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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 2 weeks 3 days ago

L’Amérique latine et la guerre en Ukraine

Fri, 25/02/2022 - 16:19

Situés à des milliers de kilomètres de l’attaque guerrière lancée en violation du droit international et de la Charte des Nations unies par Vladimir Poutine contre l’Ukraine, les pays latino-américains n’en sont pas moins directement concernés par les événements qui affectent le Vieux-Continent.

Ces dernières semaines, les chefs d’État des deux principales puissances sud-américaines – le Brésil (Jair Bolsonaro) et l’Argentine (Alberto Fernandez) – avaient tour à tour fait le voyage à Moscou pour rencontrer le président de la Fédération de Russie, le remercier pour l’aide vaccinale déterminante apportée par cette dernière à l’Amérique latine (la Russie a en effet été le premier pays à fournir des vaccins Spoutnik V contre le Covid-19 à plusieurs pays latino-américains dépourvus en 2021) et réaffirmer leurs bonnes relations avec elle. Jair Bolsonaro (16/02/2022) avait ainsi exprimé, quelques jours avant la reconnaissance, le 21 février 2022, de l’indépendance des territoires séparatistes du Donbass par la Russie – les Républiques populaires de Donetsk et Louhansk, sa « solidarité » avec elle ; Alberto Fernandez (03/02/2022) avait confié, lui, vouloir faire de Buenos Aires « la porte d’entrée de la Russie en Amérique latine ». Parallèlement, de nombreux médias latino-américains et étatsuniens relataient les échanges téléphoniques entre Vladimir Poutine et Daniel Ortega au Nicaragua et les déclarations d’autres officiels russes évoquant la possibilité d’un renforcement de la présence militaire du pays dans la Caraïbe (Cuba) et en Amérique centrale et du sud (Nicaragua, Venezuela)… à quelques centaines de kilomètres des frontières avec les États-Unis… Comme un miroir inversé de la situation en Ukraine et en Europe orientale… (voir la Chronique de l’Amérique latine « L’Amérique latine, nouvel objectif stratégique de la Russie ? »).

Entre temps, sidéré, le monde a basculé dans l’hiver de la guerre et dans une nouvelle ère géopolitique particulièrement dangereuse. Comment se positionnent aujourd’hui les pays latino-américains face à l’agression russe ? Qu’ont-ils à craindre des conséquences du conflit ?

La situation en Ukraine met sous tension les coalitions d’alliances stratégiques en Amérique latine. La plupart des pays du sous-continent relèvent dans leurs positions – pour la regretter – la non-prise en compte suffisante par les Occidentaux, depuis de nombreuses années, des exigences russes en matière de sécurité. Mais, à partir de là, plusieurs positions se dessinent.

Principal allié des États-Unis dans la région – et seul « partenaire global » de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en Amérique latine – la Colombie condamne fermement et nommément la Russie, ainsi que le Chili, l’Équateur, le Paraguay, l’Uruguay et dans une moindre mesure le Pérou.

D’autres pays condamnent l’usage de la force dans la résolution des conflits et appellent à un cessez-le-feu immédiat, ainsi qu’à une solution politique entre les parties dans le cadre des Nations unies. Dans cette catégorie se trouvent l’Argentine (qui demande à la Russie de cesser ses « actions engagées »), la Bolivie, le Mexique ou le Brésil. Dans ce dernier pays – membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies pour l’année 2022-2023 et également des BRICS -, on note une polyphonie de la parole officielle. C’est surtout au sein du ministère des Relations extérieures et de la diplomatie brésilienne multilatérale que la position du pays s’exprime. Jair Bolsonaro se bornant lui à s’exprimer sur la protection des ressortissants brésiliens sur la zone de guerre. Quant à lui, le général Hamilton Mourao, vice-président du pays, a affirmé que « Le Brésil n’est pas d’accord avec une invasion du territoire ukrainien » et s’est exprimé en faveur d’un « soutien à l’Ukraine »… avant d’être désavoué par le président : « Celui qui parle sur ces questions s’appelle Jair Mesías Bolsonaro » a ainsi cinglé ce dernier.

Enfin, du côté des alliés traditionnels de la Russie en conflit avec les États-Unis, le Nicaragua prend position pour Vladimir Poutine, Cuba et le Venezuela considèrent quant à eux que l’expansion permanente de l’OTAN aux frontières de la Russie et l’échec des accords de Minsk – pour eux imputable aux États-Unis et aux pays de l’OTAN – sont les causes d’une crise qui a fini par produire de « fortes menaces contre la Fédération de Russie, son intégrité territoriale et sa souveraineté » (communiqué officiel du Venezuela). Caracas appelle à « reprendre le chemin (…) du dialogue (…) pour éviter l’escalade (…) et [aboutir à] une résolution pacifique de ce conflit » tout en condamnant les « sanctions illégales et les attaques économiques contre le peuple russe ».

