Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS
La victoire de Donald Trump aux élections présidentielles étasuniennes de 2016 semble avoir pris de court une partie des observateurs internationaux. Loin d’honorer une partie substantielle de ses promesses de campagne, le nouveau président étasunien inscrit au contraire ses décisions les plus récentes dans une certaine continuité : en rétablissant la règle du « bâillon mondial », Donald Trump « interdit l’attribution de fonds fédéraux américains aux organisations non gouvernementales travaillant à l’étranger qui proposent des conseils ou un aiguillage en matière d’avortement, militent en faveur de la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse ou développent les services d’avortement disponibles » ([1]). Il s’inscrit ainsi dans la plus pure tradition républicaine des présidents Ronald Reagan, George Bush et George W. Bush. Cependant, l’offensive en règle de Donald Trump contre la participation nationale aux financements des institutions internationales ([2]), ainsi que sa volonté affichée de réduire les budgets de l’Agence fédérale de l’environnement et du Département d’État ([3]) représentent une variation affirmée du thème de l’America First. Le 45e président américain devient ainsi le représentant le plus médiatisé du retour des nationalismes financiers, héraut de la priorité nationale et porte-étendard du patriotisme économique. Au Royaume-Uni, des signaux similaires ont été émis récemment, notamment à travers la nomination de Priti Patel à la tête du Departement for International Development ; connue entre autres pour ses positions très critiques à l’égard du monde de l’aide et de la coopération ([4]). S’agit-il pour autant d’une exception anglo-saxonne ou d’une tendance lourde et globale qui pourrait s’exporter vers la France à l’occasion des échéances électorales à venir ?
Quatrième nation à financer le budget ordinaire des Nations unies, la France est une puissance diplomatique représentée au sein de la majorité des pays du monde. Elle entretient avec un certain nombre de pays Ouest et Centre africains des relations particulières fondées, entre autres, sur d’ambitieux programmes de coopération militaire et économique. La France défend par ailleurs depuis plusieurs décennies l’idée selon laquelle l’aide au développement peut à la fois servir les intérêts nationaux tout en pérennisant les situations socio-économiques des pays les moins avancés (PMA), en développement ou fragiles. Cette situation lui octroie des devoirs particuliers : parmi les 50 pays officiellement considérés comme PMA, 34 sont africains ([5]) et majoritairement situés dans ce qui constituait autrefois l’empire colonial français ; ils entretiennent par conséquent des relations spéciales avec l’ancienne métropole. Toutefois, et alors que les contre-performances économiques se généralisent, la scène politique française voit s’affirmer des personnalités prônant elles aussi le retour à la priorité nationale : principalement incarné par le Front national (FN) de Marine le Pen et, dans une moindre mesure, par Les Républicains de François Fillon, ce repli sur soi présente à l’évidence des conséquences directes pour la coopération internationale et l’aide humanitaire.
Certes, la France n’est déjà pas la puissance la plus généreuse ou dépensière : alors que l’Organisation des Nations unies recommande de consacrer 0,7% de son Revenu national brut (RNB) à l’Aide publique au développement (APD), seuls le Royaume-Uni, le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède respectent ces engagements ; la France n’y consacrant en 2014 que 0,36% de son propre RNB. Même l’Union européenne, en cumulant ses contributions nationales et institutionnelles, ne consacre que 0,47% de son RNB à l’APD, ce qui suffit pourtant à en faire le premier bailleur de fonds du monde. En cause : « la crise économique et les contraintes budgétaires strictes imposées dans la plupart des États », qui auraient « empêché l’UE d’atteindre cet objectif ambitieux en 2015. » ([6]) Conséquence directe : on attend à l’international que la France fasse non-seulement plus, mais mieux.
