Deux ans après sa conquête par Daech, la ville irakienne de Falloujah vit une guerre d’usure pour sa reconquête par les forces irakiennes. Pourquoi la reprise de cette ville est-elle si longue et compliquée ? En quoi est-elle symbolique ?
La reprise de la ville de Falloujah est longue et compliquée en raison de deux facteurs principaux. D’une part, un facteur qui tient à la composition de la coalition impliquée dans la reconquête de la ville, qui comprend à la fois l’armée irakienne, des milices chiites, les moyens aériens des Etats-Unis ainsi que leurs forces spéciales sur le terrain. C’est un attelage quelque peu hétéroclite qu’il est délicat de synchroniser. De plus, la présence des milices chiites pose particulièrement problème car il faut s’assurer qu’elles ne se livrent pas à des exactions.
D’autre part, en face, l’Etat islamique utilise tous ses moyens tactiques, notamment en prenant la population comme bouclier humain. L’organisation terroriste multiplie également les procédés tactiques de défense en milieu urbain, c’est-à-dire piéger l’ensemble des infrastructures, des tunnels et des bâtiments, ce qui rend la progression des forces de libération extrêmement difficile et impose la prudence.
Concernant la dimension symbolique, Falloujah avait faite l’objet de violents combats en 2004 entre les forces américaines et les tribus repliées dans la ville. C’est donc un symbole de résistance pour le monde sunnite. Pour l’Etat islamique, défendre Falloujah revient à se porter en défenseur du monde sunnite face aux étrangers que sont les Américains.
La pression militaire s’accentue également en Syrie, notamment pour libérer Raqqa et Alep. Quelles sont les forces en présence ? Y a-t-il un jeu de rivalité entre-elles ?
À l’Ouest, l’armée syrienne, appuyée par la Russie et des milices chiites, avance en direction de Raqqa, mais également d’Alep. Il ne faut pas sous-estimer l’importance stratégique d’Alep dont la reconquête constitue l’objectif premier de la coalition russe. Il s’agissait pour les forces gouvernementales syriennes et pour la Russie de fermer la frontière au nord, de couper les canaux d’alimentation de l’Etat islamique via la Turquie afin d’affaiblir substantiellement en ravitaillement et en munition l’organisation terroriste.
De l’autre côté, il y a les Forces démocratiques syriennes constituées majoritairement de Kurdes, mais aussi de rebelles arabes appuyés par les Américains selon les schémas tactiques traditionnels : frappes aériennes, avions, drones et présence de forces spéciales au sol pour guider les bombardements et conseiller l’Etat-major de la coalition.
On peut observer une sorte de « course de vitesse » entre les forces présentes pour savoir lesquelles seront les premières à rentrer dans Raqqa. Ce jour arrivera certainement mais dans plusieurs semaines, sinon des mois. Il n’y a pas non plus forcément de coordination entre les Russes et les Américains, les deux grands manipulateurs des coalitions au sol. La Russie avait certes proposé un tel rapprochement, mais les Américains avaient refusé l’initiative car leur objectif est de marquer le symbole de la libération de Raqqa. C’est en ce sens que selon moi, la ville de Raqqa est davantage symbolique que Falloujah.
Quel est l’état des forces de l’Etat islamique en Irak et en Syrie ? Peut-on considérer que l’organisation islamique est en difficulté, voire en recul ?
L’Etat islamique a perdu 40 % de son territoire. C’est un point important mais en réalité, il faut surtout estimer comment son aura, son effet d’entrainement et son modèle politique ont été affectés par ses défaites militaires. Il est clair que la perte de territoire constitue un échec significatif pour l’Etat islamique qui s’était donné pour objectif en juin 2014, selon les termes de Abou Bakr al-Baghdadi, de conquérir Shâm (Irak-Syrie) et sa capitale, Damas, première capitale de l’Empire du Califat. L’organisation terroriste n’y est pas parvenue.
