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L'Afrique réelle (Blog de Bernard Lugan)

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Site officiel de l'historien africaniste Bernard Lugan, professeur à l'Université Lyon III et expert au tribunal international d'Arusha
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L'Afrique Réelle N°78 - Juin 2016

Thu, 26/05/2016 - 21:22
SOMMAIRE :  Actualité :La Centrafrique survivra-t-elle au départ de Sangaris ?
Dossier : La démographie africaine- Etat des lieux de la démographie africaine- La démographie empêche le développement et annonce les famines- Le mythe du développement- L’émigration, conséquence de la surpression démographique africaine
Livres :La Kabylie est-elle une création coloniale française ?

Editorial de Bernard Lugan
Deux dangers ont été exagérés : l’Etat islamique en Libye et Boko Haram au Nigeria. Aucun de ces deux périls n’est définitivement écarté, mais le premier est contenu quand le second recule. Tous deux ont initialement profité de situations politiques locales complexes et favorables avant de buter sur de solides définitions ethno-tribales.
En Libye, l’Etat islamique s’est implanté à Syrte, dans la zone tampon entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine. Interdisant le contact entre les forces du général Haftar et celles de Misrata, sa présence empêcha donc une guerre Cyrénaïque-Tripolitaine, ce qui permit aux deux principales forces militaires de Libye de consolider leur pouvoir sur leurs zones respectives d’influence. En Cyrénaïque, le général Haftar eut ainsi tout le loisir de liquider les dernières poches islamistes, cependant que Misrata apparaissait de plus en plus comme le principal acteur de Tripolitaine.La présence de l’Etat islamique ne leur étant plus utile, les deux principaux belligérants vont donc se lancer dans une course à celui qui, le premier, reprendra Syrte et les ports pétroliers de la région. Avant de s’affronter directement.L’Etat islamique qui ne dispose d’aucune base tribale et qui ne peut, comme au Levant, jouer de l’opposition chiites-sunnites, sera éliminé. Sauf naturellement si Misrata, donc la Turquie, a encore intérêt à sa survie. C'est en effet après la fin de l’Etat islamique que les choses sérieuses commenceront entre Misrata et la Cyrénaïque. Misrata, fief des Frères musulmans, est soutenue par la Turquie, le Qatar, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l’Italie. Le général Haftar est  appuyé par les Emirats arabes, par l’Egypte et dans une certaine mesure par l'Arabie saoudite et la France.
Boko Haram fut un temps instrumentalisé à la fois par les politiciens musulmans nordistes et par le président chrétien sudiste. Les premiers voulaient affaiblir le second quand ce dernier espérait, en laissant le mouvement gagner le plus grand territoire possible, écarter des urnes des millions d’électeurs nordistes, ce qui lui aurait assuré la victoire aux élections présidentielles de 2015.En 2014, quand les sultans nordistes comprirent que leur soutien à Boko Haram allait permettre la victoire électorale du président Goodluck Jonathan, ils changèrent de politique. Boko Haram fut alors isolé et réduit à sa base ethnique, c'est-à-dire le peuplement Kanouri, et se vit ainsi interdire toute expansion à la fois vers l’ouest et le sultanat de Kano et vers le sud et le sultanat de Yola. Le mouvement étant contenu, il ne reste plus aujourd’hui qu’à le réduire et c’est ce qui est actuellement en cours. L’éradication totale de Boko Haram ou de ses diverticules peut cependant prendre encore des années. Les actes terroristes ne sont donc pas terminés car il subsistera encore longtemps un foyer de déstabilisation dans le nord-est du Nigeria. Ce dernier pourrait à nouveau se développer si des évènements graves survenaient au Cameroun et au Tchad. Désormais, alors qu’au Nigeria, le plus difficile semble être passé, c’est donc sur les pays voisins que doit porter notre attention. Notamment au Cameroun où les élections de 2018 risquent d’avoir des effets dévastateurs dont pourraient profiter Boko Haram ou ses survivances.
Categories: Afrique

La France n’a pas gagné la Première guerre mondiale grâce à l’Afrique et aux Africains

Fri, 13/05/2016 - 18:00
(Ce communiqué peut être repris à condition d'en mentionner la source)

Dans la grande entreprise de réécriture de l’histoire de France par les partisans du « grand remplacement », la Première Guerre mondiale, et plus particulièrement la bataille de Verdun, constitue un argument de poids. Son résumé est clair : les Africains ayant permis la victoire française, leurs descendants ont donc des droits sur nous.Voilà qui explique pourquoi ces ardents défenseurs du « vivre ensemble » que sont MM. Samuel Hazard, maire socialiste de Verdun, et Joseph Zimet, à la ville époux de Madame Rama Yade, et en charge de la Mission du centenaire de la Grande Guerre, ont voulu mettre le sacrifice de millions de Poilus au service de leur idéologie.
Laissons donc parler les chiffres[1] : 
1) Effectifs français (métropolitains et coloniaux)
- Durant le premier conflit mondial, 7,8 millions de Français furent mobilisés, soit 20% de la population française totale.
- Parmi ces 7,8 millions de Français, figuraient 73.000 Français d’Algérie, soit environ 20% de la population « pied-noir ».
- Les pertes françaises furent de  1.300 000 morts, soit 16,67% des effectifs.
- Les pertes des Français d’Algérie furent de 12.000 morts, soit 16,44% des effectifs.
2) Effectifs africains
- L’Afrique fournit dans son ensemble 407.000 hommes, soit 5,22 % de l’effectif global de l’armée française.
- Sur ces 407.000 hommes, 218.000 étaient des « indigènes » originaires du Maroc, d’Algérie et de Tunisie, soit 2% de la population de ces trois pays.
- Sur ces 218.000 hommes, on comptait 178.000 Algériens, soit 2,28 % de tous les effectifs français.
- L’Afrique noire fournit quant à elle, 189.000 hommes, soit 1,6% de la population totale et 2,42% des effectifs français.
- Les pertes des unités nord africaines furent de 35.900 hommes, soit 16,47% des effectifs.
- Sur ces 35.900 morts,  23.000 étaient Algériens. Les pertes algériennes atteignirent donc 17.98 % des effectifs mobilisés ou engagés.
- Les chiffres des pertes au sein des unités composées d’Africains sud-sahariens sont imprécis. L’estimation haute est de 35.000 morts, soit 18,51% des effectifs ; l’estimation basse est de 30 000 morts, soit 15.87%.

Pour importants qu’ils soient, ces chiffres contredisent donc l’idée-reçue de « chair à canon » africaine. D’ailleurs, en 1917, aucune mutinerie ne se produisit dans les régiments coloniaux, qu’ils fussent composés d’Européens ou d’Africains.

Des Africains ont donc courageusement et même héroïquement participé aux combats de la « Grande Guerre ». Gloire à eux.
Cependant, compte tenu des effectifs engagés, il est faux de prétendre qu’ils ont permis à la France de remporter la victoire. Un seul exemple : le 2° Corps colonial engagé à Verdun en 1916 était composé de 16 régiments. Les 2/3 d’entre eux étaient formés de Français mobilisés, dont 10 régiments de Zouaves composés très majoritairement de Français d’Algérie, et du RICM (Régiment d’infanterie coloniale du Maroc), unité alors très majoritairement européenne.

Autre idée-reçue utilisée par l’idéologie dominante : ce serait grâce aux ressources de l’Afrique que la France fut capable de soutenir l’effort de guerre.
Cette affirmation est également fausse car, durant tout le conflit, si la France importa six millions de tonnes de marchandises diverses de son Empire, elle en importa 170 millions du reste du monde.

Conclusion : durant la guerre de 1914-1918, l’Afrique fournit à la France 3,5% de toutes ses importations et 5,22 % de ses soldats. Ces chiffres sont respectables et il n’est naturellement pas question de les négliger. Mais prétendre qu’ils furent déterminants est un mensonge doublé d’une manipulation.