L’Amérique latine aborde donc l’invasion russe en Ukraine en ordre dispersé, selon des lignes correspondant aux doctrines nationales de politique étrangère et aux logiques affinitaires avec/ou contre les États-Unis et la Russie. Mais, comme toutes les autres, cette région sera collectivement concernée et affectée par les conséquences de ce conflit. Et ce, notamment sur le plan économique dans un premier temps. L’augmentation des prix du pétrole ou du gaz sur les marchés mondiaux viendra nourrir les dynamiques inflationnistes déjà partout avancées en Amérique latine, région confrontée à la pire crise économique de son histoire avec la pandémie de Covid-19.

Et quelle que soit l’issue de la guerre en Ukraine – rapide ou longue -, les pays latino-américains – désunis – sont désormais projetés dans un monde où les poussées néoconservatrices et militaristes vont se renforcer chez tous les acteurs des relations internationales, raidissant chaque système d’alliance, confortant le règne de l’unilatéralisme contingent dans les relations internationales et révélant plus que jamais la faiblesse des Nations unies et de toute instance internationale à régler les menaces et les conflits.

Venezuela : entre évolutions politiques et reprise économique

Fri, 25/02/2022 - 14:56

Temir Porras, professeur invité à Sciences Po Paris et ancien vice-ministre des Affaires étrangères de la République bolivarienne du Venezuela, répond à nos questions sur la situation politique et économique du Venezuela :

– Après les élections régionales et locales du 21 novembre 2021, quelle est la situation politique interne et quels sont les rapports de force entre le chavisme et ses oppositions au Venezuela ?

– Pour la première fois après sept années de récession consécutives, une croissance positive est annoncée en 2022 dans le pays. Comment s’explique cette nouvelle situation ? Quelles en sont les perspectives ?

– Le 15 février dernier, le Département d’état des États-Unis s’est réjouit du résultat d’une réunion internationale sur le Venezuela. Celle-ci a réaffirmé l’objectif d’aboutir à une “solution négociée” aboutissant à l’organisation “d’élections présidentielles et législatives transparentes” au plus tard en 2024. Cette position indique-t-elle une évolution de ces acteurs qui ne reconnaissent pas la légitimité de Nicolas Maduro ?

Ukraine / Russie : jusqu’où ira la guerre ?

Thu, 24/02/2022 - 15:39

 

Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’IRIS et ancien ambassadeur de France en Russie répond à nos questions sur la guerre Ukraine/Russie :

– Comment analyser le ton belliqueux de Vladimir Poutine lors de ses différents discours ? Pouvait-on s’attendre à ces actions russes ?

– A quelles réactions peut-on s’attendre de la part de la communauté internationale ? Quels moyens ont-ils pour agir ?

– Quelles sont les perspectives d’avenir pour l’Ukraine et les Ukrainiens ?

Les enjeux géostratégiques de l’hydrogène

Thu, 24/02/2022 - 15:27

Une nouvelle géopolitique est en train d’émerger : celle de l’hydrogène. Pour s’imposer et maîtriser cette nouvelle industrie, la France y investira 7 milliards d’euros à l’horizon 2030 tandis que l’Allemagne est prête à aller jusqu’à 9 milliards d’euros. Mais l’UE et les pays européens ne sont pas les seuls en lice. Le Japon, la Corée du Sud, l’Australie ou encore la Russie ont également engagé d’ambitieuses stratégies de développement de leur filière hydrogène. Le point avec Pierre Laboué, chercheur à l’IRIS, pilote de l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques.

Pourquoi est-ce si stratégique de maîtriser la production de l’hydrogène ?

L’hydrogène pourrait prendre une place importante dans notre bouquet énergétique mondial et représenter près de 15% de la consommation finale d’énergie à l’horizon 2050 selon l’AIE, voire même 22% dans le scénario vert de BloombergNEF.

L’hydrogène a un atout majeur, il pourrait être la clé pour atteindre la neutralité carbone en trois décennies et réussir à décarboner des secteurs très émetteurs de gaz à effet de serre et pour lesquels il n’existe pratiquement pas de solution de substitution : l’industrie lourde et les transports lourds. De plus, l’hydrogène présente un intérêt en termes de sécurité énergétique pour l’UE. Il peut être produit, par exemple en été, pour stocker de l’énergie et consommer cette énergie en hiver, afin d’avoir des réserves stratégiques et se libérer de la dépendance envers certains fournisseurs d’énergie, comme la Russie. Dernier argument et non des moindres : tous les pays membres de l’UE seront, en théorie, en mesure de produire de l’hydrogène. L’hydrogène n’est pas une ressource fossile comme le pétrole et le gaz. Il pourrait donc être produit n’importe où dans le monde à partir de molécules d’eau par exemple.

L’industrie de l’hydrogène représente un énorme marché potentiel et les entreprises de l’UE sont très bien positionnées dans cette nouvelle compétition. Selon les experts d’Enerdata, Fabrice Poulin et Alice Jacquet-Ferrand, l’UE abrite environ 50% des fournisseurs mondiaux d’électrolyseurs, les solutions qui servent à produire de l’hydrogène décarboné. L’UE abrite également 40% des fournisseurs mondiaux de piles à combustible, qui utilisent de l’hydrogène pour produire de l’électricité. Ces deux segments sont les deux maillons clés de la chaîne de valeur de l’hydrogène.

