Le 2 février dernier, l’Institut Montaigne était invité à intervenir à l’occasion d’un sommet sur la mondialisation et la démocratie, organisé par le think tank Avenir Suisse.
Le premier Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) du quinquennat d’Emanuel Macron s’est tenu le 8 février sous la présidence d’Édouard Philippe. L’objectif de ce Comité est, pour le gouvernement, de donner un cadre stratégique et opérationnel aux premières annonces faites par le chef de l’État relatives à la solidarité internationale.
Un inventaire
Dans cet exercice, on trouve de bonnes choses. La qualité de la concertation en amont du CICID en est une. Les acteurs non-étatiques ont été consultés et quelques recommandations des ONG ont été prises en considération, mais plutôt à la marge.
De nombreux rapports récents plaident pour une aide française « plus qualitative, catalytique et durable dans ses effets », portée par de nouvelles « coalitions d’acteurs » (État, secteur privé, collectivités locales, associations, fondations). Ces idées semblent avoir inspiré certaines conclusions du CICID. Les Objectifs du développement durable et la feuille de route de l’Agenda 2030, adoptées en 2015 par les Nations unies, sont cités à plusieurs reprises comme référentiels. Parmi les priorités sectorielles, l’éducation et la jeunesse arrivent en premier, juste avant le climat, la parité femme-homme et la santé. On trouve aussi de bonnes réflexions sur le « développement rural inclusif », le renforcement des capacités fiscales, la justice, les statistiques, les médias. La « focale Sahel » est particulièrement ajustée. Des engagements chiffrés sont pris pour certaines interventions : sur l’action humanitaire d’urgence (500 millions en 2022 au lieu de 220 actuellement), sur le Partenariat mondial pour l’éducation (200 millions sur 3 ans), sur l’adaptation au changement climatique (1,5 milliard d’ici 2020), sur les projets en faveur de la biodiversité (au-delà de 300 millions par an), sur le Fonds mondial de lutte contre le Sida, le paludisme et la tuberculose, sur l’Alliance pour le vaccin (GAVI), etc. L’Afrique restera, comme dans les documents des gouvernements précédents, le centre de concentration des moyens alloués en dons, avec 18 pays parmi les 19 présentés comme prioritaires (le 19e étant Haïti). Le détail de ce rééquilibrage n’est cependant pas indiqué. Actuellement l’aide française ne bénéficie que pour 25 % aux pays les moins avancés. Faire plus de bilatéral est aussi une exigence récurrente, qui n’empêche pas le CICID de décliner les obligations de la France envers le système de Nations Unies et envers l’Europe. La clé de répartition bi/multi n’est toujours pas clairement formulée en dépit du doute fréquemment formulé sur l’efficacité de certaines agences qui reçoivent des contributions françaises.
Un scepticisme non levé
Ce fut un rude combat entre Bercy et le Quai d’Orsay, une trajectoire de hausse du montant de l’aide publique au développement, pour atteindre l’engagement réitéré depuis six mois par Emmanuel Macron de parvenir à un effort global de 0,55 % du revenu national au terme de son mandat (contre 0,38 % actuellement), est donnée, avec une hausse annuelle moyenne qui devrait être de l’ordre de 1,2 milliard par an. La condition est que la trajectoire soit bel et bien inscrite dans une programmation budgétaire.
La circonspection est de mise ; elle porte précisément sur cette trajectoire très volontariste, que les Britanniques et les Allemands ont suivie scrupuleusement ces dernières années pour figurer aujourd’hui parmi les pays vertueux de l’OCDE. On ne la retrouve pas en France traduite dans la loi de finances 2018, loin de là, puisque l’augmentation de l’APD budgétée n’est de l’ordre que de 100 millions. Tant de promesses, déçues depuis trois décennies, d’atteindre le fameux 0,7 % ont fait naître le scepticisme.
En outre, derrière l’exhaustivité apparente du texte et le détail de certaines mesures, des interrogations persistent.
