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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 1 week 6 days ago

Économie mondiale 2023 : turbulences, tempêtes ou catastrophes ? Entretien avec Sylvie Matelly

Wed, 04/01/2023 - 18:05



Discours d’investiture de Lula : des engagements et des défis

Wed, 04/01/2023 - 17:37

Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS et responsable du Programme Amérique latine/Caraïbe, vous donne régulièrement rendez-vous pour ses “Chroniques de l’Amérique latine”.

Élu pour la troisième fois président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva a été officiellement investi ce 1er janvier 2023. Christophe Ventura revient sur son discours prononcé à Brasilia, mêlant engagements et défis.

➡️ Retrouvez tous les épisodes des « Chroniques de l’Amérique latine » sur la chaîne YouTube de l’IRIS : https://www.youtube.com/watch?v=G1YMLo6Mhno&list=PL3c38cSa3wcDZJsQpzOJLqZzxFCWqJTPj&index=1
📄 Consulter la traduction du discours du président Luiz Inacio Lula da Silva au Congrès national brésilien : https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2023/01/OBSAL22_Discours-Lula_Janvier-2023.pdf
📄 Les notes du programme « Amérique latine/Caraïbe » de l’IRIS : https://www.iris-france.org/programmes/amerique-latine-caraibe/

Perspective géopolitique 2023

Wed, 04/01/2023 - 16:13

Conflit en Ukraine, situation sanitaire et sociale en Chine, soulèvement en Iran, crise environnementale, fracture « West vs the Rest », sans oublier les nombreux conflits autres qui secouent la planète… Que peut-on attendre de l’année 2023 d’un point de vue géopolitique ?

L’analyse de Pascal Boniface.

G20 : un directoire mondial ou un forum inutile ?

Mon, 14/11/2022 - 19:14

 

Le sommet 2022 du G20 s’ouvre demain, 15 novembre, en Indonésie dans le contexte international particulièrement tendu de la guerre en Ukraine. La semaine dernière, la Russie a annoncé qu’elle ne serait pas représentée par son chef d’État Vladimir Poutine, mais par son ministre des Affaires étrangères, dérogeant ainsi à la tradition du G20. L’occasion de revenir, dans cette vidéo illustrée, sur le rôle, la symbolique mais aussi les contradictions de ce groupe qui prend depuis 2008 la forme d’un sommet annuel des chefs d’États et de gouvernements.

Lula 2023-2027, quelle politique étrangère ?

Sat, 12/11/2022 - 18:32

Lula a emporté sur le fil les présidentielles brésiliennes le 30 octobre dernier. Le Brésil devrait bientôt entrer en alternance politique. Le changement attendu est multiforme. Il est démocratique, et sans doute social. Mais sera-t-il aussi diplomatique ?

La politique extérieure n’est jamais au cœur des campagnes électorales. Qu’il s’agisse du Brésil, de la France ou de tout autre pays du monde. Malgré tout, elle figure toujours en bas de page, en queue de débats, voire au hasard d’initiatives et de publications consacrées à d’autres sujets. La question concernant le Brésil mérite cela dit une attention particulière. Lula, de 2003 à 2010, pendant donc ses deux mandats présidentiels, avait attiré l’attention des médias et des chancelleries en raison de son activisme international. Son ex-ministre des affaires étrangères, Celso Amorim, lui avait trouvé une appellation d’origine révélatrice : celle de « política externa ativa e altiva ». Dénomination que l’on pourrait traduire de la façon suivante, « une politique active et ambitieuse [1]».

La formule a été revendiquée pendant cette campagne tout à la fois par Celso Amorim et par Lula. Dans sa « Lettre pour le Brésil de demain [2]», publiée le 27 octobre, trois jours avant le deuxième tour, le candidat du PT, réaffirme en effet en paragraphe 12, la nécessité pour le Brésil, « de retrouver une politique extérieure souveraine active et ambitieuse ».

