La rédaction de Politique étrangère vous offre à (re)lire des textes qui ont marqué l’histoire de la revue. Nous vous proposons aujourd’hui un article de Maurice Couve de Murville, intitulé « La crise libanaise et l’évolution du Proche-Orient », et publié dans le numéro 2/1976 de Politique étrangère.
L’affaire libanaise est liée à la crise du Proche-Orient, que l’on pourrait appeler aussi la crise israélo-arabe. Les risques qu’elle fait courir à cette région se répercutent à l’ensemble du monde. Pour ce qui est de la France, elle est directement concernée.
Nous partons d’un fait évident qu’il faut souligner, c’est la présence au Liban d’un très grand nombre de réfugiés palestiniens, dont on n’a pas le compte exact, mais qui est de l’ordre de 400 000 pour une population normale de 2 millions et demi d’habitants. En proportion, cela signifierait pour la France quelque chose comme 8 millions de réfugiés sur son territoire, dont pas loin de la moitié autour de la capitale.
D’où, évidemment, une situation anormale, qui se prolonge indéfiniment et s’ajoute aux difficultés propres que le Liban connaît et qui tiennent à sa physionomie particulière.
Il faut, en effet, remonter un peu dans le passé pour expliquer les causes de la guerre civile actuelle, remonter à la création du Liban qui, on le sait, date de 1943. La France n’a pas voulu, à l’époque, de la Grande Syrie, qui aurait uni le Liban et la Syrie actuels, pour des raisons historiques, liées au rôle que notre pays avait joué comme « puissance protectrice des chrétiens du Levant » au temps de l’Empire ottoman dont nous étions devenus les héritiers lorsque le mandat sur la Syrie nous avait été confié.
La création du Liban a été rendue possible par la conclusion d’un compromis entre les Chrétiens et les Musulmans, auquel on a, par la suite, donné le nom de « Pacte National ». Ce compromis accordait aux Musulmans qui ne voulaient pas d’un Liban séparé de la Syrie, la satisfaction de la fin du mandat français et de l’évacuation définitive de notre armée, autrement dit, l’indépendance. Pour les Chrétiens, qui voyaient partir avec beaucoup de craintes l’armée française dont ils considéraient qu’elle était leur défenseur, il y avait un certain nombre de garanties qui remplaçaient cette garantie de l’armée française : essentiellement la répartition des postes au sein du gouvernement, du parlement et de l’administration, ce qui donnait en fait, il faut bien le dire, aux Chrétiens et plus particulièrement aux Maronites, la prédominance dans la direction du pays. Prédominance qui, d’ailleurs, était en pratique à l’époque justifiée par le fait que les Chrétiens étaient de loin la partie de la population la plus évoluée, celle qui avait reçu le plus d’instruction, en particulier qui avait le plus bénéficié de l’enseignement supérieur. A l’époque, le personnel politique et les fonctionnaires se recrutaient facilement chez les Chrétiens, beaucoup plus difficilement chez les Musulmans.
Ce compromis qui a permis la création du Liban, en tant qu’Etat indépendant séparé de la Syrie, a longtemps fonctionné de façon satisfaisante. Il a si bien fonctionné que tout le monde s’en félicitait, au dedans et au dehors, et l’on considérait le Liban comme une sorte de miracle de coexistence pacifique et de coopération étroite entre les communautés religieuses différentes qui, jusqu’alors, avaient été séparées ou opposées les unes aux autres.
C’était une sorte d’opinion reçue qui, cependant, à mesure que le temps passait, ne tenait pas compte et de moins en moins, de l’évolution naturelle, une évolution qui s’est traduite de deux manières :
D’abord sur le plan démographique. En 1943, à l’époque du Pacte National, on était parti de l’idée — c’était une convention mais qui, dans une certaine mesure et même dans une large mesure correspondait à la réalité — que les Chrétiens étaient plus nombreux que les Musulmans. D’où leur prédominance dans le domaine politique et administratif.
La situation, progressivement, a changé, pour deux raisons. D’abord la démographie proprement dite, car les Musulmans ont plus d’enfants que les Chrétiens. Puis l’émigration, parce que les
Chrétiens, et en particulier les Maronites, ont énormément émigré au cours de ces 30 ans, et très loin puisque leurs colonies les plus nombreuses se trouvent en Amérique du Nord et du Sud et en Australie.