La perspective d’une réflexion sur les politiques françaises de coopération internationale ou d’aides publiques au développement ressuscite évidemment des débats partisans ; ce sujet commun pouvant être saisi et interprété différemment selon l’identité politique ou idéologique des candidats concernés. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon (France insoumise) ou encore Benoît Hamon (Parti socialiste) accordent une importance particulière aux deux thèmes cités supra. C’est aussi le cas d’Emmanuel Macron (En marche !), qui y intègre la problématique de la rationalité économique ; mais également de François Fillon (Les Républicains) et de Marine Le Pen (Front national). Ces derniers insistent tout deux sur les relations d’interdépendance entre ces sujets et la question du rayonnement de la France, ainsi que de la défense des intérêts nationaux. Ces particularités politiques trouvent un écho certain dans les annonces et mesures des candidats, qui, non contents d’y accorder une importance directement liée à leur positionnement politique et à l’environnement international, trouvent là un terrain de plus où décliner leurs orientations.
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Emmanuel Macron – CONTINUITÉ
Le programme du candidat Emmanuel Macron ne présente pas stricto sensu de partie consacrée à l’aide humanitaire ou à la coopération internationale. Cette analyse se fonde donc sur le chapitre III du programme officiel d’En Marche ! ([7]) et sur la fiche « International » du site du mouvement ([8]), qui annoncent plusieurs axes majeurs : l’invention d’un « nouveau modèle de croissance » ; la promotion du multilatéralisme ; et la préservation de l’environnement. Ces trois priorités transparaissent en effet à plusieurs reprises, puisqu’Emmanuel Macron, à travers ces documents, affirme que : « nous diviserons par deux le nombre de jours de pollution atmosphérique » ; « nous lancerons un grand plan d’investissement de cinquante milliards d’euros » ; ou encore que « nous affirmerons de façon crédible comme nos partenaires européens l’adjectif d’une aide publique à hauteur de 0,7% de la production nationale. » À l’origine de ces positionnements fermes ? La conviction que « notre environnement se dégrade, le dérèglement climatique nous affecte tous, la biodiversité s’érode et les ressources naturelles s’épuisent. » Par ailleurs, les documents mis à disposition sur le site d’Emmanuel Macron révèlent la volonté de ce candidat d’impliquer au-delà des partenaires européens en s’adressant à « la Chine, l’Inde, l’Afrique », ou même aux « sociétés civiles ». On retrouve donc dans le programme d’En marche ! un réel volontarisme, malheureusement contrebalancé par l’absence de mesures concrètes. Emmanuel Macron peut-il à la fois rationaliser les dépenses publiques tout en renforçant la capacité de notre appareil diplomatique à promouvoir des impératifs environnementaux à l’échelle internationale ? Le candidat d’En marche ! pourrait y parvenir en « resserrant » la politique française d’aide au développement sur quelques sujets principaux, nommément « l’éducation, la santé, la promotion des femmes et le développement durable ». Cela semble inscrire sa ligne dans une certaine continuité vis-à-vis de l’actuelle orientation française. Il est cependant important de noter que les ambitions d’Emmanuel Macron pourraient se heurter à la réalité parlementaire : à l’heure actuelle, il est en effet bien loin d’être en mesure de réunir une majorité sous sa seule bannière.
Marine Le Pen – RUPTURE
Sans surprise, les propositions du Front national dans les domaines de la coopération internationale et de l’aide au développement s’inscrivent dans une orientation politique nationaliste. La priorité est accordée à une meilleure gestion des flux migratoires, à travers les propositions 24 et 25 du programme ([9]) de Marine Le Pen. En annonçant sa volonté de « rétablir les frontières nationales et sortir de l’espace Schengen […] Reconstituer les effectifs supprimés dans les douanes par le recrutement de 6 000 agents durant le quinquennat », ainsi que de « rendre impossible la régularisation ou la naturalisation des étrangers en situation illégale. Simplifier et automatiser leur expulsion », le FN annonce, sur le court et le moyen-terme, une mise sous tension des espaces de réception et de départ des flux migratoires ; et, a minima, une dégradation des conditions dans lesquelles évoluent les populations concernées. Nommément, cela signifierait une détérioration immédiate des situations en Afrique du Nord et au Levant -principalement au Liban et en Libye – où les flux migratoires, non contents d’ajouter à l’instabilité locale, entraînent une déstabilisation importante des environnements socio-économiques. Au-delà de ces dispositions prévisibles, le programme de Marine Le Pen insiste aussi sur la nécessité de promouvoir la francophonie (cf. proposition 123) et de « mettre en œuvre une véritable politique de co-développement avec les pays d’Afrique fondée prioritairement sur l’aide au développement de l’école primaire, l’aide à l’amélioration des systèmes agricoles et l’aide au renforcement des outils de Défense et de sécurité ». Stricto sensu, cela annonce le retour de l’État comme acteur dominant ces questions. Dans l’ensemble, ces propositions, comme celles de François Fillon, semblent représenter une synthèse entre la priorité nationale telle que Donald Trump l’utilise aux États-Unis et une récupération des thèses gaullistes pour lesquelles l’aide au développement devait constituer un outil d’influence à ne pas négliger.