Bernard Lugan
13/05/2016 
[1] Les références de ces chiffres sont données dans mon livre Histoire de l’Afrique du Nord des origines à nos jours. Le Rocher, en librairie le 2 juin 2016.
Categories: Afrique

L'Afrique Réelle N°77 - Mai 2016

Mon, 02/05/2016 - 12:12
SOMMAIRE  Actualité :  Libye : - L’Etat islamique piétineCongo Brazzaville :- La démocratie va-t-elle rallumer la guerre civile ?Algérie :- Trente ans après la crise de 1986, la crise de 2016…
Dossier : Sahara occidental- La guerre peut-elle reprendre ?

Editorial de Bernard Lugan :
Le 1er janvier 2017, le mandat de Ban Ki-Moon comme secrétaire général de l’ONU aura pris fin. Le Polisario, mouvement demandant l’indépendance du Sahara occidental, aura alors perdu un allié de poids. Pour le diplomate coréen, la présence du Maroc dans ses provinces saharienne est en effet vue comme une « occupation ».
Durant son calamiteux mandat, M. Ban Ki-Moon qui aurait gagné à étudier l’histoire de la région, aura ainsi réussi à rallumer un conflit qui était en passe de résolution. Faute de combattants, exsangue, le Polisario ne vivotait en effet plus qu’à travers les derniers survivants des mouvements anti-impérialistes des années 1960. N’étant plus reconnu que par 31 pays alors qu’il l’avait été par 82, gangrené par une dérive islamo-mafieuse, cet appendice des services algériens profite actuellement des derniers mois de présidence de l’actuel secrétaire général pour abattre ses dernières cartes en menaçant d’une reprise des hostilités.
Jeudi 14 avril à l’ONU, le « président » saharaoui, M. Mohamed Abdelaziz a été très clair à ce sujet : si le Conseil de sécurité n’exerce pas une pression réelle et directe sur le Maroc en le forçant à accepter un référendum d’auto détermination à ses conditions, « le peuple saharaoui sera alors de nouveau contraint de défendre ses droits par tous les moyens légitimes, y compris la lutte armée qui est légalisée par l’ONU pour tous les peuples colonisés ».

La Centrafrique a enfin un président élu. Et alors ? La fée démocratique n’a pas pour autant résolu les problèmes d’un pays qui n’existe pas, qui n’a ni armée, ni police, ni administration et dans lequel plusieurs milices tiennent la brousse. Dans le sud-est sévit l’Armée de résistance du seigneur, émanation de certains clans acholi ougandais, dans le nord et le nord-est, les coupeurs de route de la Seleka, au sud ouest les anti-Balaka ; sans oublier les divers groupes de bandits et les milices des éleveurs peul. Pour tout arranger, le dispositif Sangaris est en phase de démontage et le volapük de la Minusca est incapable de maintenir ne serait-ce qu’un semblant d’ordre.

Dans sa livraison du 21 avril 2016, Le Monde publie les « bonnes feuilles » d’un livre qui prétend - une nouvelle fois ! - faire des révélations sur le rôle de la France dans le génocide du Rwanda. Compilation d’accusations maintes fois démontées, ce livre contient une montagne d’erreurs. Je n’en relèverai que deux :

- Les auteurs font parler l’académicien Jean-Christophe Rufin qui, à l’époque aurait été chargé d’une mission confidentielle dans la région et qui aurait été reçu par « le pasteur Bizimungu ». Or, cet ancien Président du Rwanda n’a jamais été pasteur… Pasteur est son prénom…
- Le président Museveni aurait demandé au même J-C Ruffin s’il savait qui a abattu l’avion du président Habyarimana. Le président ougandais était pourtant bien placé pour connaître les auteurs de l’attentat qui fut l’élément déclencheur du génocide puisque les deux missiles sol-air tirés sur l'avions présidentiel et qui portaient les références 04-87-04814 et 04-87-04835 étaient des missiles ougandais[1]...

[1] Voir à ce sujet mon livre : Rwanda, un génocide en questions. Editions du Rocher, 2014.
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Pourquoi Manuel Valls a-t-il « twitté » une photo du président Bouteflika grabataire ?

Thu, 21/04/2016 - 13:31
La photo d’Abdelaziz Bouteflika prostré et quasi moribond rendue publique par Manuel Valls sur son compte twitter officiel a fait l’effet d’une bombe en Algérie. Jusque-là, tous les Algériens savaient bien que leur président était malade, mais les images soigneusement filtrées par son entourage le montraient, certes diminué et sur une chaise roulante, mais intellectuellement capable de tenir une réunion avec ses visiteurs étrangers, donc de gouverner le pays.
Sur l’image en question, la scène qui apparaît est pathétique, avec d’un côté un Manuel Valls en pleine forme et de l’autre, un Bouteflika hagard, absent et quasi momifié. Or, depuis plusieurs mois, la société civile algérienne demande l’application de l’article 88de la Constitution qui permet de constater la vacance du pouvoir. Au contraire, le clan présidentiel affirme contre toute évidence qu’Abdelaziz Bouteflika n’a qu’un problème de locomotion…
Pourquoi le Premier ministre français a-t-il publié cette photo qui fait exploser l’argumentaire officiel algérien et qui fragilise encore plus l’actuel pouvoir?
Il y a trois explications à cela :
1) Celle de la légèreté et de l’inconscience de Manuel Valls ne convainc pas.
2) Le désir du Premier ministre de « venger » le journal Le Monde dont les journalistes avaient été privés de visa par Alger, pas davantage.
3) Reste alors l’intervention volontaire et directe dans le jeu politique algérien. Mais pourquoi et au profit de qui?
Clés de compréhension et d’explication :
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Algérie : l’heure de vérité approche pour le clan Bouteflika

Wed, 13/04/2016 - 19:15
(Ce communiqué peut être repris à la condition d’en citer le lien)

La visite que le Premier ministre français, M. Manuel Valls, vient d’effectuer à Alger, fut l’occasion de constater ce que les lecteurs de l’Afrique Réelle n’ignoraient pas, à savoir que l’Algérie est « dirigée » par un président moribond.
Depuis son accident vasculaire cérébral survenu le 27 avril 2013, Abdelaziz Bouteflika, paralysé, sourd et quasiment muet, n’apparaît plus en public que très rarement, et sur un fauteuil roulant. Ses trois frères, sa sœur -tous quatre conseillers à la présidence-, et leurs affidés, savent qu’ils vont vivre des moments difficiles dans les heures qui suivront son trépas. Il ne doit donc pas mourir tant que les clans qui, dans l’ombre, dirigent l’Algérie, ne seront pas parvenus à un accord permettant une succession contrôlée.
Acculée, l’équipe au pouvoir a épuré l’armée au profit du général Ahmed Gaïd Salah, chef d'Etat-major et vice-ministre de la Défense. Est-ce pour autant un gage de survie ? Il est permis d'en douter car, lesquels parmi les généraux, notamment chez les nouvellement promus, voudront en effet apparaître liés aux profiteurs du régime quand la rue grondera dans un dramatique contexte économique et social aggravé par l'effondrement du prix des hydrocarbures[1] ? L'Odjak des janissaires[2] pourrait alors être tenté de se refaire une "vertu" à bon compte en donnant au peuple la tête de Saïd Bouteflika et celles de ses proches, avant de placer l'un des siens aux commandes.
En Algérie, l’agonie présidentielle avec les mensonges et les tractations qui l’entourent, est ressentie comme une humiliation nationale. De plus en plus nombreux sont donc ceux qui demandent l’application de l’article 88 de la Constitution qui permet de constater la vacance du pouvoir. Pour l’entourage du président Bouteflika, la situation est donc devenue intenable.
Quant à la France, sorte de vaisseau ivre tanguant entre repentance et ethno-masochisme, son président a soutenu l’aberrant quatrième mandat d’un Bouteflika grabataire, espérant ainsi acheter la paix sociale dans les banlieues. Cette mise en dhimmitude mentale ne l’empêchera cependant pas de subir  directement les conséquences des évènements majeurs qui risquent de se produire bientôt en Algérie. Peut-être même à court terme.
Bernard Lugan13/04/2016


[1] Voir à ce sujet les dossiers consacrés à cette question dans les numéros de mai, de juillet, d'août et d’octobre 2015 ainsi que les numéros de l’année 2016  de l'Afrique Réelle.  [2] Commandement des Janissaires. Lire ici l'Etat-major de l'armée.
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L'Afrique Réelle N°76 - Avril 2016

Sun, 03/04/2016 - 13:52
Numéro spécial : Le jihadisme en Afrique
- Les fronts du jihad africain- Afrique de l’Ouest : islam arabo oriental contre islam africain- Pourquoi le royaume saoudien soutient-il les fondamentalistes musulmans en Afrique comme ailleurs ?- La subversion saoudo-wahhabite bute sur l’Algérie- L’Algérie, cible principale d’Aqmi- Le Maroc est-il menacé par l'islamisme ?
A travers la presseLes Saoudiens vont-ils détruire le mausolée du prophète Mohamed ?

