Le sport n’ a pas eu la place qu’il méritait lors du récent Sommet, mais il n’a pas été absent, loin de là, chose impensable il y a encore quelques années. Eulogos lui a toujours donné la place qu’il méritait, notamment au travers de ses articles intitulés : « le sport en danger ».Le sport est gravement menacé par plusieurs fléaux. La corruption dans le sport est certainement la mère de tous les vices, mais il ne doit pas faire oublier le reste : la violence, le racisme ; les discriminations portant sur l’origine ethnique ou le genre, le dopage, les matchs truqués, le trafic des jeunes joueurs, les mafias etc.
Le Comité International Olympique (CIO) a présenté ses initiatives
en matière de lutte contre la corruption lors du Sommet international contre la corruption organisé par le Premier ministre britannique, David Cameron, jeudi à Londres.
Accompagné du chief officer éthique et conformité du CIO, Pâquerette Girard Zappelli, le membre du CIO et président du Comité International Paralympique (IPC), Sir Philip Craven, a présidé une table ronde sur le sport. Le Sommet a adopté une « Déclaration mondiale contre la corruption ».
« La corruption est au cœur de très nombreux problèmes mondiaux. Nous devons en venir à bout si nous voulons que nos efforts pour mettre un terme à la pauvreté, promouvoir la prospérité et porter un coup d’arrêt au terrorisme et à l’extrémisme soient couronnés de succès », peut-on lire dans la Déclaration. « Le Sommet d’aujourd’hui témoigne du profond engagement d’un grand nombre de pays, entreprises et membres de la société civile de travailler main dans la main pour combattre ce fléau. » Lire l’intégralité de la Déclaration ci-dessous « pour en savoir plus ».
Le communiqué publié à l’issue du Sommet déclare : « Nous saluons l’action des organisations internationales de sport visant à renforcer leur esprit d’ouverture et à améliorer leur gouvernance afin de répondre aux meilleures pratiques mondiales. Nous les encourageons vivement à se conformer aux normes internationales les plus élevées et à regagner la confiance du public grâce à une culture de bonne gouvernance. Nous reconnaissons l’autonomie conférée aux organisations internationales de sport en application des législations nationales. Nous pensons qu’elle doit s’exercer de manière responsable et se mériter en appliquant en permanence des principes de bonne gouvernance dans un esprit d’ouverture. » Le Sommet a notamment salué l’initiative prise par le CIO de mettre en place un partenariat international pour l’intégrité du sport en marge du Forum international sur l’intégrité du sport prévu à Lausanne début 2017.” Lire le communiqué ici.
Le Sommet avait pour ambition de susciter une réponse mondiale afin de lutter contre la corruption dans tous les secteurs de la société. Outre le plan d’action adopté pour s’attaquer à la corruption sous toutes ses formes, les participants à la rencontre ont abordé un certain nombre de questions parmi lesquelles le secret d’entreprise, la transparence gouvernementale, l’application des lois internationales contre la corruption et le renforcement des institutions internationales. Le Sommet a rassemblé des dirigeants mondiaux ainsi que des représentants des entreprises et de la société civile.
Le président du CIO, Thomas Bach, a déclaré : “Nous apprécions le fait que ce sommet ait reconnu les efforts du CIO et des organisations sportives en la matière. Le CIO a tous les instruments en place et la détermination de lutter efficacement contre la corruption. Mais comme toute autre organisation, nous ne sommes pas à l’abri d’éventuels actes répréhensibles. Dans les cas où cela arrive, nous avons prouvé que nous étions capables de réagir vite. Les réformes de l’Agenda olympique 2020 ont renforcé notre conviction qu’il nous fallait appliquer notre politique de tolérance zéro à cet égard. Nous allons poursuivre notre combat contre la corruption en lançant l’initiative, saluée par le Sommet, de mettre en place un partenariat international pour l’intégrité du sport.”
Le chief officer éthique et conformité du CIO, Pâquerette Girard Zappelli, a pour sa part indiqué : “Nous avons profité de cette occasion pour présenter toutes les mesures prises par le CIO pour lutter contre la corruption. Grâce à l’Agenda olympique 2020, la position de la commission d’éthique du CIO a été renforcée et la transparence augmentée au sein de l’organisation. Parmi ces mesures, citons l’établissement d’un registre des consultants pour la procédure de candidature à l’organisation des Jeux Olympiques et il y en a bien d’autres. Nous avons prouvé que nous luttions activement contre la corruption. Par exemple, le CIO a réagi immédiatement concernant Lamine Diack, ce déjà en novembre 2015 au moment des premières allégations à son égard. Résultat, il n’exerce plus aucune fonction aujourd’hui au sein du CIO. Nous continuons toutefois à suivre cette affaire de près et nous nous sommes constitués partie civile dans l’enquête menée par les autorités judiciaires françaises.”
Le Comité International Olympique est une organisation internationale indépendante à but non lucratif, composée de volontaires, qui s’engage à bâtir un monde meilleur par le sport. Il redistribue plus de 90 % de ses revenus au mouvement sportif au sens large, soit chaque jour l’équivalent de 3,25 millions de dollars (USD) pour aider les athlètes et les organisations sportives à tous les niveaux dans le monde.
Pour en savoir plus :
(FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2012-0025+0+DOC+XML+V0//FR
(EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2012-0025+0+DOC+XML+V0//EN
La Haute Représentante, Federica Mogherini, a exprimé à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, sa détermination à promouvoir et défendre les libertés d’opinion et d’expression partout dans le monde. Ces droits « doivent pouvoir être exercés par chacune sur la base des principes d’égalité de non discrimination et d’universalité, par quelque média que ce soit et sans considération de frontières (…) C’est un élément essentiel de la gouvernance démocratique et du développement » .