Il est difficile d’interpréter à partir de là, le cap que pourra prendre la politique extérieure brésilienne. Le point 12 de la lettre adressée par Lula aux électeurs du deuxième tour reste en effet très général. Le Brésil, est-il annoncé, dialoguera « démocratiquement » et en « respectant l’autodétermination des peuples » avec, dans l’ordre, « les BRICS [3], les pays africains, l’Union européenne, et les États-Unis ». Il agira pour « l’intégration régionale », plus particulièrement celle du Mercosur. Suivent ensuite des engagements non précisés sur « le commerce extérieur, la coopération technologique, des relations plus justes et démocratiques entre pays, le développement durable dans le cadre de la Convention du climat ».

Son conseiller diplomatique et ex-ministre des Affaires étrangères Celso Amorim a donné quelques explications de texte, permettant de nourrir le point 12 de la Lettre au Brésil de demain« Quelles seront les grandes lignes de la politique extérieure de Lula » lui a demandé un journaliste espagnol [4] au lendemain de la courte victoire du candidat pétiste ». Réponse du diplomate, « Elle ne sera pas très différente de celle qu’elles ont été dans le passé, défense du multilatéralisme, bonnes relations avec les États-Unis, mais aussi avec l’Union européenne, la Chine, avec les BRICS (principales économies émergentes), tout comme avec l’Afrique, si importante pour le Brésil, (..) et le plus important l’intégration sud-américaine, de bonnes relations avec les voisins. La lutte contre le changement climatique sera un aspect clef (..), la pandémie, les droits humains et la justice sociale internationale ».

En réponse à d’autres questions et à d’autres sollicitations, l’ex-ministre a apporté quelques compléments, en particulier sur les BRICS et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces additifs arrondissent quelque peu les propos tenus par Lula le 5 mai 2022. « Ce gars-là », avait-il dit en parlant de Zelensky, « est aussi responsable que Poutine (..) Comme Saddam Hussein était aussi coupable que Bush ». Les BRICS selon Celso Amorim, peuvent jouer un rôle positif dans le règlement du conflit entre la Russie et l’Ukraine, des BRICS renforcés par l’adhésion de l’Argentine [5]. L’invasion, a-t-il expliqué, doit être condamnée parce qu’elle rompt les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies. Cela dit, la Russie « a de sérieux motifs permettant de comprendre son désagrément ». C’est pourquoi les BRICS peuvent jouer un rôle positif, parce que la Russie est l’une des parties au conflit et la Chine, qui a une forte influence, pourrait avec les Européens et le Brésil agir en recherche de paix.

L’intégration, a-t-il confirmé, est celle de l’Amérique du Sud. Elle peut être accélérée par le renforcement du Mercosur et son élargissement à la Bolivie. D’autant plus que beaucoup de gouvernements sont à gauche. Il va être plus facile aujourd’hui par exemple de dialoguer avec la Colombie de Gustavo Petro, qu’avec hier celle d’Álvaro Uribe. D’autre part, conséquence de la guerre en Ukraine, les États-Unis et l’Europe ont besoin du pétrole vénézuélien. Ce qui va « ouvrir la voie à une négociation, quelle qu’elle soit » conduisant ces pays à « ne plus insister dans les stratégies de reconnaissance d’un quelconque nouveau Juan Guaidó [6]».

La mise en musique reste à mettre en partition. Celso Amorim se dit prêt à répéter sur la crise russo-ukrainienne, son geste médiateur de 2011 sur le nucléaire iranien. Mais les contraintes sont aujourd’hui bien nombreuses. Intérieures tout d’abord, politiques, parlementaires, comme économiques et sociales. Elles vont accaparer l’agenda gouvernemental. Mais extérieures aussi. Européens et Nord-américains ont jusqu’ici ignoré l’hypothèse BRIC pour résoudre le conflit européen.