Des interrogations
D’abord sur le pilotage stratégique du dispositif de la coopération internationale française dont le gouvernement proclame la rénovation. Pour la première fois depuis le début de la 5e République, il n’y a pas de ministre parfaitement identifié comme étant en charge du développement et de la solidarité, une charge qui, on en conviendra aisément en lisant le relevé des conclusions du CICID, réclame un temps plein. L’Agence française de développement joue de fait tous les rôles, de la définition des stratégies à la mise en œuvre, de la recherche à l’évaluation des actions, et intègre à l’occasion Expertise France, une des rares innovations récentes de l’organisation, chargée de mobiliser l’expertise française à l’international. Plusieurs parlementaires de la majorité réclament la création d’un ministère de plein exercice, doté d’un poids politique important dans l’appareil institutionnel français (le député LRM Hubert Julien-Laferrière s’est engagé sur ce point dans son rapport d’octobre 2017).
Ensuite, on ne retrouve pas la volonté exprimée par le chef de l’État lors de son voyage en Afrique, à l’Université de Ouagadougou le 28 novembre dernier précisément, d’avoir une coopération plus efficace et pour cela étant davantage en proximité avec les bénéficiaires finaux. Les acteurs de la société civile, les ONG, les collectivités locales ont seulement droit à deux courts paragraphes sur une centaine que compte le relevé, avec la promesse de doubler les moyens budgétaires qui leur sont alloués (comme le fit F. Hollande, mais avec un médiocre résultat), ce qui est ridicule tant le niveau de départ (3 % de l’aide française en 2017) est bas, comparé à la moyenne de l’OCDE (17 %). Cette faiblesse des financements français est la marque du manque d’intérêt et de reconnaissance de la France pour ses ONG qui, par conséquent, ne jouent pas avec les mêmes atouts de départ que leurs alter ego dans d’autres pays (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Belgique, Allemagne…).
Le jacobinisme technocratique reste bien ancré en France au détriment d’une coopération proche du terrain et en écoute des préoccupations des acteurs du Sud. Les bonnes idées qui avaient présidé à l’adoption de la Loi d’orientation de juillet 2014 (dite Loi Canfin) et qui constituaient une véritable avancée démocratique pour la politique de développement de la France sont oubliées. Le gouvernement recentre.
Pour une vraie rénovation
L’on retrouve là le défaut majeur, endémique, de l’aide française : pas une ligne sur les modalités de partenariat avec les bénéficiaires, pas de cadre de concertation paritaire (de type commission mixte), pas de raccordement aux réseaux locaux, pas de relais dans les associations impliquées dans la défense des droits, pas de moyens renforcés sur le terrain auprès des ambassades pour établir avec elles un dialogue indispensable, identifier les vrais « porteurs de changement » et favoriser la responsabilisation des bénéficiaires, seul gage de la pérennité des actions. La France a encore du chemin à faire pour comprendre que l’aide ne peut pas avoir un effet positif tant qu’elle est accordée en fonction de programmes déterminés par des « planificateurs professionnels » extérieurs aux réalités locales, installés dans un tour d’ivoire, oubliant le sens du mot « co-opération » et dans l’incapacité de prendre en compte toutes les complexités pratiques auxquelles les acteurs de terrain sont confrontés.
La vraie rénovation de l’aide française consistera à reconnaître avant toute chose que la logique d’intervention en cette matière est devenue celle de la symétrie horizontale, du cadre partagé d’analyse et d’actions, de la co-construction et de la co-évaluation, de l’appui aux dynamiques de proximité entre acteurs – associatifs, décentralisés, publics et privés –, des liens de territoire à territoire, et enfin des garanties de transparence et de redevabilité.
Das Verhältnis zwischen Deutschland und Polen befindet sich in einer schwierigen Phase. Diverse bilaterale Streitpunkte sind dafür verantwortlich, dass sich die Beziehungen verschlechtert haben – darunter der mögliche Bau der Gaspipeline Nord Stream 2 durch die Ostsee, polnische Reparationsforderungen an die Adresse Berlins sowie europapolitischer Disput etwa um Aufnahmequoten für Flüchtlinge. Zudem hat Brüssel ein Verfahren nach Artikel 7 des EU-Vertrags eingeleitet – als Reaktion auf die innere Umgestaltung Polens, wie sie die seit 2015 regierende Partei Recht und Gerechtigkeit (PiS) betreibt, namentlich auf dem Justizsektor. Mit einem Kurswechsel in der polnischen Innen- oder Europapolitik ist nicht zu rechnen, auch wenn in Warschau zur Jahreswende eine Regierungsumbildung erfolgte und moderatere Töne von dort zu vernehmen sind. Allerdings bieten sich Ansatzpunkte für einen sachlicheren Umgang miteinander. Auch angesichts der breiteren europapolitischen Lage sollte Deutschland versuchen, die Beziehungen zu Polen realpolitisch zu konsolidieren – ohne dabei jedoch deren Wertedimension zu ignorieren.