Mais l’Etat islamique continue de recevoir des allégeances partout dans le monde. La véritable question est de savoir, qui relèvera le flambeau et quand ? À mon sens, l’Etat islamique n’est que l’une des manifestations les plus réussies d’un mal beaucoup plus répandu, que l’on peut définir comme la volonté d’assurer une conquête politique appuyée sur des arguments religieux. En juin 2014, celui qui se fait appeler Calife Ibrahim (Abou Bakr al-Baghdadi) avait clairement énoncé plusieurs objectifs : Shâm, la reconquête de l’ensemble du territoire sur lequel régnaient les premiers califes, et conquérir l’Europe. Le cœur du problème stratégique est là, le reste, cruel et sanglant, relève du domaine tactique, celui de la suite de batailles perdues ou gagnées qui est le quotidien de toute guerre.
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Is it possible to protect borders and refugees at the same time? This was the question posed at a round table discussion at IPI’s Vienna office on June 7th. With so many people on the move around the world, and states desperate to protect their sovereignty, governments are increasingly under pressure to control and even close their borders. But this is hindering the ability of refugees to seek asylum.
Participants took part in an open and lively discussion on how to manage borders and maintain stability in a way that does not violate the rights of people on the move. IPI’s Senior Vice President, Walter Kemp, presented IPI’s previous work on Desperate Migration and Forced Displacement, including a report on the topic written for the Independent Commission on Multilateralism. He expressed concern at the lack of leadership and creative solutions to address the challenge, and encouraged participants to use this opportunity to come forward with fresh ideas.
The meeting started with a general consensus that the current situation should not only be Europe’s problem, rather the issue should be addressed at the global level with a sense of solidarity among peoples and states.
Mr. Kemp recalled the Salzburg Declaration of September 9, 2015 in which a number of senior officials taking part in the IPI Salzburg Forum called for a global rescue initiative to create humane, properly resourced and equipped reception centers in key hubs in the Middle East, North Africa and Europe where refugees and migrants are congregating. “Why not have a rescue operation to pick them up?” he asked, echoing the Salzburg declaration that said such an initiative would reduce unsafe journeys, save lives, cut smuggling and trafficking, and circumvent unsympathetic governments.
Several participants, including UNHCR Spokesperson and Head of Communications Melissa Fleming, said that such appeals have already been made, but there has been insufficient support for resettlement. She noted that UNHCR’s goal is to resettle at least ten percent of the Syrian refugee population currently living in neighboring countries within the next few years. Another participant noted that there are independent initiatives like a company called Refugee Air. Nevertheless, the scale remains much too small to tackle the millions of refugees–particularly from Syria–that are in need of protection. It was also noted that resettlement requires a common European asylum and migration policy rather than ad hoc national responses. Participants discussed the advantages and disadvantages of granting all Syrians temporary protection status.
In the course of the discussion (involving representatives of inter- and non-governmental organizations as well as representatives of states), at least one participant questioned why the current international protection regime makes a distinction between “good” refugees that need help and “bad” migrants that should be sent home. He noted that many migrants are also moving for the sake of survival, and that this trend will only increase because of inequality and climate change. He noted that most flows of peoples are mixed between the two, or that people’s status changes along different parts of their journey.
At the same time, most participants felt that it would be dangerous to reopen the UN 1951 Convention on the status of refugees. “We will never get a better Geneva convention again–so hands off the Geneva convention!” emphasized Heinz Patzelt, Secretary General of Amnesty International Austria. That said, there was wide agreement on the need to strengthen the legal regime to protect migrants.
Walter Kemp highlighted a number of lessons learned from a new IPI report on the Cayucos crisis of 2006-2008 when 40,000 people tried to cross from West Africa to the Canary Islands in small wooden boats. He noted the priority that was given to saving lives, the use of readmission agreements with countries of West Africa, law enforcement cooperation, and development assistance to reduce incentives for people to move abroad. However, it was noted that some of these lessons would be hard to apply in Libya at the moment because of instability.