En revanche ils pressent Lula de préserver la forêt amazonienne. Le représentant des États-Unis à la COP 27, Al Gore, par exemple, se référant à la victoire de Lula s’en est félicité, parce qu’a-t-il dit « le peuple brésilien a choisi d’arrêter la destruction de l’Amazonie ». Zelensky et Poutine, quant à eux, ont de concert mais parallèlement envoyé des télégrammes de félicitations au vainqueur. Côté intégration latino-américaine les choses méritent décantation. Andrés Manuel López Obrador (AMLO) du Mexique a invité Lula, comme il l’a fait au lendemain de l’élection du Chilien Gabriel Boric à faire le pari de la zone de libre-échange de l’Alliance du Pacifique. Alors que l’Uruguay, faisant fi de la solidarité Mercosur, négocie bilatéralement un accord commercial avec la Chine .

 

Cet article est une republication du site Nouveaux espaces latinos.

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[1] Celso Amorim, Teerã, Ramalá e Doha, memórias da política externa ativa e altiva », São Paulo, Benvira, 2015

[2] Carta para o Brasil do Amanhã

[3] C’est à dire la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud

[4] Sebastián Fest, « El futuro de Brasil, la entrevista », El Mundo, 1er novembre 2022, p 22

[5] Flavia Marreiro, Brad Haynes, « Amorim defende Argentina nos BRICS », Reuters, 19 octobre 2022

[6] In Nueva Sociedad, n°301, septembre-octobre 2022

 

Après les élections de mi-mandat, qu’attendre de la présidence Biden ?

Fri, 11/11/2022 - 11:20

Les « midterms » de 2022 étaient le premier scrutin aux États-Unis depuis la tentative d’insurrection au Capitole, le 6 janvier 2021.

C’était un test pour la démocratie : autant la présidentielle de 2020 avait été marquée par une participation record (66,8 %), autant l’incertitude planait cette année. Or, l’électorat s’est fortement mobilisé : il s’éleverait à environ 48 %, soit un peu moins des 51,8 % de participation aux midterms de 2018, ce qui était très élevé pour ce type de scrutin – rappelons qu’aux États-Unis le taux de participation est calculé par rapport au nombre de personnes ayant le droit de vote et non par rapport au nombre d’inscrits sur les listes électorales.

Le deuxième test portait sur la résistance des Démocrates, et celle-ci fut inattendue : même si, à ce stade, les résultats définitifs ne sont pas encore connus, Joe Biden n’a pas été la victime du vote sanction qu’on lui prédisait. Les Démocrates conservent même leur majorité au Sénat après leur victoire dans le Nevada.

Fin limier de la politique américaine, Biden dispose d’une très bonne connaissance des rouages électoraux et des attentes de son électorat. Il demeure sous-estimé, y compris dans son propre camp. L’inflation n’a pas eu raison de lui et il est probable également que les énormes réformes qu’il a engagées, par la voie législative, en faveur des infrastructures, des emplois verts ou de la relance économique post-Covid, auxquelles il faut ajouter la décision d’annuler en partie la dette étudiante pour plus de quarante millions d’Américains, ont été plus récompensées que prévu.

Une fois encore, la démocratie a résisté aux attaques

À droite, force est de constater que le trumpisme marque le pas.

C’était le troisième test. Il est loin d’avoir disparu puisqu’il persiste sous les traits du plus grand rival de Donald Trump à ce jour, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, triomphalement réélu et tout aussi extrémiste que Trump sur le fond, et puisque des dizaines de « deniers » – ceux et celles qui nient le résultat de la présidentielle de 2020 – ont gagné.

Ils et elles sont cependant beaucoup moins nombreux qu’on le redoutait. Trump ne serait-il donc pas le faiseur de rois (et de reines) que beaucoup pensaient ? Dans les meetings qu’il a tenus aux côtés de candidates et candidats qu’il avait choisi de soutenir – plus en raison de leur flagornerie et leurs excès que pour leur compétence –, il a surtout parlé de lui-même et de son obsession de « l’élection volée » (selon lui) il y a deux ans. Mais gagner une primaire républicaine, où c’est surtout la base la plus fervente qui vote, n’est pas la même affaire que remporter une élection face à une ou un adversaire démocrate. La leçon de l’extrémisme du Tea Party de 2010, qui avait déjà plombé les Républicains deux ans plus tard avec la réélection de Barack Obama, n’a, semble-t-il, pas été retenue, tant le culte de la personnalité de Trump l’a emporté.