Voilà un premier fait qui a changé beaucoup la situation.
Le second a été l’évolution des populations elles-mêmes. Je disais qu’au début, les Chrétiens étaient beaucoup plus évolués que les Musulmans. Peu à peu les Musulmans se sont éduqués, ils sont allés à l’école, à l’Université ; ils sont entrés dans les affaires. Ayant réussi, ils sont devenus riches, et finalement une grande partie d’entre eux, non pas la majorité, mais surtout la communauté sunnite, qui s’oppose à la communauté chiite, est largement aujourd’hui à égalité avec les Chrétiens de tous ces points de vue. Dès lors ces Musulmans n’ont plus de complexe d’infériorité et d’autre part, ils ont un personnel capable, à l’instar des Chrétiens, de participer à la politique et à l’administration.
Voilà un second fait qui a, en quelque sorte, remis en cause les fondements mêmes du Pacte National conclu en 1943 et dont j’ai rappelé les grandes lignes.
A cela s’ajoutait un facteur qui n’est pas moins important, c’est que les deux communautés, ou plutôt les deux ensembles de communautés, instinctivement, avaient et ont tendance à réagir de façon différente devant l’événement.
Le Liban se caractérise par deux traits essentiels qui font son originalité dans la région où il se trouve situé. Le premier est que, malgré sa diversité confessionnelle, il fait partie du monde arabe, et cela d’une manière évidente, puisque la langue maternelle de tout le monde, sauf peut-être des Arméniens, est la langue arabe. L’autre caractéristique est l’ouverture sur le monde extérieur, laquelle est beaucoup plus grande que chez les autres pays arabes. Et quand on dit « ouverture sur le monde extérieur », c’est d’ouverture sur l’Occident qu’il s’agit. D’où des liens étroits avec celui-ci sur le plan économique et sur le plan culturel.
Pour les Musulmans, l’élément appartenance au Monde arabe est le plus important des deux facteurs. Pour les Chrétiens, c’est l’ouverture sur l’extérieur qui compte d’abord.
Tout cela a créé peu à peu, sans qu’on s’en aperçoive beaucoup, une situation où se préparaient, à l’arrière-plan, des conflits. Je ne veux pas dire une guerre civile, mais des conflits, même si, en même temps, la réussite du pays paraissait éclatante, même si la prospérité était fantastique et si tout le monde s’enrichissait. A telle enseigne que les Musulmans nouvellement enrichis, qui en 1943 n’étaient pas partisans de l’existence du Liban, en sont aujourd’hui les plus fermes adeptes.
Les difficultés apparaissent quand il y a crise. On l’a vu pour la première fois en 1958, lors de la première grande crise nationale, du temps où M. Chamoun était Président de la République libanaise. C’était un peu la conséquence de la révolution égyptienne de Nasser, qui avait été à la fois une révolution nationale et une révolution sociale, mettant fin à un régime très largement venu de l’étranger, parce que très largement héritier de l’Empire ottoman, et encore féodal. Ce bouleversement avait eu des conséquences profondes dans le monde arabe, au Liban en particulier, et bien sûr, dans la population musulmane, beaucoup plus sensible à l’attrait du régime nassérien que la population chrétienne.
A cette époque, la crise avait été réglée de manière expéditive,. à l’initiative de M. Chamoun, par le débarquement de l’armée américaine. Ainsi les troubles, qui avaient commencé mais étaient loin d’une vraie guerre civile, avaient été bloqués et le calme s’était rétabli. Au point de permettre le rembarquement rapide de l’armée américaine. D’autant plus que le Président Chamoun avait été très vite remplacé par le général Chehab qui, à la différence de son prédécesseur, était un homme d’esprit ouvert et libéral, qui a essayé d’engager son pays sur la voie des réformes.
Cela n’a duré que le temps du mandat du Président Chehab. Puis les choses sont reparties comme avant, c’est-à-dire d’un côté, l’immobilisme, de l’autre des événements extérieurs très graves, péripéties successives du conflit israélo-arabe. D’abord la guerre de 1967, dont la conséquence très importante pour le Liban a été de doubler le nombre des réfugiés palestiniens, puisqu’à ceux venus en 1947 de la Galilée et des rivages de Saint- Jean d’Acre, se sont ajoutés 200 000 réfugiés venant de la zone de Gaza et de la Cisjordanie. […]
This article is the English version of : John McLaughlin, « Moyen-Orient : en attendant la nouvelle administration américaine », published in Politique étrangère, Vol. 81, Issue 2, 2016.
