Les lois polonaises touchant à l’Etat de droit inquiètent Nils Muznieks, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe cependant la Commission Libe du Parlement européen poursuit ses travaux concernant son rapport d’initiative sur l’Etat de droit (rapporteure Sophie In’tVeld). Au terme d’une visite de quatre jours en Pologne, Nils Muznieks concernant les lois « adoptées à la hâte durant ces derniers mois », vient de souligner une inquiétude croissante le 12 février dernier.
« La paralysie du tribunal constitutionnel aurait de lourdes conséquences sur les droits humains de tous les citoyens » a-t-il notamment précisé en appelant les autorités à se conformer à l’avis de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe qui s’est rendue à Varsovie du 7 au 9 février, avis qu’elle publiera lors de sa prochaine plénière les 11 et 12 mars prochain.
« La protection des droits humains ne peut être assurée sans des mécanismes garantissant l’Eta de droit, en particulier en ce qui concerne l’équilibre entre les différents niveaux de pouvoirs » a d’ores et déjà rappelé le commissaire aux droits de l’homme qui se déclare particulièrement préoccupé par l’&adoption en décembre dernier, d’une loi de transition les médias publics. »Placer ceux-ci sous le contrôle direct du gouvernement en lui permettant de nommer ou démettre les membres de l’autorité de surveillance est en contradiction avec les standards du Conseil de l’Europe qui requièrent l’indépendance des médias par rapport à toute interférence politique ou économique » a-t-il rappelé avec force.
Nils Muizenieks encourage fortement les autorités polonaises à consulter la société civile, le Conseil de l’Europe et tous les partenaires nationaux et internationaux dans le cadre de la réforme annoncée. Selon lui « de solides garde-fous doivent être mis en place afin de protéger l’indépendance et le pluralisme des médias publics afin qu’ils puissent assurer leur rôle d’observateurs d’une société démocratique ».
La protection des données personnelles inquiète également le commissaire aux Droits de l’homme qui appelle à rétablir une telle protection dans le plein respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Les droits de la femme et de l’enfant ont également été évoqués ainsi que la lutte contre les violences domestiques.
Pour en savoir plus :
Texte de la Déclaration de Nils Muizeniekshttp://www.coe.int/en/web/commissioner/-/poland-slow-down-and-consult-on-legislation-to-avoid-human-rights-backsliding
Une délégation de 11 députés de la commission des budgets du Parlement européen s’est réunie à Ankara mardi avec le vice-premier ministre Mehmet Şimşek et d’autres membres du gouvernement et du Parlement turcs pour entendre leur opinion sur les défis liés à la crise des réfugiés syriens et aux mesures et besoins du pays pour la surmonter.
L’objectif des députés est d’évaluer comment les fonds de l’UE en soutien aux réfugiés sont utilisés sur le terrain, en particulier au vu du nouveau mécanisme de soutien de trois milliards d’euros qui est actuellement mis sur pied à partir de fonds en provenance du budget de l’UE et des États membres.
« La Turquie est le premier bénéficiaire de fonds européens en-dehors de l’Union européenne. Aujourd’hui, l’Union franchit une nouvelle étape, aux côtés de la Turquie, en mobilisant de nouveaux moyens financiers pour faire face à la crise des réfugiés. Cette crise nécessite une réponse ambitieuse et coordonnée, en partenariat avec les agences de l’ONU, les États Membres, les ONG, et bien sûr les autorités turques », a déclaré Jean Arthuis (ADLE, FR), président de la délégation de la commission des budgets. « Ce que nous avons ressenti très fortement aujourd’hui c’est l’urgence quant à la mise en oeuvre de mesures concrètes pour répondre aux attentes des réfugiés. Pour éviter toute perte de temps, nous nous sommes permis de dire à nos interlocuteurs, c’est-à-dire les représentants du gouvernement et du Parlement turcs, qu’il devait y avoir une totale transparence dans leur estimation des besoins. Il en va de l’effectivité et de l’efficacité des moyens mis à disposition », a-t-il ajouté.
