acteurs s’assoient autour d’une table sans aucune condition préalable. Mais on peut s’interroger sur la capacité de M. Puigdemont pour la Catalogne et M. Rajoy pour le gouvernement espagnol à procéder tôt ou tard à ce dialogue.

La perspective la plus raisonnable et démocratique serait une sortie de crise où chacun assumerait les positions prises face aux électeurs. Il y a des voix à Barcelone, mais aussi en Espagne, qui considèrent que le dossier a été très mal géré par le gouvernement Rajoy: Podemos, pourtant partisan d’une Espagne unifiée, refuse les méthodes suivies par la justice et la police, tandis que les socialistes proposent depuis le mois de juin une fédéralisation de l’Espagne et la création d’une commission spéciale du Parlement. Aujourd’hui, des autonomistes qui soutenaient le statut entre 2006 et 2010 sont devenus indépendantistes en raison de l’intransigeance de Madrid.

L’Union européenne communique très peu autour de cette crise d’un de ses Etats membres. Appelée par les indépendantistes à se positionner, la négociation de ce conflit doit-elle nécessairement passer par Bruxelles ?

Les pays de l’Union européenne ainsi que la Commission ont évité de se prononcer depuis le début de cette crise, considérant qu’il s’agissait d’une question relevant d’un débat démocratique interne à l’Espagne. Il a été rappelé, en réponse aux questions posées par le Parlement européen au président de la Commission en 2004, et en 2017, que les fondements de l’UE reposaient sur le respect des textes et donc de la Constitution espagnole.

Implicitement l’UE et ses membres soutiennent juridiquement le gouvernement espagnol. Si une indépendance catalane se faisait dans le respect des règles constitutionnelles, ce nouvel Etat ne serait pas membre de l’UE et devrait se soumettre à un processus d’adhésion. Les nationalistes catalans ont défendu une thèse différente, considérant qu’ils étaient déjà membres de l’UE et qu’il n’y aurait pas de changement de leur statut, ce à quoi l’Union a répondu que cela n’était pas envisageable.

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