Il ne manquait plus que la version des autorités maliennes. Le ministère de la défense et des anciens
Plus d'infos »(B2) L’irruption de manifestants au sein du Capitole, au moment du vote de confirmation de l’élection de Joe Biden par le Sénat à la présidence américaine, atterre les dirigeants européens
(crédit : BBC)De toute l’Europe, les réactions sont arrivées rapidement, d’autant plus dures qu’elles provenaient de personnes plutôt atlantistes. Les propos de l’ancien commandant en chef de l’OTAN (SACEUR), l’amiral US James Stavridis, comme du secrétaire général de l’Alliance atlantique Jens Stoltenberg sont particulièrement intéressants. Car ils reflètent assez bien la stupeur dans les milieux diplomatico-militaires.
Quelques dirigeants (Allemagne, Pays-Bas, Suède…) ont nommément mis en cause le président actuel Donald Trump, l’appelant à prendre des mesures. D’autres (Autriche, Royaume-Uni, Tchéquie,…) l’ont fait de façon implicite exigeant un transfert de pouvoir dans l’ordre). Certains (Belgique, Luxembourg) ont préféré afficher un soutien sans ambiguité à Joe Biden.
Les dirigeants européens les plus ardents supporters de Trump tels le Bulgare Boyko Borissov, le Hongrois Viktor Orban ou le Polonais Mateusz Morawiecki se sont abstenus de réagir, comme embarrassés. À noter une fausse note à Varsovie. Où le président polonais a réagi de façon très ambigüe, à rebours du ton général, sur le mode non interventionniste, comme faisant référence aux critiques européennes sur l’État de droit. En revanche, le Slovène Janez Jansa (qui a aussi affiché sa sympathie avec Donald Trump) s’est dit troublé par les violences.
Dans ce concert, la réaction des institutions européennes apparait plutôt faiblarde. Les propos de Ursula von der Leyen notamment sont d’une platitude désarmante face à des actes qualifiés « d’insurrection » ou de « sédition » (selon les propos du président élu Joe Biden) voire même de tentative de coup (d’état) par des élus démocrates comme certains républicains. Ceux de Charles Michel (Conseil européen) sont un peu plus évidents. Les mots de Josep Borrell ou de David Sassoli sont finalement les plus clairs et plus adaptés à la situation.
NB : A l’heure de boucler cet article aucune réaction n’était venue du couple franco-allemand. Emmanuel Macron (France) a réagi tard dans la nuit par un message vidéo. Angela Merkel (Allemagne) a réagi plus tard de manière similaire dans la matinée.
Une démocratie américaine assiégée
« Scènes choquantes à Washington D.C. Le résultat de cette élection démocratique doit être respecté. » Jens Stoltenberg (secrétaire général de l’OTAN)
« Je n’ai jamais pensé, au cours d’une longue vie passée opérationnellement dans des zones de conflit, à voir des scènes comme celle-ci à [Washington] DC aux États-Unis. Nos adversaires seront stupéfaits de leur chance de voir cette insurrection – la Russie et la Chine réfléchiront activement à la manière de la prolonger. […] Il faudra des décennies avant que les responsables américains ne parlent aux responsables étrangers de l’importance d’un transfert pacifique du pouvoir d’élections libres et équitables sans que les horreurs du 6 janvier ne leur soient renvoyées au visage. » James Stavridis, amiral (retraité), ancien commandant suprême allié de l’OTAN de 2009 à 2013.
« Aux yeux du monde, la démocratie américaine apparaît ce soir assiégée. Il s’agit d’une attaque invisible contre la démocratie américaine, ses institutions et l’État de droit. Ce n’est pas çà l’Amérique. Les résultats des élections du 3 novembre doivent être pleinement respectés. » Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne (Haut représentant de l’UE).
