« Pendant que nous nous préparons à quitter l'Union européenne, nous organisons la prochaine rencontre bisannuelle des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth en 2018, un rappel du réseau unique global dont nous sommes fiers », proclama la première ministre conservatrice Theresa May lors de son discours sur le Brexit, le 17 janvier 2017.
Le British Commonwealth of Nations − une association de pays regroupant le Royaume-Uni et ses anciennes colonies − fut officialisé en 1931 par le statut de Westminster selon lequel « tous les pays du Commonwealth reconnaissent la reine Élisabeth II comme leur chef ». La déclaration de Londres de 1949 prend note de la décolonisation en retirant le mot « British » du nom de l'association. Pour autant, le club de « pays libres et égaux », synonyme de décolonisation douce, fut surtout un moyen pour le Royaume-Uni de maintenir son influence économique et culturelle sur une population de 2,4 milliards d'individus.
Dans les années 1960, la volonté du Royaume-Uni de prendre part à la construction européenne a posé problème aux pays du Commonwealth. En 1929, déjà, Leopold Amery, journaliste et membre du Parti conservateur, expliquait : « Autant est grande ma sympathie pour le mouvement paneuropéen, et profond mon sentiment qu'il est juste en lui-même et propre à faire face aux difficultés de la situation mondiale actuelle, autant je combattrai jusqu'à mon dernier souffle l'idée que la Grande-Bretagne se proclame puissance européenne et non puissance mondiale. » Le Canada et l'Australie s'opposeront ainsi à l'entrée du Royaume-Uni au sein des institutions européennes : ils le feront savoir lors de la conférence du Commonwealth de 1962.
Engagée (mollement) dans la lutte pour le respect des droits humains, organisant les Jeux du Commonwealth, l'organisation renvoie au folklore du passé impérial britannique. Mais le Brexit pourrait changer la donne. Mme May ne vient-elle pas de proposer à un nouveau pays d'intégrer le Commonwealth ? Son nom : les États-Unis…
Premier ministre conservateur de 1940 à 1945, puis de 1951 à 1955, Winston Churchill — qui expliquait : « J'ai été élevé à ce stade de la civilisation où tout le monde se plaisait à admettre que les hommes naissent inégaux » — a inlassablement défendu l'intégrité de l'Empire britannique. En 1953, un journaliste l'interroge sur son éventuelle retraite : « Pas avant que mon état ne se détériore énormément, et que celui de l'Empire ne s'améliore considérablement. »
Profession de foi :
« Je suis un enfant de l'ère victorienne, une époque où notre pays semblait solidement établi dans ses fondements, où notre domination sur le commerce et sur les mers était incontestée, et où ne cessait de se renforcer notre foi en la grandeur de l'Empire et en notre devoir de la préserver. »Discours aux Communes, 17 mars 1914 :
« Nous sommes maîtres de tous les territoires auxquels nous pouvons aspirer, mais lorsque nous revendiquons le droit de profiter sans entraves de ces vastes et splendides possessions, acquises en grande partie par la guerre et conservées en grande partie par la force, cela paraît souvent moins raisonnable à d'autres qu'à nous-mêmes. »Intervention au Parlement, 24 octobre 1935 :
« Les destinées et la gloire de l'Empire britannique sont liées indissociablement aux destinées du monde. Nous prospérerons ou nous périrons ensemble. De fait, si nous survivons aujourd'hui, c'est parce qu'aux temps jadis nos ancêtres ont fait en sorte que, dans l'ensemble, les intérêts particuliers de la Grande-Bretagne coïncident avec les intérêts généraux du monde. »Au sujet de l'Inde, à laquelle conservateurs et travaillistes veulent accorder l'autonomie interne :
« Si la Grande-Bretagne perdait son Empire, l'Inde, sa part du commerce mondial et sa puissance navale, elle serait comme une immense baleine portée par la marée et échouée dans une de vos baies écossaises, pour s'y asphyxier et pourrir sur la grève. Bien sûr, mon idéal est étroit et limité : je veux voir l'Empire britannique préservé dans sa force et sa splendeur, le temps de quelques générations encore. Seuls les plus prodigieux efforts du génie britannique permettront d'y parvenir ! »Au consul américain Kenneth Pendar à Marrakech, le 24 janvier 1943 :
« Il y a toujours de vieilles filles consciencieuses en Pennsylvanie, dans l'Utah, à Édimbourg ou à Dublin qui persistent à écrire des lettres, à signer des pétitions et à dispenser ardemment leurs conseils au gouvernement britannique, pour le presser de rendre l'Inde aux Indiens, l'Afrique du Sud aux Zoulous ou aux Boers, etc., mais aussi longtemps qu'il plaira à Sa Majesté le Roi de faire de moi son premier ministre, je ne prendrai aucune part au démembrement de l'Empire britannique. »Churchill est battu aux élections de juillet 1945, et sous le gouvernement travailliste de son successeur, Clement Attlee, l'Inde accède à l'indépendance, de même que la Birmanie et le Sri Lanka.