Editorial de Bernard Lugan :
Connaître le jihadisme africain pour mieux le combattre
Le jihadisme contemporain est l’héritier politique, doctrinal et spirituel, à la fois des Frères musulmans et du wahhabisme. Les premiers sont au pouvoir en Turquie, le second l’est en Arabie saoudite et au Qatar.Depuis qu’ils ont été renversés par l’armée égyptienne, les Frères musulmans ne contrôlent plus en Afrique du Nord que la ville libyenne de Misrata d’où ils entretiennent le chaos avec l’appui de la Turquie. Quant aux wahhabites, ils sont à la manœuvre au sud du Sahara. 
Quatre mouvements jihadistes mènent des actions terroristes sur le continent africain. Il s’agit des Shabaab en Somalie, de Boko Haram dans le nord du Nigeria, de Daesh-Etat islamique (EI) dans une partie de la Libye et d’Al-Qaïda qui fédère plusieurs groupes opérant au Maghreb, au Sahara, au Sahel et jusqu’en Côte d’Ivoire.
Les Shabaab somaliens et Boko Haram sont ancrés sur des revendications locales ou régionales. Leurs possibilités d’extension sont donc limitées.Il n’en est pas de même d’Al-Qaïda (Aqmi), et de Daesh qui ont montré de remarquables facultés d’adaptation à divers terrains.
Daesh qui, il y a quelques mois a semblé menaçant en Libye, n’a guère progressé depuis. Sa puissance en Irak et en Syrie reposait sur une opposition chiites-sunnites qui n’existe pas en Libye où l’organisation se heurte aux profondes identités tribales.Pendant que Daesh occupait l’avant-scène, Al-Qaïda-Aqmi refaisait ses forces et redéfinissait sa stratégie en s’efforçant  de ne pas trop s’en prendre directement aux membres de la Umma, tout en se greffant avec opportunisme sur des revendications locales. Si le mouvement a un objectif mondial, il tient en effet compte des aspirations des populations qu’il tente de rallier, qu’il s’agisse des Touareg ou de certaines fractions du monde peul. 
Sur le terrain, face à cette entreprise de subversion à grande échelle, la France est militairement seule. Le dispositif Barkhane ayant rendu les espaces nordistes du Mali et du Niger de plus en plus hostiles aux terroristes , ces derniers ont décidé d’opérer plus au sud, à l’abri de la toile wahhabite tissée par l’Arabie saoudite et par le Qatar[1]. La tentation est donc grande chez certains décideurs civils français, de redéployer Barkhane vers le sud. L’erreur serait grande car, détourner nos forces en les faisant basculer sur des positions plus sudistes ferait le jeu des jihadistes qui attendent de nous voir relâcher notre étau sur les zones limitrophes de la Libye et de l’Algérie. De plus, cette bascule d’effort ne serait pas suffisamment significative pour interdire des actions terroristes ponctuelles par des groupes jihadistes au sein desquels les Peul semblent jouer un rôle croissant[2] . 
Enfin, comment prétendre lutter contre le jihadisme menaçant les équilibres africains sans dénoncer son support idéologique qui est le wahhabisme, la religion d’Etat de l’Arabie saoudite et du Qatar ? Or, la France socialiste est de plus en plus liée à ces deux monarchies…
[1] Voir mon communiqué en date du 20 janvier 2016 intitulé « La critique de Barkhane procède d’une erreur d’analyse ».[2] L’attaque de Ouagadougou le 16 janvier 2016 a été menée par le FLM (Front de libération du Macina), un mouvement peul. Sur les trois terroristes  identifiés de Grand Bassam, deux étaient  Peul d’après leurs noms, Hamza al-Fulani et Rahman al-Fulani.
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Les dévots de la religion démocratique réussiront-ils à provoquer le chaos au Niger, au Congo, au Tchad et au Cameroun ?

Fri, 18/03/2016 - 19:11
Le 20 mars, des élections présidentielles se tiendront au Congo Brazzaville et au Niger dans un climat lourd d’orages.
Au Niger, Mahamadou Issoufou, premier président élu au suffrage universel a remporté le premier tour avec 48% des voix à l’issue d’un scrutin surréaliste. L’opposition ayant décidé de boycotter le second tour, le climat est plus qu’explosif. La farce électorale laissera des traces dans un pays extrêmement fragile, au contact de plusieurs foyers jihadistes et dans lequel l’armée a une longue habitude des coups d’Etat.
Au Congo Brazzaville, le président Sassou Nguesso est au pouvoir depuis trente ans à la suite d’une féroce guerre civile. En Europe, les « grandes consciences » en sont émues. Comme le président est Mbochi, il a contre lui les Kongo qu’il évinça il y a trois décennies. Mais, comme les Mbochi sont moins nombreux que les Kongo, ces derniers estiment qu’ils ont donc pour eux la légitimité ethno-mathématique… Or, le Congo, voisin de la Centrafrique, est une pièce essentielle dans la stabilité de l’Afrique centrale et nul n’a intérêt à voir ce pays replonger dans la guerre civile.
Les mêmes problèmes commencent à se poser au Tchad et au Cameroun, deux pays-pivots dans lesquels il est également vital pour l’intérêt de l’Afrique d’empêcher l’installation du chaos. Or, des élections présidentielles s’y profilent et, toujours au nom de la démocratie, les illuminés d’Europe y soutiennent des opposants qui, à l’imitation des Sirènes, ont su les charmer de leurs chants.
Après avoir semé le chaos en Tunisie, en Libye, au Mali, en Somalie, en Centrafrique, au Burundi et bien ailleurs en Afrique, les dévots de la religion démocratique réussiront-ils à faire exploser les derniers pays à peu près stables du continent ? Ils s’y emploient avec constance…
Dans les Afriques où la criante nécessité d’Etats forts est une évidence, l’impératif démocratique décrété à la Baule par le président François Mitterrand le 20 juin 1990 a eu des conséquences désastreuses. Le multipartisme y a en effet affaibli des Etats en gestation et réveillé les luttes de pouvoir à travers des partis qui ne sont, dans leur immense majorité, que des habillages ethniques. C’est pourquoi il importe :
- De permettre à l’Afrique de reprendre au plus vite ce « raccourci autoritaire » qui traumatise tant les démocrates européens, mais qui, seul, est susceptible de provoquer une coagulation nationale.- De répudier le système électoral fondé sur le destructeur principe de « un homme une voix ». Donnant automatiquement le pouvoir aux peuples les plus nombreux, ce dernier transforme en effet les membres des ethnies minoritaires en citoyens de seconde zone ; d’où d’incessantes guerres civiles.- D’encourager l’Afrique à réfléchir à des modes électoraux communautaires et non plus individuels.
En un mot, les Africains doivent se décoloniser mentalement pour en revenir à la culture du chef. Leur salut en dépend. Tout le reste n’est que balivernes européocentrées. A commencer par le mythe du développement[1].
Bernard Lugan18/03/2016

[1] Voir à ce sujet mon livre « Osons dire la vérité à l’Afrique ». Le Rocher, 2015.
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Avec l’attaque meurtrière de Grand Bassam en Côte d’Ivoire, nous assistons à l’inexorable glissement du jihadisme vers le sud