Lessons learned from the exodus of Vietnamese boat people starting in the late 1970s were also recalled. Alexander Casella, who worked for UNHCR at that time, stressed that cooperation with Vietnam had been vital for alleviating this challenge.
The tendency towards the “externalization” of borders was discussed, as seen in the Cayucos crisis a decade ago, Australia’s asylum policy, and recent decisions in some EU countries to close their borders and push the responsibility back to Greece and Turkey. They highlighted the danger of such policies in terms of preventing people from seeking asylum and violating the principle of non-refoulement.
Participants discussed preparations for the UN high-level plenary meeting on addressing large movements of refugees and migrants that will take place in New York on September 19, 2016. They discussed some of the observations and recommendations of the UN Secretary-General’s report of April 12, entitled “In safety and dignity: addressing large movements of refugees and migrants.” IPI will hold a meeting in New York on June 23 to put forward policy suggestions for the high-level meeting.
There was a particularly lively discussion on how to change the toxic narrative towards migrants and refugees. Martijn Pluim of the International Center for Migration Policy Development said, “If we cannot change the narrative, then we cannot solve the problem.” Migration expert Kilian Kleinschmidt and human rights lawyer Manfred Nowak agreed that civil society needs to have the feeling that politicians have the situation under control. “One of the main reasons why the right wing party gained so much popularity in Austria is the fact that the political response to the refugee influx last year was perceived as chaotic. This created fear.” Nowak is convinced that creating positive incentives for countries to take more refugees, like establishing a global solidarity fund, could help to change the narrative from negative to positive. Mr. Patzelt of Amnesty International emphasized that hosting refugees is a question of willingness and not ability. He noted that Austria hosts more than two million tourists every year, so it should not be a crisis to take in at least 35,000 refugees.“It is ridiculous to say that European countries cannot handle it,” he said.
In this and other respects, participants highlighted the importance of leadership, a constructive narrative, and effective management of the process.
IPI will continue to seek actionable solutions to this issue through dialogue, case studies, and policy recommendations.
Jean-Luc Domenach est chercheur à Sciences Po, directeur de recherche émérite au CERI. Il répond à nos questions à l’occasion de la parution de son ouvrage « Les fils de Princes. Une génération au pouvoir en Chine » (Fayard, 2016) :
– En quoi les “Fils de Princes” ont-ils façonné la Chine capitaliste ?
– Un renouveau politique est-il possible en Chine ?
– Quels sont les rêves et les ambitions de l’élite chinoise ?
Interview de Erwan le Noan, parue dans Sud Ouest le 7 juin 2016, au sujet de sa note co-écrite avec Matthieu Montjotin pour la Fondation pour l’innovation politique Gouverner pour réformer : Éléments de méthode.
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Tribune de Joëlle Garriaud-Maylam et Julien Gonzalez paru dans Les Échos le 7 juin 2016.
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La saison des Primaires touche à son terme dans la course à l’investiture présidentielle. Il ne reste que quelques Etats à consulter (dont le plus peuplé, et donc le plus important en termes de délégués : la Californie) et tout sera bouclé d’ici la mi-juin, date des derniers votes. Si Donald Trump s’est autoproclamé candidat des Républicains suite au retrait de tous ses rivaux, et a commencé à engager un processus d’unité du parti derrière sa candidature, la course n’est pas encore officiellement terminée, puisqu’il lui faudra confirmer son succès à l’occasion de la convention républicaine. Difficile cependant d’imaginer comment le scénario d’une non-investiture de Trump serait possible.