Federica Mogherini a rappelé que l’UE condamnait l’augmentation des actes d’intimation et de violences auxquels des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des acteurs des medias et d’autres personnes se trouvent confrontées dans de nombreux pays lorsqu’ils exercent leur droit à la liberté d’opinion et d’expression en ligne et hors ligne. « Outre les violences manifestes, l’UE est déterminée à lutter contre les législations ou pratiques qui imposent une censure, encouragent l’autocensure prévoient des sanctions pénales, financières et administratives, permettant des abus d’une puissance de marché et créent des conditions économiques défavorables ». L’UE a adopté, en2014, des orientations dans le domaine des droits de l’homme relatives à la liberté d’expression en ligne et hors ligne.
De son côté la présidente de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen, Elena Valenciano (S&D espagnole)et la présidente de la commission de la culture et de l’éducation, Silvia Costa (S&D italienne) se sont dites « très préoccupées par l’érosion constante de la liberté de la presse dans le monde’, rappelant que selon divers rapports, la liberté de la presse a atteint son plus bas niveau en 12 ans, avec des reculs dans toutes les régions du monde. 3Le Parlement demeure fermement attaché aux principes de liberté d’expression et d’information en tant qu’élément fondamental d’une société démocratique et pluralistes » ont souligné les deux députées européennes, ajoutant que la libre diffusion de l’information et des idées était un des moyens les plus efficaces pour promouvoir la tolérance. Elles ont sont souhaité que l’UE continue de conduire des efforts internationaux pour garantir une presse libre de harcèlement et de censure et renforce son soutien à l’accès universel à une information indépendante.
La Commission européenne a annoncé que le deuxième colloque annuel sur les droits fondamentaux, prévu les 17 et 18 novembre 2016, porterait sur le « pluralisme des médias et la démocratie ».
Pour en savoir plus
Dans un contexte mettant en exergue les points d’achoppement entre les concepts d’intérêt public que sont d’une part le respect des droits fondamentaux des citoyens et d’autre part l’assurance de leur sécurité, les négociations entre Bruxelles et Washington relevant du ‘transfert de données personnelles’ du TAFTA (Trans-Atlantic Free Trade Agreement) prennent toute leur ampleur.
LE TAFTA, ?
800 millions de consommateurs, 25% du Produit Intérieur Brut mondial mais un marché en partie protégé : l’objectif du Traité transatlantique est d’instaurer une zone de libre échange et de marché commun entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Cela nécessite d’une part une diminution, voire la suppression, des barrières douanières, pour celles qui subsistent encore, et d’autre part et essentiellement une harmonisation des normes en cours au sein des deux parties. C’est ce dernier point qui se révèle le plus ambitieux et complexe : la possibilité matérielle de réaliser l’harmonisation des normes constitue en effet la cause principale du retard accumulé durant les négociations.
Les défenseurs du TAFTA mettent en avant une augmentation des exportations ainsi qu’une entrée de 100 milliards d’euro dans les caisses des deux parties. Dans cette optique, l’enjeu principal reste le commerce, comme le montre la proportion de négociateurs faisant partie du secteur privé, très nettement supérieure aux représentants de la société civile (avec un ratio de 90 pour 10% environ).
Les premières négociations ont débuté en 2011. Régulièrement dénoncées pour leur opacité, et malgré les mises à jour régulières du Parlement européen sur l’avancée des négociations via son site internet, le manque de transparence reste bien réel. En outre, une partie des documents est consultable, mais uniquement dans quelques salles sécurisées où tout emprunt ou prise de notes est formellement interdit.
Le volet ‘protection de données’ a émergé notamment suite aux révélations en 2013 d’Edward Snowden qui ont mis en lumière les méthodes employées par les agences intergouvernementales américaines, en l’occurrence la NSA (National Security Agency). L’utilisation des données personnelles et l’intrusion dans la sphère privée des citoyens américains mais aussi européens justifiées par l’impératif de défense nationale pose la question du respect d’un droit civil fondamental consacré par l’Union européenne, celui du respect de la vie privée. Or, le transfert de données vers des firmes américaines pose ainsi très clairement la question de leur protection.
Depuis mars 2016, certains élus du Parlement européen demandent à ce qu’un vote ait lieu au sujet du volet ‘protection des données personnelles’ contenu dans le TAFTA approuvé début février par la Commission. Cette volonté (exprimée par une partie des députés européens de placer la protection des données transférées vers les firmes américaines à l‘ordre du jour du Parlement) peut à première vue sembler étonnante, et même démontrer la faiblesse de cet organe européen par rapport à son pendant ‘exécutif’ qu’est la Commission. En effet, si ce vote se tient, il n’aura en tout et pour tout aucune valeur juridique contraignante : dès lors, quelle serait donc son utilité ?
A l’initiative des parlementaires libéraux et socialistes, l’inscription à l’ordre du jour du Parlement du Privacy Shield (Bouclier de confidentialité) vise à mettre en avant les lacunes d’un chapitre du TAFTA qui met à mal la protection de la vie privée des citoyens européens.
Cette problématique faisait déjà l’objet d’un accord antérieur aux négociations du Traité transatlantique et était alors régie par le Safe Harbor qui devait fournir un niveau de protection des données personnelles au moins équivalent à celui assuré par l’Union européenne avant de permettre le transfert de ces données vers les Etats-Unis. Fixés par la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, quatre principes devaient être respectés : la sécurité des données, le consentement clair et informé pour le partage d’informations personnelles ainsi qu’un droit d’accès, de rectification et de suppression, l’information des personnes concernées et enfin, pouvoir s’opposer au transfert et/ou à l’utilisation de ses données pour d’autres finalités. Suite à une saisine de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) par la Haute Cour de Justice irlandaise, les autorités européennes ont jugé que la protection offerte par le Safe Harbor se révélait finalement insuffisante au regard des principes fixés par l’Union, notamment de par la facilité avec laquelle les agences gouvernementales américaines pouvaient avoir accès à ces données ; le Patriot Act se montre en effet très souple dès lors que l’impératif de défense nationale est brandi (CJUE, 06 octobre 2015, affaire C362/14).