Le rejet de Trump et du trumpisme et du danger que l’ancien président fait courir à la démocratie (limitation de l’accès au vote des minorités, refus de certifier des élections si elles sont perdues, etc.) a, ainsi, mobilisé les Démocrates, et notamment les femmes – sans doute aussi les jeunes, à l’échelle nationale.

Depuis l’annulation de l’arrêt Roe vs Wade par la Cour suprême le 24 juin dernier, plusieurs États fédérés (Californie, Kentucky, Vermont, Michigan) ont mis au vote, le 8 novembre, des référendums pour inscrire, ou au contraire supprimer le droit à l’avortement dans la loi ou leur Constitution. Chaque fois, c’est le camp des pro choice qui l’a emporté.

Au-delà des référendums, les sondages de sortie des urnes indiquent que la préservation de ce droit a très largement motivé les Démocrates à voter pour un ou une candidate qui garantirait aux femmes cette liberté. « Les femmes ne sont pas sans pouvoir politique ou électoral », écrivait (ironiquement ?) le juge ultra-conservateur à la Cour suprême Samuel Alito dans l’arrêt « Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization » en juin dernier. Il ne croyait pas si bien dire.

Biden appelle à renforcer le compromis avec les Républicains

Si les Républicains remportent la Chambre (les Démocrates conservent le Sénat, leur marge sera bien moindre qu’attendu.

Le président Biden, qui a profité des deux premières années de son mandat pour faire voter une série de grandes réformes, aura toutefois beaucoup plus de difficultés désormais parce qu’il est peu probable que les nouveaux élus républicains – qui prendront leurs fonctions en janvier 2023 – lui facilitent la tâche, à un peu plus d’un an de la prochaine campagne présidentielle.

C’est pourtant bien le sens de l’appel que Biden leur a lancé, le 9 novembre au soir : il estime que le compromis politique est une attente de la société, et a toujours dit faire du combat contre la polarisation politique du pays une priorité. Comme pour conjurer la perspective de deux années de paralysie institutionnelle, voire celle de possibles shutdowns (blocage du fonctionnement de plusieurs administrations fédérales) si jamais le plafond de la dette ne pouvait être relevé en cas de besoin ou si le budget de la nation ne parvenait pas à être voté en 2023 et 2024. En effet, c’est la Chambre des représentants qui donne le « la » sur les dépenses.

Le président devra encore renforcer ses efforts en matière de négociations et de tractations avec l’opposition parlementaire pour poursuivre la mise en œuvre de son programme – non seulement sur le plan socio-économique, mais aussi, et ce sera plus difficile, en matière de protection environnementale. Les Républicains le contraindront, de leur côté, à faire des compromis sur la fiscalité.

Selon le New York Times, il est cependant peu probable que Biden modifie son cap économique : la transition énergétique, qui nécessite de renoncer progressivement aux énergies fossiles, l’effort de réindustrialisation du pays dans la course avec la Chine sur les hautes technologies, la création d’emplois durables, la défense du pouvoir d’achat, la préservation des acquis de l’Obamacare, la lutte contre l’augmentation des prix des médicaments, le combat contre les inégalités sont sur sa feuille de route, surtout dans la perspective d’une possible récession l’an prochain. En revanche, plusieurs grandes lois fédérales promises à l’électorat démocrate pour, notamment, pallier les vides juridiques sur l’immigration, réguler la vente et la circulation d’armes à feu, combattre les discriminations raciales dans l’accès au vote, n’ont aucune chance d’aboutir d’ici fin 2024.

Midterms : le républicain Kevin McCarthy rêve de présider la Chambre des représentants, France 24 9 novembre 2022.