Si l’hydrogène présente autant d’atouts, pourquoi n’avons-nous pas déjà une industrie mondiale de l’hydrogène ?

Le premier problème,  c’est qu’il faut décarboner la production de l’hydrogène. Aujourd’hui, la production mondiale d’hydrogène se fait à partir du vaporeformage du méthane. Cela génère 900 Mt de CO2 par an. C’est trois fois plus que les émissions de CO2 de la France. C’est énorme. L’objectif de l’UE est de produire de l’hydrogène vert, c’est-à-dire d’utiliser une électricité renouvelable pour casser une molécule d’eau en deux (H2O), récupérer l’hydrogène d’un côté et rejeter de l’oxygène de l’autre.

Le problème numéro deux, c’est le coût de production de l’hydrogène décarboné. L’hydrogène restera potentiellement plus cher que les énergies fossiles qu’il va remplacer. Tout l’enjeu sera de réussir à produire de l’hydrogène décarboné avec un prix compétitif.

C’est là que le problème numéro trois apparaît. L’UE va devoir importer d’énormes quantités d’hydrogène. Cette affirmation peut paraître paradoxale, car, techniquement, l’UE pourrait produire l’hydrogène dont elle a besoin. Mais comme le rappelle notre expert Manfred Hafner, ce n’est pas parce qu’une solution est techniquement faisable qu’elle est économiquement rentable. Et il sera potentiellement plus rentable pour certains pays de l’UE d’importer de grands volumes d’hydrogène que de le produire entièrement sur leur sol. Il faudra donc sécuriser les approvisionnements d’hydrogène.

Qui sont les pays les mieux positionnés pour fournir de l’hydrogène décarboné et s’imposer sur le nouvel échiquier mondial de la géopolitique de l’hydrogène ?

L’Australie, le Maroc ou encore le Chili pourraient devenir des fournisseurs majeurs du futur marché de l’hydrogène, selon notre expert Philippe Copinschi. Ces pays possèdent un grand potentiel de production d’énergie solaire et/ou éolienne, ou d’importantes réserves de gaz naturel, disposent d’abondantes ressources en eau, et peuvent attirer des capitaux importants pour financer des infrastructures nécessaires tant pour la production que pour l’exportation d’hydrogène.

Alors quid des pays du Moyen-Orient, qui sont aujourd’hui le centre de gravité de la géopolitique du pétrole ? Peuvent-ils devenir de grands exportateurs d’hydrogène décarboné ? Potentiellement non, car il leur manque une ressource critique pour produire de l’hydrogène à un prix compétitif : l’eau. Le poids des pays du Moyen-Orient dans la géopolitique de l’énergie de demain pourrait donc se réduire par rapport à la situation actuelle. La géopolitique de l’hydrogène pourrait donc renouveler en profondeur les facteurs de puissance et de dépendance de la géopolitique de l’énergie.

 

Pour aller plus loin et appréhender ces rapports de forces, vous pouvez retrouver le rapport exécutif de l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques sur « Les enjeux géostratégiques de l’hydrogène, une filière au cœur de la transition énergétique », sur le site de l’IRIS.

Poutine / Ukraine : de la crise à la guerre

Thu, 24/02/2022 - 11:15

La nuit dernière la Russie a lancé une offensive en territoire ukrainien. La situation de crise extrêmement tendue depuis l’annonce de la reconnaissance par la Russie des républiques autoproclamées du Donbass s’est transformée en situation de guerre. Il s’agit désormais d’une violation du droit international qui doit mobiliser non seulement les pays occidentaux mais également le reste du monde. Poutine a fait une erreur d’appréciation majeure en se lançant dans cette guerre, qui, si elle aura un coût indéniable pour l’Ukraine et pour l’Europe, pourrait également coûter cher à la Russie et à Poutine.

L’analyse de Pascal Boniface.

“Le pétrole pourrait dépasser aisément les 100 dollars”

Wed, 23/02/2022 - 16:39

Les prix du pétrole ont frôlé hier la barre des 100 dollars. S’agit-il d’une flambée conjoncturelle ou d’une tendance appelée à s’inscrire dans la durée ?

Le 22 février, vers 15h30 heure de Paris, le prix du pétrole Brent de la mer du Nord était proche de 98 dollars par baril. Ce niveau très élevé résulte de la conjonction entre un marché pétrolier mondial assez tendu (une demande en forte hausse, une offre qui a un peu de mal à suivre et des stocks pétroliers assez bas) et des tensions géopolitiques élevées, notamment la crise russo-ukrainienne. Si la demande pétrolière mondiale était moins forte et l’offre plus abondante, nous ne serions pas à un tel niveau de prix même avec la crise russo-ukrainienne. À l’inverse, sans de telles tensions géopolitiques, les prix du brut seraient un peu plus bas que leur niveau actuel. Ce sont principalement des facteurs économiques et pétroliers qui ont entraîné une hausse spectaculaire des cours de l’or noir, celle-ci ayant commencé en avril 2020. En revanche, l’augmentation récente des prix, au cours des derniers jours et des dernières semaines, découle principalement des tensions géopolitiques.