François Fillon – RATIONALITÉ
Le projet de François Fillon n’aborde que rarement les questions de coopération internationale. Fidèle aux restes de ses orientations politiques et économiques, il prévoit de promouvoir la rationalité en faisant valoir les actuelles faiblesses de l’économie française en réaffirmant une forme de priorité nationale qui ne dit pas son nom. Deux phrases, tirées de la fiche « Politique étrangère » ([10]) du programme de François Fillon, résume bien ces orientations : « l’aide au développement doit redevenir un axe majeur de la politique étrangère française » ; et « je conditionnerai en particulier l’aide au développement à la coopération des pays d’origine de l’immigration. » Plutôt générales, ces indications peuvent tout à la fois laisser prévoir (a) un renforcement de l’APD en faveur des États nord-africains et méditerranéens (b) le conditionnement de l’aide accordée à la France à l’existence démontrée d’intérêts nationaux (c) une baisse des aides en faveur d’un recentrage national des politiques publiques et (d) un retour en force de l’acteur étatique plutôt qu’un renforcement de la coopération avec la société civile, les organisations non-gouvernementales et même les partenaires étrangers. Il s’agit là d’orientations réclamées par une certaine partie de la société, qui représentent une convergence de vue entre des éléments propres au Front national – priorité accordée aux problèmes nationaux au détriment de problématiques transnationales et étrangères – mais qui peuvent aussi séduire les Gaullistes. Pour ces derniers, l’aide au développement peut et doit servir l’intérêt national en étant utilisée comme un outil de rayonnement et d’influence.
Jean-Luc Mélenchon – REFONDATION
Les dispositions du candidat de la France insoumise sont à retrouver dans trois livrets disponibles sur le site du mouvement : Passer à la Francophonie politique ([11]) Respecter les migrants – Régler les causes de migrations ([12]) et une France indépendante au service de la paix ([13]). Ils annoncent trois axes principaux : la valorisation des pays francophones ; la promotion d’aides alternatives ; et l’inscription de ces dispositions dans une politique étrangère globale. Outre la volonté de « renforcer le réseau des instituts et alliances français dans les pays non-francophones et planifier des échanges d’étudiants et de lycéens », ces livrets proposent d’« agir en amont des migrations » – thème largement développé lors du discours de Marseille du 9 avril 2017 – ; mais aussi de « mieux concevoir l’aide au développement » et de « mener une politique de co-développement ». Cette dernière serait fondée, on l’imagine, sur une promotion du bilatéralisme entre la France et ses partenaires. Plus concrètement, cela reposerait selon le programme de la France insoumise à consacrer 0,7% du RNB à l’APD – proposition que formule aussi Emmanuel Macron – ; mais aussi de promouvoir une politique de dons et d’assistances techniques plutôt que de prêts – dont les intérêts sont jugés néfastes aux économies des pays les moins développés ou en développement. Du point de vue juridique, Jean-Luc Mélenchon propose aussi de s’appuyer sur la résolution 68/304 de l’Assemblée générale des Nations unies qui proposait, en septembre 2014, de fournir à la communauté internationale un « cadre juridique multilatéral applicable aux opérations de restructuration de la dette souveraine » ([14]). Elle soulignait aussi combien il était important « d’apporter rapidement une solution efficace, globale et durable aux problèmes d’endettement des pays en développement, afin de favoriser dans ces pays une croissance économique et un développement qui profitent à tous. » Le projet de Jean-Luc Mélenchon repose donc en partie sur de précédents engagements formulés par la France mais aussi sur la promotion de nouvelles méthodes, jugées plus conformes à l’intérêt général et aux valeurs de la France insoumise.