Mon, 14/03/2016 - 19:19
Le massacre commis à Grand Bassam, en Côte d’Ivoire, le  dimanche 13 mars, venant après ceux de Ouagadougou le 16 janvier 2016 et de Bamako le 20 novembre 2015, confirme ce que j’écris depuis plusieurs mois dans l’Afrique Réelle, à savoir que se produit actuellement un glissement du jihadisme depuis la zone saharo-sahélienne au nord, vers la zone sahélo-guinéenne au sud.La raison en est simple : le dispositif Barkhane rend les espaces nordistes du Mali et du Niger de plus en plus hostiles aux terroristes et de plus en plus difficiles aux trafiquants. Certains, parmi ces derniers, ont d’ailleurs commencé à se détacher des jihadistes. Les terroristes islamistes ayant compris que la région n’est plus totalement sûre pour eux, ils opèrent donc désormais plus au sud où ils bénéficient de solidarités dans la toile wahhabite patiemment tissée depuis plusieurs décennies par l’Arabie saoudite et le Qatar. Les lignes bougent donc et il est essentiel de bien le voir afin de ne pas demeurer cramponnés à des analyses obsolètes. De plus, ne nous laissons pas abuser par les revendications. Certes Aqmi et Daesh sont actuellement engagés dans une surenchère expliquant en partie, mais en partie seulement, la multiplication des actions terroristes dans la région ouest africaine. Mais, comme ces deux organisations terroristes partagent la même idéologie et ont les mêmes buts, leur réunion, sous une forme ou sous une autre, est inscrite  dans un avenir plus ou moins proche. Nous devons en effet bien avoir conscience qu’il n’existe pas de cloisonnement hermétique entre les jihadistes et, comme ces derniers peuvent prendre des appellations différentes au gré des circonstances, l’erreur serait de nous raccrocher à une classification « géométrique », à l’européenne, avec des étiquettes collées sur des individus ou sur des mouvements. La situation est claire : nous sommes face à une nébuleuse à la fois poreuse et en perpétuelle recomposition, mais d’abord dynamique. Son nouvel objectif n’est plus le nord du Sahel où sa manœuvre est bloquée par les forces françaises, mais les Etats du littoral. Or, aucun de ces fragiles dominos côtiers composés de zones et de populations profondément différentes n’a, à lui seul, les moyens de faire face au gigantesque jihad qui court, tel un incendie, le long d’une ligne de feu partant de la Somalie à l’est jusqu’à la Mauritanie et au Sénégal à l’ouest. Ce brasier qui englobe à la fois le Mali, le Burkina Faso et la région nigéro-tchadienne, croise la diagonale jihadiste qui part depuis la Libye islamiste pour atteindre le nord du Nigeria avec Boko Haram. Le nouveau foyer qui vient d’être allumé en Côte d’Ivoire est particulièrement inquiétant. En dépit des artificielles annonces économiques, ce pays est en effet d’une extrême fragilité car tous les ingrédients de la guerre civile des années passées y demeurent. Nul doute que les islamistes sauront y souffler sur des braises non éteintes. Quant au pivot tchadien, il entre à son tour dans une période de turbulences. Naturellement relayés par le Monde, Libération et les divers blogs africanistes, les adversaires du président Déby ont en effet commencé à utiliser les prochaines échéances démocratiques pour saper son pouvoir. Au risque de provoquer un tsunami régional.
Bernard Lugan14/03/2016
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Echec de la tentative de censure et d’intimidation physique sur Bernard Lugan à Clermont-Ferrand

Fri, 04/03/2016 - 09:40
Le jeudi 3 mars 2016, à la Faculté de droit de Clermont-Ferrand, et à l’invitation de l’Alliance française, Bernard Lugan devait prononcer une conférence ayant pour thème la Déstabilisation de la Libye, suivie d’une séance de dédicaces de son dernier livre Histoire et géopolitique de la Libye.Un comité « antifasciste » se réclamant du très actuel « communisme maoïste » ayant appelé à manifester contre la venue du conférencier, Madame le doyen de la faculté, en place d’un solide et salutaire éclat de rire, décida, avec la force de caractère propre à nombre d’universitaires français, d’annuler purement et simplement cette conférence ; qui plus est, au dernier moment. Plus encore, Madame le doyen rendit directement compte aux commissaires politiques qui lui avaient dicté leurs ordres au moyen de l’insolite message facebook suivant :






































Indignés de la mise en dhimmitude de leur doyen par une poignée d’énergumènes pensant encore vivre à l’époque du « petit livre rouge », et face à la démission de la bourgeoise Alliance française, les étudiants de Clermont-Ferrand réussirent, dans l’urgence, à louer une salle en ville. La conférence s’est donc tenue quasiment à l’heure prévue, devant un public très nombreux et particulièrement enthousiaste.
Dépités par leur échec, armés de barres de fer, de planches à clous et lançant des pavés, les gentils et doux démocrates du comité « antifasciste » tentèrent alors d’attaquer l’hôtel qui abritait la réunion. Mal leur en a pris après que, spontanément sortis de la salle, des participants les eurent virilement chargés et copieusement corrigés. Pour les trente ou quarante héritiers de Mao Tsé Toung qui avaient tenté l’aventure, la soirée se termina piteusement, par une « longue marche » en forme de fuite panique à travers les rues humides de la cité arverne...
Cette lamentable affaire met certes en évidence la grande faiblesse de Madame le doyen de la faculté de droit de Clermont-Ferrand, mais elle illustre d’abord la superbe capacité de réaction de ses étudiants. Qu’on se le dise !
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L'Afrique Réelle N°75 - Mars 2016

Fri, 26/02/2016 - 16:27
Sommaire :
Actualité :
- Libye : point de situation- La France se range derrière le clan Bouteflika- L’Algérie saignée par la fuite de ses cerveaux
Economie :
Bilan de l’économie africaine pour le début de l'année 2016
Dossier : L’Algérie et la question berbère
- Aurès et Kabylies : les patries des Berbères rebelles- L’indépendance algérienne et la frustration des Berbères- La renaissance berbère

Editorial de Bernard Lugan
Libye : l’Etat islamique est-il l’ennemi principal ?
En Libye où l’Etat islamique est la surinfection d’une plaie ouverte par les islamistes dits « modérés », la situation semble s’éclaircir à l’est, en Cyrénaïque, alors qu’elle s’assombrit en Tripolitaine[1], à l’ouest. 
En Cyrénaïque, les forces de l’ANL (Armée nationale libyenne) du général Haftar sont passées à l’offensive, à la fois contre les milices salafistes et contre celles de l’Etat islamique (Daech). La ville de Benghazi est désormais majoritairement tenue par les hommes du général Haftar, les salafistes ayant été chassés de la zone portuaire et de plusieurs quartiers dont ceux de Bouatni, Leithi et Sabri. Parallèlement, l’ANL ayant repoussé l’Etat islamique du terminal pétrolier d’Ajdabia, l’expansion de ce dernier vers l’est semble stoppée. Du moins pour le moment.Depuis son quartier général d’El Merj, le général Haftar semble donc être en passe de s’imposer comme l’homme fort de Cyrénaïque. Cet ancien compagnon du colonel Kadhafi qui avait rompu avec lui n’a jamais coupé les liens le rattachant à l’alliance tribale constituée autour du défunt colonel[2], ce qui lui assure une base tribale importante. D’autant plus qu’il est l’allié des Toubou du Fezzan.On mesure là l’abîme séparant la réalité du terrain des abstraites constructions européocentrées. C’est ainsi que le pseudo-gouvernement dit « d’union nationale » laborieusement constitué par la communauté internationale fait la part belle aux Frères musulmans de Misrata soutenus par la Turquie et par le Qatar, mais écarte le général Haftar. 
En Tripolitaine, l’alliance entre salafistes et Frères musulmans de Misrata connue sous le nom de Fajr Libya bat de l’aile. La raison tient au jeu trouble que certaines milices entretiennent avec l’Etat islamique. Au moment où elle affirmait lutter contre ce dernier et demandait des armes aux Occidentaux, Fajr Libya laissait ainsi l’Etat islamique s’installer à Sabratha, en plein cœur de sa zone... Derrière ce double jeu, apparait l’ombre d'une Turquie qui compte sur l’Etat islamique afin d’affaiblir le général Haftar en Cyrénaïque, tout en isolant ses alliés de Zinten en Tripolitaine. La manœuvre d'Ankara est claire : ne laisser que le choix entre les Frères musulmans de Misrata et l’Etat islamique. Ce qui, à la faveur d’une intervention militaire occidentale, permettrait aux premiers de prendre le contrôle du pays et à la Turquie d'opérer un retour en force dans un territoire qui lui fut arraché par l'Italie en 1911.
Depuis plusieurs mois l’Afrique Réelle insiste sur le danger qu’il y aurait à intervenir au profit des islamistes dits « modérés » contre ceux de l’Etat islamique. Tous ont en effet partie liée. La solution se trouve donc ailleurs. C’est pourquoi il importe de changer de paradigme. L’ennemi principal est moins l’Etat islamique que les milices islamistes qui prétendent le combattre,  elles qui sont à l’origine du chaos. La Turquie et le Qatar soutiennent ces dernières quand la solution est du côté de la Libye bédouine et berbère.
[1] Ne craignant pas de compromettre de possibles actions en cours et de mettre des vies françaises en danger, le quotidien Le Monde en date du 25 février a « révélé » l’existence d’opérations des services français en Libye.[2] Voir à ce sujet Histoire et géopolitique de la Libye. Bon de commande page 8.
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Libye : un gouvernement de dilution de l’Etat