Les réactions dans les différentes capitales
« Des images horribles de Washington D.C. Cher Donald Trump, reconnaissez Joe Biden comme le prochain président aujourd’hui ! » Mark Rutte (premier ministre Pays-Bas, VVD / ALDE)
« Je suis avec beaucoup d’inquiétude ce qui se passe à Washington. La violence est incompatible avec l’exercice des droits politiques et des libertés démocratiques. J’ai confiance dans la solidité et la force des institutions des États-Unis. » Giuseppe Conte (premier ministre Italie)
« [Je suis] extrêmement troublé par la violence et les événements horribles qui se déroulent à Washington, la démocratie américaine est résiliente, profondément enracinée et surmontera cette crise. » Kyriákos Mitsotakis (premier ministre Grèce, ND / PPE)
« C’est si triste de voir ce qui se passe dans la capitale américaine en ce moment. La démocratie vaincra ! » Ingrida Šimonytė (premier ministre Lituanie / PPE)
« Scènes honteuses au Congrès américain. Les États-Unis sont partisans de la démocratie dans le monde et il est désormais vital qu’il y ait un transfert de pouvoir pacifique et ordonné. » Boris Johnson (PM Royaume-Uni / ECR)
« Choqué par les scènes à Washington, D.C. C’est une atteinte inacceptable à la démocratie. Un transfert de pouvoir pacifique et ordonné doit être assuré. » Sebastian Kurz (premier ministre Autriche, ÖVP / PPE)
« C’est avec une grande inquiétude que je suis le cours des événements à Washington, D.C. Nous assistons actuellement à une attaque contre la démocratie. Le président Trump et de nombreux membres du Congrès ont une grande responsabilité dans ce qui se passe actuellement. Le processus démocratique d’élection d’un président doit être respecté. » Stefan Lofven (premier ministre Suède / S&D)
« Tous devraient être très troublés par la violence qui se déroule à Washington, D.C. Nous espérons que la démocratie américaine est résistante, profondément enracinée et qu’elle surmontera cette crise. La démocratie présuppose une protestation pacifique, mais la violence et les menaces de mort – de gauche ou de droite – sont TOUJOURS fausses. » Janez Janša (premier ministre Slovénie, ECR)
« Les violences contre le Capitole sont une attaque odieuse contre les fondements de la démocratie et la liberté de la presse. Nous avons confiance dans la force du peuple et des institutions américaines pour surmonter ces temps de division et nous nous tournons vers le président élu Joe Biden. » Xavier Bettel (premier ministre Luxembourg, ALDE)
« Choc et incrédulité face aux événements en cours au Capitole américain, symbole de la démocratie américaine. Nous sommes convaincus que les institutions fortes des États-Unis surmonteront ce moment difficile. Soutien total au président élu Joe Biden. » Alexander De Croo (premier ministre Belgique / ALDE)
« Les images violentes de la violation du Capitole à Washington aujourd’hui sont choquantes. Cependant, je suis convaincu que la démocratie américaine et l’État de droit sont suffisamment solides pour résister à toute attaque. » Jüri Ratas (premier ministre Estonie / ALDE)
« Scènes très inquiétantes de Washington DC, je suis convaincu que les institutions démocratiques et les principes de l’État de droit prévaudront. » Edgars Rinkēvičs (ministre des Affaires étrangères letton) retweeté par Krišjānis Kariņš (premier ministre Lettonie)
« L’intrusion de manifestants dans le bâtiment du Congrès est une affaire très grave et préoccupante. Cela montre combien il est important de défendre la démocratie sans trembler. » Sanna Marin (premier ministre Finlande / S&D)
« L’extrémisme, la violence, la polarisation et le chaos ne sont jamais la voie à suivre. Images horribles de Washington. Que la démocratie redevienne opérationnelle ». Mette Frederiksen (premier ministre Danemark / S&D)