Besoin de rapidité, mais aussi d’une mise en oeuvre correcte, les députés, dans leurs réunions avec les membres et les fonctionnaires des gouvernement et Parlement turcs ainsi qu’avec des représentants de la Commission européenne, des États membres de l’UE, des partenaires internationaux et locaux et des ONG de droits de l’homme, ont insisté sur la nécessité de contrôler et de surveiller adéquatement la manière dont les fonds sont dépensés. D’autre part, ils ont souligné l’urgence croissante à les mettre en oeuvre rapidement, puisque de nombreux réfugiés continuent d’arriver à la frontière avec la Syrie et que la situation politique sur le terrain est de plus en plus complexe. Ils ont étudié, entre autres, les moyens pratiques pour coordonner et canaliser les nouveaux fonds.
Nouveau « fonds pour réfugiés » de 3 milliards d’euros: le Parlement européen se prononce sur un tiers du paquet. Selon la Commission européenne, l’UE est le principal donateur dans la réponse internationale à la crise syrienne, avec plus de 5 milliards d’euros provenant de l’UE et des États membres collectivement dans l’aide humanitaire, au développement, l’aide économique et la stabilisation humanitaire. Le soutien de l’UE va à la fois aux Syriens dans leur pays et aux réfugiés et leurs communautés d’accueil dans les pays voisins, à savoir au Liban, en Jordanie, en Turquie et en Irak. La commission des budgets du Parlement européen, qui, avec le Conseil de l’UE, constitue l’autorité budgétaire de l’UE, a un intérêt évident à recueillir des informations sur le terrain pour alimenter les débats et les décisions concernant la rectification des budgets de l’UE ainsi que les futurs budgets européens, en particulier concernant le nouveau fonds pour les réfugiés de 3 milliards d’euros, auquel le budget de l’UE devrait apporter une contribution d’un milliard d’euros, comme récemment annoncé.
Pour en savoir plus :
Les membres de la délégation: Jean Arthuis (ADLE, FR, chef de la délégation), José
Manuel Fernandes (PPE, PT), Paul Rübig (PPE, AT), Inese Vaidere (PPE, LV), Jens
Geier (S&D, DE), Jean Paul DENANOT (S&D, FR), Anders VISTISEN (ECR, DK), Anneli
Jäätteenmäki (ADLE, FI), Younous Omarjee (GUE/NGL, FR), Ernest MARAGALL
(Verts/ALE, ES) et Marco ZANNI (EFDD, IT).
Commission européenne: support de l’UE en réponse à la crise syrienne: http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-16-222_en.htm
Commission des budgets: http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/budg/home.html
Mercredi 10 février, la Commission a consacré sa réunion hebdomadaire du collège des commissaires à la toujours plus pressante et urgente question de la « crise migratoire ». Dans ce cadre, la Commission a fait le point sur la situation en Grèce, en Italie et dans les Balkans occidentaux, en adoptant notamment plusieurs documents( cf. Pour en savoir plus) sur l’état d’avancement des mesures dédiées à faire face au flux considérable de migrants, ainsi qu’une recommandation pour la Grèce et en autorisant une suspension de 30% des relocations vers l’Autriche. Alors que la Danemark a décidé de prolonger les contrôles à sa frontières pendant 20 jours et alors que plusieurs voix s’étaient prononcé en faveur d’une exclusion de la Grèce de la zone Schengen lors de la dernière plénière du Parlement européen le 2 février. Le commissaire pour la migration Dimitris Avramopulus a insisté sur la nécessité d’une réponse et d’un engagement communs, qui permettraient « de trouver le juste équilibre entre responsabilité et solidarité ». Le plan d’action mis en place par la Commission consiste en trois points : une réelle mise en œuvre des hotspots, des mesures efficaces de relocation et, enfin, le refoulement des migrants qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier de la protection internationale. Comme a déclaré le premier vice-président de la Commission Frans Timmermans « les migrants qui ne demandent pas l’asile ou ne remplissent pas les conditions pour en bénéficier doivent, avec rapidité et efficacité, être identifiés et renvoyés ». En plus, la Commission a produit aussi un état des lieux pour ce qui concerne le plan d’action EU-Turquie, adopté en novembre 2015, en indiquant les mesures futures à prendre afin de rendre efficace la coopération en matière d’immigration.