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Certaines mesures envisagées par le chef de l’État à l’égard du culte musulman affaibliraient paradoxalement le modèle républicain, argumente l’auteur de Plaidoyer pour un islam apolitique. LE FIGARO. – Emmanuel Macron réfléchit à une réorganisation du culte musulman. Il entend, par exemple, réduire l’influence des pays étrangers et régler le problème du financement des […]
Cet article Mohamed Louizi : «Si réforme il faut mener, c’est celle de l’islam et non de la laïcité» est apparu en premier sur Fondapol.
Accélérons la transformation digitale des PME de croissance et des ETI !
Le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 a été adopté en conseil des ministres le 8 février, définissant ainsi le périmètre stratégique des armées pour les sept années à venir, les équipements nécessaires à sa réalisation et les moyens budgétaires qui y seront alloués. Cette nouvelle LPM se veut être la première pierre qui bâtira l’édifice « d’un modèle d’armée complet et équilibré » à l’horizon 2030, tel que préconisé dans la revue stratégique publiée, en octobre 2017. Toutefois, si l’inflexion budgétaire est notable, il est nécessaire d’analyser le projet de la prochaine LPM à la lumière des ambitions affichées par le président de la République en matière militaire, soit atteindre 2% du PIB affectés à la défense en 2025, mais également d’une autre ambition affichée, celle de restaurer les comptes de l’État et d’accroître la compétitivité économique de l’industrie et des services.
L’inflexion notable du budget de la défense, pour les 7 prochaines années, est-elle soutenable ?
Le président de la République a fixé le cap pour les armées françaises, celui d’une « Ambition 2030 ». Dans un monde en plein réarmement, la France s’exprime clairement en faveur d’un accroissement de son budget de défense qui se traduit dans la nouvelle LPM 2019-2025. Cela n’aura échappé à personne, les attentats qui ont touché le pays depuis 2015, la multiplication des opérations extérieures, ont fini de convaincre François Hollande d’abord, puis Emmanuel Macron depuis son élection, d’enrayer la diminution des effectifs militaires, et de revoir à la hausse un budget qui avait diminué, puis stagné, depuis la chute du mur de Berlin. Cette loi de programmation militaire traduit sans doute une inflexion stratégique majeure que l’on avait pu constater en Asie et que l’on voit depuis deux ans au sein de l’Union européenne : les budgets de défense repartent à la hausse. La lutte contre le terrorisme djihadiste, en France et dans le cadre des opérations extérieures, la crise ukrainienne – même si la Russie ne peut être considérée comme un ennemi -, la croissance forte et continue du budget de la défense de la Chine, la multiplication des cyberattaques et le redémarrage à la hausse du budget de la défense des États-Unis avec la présidence Trump, créent un climat propice à une croissance des dépenses militaires.
Sur le plan comptable, cette LPM prévoit un effort de 197,8 milliards d’euros entre 2019 et 2022, soit une augmentation de 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022, et de 3 milliards d’euros à partir de 2023. L’objectif affiché par Emmanuel Macron durant la campagne électorale aux élections présidentielles était d’atteindre des dépenses de défense à hauteur de 2% du PIB à horizon 2025, et c’est bien ce qui a été retenu dans la LPM 2019-2025.
Difficile à l’heure actuelle de dire si cet objectif financier sera tenu dans les délais impartis. L’évolution du contexte macroéconomique dans les années à venir, l’élection présidentielle de 2022, la fluctuation de l’environnement stratégique, incertain et instable, sont autant de facteurs qui pourraient avoir une influence sur le déroulé de la LPM. Tout se passe comme si la première partie de la programmation se traduisait par une progression raisonnable des dépenses militaires, qui s’accentuent dans les dernières années. C’est en effet à partir de cette date que le coût du renouvellement des deux composantes de la dissuasion nécessitera une augmentation sensible des dépenses militaires.