« Les ennemis de la démocratie seront heureux de voir ces images incroyables de Washington DC. Les paroles d’émeutes se transforment en actes violents – sur les marches du Reichstag, et maintenant dans le Capitole. Le mépris des institutions démocratiques est dévastateur. Trump et ses partisans devraient enfin accepter la décision des électeurs américains et cesser de piétiner la démocratie. » Heiko Maas (ministre des affaires étrangères allemand, SPD / S&D)
« Je suis avec inquiétude les nouvelles qui viennent de Capitol Hill à Washington. J’ai confiance en la force de la démocratie américaine. La nouvelle présidence de Joe Biden surmontera cette période de tension, unissant le peuple américain. » Pedro Sánchez (premier ministre Espagne, PSOE / S&D)
« Je suis avec inquiétude l’évolution de la situation à Washington. Des scènes troublantes. Le résultat des élections doit être respecté, avec un transfert de pouvoir pacifique et ordonné. J’ai confiance dans la force des institutions démocratiques aux États-Unis. » António Costa (premier ministre Portugal / S&D)
« La violence au Capitol Hill à Washington DC est préoccupante et inacceptable. Nous faisons confiance à la démocratie américaine, qui devrait rester un modèle mondial, et exprimons notre confiance que la situation va bientôt se désamorcer afin de permettre la reprise de la certification des votes électoraux. » ministère roumain des affaires étrangères.
« Des moments troublants à Washington DC. La violence n’a pas d’excuse. #Capitol est un symbole de la démocratie. Son rôle constitutionnel doit être respecté en tout temps et en toutes circonstances. C’est ce qu’est l’État de droit. » Igor Matovic (premier ministre Slovaquie, OĽaNO / PPE)
« Le peuple irlandais a un lien profond avec les États-Unis d’Amérique, construit au fil de nombreuses générations. Je sais que beaucoup, comme moi, regarderont les scènes se dérouler à Washington DC avec beaucoup d’inquiétude et de consternation. » Micheál Martin (premier ministre Irlande, Fianna Fáil / ALDE)
« Ce qui s’est passé aux États-Unis est une attaque inacceptable et sans précédent contre la démocratie. Quatre vies ont été inutilement perdues et le processus démocratique de base a été perturbé. J’ai toujours condamné la violence et le chaos de ce genre. La transition du pouvoir doit se faire en douceur et de manière pacifique. Je crois fermement que ces incidents doivent cesser. » Andrej Babiš (premier ministre Rép. Tchèque, ALDE)
Le couple franco-allemand asynchrone
« Ce qui est arrivé aujourd’hui à Washington n’est pas américain. […] Nous ne cèderons rien à la violence de quelques-uns qui veulent remettre en cause [la démocratie]. » a réagi dans un long message vidéo Emmanuel Macron (président français, LREM / ALDE)
We believe in democracy.#WeAreOne pic.twitter.com/dj3hs66KKn
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) January 7, 2021
« Ces images m’ont rendu furieux et triste. Mais je suis sûr que la démocratie américaine sera beaucoup plus forte que les agresseurs et les émeutiers » a indiqué Angela Merkel (premier ministre Allemagne, CDU / PPE). « Je regrette beaucoup que le président Trump n’ait pas admis sa défaite depuis novembre et encore hier. Les doutes sur le résultat de l’élection ont été alimentés. Cela a créé l’atmosphère nécessaire pour que les événements de la nuit deviennent possibles »
Diese Bilder haben mich wütend und traurig gemacht. Ich bin aber sicher: Die amerikanische Demokratie wird sich als viel stärker erweisen als die Angreifer und Randalierer. – Kanzlerin #Merkel zu den Ereignissen in #WashingtonDC: pic.twitter.com/5N0kFqzyHg
— Steffen Seibert (@RegSprecher) January 7, 2021
La réaction molle des institutions européennes
« Je crois en la force des institutions et de la démocratie américaines. La transition pacifique du pouvoir est essentielle. Joe Biden a remporté l’élection. Je me réjouis de travailler avec lui en tant que prochain président des États-Unis. » Ursula von der Leyen (Commission européenne).