La crise ukrainienne risque-t-elle de tirer les prix du brut vers des records encore supérieurs à ceux actuels ?

Il y a clairement un potentiel supplémentaire de hausse en lien avec la crise russo-ukrainienne. En cas de nouvelle guerre, les prix du pétrole pourraient dépasser aisément le seuil hautement symbolique des 100 dollars le baril. La Russie est le deuxième producteur mondial de pétrole et un grand exportateur de brut. Et elle approvisionne l’Europe en pétrole et en gaz naturel. Une guerre pourrait entraîner des perturbations dans les exportations pétrolières de la Russie ou, autre scénario, les sanctions décidées par les pays occidentaux pourraient avoir un impact négatif sur la production et les exportations pétrolières de la Russie, ce qui, dans les deux cas, pousserait les prix à la hausse.

Quels impacts pourrait induire cette crise sur le marché du gaz ?
D’ores et déjà, les prix du gaz naturel sont orientés à la hausse et ils le seraient davantage en cas d’attaque de la Russie contre l’Ukraine. En termes de volumes exportés vers l’Europe, il est peu vraisemblable que la Russie restreigne délibérément ses exportations car c’est une source importante de recettes d’exportation pour ce pays. En revanche, il est possible que les opérations militaires qui seraient conduites en Ukraine aient un impact négatif sur le transit du gaz russe via l’Ukraine et vers l’Europe.
De plus, en cas de sanctions occidentales contre la Russie en représailles contre l’invasion de l’Ukraine, une partie de ces sanctions devrait logiquement frapper le secteur de l’énergie en Russie, dont le gaz. Le 22 février, les dirigeants allemands ont ainsi annoncé que le processus de certification du gazoduc Nord Stream 2 était interrompu. Ce gazoduc qui relie la Russie à l’Allemagne, en passant par la mer Baltique, a été achevé en septembre 2021, mais il n’a pas encore commencé à acheminer du gaz vers l’Allemagne. Les pays européens, la Commission européenne et les États-Unis sont donc en train, depuis quelque temps, de démarcher plusieurs pays exportateurs de gaz pour savoir si ceux-ci ne pourraient pas temporairement exporter plus de gaz vers l’Europe si besoin était.

L’Opep pourrait-elle revoir sa stratégie de quotas de production pour aider à stabiliser le marché ?

L’Opep+ (23 pays producteurs et exportateurs de pétrole) se réunit le 2 mars pour décider de son niveau de production en avril 2022. À ce jour, la position majoritaire est d’annoncer à nouveau une hausse de la production de 400 000 barils par jour. C’est la suite de la feuille de route que déroule l’Opep+ depuis l’été 2021 (+400 000 b/j chaque mois).

Mais si la Russie attaque l’Ukraine et que la guerre et tout ce qui l’entoure (y compris des sanctions économiques) génèrent des perturbations dans les approvisionnements pétroliers, l’Opep ou l’Opep+ (la Russie fait partie de l’Opep+ mais pas de l’Opep) prendrait évidemment en compte de tels éléments géopolitiques.

Les États-Unis et l’Union européenne ne manqueraient pas, dans ce scénario, de lancer des appels à ces pays pour qu’ils mettent plus de pétrole sur le marché, en particulier l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis qui sont politiquement très proches de Washington.
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Entretien réalisé par : AKLI REZOUALI

Que peut-on attendre de la présidence française de l’Union européenne ?

Tue, 18/01/2022 - 18:11

Edouard Simon vous donne régulièrement rendez-vous pour sa chronique « Vu d’Europe » traitant de l’actualité de l’Union européenne et de ceux qui la font. Cette semaine il revient sur les enjeux de la présidence française de l’Union européenne.

– Alors que la France vient de prendre la présidence de l’UE pour les 6 prochains mois, quelle influence cette présidence donne-t-elle à la France ?

– Quelles sont les grandes priorités de la France ? A-t-elle les moyens de les mettre en œuvre ?

– La PFUE est-elle l’occasion d’avancer sur la question d’une Europe de la défense ?

➡️ Retrouvez tous les épisodes de la chronique « Vu d’Europe » sur la chaîne Youtube de l’IRIS.

« Russie 2021. Regards de l’Observatoire franco-russe » – 4 questions à Arnaud Dubien

Tue, 18/01/2022 - 15:47

Arnaud Dubien, chercheur associé à l’IRIS et directeur de l’Observatoire franco-russe, répond aux questions de Pascal Boniface à l’occasion de la parution de l’ouvrage Russie 2021. Regards de l’observatoire franco-russe – 2021, qui sera officiellement présenté mardi 18 janvier à La Maison de la Chimie.

N’est-ce pas un travail de Sisyphe que de consacrer un livre collectif en français sur la Russie, étant donné l’image de ce pays en France ?