Une première étape, celle de la « régénérescence »
Les premières années de la programmation militaire seront consacrées au renouvellement de matériels militaires usés par le temps. L’effort portera sur les véhicules blindés avec le programme Scorpion, et de manière générale, sur tous les matériels nécessaires à la protection du soldat. Le programme Scorpion était certes prévu de longue date, mais la multiplication des opérations extérieures avait encore accéléré l’usure de matériels vieillissants comme le VAB. Cette régénérescence nécessaire aux « conditions d’exercice du métier des armes » passe également par la mise à disposition de petits équipements indispensables à l’entraînement du soldat, et aux besoins d’outils individuels exigés par le métier (munitions de petits calibres, habillements, gilets pare-balles modernisés, outils technologiques performants, tels que des moyens de communication améliorés). Cette régénérescence se traduit par l’accroissement de la disponibilité des équipements militaires et de nos matériels nécessaires aux opérations. Cela sous-entend la hausse des crédits dédiés au maintien en condition opérationnelle (MCO). Notre armée est aujourd’hui une armée en guerre. Or, notre soutien des matériels était configuré pour une armée en paix : il fallait donc changer la donne.
Dans le domaine aérien, l’entrée en service des ravitailleurs A-330 MRTT permettra de prendre le relai des KC-135 qui avaient été acquis dans les années 60 pour ravitailler les Mirage IV, porteurs de notre première arme atomique. Dans toutes les opérations extérieures récentes, nous étions dépendants des capacités américaines dans ce domaine, ce qui n’était pas souhaitable en termes d’autonomie stratégique. L’avion de transport A 400 M vient, quant à lui, remplacer les Transall qui étaient entrés en service dans les années 60.
La quête sans fin du modèle d’armée complet
Mais les défis futurs s’annoncent déjà, et le comblement des lacunes capacitaires d’aujourd’hui ne fait que mettre en lumière les lacunes capacitaires qui s’annoncent pour demain. La rénovation des avions de patrouille maritime Atlantique 2 sera poursuivie, mais il faudra bien développer un nouveau système, peut-être avec les Allemands, afin de remplacer des avions entrés en service au début des années 80. Il faudra également se doter enfin de drones – en coopération avec les Allemands, les Italiens et les Espagnols -, 20 ans après que les Américains et les Israéliens se soient dotés de ce type de matériel. Il sera également nécessaire d’avancer dans la définition du système de combat aérien futur (SCAF), là aussi en coopération avec les Allemands, et sans doute avec d’autres pays, qui pourront s’agréger ultérieurement à ce projet.
Enfin, il faut préparer et développer les technologies du futur. Depuis plus de quinze ans, le budget de recherche et technologie (R&T) est en baisse. Il sera désormais porté à 1 milliard d’euros contre 730 millions d’euros aujourd’hui. Le défi technologique prendra d’ailleurs sans doute une autre forme que par le passé. Les nouvelles technologies, dans lesquelles investissent massivement Américains et Chinois, ont pour nom l’intelligence artificielle, le big data ou l’information quantique, et elles sont développées essentiellement dans le secteur civil.
Protéger l’autonomie stratégique nationale et favoriser l’autonomie stratégique européenne
Le terme est réutilisé à de nombreuses reprises tout au long de la nouvelle LPM. L’autonomie stratégique de l’outil de défense français est une priorité inconditionnelle, et elle éclipserait presque la recherche d’une autonomie stratégique européenne, pourtant elle aussi valorisée dans le projet de la prochaine loi de programmation militaire. L’argument retenu par celle-ci est subtil, la première – nationale – doit être en mesure de conditionner la seconde – européenne -, et ce pour parvenir à ce que la France appelle le développement d’une « culture stratégique commune ».
