Betrand Badie, expert en relations internationales, est professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po). Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage : « Qui gouverne le monde ? L’état du monde en 2017 », aux éditions La Découverte, codirigé avec Dominique Vidal et cartographié par Philippe Rekacewicz.
Vous travaillez depuis très longtemps sur la question de la puissance et du rôle de l’État dans les relations internationales. Pensez-vous que ce dernier est désormais un acteur obsolète ?
Il n’est certainement pas obsolète : qui oserait dire que l’État chinois ou russe est obsolète ?! Simplement, face à la complexité de la mondialisation, l’État ne parvient plus à contrôler l’extrême diversité et la très grande subtilité des mécanismes de pouvoir qui s’exercent et qui, difficulté supplémentaire, sont de plus en plus interdépendants. D’où l’incapacité croissante des États, même les plus autoritaires, d’accomplir une régulation effective des jeux sociaux nationaux et, plus encore internationaux. Ajoutez à cela que les acteurs politiques nourrissent une vision très conservatrice de l’État et de la nature de la souveraineté qui le définit, ce qui nuit au besoin de s’adapter aux données nouvelles issues de la mondialisation.
Vous écrivez que la mondialisation a à la fois suscité des mouvements contestataires et entretenu des réseaux de pouvoir ? Qui en sort gagnant ?
À mesure que les capacités de l’État s’étiolent et que les uns et les autres s’enferment dans une vision conservatrice, il est à craindre que la contestation l’emporte de plus en plus sur le pouvoir…C’est en partie le mal dont souffre aujourd’hui tout particulièrement l’Europe où le populisme ne cesse de progresser, à la fois comme marqueur et comme résultat des incapacités croissantes de l’État face aux contextes nouveaux issus de la mondialisation. Il en dérive une crispation des comportements sociaux autour des questions d’identité, de sécurité et de rejet de l’altérité qui sont les scories du modèle étatique d’antan : on attend de l’État qu’il protège face à des réalités sociales qui le dépassent et sur lesquelles il n’a pas prise. En même temps, on dénonce cette impuissance de l’État, comme si celui-ci avait des vertus de démiurge…
Les théories du complot se développent-elles ? Si oui, comment l’expliquer ?
Deux paramètres convergent pour faire le succès des thèses complotistes : la défiance croissante à l’égard d’une classe politique en laquelle on ne croit plus et dont le discours perd de plus en plus son crédit, et la sophistication croissante des mécanismes de pouvoir qui rendent celui-ci peu visible, anonyme et complexe. La dérive est dangereuse et sert, à son tour, les stratégies de pouvoir de certains…
L'étau se resserre-t-il autour des deux anciens dirigeants américain et britannique ? Le
rapport Chilcot, récemment sorti au Royaume-Uni, comme le rapport Feinstein, paru il y
a un peu plus d'un an aux Etats-Unis, soulignent de nouveau les crimes commis en Iraq
ou en Afghanistan, au cours d'interventions militaires discutables dans leurs fondements
ou dans leurs déroulements. En l'absence de procédures nationales, la Cour pénale
internationale (CPI), instituée par le Statut de Rome (1998), a ici l'occasion de
démontrer que la justice pénale internationale n'est plus réservée aux vaincus et aux
faibles. La Cour peut en effet enquêter et poursuivre les responsables de crimes de
génocide, crimes contre l'humanité ou crimes de guerre dès lors qu'ils sont commis sur
le territoire d'Etats parties ou lorsque les personnes accusées sont des ressortissants
d'Etats parties à son Statut. Ajoutons que dans les deux cas le temps ne fait rien à
l'affaire, puisque les crimes en cause sont imprescriptibles.
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The 19th issue of the Middle East-Mediterranean Report deals with the economic cooperation between Greece and the Muslim world. It, inter alia, analyses the role of Greek companies in the reconstruction of Gaza, and business collaboration between Greece and Iran.