« Le Congrès américain est un temple de la démocratie. Être témoin des scènes de ce soir dans Washington DC est un choc. Nous faisons confiance aux États-Unis pour assurer un transfert pacifique du pouvoir à Joe Biden. » Charles Michel (Conseil européen).
« Profondément inquiétant, les scènes du Capitole américain ce soir. Les votes démocratiques doivent être respectés. Nous sommes certains que les États-Unis veilleront à ce que les règles de la démocratie soient protégées. » David Sassoli (Parlement européen, S&D).
Ne pas s’en mêler
« Les événements de Washington sont une affaire intérieure des États-Unis, qui sont un État démocratique et de droit. Le pouvoir dépend de la volonté des électeurs, et la sécurité de l’État et de ses citoyens est garantie par les services désignés à cet effet. La Pologne croit en la force de la démocratie américaine. » Andrzej Duda (président Pologne, PiS / ECR)
(Propos rassemblés par Nicolas Gros-Verheyde)
Mis à jour 1H du matin – 7.1 9h et 12h avec propos Macron, Merkel, Babis – et mise en perspective des différents propos et nuances apportées dans le commentaire sur les institutions UE.
Cet article Entre consternation et condamnation, les Européens atterrés par ‘l’insurrection’ au Capitole à Washington (v4) est apparu en premier sur B2 Le blog de l'Europe géopolitique.
La coïncidence est troublante : les trois attaques IED sur Barkhane, dont deux mortelles, ont eu lieu
Plus d'infos »(B2) Les Européens ne sont plus des ‘nains de papier’. L’Union est devenue un acteur de premier plan qui s’ancre dans la durée. Les zones de surveillance maritime s’étendent. C’est un tournant majeur qui se prépare en mer
Entre les opérations multinationales menées par quelques Européens, de façon coordonnée, aux opérations menées dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), les Européens sont aujourd’hui en position d’assurer une surveillance de plusieurs zones maritimes, non seulement dans leur pourtour immédiat, mais également plus loin.
Quatre zones surveillées en permanence
D’Est en Ouest quatre zones maritimes sont aujourd’hui surveillées de façon permanente :
1. La Méditerranée centrale. L’opération EUNAVFOR Med Irini, à l’origine centrée sur le trafic d’êtres humains, a été recentrée en avril 2020 sur le contrôle de l’embargo sur les armes et le trafic de pétrole en Libye. Elle est dotée d’un mandat exécutif, c’est-à-dire avec possibilité d’inspection, voire d’arrestation ou de saisie des navires. Mandat donné par une résolution de Nations unies.
2. La Mer rouge, le Golfe d’Aden et l’Océan indien. L’opération EUNAVFOR Atalanta, à l’origine destinée à la lutte anti-piraterie, vient de voir son mandat revu et corrigé à partir du 1er janvier 2021. Elle est dotée d’un mandat exécutif (inspection de force, arrestation, saisie), donné par une résolution de Nations unies.
3. Le détroit d’Ormuz et le Golfe d’Oman. L’opération Agenor — volet militaire de EMASOH (European Maritime Awareness in the Strait of Hormuz) —, chargée essentiellement de surveiller les menaces venues d’Iran et de veiller à la bonne circulation des tankers et autres méthaniers, qui font la navette entre le Golfe et l’Europe afin d’assurer l’approvisionnement en pétrole et gaz. Une mission lancée à l’initiative de la France, qui n’est pas formellement sous commandement de l’Union européenne, mais a été montée dans le même esprit et avec des Européens. Elle n’a pas de mandat exécutif.