Tue, 16/02/2016 - 14:56
Dans une Libye disloquée par une guerre de tous contre tous, trois gouvernements s’opposent. A Tobrouk, siège la Chambre des représentants reconnue par la communauté internationale ; à Tripoli est installé le parlement de Salut national sous influence des islamistes d’Abdelhamid Belhadj et des Frères musulmans de Misrata. Quant au Gouvernement d’union nationale constitué le 19 janvier 2016 sous les pressions de l’ONU par le Conseil présidentiel de neuf membres dirigé par Fayez el-Sarraj, il n’est pas parvenu à se faire reconnaître par les Libyens. Composé de plus de trente membres, il a en effet  été rejeté par les deux parlements rivaux de Tobrouk et de Tripoli.Prié de  « revoir sa copie », le 14 février, Fayez el-Sarraj a présenté un nouveau gouvernement de 13 membres plus cinq secrétaires d’Etat, dans lequel, en principe, chaque grande faction libyenne est représentée. Cependant, deux des neuf membres du Conseil présidentiel se sont opposés à sa composition. Il s’agit d’Omar lassoued (Omar Al Aswad), représentant de Zenten et d’Ali Kotrani (Ali al Gatrani) de Tobrouk qui reprochent à ce gouvernement de faire la part trop belle aux Frères musulmans de Misrata et aux islamistes de Tripoli.La composition de ce Gouvernement d’union nationale a également buté sur le portefeuille de la Défense qui était brigué à la fois par le général Haftar, le chef de l’armée de Cyrénaïque soutenu par l’Egypte, et par l’ancien bras droit de Ben Laden,  Abdelhakim Belhaj, le chef du GICL (Goupe islamiste de combat de la Libye) une des plus puissantes milices islamistes de Tripoli, soutenu par la Turquie et le Qatar. Finalement, le portefeuille est revenu au colonel Mehdi Brahim Barghethi (Mahdi al-Barghati), proche du gouvernement de Tobrouk mais que certains observateurs pensent être en froid avec le général Haftar. Quant au ministère de l’Intérieur, il a été attribué à El Aref Salah Khouja (Salel al-Khoja), un lieutenant d’Abdelhakim Belhaj. Les forces de sécurité libyennes vont donc dépendre de deux chefs dont les objectifs sont à l’opposé… La coupure entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque est donc inscrite dans les faits.Concernant les autres ministères, chaque région, chaque grande faction a en principe obtenu d’être représentée. Dans cette dilution de l’Etat, certains sont favorisés, comme les Frères musulmans de Misrata, inconditionnellement appuyés par la Turquie et le Qatar. D’autres sont marginalisés, comme Zenten, qui détient prisonnier Saïf al Islam, le fils du colonel Kadhafi. De fait, la Tripolitaine est donc partagée entre Frères musulmans de Misrata et Milices de Tripoli apparentées à Al Qaïda. Le nouveau gouvernement devant s’installer à Tripoli, il sera donc, de fait, sous le contrôle de ces derniers, d’où d’inévitables tensions avec les forces de Cyrénaïque. Mais peu importe ce bricolage issu d’un quasi marchandage de souk puisque la « communauté internationale » a enfin réussi à mettre en place une autorité « légale » qui va pouvoir lui demander d’intervenir contre l’Etat islamique. Une intervention refusée par l’Algérie et la Tunisie mais qui va se faire au profit des Frères musulmans et des diverticules d’Al Qaïda qui contrôlent la Tripolitaine. Tous espèrent que les forces spéciales occidentales les débarrasseront de l’Etat islamiqueafin qu’ils puissent reprendre ensuite leurs guerres internes et continuer à s’enrichir en acheminant des « migrants » en Europe. Regardons en effet les choses en face : le résultat de la calamiteuse guerre décidée en 2011 par Nicolas Sarkozy et BHL est que, aujourd’hui, nous allons intervenir en Libye, certes contre l’Etat islamique, mais d’abord au profit d’une coalition rassemblant Al-Qaïda et Frères musulmans…

Bernard Lugan
16/02/2016
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Libye : l’intervention militaire décidée par les Etats-Unis va amplifier le chaos

Thu, 11/02/2016 - 16:42
Le 28 janvier 2016, face au danger représenté par l’Etat islamique, leprésident Obama a donné son feu vert au plan militaire américain d’intervention en Libye. Ne tenant pas compte du principe du « primum non nocere » (d’abord, ne pas nuire), le scénario retenu va au contraire amplifier encore davantage la catastrophe provoquée en 2012 par le renversement du colonel Kadhafi.
Que l’on ne se méprenne cependant pas sur mes propos : une intervention militaire est nécessaire. A la condition toutefois qu’elle ne se fasse pas au profit de ceux qui entretiennent le chaos, de ceux qui en vivent et qui, à travers lui, espèrent prendre le contrôle du pays. Je veux parler à la fois de cette tête de pont de la Turquie, des Frères musulmans et du Qatar qu’est Misrata, et des milices salafistes de Tripolitaine plus ou moins directement apparentées à al Qaïda (Aqmi). Explications :
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L'Afrique Réelle N°74 - Février 2016