Ainsi invalidé, c’est dans le cadre du TAFTA que son successeur, le Privacy Shield, est actuellement négocié alors que l’usage du Safe Harbor est devenu illégal : Facebook s’est ainsi vu rappelé à l’ordre pour avoir continué de s’y référer et doit, sous un délai de trois mois, se conformer à la décision de la CJUE sous peine d’une sanction financière.
La mise au point d’un nouveau protocole apparait donc comme étant particulièrement urgente. Le Privacy Shield a ainsi été négocié jusqu’au 02 février 2016 mais aucun texte n’a pour le moment était rendu public car, comme pour le reste des thématiques et domaines touchés par le TAFTA, la transparence des négociations est quasi-nulle et seules quelques lettres d’intentions sans valeur juridique ont été communiquées. Les négociateurs justifient cette opacité par le caractère sensible des compromis à négocier du fait du fossé tant en termes de culture que de réglementation commerciale qui sépare l’Europe et les Etats-Unis.
Le G29, le groupe des CNIL (Commissions nationales de l’informatique et des libertés) européennes, a ainsi formulé une demande de complément d’informations dans la mesure où, en plus des principes tirés de la directive de 1995, il met en avant deux éléments qui doivent, selon lui, être inclus dans cet outil de protection afin de garantir la vie privée et de légaliser par ce biais le transfert de données personnelles vers les Etats-Unis : d’une part, les citoyens européens doivent pouvoir bénéficier d’une protection juridique efficace via la création d’un médiateur indépendant, et d’autre part le principe de surveillance de masse doit être étroitement encadré. Or, le G29 tout comme les parlementaires demandant un vote symbolique sur la question du transfert des données personnelles émettent de sérieuses réserves sur le respect de ces deux derniers points. L’indépendance du médiateur pose en effet problème puisque les négociateurs proposent la mise en place de tribunaux arbitraux (qui existent déjà dans le cadre d’autres accords). Cette forme de justice à sens unique – puisque seules les entreprises peuvent attaquer les Etats et que l’inverse n’est pas possible – est surtout problématique dans le sens où la neutralité des arbitres peut sérieusement être mise en question, certains étant en parallèle lobbyistes ou encore avocats d’affaires. D’un autre côté, un certain scepticisme est également de mise concernant les limites à apporter à la surveillance de masse face à l’enjeu de la défense nationale, d’autant qu’aucune mesure américaine n’a été édictée en ce sens, le Patriot Act, bien que très intrusif, demeurant le cadre en vigueur depuis octobre 2001.
Or, sans ces restrictions, le Privacy Shield ne survivra pas à une nouvelle décision de la CJUE, laissant ainsi l’économie numérique pourtant en plein essor dans un flou juridique instable préjudiciable à une production de richesses qui pourrait venir renforcer une croissance essoufflée – outre bien sûr le vide dans la protection de la vie privée des citoyens européens. D’autant que cette évolution pose une autre question : si les données les plus personnelles des Européens ne peuvent bénéficier d’un minimum de protection, qu’en est-il des autres ?
Aujourd’hui toutefois, la suite des négociations sur le Privacy Shield a pris du retard : initialement attendu en janvier 2016, l’accord a finalement été repoussé à juin. L’inscription à l’ordre du jour du Parlement européen du Bouclier de confidentialité est actuellement attendu pour le 25 ou le 26 mai.
L’essoufflement des négociations sur le TAFTA est cependant de plus en plus marqué et le volet de protection des données personnelles en pâtit. L’un des coups de frein les plus récents s’explique en partie par les révélations apportées par Greenpeace : les documents rendus publics montrent en effet des négociateurs américains butés sur leurs positions et peu enclins au compromis. Ces ‘fuites’ viennent apporter de l’eau au moulin des opposants au Traité, d’autant que certains pays européens, notamment la France, l’Autriche et l’Allemagne, se montrent de plus en plus réticents à ce sujet. Les échéances électorales à venir dans ces Etats peuvent expliquer ce repli, d’autant que du côté des Etats-Unis, outre le changement de chef d’Etat également prévu pour 2017, le concept de libre échange est de plus en plus pointé du doigt. Si les autorités européennes se montrent rassurantes et malgré le calendrier officiel qui prévoit une rencontre entre les négociateurs à Washington du 16 au 18 mai au sujet du Privacy Shield, le contexte international tendu renforce les clivages idéologiques sur de multiples points, y compris sur la question du transfert des données personnelles et leur traitement.
Par ce vote, les parlementaires européens viennent cependant rappeler à la Commission toute l’importance de ce volet et du cadre législatif européen qui doit être respecté.
Les nouvelles technologies demandent une mise à jour de la législation dans un contexte où la tension entre sécurité et liberté est de plus en plus tangente et par ce biais, le Parlement vient ainsi jouer son rôle de lanceur d’alerte en tant que représentant des citoyens de l’Union européenne auprès de la Commission, d’autant qu’au sein-même de l’Union, certaines politiques nationales ont été jugées trop intrusives et mettent à mal la balance respect des droits fondamentaux / sécurité publique.
Et en Europe, on en est où en matière de protection des données personnelles ?
Depuis le début de l’année 2012, les autorités européennes travaillent conjointement dans l’optique d’élaborer une politique numérique européenne commune, politique votée durant le mois d’avril 2016 par le Parlement qui avalise ainsi une protection global pour les 28 Etats membres qui profitera tant aux citoyens qu’aux entreprises européennes.
Ce corpus fait suite à la dernière directive européenne qui encadrait ce domaine et qui datait de 1995 ! Le General Data Protection Regulation (GDPR) constitue – comme son nom l’indique – un outil de régulation visant à mettre fin aux nombreuses contradictions que rencontraient notamment les entreprises en matière de politique de protection des données personnelles au sein de l’Union européenne. Jusqu’à aujourd’hui, les entreprises européennes dépendaient du pays où se trouvait leur siège social. La multitude de réglementations en cours pesait alors surtout sur les petites et moyennes entreprises dont la compétitivité était ainsi mise à mal.