Cet ouvrage, qui est la 8e édition de notre rapport annuel sur la Russie, représente en effet un travail considérable. Plus de soixante experts français et russes y ont contribué et apportent leurs éclairages sur la situation politique intérieure, le contexte économique, la diplomatie et les régions de la Fédération de Russie. Ce tour d’horizon est complété par des miscellanées, avec des articles sur la culture (« Pourquoi Dostoïevski n’aimait-il pas la France ? ») ou l’histoire (nous publions notamment des portraits du Marquis de Traversay, qui fut ministre de la Marine russe au XIXe siècle, ou de Pierre Cubat, le cuisinier d’Alexandre III et de Nicolas II ; des pages plus tragiques – comme celle des « malgré nous » à Tambov – sont également traitées).

L’image de la Russie est effectivement déplorable ces dernières années, ce qui tient à la fois à certaines réalités – notamment politiques – de ce pays, mais aussi aux perceptions – partielles et souvent partiales – en France. Si l’on regarde l’histoire longue, on est frappé par la récurrence de ces modèles, y compris avant la conclusion de la grande alliance franco-russe à la fin du XXe siècle. L’idéologie a toujours été – depuis 1789 en tout cas – un puissant facteur d’éloignement voire de confrontation entre nos États, qui se sont toutefois retrouvés au cours des deux guerres mondiales, ce qui semble malheureusement peu connu de la jeune génération française.

Quel est l’objectif de cet annuaire ?

L’objectif de Russie 2021 n’est pas de donner une bonne image de la Russie – ce n’est pas le travail de chercheurs et d’experts dignes de ce nom – mais d’offrir l’analyse la plus complète et la plus honnête possible sur ce pays. On pourrait comparer notre rapport annuel à l’Année stratégique de l’IRIS ou au Cyclope sur le marché des matières premières. Alors que la Russie est au cœur de l’actualité internationale et que les débats à son sujet sont très polarisés, nous souhaitons faire entendre une voix sérieuse et nuancée. Ce qui n’est pas aisé, j’en conviens.

Qu’est-ce qui pourrait susciter un déblocage, une avancée dans les relations entre Paris et Moscou ?

Le président Macron a tenté – de façon plutôt inattendue d’ailleurs – plusieurs ouvertures en direction de la Russie. Dès son élection, en mai 2017, en invitant Vladimir Poutine à Versailles. Puis en 2019, probablement sur les conseils de Jean-Pierre Chevènement – envoyé spécial de la France depuis 2012 – et d’Hubert Védrine, qui souhaitaient, semble-t-il aider à tourner la page d’une présidence Hollande marquée par une dégradation spectaculaire des relations bilatérales empoisonnées par le conflit en Syrie puis par la crise ukrainienne. On se souvient de la visite du président russe à Brégançon, suivie de la relance de formats bilatéraux et de l’adoption d’une ambitieuse feuille de route bilatérale. Mais les choses ne sont pas allées très loin. La faute au Covid-19, qui a empêché la visite qu’Emmanuel Macron devait faire à Moscou en mai 2020 à l’occasion du 75e anniversaire de la victoire contre l’Allemagne nazie, à l’affaire Navalny et, plus généralement, au durcissement du contexte intérieur russe. Peut-être aussi à cause de « l’État profond » que le président français avait dénoncé dans son fameux discours aux ambassadeurs d’août 2019. On ne peut que regretter que cette impulsion gaullienne soit restée sans lendemain, surtout dans le contexte actuel. Le dialogue souhaité par la France se fait aujourd’hui sans elle, directement entre Moscou et Washington.

Un déblocage est possible, y compris à assez brève échéance. Cela implique que les discussions entamées la semaine dernière entre Russes et Occidentaux produisent quelques effets. Une mise en œuvre réelle des accords de Minsk sur le Donbass – y compris par Kiev, qui a jusqu’ici bloqué leur volet politique – et un compromis sur les armements en Europe et les activités militaires en Baltique/mer Noire seraient de nature à nous y conduire. L’élection présidentielle en France est un autre facteur qui peut jouer.

La relation avec l’autre est-elle encore un objectif stratégique majeur pour la France et la Russie ?

Aujourd’hui, très clairement, la Russie n’est pas prioritaire pour la France et cette dernière ne l’est pas aux yeux de Moscou. Il y a une tentation de l’indifférence, quoique pas totalement symétrique. Beaucoup de Russes sont déçus de la France, dont ils gardent l’image – un peu idéalisée et datée – d’une puissance indépendante, à la fois sur le plan culturel, économique et politique. En d’autres termes, celle du général de Gaulle et de Pompidou. Peu de Français ont visité la Russie – paradoxalement, les sociétés se connaissent moins bien aujourd’hui qu’à l’époque de la Guerre froide. Le plus inquiétant est que les jeunes générations semblent s’ignorer largement, ce qui résulte en large partie de l’affaiblissement des liens culturels, qui ont toujours joué un rôle crucial entre nos deux pays. Ceci étant, tout ne va pas mal : les relations économiques sont importantes (combien de Français savent que leur pays est le 2e investisseur et le 1er employeur étranger en Russie ?) ; la France est le pays avec lequel la Russie a le plus de doubles diplômes universitaires ; les échanges culturels restent, malgré tout, particulièrement denses. Fondamentalement, je suis convaincu la France et la Russie ont intérêt à accroître leurs coopérations. Ce qui, tôt ou tard, trouvera sa concrétisation.