Cela passe par la réalisation des ambitions politiques en matière de défense européenne à travers la mise en œuvre du Fonds européen de défense, le développement d’une coopération en matière industrielle, et la coopération intensifiée, ou renouvelée, avec des partenaires européens sur des théâtres d’opérations. Par ailleurs, la nouvelle LPM annonce que les programmes d’équipements qui seront lancés entre 2019 et 2025 seront conçus dans une perspective de coopération européenne, hors programmes de souveraineté nationale, et sans parler des programmes européens d’ores et déjà en cours. Il faut ici y voir des opportunités dans le secteur des drones (programme de drone MALE), des avions de patrouille maritime (programme PATMAR Futur), du programme de démineurs SLAMF avec le Royaume-Uni, ou encore des réflexions conduites en commun avec l’Allemagne liées au remplacement du Char Leclerc.
Au final, la question principale porte sur la capacité de la France à maintenir un modèle d’armée complet avec une croissance des dépenses militaires que l’on peut considérer comme raisonnable, tout au moins sur les quatre premières années, au regard de la contrainte économique. Pour le moment, le sentiment est que deux discours sont tenus de concert avec deux objectifs contradictoires : augmenter les dépenses militaires et restaurer les comptes publics. Il n’est pas certain que cette stratégie soit tenable dans le temps, et il faudra peut-être se résoudre, soit à privilégier le premier objectif, mais cela nécessite sans doute une croissance plus forte des dépenses militaires, soit à privilégier le deuxième objectif, auquel cas cela nécessite que le modèle d’armée complet soit élaboré dans un cadre plus large que le cadre national, c’est-à-dire dans le cadre de l’Union européenne avec les 27 autres États membres, ou avec quelques partenaires européens uniquement.
El año 2018 apunta a precios del petróleo por encima de la media de 2017 y a una aceleración geopolítica en Oriente Medio, así como a una rivalidad creciente entre la OPEP+ y los productores no convencionales estadounidenses.
Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, était l’invité de Emilie Aubry dans l’émission L’Esprit public sur France Culture. L’affaire Tariq Ramadan et la Corse étaient au programme de cette émission. L’intégralité de l’émission est à retrouver ici.
Cet article Après l’Affaire Ramadan, quels débats ? / Corse : notre Catalogne ? est apparu en premier sur Fondapol.
Donald Trump, président des États-Unis, élu le 8 novembre 2016, avait, dès les débuts de sa campagne électorale, montré du doigt un bouc émissaire à ses concitoyens, l’Amérique latine. Criminalité, maladies, trafics en tout genre, commerce des stupéfiants, terrorisme, concurrences commerciales déloyales, le mal était au Sud. Pour faire bonne mesure, les musulmans du monde avaient été associés à cet opprobre électoraliste.
Entré à la Maison-Blanche le 1er janvier 2017, Donald Trump avait confirmé et persévéré. Les déclarations agressives se sont succédé. Le Mexique a été sommé de payer un mur frontalier. Les migrants clandestins ont été menacés. Une réforme de la politique des visas a été annoncée. Ainsi qu’une révision des accords commerciaux en cours de négociation ou déjà signés.
Un appel d’offres pour construire un mur sur la frontière sud a permis de vérifier sa faisabilité. Les arrestations de clandestins ont été plus nombreuses. Les États-Unis se sont retirés des négociations engagées pour mener à bon port un Traité de libre-échange transpacifique, ou TPP. Mexique et Canada ont été fermement invités à revoir la copie de l’ALENA, l’accord de libre-échange nord-américain.
L’Amérique d’abord, America First. Le mot d’ordre a déstabilisé la relation avec les partenaires des États-Unis les plus inégaux. En clair, ceux du Sud, ceux qui se trouvent à la périphérie des puissants, au premier rang desquels on trouve les Latino-Américains. Le 22 décembre 2017, Donald Trump a menacé de rétorsions ceux qui n’acceptaient pas de déplacer leur ambassade en Israël à Jérusalem. Les propos brutaux tenus devant un groupe de congressistes par le chef des États-Unis le 12 janvier 2018, sont cohérents avec sa pensée, sa vision géopolitique du monde et ses orientations diplomatiques. Haïti, le Salvador et les Africains sont des « pays de merde »[1].