Côté démocrate, les doutes sur la candidature d’Hillary Clinton sont également levés depuis longtemps, en dépit du maintien dans la course de Bernie Sanders jusqu’à la fin de Primaires que l’ancienne First lady n’imaginait sans doute pas aussi longues et difficiles. Ce qui était au départ perçu comme une marche triomphale à travers les Etats de l’Union s’est transformé en une bataille acharnée contre un candidat que personne n’aurait vu en mesure de faire durer ainsi le suspense. On note ainsi que dans les deux partis, le choix du candidat fut un exercice long et difficile, au point d’oublier que nous n’en sommes même pas à mi-chemin de la route qui mènera à l’investiture de celle ou celui qui remplacera Barack Obama en janvier prochain.
Dans les deux camps, la lutte fut surtout âpre, en particulier côté républicain, invitant de nombreux observateurs à s’inquiéter des risques de dispersement, et donc de difficulté pour le candidat choisi à réunir le parti autour de son nom. Il s’agit d’un avis sur lequel nous pouvons porter un autre jugement, et dont l’histoire récente américaine nous offre par ailleurs un excellent contre-exemple. En 2008, le sénateur John McCain sortit très rapidement vainqueur des primaires républicaines, et entra en campagne dès février face à son opposant démocrate. Mais il lui fallut attendre les dernières semaines des primaires du parti de l’âne pour connaître le nom de son adversaire. La lutte opposant Barack Obama à (déjà) Hillary Clinton fut en effet longue, parfois violente, au point qu’on pouvait alors imaginer que le candidat républicain partait avec une belle avance. S’ajoutait à cela le profil atypique de Barack Obama, candidat peu connu avant de se lancer dans les primaires, et suscitant encore le rejet au sein d’un électorat et d’un establishement qui voyaient dans Madame Clinton un refuge (rappelons qu’une immense majorité des super délégués porta initialement son choix sur Clinton, et non Obama). Il s’agissait au total d’une majorité des électeurs démocrates, certes d’une courte tête, puisqu’Hillary Clinton remporta au final plus de voix que Barack Obama (avec une avance de 300 000 voix à échelle nationale), qui dut ainsi sa victoire à la répartition des délégués (2277 contre 2015). La primaire démocrate de 2008 fut ainsi plus serrée que les deux primaires de 2016. On connait la suite, Obama fut élu face à McCain en novembre.
S’il ne saurait être érigé en règle, cet exemple semble démontrer à lui-seul que l’argument selon lequel de longues primaires rendent plus difficile l’unité du parti autour du candidat désigné lors de la convention n’est pas valable. On le voit déjà côté républicain, avec les ralliements derrière Trump, certes sans grand enthousiasme, de tous ceux qui veulent faire barrage au retour des Clinton à la Maison-Blanche. Et côté démocrate, Madame Clinton a changé de ton au cours des dernières semaines, en dépassant les primaires pour se présenter comme la candidate déjà désignée de son parti, refusant même un énième débat avec Sanders et portant ses attaques sur le candidat républicain. Là aussi, on imagine difficilement les soutiens du très progressiste Sanders choisir Trump au détriment de Clinton, même s’ils ne sont ni enthousiasmés par l’ancienne First Lady, ni convaincus par la capacité de jugement de l’ancienne Secrétaire d’Etat.
En 2008, la longue primaire démocrate avait eu un effet positif pour le parti de l’âne, qui avait occupé l’espace médiatique et politique, tandis que McCain était dans l’attente de savoir sur qui il pouvait porter ses attaques. Il fut ainsi écarté des débats pendant de longues semaines au détriment de Clinton et Obama. Sa victoire précoce et l’unité assez facile de son parti autour de sa candidature ne lui apportèrent ainsi non seulement pas le moindre avantage, mais détournèrent en plus les regards qui se portèrent sur une primaire passionnée et à bien des égards passionnante. McCain aurait-il été plus en mesure de rivaliser si la primaire républicaine avait été plus longue ? Seuls des romanciers pourraient tenter d’y répondre. Mais il est en revanche certain que la lutte acharnée que se livrèrent Clinton et Obama fut utile à ce dernier, qui profita d’une couverture médiatique exceptionnelle de janvier à novembre 2008, soit pendant tout le processus électoral.