Not since the collapse of the Ottoman Empire after World War I has the Middle East been wracked with so much change, violence, and uncertainty. When long building pressures erupted with the so-called “ Arab Spring” in 2011, Henry Kissinger presciently said that it was only “scene one of act one of a five act play”. Before we can venture even a guess about the next scene or act and how American policymakers might approach it, it’s necessary to step back and examine the region in its broader setting.
Strategic contextContemporary events are so riveting that it is easy to forget how much the Middle East has been shaped by external forces. In this century, this has been the case ever since Mr. Picot and Mr. Sykes drew their lines on the map delineating some of the new Middle Eastern boundaries exactly a century ago this year.
Indeed, the United States (US) and other great powers have long seen influence in the region as tightly related to their security and viewed its resources as essential to their economic health – convictions demonstrated repeatedly since the end of WW II and the onset of the Cold War.
During the Cold War, direct great power competition in the region was a kind of zero-sum game as the United States and the Soviet Union vied for influence and access. Even as hot wars flared in Asia – thinking of Korea and Vietnam – the US, Russia, and many European nations still saw the Middle East as an arena for competition. It played out in relations with Egypt, Syria, Iraq, Iran, and Libya, in weapons sales, and in the Arab-Israeli conflicts.
But when the Cold War ended, the major powers’ approaches to the Middle East became more individualistic and fluid, either by necessity or choice. During the early post-Cold War years, Russia and China were mindful of the Middle East but thoroughly absorbed with internal transformations – Russia moving from a command economy to private enterprise and China digesting Deng Xiaoping’s market economic reforms and purging sympathizers of the 1989 Tiananmen Square protests. Without the overlay of U.S.-Soviet rivalry, Europe focused on rebuilding traditional relationships in the Middle East, while elsewhere deepening integration within the European Union, and laying the groundwork for bringing in former Soviet satellite countries as new members. For its part, the US was absorbed in consolidating its post-Cold War position in Europe (the uniting of Germany within NATO, for example), building a new relationship with Russia and the former Soviet Union’s newly-independent states, and dampening ethnic conflict in the Balkans. America’s focus on the Middle East sharpened dramatically of course as terrorism escalated and particularly after the 9/11 attacks and in the chaotic aftermath of the 2003 Iraq invasion.
Meanwhile, the global financial crisis of 2008 weakened confidence in the US, including among Middle Eastern partners. At the same time, Russia was becoming more assertive, as evidenced by its occupation of parts of Georgia in 2008 and parts of Ukraine in 2013. And the perception grew that China was “rising” in a way bound to challenge American international dominance.
As the major powers were adjusting to these new dynamics, the Middle East was rocked by three phenomena that changed the character of the region and the terms on which outsiders must engage it. First, the Iraq war polarized the countries of the region and roiled relations among the major outside powers. Second, Islamic extremism sunk deeper roots and sparked divisions among outside powers about how to respond to it. And third, the region experienced the Arab Spring, which upset not only the domestic norms of many countries but also changed many of the personalities and institutions that served for years as conduits to the outside powers.
In short, the end of the Cold War meant that Middle Eastern competition among the great powers was separated for the first time in decades from a global struggle. The Middle East has thus become the world’s principal laboratory for practicing the new balance of power politics likely to characterize the coming decades. It is the arena where the first rounds of a new “Great Game” are playing out. The game has begun, whether the great powers are ready or not. […]
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Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n° 3/2020). Alain Antil, directeur du Centre Afrique subsaharienne de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Sonia Le Gouriellec, Djibouti, la diplomatie de géant d’un petit État (Presses universitaires du Septentrion, 2020, 230 pages).
L’auteur, spécialiste des questions de défense et de la Corne de l’Afrique, aborde ici le contraste saisissant entre le poids économique et démographique – très secondaire – de Djibouti, et la place qu’occupe ce pays dans les relations internationales. Sonia Le Gouriellec inscrit d’emblée son analyse dans le courant de recherche qui s’intéresse à la place internationale et à la diplomatie des petits États.