Il est un autre chantier délicat : celui de l’aide militaire à l’Ukraine. Sur le papier, un Congrès en partie républicain peut s’opposer à de nouvelles dépenses décidées par la Maison Blanche, ou voter des coupes (mais le président possède un droit de veto sur les lois). Dans les faits, le scénario le plus probable à ce stade est que les Républicains exigent davantage de transparence sur l’utilisation des moyens débloqués. Il n’empêche qu’en matière de dépenses militaires en général, la cohérence gagnerait à s’imposer dans les deux partis, démocrate et républicain : avec un budget de plus de 800 milliards de dollars, il est légitime de s’interroger sur le poids que ces dépenses font peser sur le contribuable dans une période inflationniste comme aujourd’hui.

Et 2024 ?

Une fois les derniers résultats des midterms connus (cela peut prendre encore quelques jours pour la Chambre), la course sera lancée pour la présidentielle de 2024. Même s’il laisse entendre le contraire, il est peu probable que Joe Biden, qui aura alors alors 82 ans, se représente. Qui, alors, pour lui succéder ?

Plusieurs leaders démocrates émergeront après leur élection ou réélection de la semaine dernière, sans oublier la vice-présidente Kamala Harris, qui devront continuer à composer entre une aile gauche et son électorat impatient (les jeunes en particulier) mais mobilisé donc incontournable, d’une part, et une culture de parti plus modérée d’autre part.

Chez les Républicains, le trumpisme nouvelle formule de Ron DeSantis s’imposera-t-il ou bien la doctrine plus traditionnelle l’emportera-t-elle, par pragmatisme ? À la Chambre, les Républicains mettront, dès janvier 2023, un terme à l’enquête parlementaire sur l’attaque du Capitole, comme si rien ne s’était passé. Mettront-ils leurs menaces à exécution en lançant de nouvelles enquêtes, sur les conditions du retrait de l’Afghanistan, et sur le business du fils de Joe Biden, Hunter ? Cela ne parviendra pas à masquer le fait que, lors de ces midterms, les Républicains ont raté leur coup et que pour espérer l’emporter en 2024, ils doivent également se concentrer sur une question majeure : avec ou sans Trump ?

 

 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

J’ai lu… « Géopolitique des énergies » par Emmanuel Hache

Tue, 06/09/2022 - 20:17

 

Pascal Boniface reçoit Emmanuel Hache, directeur de recherche à l’IRIS, à l’occasion de la parution de son ouvrage « Géopolitique des énergies » en 40 fiches illustrées aux éditions Eyrolles. Un ouvrage qui tombe à point nommé au moment où les questions énergétiques sont au coeur de l’actualité géopolitique.

Éthiopie : une guerre civile qui ne trouve pas d’issue

Mon, 05/09/2022 - 12:42

Depuis le 24 août 2022, la région du Tegray est au cœur d’affrontements entre les forces gouvernementales éthiopiennes et les rebelles tegréens. Déjà dans un situation économique désastreuse, le pays est plongé dans la guerre civile depuis maintenant près de deux ans. Quelles sont les origines de ce conflit ? Qui sont les acteurs en présence ? Et jusqu’où peut dégénérer cette guerre civile ? Le point avec Patrick Ferras, président de l’association Stratégies africaines, enseignant à IRIS Sup’ et spécialiste de l’Éthiopie.

Alors qu’une trêve avait été signée entre le gouvernement éthiopien et les rebelles tegréens en mars dernier et qu’un dialogue national avait été amorcé, la région du Tegray est à nouveau le théâtre d’affrontements. Pourriez-vous revenir rapidement sur les origines de ce conflit et nous expliquer pourquoi cette trêve n’a pas duré ?

La région-État du Tegray s’est opposée au gouvernement fédéral depuis l’arrivée au pouvoir de Abiy Ahmed, le Premier ministre en 2018. L’organisation par les autorités tegréennes de leur propre élection[1] a mis le feu aux poudres et la guerre civile dans ce pays de la Corne de l’Afrique a commencé dans la nuit du 3 au 4 novembre 2020. D’un côté, l’armée éthiopienne (Ethiopian National Defense Forces – ENDF) aidée depuis les premières heures du conflit par l’armée érythréenne (Eritrean Defense Forces – EDF), les milices amhara et afar. De l’autre, les forces de défense du Tegray (TDF). Les forces gouvernementales ont dans un premier temps réussi leur engagement en mettant en place un gouvernement de transition et une occupation militaire. En juin 2021, les TDF ont repris une grande partie de leur territoire en chassant les autorités civiles et militaires imposées par le Premier ministre. Dans leur offensive, les forces tegréennes se sont approchées d’Addis Abeba, puis se sont repliées. Les combats avaient pratiquement cessé depuis la trêve de mars 2022[2] et l’aide humanitaire avait commencé à parvenir dans la région.