Wed, 03/02/2016 - 23:20
Sommaire  Actualité :
- Le jihadisme sahélien- Le nouveau jihad noir- La départementalisation de Mayotte : un autre échec de la politique africaine de Nicolas Sarkozy
Dossier : Les « printemps arabes » cinq ans plus tard
- Les révolutions de Tunisie et d’Egypte- La Tunisie entre jasmin et chrysanthèmes- Egypte : le mirage démocratique s’est dissipé- Algérie : l’année 2016 commence mal
Editorial de Bernard Lugan :
Les troubles sociaux qui agitent leur pays commencent à faire regretter à de nombreux Tunisiens l’époque « heureuse » du président Ben Ali. Les barbus ne tenaient alors ni la rue, ni le maquis, le pays était gouverné, plus de sept millions de touristes irriguaient l’économie, les poubelles étaient ramassées, il n’y avait pas de coupures d’électricité… Aujourd'hui, les Tunisiens ont le ventre et les poches vides ; quant au jasmin de leur révolution, il ressemble de plus en plus à un chrysanthème… Politiquement, les Tunisiens qui, en 2014, avaient voté pour un président et un parti anti-islamistes se retrouvent gouvernés par une coalition composée des islamistes qu’ils rejetèrent par les urnes et qui ont été remis en selle par les anti-islamistes qui prétendaient les combattre… Le résultat de ce mariage de la carpe et du lapin est une incapacité gouvernementale à faire face à une crise socio-économique qui prend peu à peu une forme insurrectionnelle. Le vendredi 22 janvier, dans certaines régions de la Tunisie, le couvre-feu fut même décrété. Comme sous Ben Ali...
En Algérie, un processus est engagé qui semble ne pas pouvoir connaître d’autre issue que la violence. Le pays dispose cependant d’un atout : les pays européens qui n’ont aucun intérêt à ce qu’il explose feront tout ce qui est en leur pouvoir afin qu’il échappe au pire.De plus, comme l’Algérie paye en partie ses importations en euros et ses exportations en dollars, la hausse de ce dernier a servi d’amortisseur à sa balance des paiements. Plus encore, le pays qui ne produit rien et qui achète à l’étranger de quoi nourrir, soigner, habiller et équiper sa population, bénéficie actuellement de la baisse des cours des produits qu’il importe. Nous sommes cependant dans le trompe-l’œil comme nous l’apprend le dernier rapport des Douanes algériennes (janvier 2016) qui met en évidence ce miracle conjoncturel. Trois exemples peuvent ainsi être cités :- Durant l’année 2015, les importations de matériaux de construction ont augmenté en volume de près de 10%, mais ils ont baissé de 12% en valeur.- Les importations de bois ont connu une hausse en volume de plus de 100% (846 millions de dollars), mais leur baisse en valeur fut de près de 25%. - Alors qu’en 2015, les volumes d’importation de céréales ont augmenté d’environ 10%, la facture payée par l’Algérie fut de 3,43 milliards de dollars contre 3,54 en 2014.Si les cours repartaient à la hausse, si un accident climatique se produisait chez les producteurs mondiaux de céréales et si, parallèlement, les cours du baril de pétrole ne remontaient pas d’une manière significative, qu’adviendrait-il alors en Algérie ?
A l’heure où ces lignes étaient écrites, dans le sud de la Libye, Touareg,  Toubous et Arabes, s'affrontaient,  cependant que le pays n’avait pas de gouvernement d’union nationale. Or, sans un tel gouvernement, aucune intervention militaire internationale contre l’Etat islamique n’est envisageable.La difficulté à laquelle se heurtent les responsables onusiens œuvrant à la constitution d’un tel gouvernement est que, quand ils contentent les-uns, ils mécontentent les autres. A cet égard, l’erreur de la communauté internationale est d’avoir voulu favoriser la ville de Misrata. Détestée par la plupart des autres composantes libyennes, elle est soutenue par la Turquie, le Qatar, les Frères musulmans et les Etats-Unis… donc par la France…
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La critique de Barkhane[1] procède d’une erreur d’analyse.

Wed, 20/01/2016 - 11:43
Ce communiqué peut être repris à la condition d’en citer la source et le lien.
Les sanglantes attaques terroristes menées à Bamako le 20 novembre 2015 et à Ouagadougou le 15 janvier 2016, font dire à certains journalistes spécialisés dans les questions militaires[2] que « l’opération Barkhane a été contournée » et que la question à la fois de son coût -700 millions par an-, et de son terme, doit donc être posée. Jean-Dominique Merchet écrit même que « (…) Barkhane est victime du syndrome de la ligne Maginot. Ces opérations empêchent l’ennemi de passer là où l’on a décidé qu’il ne passerait pas, mais il n’en a cure et prend un autre chemin ».Cet avis rappelle la controverse Lyautey-Pétain quand, durant la guerre du Rif, le second, qui ne connaissait le Maroc que par les cartes, reprochait au premier sa manoeuvre d’étouffement d’Abd el-Krim parce qu’elle ne donnait évidemment pas les résultats immédiatement visibles qu’aurait pu produire un frontal assaut de tranchée... Oublions donc les visions métropolitaines et même à certains égards « betteravières », pour ne prendre en compte que les réalités des grands espaces de l’ouest africain. Or, ces derniers ne peuvent s’analyser en chambre: 
1) Les connaisseurs de la région savent que sans quadrillage de l’immense zone saharo-sahélo-guinéenne, il est impossible d’éradiquer le jihadisme. Or :- Nos moyens drastiquement réduits par le couple Sarkozy-Morin nous l’interdisent.- De plus, et même à supposer que nous puissions couvrir toute cette région, nous ne contrôlerions pas pour autant l’Algérie, la Libye et le Nigeria d’où pourraient être lancées des actions terroristes.- Plus encore, nous n’aborderions toujours que le volet militaire alors que le fond du problème devient de plus en plus celui de la wahhabisation des populations de la bande sahélo-guinéenne qui fournit un terreau fertile aux jihadistes.
2) Dans ces conditions, à moins d’abandonner l’ouest africain pour consacrer tous nos moyens à une illusoire « ligne Maginot » métropolitaine de type « Sentinelle », que pouvons-nous faire d’autre que de perturber les mouvements terroristes, limiter leur liberté d’action, empêcher leur coagulation et couper leurs liaisons avec leurs bases de Libye ? Ce que fait excellemment Barkhane…Nous avons en effet deux priorités :- La première est de rendre la plus hermétique possible la frontière entre la Libye et le Niger, afin d’éviter le ré-ensemencement du jihadisme sahélien à partir de la Libye.- La seconde est de protéger la région du lac Tchad, pivot régional, afin d’éviter l’embrasement du Cameroun et de toute la sous-région à partir du foyer allumé par Boko Haram.Or, jusqu’à présent, Barkhane a parfaitement rempli cette double et difficile mission, notamment, mais pas exclusivement, grâce aux implantations dans la zone de la passe Salvador-Toumno-Madama. Cependant, et sur ce point Jean-Dominique Merchet a raison, et je ne cesse d’ailleurs de mettre en garde mes auditoires militaires, car il ne faudrait pas que cette barrière défensive installée dans le nord du Niger, devienne effectivement une « ligne Maginot ». En plus d’être vulnérable[3], elle est en effet facilement contournable à l’ouest, à partir des passes orientées est-ouest qui tombent du plateau de l’Acacus pour confluer sur la frontière algérienne[4]. Les actuels bons rapports que Paris et Alger entretiennent devraient (en principe…) mettre nos forces à l’abri de mauvaises surprises venues de la région de la passe d’Anaï. Quant à un contournement depuis l’est, c'est-à-dire par le Tchad, comme il devrait se faire par l’espace de peuplement toubou, il se heurterait aux forces armées tchadiennes et à nos éléments sur zone.
3) La critique de Barkhane ignore un autre résultat essentiel de l’opération qui est que les trafiquants commencent à se séparer des jihadistes. Nous sommes là au cœur du problème :- C’est en effet sur les réseaux de la contrebande transsaharienne que se sont originellement greffés les jihadistes repliés d’Algérie ;- Or, les incessantes patrouilles de Barkhane, même si elles ne sont pas prioritairement dirigées contre eux, perturbent les trafics. Comme, de plus, les katibas jihadistes ont été défaites et dispersées, comme elles ne disposent plus de leur sanctuaire des Iforas et comme elles ne se meuvent plus en terrain conquis, elles n’inspirent donc plus la même peur aux trafiquants qui voient leurs « affaires » péricliter en raison de la guerre.- Nous savons que pour ces derniers, la question qui se pose est désormais simple : faut-il continuer à collaborer avec des jihadistes dont la présence conduit les Français à « mettre le nez » dans des activités de contrebande ancestrales et vitales pour les populations de la zone ?
4) Bousculés dans la partie nord peu peuplée de la zone saharo-sahélienne, et s’y sentant moins en sécurité qu’auparavant, les jihadistes ont replié leurs « états-majors » en Libye, à l’abri de Barkhane. Parallèlement, ils ont ouvert les hostilités plus au sud, dans la bande sahélo-guinéenne, d’où de nombreuses attaques dans la région de Mopti au Mali et sur la frontière du Burkina Faso, là où les populations sont en cours de wahhabisation. Le site Mondafrique nous apprend à cet égard  que pour la seule année 2013, près de 722 missions  « humanitaires sont parties du Qatar vers le Burkina Faso (…) ». Or,  ces « actions humanitaires qataries servant de cheval de Troie à l’islam radical sont concentrées sur les zones frontalières entre le Mali et le Burkina ». Là est désormais le vrai problème. Or, il échappe aux militaires de Barkhane puisqu’il est politique : la France peut-elle lutter contre le jihadisme ouest africain tout en continuant à privilégier des rapports politiques et commerciaux avec un Qatar clairement à l’origine de la radicalisation des populations de la zone que nous protégeons ?
En définitive,1) Si nous allégions Barkhane, nous provoquerions un appel d’air pour les jihadistes de la zone saharo-sahélienne qui auraient tôt fait de reprendre le contrôle des régions  d’où ils furent chassés par Serval, ainsi que des réseaux de contrebande sur lesquels ils avaient ancré leur précédente implantation.2) C’est tout au contraire à un élargissement et à un renforcement de Barkhane que nous devrions procéder, mais en y associant des unités mixtes franco-africaines à recrutement local,c'est-à-dire ethno-régional et non national, dont l’élément français serait composé d’éléments permanents, et dont les cadres, qui devraient parler la langue de ceux qu’ils auraient à commander, auraient reçu une formation du type des anciennes « Affaires indigènes ».3) Enfin, dans l’optique de l’intervention internationale qui devrait se faire en Libye, le rôle de Barkhane serait d’une telle évidence qu’il est inutile de développer ce point. 
Bernard Lugan20/01/2016 

