Un pas considérable a été fait dans la lutte contre ce fléau qui génère tout sorte de formes de criminalités : ce n’est pas seulement la loyauté des compétitions qui sera garantie. Beaucoup a été fait, mais l’essentiel reste à faire ! Le verdict du Tribunal arbitral du sport est tombé (21 juillet). Sauf improbable retournement de situation, les Jeux de Rio se dérouleront sans la présence des athlètes russes. Le Tribunal arbitral du sport (TAS) a rendu son verdict dans le recours déposé par 68 d’entre eux après la suspension de leur Fédération par l’IAAF. Il a rejeté leur appel. Pour Yelena Isinbayeva et ses partenaires de l’athlétisme russe, cette voie légale constituait une dernière chance de poursuivre à Rio de Janeiro leur rêve olympique.
Cf. « pour en savoir plus » le texte de la décision « Le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) a rendu ses décisions dans les arbitrages entre le Comité Olympique Russe (ROC), plusieurs athlètes russes (les athlètes demandeurs) et l’Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme (IAAF). Le TAS a rejeté la demande d’arbitrage déposée par le ROC et 68 athlètes demandeurs, ainsi que l’appel déposé par 67 de ces mêmes athlètes contre la décision de l’IAAF de les considérer comme inéligibles pour les Jeux Olympiques de Rio.
Le 13 novembre 2015, l’IAAF a suspendu la Fédération russe d’athlétisme (ARAF). Cette suspension fut confirmée le 26 novembre 2015 et à nouveau le 17 juin 2016. Dans une demande d’arbitrage déposée au TAS le 3 juillet 2016, le ROC et les 68 athlètes, ont demandé au TAS 1) d’examiner certaines questions juridiques précises, limitées à la validité, l’application et la portée de l’article 22.1 (a) et 22.1A du Règlement des compétitions de l’IAAF, et 2) d’ordonner que tout athlète russe qui n’était pas actuellement suspendu en raison de la commission d’une infraction au règlement antidopage soit déclaré éligible pour participer aux Jeux Olympiques 2016 à Rio (à condition de remplir les critères sportifs de sélection pour son épreuve).
Le 15 juillet 2016, 67 athlètes russes ont déposé un appel au TAS contre les décisions de l’IAAF de rejeter les demandes de ces mêmes athlètes pour concourir sur le plan international en tant que « athlètes neutres » aux Jeux Olympiques 2016 à Rio.
Les arbitrages ont été soumis à une Formation du TAS composée de : Prof. Luigi Fumagalli, Italie (Président), Me Jeffrey G. Benz, Etats-Unis et Juge James Robert Reid QC, Royaume-Uni. La Formation a tenu une audience en présence de toutes les parties le 19 juillet 2016.
La Formation du TAS a confirmé la validité de la décision de l’IAAF d’appliquer les articles 22.1 (a) et 22.1A du Règlement des compétitions de l’IAAF, qui prévoient que les athlètes dont la fédération nationale est suspendue par l’IAAF sont inéligibles pour participer à des compétitions organisées sous l’égide des règles de l’IAAF, conformément à la Charte Olympique, à moins qu’ils ne remplissent certains critères. Dès lors, étant donné que la fédération nationale responsable de l’athlétisme en Russie (ARAF, devenue depuis RUSAF) est actuellement suspendue par l’IAAF, ses athlètes qui ne remplissent pas les conditions fixées à l’article 22.1A ne sont pas éligibles pour des compétitions organisées sous l’égide des règles de l’IAAF. Ces compétitions incluent les épreuves d’athlétisme des Jeux Olympiques 2016 à Rio. Par conséquent, la Formation du TAS a confirmé que le ROC n’était pas habilité à sélectionner des athlètes russes (athlétisme) pour participer aux Jeux Olympiques 2016 à Rio étant donné qu’ils ne sont pas éligibles pour des compétitions organisées sous l’égide des règles de l’IAAF, conformément à la Charte Olympique.