Pour ce qui concerne la Grèce, la Commission avait déjà produit, début février, un rapport d’évaluation Schengen, où elle dénonçait un manque d’exécution des mesures de gestion de ses frontières extérieures. Ce mécanisme d’évaluation prévoit que, au cas où une sérieuse défaillance dans l’accomplissement des obligations découlant de Schengen soit attestée, la Commission peut élaborer des recommandations qui invitent l’Etat concerné à remédier à ses défaillances. L’Etat devra ensuite élaborer un plan d’action pour faire face à ses obligations. Dans le cas de la Grèce, la Commission a produit ses recommandations dans le cadre de l’art. 19b du Code frontières Schengen. Le pays aura donc 3 mois pour se conformer aux recommandations et mettre en œuvre des remèdes contre ses faiblesses. Faute de résultats satisfaisants, la Commission peut proposer au Conseil de réintroduire les contrôles aux frontières intérieures pendant plus que six mois, comme prescrit par l’art. 26 du même Code, possibilité envisageable en théorie dans le cas de la Grèce.
La Commission a ainsi souligné l’urgence de contraindre la Grèce à respecter les règles établies par le Règlement Dublin. Depuis 2011, en fait, suite aux décisions de la Cour de justice de l’Union Européenne et de la Cour Européenne des droits de l’Homme (M.S.S v. Grèce), les transferts des refugiés vers la Grèce au titre du règlement en question ont été suspendus, à cause des graves problèmes concernant les conditions d’accueil et de fonctionnement de son régime d’asile. La Commission a reconnu les efforts du gouvernement grec dans ces domaines : le pourcentage d’empreintes digitales collecté par les autorités du pays et insérées dans le système EURODAC a augmenté de 8% en septembre à 78% en janvier 2016 et les conditions d’accueil ont été améliorées. Pourtant, l’application de l’Agenda européenne pour la migration reste encore faible, surtout à l’égard de la mise en fonctionnement des hotspots : parmi les 5 prévus, seulement le centre de Lesbos est opérationnel. En même temps, la Commission souhaite une augmentation des capacités de réception : si la Grèce avait promis 50000 places disponibles en 2015, il en manque encore environ 17000 à présent. Le gouvernement grec, pour sa part, a déjà avancé son opposition aux considérations de la Commission, en affirmant que ses défaillances ne prouvent pas qu’il n’y a pas mise en œuvre de ses engagements et que le Code Schengen n’a pas été respecté et pendant ce temps les mesures étaient quand même prises pour faire face à la pression migratoire inédite qu’elle subit.
Pour ce qui concerne l’Italie, la Commission a observé que les points les plus critiques résident surtout dans la question de la mise en œuvre des hotspots, qui a été jugé très lente, à cause d’un manque d’infrastructure mais aussi de personnel et de coordination. Des six centres prévus (Lampedusa, Pozzallo, Porto Empedocle, Trapani, Augusta et Taranto), seulement ceux de Lampedusa et Pozzallo sont pleinement opérationnels. Les mêmes considérations ont été avancées pour ce qui concerne le processus de relocation. En fait, jusqu’à présent seulement 200 personnes ont été relocalisées en Italie. Négatif aussi l’état des lieux concernant les retours des migrants pas reconnus comme refugiés : en 2015, l’Italie a mené environ 14000 retours forcés, un chiffre insuffisante par rapport aux arrivées. En revanche, la Commission a reconnu une amélioration dans le domaine du relevé des empruntes digitales, dont le pourcentage est passé de 36% en septembre 2015 à 87% en janvier 2016.
Dans le cadre de son troisième rapport, la Commission a aussi abordé la question de la route des Balkans occidentaux. La priorité reste celle de garantir une gestion conjointe des flux par les pays impliqués et de faire de sorte que les pays de la zone cessent avec ladite politique du « laisser-passer ». Le commissaire Avramopulos a ainsi ressassé que bien que les immigrés aient le droit de demander l’asile, ils ne peuvent pas choisir leur pays d’accueil. Les capacités d’accueil de ces pays restent critiques par rapport aux nécessités liées aux arrivées des migrants.
La collaboration avec la Turquie a été aussi l’objet d’un rapport. La question avait été déjà soulevée lors de la dernière plénière du Parlement européenne, ou plusieurs eurodéputés se ont plaidé au regard des 3 milliards d’euros que l’Union a décidé de déployer pour aider les refugiés syriens en Turquie. Dans ce contexte, plusieurs parlementaires ont dénoncé le manque de transparence pour ce qui concerne l’utilisation de ces fonds (une partie est conditionnelle). Mercredi 10 février, la Commission a déclaré que les mesures mises en place par la Turquie étaient positives mais que beaucoup reste à faire pour agir afin de mieux régler et gérer les flux de demandeurs d’asile à travers ses frontières avec l’Union.