[1] Cette opération a été lancée le 1er août 2014.[2]Notamment Jean-Dominique Merchet sur son blog Secret Défense.[3]Nous savons que les jihadistes  cherchent à y lancer une opération suicide doublée d’un assaut rapide dont les conséquences politiques pourraient être dévastatrices.[4] Voir à ce sujet les cartes de mon « Atlas des guerres africaines ». Pour le commander, cliquer ici.
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Derrière l’attaque meurtrière à Ouagadougou (Burkina Faso)

Sat, 16/01/2016 - 12:40
Au moment où, paniqués par la progression de Daesh en Libye, certains en sont quasiment arrivés à croire qu’il était possible de soutenir une partie des jihadistes contre les autres, le massacre commis à Ouagadougou venant après celui de l’hôtel Radisson de Bamako le 20 novembre 2015, rappelle que nous sommes en présence d’un même phénomène. Comme en Syrie, où le président Poutine ne cesse de  dire qu’il n’y a pas plus de jihadistes « modérés » qu’au Sahel.Au-delà de la description événementielle et journalistique, l’analyse du massacre qui vient de se produire à Ouagadougou peut se faire autour de quatre points : 
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Libye : comment empêcher la victoire de l’Etat islamique ?

Sat, 09/01/2016 - 14:18
Le 4 janvier, depuis son bastion de la région de Syrte, Daesh (Etat islamique) a lancé une offensive contre les ports de Cyrénaïque par lesquels la Libye exporte 40% de son pétrole brut. A l’heure où ces lignes étaient écrites, les terminaux de Sidra et de Ras Lanouf étaient en flammes. Au même moment, dans tout le pays, l’Etat islamique revendiquait des attentats sanglants. Depuis plusieurs mois l’Afrique Réelle annonce que Daesh a décidé d’ouvrir un second front après celui du Proche-Orient et que des avions partis de Turquie déposent en Libye des jihadistes retirés de Syrie.De même, l’Afrique Réelle est en mesure d’affirmer aujourd’hui que les opérations de Daesh sur les terminaux pétroliers libyens cachent ou préparent une offensive qui vise la région tchado nigériane, le sud du Mali et peut-être même jusqu’à la Centrafrique.
Comment vitrifier ce cancer qui métastase à partir d’une Libye territorialement partagée entre les diverses obédiences du jihadisme et où la situation ressemble désormais à celle que connaît la Syrie? A deux différences près toutefois :- En Libye, il n’existe pas un Bachar el Assad sur lequel ancrer la résistance puisque le colonel Kadhafi a été lynché, sodomisé avec une baïonnette, puis assassiné par ces « gentils islamistes démocrates » chers à BHL qui, aujourd’hui, supplient l’Europe de voler à leur secours;- En revanche, la chance de la Libye est qu’elle n’a pas un voisin turc jouant double ou même triple jeu.
Alors que convient-il de faire et surtout, de ne pas faire ?
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L'Afrique Réelle N°73 - Janvier 2016

Sun, 03/01/2016 - 02:17
Sommaire  Actualité :  - Afrique du Sud : «Zuma must fall »- Libye : L’intervention militaire est nécessaire
Dossier : La conflictualité et les tensions africaines en 2016  - L’Afrique du Nord sous tension- La contagion jihadiste du Sahel à la bande sahélo-guinéenne- La Corne : entre conflit permanent et résurgent- Centrafrique, Soudan du Sud et Burundi : les nouvelles zones grises

Editorial de Bernard Lugan : Le retour de l’afro-réalisme
En 2015, l’Afrique a connu une grande révolution liée à l’effondrement du prix du baril. Ceux qui affirmaient il y a encore quelques mois que le pétrole allait devenir de plus en plus rare et qu’il fallait d’urgence entrer dans un nouveau modèle industriel, sont aujourd’hui bien silencieux face à la surabondance de l’or noir que le marché ne parvient plus à absorber.
Ce phénomène a deux causes :
- La première est conjoncturelle, et il s’agit du ralentissement économique de la Chine.
- La seconde est structurelle. Elle découle du fait que, contrairement aux prévisions alarmistes, il y a en réalité du pétrole partout dans le monde et les progrès constants de la technologie permettent de l’extraire à des profondeurs de plus en plus grandes. Sans parler naturellement de l’arrivée du pétrole de roche américain.
Or, cette surabondance va durer dans la mesure où l’Iran n’est pas encore revenu sur le marché, cependant que les productions de Syrie et de Libye sont fortement handicapées par la guerre. Seule une crise majeure affectant le Moyen-Orient et le Golfe persique pourrait inverser en profondeur cette tendance.
Pour l’Afrique, le résultat de cette situation est catastrophique car une quinzaine de pays sur 54 sont des monoproducteurs tirant entre 75 et 98% de leurs recettes de la manne des hydrocarbures[1]. Ce sont les « locomotives » économiques africaines dont les « experts » ont tant vanté le « démarrage » durant les années 2013 et 2014. C’est en ayant les yeux fixés sur des statistiques artificielles et leur pensée rivée à des modèles mathématiques désincarnés qu’ils ont pu écrire que l’Afrique avait démarré. Hélas, ce prétendu « décollage » fantasmé était suspendu à une envolée artificielle et passagère des cours[2].
Or, ces pays qui s’étaient subitement enrichis et qui, pensant que la manne était éternelle, ont dépensé sans compter, se trouvent aujourd’hui face à des échéances qui ne sont plus couvertes. Les voilà donc contraints de s’endetter pour continuer à financer des projets non soldés ou tout simplement pour acheter la paix sociale et éviter la révolution. A peine sortis de la mortelle spirale de l’endettement des années 1980-1990, les voilà donc qui y replongent en priant pour que les cours remontent.Si nous ajoutons à la trentaine de pays vivant de l’exportation des matières premières pétrolières et minières, ceux qui sont ravagés par des guerres civiles, ethniques et religieuses, la situation du continent est donc apocalyptique, sur fond de suicide démographique.
Nous voilà donc loin de cet « afro-optimisme » de commande asséné par les butors de la sous-culture médiatique et les experts auto-proclamés. Une fois de plus, l’afro-réalisme est donc de retour.
Bernard Lugan
[1] Les pays producteurs de minerais sont également affectés par la baisse des cours du cuivre, du fer etc.[2] J’ai longuement expliqué ce phénomène dans mon livre « Osons dire la vérité à l’Afrique », le Rocher, 2015.
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Bernard Lugan fait le point sur la situation libyenne sur TV Libertés