Donald Trump et Hillary Clinton ont parfaitement conscience qu’une fois la séquence des primaires terminée, c’est une autre campagne qui commence, encore plus dure, encore plus violente, mais avec le Graal au bout. Mais à l’inverse de la situation de 2008, ils sont aujourd’hui l’un et l’autre dans une situation assez semblable, et sont ainsi parvenus à occuper l’espace médiatique sans pause depuis janvier. De bons calculs donc, mais sur lesquels aucun des deux candidats n’a pris l’avantage sur l’autre. Un partout, la balle au centre, la partie ne fait vraiment que commencer.
Depuis l’invention de l’acronyme BRIC, en 2001, par l’économiste Jim O’Neill, pour désigner cet ensemble de pays émergents à fort potentiel de croissance, que de chemin parcouru pour le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine… Ces pays pesaient environ 21,5 % du PIB mondial en 2014 (PIB courant en dollars), contre moins de 8 % en 2000. Durant les années 2000, leur dynamique a permis de soutenir la croissance mondiale et d’instaurer une recomposition de la division internationale des échanges. Les BRIC ont progressivement remplacé les anciennes locomotives économiques (Etats-Unis, Japon, Europe) en s’offrant même, de prime abord, un « certain » partage sectoriel international : au Brésil et à la Russie un pouvoir de marché sur les matières premières énergétiques, minérales et alimentaires, à la Chine une spécialisation marquée dans le secteur manufacturier et industriel et, enfin, à l’Inde une affirmation de son poids dans le secteur des services.
Figure 1 : Taux de croissance du PIB
Source : FMI
La gestion de la crise des subprimes a renforcé cette croyance puisqu’excepté la Russie en 2009, les BRIC ont conservé de forts taux de croissance dans un environnement économique pourtant déprimé. Ensemble, ils ont ainsi contribué à environ 1/3 de la croissance mondiale entre 2000 et 2010 (en dollars constants [1]) et ont largement porté la dynamique économique internationale sur la période 2010-2013. Pourtant, à la lumière de récents événements (décélération marquée en Chine, récession au Brésil et en Russie), une double interrogation s’impose : le processus de développement économique des BRIC n’est-il pas en train de connaitre un point de rupture ? Les BRIC peuvent-ils survivre au ralentissement économique observé en Chine ?
Quelle unicité des BRIC ?
Concentrant près de 40 % de la population mondiale, les BRIC sont tous, sans exception, de grands pays qui se sont appuyés sur un Etat bâtisseur et un secteur public proéminent pour impulser leur développement. Aucun (excepté la Russie au début des années 2000) n’a d’ailleurs particulièrement suivi les recommandations économiques des institutions financières internationales (Fonds monétaire international, Banque mondiale) en matière de croissance économique et de développement… Tous ont bénéficié d’une politique marquée d’investissements directs étrangers (IDE) : leur part dans les flux mondiaux d’IDE est ainsi passée de 6 % en 2000 à 12 % en 2005, pour atteindre plus de 20 % des flux totaux en 2014. Ils sont également tous membres de l’Organisation mondiale du commerce (le Brésil et l’Inde depuis 1995, la Chine en 2001 et la Russie en 2012) et ont ainsi profité de la libéralisation des échanges internationaux pour s’insérer dans le village mondial. Certains – on pense notamment à la Chine – se sont aidés de politiques commerciales agressives et ambitieuses, notamment en matière de politique de change et de politiques fiscales pour stimuler les IDE sur leur territoire. D’un point de vue démographique, deux membres des BRIC (la Chine et le Brésil) ont bénéficié d’une fenêtre d’opportunité [3] sur la dernière décennie et l’Inde devrait commencer à toucher son dividende démographique dans les années qui viennent. L’âge médian de la population du Brésil, de la Chine et de l’Inde était ainsi respectivement de 29 ans, 35 ans et 26 ans en 2010, contre 44 ans pour l’Allemagne et 45 ans pour le Japon.