La Russie et la Chine n’ont « pas intérêt à faire la guerre »

Tue, 18/01/2022 - 13:43

Vous, le géopoliticien, allez répondre jeudi aux questions des étudiants de Sciences Po Bordeaux. Comment définir votre discipline ?

Pour faire simple, c’est l’étude des rivalités internationales dans une approche pluridisciplinaire. Elle s’appuie sur l’histoire, la géographie, les sciences sociales. D’ailleurs, nos étudiants de l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques, NDLR) en mastère de géopolitique viennent d’horizons très divers.

Il est question, bien sûr, de la paix et de la guerre. Croyez-vous que celle-ci puisse éclater… Croyez-vous que celle-ci puisse éclater en Ukraine, après une semaine intense de diptomatie qui semble n’avoir rien donné ?

Les choses n’ont guère avancé. Mais Américains et Russes se sont parlé et c’est une bonne nouvelle, même si cela se fait par-dessus la tête des Européens. Poutine sort renforcé car il est traité par les États-Unis sur un pied d’égalité alors que la puissance russe n’a plus rien à voir avec la puissance soviétique. Va-t-il pour autant attaquer l’Ukraine ? Je ne le pense pas, car il se mettrait dans un bourbier, en déclenchant une guérilla dans le Donbass. Malgré sa brutalité et son autoritarisme, comme on vient de le voir avec la dissolution de l’association Memorial, le président russe est responsable.

On vient pourtant d’assister à une cyberattaque massive sur les sites gouvernementaux à Kiev…

Il est en effet probable que Moscou soit derrière. Mais aussi agressive qu’elle soit, cette attaque ne saurait se comparer à une offensive armée. C’est plutôt une démonstration de force comme la Russie aime à les faire. Et une guerre de communication.

Comment peuvent répondre les Occidentaux?

Washington sort de la négociation en ayant resserré les rangs de l’Alliance atlantique (Otan, NDLR) et fait à nouveau figure de grand protecteur d’Européens qui ne parviennent pas à s’organiser. Ces derniers sont perdants. Car malgré un progrès dans la prise de conscience qu’il faut une alternative à la protection américaine, ils hésitent. La Pologne, par exemple, craint que l’avancée sur la défense européenne ne hâte un désengagement américain. Paris et Berlin avaient bien essayé de mettre
sur pied un sommet Union européenne (UE) et Russie, mais la Suède, la Pologne et les Pays-Bas
s’y sont opposés. Résultat : les Russes renoncent à traiter l’UE en acteur géopolitique et s’adressent directement à Joe Biden.

Deux autres « points chauds » inquiètent : l’Iran et Taïwan. Allons-nous vers des conflits armés ?

À Téhéran, c’est l’impasse. Le régime s’est durci au moment où les États-Unis élisaient un président plus ouvert au dialogue et au retour à l’accord de 2015 sur le nucléaire. Cette divergence de calendrier est dommageable, et il existe maintenant un front international anti-iranien uni. On voit bien une ébauche de rapprochement entre Téhéran et Riyad, mais l’éclaircie est timide. Quant à Taïwan, je ne crois pas un instant que Pékin se lancera dans une guerre de reconquête qui aurait des conséquences
économiques négatives. Xi Jinping, qui brigue un troisième mandat au Congrès du PCC en novembre, sait que la réussite matérielle est le pilier du régime. Donc l’immobilisme me semble bien plus probable que l’aventurisme.

Les États-Unis font de leur rivalité avec la Chine leur priorité. Mais ils semblent avoir perdu en crédibilité avec leur retrait d’Afghanistan…

Ce retrait aurait pu – et dû – se faire de façon moins chaotique car il a donné l’impression d’une débâcle et inquiétéy compris les alliés de l’Amérique. Mais il s’agit d’un changement de priorité : il était capital pour Washington de se désembourber de Kaboul pour se concentrer sur la Chine. Trump attaque Biden en l’accusant d’avoir sapé la crédibilité placé pour le faire car c’est lui qui a signé le premier accord avec les talibans. Aujourd’hui, le défi pour Biden est de restaurer la crédibilité américaine dont des alliés aussi proches que les États du Golfe ont commencé à douter. Or il préside un pays désuni où républicains et démocrates n’arrivent plus à se parler, comme en témoignent les difficultés du procès sur l’assaut du Capitole du 6 janvier 202L On finit d’ailleurs par se demander,
face aux difficultés de Biden avec le Congrès, s’il ne faut pas s’attendre à un retour de Trump à la
Maison Blanche en 2024.

Vous avez souvent dit que le sport était un sujet géopolitique. Or 2022, ce sont les JO d’hiver de Pékin et la Coupe du monde de football au Qatar…

Le sport est facteur d’importance croissante dans les relations internationales et on vient de s’en convaincre avec l’affaire Novak Djokovic. Le Premier ministre australien aurait-il eu la même attitude si le tennisman avait été américain ? On peut en douter. Aux Jeux olympiques, je pense que l’ère du boycott sportif est finie, mais le boycott diplomatique, comme celui qui affecte les JO d’hiver de Pékin
(4-20 février), montre que le sport peut être la continuation de la géopolitique par d’autres moyens. Et il n’est pas impossible qu’en 2024, des pays ou des organismes veuillent boycotter les Jeux d’été de Paris en invoquant telle ou telle raison contre la France.