La volonté de Abiy Ahmed de mettre fin à cette guerre par un accord de paix et un grand dialogue national en signe de réconciliation s’est heurtée aux Tegréens et à leurs prérequis pour se lancer dans l’ouverture des discussions et donc une cessation des hostilités. Le Premier ministre veut un dialogue sans conditions préalables et le TPLF[3], qui représente la région-État du Tegray, estime que les services (eau, électricité, communications et services bancaires) dont ils sont privés depuis novembre 2020 doivent être rétablis avant toute discussion. Les positions étant diamétralement opposées, il était difficile de penser que la situation allait rester ainsi. Chaque camp a donc profité de cette trêve pour se reconfigurer, s’entraîner pour une reprise des combats et affiner sa stratégie pour les prochains mois.

Jeudi dernier, les rebelles ont annoncé une offensive conjointe effectuée par l’Éthiopie et l’Érythrée. Quel est le rôle de cet acteur dans le conflit au Tegray ?

L’Érythrée est un acteur essentiel du conflit et sur lequel compte beaucoup Abiy Ahmed. Sous couvert de l’Accord de paix de 2018, l’alliance entre les deux États a été scellée. L’Érythrée, par sa position stratégique, bloque le Tegray par le Nord et comme le Président Issayas Afeworki voue une haine farouche aux Tegréens depuis la guerre de 1998-2000, il est entré en guerre dès le début du conflit aux côtés du gouvernement fédéral. En jouant sur la soif de revanche du président érythréen, le gouvernement fédéral éthiopien s’est adjoint un allié sur la scène régionale même si ce pays est en marge de toute intégration régionale comme continentale et est le plus mauvais élève de l’Union africaine. Nous nous retrouvons face à la même situation qu’en novembre 2020 : le siège de la région est assuré par l’armée éthiopienne, les milices et les forces érythréennes. Les opérations conjointes ont déjà eu lieu par le passé et il n’est donc pas surprenant qu’elles soient encore d’actualité. L’implication de l’Érythrée dès 2020 montre que le principe de souveraineté intérieure clamé par Abiy Ahmed pour bloquer toute ingérence au début du conflit n’était qu’illusion. D’autre part, sur le plan militaire, sans l’apport des forces érythréennes et des milices afar et amhara, il est peu probable que les ENDF aient pu réussir à bloquer l’avance des TDF en novembre 2021.

Les rebelles tegréens semblent rapidement progresser dans la région Amhara en direction de la capitale Addis Abeba. Quels sont les objectifs des rebelles ? Seraient-ils tentés d’aller jusqu’à renverser le gouvernement ? En d’autres termes, jusqu’où ce conflit qui dure depuis deux ans peut aller ?

Faute de communications vérifiables de la part des deux belligérants, il faut rester prudent quant aux actions militaires en cours. La montée en puissance des forces fédérales peut indiquer une volonté de reprendre les combats ou de se prémunir d’une potentielle offensive tegréenne. Les TDF, quant à elles, desserrent l’étau en s’engageant dans les régions-États amhara et afar, mais restent vigilantes sur leur front nord. Le processus de paix restant bloqué, toutes les options sont sur la table. Néanmoins, il sera difficile pour les Tegréens de mener une offensive sur Addis Abeba comme ils l’avaient réalisée en octobre-novembre 2021. Tant que l’un des deux adversaires n’aura pas subi une lourde défaite, il y a peu de chances que le processus de paix soit relancé ou aboutisse dans des délais de court terme. Il faudra une volonté sincère des deux camps pour y arriver.