Sat, 19/12/2015 - 13:50


NB:  L'interview de Bernard Lugan commence à la 32e minute de la vidéo.
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L'Afrique Réelle N°72 - Décembre 2015

Sun, 29/11/2015 - 15:05
Sommaire :
Actualité :- Burundi : retour vers le chaos- Algérie : l’hypothèse Saïd Bouteflika est-elle crédible ?
Histoire :Ile Maurice : Trois cent ans après...
Dossier : Les changements climatiques en Afrique : mise en perspective
- L’homme est-il responsable du réchauffement climatique ?- Et si l'Afrique avait tout à gagner du « réchauffement climatique » ?- Les changements climatiques expliquent la naissance de la civilisation égyptienne

Editorial de Bernard Lugan
Au Mali rien n'est réglé
La prise d'otages de l'hôtel Radisson à Bamako marque un tournant dans la guerre de conquête déclenchée par les islamistes. Ses auteurs ne sont en effet pas des nordistes « blancs », Maures ou Touareg, mais des sudistes « noirs ». Grâce aux financements des monarchies pétrolières du Golfe, au premier rang desquelles l'Arabie saoudite, un nouvel islam arabo-africain est aujourd'hui en pleine expansion face à l'islam africain traditionnel. Vecteur d'un jihadisme ayant métastasé dans le sud du Sahel, irrigué par les trafics en tous genres, il recrute désormais au sud du fleuve Niger où il offre une perspective de revanche à certains peuples en s'enkystant sur leurs résurgences identitaires.
Comme le Mali partage 1000 kilomètres de frontière avec le Burkina Faso, 858 avec la Guinée et 532 avec la Côte d'Ivoire, les porosités qui en découlent sont annonciatrices de futurs embrasements.Après la région saharo-sahélienne nos forces vont donc devoir se préparer à intervenir dans la bande sahélo-guinéenne. C'est donc à une refondation de notre outil militaire que vont devoir penser les dirigeants politiques français. C'est en effet à un véritable quadrillage de toute cette immense zone qu'il va falloir peu à peu procéder en reconstituant, aux côtés des unités tournantes, des éléments spécialisés. Composés de Français et de nationaux encadrés par des officiers formés aux méthodes des anciennes « Affaires indigènes », ils seront à même à la fois de recueillir le renseignement, de « loger » les groupes armés et d'éviter le basculement des populations.
Le temps long du climat africain
Sans entrer dans la querelle entre « réchauffistes » et « climatosceptiques », au moment où se tient la Conférence sur le climat (Cop21), le passé de l'Afrique permet de mettre en perspective certaines affirmations assénées comme le credo d'une nouvelle religion à laquelle nous sommes sommés de croire avec la même obligation qu'à celle du « vivre ensemble ».
Par le passé, l'Afrique a connu de très amples variations climatiques, et, comme son actuel réchauffement a débuté vers 2500 avant JC, quatre questions méritent d'être posées :
1) Ce réchauffement est-il cyclique ?2) Est-il global ?3) Est-il naturel ou d'origine humaine ?4) Est-il une calamité annoncée ?
C'est à ces questions que répond ce dernier numéro de l'année 2015 en partant d'une réalité scientifique, c'est à dire observable et vérifiée, qui est qu'il est démontré que le désert du Sahara n'a pas toujours occupé l'espace qui est le sien aujourd'hui. Par le passé, il fut en effet tantôt plus vaste, tantôt plus réduit (voir les cartes de la page 11 de la revue) et cela, en fonction de la succession d'épisodes chauds, donc humides, ou bien froids, donc arides, que connut l'Afrique.Or, durant ces lointaines époques, les hommes ne faisaient que saupoudrer de leur présence les immensités continentales, ils ignoraient le moteur diesel et ils n'utilisaient pas l'énergie tirée du charbon. Il est donc difficile de leur attribuer la responsabilité de ces bouleversements climatiques dont les causes étaient bien évidemment naturelles.
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Derrière la prise d'otages de Bamako

Sat, 21/11/2015 - 17:15
(Ce communiqué peut être repris à la condition d'en citer la source)

L'attentat tragique de Bamako s'explique par la progression vers le sud d'un islamisme armé ayant profité du vide créé par la désastreuse intervention militaire française de 2011 en Libye. Qui plus est, les réductions opérées sous la présidence de Nicolas Sarkozy ont eu pour conséquence de livrer au gouvernement de François Hollande, un outil militaire très affaibli. Dans ces conditions, malgré les prouesses opérées par les 3000 soldats français chargés de stabiliser un désert de près de 3 millions de kilomètres carrés, il était impossible à nos Armées, en raison même de leur format, de prévenir tout risque d'attentat au Mali. Si le président Sarkozy n'avait réduit de façon si drastique les forces pré positionnées françaises, notamment à Bamako, en déclarant en 2006 dans cette même ville que "la France n'a pas besoin de l'Afrique", il est fort probable que les islamistes n'auraient jamais osé s'en prendre de la sorte aux intérêts européens.
Ceci étant, dans l'affaire de la prise d'otages de Bamako, six éléments ne doivent pas être perdus de vue :
1) Les autorités maliennes ont pour ennemis prioritaires les séparatistes touareg. Les jihadistes qui combattent ces derniers et qui ne demandent pas la partition du Mali sont de fait des alliés.
2) Refusant de reconnaître qu'elles ont laissé les jihadistes gangrener Bamako, ces mêmes autorités maliennes ont donc été promptes à faire porter la responsabilité de l'attaque de l'hôtel Radisson sur l'ennemi "nordiste" (touareg), ou sur des étrangers (le jihadiste algérien Moktar ben Moktar).
3) L'émiettement du pouvoir central s'accélère. L'armée malienne étant incapable de contrôler le pays, les autorités de Bamako ont en effet  encouragé la création de milices ethniques destinées à lutter contre les Touareg. Au nord, nous avons ainsi le GATIA ( Groupe d'auto défense touareg Imghad et alliés) dirigé par le colonel Ag Gamou. Au sud du fleuve, le FLM (Front de libération du Macina), héritier des milices peul d'auto-défense des années 2000 a basculé dans le fondamentalisme inspiré de la secte Dawa d'origine pakistanaise. Or, avec le Macina, c'est le coeur même du Mali qui est touché, et non plus les extrêmes périphéries sahariennes nordistes. Après les Touareg, les Maures et les Peul, les Sénoufo vont-ils à leur tour créer un groupe armé pour revendiquer la renaissance de leur Kénédougou?
4) Contrairement à ce qui est toujours écrit, au Mali, comme dans tout le Sahel, nous ne sommes pas d'abord face à une guerre de religion, mais en présence de résurgences de conflits historiques, ethniques, raciaux et sociaux sur lesquels, avec opportunisme, se sont greffés les islamistes. Le fondamentalisme islamique n’est donc pas la cause de la septicémie  sahélienne, mais la surinfection d’une plaie géo-ethnique.
5) Ceci étant, tout le Sahel est actuellement confronté à une tentative hégémonique de la part d'un islam radical, sorte de fourre-tout sublimant déceptions, désillusions et frustrations, comme hier le marxisme. Cet islam révolutionnaire financé par les monarchies pétrolières du Golfe a connu une progression silencieuse avant de s'affirmer aujourd'hui au grand jour avec l'introduction de normes nouvelles comme la prière de nuit (le tahajjud), la burqa, la séparation des sexes ou encore de nouveaux rites mortuaires.
6) Nous assistons à un renversement du paradigme nordisme = islam et sudisme = christianisme. La conversion galopante des ethnies sudistes a en effet changé la nature de l’islam local à travers la fabrication d’une artificielle identité africaine arabophone musulmane qui échappe de plus en plus aux structures traditionnelles.
NB : Pour tout ce qui concerne l'insolite et dévastatrice guerre que Nicolas Sarkozy, inspiré par BHL, déclencha contre le colonel Kadhafi, ainsi que sur ses conséquences régionales, voir mon livre Histoire et géopolitique de la Libye (novembre 2015), uniquement disponible à l'Afrique Réelle.
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Bernard Lugan
21/11/15
Categories: Afrique

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