La situation démographique montre pourtant, à elle seule, combien les BRIC restent hétérogènes et ne peuvent être analysés comme une seule et même entité. En effet, si la Chine est appelée à rejoindre prochainement la Russie dans le groupe des pays en futur déclin démographique, le Brésil fermera, lui, sa fenêtre d’opportunité d’ici 2025, tandis que l’Inde bénéficiera encore plusieurs décennies d’une population jeune, favorable à son développement économique [3]. D’un point de vue purement économique, l’hétérogénéité des BRIC n’est plus à démontrer tant le développement économique est en partie fonction des histoires propres à chacun : part de l’investissement dans le PIB, taux d’épargne, dotations factorielles, positionnement sectoriel, stock d’IDE, dette des acteurs économiques… Reste une certitude : derrière des taux de croissance supérieurs à la moyenne mondiale durant les années 2000, ces pays ont clairement affiché une volonté commune (et concurrente) de devenir des puissances globales !
Contraintes communes versus dynamiques différenciées
Aujourd’hui, les BRICS peuvent-ils être toujours considérés comme les relais de croissance des pays développés ? Un à un, ils « déçoivent » : la Chine a enregistré une croissance annuelle de 6,9 % pour l’année 2015, la plus faible depuis près de 25 ans ! Ce ralentissement s’est conjugué à une volatilité accrue de ses marchés financiers (effondrement boursier durant l’été 2015 et l’hiver 2016). De leur côté, le Brésil (-3,8 %) et la Russie (-3,7 %) s’enfoncent dans la récession et les récents développements observés sur les marchés pétroliers tout comme les évènements institutionnels et politiques n’invitent pas à l’optimisme à court et moyen terme. Seule l’Inde (7,3 %) affiche un dynamisme supérieur à l’ensemble de ses partenaires d’acronyme. Les BRIC sont ainsi soumis à deux types de transition : le premier, lié à un environnement international marqué par l’effondrement des prix du pétrole et, plus généralement, des matières premières, dans un contexte de ralentissement mondial et chinois ; le second, interne, lié aux dynamiques nationales.
Les échanges intra-Bric sont assez symptomatiques des divergences économiques actuelles : dominés à plus de 70 % par la Chine, ces échanges ont connu une profonde transformation suite au ralentissement chinois et au contexte international, avec une détérioration des termes de l’échange, notamment pour les deux producteurs de matières premières que sont le Brésil et la Russie. Ce mouvement a été renforcé par la dynamique de reprimarisation de ces deux économies observée durant la dernière décennie. En effet, l’ogre chinois sur les marchés de matières premières a, certes, permis une explosion du volume et de la valeur des matières premières exportées par le Brésil et la Russie, contribuant ainsi à leur dynamique de croissance, mais il a surtout restreint le potentiel de diversification de ces économies. Le Brésil lutte ainsi toujours contre le retour d’un syndrome hollandais et la Russie n’a pu accomplir sa mue industrielle. Pays encore introverti, l’Inde a moins bénéficié de l’effet d’entrainement de la Chine sur le commerce international et sur les marchés mondiaux durant les années 2000 ; elle ne subit donc pas à l’heure actuelle les vents contraires chinois mais pâtit néanmoins d’un manque de politique industrielle volontariste. Les BRIC souffrent également, sur le plan domestique, pour bon nombre d’entre eux, d’une montée des inégalités et d’un déficit latent de gouvernance institutionnelle. Sur ce dernier point, l’indice de gouvernance mondiale [4] de la Banque mondiale est très instructif. Sur la seule dimension « Contrôle de la corruption », les BRIC apparaissent encore loin des standards moyens internationaux, la Russie étant même très éloignée des autres pays.