4. Le Golfe de Guinée. C’est le terrain d’expérimentation des présences maritimes coordonnées, nouveau concept européen léger, permettant de coordonner des moyens nationaux présents sur une même zone. Concept décidé en 2019 et qui sera mis en œuvre en 2021 (lire : Les ministres de la Défense ouvrent la porte à un mécanisme de présence maritime coordonnée). Dans le Golfe, trois marines — portugaise, espagnole et française (opération Corymbe) — sont présentes de façon quasi-permanente dans la zone, sans compter les efforts bilatéraux (belge par exemple). L’essentiel de leur activité est déterminé en étroite coordination et en soutien des marines locales. Mais elles disposent également d’un mandat exécutif général, découlant du droit de la mer, permettant d’intervenir en haute mer en cas de fait de piraterie.
À cela, il faut ajouter :
Quelques éléments pour comprendre ce tournant
Une réflexion et une évolution sous le poids des menaces
Ceci est le résultat à la fois d’une stratégie mûrement réfléchie — la mise en place d’une stratégie de sûreté maritime (EMSS) en 2014, impulsée par la France, mais aussi les pays méditerranéens (Portugal, Espagne notamment), des menaces (la piraterie somalienne en 2007-2008, la crise migratoire en Méditerranée en 2015-2016, la stabilisation de la Libye en 2020 ) — et des opportunités, comme le retrait de l’OTAN des opérations anti-piraterie et une présence moins multinationale des Américains dans certaines zones.
La transformation d’Atalanta, un vrai signal
La récente transformation de l’opération de lutte anti-piraterie EUNAVFOR Atalanta est symptomatique. Un fait, passé relativement inaperçu, veille de Noël et rush le Brexit oblige, sauf de B2… (lire : Avec quatre nouvelles tâches, EUNAVFOR Atalanta devient une opération de surveillance maritime globale de l’Océan indien).
L’ajout de quatre objectifs nouveaux de surveillance des trafics en tous genres (armes, drogues, charbon, pêche illicite) — avec un mandat exécutif (inspection de force, arrestation, saisie, traduction en justice) pour les deux premiers domaines (armes et drogues) — témoigne de cette évolution, qui ancre les Européens dans un rôle de ‘police des mers’ dans une zone d’intérêt stratégique, hors des eaux territoriales européennes (exception faite de La Réunion et Mayotte). De plus, elle vient compléter, voire suppléer aux défaillances de la mission multinationale impulsée et conduite par les Américains (CMF) qui n’ont plus une activité aussi importante que par le passé.
L’aérien et le satellitaire vecteurs clés des opérations de surveillance
Les moyens navals ne sont pas seuls mobilisés. Le concept européen est aussi de fédérer des moyens aériens, mais aussi satellitaires, qui sont primordiaux dans cette action de surveillance. La coopération très étroite, opérationnelle, mise en place en Méditerranée et au large de la Libye, avec le centre satellitaire de l’UE à Torrejon en Espagne (CSUE) devra être regardée de près. Elle pourrait servir de prélude à un développement plus systématique.
De nouvelles zones à prévoir
Cet état des lieux pourrait évoluer dans l’avenir. D’une part, le concept de ‘présences maritimes coordonnées’ expérimenté dans le Golfe de Guinée a vocation à s’étendre à d’autres zones. La Grèce et Chypre sont ainsi demandeurs pour la Méditerranée orientale. La Finlande ou la Suède pourraient faire de même pour la mer Baltique (qui est plutôt aujourd’hui une zone de patrouille de l’Alliance atlantique). D’autre part, de nouvelles zones maritimes deviennent stratégiques aujourd’hui. Il n’est pas interdit de penser ainsi que l’Arctique devienne dans les cinq ans à venir une zone de surveillance commune. La situation en mer de Chine, aujourd’hui un peu plus lointaine des centres d’intérêt européen, pourrait aussi devenir un point d’ancrage supplémentaire.
Une dominante : l’intérêt européen
Au final, on remarque que dans ces opérations, l’Europe et les Européens mettent en avant un axiome : la défense de leurs intérêts, qui est hissée au même rang (voire au-dessus) de l’objectif historique de stabilisation de zones à risque. On n’est plus là dans des débats (théoriques) sur la souveraineté européenne ou l’autonomie stratégique, mais bien dans une application pratique.