Les conditions ne sont pas actuellement réunies. La population tegréenne, afar et amhara va encore supporter le poids de cet engagement militaire qui après bientôt deux ans laissera des stigmates profonds. Dimanche prochain, l’Éthiopie débutera l’année 2015 (calendrier julien). Malgré la mise en service d’une deuxième turbine sur le site du Grand barrage de la renaissance, l’économie éthiopienne déjà frappée par la faible croissance, l’inflation, le marché noir est en outre très affectée par ce conflit et la situation internationale. La population souffre et accepte pour l’instant de survivre. L’annonce d’une ère nouvelle par Abiy Ahmed en 2018 (calendrier grégorien) ne s’est pas concrétisée. Les timides tentatives de la Communauté internationale et donc le ballet des envoyés spéciaux n’apporteront aucun souffle à la paix. Le nouvel An sera bien triste dans la majeure partie des foyers éthiopiens.

____________

[1] Alors que les élections à l’échelle du pays avaient été reportées en raison de la pandémie de Covid-19.

[2] Trêve unilatérale décrétée par le pouvoir central et acceptée par le TPLF.

[3] TPLF : Tegray ‘s People Liberation Front.

« Histoire mondiale du protectionnisme » – 4 questions à Ali Laïdi

Fri, 02/09/2022 - 12:23

Ali Laïdi est docteur en sciences politiques, chroniqueur à France 24, responsable du Journal de l’Intelligence économique et chercheur au laboratoire de l’École de guerre économique (CR 451). Il répond aux questions de Pascal Boniface à l’occasion de la parution de son ouvrage « Histoire mondiale du protectionnisme » aux éditions Passés Composés.

Selon vous le protectionnisme est indéboulonnable. De la Préhistoire jusqu’au XIXe siècle, les sociétés se protègent puis alternent période d’ouverture et de fermeture…

Les sociétés précolombiennes sont protectionnistes. Chez les Aztèques et les Mayas, les marchés ne sont pas totalement libres. Impossible de faire du commerce au long cours si on n’appartient à une caste particulière. Ce sont les seules à être autorisées à vendre et acheter des marchandises. De plus, le commerce entre ces deux civilisations avait lieu dans des lieux neutres. Ces sociétés n’étaient absolument pas interconnectées. Idem dans la Chine impériale et confucéenne, où l’activité commerciale est mal vue au point que, sous les Ming, il est quasiment interdit d’entretenir des relations commerciales avec des étrangers n’appartenant pas directement à la sphère d’influence chinoise. Comme Aristote, les empereurs chinois visaient l’autarcie. Excepté l’exportation de grands produits comme la soie et le thé, les Chinois entretenaient peu de relations commerciales extérieures et n’étaient pas intéressés par les produits occidentaux qu’ils considéraient comme de qualité inférieure. C’est pourquoi les Britanniques ont mené la première guerre de l’opium en 1839 dans le but d’accéder à coups de canon à l’immense marché chinois. Quelques ports chinois ont été contraints de s’ouvrir aux marchandises anglaises. C’était insuffisant, il a fallu une deuxième guerre (1856) pour obliger la Chine à adopter le libre-échange.

En fait, il faut attendre la révolution industrielle et la baisse des coûts de transport pour entrer dans une première véritable mondialisation des échanges. Cette fois, tous les produits sont concernés par les échanges, pas seulement les marchandises de luxe. Cette révolution industrielle est également une révolution intellectuelle. Pour conquérir les marchés extérieurs, les Britanniques ont dû vendre, voire imposer par la violence le libre-échange. Alternent ensuite des périodes d’ouverture et de fermeture des marchés au gré des intérêts géopolitiques et géoéconomiques des grandes nations commerçantes et de leurs grandes entreprises. Car l’État n’a pas l’apanage du protectionnisme : les cartels et les monopoles montrent que les entreprises savent défendre leurs intérêts. Nous entrons depuis quelques années dans une nouvelle phase : celle où les économies nationales se protègent des vents féroces et anarchiques de la concurrence mondiale. 