L’élaboration du GDPR constitue également un précédent dans les relations entre l’Union européenne et les Etats-Unis dans la mesure où elle a donné lieu aux premières réelles incursions du lobbyisme américain auprès des institutions européennes. D’abord défavorables à ce projet, les Etats-Unis ont ensuite changé d’approche à la suite notamment de l’invalidation du Safe Harbor et des difficultés que rencontraient les négociations portant sur le Privacy Shield, l’absence de réglementation européenne sur ce sujet se révélant finalement source d’instabilité. Une certaine urgence à légiférer sur ce sujet était ainsi bien présente.
C’est sous l’égide de Viviane Reding que les négociations ont débuté vers l’élaboration d’un « Digital single market » offrant une meilleure protection de leur vie privée aux citoyens de l’Union européenne. Alors que plus des trois quarts des Européens n’ont pas confiance en la manière dont leurs données personnelles sont exploitées par les entreprises comme par les gouvernements, le GDPR doit venir poser plusieurs mécanismes et mesures législatives visant à rendre l’Internet plus sûr pour les données personnelles et à favoriser la coopération policière au sein de l’Union puisque les firmes ne respectant pas ce package seront sanctionnées.
La mise en place et la ratification par chaque Etat membre de la nouvelle régulation devrait demander deux années selon Mme Reding qui suggère, outre la mise au point d’une campagne d’information et d’une certaine forme de ‘guide’ à destination des entreprises et des citoyens européens, ainsi que l’implémentation d’une autorité de protection des données qui sera en charge de recueillir les recours dans ce domaine.
La fin des barrières numériques au sein de l’Union européenne marquera donc la naissance d’un marché digital commun, permettant selon les prévisions effectuées de peser favorablement sur la croissance économique mais aussi sur la recherche du point d’équilibre entre le respect du droit à la vie privée et la sécurité tant nationale que régionale et internationale.
Toutefois se pose la question de la compatibilité du GDPR avec les mesures négociées dans le cadre du TAFTA. Or, comme le rappelle Mme Reding, l’invalidation par la CJUE du Safe Harbor tenait à ses lacunes en termes de protection des données personnelles face à l’impératif de défense nationale et de sécurité invoquées par les agences américaines afin d’y avoir un accès quasi-illimité, élément toujours présent au sein du Privacy Shield. Ce dernier court donc le risque d’être invalidé comme son prédécesseur dès sa mise en place : « You can call it by another name and give it fresh colours, but the problem has not been solved. »
Les données personnelles, un vivier d’informations facilement manipulable
Les révélations d’Edward Snowden sur les méthodes employées par la NSA et les logiciels d’interprétation et de traitement de données ont démontré les pouvoirs presque démesurés des agences gouvernementales américaines consacrés par le Patriot Act (Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism). Les mesures convenues entre l’Union européenne et les Etats-Unis dans le cadre du Safe Harbour présentant des lacunes, la NSA a mis au point le logiciel PRISM permettant de scanner les communications numériques via les principaux services utilisés par le public. Couplé au programme XKeyscore, l’objectif était de parvenir à croiser les différentes données recueillies. Le résultat a dépassé les espérances de la NSA dans la mesure où les informations ainsi récupérées via les mails, les conversations privées, les dossiers ayant transité sur le net etc… se sont révélées extrêmement précises. Les données ainsi recueillies était pour certaines conservées plusieurs jours par la NSA.
Outre les citoyens américains, d’autres populations étaient ciblées, dont les Européens, y compris les autorités des pays membres et européennes.
Emmanuelle Gris
En savoir plus :
Je prends quelques jours de vacances, loin, très loin du vieux continent, laissant le Brexit (en photo Margaret Thatcher lors de la campagne référendaire de 1975), le Grexit, le Nederxit, la crise des réfugiés, l’effondrement belge, le terrorisme, etc, derrière moi. Retour aux manettes de ce blog fin mai. A bientôt: vous avez quinze jours pour tout remettre d’aplomb ;-)
Au lendemain de la publication de mon article sur le «failed state» belge dans Libération qui a causé beaucoup de remous dans le plat pays, La Libre Belgique m’a interrogé sur le regard que je portais sur le royaume. L’entretien a été publié samedi et repris dimanche dans la Dernière Heure. Etonnament, il a été reçu plutôt positivement. Pour compléter le tableau d’ensemble d’un pays en pleine déliquescence où l’intérêt national semble avoir totalement disparu, on peut ajouter le procès de la filière terroriste de Verviers qui a débuté lundi matin a dû s’interrompre à 16 heures, lorsque la sécurité a plié bagage, la grève des gardiens de prison qui privent les prisonniers de douches, de sorties, de visites depuis 17 jours (et les trois repas sont servis le matin en vrac), et hier la grève surprise des bagagistes d’un aéroport de Bruxelles que tout le monde semble s’ingénier à vouloir couler définitivement (après la grève des policiers puis de Belgocontrol puis les queues délirantes causées par des mesures de sécurité absurdes)... Bonne lecture!
Après la publication de votre article dans Libération sur l’Etat belge qui a failli, vous avez une nouvelle fois fait l’objet de critiques acerbes. Certains lecteurs se demandent même « pourquoi vous restez dans un pays sur lequel vous crachez » ?