Enfin, la Commission a aussi autorisé la suspension de transferts des demandeurs d’asile vers l’Autriche, dans le cadre de l’art. 4.5 du Code Schengen, qui autorise la suspension temporaire des transferts attribués au pays en question.
Mais une question demeure, notamment pour ce qui concerne l’efficacité à long terme du système hotspots-relocations. Comme nous le savons, les hotspots ainsi que les relocations font partie des mesures mises en place par la Commission au mois de mai 2015, en tant que mesures d’urgence déployées afin de mieux gérer l’afflux exceptionnel d’immigrés, en aidant les Etats les plus frappés par les flux de refugiés, notamment la Grèce et l’Italie. Les hotspot avaient aussi une autre tache, celle d’accélérer l’identification et l’expulsion des immigrés en situation irrégulière. Un hotspot est défini comme « une section d’une frontière extérieure qui est caractérisée par une pression migratoire spécifique et disproportionnée, consistant en flux migratoires mixtes ». Dans ce cadre, l’Union Européenne fournit une aide opérationnelle concernant notamment l’identification des immigrés, l’enregistrement de la demande d’asile, la relocation et la poursuite des crimes, à travers l’intervention de FRONTEX, EASO et EUROPOL. L’Etat concerné reste quand même le seul en charge de l’accueil et de l’évaluation des demandes d’asile.
Les relocations temporaires représentent substantiellement une dérogation aux règles imposées par le Règlement Dublin, et font partie des mesures contenues dans les Décisions du 14 et 23 septembre 2015 adoptés dans le cadre de l’art. 78 TFUE. Tandis que, comme l’on sait, Dublin prévoit que l’Etat en charge du traitement d’une demande d’asile doit être celui de première arrivée du demandeur, les relocations permettent le transfèrement du demandeur dans un autre Etat de l’Union, selon des quotas préétablis. Une telle mesure serait appliquée jusqu’à septembre 2017, et devrait concerner un certain nombre de demandeurs, (66400 pour la Grèce et 39500 pour l’Italie).
Ce système de mesures d’urgence s’est avéré incapable de gérer la situation, au moins jusqu’à présent. Comme le ministre des Affaires étrangères Bert Koenders a déclaré lors de la dernière session plénière du Parlement européen, les personnes relocalisées, jusqu’à maintenant, ne sont que 400, un chiffre insignifiant par rapport aux arrivées et aux quotas fixés : pendant les premières six semaines de 2016, plus de 83210 migrants sont entrés en Europe, selon l’Organisation internationale des migrations, tandis que la Grèce et l’Italie seules ont vu l’arrivée d’environ 80000 personnes en 2015. Les deux pays ont été jugés presque les seules responsables de cette faillite. Même selon l’UNHCR, les deux pays devraient intensifier leurs efforts, notamment dans le domaine de l’accueil et dans la mise en place des hotspots. De toute façon, les facteurs qui ont fait de sorte que ces mesures n’aient pas fonctionné sont aussi attribuables à un manque de personnel déployé par l’Union, et donc de participation des autres Etats membres.
Pourtant, selon certains commentateurs, même si le schéma deviendrait pleinement opérationnel, et donc les deux pays rempliraient de façon complète leurs obligations en étant assistés par l’Union, la majorité des responsabilités resteraient quand même sur leurs épaules, notamment l’accueil, la réception et l’évaluation des demandes, la détention et, enfin, l’expulsion des migrants. Le même discours vaut pour les relocations. Les quotas fixés jusqu’à 2017 (4000 pour l’Italie et 64000 pour la Grèce) semblent insignifiants par rapport au nombre d’arrivées auxquels les deux pays doivent faire face.
Si la crise migratoire est désormais une question qui caractérise et va caractériser l’avenir de l’Union, il semble que les réponses mises en place vont quand même être conditionnées par l’attitude face des réactions d’urgence. De même, il faudrait aussi la création d’un couloir humanitaire qui puisse permettre aux demandeurs d’asile d’arriver en Europe sans avoir recours aux passeurs, question qui, pour l’instant, ne semble pas faire partie de l’Agenda de l’Union. Une réelle « re-conceptualisation » du fonctionnemen,dans sa totalité, du système d’asile paraît désormais être la seule solution mais, à défaut d’une solide volonté politique, elle ne semble pas encore envisageable.
Francesca Rondine
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