Benoit Hamon – RENFORCEMENT
Le projet du candidat du Parti socialiste s’inscrit dans une certaine continuité avec le quinquennat du président Hollande. On retrouve dans les sections « Transition écologique » ([15]) et « International » ([16]) plusieurs propositions, malheureusement non-chiffrées, élaborant trois thèmes déjà présents chez Emmanuel Macron : renforcement du multilatéralisme, promotion d’un nouveau modèle économique, défense de l’environnement. Trois propositions reprennent ces thématiques : (1) « Pour allier développement et sécurité, droits humains et nouvelles règles commerciales, la France nouera ou consolidera des partenariats féconds avec les États amènes. Je préserverai les politiques internationales qui s’inscrivent dans notre vision du monde, juste et humaniste » ; (2) « Pour développer la coopération militaire et diplomatique, je ferai en sorte que notre action militaire et nos sanctions soient largement appuyées par les partenaires européens et régionaux concernés. » et (3) « Parce que notre vision du monde ne s’arrête pas aux seuls États, j’associerai les acteurs de la société civile, notamment les organisations non gouvernementales (ONG), à la construction de notre politique étrangère ». Ces mesures, qui annoncent une revalorisation des échanges avec des acteurs infra-étatiques, pourraient à terme conduire à une meilleure prise en compte des attentes des acteurs locaux et, par conséquent, à l’obtention de meilleurs résultats. Ce projet souffre malheureusement des mêmes défauts que celui d’Emmanuel Macron : il manque de mesures concrètes. En effet, Benoit Hamon ne propose que deux actions majeures : « La France prendra une initiative internationale et proposera la création d’un office mondial des biens communs chargé de leur définir un statut juridique international : l’air, les eaux, l’espace et la biodiversité ». Cela pourrait offrir de nouveaux outils, notamment légaux, aux travailleurs humanitaires et aux organisations internationales.
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Il est regrettable qu’au sein d’une campagne marquée notamment par l’évocation fréquente des conséquences des flux migratoires et de la crise des réfugiés, la question de l’Aide au développement n’ait été que si peu médiatisée. Si la solidarité internationale et l’entraide entre États et acteurs internationaux ne constituent pas les seuls déterminants de ces deux sujets, ils contribuent significativement à la stabilisation – si ce n’est à l’amélioration – de réalités socioéconomiques encourageant ou non les mouvements de population cités supra. Or, que des personnalités politiques adeptes d’un repli sur soi accèdent au pouvoir se traduirait très concrètement par la réévaluation et la baisse des contributions françaises à la solidarité internationale. Cette orientation, justifiée elle-même par la priorité nationale ou encore la rationalité économique, ne respectera pourtant jamais ses promesses : une remise en question unilatérale de la participation nationale, loin de servir les intérêts français – qu’ils soient économiques ou politiques – entraîneraient ipso facto une fragilisation des situations. Les conséquences pourraient être désastreuses, à la fois ici et ailleurs : en rappelant dans son billet « Using the Future to Humanity’s Advantage » ([17]) qu’un seul dollar investi en amont d’une crise permet d’en économiser sept en assistance humanitaire ([18]), Michel Maietta remet en question cette conception étriquée de la solidarité internationale. En effet, il montre que même du point de vue financier, présenté comme étant par essence plus réaliste, la logique austéritaire ou nationaliste ne tient pas. Elle conduit non-seulement à des dépenses supérieures mais encore à des situations humainement plus dramatiques, qui conduisent à leur tour à une aggravation des tensions. De manière très concrète, cela pourrait entraîner une mise en tension encore supérieure des espaces frontaliers européens, conséquence indiscutable d’une approche restrictive de l’aide au développement. Il reste donc à espérer que les responsables de demain feront en sorte d’enrayer le cercle vicieux décrit plus tôt, en préférant à ces tentations nationalistes le recours au multilatéralisme qui structure la politique étrangère française depuis 1945. Ainsi, en favorisant l’activité d’autres États que les seules puissances dominantes que sont les États-Unis ou la Chine, la France pourrait faire admettre – entre autres – la nécessité de reconsidérer certaines modalités d’action humanitaire ou solidaire pour permettre plus de cohérence et d’efficacité dans la lutte contre la pauvreté à l’échelle mondiale.