En clair, comme étranger, je n’aurais qu’un seul droit, celui de me taire ! Je rappelle, pour ceux qui ne l’auraient pas compris, que je suis journaliste, que j’exerce un droit fondamental, celui de la liberté de la presse, et que je suis à Bruxelles, comme plusieurs centaines de mes collègues, pour suivre les institutions européennes, puisque la capitale de la Belgique est aussi celle de l’Union, et, dans la mesure de mes disponibilités, la Belgique. Ma fonction, mon devoir, c’est de décrire ce que je vois, de l’analyser, d’être critique et de pointer les dysfonctionnements, même si, et je dirais surtout, si cela déplait et fait mal. L’ADN du journaliste, ce n’est pas d’être porte-parole ou communicant, ce n’est pas de chercher à plaire à tout le monde, mais de concourir à préserver la démocratie. Ces attaques ont d’autant moins de sens que je n’ai pas choisi de vivre ici, pas plus que l’ensemble des journalistes, des fonctionnaires européens, des diplomates ou des lobbyistes présents dans ce pays. Pour certains Belges, manifestement, tout étranger n’est que toléré dans ce pays et, pour se faire accepter, il n’a d’autres choix que d’être perclus d’admiration pour la société d’accueil! Cette vision, d’un paternalisme sidérant en soi, est tout simplement intolérable dès lors que l’on prétend l’appliquer à des Européens qui n’ont pas d’autres choix que d’être dans ce pays parce qu’il accueille les institutions communautaires. Les Belges qui me critiquent parce que je suis critique, devraient se rappeler que leur pays, dont ils sont si fiers, s’est battu pour obtenir le siège de l’Union et que dès lors leur Royaume est aussi celui de tous les Européens : nous avons autant le droit qu’eux de le critiquer et de l’aimer. Si cela en gêne certains, on peut régler le problème simplement en déménageant les institutions. Strasbourg serait ravi ! On ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière…
Vu la répétition de vos papiers écrits à l’acide, certains se demandent si vous n’aimez pas le pays ou si vous dénoncez uniquement son fonctionnement.
La question n’est pas de savoir si j’aime ou si je n’aime pas la Belgique ou Bruxelles. Comme tout journaliste, je cherche des angles, de préférence les plus aigües possible, afin de donner envie à mes lecteurs l’envie de lire mes articles. Manifestement, c’est réussi, puisque vous me faites l’insigne honneur de me questionner sur mes papiers… De plus, le regard extérieur des journalistes étrangers, forcément plus angélique et moins cajolant que celui des journalistes belges qui n’ont plus toujours le recul nécessaire, est intéressant pour le pays que l’on couvre. On concourt au débat démocratique, on l’enrichit. Ainsi, en écrivant ‘Bruxelles, pas belle !’, en 2013, j’ai rendu un signalé service aux Bruxellois en replaçant la politique de la ville au centre du débat politique. Vous pensez réellement que les Bruxellois sont heureux de vivre dans une ville que l’on a consciencieusement saccagée à coup d’autoroutes urbaines et d’opérations immobilières qui ont détruit une partie de son patrimoine architectural, de subir des services publics déficients, comme le ramassage des poubelles ou l’absence totale de coordination des travaux d’entretien quand il y en a, de subir un mille-feuille institutionnel qui permet à chacun de ne jamais se sentir responsable de ce qui ne va pas ? Les Belges peuvent être contents que les journalistes étrangers jouent les chiens de garde face aux dysfonctionnements qui empoisonnent lentement cette ville et ce pays.
Ce qui blesse aussi, c’est de lire un tel article alors qu’on est à un mois après les attentats de Bruxelles. Était-ce le bon timing pour flinguer la Belgique ?
Mes confrères du Monde, je vous le rappelle, ont publié un éditorial au vitriol, au lendemain des attentats de Paris du 13 novembre, en qualifiant la Belgique « d’Etat déliquescent » lorsqu’on a découvert que Molenbeek était un véritable nid de daeschistes. Le site américain Politico a fait exactement le même constat quelque temps plus tard. J’avais trouvé, à l’époque, que l’on manquait encore d’éléments pour faire une telle analyse, la France n’ayant guère été plus glorieuse pour prévenir la constitution de ghettos ou démanteler les filières djihadistes. Mais, à la fin novembre lors du fameux lockdown de Bruxelles, il est devenu évident que ce pays ne tournait plus rond. C’était une décision totalement folle, alors qu’il n’y avait pas eu d’attentats en Belgique, une décision qui n’a d’ailleurs pas été expliquée à ce jour ! Aucune ville au monde ayant été victime dans sa chair du terrorisme, que ce soit Paris, Londres ou Madrid dernièrement, n’a subi un tel traitement qui a coûté 0.1% de PIB au pays ! C’était le signe d’une panique totale au plus haut niveau de l’État à un moment où il fallait au contraire se montrer ferme face au terrorisme et rassurer la population. Là, l’État belge s’est avoué vaincu et a paniqué ses citoyens.
Vous vous êtes donc retenu d’écrire en novembre ?
Oui, car je me disais que le pays découvrait qu’il était une cible terroriste, comme la France l’était et comme tout pays qui veut jouer un rôle le devient à un moment donné. La Belgique n’est pas la Suisse, même si c’est un petit pays : elle est membre de l’Union et de l’OTAN. Peut-être lui fallait-il un peu de temps pour réagir, pour se mettre en ordre de bataille. Mais on a petit à petit découvert une accumulation proprement sidérante de ratés dans la gestion de la crise qui montre une faillite de l’État. Ainsi, Salah Abdeslam n’a été interrogé que 2 heures en tout et pour tout la veille des attentas de Bruxelles. Arrêté en France, il aurait fait 96 heures en garde à vue et on ne l’aurait pas laissé beaucoup dormir d’autant qu’on savait qu’il avait été en contact avec des membres du réseau qui a frappé Paris et que d’autres attentats étaient sans doute en préparation. Deux heures d’audition seulement, mais qui ont immédiatement fuité grâce, il faut le reconnaître, à François Molins, le procureur de Paris. Résultat, les terroristes, avertis que leur camarade risquait de les balancer, ont décidé de se faire sauter à Bruxelles. Pire : on apprend que le chef de la police de Malines connaissait le lieu de la cache d’Abdeslam, mais n’a pas jugé utile de transmettre l’information à sa hiérarchie. Puis, c’est la gestion ahurissante de la période post-attentats qui montre que le lockdow de Bruxelles était bien la démonstration d’un État incapable de faire face à la menace terroriste.
Vous visez qui là ?