« Notre île est envahie par une tribu de philosophes névrosés qui se lèvent chaque matin en se demandant quelle partie de la Grande-Bretagne ils pourraient encore brader, et se couchent chaque soir en regrettant ce qu'ils viennent de faire. »Source : François Kersaudy, Le Monde selon Churchill, Tallandier, Paris, 2011.
Sortie sur les écrans en 1975, la comédie « Monty Python : Sacré Graal ! » narre la légende du roi Arthur et des chevaliers de la Table ronde. Dans cet extrait, le roi, missionné par Dieu, se met en quête de chevaliers suffisamment preux pour se joindre à lui dans sa quête du Graal. Il tente d'obtenir des renseignements auprès d'une personne qu'il croise en chemin.
Roi Arthur : Vieille femme !
Dennis : Homme.
Roi Arthur : Homme, pardon. Quel chevalier vit dans le château que l'on voit là-bas ?
Dennis : J'ai 37 ans.
Roi Arthur : Pardon ?
Dennis : J'ai 37 ans. Je ne suis pas vieux.
Roi Arthur : Enfin, je ne peux pas vous appeler « Homme ».
Dennis : Vous pourriez dire « Dennis ».
Roi Arthur : Je ne savais pas que vous vous appeliez « Dennis ».
Dennis : Vous n'avez pas trop cherché à savoir non plus !
Roi Arthur : J'ai dit que j'étais désolé de vous avoir appelé « Vieille femme » mais, de dos…
Dennis : Ce qui me pose problème, c'est qu'automatiquement vous me traitez en inférieur.
Roi Arthur : En même temps, je suis roi.
Dennis : Roi, rien que ça ! Et comment est-ce que vous êtes arrivé à ça, hein ? En exploitant les travailleurs. En vous accrochant au dogme impérialiste suranné qui perpétue les inégalités économiques et sociales dans notre société. Si on cherche vraiment à améliorer les choses…
Une paysanne [qui fouille la terre un peu plus loin] : Dennis ! Il y a de la belle saleté par ici… [elle voit le roi Arthur] Oh, bonjour.
Roi Arthur : Bonjour, bonne dame. Je suis le roi Arthur, roi des Bretons. À qui appartient ce château ?
Paysanne : Roi des qui ?
Roi Arthur : Des Bretons
Paysanne : Et c'est qui, les « Bretons » ?
Roi Arthur : Eh bien, c'est nous. Nous sommes tous bretons. Et je suis votre roi.
Paysanne : Je ne savais pas qu'on avait un roi. Je pensais que nous étions une collectivité autonome.
Dennis : Tu te voiles la face. Nous vivons en dictature ! Une autocratie qui s'auto-perpétue, dans laquelle la classe ouvrière…
Paysanne : Et voilà que tu remets ça avec tes classes sociales.
Dennis : Mais parce que tout part de là ! Si seulement les gens…
Roi Arthur : S'il vous plaît ! Mes amis, je suis pressé. Qui vit dans ce château ?
Paysanne : Personne.
Roi Arthur : Mais alors qui est votre seigneur ?
Paysanne : Nous n'en avons pas.
Roi Arthur : Quoi ?
Dennis : Je vous l'ai dit. Nous sommes une commune anarcho-syndicaliste. Nous endossons à tour de rôle la fonction de directeur général, pendant une semaine…
Roi Arthur : Oui…
Dennis : … mais toutes les décisions doivent être ratifiées lors d'une réunion qui se tient deux fois par semaine…
Roi Arthur : Je vois…
Dennis : … à la majorité simple dans le cas de dossiers courants…
Roi Arthur : Taisez-vous !
Dennis : …mais à la majorité des deux tiers pour les…
Roi Arthur : Taisez-vous, je vous l'ordonne !
Paysanne : « Ordonne » ? Mais pour qui est-ce qu'il se prend celui-là ?
Roi Arthur : Je suis votre roi.
Paysanne : Eh bien moi, je n'ai pas voté pour vous.
Roi Arthur : On ne vote pas pour les rois.
Paysanne : Et comment est-ce que vous êtes devenu roi, alors ?