Toutefois, le ROC est habilité à sélectionner comme représentants de la Fédération de Russie aux Jeux Olympiques 2016 à Rio les athlètes russes (athlétisme) qui remplissent les critères et sont éligibles pour concourir selon l’article 22.1A du Règlement des compétitions de l’IAAF. »
Tout est dit. Le recours des 68 athlètes russes, dont Yelena Isinbayeva, la recordwoman du monde du saut à la perche, et Sergey Shubenkov, le champion du monde du 110 m haies, est désormais sans objet. Une forme d’injustice pour les athlètes, encore nombreux, dont les noms n’ont jamais été associés à des affaires de dopage. Sebastian Coe et l’IAAF le savent. Ils ont réagi par un communiqué sans triomphalisme, ce jeudi matin, en « remerciant » le TAS pour son « soutien ».
En Russie, la nouvelle a été commentée par le Kremlin. Les autorités russes « regrettent profondément » le verdict du Tribunal. Vitaly Mutko, le ministre des Sports, dénonce une décision « politique » et « sans fondement juridique ».
La balle est désormais dans le camp du CIO. Sa commission exécutive doit se réunir dimanche 24 juillet pour statuer sur le cas de la Russie. Elle devra prendre une décision concernant la participation de ses athlètes, mais aussi plus largement de sa délégation dans sa totalité.
Pour en savoir plus
Brexit, acte I: Londres a renoncé hier à exercer la présidence semestrielle tournante du Conseil des ministres qui aurait dû lui revenir au second semestre 2017. C’est l’Estonie qui la remplacera, en dépit des offres de service de la Belgique: Tallinn avancera simplement sa présidence de six mois. Il est aussi acquis que Londres n’activera pas l’article 50 du traité sur l’UE cette année, le gouvernement ayant omis de se préparer à cette éventualité... Une «négligence grave » selon la commission des Affaires étrangères du Parlement britannique.
L’Hebdo, un hebdomadaire suisse francophone, m’a commandé cet article (paru le 30 juin) pour éclairer le référendum du 23 juin qui a abouti au Brexit. Une plongée dans l’histoire qui permet de comprendre à quel point ce divorce était inéluctable, quasiment inscrit dans les gênes du Royaume-Uni. Bonne lecture !
1973-2016 : ci-gît le Royaume-Uni, membre rétif de l’Union européenne. Après avoir boudé le lancement du projet communautaire en 1950, il a décidé, le 23 juin, de se retirer d’une aventure humaine sans équivalent dans le monde et dans l’histoire, un partage volontaire de souverainetés entre des pays qui n’ont cessé de se faire la guerre depuis qu’ils existent. Un échec européen ? Non, un échec britannique, une incapacité ontologique à se penser dans un ensemble qui la dépasse, un refus profond de se voir pour ce qu’elle est, une puissance moyenne et, peut-être bientôt un Royaume désuni, si l’Écosse et l’Irlande du Nord font sécession. Ce référendum en dit plus sur les failles de la Grande-Bretagne que sur celle de l’Union. Car le mariage avec l’Europe n’a jamais été un mariage d’amour, loin de là, au mieux une simple union d’intérêts. C’est l’histoire qui éclaire le mieux les raisons et l’inéluctabilité du vote « leave ».
On a souvent fait de Winston Churchill l’un des pères de la construction européenne, celui-ci ayant souhaité, en septembre 1946, à Zürich, puis en mai 1948, à La Haye, l’avènement des « États-Unis d’Europe » autour d’une France et d’une Allemagne enfin réconciliée. Mais il ne faut pas s’y tromper : il n’était absolument pas question dans son esprit que le Royaume-Uni y participe ! La vocation de son pays, alors à la tête d’un groupement d’Etats, le Commonwealth, et d’un Empire, était, en toute simplicité, d’être l’une des puissances tutélaires de ce nouvel ensemble continental. Il le dit très clairement à Zürich dans une partie, souvent passée sous silence, de son célèbre discours : « la Grande-Bretagne, la famille des peuples britanniques, la puissante Amérique, et, j’en ai confiance, la Russie aussi – tout serait alors pour le mieux - doivent être les amis et les soutiens de la nouvelle Europe ». En clair, il s’agit d’empêcher une nouvelle guerre sur le continent qui impliquerait forcément les Britanniques, mais pas de se fondre dans ces fameux « États unis d’Europe ». Tout simplement parce que le cœur de la Grande-Bretagne n’est pas en Europe, comme l’avait résumé Churchill à De Gaulle en juin 1944 : « chaque fois qu’il nous faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous choisirons le grand large ». De fait, pour comprendre la schizophrénie profonde que la Grande-Bretagne entretient à l’égard de la construction communautaire, il ne faut pas oublier que l’axe central de sa politique étrangère, et ce, au moins depuis le XVIIe siècle, est d’empêcher l’émergence d’une puissance continentale qui pourrait menacer ses intérêts commerciaux, Napoléon, en particulier, l’a appris à ses dépens, auquel s’est ajouté, depuis 1945, le souci de maintenir la paix sur le vieux continent.