Vous avez écrit que le Covid-19 avait déjà changé la face du monde. Vous confirmez ?

Ce que je dis, c’est que la pandémie n’a pas créé de facteurs géopolitiques nouveaux. En revanche, elle a amplifié et cristallisé plusieurs facteurs qui vont structurer les années qui viennent. Les deux principaux sont la rivalité entre les États Unis et la Chine, et la crise du multilatéralisme.

Intégration de l’Amérique latine : vers un prudent révisionnisme diplomatique

Mon, 17/01/2022 - 19:00

Depuis quelques mois, l’Amérique latine élit et va sans doute élire en 2022 des présidents « progressistes ». Après le Mexique, l’Argentine, la Bolivie, le Pérou et le Chili, la Colombie et le Brésil pourraient en effet se doter de chefs d’État classés « à gauche ». Ces choix effectués ou probables peuvent-ils provoquer un changement de cap des diplomaties ?

Ces dernières années, l’intégration de l’Amérique latine a été bousculée par son idéologisation. De 2010 à 2016, la marque bolivarienne et vénézuélienne ALBA, (Alliance bolivarienne des peuples de notre Amérique)[1] a concentré l’ensemble des initiatives interrégionales adoptées ou inventées. Alors que la CAN (Communauté andine des nations)[2] a été affaiblie et que le Mercosur (Marché commun du Sud)[3] a perdu sa cohérence, la Celac (Communauté d’États latino-américains et caraïbes)[4] et l’UNASUR (Union des nations sud-américaines)[5] ont pris le relais avec une coloration idéologique d’inspiration nationale-progressiste et les aléas électoraux ont fait pencher la balance régionale à droite en 2015. L’esprit néolibéral dominant alors a détricoté la quasi-totalité de l’existant régional, de la Celac à l’UNASUR, substituées par l’Alliance du Pacifique[6] pour l’économie, PROSUR (Forum pour le progrès et le développement de l’Amérique du Sud)[7] et le Groupe de Lima[8] pour la diplomatie. Ainsi, les alternances électorales, de sens politique opposé, ont successivement politisé les coopérations interaméricaines de façon contradictoire.

Les premières déclarations des présidents élus depuis 2018, celles des candidats « progressistes » en pôle position pour les votations de 2022, annoncent des diplomaties révisionnistes. S’agit-il pour autant d’un retour aux diplomaties engagées retour de cycle, conséquence d’une nouvelle alternance « à gauche » ? Oui au premier abord. Le mexicain Andrés Manuel López Obrador, dès sa prise de fonction le 1er décembre 2018, a pratiqué une politique de la chaise vide au sein du Groupe de Lima. Son homologue argentin Alberto Fernández est même allé plus loin, en retirant l’Argentine du Groupe de Lima le 24 mars 2021. Au Pérou, Héctor Béjar Rivera, ministre des Affaires étrangères de Pedro Castillo, a annoncé dès les premiers jours d’août 2021 que le pays allait lui aussi sortir du Groupe de Lima. Gabriel Boric, président élu du Chili mais pas encore en fonction, a été invité par le sortant néo-libéral Sebastián Piñera à participer avec lui à deux réunions se tenant à Bogota les 26 et 27 janvier 2022 : le Sommet présidentiel de l’Alliance du Pacifique, et le Forum pour le progrès de l’Amérique du Sud (PROSUR). Gabriel Boric a décliné courtoisement mais fermement cette éventualité.

Mais à y regarder de plus près, le nouveau paysage diplomatique latino-américain se hâte de changer avec une lenteur mesurée. L’ALBA n’a pas retrouvé son périmètre initial. Certes, elle a consolidé le 14 décembre 2021 son ultime triangle : Cuba, Nicaragua et Venezuela. Certes, les gouvernements de ces trois pays ont chaleureusement salué la victoire de Gabriel Boric. Mais l’Argentin Alberto Fernández, le Chilien Gabriel Boric, et le candidat de gauche colombien aux présidentielles Gustavo Petro ont clairement et publiquement pris leurs distances avec Caracas, La Havane et Managua. Alberto Fernández, comme le brésilien Lula da Silva et le Colombien Gustavo Petro, ont en revanche ostensiblement affiché leur proximité avec le gouvernement réformiste espagnol de Pedro Sánchez et Yolanda Díaz. Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a confirmé le lien stratégique de son pays avec les États-Unis. Il assume une diplomatie traditionnelle de bons offices entre Washington et l’Amérique latine. Il veille avec sa garde nationale à l’imperméabilité de la frontière nord. Il entend préserver les accords de libre-échange existants : le T-MEC (Mexique-États-Unis-Canada) et l’Alliance du Pacifique. À l’issue de la visite à Santiago du mexicain Marcelo Ebrard, secrétaire aux relations extérieures, le 27 décembre 2021, Gabriel Boric a indiqué que « dans le futur nous allons prioriser l’Alliance du Pacifique. J’en ai parlé avec plusieurs présidents, en particulier, Andrés Manuel López Obrador, le président colombien (Iván) Duque et avec la chancellerie péruvienne ».  Personne n’envisage de recomposer l’UNASUR. Et bien que ne participant plus à ses activités, la Bolivie, le Mexique et le Pérou n’ont pas quitté formellement le Groupe de Lima. Les chancelleries de Bolivie, du Mexique et du Pérou ont publié des communiqués signalant qu’elles allaient mettre à plat l’ensemble de leur politique interaméricaine, sans pour autant fixer de délai sur les conclusions tirées de ces réflexions.