Roi Arthur [alors qu'une musique céleste se fait entendre] : La Dame du lac, le bras vêtu du plus pur brocart, jaillit des profondeurs de l'onde, en brandissant Excalibur, indiquant que la grâce divine avait forgé le projet que moi, Arthur, devienne le porteur d'Excalibur. Voilà pourquoi je suis votre roi.
Dennis : Écoutez. Des donzelles qui se dan-dinent dans des mares en distribuant des épées, ça n'a jamais suffi à forger des systèmes de gouvernement. Le pouvoir exécutif suprême provient d'un mandat des masses, pas d'une quelconque farce aquatique.
Roi Arthur : Taisez-vous !
Dennis : Vous ne prétendez tout de même pas vous emparer du pouvoir exécutif suprême juste parce qu'une godiche humide a lancé une épée dans votre direction !
Roi Arthur : Silence !
Dennis : Enfin quoi ? Si je me promenais en expliquant que je suis empereur juste parce qu'une greluche détrempée m'a balancé un cimeterre, on m'enfermerait !
Roi Arthur [qui empoigne Dennis] : Tais-toi ! Mais tais-toi enfin !
Dennis : Ah, voilà la violence inhérente au système !
Roi Arthur : Tais-toi !
Dennis : Oh ! Oh ! Venez, venez tous observer la violence inhérente au système. À l'aide, à l'aide ! On me réprime !
Roi Arthur : Foutus paysans !
Dennis : Oh, eh bien voilà ! Vous avez entendu ? Vous avez entendu ? C'est de ça dont je vous parle ! Vous l'avez vu me réprimer ? Vous l'avez vu, non ?
Monty Python : Sacré Graal !, de Terry Gilliam et Terry Jones, 1975.
Dans ce sketch des Monty Python présenté lors de leur spectacle au Hollywood Bowl, en 1982, un journaliste reçoit quatre illustres invités.
Journaliste : C'est un privilège de recevoir ce soir Karl Marx, le fondateur du socialisme moderne et l'auteur du Manifeste du Parti communiste...
[applaudissements]
... Vladimir Illich Oulianov, mieux connu dans le monde sous le nom de Lénine...
[applaudissements]
... dirigeant de la révolution russe, écrivain, homme d'État et père du socialisme moderne ; Che Guevara, le guérillero bolivien [sic] ;
[applaudissements]
et Mao Zedong, secrétaire général du Parti communiste chinois depuis 1949.
[applaudissements]
La première question est pour vous, Karl Marx : les Hammers. Les Hammers est le surnom de quelle équipe de football anglaise ?
Karl Marx : ...
Journaliste : Non ? Pas de chance, Karl. Il s'agit de West Ham United.
[applaudissements]À vous, Che Guevara. Che, Coventry City a remporté la Coupe anglaise de football pour la dernière fois en quelle année ?
Che Guevara : ...
Journaliste : Non ? On peut élargir au reste de nos invités ? Quelqu'un ? Coventry City a remporté la Coupe anglaise de football pour la dernière fois en quelle année ? Non ? Eh bien je ne suis pas étonné que vous n'ayez pas trouvé : il s'agissait d'une question piège ! Coventry City n'a jamais remporté la Coupe anglaise de football.
[applaudissements]
Et avec, à ce stade, tous nos candidats ex aequo, nous passons à la deuxième série de questions. Et Lénine, c'est à vous de commencer, pour 10 dollars. Jerry Lee Lewis a enregistré plus de dix-sept tubes importants aux États-Unis. Quel est le titre du plus connu ?
Lénine : ...
Journaliste : Le gros succès de Jerry Lee Lewis...
[Mao Zedong appuie sur un buzzer jusque-là dissimulé]
Mao Zedong !
Mao Zedong : Great Balls of Fire ?
Journaliste : Oui, c'est bien ça !
[applaudissements]
Très bien vu. Eh bien, nous en arrivons maintenant à notre troisième série de questions. Et notre candidat ce soir, c'est Karl Marx. Et notre prix spécial : ce magnifique ensemble salon « canapé fauteuil » ![applaudissements]
Karl a choisi la série de questions portant sur le contrôle ouvrier des usines. Alors, on y va, avec la question numéro 1. Nerveux, Karl ?
[Karl Marx fait « oui » de la tête]
Un tout petit peu. Ne vous en faites pas, faites de votre mieux. Le développement du prolétariat industriel est conditionné par quel autre développement ?
Karl Marx : Le développement de la bourgeoisie industrielle.
Journaliste : Très bien !