Pas les secours, en tous les cas, qui ont été formidables ! Mais pourquoi avoir fermé pendant plusieurs semaines la moitié des stations de métro, stopper la circulation à 19h puis à 21h, fermer la plupart des sorties ? Des décisions délirantes : les rames étaient bondées en fin d’après-midi, tout comme les trams et les bus, ce qui a créé des cibles potentielles pour les terroristes. Comme si un attentat ne pouvait avoir lieu que dans une station sur deux ou après 19h… Pis : il a fallu un mois pour rouvrir l’aéroport, le poumon économique et la vitrine internationale du pays… et que voit-on ? Des files de centaines de personnes que l’on fouille avant de les laisser entrer dans le hall d’enregistrement, là aussi autant de cibles pour les terroristes, des milliers de passagers qui loupent leur vol et tout le monde qui se renvoient la balle. Et pourquoi cela ? Parce qu’un syndicat policier exige plus de sécurité à l’aéroport alors qu’il se préoccupe moins du métro où pourtant, il y a eu plus de morts et de blessés. Mais il est vrai qu’il y a moins de policiers dans le métro qu’à Zaventem. En clair, c’est un syndicat qui décide de l’avenir économique d’un pays. Ce feuilleton a fait déborder le vase…
Sur Twitter, vous conseillez aux voyageurs de passer par Paris ou Schiphol…
Qui a envie de faire la file dehors pendant plusieurs heures avant de pouvoir prendre – ou manquer - son avion ? Brussels Airport avait l’ambition de devenir un grand hub international, mais, à ce rythme, il deviendra vite un aéroport régional incapable de gérer un trafic d’envergure. Autre démonstration de l’illogisme total qui préside aux décisions de l’Etat : à Bruxelles-Midi, il n’y a plus aucun contrôle avant d’embarquer dans le Thalys, alors que la Gare du Nord à Paris est sécurisée. Pourtant, le Thalys a échappé par miracle à un attentat sanglant en août dernier, le terroriste ayant embarqué à Bruxelles. Et en quoi une gare est-elle moins exposée qu’un aéroport ? Comprenne qui pourra.
Certains vous invitent à regarder en France avant de critiquer la Belgique…
Je n’ai pas ménagé mes critiques contre le gouvernement français dans Libération et sur mon blog. Les attentats du 13 novembre ont démontré que la France – services de police et de renseignements en tête - a dysfonctionné puisqu’on n’a pas pu empêcher deux attentats d’envergure en un an. J’ai aussi été très critique des mesures décidées dans la précipitation par le gouvernement, du rétablissement du contrôle aux frontières à l’État d’urgence en passant par la proposition de déchoir les binationaux accusés de crime et de délit contre la nation de leur nationalité française ou encore par la loi de réforme du code de procédure pénale qui menace l’État de droit. Mais le post-attentats a révélé que l’État belge était miné de l’intérieur par des dizaines d’années de lutte entre néerlandophones et francophones qui ont rendu le pays en grande partie ingérable. Et puis soyons sérieux. Qu’est-ce qui a fait le plus de mal à l’image de la Belgique ? Mon article ou les déclarations du ministre de l’Intérieur, le nationaliste Jan Jambon, qui, en quelques jours, nous gratifie d’une sortie antisémite, puis d’une ahurissante stigmatisation de la communauté musulmane ?
À lire les critiques
contre vous, le fait que vous soyez français énerve d’autant plus ?
Il y a un certain racisme anti-Français en Belgique francophone qui est totalement toléré et qui ne suscite guère de débat. Vous imaginez une seule seconde qu’on dise « Toi, le Marocain, va plutôt voir ce qu’il se passe à Marrakech ! » ou « Toi, l’Algérien, vas voir ce qu’il se passe à Alger ! » ? Que l’on conteste le fond d’un article, soit, mais la nationalité de son auteur, c’est proprement intolérable.
En 2013, vous aviez épinglé l’état lamentable des tunnels bruxellois. L’avenir vous a donné raison.
Même Charles Picqué, l’ancien ministre-président régional, parlait « d’égouts à bagnoles ». Sincèrement, ils font peur les tunnels bruxellois : les voitures foncent dedans, des morceaux de béton tombent, ils menacent de s’effondrer par manque d’entretien. Et moi, je me suis fait insulter pour avoir dénoncé cela. À Boston, ils ont complètement enterré l’autoroute sous terre. À Paris, on a fermé les autoroutes urbaines. La réalité bruxelloise, c’est que dès qu’on a de l’argent, on fiche le camp de cette ville à travers les tunnels. Si Bruxelles parvenait à garder sa classe moyenne, on aurait moins de ghettos dans certaines communes. Le problème, c’est que les dirigeants socialistes ne vivent pas à Bruxelles. Donc, au lieu de supprimer les tunnels et tirer les leçons du passé, ils vont les refaire pour arriver le plus vite possible et repartir tout aussi vite le soir en bagnole ! Cette ville est la seule au monde où le ‘tout bagnole’ reste la règle…
Oui, mais la façon de mettre en place le piétonnier n’est pas plus rassurante pour l’avenir de la ville, si ? L’objectif était justement de satisfaire les Bruxellois en interdisant drastiquement la voiture.
Le piétonnier, c’est le symbole de la gestion de la Belgique ! On prend le problème à l’envers. Évidemment qu’il faut un piétonnier après une adaptation des moyens de transport. À Strasbourg, lors de la mise en place du tramway, la ville réduisait petit à petit la circulation automobile. Cela a permis aux gens de s’habituer à un centre 100% piétonnier. À Bruxelles, on a fait l’inverse, en bloquant d’une seule traite l’équivalent des Champs-Élysées et de ses alentours, et ce, sans l’aménager immédiatement, sans le rendre attractif, sans alternative de transport et en ne permettant plus le passage d’un côté à l’autre de la ville. Aller au centre-ville en voiture, c’est devenu un suicide. Une nécessité absolue pour l’avenir de Bruxelles se transforme en catastrophe économique ! Il devrait y avoir des écoles pour enseigner ça…
Vous flinguez toute une série de dysfonctionnements, mais quelle cause commune voyez-vous à cela ?