(Nicolas Gros-Verheyde)
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Ces deux hussards ont été tués samedi au Mali.
(B2) Les militaires du 601e groupe de forces spéciales sont en phase d’installation sur la base avancée de Menaka
Une première tchèque
Pour les hommes de cette unité d’élite de l’armée de terre tchèque, qui porte le nom du général Moravec (2), basée à Prostějov (ville située entre Brno et Olomouc), c’est un peu une première. Ils ont déjà été déployés sur plusieurs terrains de tensions (depuis l’avènement de la république Tchèque) : durant la guerre des Balkans (IFOR, SFOR, KFOR, FORPRONU), en Irak (lors de la guerre du Golfe ou l’opération Enduring Freedom) ou en Afghanistan. Mais jamais en Afrique en position de combat. Ce déploiement de 60 personnels vient concrétiser une décision entérinée par le parlement tchèque fin octobre (lire : Takuba : le oui (définitif) des Tchèques).
Une terre déjà connue
Pour autant, le Mali n’est pas terre inconnue pour l’armée tchèque. Depuis les débuts des opérations, en 2013, des éléments sont déployés au sein de la mission de formation de l’UE (EUTM Mali), assurant notamment la ‘force protection’ du camp, comme les escortes VIP (Lire : Les Tchèques s’engagent, de façon décisive, dans EUTM Mali et Première mission en Afrique pour les paras de Chrudim). Et la mission elle-même est commandée depuis un an, par un général tchèque, le général Ridzak (lire : Les Tchèques vont prendre le commandement de la mission EUTM Mali).
Une présence industrielle
Coté industriel, cette présence est un atout. Elle permet à Prague de renouer des contacts pour des contrats de fourniture, notamment en matière d’avions de formation. Une vieille pratique tchèque puisque durant la période du ‘bloc de l’Est’, la Tchécoslovaquie a équipé plusieurs forces africaines (dont Mali, Nigeria puis Ghana, Guinée) en avions de formation L29 Delfin fabriqués par Aero Vodochody. Début janvier 2020, Prague a ainsi annoncé la signature d’un contrat de vente de quatre avions d’entrainement L39 Albatros au Sénégal (lire : Une formidable opportunité selon Tomáš Kopečný).
Un déploiement plus lent que prévu
Prévu à l’origine pour une pleine capacité opérationnelle, à l’automne ou fin 2020, celle-ci ne devrait finalement pas être atteinte début 2021 comme espéré (lire : L’opération Takuba prend du retard. 2021 plutôt que courant 2020) mais plutôt à la mi-2021. Les Suédois doivent aussi se déployer début 2021. Le recrutement est en cours, indique-t-on à Stockholm. Les Italiens sont aussi attendus. Mais malgré une décision favorable de la Chambre des députés, dans le cadre de la planification des opérations pour 2021, c’est l’expectative sur leur date d’arrivée exacte sur le terrain. Au ministère des Armées, on se montre plutôt évasif sur ce sujet. Ce serait davantage pour le printemps… au plus tôt.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Cet article Task force Takuba. Déploiement tchèque en cours est apparu en premier sur B2 Le blog de l'Europe géopolitique.
(B2) Le colonel allemand Eckard Böddeker a pris le relais du colonel espagnol Vicente Infante, comme numéro 2 (commandant adjoint) de la mission de l’UE de formation de l’armée malienne.
Les col. Oliveras (de dos) et Böddeker (crédit : EUTM Mali)Une passation effectuée lors d’une cérémonie tenue au QG à Bamako le 1er janvier. C’est le prélude au changement de commandement, qui doit voir le général espagnol Fernando Gracia Herreiz prendre le relais du général tchèque František Ridzák, début janvier (lire : Un général de brigade espagnol prend la tête d’EUTM Mali en janvier). Il sera suivi d’un général allemand.