Djibouti bénéficie, il est vrai, d’une situation géographique exceptionnelle : port en eau profonde à l’entrée de la mer Rouge, sur la route maritime la plus importante du monde ; hub de la lutte contre la piraterie au large des côtes de la Corne de l’Afrique, piraterie contre laquelle coopèrent Européens, Asiatiques et Américains ; pays d’accueil de bases militaires française, américaine, chinoise et japonaise (la seule hors de leur territoire national, pour les deux pays asiatiques) ; point de contact important entre la péninsule arabique et le continent africain ; point de passage quasi exclusif – surtout depuis l’indépendance érythréenne – des échanges du géant éthiopien ; point nodal de la Belt and Road Initiative (BRI) chinoise ; ou encore base d’appui de l’Arabie Saoudite dans sa guerre au Yémen…
Sonia Le Gouriellec montre l’habileté de la diplomatie djiboutienne à multiplier coopérations et dépendances, afin d’éviter les parrainages par trop étouffants, comme celui, hier, de la France, ou aujourd’hui, de la Chine (Pékin détenant deux tiers des dettes djiboutiennes). Djibouti n’hésite pas à engager des bras de fer avec d’importants partenaires, comme l’illustre le non-renouvellement du contrat de gestion du port de Doraleh avec la société émiratie Dubai Ports World (DPW).
La situation du pays ne lui offre certes pas que des atouts. L’auteur replace, dès le début de son ouvrage, Djibouti dans le « complexe régional de sécurité », en s’appuyant avec raison sur les travaux de Barry Buzan. Les fractures sécuritaires régionales sont nombreuses, et Djibouti a dû en effet composer avec la rivalité entre Éthiopie et Somalie (dont le point d’orgue a été la guerre de l’Ogaden), puis avec les tensions/conflits qui déchirent les deux ensembles (éclatement de la Somalie, indépendance de l’Érythrée…), et ce en sa double qualité de pays voisin mais aussi de pays dont une partie de la population appartient à l’ensemble humain somali. Malgré tout, le pays a pu éviter d’importer le conflit sur son territoire. Dans son environnement direct : le terrorisme (Al-Qaïda dans la péninsule arabique, les Shebabs en Somalie), la piraterie maritime, ou la guerre au Yémen…
Sonia Le Gouriellec revient également sur le fort contraste existant entre tant d’opportunités liées à la position stratégique de Djibouti et des performances économiques et démocratiques particulièrement calamiteuses. Elle souligne, même si l’analyse du système politique djiboutien n’est pas au cœur de son ouvrage, le caractère autocratique, clientéliste, corrompu, et parfois violent avec les opposants, d’un régime qui n’a connu que deux présidents (Hassan Gouled Aptidon et Ismaïl Omar Guelleh) depuis son indépendance de 1977.
L’auteur nous livre ici une réflexion à la fois fouillée et pédagogique sur la diplomatie de ce petit État, agrémentée de références littéraires tombant toujours à point nommé.
Alain Antil
Accéder à l’article de Jolyon Howorth, « Sortir de l’impasse euro-américaine » ici.
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Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n° 3/2020). Serge Caplain propose une analyse de l’ouvrage de M. Mokhtar Ould Boye et Charles Michel, Victoire dans les dunes. L’enlisement de la crise sahélienne n’est pas inéluctable : l’exemple mauritanien (L’Harmattan, 2020, 210 pages).
Coincée entre ses puissants voisins du Nord (l’Algérie et le Maroc) et son bouillonnant voisin de l’Est (le Mali), l’immense Mauritanie a parfois été un peu oubliée de l’actualité internationale. Confrontée durant des années à l’instabilité politique et à l’insécurité endémique de la bande saharo-sahélienne, cette république – islamiste dès son indépendance – fait pourtant figure d’exemple en ayant triomphé des groupes armés terroristes qui sévissaient sur son sol depuis 2005.
C’est cette « approche mauritanienne » de sécurité qui est décryptée par les colonels Mokhtar Ould Boye et Charles Michel. S’appuyant sur leur expérience opérationnelle et leur connaissance de la région, ces officiers offrent, par leurs regards croisés de Mauritanien et de Français, une lecture éclairante de la stratégie adoptée par la Mauritanie, dans sa complexité et sa spécificité.