Parallèlement, pourtant, devant un parterre choisi d’interlocuteurs privés et officiels, à Davos, le 28 janvier 2018, comme le 30 janvier devant le Congrès des États-Unis, le président a fait preuve d’une logorrhée en coitus interruptus. Lisant le texte sur prompteur, et donc un discours préparé, il a défendu la priorité américaine en termes mesurés. La défense de l’intérêt national, la sécurité des ressortissants nord-américains, la révision des conditions d’entrée et de séjour sur le sol des États-Unis ont bien occupé une place importante dans le propos présidentiel. Mais sans viser personne, pays ou peuple en termes désobligeants.
Ce double exercice de rhétorique politique a été suivi les 2-7 février 2018 d’un déplacement inédit du Secrétaire d’État des États-Unis, Rex Tillerson, dans cinq pays de la région (Argentine, Colombie, Jamaïque, Mexique, Pérou). Le déplacement a pris une tournure d’autant plus significative qu’il a été précédé d’une longue explication de texte devant les étudiants de l’université du Texas le 1er février[2].
Plus qu’une succession de rendez-vous de routine, cette tournée du Secrétaire d’État en terres « hémisphériques », au vu des agendas et des propos tenus, visait à recadrer les propos à l’emporte-pièce du président et à redonner du sens à une diplomatie en perte de boussole. Commerce bilatéral, lutte contre le trafic de stupéfiants, politiques migratoires ont bien sûr été évoqués.
Mais des gestes inattendus, compte tenu du passif accumulé ces derniers mois, ont été faits. Ils avaient pour objectif de reconstruire un climat de confiance. Ils l’ont été au cours de conférences de presse conjointes du Secrétaire d’État avec les ministres des Affaires étrangères argentin, mexicain, péruvien, et en Colombie avec le président Juan Manuel Santos.
À Mexico, le Secrétaire État a parlé ALENA avec son homologue mexicain, mais aussi avec la ministre canadienne des Affaires étrangères. Dans ses différentes étapes, Rex Tillerson a repris à son compte la reconnaissance d’une coresponsabilité des États-Unis faite par Barack Obama sur le dossier des stupéfiants. Et dans toutes les capitales visitées, l’accent a été mis sur les valeurs qu’auraient en partage Argentine, États-Unis, Colombie, Jamaïque, Mexique, et Pérou, ainsi que sur les libertés politiques comme commerciales. Le Venezuela, dénoncé à chacune des étapes, a servi de fil conducteur au lien que cherchait à renouer Rex Tillerson.
Mais il y a sans doute une autre raison ayant motivé cet aggiornamento. Aux Nations unies, Bolivie, Brésil, Chili, Costa-Rica, Cuba, Équateur, Nicaragua, Uruguay, Venezuela ont condamné le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem. Les Latino-Américains néo-libéraux, désormais aux affaires dans une majorité de pays, ont par ailleurs saisi depuis un an les échappatoires offertes par le monde global. Les échanges avec toutes sortes de pays se sont multipliés (Israël, la Turquie, l’Inde, la Russie et bien sûr la Chine). Colombie, Mexique, Pérou, pays membres de l’Alliance du Pacifique, ont décidé avec leurs partenaires asiatiques du TPP de poursuivre leurs négociations sans les États-Unis. Le sommet des Amériques qui se tient à Lima-Pérou, les 13 et 14 avril 2018, quelques mois avant un G-20 [3]en Argentine ne pouvait que mettre en évidence l’impasse diplomatique et commerciale des États-Unis.
Les gestes signalés en direction des Latino-Américains rappellent, selon Rex Tillerson, que pour ces pays « les États-Unis sont disposés à approfondir les relations mutuelles, (..) parce qu’ils sont le partenaire le plus constant de l’hémisphère occidental (..) L’Amérique latine n’a pas besoin de nouvelles puissances impériales » (..) la Chine, la Russie, (..) qui ne partagent pas les valeurs fondamentales de la région ». À bon entendeur …
—————————————-
[1] « Shitholes countries », dans le texte original
[2] Devant le Centre Clements de sécurité nationale et le Centre Robert Strauss pour la sécurité et le droit international
[3] Trois pays latino-américains sont membres du G-20, l’Argentine, le Brésil et le Mexique.