[1] Erika Guevara-Rosas : Le bâillon mondial de Trump : une catastrophe pour les droits des femmes, Amnesty International
[2] Philippe Gélie : « Trump envisage de réduire la participation des États-Unis aux organisations internationales », Le Figaro
[3] Paul Laubacher : « Ce que contient le très inquiétant programme de Donald Trump », Le Nouvel Obs
[4] Jessica Elgot : “Critic of UK aid spending target to be Priti Patel’s new special adviser”, The Guardian
[5] UN Committee for Development Policy: List of Least Developed Countries, Development Policy and Analysis Division Department of Economic and Social Affairs
[6] Commission européenne, « L’aide publique au développement de l’UE par rapport au revenu national brut n’a jamais été aussi élevée »
[7] Programme d’Emmanuel Macron disponible ici : https://storage.googleapis.com/en-marche-fr/COMMUNICATION/Programme-Emmanuel-Macron.pdf
[8] Site officiel d’En marche ! – Fiche « International »
[9] Site officiel de Marine Le Pen – « Projet »
[10] Site officiel de François Fillon – Fiche « Politique étrangère de la France »
[11] Site officiel de Jean-Luc Mélenchon – Livret Passer à la Francophonie Politique
[12] Site officiel de Jean-Luc Mélenchon – Livret Respecter les Migrants – Régler les Causes de Migrations
[13] Site officiel de Jean-Luc Mélenchon – Livret Une France Indépendante au Service de la Paix
[14] Assemblée générale des Nations unies, Résolution 68/304 – Établissement d’un cadre juridique multilatéral applicable aux opérations de restructuration de la dette souveraine – disponible ici : http://unctad.org/meetings/fr/SessionalDocuments/ares68d304_fr.pdf
[15] Programme officiel de Benoit Hamon – Fiche « Transition Ecologique »
[16] Programme officiel de Benoit Hamon – Fiche « International »
[17] Using the Future to Humanity’s Advantage, Michel Maietta, 18/04/2017
[18] United Nations Development Program, #ActNow – Save Later
La semaine dernière, l’ONU a mis en garde contre le risque d’un nombre de morts massifs provoqués par la famine qui sévit en Afrique de l’Est. Le point de vue de Serge Michailof, ancien directeur opérationnel de la Banque mondiale et directeur exécutif à l’AFD, chercheur associé à l’IRIS.
Quelle combinaison de facteurs explique qu’une telle situation de crise sévisse dans ces pays ?
Ces régions présentent tout d’abord des éléments de fragilité intrinsèques, parmi lesquels : une pluviométrie erratique ; des sols fragilisés par la surexploitation liée à l’accroissement de densité humaine ; des processus de désertification anciens, liés à la réduction de la pluviométrie moyenne sur longue période ; le réchauffement climatique déjà très sensible qui provoque des pertes de rendements céréaliers ; la destruction du couvert végétal par les troupeaux et par la fabrication de charbon de bois ; enfin, un abandon de tout appui à l’agriculture par les pouvoirs publics. En effet, les pistes ne sont pas entretenues, les intrants classiques sont hors de prix et non disponibles, tandis que la recherche agronomique est à l’abandon, de même que les systèmes de vulgarisation. À ce tableau consternant s’ajoute une succession de sécheresses qui ont provoqué une paupérisation généralisée, entraînant un déstockage des animaux pour survivre, une consommation des semences, etc.
Cependant, le vrai responsable de cette situation est l’état de guerre quasi-permanente qui dure depuis des années, parfois des décennies. Ainsi, on voit bien que les régions les plus touchées par la famine sont celles qui sont ravagées par la guerre ou l’insécurité : le Nord-Est du Nigéria, où sévissent encore les bandes de Boko Haram ; le Sud Soudan, pays failli dès sa création ; et la Somalie en guerre civile depuis des décennies. L’insécurité généralisée a disloqué les circuits économiques – en particulier les circuits vivriers -, les marchés pillés sont abandonnés, tandis que les villages sont soumis au racket et parfois même incendiés. Les populations se réfugient donc dans les centres urbains, où elles ne sont parfois même pas à l’abri.