Constitué de trois chapitres de tailles inégales, l’ouvrage fait judicieusement la part belle, dans sa première partie, à la compréhension du phénomène terroriste de la région. « Le Sahara n’a jamais été un espace de quiétude et de paix absolues », rappellent les auteurs qui évoquent – bien avant l’intégrisme – comment l’exode rural, la transition démographique, le désenchantement de la jeunesse et surtout la pénurie d’État ont alimenté le recrutement terroriste. Dans ces immensités délaissées, carrefours de trafics en tous genres (notamment drogue et armes), les djihadistes refoulés des crises algériennes, afghanes ou libyennes trouvent, à la fin des années 1990, un terreau idéal.
La deuxième partie développe la stratégie globale et adaptée que la Mauritanie a progressivement mise en place pour faire face aux actions terroristes sur son sol entre 2005 et 2011. S’appuyant sur un islam rigoureux et tolérant, c’est sur le terrain théologique que le premier combat va être mené, par des imams fidèles à la République, diffusant un contre-argumentaire religieux aux théories salafistes. Sur le plan sécuritaire, les moyens sont donnés aux armées, incluant recrutement et fidélisation par la valorisation des soldes, en plus d’achats d’équipements (avions de combat légers, véhicules 4 × 4, etc.). Surtout, la Mauritanie puise sa force dans sa géographie et sa population. Le renseignement y est développé : les routes traditionnelles de transit sont étroitement surveillées, tandis que des pans entiers de désert deviennent interdits. L’adhésion des peuples est gagnée par une politique volontariste d’aménagement du territoire qui réaffirme le rôle de l’État.
Le troisième chapitre aborde plus particulièrement le rôle du Collège de défense du G5-Sahel, partie intégrante de cette stratégie. Cette école de guerre multinationale a vocation à fournir aux pays du G5 (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) les dirigeants militaires de demain. Former collégialement ces officiers aux meilleurs standards antiterroristes participe activement à resserrer les rangs des différents pays de la région contre une menace commune.
Somme toute, ce livre rend espoir en un Sahel enfin stabilisé. Rien n’est inéluctable, si une volonté politique indéfectible s’appuie sur les énergies locales pour appliquer fermement une stratégie adaptée. On pourra peut-être reprocher un propos très bienveillant à l’égard de l’ancien président Azziz, mais son caractère interculturel est indispensable à quiconque, expert ou néophyte, entend comprendre la complexité de la situation au Sahel et les possibles voies de sorties de crise.
Serge Caplain
This article is the English version of : Ekaterina Stepanova, « La Russie a-t-elle une grande stratégie au Moyen-Orient ? », published in Politique étrangère, Vol. 81, Issue 2, 2016.
During the armed conflict in Syria, Russia has significantly upgraded its role and status both in the Middle East and beyond the region. The most radical upgrade has been Moscow’s carefully calibrated military intervention on behalf of the Syrian government since late September 2015, as well as its role in the revived Geneva negotiation process since February 2016 and in the ensuing ceasefire co-brokered by Russia and the United States. This new role and level of engagement is at odds with the widespread stereotype about post-Soviet Russia’s departure from the Middle East.
In contrast, in the mid-2010s there has been growing talk about Russia’s return to the Middle East and, through its upgraded role in this region, to the central stage of global politics. This, in turn, has prompted the rise of expectations and speculation, both in and beyond the region, about Russia’s new “grand strategy” in the Middle East. How justified are these expectations? Does the fact that Russia outplayed the United States on Syria suffice as evidence of Moscow’s “grand strategy” for the broader region? Or should Russia’s engagement be seen instead as merely a series of measured, ad hoc steps involving skillful improvisation, and mainly in the pursuit of instrumental tactical goals, in the absence of any more ambitious, long-term and comprehensive regional strategy? Or are we dealing with something that does not fall neatly under either category, involving and displaying elements of broader strategic thinking – but not in the way of a “grand strategy” for the Middle East?
The international context and the Russia’s Global StrategyIt took at least a decade for post-Soviet Russia to adapt itself to the new international realities, start rediscovering its identity as a nation, and (re) shaping, to the extent possible, its new role and place in the world. It is only in the 2010s, however, that several key strategic “directions” and cross-cutting lines took full shape and could be clearly traced in Russia’s foreign policy. These survived all the subsequent foreign policy crises and even the economic calamities that Russia became involved in. This points to the long-term and fundamental, rather than merely contextual or declaratory, nature of these guiding principles. Three guiding principles are most pertinent to the subject of this article.