Figure 2 : PIB par tête pour différents pays
Source : FMI, calculs de l’auteur
Sortir de la trappe des pays à revenu intermédiaire
Le concept de trappe des pays à revenu intermédiaire [5] est également important à étudier pour comprendre l’évolution économique future des BRIC et plus particulièrement de la Chine. Cette notion rappelle la difficulté rencontrée par de nombreux pays pour dépasser un revenu par tête estimé à 12 735 $ pour l’année 2015 et se hisser parmi les pays dits « à revenu élevé » (supérieur à ce seuil) dans leur processus de développement économique. Si l’Inde appartient à la classe des pays à revenu intermédiaire inférieur, le Brésil et la Chine font partis des pays à revenu intermédiaire supérieur. Avec un revenu par tête d’environ 25 000 $ en 2015, la Russie appartient, elle, déjà à la classe des pays à revenu élevé.
Une étude conduite en 2013 par le Fonds monétaire international (FMI) et le Development Research of the State Council en Chine est particulièrement explicite à ce sujet : sur les 101 pays analysés qui se situaient, en 1960, dans la tranche des pays à revenu intermédiaire, seuls 13 [6] étaient passés dans la tranche des pays à haut revenu en 2008. Depuis les années 1960, la plupart des pays d’Amérique latine n’ont pu, par exemple, s’en extirper. A contrario, l’Asie est particulièrement porteuse d’enseignement puisque Hong Kong, Taiwan, le Japon et la Corée du Sud (Figure 2) sont sortis de cette trappe, portés par un modèle de développement propre et intégré (le modèle des oies sauvages). Le questionnement actuel sur la trappe des pays à revenu intermédiaire concerne bien évidemment la Chine. En effet, son processus de transition économique actuelle vise à rééquilibrer la croissance en passant d’une économie basée sur les exportations de produits manufacturés à une économie de services fondée sur l’innovation pour in fine augmenter le revenu moyen par habitant. Mais sortir de la trappe des pays à revenu intermédiaire suppose de surmonter de nombreux défis : désindustrialiser l’Ouest de son territoire et industrialiser l’Est, réduire les inégalités régionales et de revenu, améliorer la productivité, gérer au mieux le dégonflement des bulles spéculatives immobilière et boursière observées depuis quelques années …
Dans ce contexte, la question de la poursuite ou de l’approfondissement du ralentissement chinois est fondamentale. Les travaux d’Angus Maddison ont permis d’observer historiquement une forte décélération du taux de croissance des économies atteignant environ 11 000 $ par tête, notamment dans les principaux pays asiatiques (Japon, Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taiwan). Et la Chine ne fait pas exception. Toutefois, il est intéressant d’observer que le ralentissement chinois est intervenu plus tôt que celui du Japon, de Taiwan ou de la Corée du sud par exemple. En effet, le Japon a atteint le seuil de 11 000 $ par tête dans les années 1970 alors que son PIB par tête représentait plus de 70 % de celui des Etats-Unis. La Corée l’a dépassé alors que son PIB par tête représentait environ 45 % du PIB par tête américain. Pour la Chine, ce chiffre est d’environ 23,5 %, ce qui permet, aux plus optimistes et aux adeptes de déterminisme économique d’envisager un atterrissage de la croissance chinoise moins douloureux pour le pays.
En définitive, quel que soit le niveau de croissance de la Chine dans les années à venir, la probabilité d’une poursuite de la divergence des BRIC est forte tant les problématiques domestiques risquent de peser sur leur développement. Gageons que les économistes trouveront de nouveaux acronymes pour identifier les différents ilots de croissance mondiale…
Plutôt que de chercher des acronymes, invitons-les à chercher des convergences géopolitiques ou stratégiques qui influencent plus structurellement la conduite du monde.
[1] Ce chiffre atteint 50 % s’il est mesuré en PIB PPA.