[applaudissements]
C'est bien cela. Bien joué, Karl ! Si vous continuez comme ça, vous allez repartir avec votre ensemble salon.
Question numéro 2 : la lutte des classes est une lutte comment ?
Karl Marx : Une lutte politique.
Journaliste : Très bien !
[applaudissements]
C'est exactement cela. Super, Karl ! Une dernière question et ce magnifique ensemble salon non matérialiste sera à vous. Vous êtes prêt, Karl ?
La dernière question : qui a gagné la Coupe anglaise de football en 1949 ?
Karl Marx : Les travailleurs doivent contrôler les moyens de production ? La lutte du prolétariat urbain ?
Journaliste : Non, il s'agissait de Wolverhampton Wanderers, qui a battu Leicester 3 à 1.
Karl Marx : Oh, merde !
Monty Python, « Questions pour un communiste », « Live at the Hollywood Bowl », 1982.
Le 14 janvier 1963, le général de Gaulle (alors président de la République française) est interrogé lors d'une conférence de presse sur son opposition à l'entrée du Royaume-Uni dans le Marché commun européen. Voici un extrait de sa réponse.
L'Angleterre est insulaire. Elle est maritime. Elle est liée par ses échanges, ses marchés, ses ravitaillements aux pays les plus divers, et souvent les plus lointains. Elle exerce une activité essentiellement industrielle et commerciale, et très peu agricole. (…) Bref, la nature, la structure qui sont propres à l'Angleterre diffèrent profondément de celles des continentaux.
Comment faire pour que l'Angleterre telle qu'elle vit, telle qu'elle produit, telle qu'elle échange, soit incorporée au Marché commun tel qu'il a été conçu et tel qu'il fonctionne ? Par exemple, les moyens par lesquels se nourrit le peuple de la Grande-Bretagne et qui sont en fait l'importation de denrées alimentaires achetées à bon marché dans les deux Amériques ou dans les anciens dominions, tout en donnant, en accordant des subventions considérables aux agriculteurs anglais. Ce moyen-là est évidemment incompatible avec le système que les Six [États signataires du traité de Rome établissant en 1957 le Marché commun] ont établi tout naturellement pour eux-mêmes. Le système des Six, ça consiste à faire tout avec les produits agricoles de toute la Communauté. À fixer rigoureusement leur prix. À interdire qu'on les subventionne. À organiser leur consommation entre tous les participants. Et à imposer à chacun de ces participants de verser à la Communauté toute économie qu'il ferait en faisant venir du dehors des aliments au lieu de manger ce qu'offre le Marché commun. (…)
On a pu croire parfois que nos amis anglais, en posant leur candidature au Marché commun, acceptaient de se transformer eux-mêmes au point de s'appliquer toutes les conditions qui sont acceptées et pratiquées par les Six. Mais la question est de savoir si la Grande-Bretagne actuellement peut se placer avec le continent et comme lui à l'intérieur d'un tarif qui soit véritablement commun. (…)
Cette question-là, c'est toute la question. On ne peut pas dire qu'elle soit actuellement résolue. Est-ce qu'elle le sera un jour ? Seule évidemment l'Angleterre peut répondre. La question est posée d'autant plus qu'à la suite de l'Angleterre, d'autres États qui sont, je le répète, liés à elle par la zone de libre-échange, pour les mêmes raisons que la Grande-Bretagne voudraient ou voudront entrer dans le Marché commun. Il faut convenir que l'entrée de la Grande-Bretagne d'abord et puis celle de ces États-là changeront complètement l'ensemble des ajustements, des ententes, des compensations, des règles qui ont été établis déjà entre les Six, parce que tous ces États comme l'Angleterre ont de très importantes particularités. (…) D'ailleurs cette Communauté s'accroissant de cette façon verrait se poser à elle tous les problèmes de ces relations économiques avec toutes sortes d'autres États et d'abord avec les États-Unis. Il est à prévoir que la cohésion de tous ses membres qui seraient très nombreux, très divers n'y résisterait pas longtemps. Et qu'en définitive il apparaîtrait une Communauté atlantique colossale sous dépendance et direction américaine, et qui aurait tôt fait d'absorber la Communauté de l'Europe. (…)
Alors il est possible qu'un jour l'Angleterre parvienne à se transformer elle-même suffisamment pour faire partie de la Communauté européenne sans restriction. (…) Il est possible aussi que l'Angleterre n'y soit pas encore disposée et c'est bien là ce qui paraît résulter des longues, si longues, si longues conversations de Bruxelles.
Source : Institut national de l'audiovisuel (INA).
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