Ce réalisme est malgré tout teinté de bémols marqueurs d’évolutions. Les multiples initiatives prises par Mexico pour trouver une issue négociée au court-circuit vénézuélien sont appuyées par les dirigeants « progressistes » élus d’Argentine, Bolivie, Chili et Pérou. Ils sont tout autant soutenus par les candidats de gauche aux élections de 2022, au Brésil et en Colombie. Tous conviennent aussi qu’il est nécessaire de reconstruire un lien consensuel et constructif entre Latino-Américains. Les défis posés par les pôles d’influence économique et technologique du monde exigent, pour être relevés, un minimum de convergences latino-américaines. Les têtes à queue intégrationnistes consécutives aux alternances partisanes « lof pour lof » des années 2000 à 2021, ont cassé et/ou affaiblis les institutions communes. Toutes choses expliquant la leçon qu’en a tirée de façon explicite le président élu par les Chiliens, Gabriel Boric : « nous allons chercher la plus grande intégration possible de l’Amérique latine, avec tous ceux qui le veulent bien, au-delà des affinités idéologiques » (des uns et des autres). En clair, les contenus coopératifs interaméricains doivent prendre le relais de l’ordre du jour militant des forums d’amis politiques, privilégiés alternativement par la gauche puis par la droite depuis une vingtaine d’années.

Il est vrai que cette option est quelque part dictée par les circonstances. Le contexte politique intérieur des différents pays, comme la conjoncture économique et sanitaire, se prêtent mal aux aventures radicales et obligent les exécutifs à chercher des compromis pour surmonter un présent incertain. Depuis une dizaine d‘années, les taux de croissance, qui jusque là étaient dynamisés par la demande chinoise en produits primaires locaux, sont en berne. La pandémie du coronavirus n’a rien arrangé. Dès lors, les conséquences sociales de cette double contrainte pèsent sur la stabilité des pays et leur gouvernabilité : 700 000 victimes du Covid-19 au Brésil et 300 000 au Mexique depuis 2019. On compte également plus de 50 000 homicides au Brésil et 34 000 au Mexique en 2020. Le travail dit informel représente plus de 40% de l’emploi total au Brésil et 54% au Mexique en 2021. La prudence des élus « progressistes » s’explique aussi par leur fragilité politique. Certains, comme au Mexique, ont à gérer le voisinage intrusif de la plus grande puissance économique et militaire du monde, les États-Unis. Les autres sont assis sur des institutions à bascule. Élus, et souvent bien élus, ils n’ont pas de majorité parlementaire. En Argentine, au Chili, au Pérou, et sans doute demain si Gustavo Petro et Lula da Silva l’emportent en Colombie et au Brésil, les députés de gauche sont ou seront minoritaires.

 

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[1] Créée à La Havane (Cuba) le 14 décembre 2004

[2] Constituée à Carthagène (Colombie) le 26 mai 1969

[3] Fondé à Asunción (Paraguay) le 26 mars 1991

[4] Traité signé à Playa del carmen (Mexique) le 23 février 2010

[5] Officialisé à Brasilia (Brésil) le 23 mai 2008

[6] Initiée à Lima (Pérou) le 28 avril 2011

[7]Acté à Santiago (Chili) le 22 mars 2019

[8] Institutionnalisé à Lima le 8 août 2017

Djokovic : géopolitique, tennis et Covid-19

Mon, 17/01/2022 - 12:41

L’affaire Djokovic secoue le milieu du tennis et du sport international depuis quelques jours. Novak Djokovic a dans un premier temps été arrêté dans l’attente d’une décision des autorités australiennes sur sa participation au tournoi de Melbourne du fait de sa non-vaccination contre le Covid-19. Finalement, le gouvernement australien a tranché hier en annulant le visa du numéro 1 mondial et en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour 3 ans. Un choc pour le tennis mondial alors que Djokovic se rendait au tournoi de Melbourne pour y battre le record de victoires, étant déjà nonuple champion. S’il ne se fait pas vacciner, cet évènement pourrait marquer la fin de la carrière du joueur serbe, qui risquerait de ne pas pouvoir participer aux autres tournois internationaux. Cette affaire met en lumière plusieurs enjeux géopolitiques : l’impact majeur de la pandémie de Covid-19 ; l’utilisation de cette affaire par le gouvernement australien de Scott Morrison et le traitement qu’il réserve aux migrants et réfugiés qui souhaitent entrer sur le territoire australien ; la position de la Serbie sur la scène internationale, Djokovic étant certainement le principal porte drapeau de son pays.

L’analyse de Pascal Boniface.

 

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