Les conflits internes, le mélange de jacqueries du désespoir et de djihadisme mafieux : voilà donc les premiers responsables. Tout en sachant qu’il s’agit là du produit naturel de tous les handicaps précédemment cités, qui n’ont jamais été gérés correctement.
Pourquoi la communauté internationale et l’aide humanitaire ne parviennent-elles pas toujours au secours de la population ?
La plupart de ces régions sont devenues des zones de non-droit qui sont sorties du contrôle des États : il n’y a plus de gendarmerie, ni d’administration territoriale, tandis que l’essentiel de l’administration a fui. Ces zones sont ainsi tombées sous la coupe de petits seigneurs de guerre et l’aide humanitaire (on ne peut pas parler d’aide au développement dans ces conditions) est devenue un enjeu de pouvoir. En effet, les chefs de guerre cherchent à en prendre le contrôle afin de la revendre avec profit, ou au minimum pour encaisser un pourcentage en permettant sa distribution. Cette aide renforce ainsi leur pouvoir de contrôle des populations. Les convois humanitaires ne se pliant pas à leur pouvoir et refusant d’obéir à cette règle – officiellement non reconnue par les organisations caritatives -, sont pillés ; tandis que les accompagnateurs sont parfois kidnappés ou massacrés.
On critique beaucoup l’aide humanitaire mais il faut aussi s’imaginer au volant de camions hors d’âge sur des pistes abominables, où à chaque check point on risque de se faire abattre par des gamins drogués équipés de Kalachnikov plus grandes qu’eux…
Quelles seraient les solutions pour que ces États défaillants puissent se reconstruire sur le long-terme ?
Il faudrait soit pouvoir tout reconstruire, comme au Nord-Est du Nigéria ; soit construire ex nihilo des États viables, ce qui suppose que l’on puisse restaurer progressivement la paix civile. Au Nord-Est du Nigéria, il s’agit essentiellement d’un problème de volonté politique : il faudrait relancer l’économie rurale, mettre en œuvre des programmes ambitieux de développement rural et restaurer un appareil étatique qui ne soit plus perçu comme prédateur et répressif.
Au Sud Soudan, la situation est beaucoup plus difficile du fait de la profondeur dramatique des conflits politiques et ethniques. Or, on voit mal une force extérieure comme les Nations unies intervenir pour remettre un minimum d’ordre. Des sanctions internationales contre les principaux responsables par le gel de leurs avoirs extérieurs pourraient aider quelque peu.
Cependant, il faut se rendre compte que certaines situations sont tout simplement ingérables. C’est la raison pour laquelle il faut militer pour que les pays du Sahel francophone de l’Ouest Africain ne soient pas condamnés à une telle évolution. Pourtant, à l’image du Mali, ils en prennent la voie. L’aide internationale, et en premier lieu l’aide française, sont aux abonnés absents dans cette région, alors qu’elles portent une responsabilité particulière pour éviter que le modèle somalien ne se répète dans ces pays familiers à la France.
Africa ranks high on Europe’s – and especially Germany’s – political agenda for 2017. The broader framework of relations is in flux, with the United States’ economic policies turning inward, China’s economic growth tailing off, and a number of economic part¬nership agreements between the EU and African regions coming into force. Africa is a priority of the German G20 Presidency, but there are also discussions about ideas for a Marshall Plan proposed by the German Minister for Economic Cooperation and the President of the European Parliament respectively. These initiatives open up opportunities for Germany and Europe to evolve the foundations of cooperation with Africa.
A U.S. missile strike against the Assad regime in response to a suspected chemical weapons attack may have lessened a fear of Russia among countries that nominally back the Syrian opposition. Renewed U.S. diplomatic engagement in Syria could relieve pressure on the opposition to accept a settlement at the Geneva talks, which would be little more than a facelift of the Alawite-dominated regime. The international environment has lacked the balance to redress the disenfranchisement of Syria’s majority Sunni population – a root cause of the war. European states hope to employ their reconstruction funding capacity. But stabilization remains far-fetched without a political transition and an inclusive system that can end the Assad clan’s monopoly on power.