Mais, entre ces deux objectifs, son cœur ne cessera jamais de balancer. Une fois Churchill renvoyé à ses chères études, c’est la méfiance qui l’emporte à nouveau. Une scène révélatrice se déroule en novembre 1955, au château de Val Duchesse à Bruxelles. Les six pays fondateurs de la Communauté économique du charbon et de l’acier (CECA) s’y réunissent régulièrement depuis le mois de juillet pour relancer l’intégration européenne après l’échec, en 1954, de la Communauté européenne de défense. La Grande-Bretagne, qui n’a pas voulu participer à la CECA, a néanmoins été invitée à participer aux travaux. Elle y envoie son sous-secrétaire d’État au commerce, tout un symbole. Mais lorsque les Six dessinent les contours des futurs traités CEE et Euratom, Londres décide de se retirer. Les mots d’adieu de son « délégué » sont un modèle d’aveuglement : « le futur traité dont vous êtes en train de discuter n’a aucune chance d’être accepté ; s’il était accepté, il n’aurait aucune chance d’être ratifié ; et s’il était ratifié, il n’aurait aucune chance d’être appliqué ; et s’il était appliqué, il serait totalement inacceptable par la Grande-Bretagne (…) Monsieur le président, messieurs, au revoir et bonne chance ». Le traité de Rome fut bien signé en 1957 et entra en vigueur en 1958. Dépitée, Londres lança en 1960 l’Association européenne de libre échange (AELE), afin d’essayer de faire contrepoids à une CEE qui s’avéra vite un succès économique.
Toute honte bue, empêtrée dans des difficultés économiques de plus en plus profondes et consciente qu’un bloc continental était en train de se constituer sans qu’elle puisse l’influencer et encore moins le contrôler, le gouvernement conservateur de sa gracieuse majesté déposa, en juillet 1961, une demande d’adhésion qui se heurta, à sa grande surprise, en janvier 1963, à un véto du général de Gaulle. Pour le chef de l’État français la Grande-Bretagne n’était que le porte-avions des intérêts américains : « si la Grande-Bretagne entrait dans la Communauté avec une foule d’autres Etats, la cohésion de tous ses membres n’y résisterait pas et en définitive il apparaitrait une communauté atlantique colossale, sous dépendance et direction américaine, et qui aurait tôt fait d’absorber la Communauté européenne ».
En 1966, le gouvernement travailliste d’Harold Wilson, revient à la charge, afin d’obtenir l’accès à ce marché commun qui est bel et bien un succès. Mais, tenace, le général de Gaulle pose une seconde fois son véto en novembre 1967, estimant qu’il valait mieux proposer à Londres un accord d’association. Ses mots ont une curieuse résonnance aujourd’hui : « faire entrer l’Angleterre, ce serait pour les Six donner d’avance leur consentement à tous les artifices, délais et faux-semblants qui tendraient à dissimuler la destruction d’un édifice qui a été bâti au prix de tant de peine et au milieu de tant d’espoir »…
La troisième tentative a été la bonne. Sous la pression de ses partenaires, la France de Georges Pompidou accepte l’adhésion de Londres, cette fois demandée par les conservateurs. Effective en janvier 1973, elle est remise en cause par le travailliste… Harold Wilson, revenu au pouvoir en février 1974 qui exige une « renégociation » des termes de l’adhésion, notamment sur le montant de la contribution de la Grande-Bretagne au budget communautaire et sur la Politique agricole commune. Mieux, un référendum est convoqué sur la question (hé oui, celui du 23 juin n’était pas le premier) et, le 5 juin 1975, les Britanniques confirment l’adhésion de leur pays par 67,2 % de oui, la campagne –enthousiaste- des conservateurs en faveur du « remain » étant notamment menée par une certaine Margaret Thatcher…
On aurait pu croire que la relation à l’Europe serait réglée une bonne fois pour toutes par cette consultation. Il n’en a rien été. À peine devenue Première ministre, en 1979, Thatcher lança son fameux « I want my money back », exigeant une diminution de la contribution britannique au budget communautaire : de fait, le pays paye plus que sa part dans la richesse de la CEE, celui-ci bénéficiant moins que ses partenaires des retours de la PAC. Et la Grande-Bretagne de l’époque est un pays pauvre : empêtrée dans une crise économique qui dure en fait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le FMI a même du intervenir en 1976 pour lui éviter la faillite. C’est le début d’une longue crise européenne (l’eurosclérose) qui ne trouve sa solution, le fameux « chèque britannique », que lors du sommet de Fontainebleau en juin 1984, le sommet de la relance de l’Europe, au cours duquel Jacques Delors est nommé président de la Commission.