Vous écrivez que l’Amérique n’est pas un bon élève des leçons économiques qu’elle donne au monde…

En effet, le président américain Ulysse Grant (1869-1877) avait parfaitement analysé la stratégie commerciale des Britanniques et savait pertinemment que son pays la suivrait à la lettre. Voici ce qu’il disait « Pendant des siècles, l’Angleterre s’est appuyée sur la protection, l’a pratiquée jusqu’à ses plus extrêmes limites, et en a obtenu des résultats satisfaisants. Après deux siècles, elle a jugé commode d’adopter le libre-échange, car elle pense que la protection n’a plus rien à lui offrir. Eh bien, Messieurs, la connaissance que j’ai de notre pays me conduit à penser que, dans moins de deux cents ans, lorsque l’Amérique aura tiré de la protection tout ce qu’elle a à offrir, elle adoptera aussi le libre-échange. » Jusqu’à ce que le libre-échange nuise à ses intérêts et que l’Amérique renoue avec ses vieux réflexes protectionnistes comme en 1930 avec l’adoption par le Congrès du tarif douanier Hawley-Smoot qui voit les droits de douane grimper jusqu’à près de 60 %. En fait, le protectionnisme est ancré dans l’histoire de ce pays. Dès sa naissance pointe l’idée de protection. N’oublions pas que l’un des principaux ouvrages défendant le « protectionnisme éducateur » est rédigé par l’allemand Friedrich List (1789-1846) qui s’inspire de la politique d’Alexander Hamilton, le premier secrétaire au Trésor des États-Unis (1789-1795), un chaud partisan de la protection des industries dans l’enfance. Des leçons américaines que la Chine applique depuis la fin du maoïsme : une ouverture prudente, encadrée, qui protège les entreprises nationales et les prépare à affronter la concurrence internationale. Tout comme la Grande-Bretagne et les États-Unis, dans une première étape, la Chine se protège puis dans une seconde, s’ouvre au monde. Au point même de faire la promotion du libre-échange comme le fait le président Xi Jinping au Forum de Davos en 2017. C’est le monde à l’envers : au moment où l’Amérique de Trump se renferme sur elle-même, la Chine communiste prétend donner des leçons de libre-échange !    

Malgré une demande de l’opinion publique (60 % d’opinion favorable) la crise de 2008 n’a pas engendré un retour au protectionnisme. Comment l’expliquez-vous ?

Dès 2008, nous observons un frémissement du retour du protectionnisme. La crise financière mondiale entraîne un basculement de l’opinion publique internationale qui réclame plus de protection, notamment tarifaire aux frontières. Mais vous avez raison, les États ne se referment pas comme dans les années 1930 après la crise de 1929. Au contraire, ils prennent le contre-pied des choix de l’époque et optent pour des programmes de relance macroéconomique.  Ce qui ne les empêche pas d’augmenter le nombre de mesures antidumping et autres afin de protéger leur marché domestique. En fait, à partir de 2008, on constate une nette dégradation du modèle libre-échangiste qui se confirme avec les crises suivantes : Brexit, élection de Donald Trump à la Maison Blanche, pandémie et guerre russo-ukrainienne.

L’OMC s’est-elle remise des attaques de Donald Trump ?

Pas tout à fait. Mais il faut noter que son état moribond ne date pas des années Trump. En fait, le multilatéralisme économique est mal en point depuis 2006, année où les dirigeants de l’OMC actent l’échec du cycle de Doha. Un petit espoir renait début décembre 2021 lorsque 67 pays (dont les États-Unis et la Chine) trouvent un accord pour faciliter les échanges de services. Mais vu la situation géopolitique mondiale sur fond de guerre en Ukraine et surtout de guerre froide économique entre Washington et Pékin, il est difficile d’espérer mieux dans les prochaines années.

 

 

Que retenir du discours de Macron aux diplomates ?

Thu, 01/09/2022 - 18:53

Emmanuel Macron a ouvert aujourd’hui la conférence annuelle des ambassadrices et ambassadeurs par le traditionnel discours présidentiel. Ce discours intervient dans un contexte international particulièrement instable dans lequel la France peine à faire entendre sa voix.

L’analyse de Pascal Boniface.

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