La Belgique centralisée fonctionnait très bien. Les dysfonctionnements ont commencé avec la fédéralisation du pays et la régionalisation de certaines compétences au fil des 6 réformes de l’État. Vous imaginez, six changements constitutionnels profonds en à peine 40 ans ? Aucun pays n’est capable de survivre à de tels changements en si peu de temps. Lors de négociations aux couteaux, on a dépecé l’État central sans aucune logique. Par conséquent, on ne sait plus qui est responsable et qui décide. Cette lasagne institutionnelle fait que tout le monde ne cesse de se renvoyer la balle. Même à Brussels Airport, la police accuse l’État, qui lui accuse l’aéroport, qui lui-même dénonce les syndicats policiers. Bref, c’est la faute à personne… Personne n’est jamais responsable dans ce pays.
Mais il y a bien un responsable de cette évolution ?
Qui a dépecé l’État fédéral, si ce ne sont les nationalistes flamands ? La N-VA devrait logiquement se dire qu’il est temps de cesser ces conneries et remettre de l’ordre dans tout ça, mais elle ne le fera pas, car elle espère reconstruire un État central sans les francophones et limité à la Flandre. Au contraire, ce parti accuse le fédéral d’être responsable de la situation, c’est dire à quel point ce pays est malade. Il est poussé vers le précipice par les nationalistes flamands qui se succèdent depuis 40 ans. La 6e réforme de l’Etat a abouti à un Etat failli.
Que pensent les autres correspondants étrangers basés à Bruxelles ? Ils sont aussi sévères que vous ?
Je perçois un changement radical depuis le lockdown. Ils dénoncent quelque chose de pourri dans le Royaume de Belgique. Certains disent pour la première fois qu’ils en ont peur de tant de dysfonctionnements et incompétences étatiques. Ils envisagent de rentrer dans leurs pays. Ils n’ont pas peur du terrorisme, présent partout, mais craignent la folie des autorités belges à tous les niveaux. On a le sentiment d’être pris en otage par tant d’incompétences. Les correspondants américains sont même hystériques face à tant d’amateurisme. D’autant que la désorganisation des transports complique fortement notre travail de journalistes internationaux.
Entretien : Dorian de Meeûs
REUTERS/Eric Vidal
REUTERS/Eric Vidal
En ce 9 mai, fête de l’Europe, les quatre grands candidats à la primaire des Républicains (LR) ont livré leur vision de l’avenir de l’Union et les principaux éléments de leur programme. Classique, Nicolas Sarkozy a donné une interview au Figaro dont le lectorat est son cœur de cible, Alain Juppé, plus œcuménique, une tribune au Monde, François Fillon, plus racines régionales, a prononcé un discours à Schiltigheim, en Alsace, et, enfin, Bruno Le Maire, le seul germanophone de la bande des quatre, alivré sa vision à la Hertie School of Governance de Berlin, tout un symbole. On aurait aimé que François Hollande profite aussi de cette date pour enfin donner sa vision de l’avenir de l’Union à un an de la fin de son mandat, mais, sur le sujet, la procrastination semble être décidément son mantra… La droite semble plus assurée que la gauche sur la question européenne et, au sein des conservateurs, Bruno Le Maire se détache par un projet plus construit que celui de ses rivaux et qui, plus est, évite globalement les récriminations habituelles contre «Bruxelles».
«Grimace de dégoût»
Globalement, la bande des quatre est d’accord sur le diagnostic : l’Union va mal. «Dans dix ans, l’UE existera-t-elle encore ?», se demande ainsi François Fillon, qui estime qu’elle «fonctionne comme une bureaucratie», «un vieux corps malade». Alain Juppé insiste davantage sur les dangers du retour des nationalismes qui ronge l’Europe de l’intérieur, tout comme Bruno Le Maire : outre l’inquiétante Autriche qui dérive à nouveau vers le fascisme, «en Pologne, en Hongrie, en République tchèque, en Finlande, mais aussi en France et en Allemagne, le populisme progresse, sous des masques différents, mais avec la même grimace de dégoût devant la construction européenne». Le Maire est le seul à reconnaître la responsabilité du personnel politique dans le désamour à l’égard du projet européen : «qui pour pleurer sur cette Europe ? Personne. Qui pour crier contre cette Europe ? Tout le monde».
Tous partagent le même avis sur le bilan européen de François Hollande : «où est la France en Europe ? Nulle part», constate Le Marie. «La France manque à son rôle européen historique», renchérit Juppé. «La France est encalminée et l’Europe, la pauvre Europe, n’y est pourtant pour rien», constate Fillon : «la France de Hollande étant à la traîne, c’est l’Allemagne qui a pris les rênes de l’Union pour le meilleur comme pour le moins bon».
Les quatre candidats LR sont aussi d’accord sur la nécessité de poursuivre la construction européenne. «Qui pourrait rêver de revenir à une Europe des conflits et des espaces bornés ?» se demande Bruno Le Maire. «Si toute intégration européenne supplémentaire est désormais compliquée, une sortie de la construction européenne est encore plus hasardeuse», poursuit l’ancien ministre de l’Agriculture. «Il n’y a pas de réponse efficace en dehors du cadre commun européen», confirme Alain Juppé. François Fillon, lui, pour mieux justifier la construction communautaire, renoue avec le vieux discours gaulliste de l’Europe multiplicateur de la puissance de la France : «on ne relancera pas la France en défaisant l’Europe». Au contraire, «l’intérêt national commande d’être européen […] Lorsque la France est faible, elle subit l’Europe, lorsqu’elle est puissante, elle la conduit et l’Europe existe».