This aversion to forced regime change, especially with external support or through direct external intervention, was borne out of the Russian leadership’s growing suspicions about the so-called “color revolutions” in the post-Soviet space through the 2000s. These refer to change of government, through means other than legal succession of power and with varying degrees of popular support, in Georgia (2003), Ukraine (2004) and Kyrgyzstan (2005 and 2010). While undertaken under the banner and in the name of democracy and moderate nationalism, these “revolutions” essentially were, or morphed into, a reshuffling of the balance of power among the ruling oligarchical clans and elites under the disguise of broader social protest, ultimately reproducing the “pre-revolutionary” conditions and sources of instability and often creating more problems than they were expected by some within these countries to solve. They were also increasingly seen by Moscow as being at least partly, if not mainly, promoted by external influences and powers from outside the region, and as threats to Moscow’s influence. Russia’s own wave of mass pro-democracy protests of the early 2010s was interpreted by the Kremlin as an attempt to move in the same direction of color revolutions. […]
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Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n° 3/2020). Aurore Colin propose une analyse de l’ouvrage de Serge Marti, Une planète à sauver. Six défis pour 2050 (Odile Jacob, 2020, 240 pages).
Cet ouvrage n’est pas une description des défis du futur auxquels la planète va être confrontée, mais plutôt un panorama de l’ensemble des maux frappant déjà nos sociétés, et qui sont amenés à s’aggraver si nous, politiciens, entreprises, citoyens, ne réagissons pas dès maintenant.
Le journaliste Serge Marti ouvre son livre par une revue d’actualités s’efforçant de bousculer l’inaction politique des cinquante dernières années sur la question écologique : le mouvement des jeunes pour le climat emmené par Greta Thunberg, l’action en justice « L’Affaire du siècle », ou encore la Convention citoyenne pour le climat. Pour l’auteur, ces différentes actualités témoignent d’un « réveil des consciences », et même d’une « révolte verte » face à un système « productiviste qui saccage la nature ». La « vague verte » qui a touché certaines villes françaises lors des dernières élections municipales semble aller dans le sens de son analyse – pour la France tout du moins.
Le cœur de l’ouvrage est sa deuxième partie consacrée aux six défis pour 2050. Cette partie tire sa pertinence des descriptions chiffrées, documentées et riches en exemple de six grandes plaies qui ont déjà commencé à s’abattre sur nos sociétés, et dont nous sommes responsables : le dérèglement climatique, la destruction massive de la biodiversité et des forêts, la forte augmentation de la population et des migrations, la mauvaise gestion et la raréfaction de l’eau potable, la pollution et l’épuisement des sols et terres agricoles ainsi que de la mer et de la vie marine. La description de ces défis est ponctuée par la présentation de solutions, que chaque expert estimera dans son domaine, souvent peu approfondies, parfois superficielles et n’apportant qu’une réponse court-termiste et isolée face à des problèmes globaux aux causes multiples. On doutera, par exemple, de la capacité à compenser la déforestation massive en Amazonie et en Afrique, et de la durabilité des méga-projets de reforestation et de lutte contre la désertification en Chine et au Sahel, appelés « muraille verte ». Si à propos du défi lié à l’agriculture, l’auteur va au-delà des constats et des exemples en donnant sa propre vision de la réponse à apporter – la sauvegarde et le développement de l’agriculture paysanne et écologique –, il faut attendre la troisième et dernière partie pour que Serge Marti nous livre son analyse des responsables de la situation et des solutions globales à mettre en œuvre. On appréciera particulièrement cette dernière partie en ce qu’elle pose les bonnes questions : le capitalisme est‑il compatible avec l’écologie ? Doit‑on adopter un modèle décroissant ? L’écologie est‑elle la seule capable de sauver la planète ? etc. Avec quelques éléments de réponse, notamment à travers la sortie du modèle du capitalisme financier guidé par la rentabilité à court terme, le développement de la « social-écologie » et le changement des modes de consommation.
Sans prétendre fouiller en profondeur les multiples sujets qu’il aborde, ce livre donne une vision intégrée et pertinente des menaces qui pèsent non pas sur la planète mais bien sur la vie humaine dans son ensemble, et des pistes de solutions possibles. Menaces auxquelles on devrait aujourd’hui adjoindre la question des pandémies mondiales et de leur gestion, que la crise sanitaire liée au COVID-19 a révélée comme un nouveau défi majeur pour nos sociétés.
Aurore Colin