[2] Selon l’ONU, une fenêtre d’opportunité démographique peut être observée quand la proportion d’enfants de 0 à 14 ans est inférieure à 30 % de la population et la proportion de séniors (+ de 65 ans) est inférieure à 15 % de la population.
[3] Selon l’ONU, l’âge médian en 2030 sera de 32 ans en Inde, 35 ans au Brésil, 43 ans en Chine, 44 ans en Russie, 49 ans en Allemagne et 52 ans au Japon.
[4] World Governance Indicators (WGIs).
[5] Différentes définitions existent : selon la Banque mondiale sont considérés comme pays à revenu intermédiaire, les pays ayant un revenu par tête compris entre 4 126 $ et 12 735 $. Certains universitaires considèrent la borne 11 000 $ – 17 000 $ comme plus pertinente pour étudier cette question.
[6] Corée du Sud, Espagne, Guinée Equatoriale, Grèce, Hong-Kong, Irlande, Israël, Japon, Maurice, Porto-Rico, Portugal, Singapour et Taiwan.
The outbreak of the Ebola virus disease in West Africa from 2014 to 2015 underscored the fragility of public health services in countries emerging from protracted conflict, as well as the link between governance and health. In both Sierra Leone and Liberia, war had seriously undermined the health sector. Ebola arrived as the large-scale postwar international presence was downsizing and the responsibility for healthcare was shifting to the governments. Both governments had developed comprehensive health policies and plans, including devolution of health service delivery, but these were not fully implemented in practice. As a result, they were unprepared to address the Ebola crisis.
In this report, authors Edward Mulbah and Charles Silver explore the response to the Ebola crisis in Sierra Leone and Liberia, respectively. They both begin by examining the state of healthcare governance prior to the outbreak, then look into how health service providers, policymakers, communities, and volunteers grappled with the challenges the outbreak posed. Based on their analysis, the authors identify a number of lessons emerging from the response to the crisis in both countries:
Retrouvez 지식 지정학: 지식의 힘 la note "La noopolitique : le pouvoir de la connaissance" de Idriss J. Aberkane en version coréenne.
Cet article Idriss J. Aberkane : 지식 지정학: 지식의 힘 la version coréenne de la note « La noopolitique : le pouvoir de la connaissance » de Idriss J. Aberkane est apparu en premier sur Fondapol.
Companies are faced with both an imperative need and an unprecedented opportunity to renew themselves. It is widely acknowledged that businesses can play a major role in the search for reasoned growth, generating wellbeing and progress. If they are not the ones to take on this challenge, it will be difficult to find anyone else […]
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Article rédigé pour le web-documentaire « Vous avez dit Arabe ? » qui sera publié par l'Institut du Monde Arabe (Paris) en septembre 2016.
Durant la Première guerre mondiale, les Britanniques et les Français avaient instrumentalisé le nationalisme arabe. Dès 1916, ils avaient prévu avec les Accords Sykes-Picot de se partager les dépouilles de l'Empire ottoman dans l'Orient arabe ; cependant, ils avaient aussi envoyé des émissaires – dont Lawrence d'Arabie – auprès des Arabes pour les inciter à se révolter contre l'Empire avec la promesse illusoire qu'un grand Etat arabe indépendant serait créé après le conflit....
Article rédigé pour le web-documentaire « Vous avez dit Arabe ? » qui sera publié par l'Institut du monde arabe (Paris) en septembre 2016.
Le roi Ibn Saoud, fondateur du royaume d'Arabie Saoudite, aurait préféré que les Occidentaux y cherchassent de l'eau plutôt que du pétrole. Pourtant les importantes découvertes de pétrole dans le Golfe dans les années 1930 changèrent non seulement le destin de la région, mais également la face du monde.
Auparavant, la situation économique des pays arabes du Golfe n'était guère enviable. L'Arabie Saoudite avait des problèmes de trésorerie : sa principale source de revenus, le pèlerinage à La Mecque, s'était tarie avec la crise économique des années 1930....