Référendum en France
Ces constats posés, comment relancer le projet européen ? Le discours de la méthode de Bruno Le Maire, est le plus abouti pour que le «renouveau européen» qu’il appelle de ses vœux se réalise : d’abord relancer l’axe franco-allemand (via une «structure de dialogue permanente» portant sur l’immigration, la défense et l’approfondissement de la zone euro) puis réunir les six pays fondateurs afin de préparer un nouveau traité qui sera soumis aux Vingt-huit. Il souhaite consulter les Français par référendum sur le projet qui émergera de ces travaux «pour refermer la blessure de 2005» : « ce sera un référendum pour un projet, pas contre notre appartenance à la construction européenne». Si l’ancien Président de la République veut aussi un «traité de refondation», il reste, tout comme son ancien Premier ministre, dans le «je» oubliant ainsi la méthode pour convaincre leurs partenaires de les suivre. Or, la France seule ne peut rien. C’est pourquoi Alain Juppé prend la précaution d’évoquer l’axe franco-allemand qu’il ne juge plus dépassé du tout, comme il le pensait il y a vingt ans…
Mais quelle Europe construire ? Tout le monde est d’accord là aussi : l’élargissement politique a échoué, et il faut geler les nouvelles adhésions, même si c’est un succès économique : «l’Europe à 28 membres a rendu caduc l’objectif d’une Europe fédérale […] et elle a déréglé le fonctionnement de l’Europe communautaire», analyse Fillon. Pour les quatre, il y a deux Europe, l’Europe des 28 et celle de la zone euro : «nous avons une Europe du marché et une Europe des valeurs. Nous avons une Europe du libre-échange et une Europe de la politique économique. Nous avons une Europe à 28 et une Europe à 19», résume Bruno Le Maire.
Ce dernier propose, pour l’Europe à Vingt-huit, la mise en place d’une «Commission réduite et plus transparente, des élections différentes au Parlement européen avec des groupes politiques plus clairs, la suppression de la Présidence tournante». Si Sarkozy ne formule aucune proposition institutionnelle précise, il estime que «l’Europe s’occupe de beaucoup trop de choses» : il veut recentrer son action sur une «dizaine de politiques communes prioritaires», sans dire lesquels. Au passage, il s’attaque à l’obscure «comitologie», certes un problème, mais qui mériterait une explication à elle seule, sachant que son extension doit beaucoup à la France de Sarkozy… Fillon, qui n’oublie pas qu’il a voté «non» à Maastricht, ne peut s’empêcher de s’en prendre au passage à cette Europe qui veut passer «la toise sur tous les sujets», mélangeant un peu tout dans cette attaque largement infondée. Il rejoint Sarkozy en exigeant une remise à plat de la politique européenne de concurrence qui devrait permettre l’émergence de monopoles européens comme aux États-Unis. Bref, les deux hommes veulent d’une grande Europe réduite aux acquêts, ce qui n’est le cas ni d’Alain Juppé ni de Bruno Le Maire qui semblent vouloir en rester à ce qui existe, sans aller plus loin.
Noyau dur
En revanche, tout le monde se retrouve sur l’approfondissement de la zone euro, la base de la «refondation», le «noyau dur» de la future Union, selon l’expression de Juppé. Comme le note Fillon, tant à propos de Schengen que de la monnaie unique, «les gouvernements ne sont pas allés au bout de la logique de leurs ambitions affichées». Fillon propose, pour la zone euro, la mise en place d’un «directoire politique […] avec des parlementaires nationaux désignés pour encadrer démocratiquement cette zone monétaire». Un parlement de la zone euro sur le modèle proposé en son temps par Joschka Fischer, le ministre vert des affaires étrangères allemand. Une idée que partage aussi Bruno Le Maire qui estime que le Parlement européen n’a pas la légitimité nécessaire pour exercer ce rôle. Outre l’harmonisation budgétaire, fiscale et économique souhaitait par la bande des quatre, Juppé ajoute l’harmonisation sociale. Sarkozy, lui, veut aussi créer un «Fonds monétaire européen et un secrétaire général du gouvernement économique qui agisse commun un véritable directeur du trésor» (donc avec la possibilité de lever des emprunts).
Autre élément de ce noyau dur, Schengen qu’il «ne faut pas renier», comme le dit Fillon : le contrôle des frontières extérieures doit devenir une politique communautaire. Juppé propose même d’aller plus loin et de transformer Europol et Eurojust en une «police et une justice directement compétente pour traiter de la grande criminalité internationale», une proposition très fédéraliste. Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire sont d’accord pour créer, selon les mots du maire de Bordeaux, une «vraie politique européenne de l’asile et de l’immigration». Sarkozy et Fillon clouent au pilori l’accord UE-Turquie sur les migrants : «c’est une humiliation de se laisser manipuler par les autorités turques», juge l’ancien Président.
Une défense française financée par l’Union
Enfin, si tous constatent qu’une défense européenne est pour l’instant une chimère, Sarkozy et Fillon aimeraient bien que leurs partenaires (lesquels ? Les Vingt-Huit ou les Dix-neuf ?) financent les efforts français. Fillon propose la création d’un fonds européen permanent alors que Sarkozy évoque une «participation financière de l’Europe» lorsque «les intérêts de l’Europe sont en jeu». Sarkozy est aussi favorable à une mutualisation du «renseignement» ainsi que «des satellites de surveillance financés par des fonds européens». Bref, sur ce chapitre, c’est la souveraineté nationale sur fonds européens, un rien contradictoire…
Parmi les quatre, Fillon se distingue par une tonalité très anti-américaines («où sont les armées européennes ? Planquées sous le sigle de l’OTAN, aux ordres de l’allié et ami américain», dénonciation de l’unilatéralisme américain et du TTIP) et pro-russe : «avec la crise ukrainienne, l’Europe s’est inutilement brouillée avec la Russie», ce qui, selon Fillon, a entraîné une crise agricole… Un intéressant dégradé entre les quatre candidats, Bruno Le Maire et Alain Juppé se montrant les plus conséquents sur leur engagement européen.