Pour autant, Londres ne désarme pas : l’Europe, oui, mais uniquement celle du commerce et du libre échange. Ainsi, si elle accepte l’achèvement rapide du marché intérieur des biens, des services et des capitaux, et, pour ce faire, une réforme des traités (Acte Unique de 1986), ce sera sans aucune harmonisation sociale et fiscale. Mais la Grande-Bretagne ne peut rien contre la volonté franco-allemande de s’intégrer davantage après la chute du mur. Le traité de Maastricht de 1991 inaugurera donc le statut spécial du Royaume-Uni : il obtient de ne participer ni à la future monnaie unique (même s’il est persuadé qu’elle ne verra jamais le jour), ni au peu d’harmonisation sociale que contient ce texte. Un statut qu’elle consolidera au fil des traités suivants (Amsterdam en 1997, Nice en 2000, Lisbonne en 2007) : la Grande-Bretagne reste donc en dehors de Schengen, de la politique d’asile et d’immigration, de la sécurité intérieure, de la défense, parvient à bloquer la création d’une vraie politique étrangère européenne et last but not least obtient un traitement spécial en matière de régulation financière et bancaire.
Son influence n’a aucunement souffert de ce statut spécial. L’Union, non seulement a adopté la langue anglaise pour se gouverner, mais a fait quasiment sienne l’idéologie héritée du thatchérisme : une politique de concurrence libérale, un libre échangisme qui fait de l’Union la zone la plus ouverte du monde (sauf en matière agricole), un abandon de tout ce qui ressemble à une politique industrielle, etc.. Néanmoins, aucune des concessions de ses partenaires n’a jamais réglé son mal-être et ce quel que soit le parti au pouvoir outre-Manche : quoique l’Union fasse, elle est toujours jugée trop réglementaire, trop interventionniste, trop ceci, trop cela. Le Brexit n’est donc que l’acmé de ce mal-être, de cette incapacité à trouver sa place : Londres ne peut tout simplement pas accepter d’être une simple partie d’un ensemble qui la dépasse, car elle cultive à la fois une notion de souveraineté qui remonte au XIXe siècle et la nostalgie d’en Empire depuis longtemps perdu. Le drame britannique est sans doute de ne jamais avoir été occupé depuis l’invasion de Guillaume le Conquérant en 1066, ce qui la prive de la compréhension intime du projet européen qui est d’éviter drames et humiliations. Le Brexit ne pouvait pas être évité, tout simplement.
Et aucune réforme de l’Union n’aurait trouvé grâce à ses yeux, si ce n’est un acte d’autodissolution ou, éventuellement, une adhésion de l’Union au Royaume-Uni. Les Européens ne doivent donc pas se tromper dans la réponse qu’ils apporteront au Brexit : c’est le moment pour eux de retrouver leurs fondamentaux, ceux des pères fondateurs, afin de réconcilier leurs citoyens avec une Europe devenue trop britannique à leur goût. La réponse, en résumé, c’est s’éloigner davantage de la Grande-Bretagne. On n’échappe pas à l’histoire.