Böddeker vient de l’armée de terre allemande. Il a notamment été commandant du bataillon d’appui au commandement 285 (Führungsunterstützungsbataillons), dont une partie de l’effectif a été déployé au sein de l’ISAF en Afghanistan pour assurer la ‘force protection’.
(NGV)
Lire aussi : Mali. Il faut doter les FAMA d’une structure correcte de commandement et de contrôle (général Gracia Herreiz)
Cet article Nouveau commandant adjoint à EUTM Mali est apparu en premier sur B2 Le blog de l'Europe géopolitique.
Attaque informationnelle des GAT, qui profitent de l'aubaine ? Ou vraie erreur de Barkhane (de tir ou
Plus d'infos »(B2) Une partie des dons faits par l’Europe, comme par les États-Unis, à l’Ukraine pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 a été détournée de son objectif initial
Près de la moitié du fonds de 2,3 milliards $, créé au printemps, pour lutter contre la pandémie de coronavirus et ses conséquences n’a pas été allouée à des médicaments ou à du matériel médical, détaillent des chercheurs ukrainiens sur leur blog. Un fonds alimenté en partie (environ 20%) directement par des fonds européens. L’Union européenne (232 millions $) et l’Allemagne (181 millions $) étant les principaux financeurs internationaux.
Plutôt, 1,2 milliard $ (environ 1 milliard €) ont été alloués à la construction de routes dans le cadre du programme présidentiel « Grande construction » (1), comme l’a reconnu en novembre Igor Umansky, l’ancien ministre des Finances et conseiller en chef du bureau présidentiel. Cet argent a par ailleurs bénéficié à une série d’entreprises dirigées par des oligarques ukrainiens (Avtomagistral-South, Avtostrada, Rostdorstroy, Altkom et Techno-stroy-center), mais aussi des sociétés turques. Onur et Ozaltin ont ainsi remporté des contrats importants (respectivement de 91 millions $ et 38 millions $) avec Ukravtodor en 2020.
(NGV)
Cet article Ukraine. Des millions $ destinés à la lutte contre le Covid-19 s’évanouissent est apparu en premier sur B2 Le blog de l'Europe géopolitique.
Après la mort de 5 militaires français au Mali, la ministre des armées Florence Parly s’en est pris aux « terroristes » qui « utilisent l’arme des lâches », les engins explosifs improvisés.
Il était déjà vice-président d'Unéo depuis trois ans : Marc Leclère, 56 ans, en est désormais le président
Plus d'infos »20, 30, 40, 50%, ... "beaucoup". Les pertes liées aux IED ont eu le droit à une série de chiffres durant tout
Plus d'infos »Les responsables français l'affirment, pour l'heure, pas de décision sur une réduction, sur un retrait.
Plus d'infos »Le brigadier Loïc Risser (24 ans) a été tué par un IED ce matin à Menaka avec sa chef de groupe, le
Plus d'infos »Le sergent Yvonne Huynh a été tué ce matin par un IED à Menaka, avec un autre membre de son équipe,
Plus d'infos »(B2) A patrol of the Barkhane Force was hit this Saturday (2 January) in the early afternoon by an improvised explosive device. The French forces are counting two dead and one seriously wounded
The incident took place in the locality of Tabangoute, 2 km north of the town of Menaka in Mali. The attack by an improvised explosive device (IED) caused several casualties among the military, according to Wassim Nasr, citing local & corroborating sources. It is the work of the JNIM (1), analysis the watchman-analyst and journalist for France 24. Organisation which has a « platform for firing home-made rockets » in the area he says.
Two dead, one injured
The information was officially confirmed at 23:00. « Sergeant Yvonne Huyng and Brigadier Loïc Risser of the 2nd regiment of Haguenau hussars died in battle north of Ménaka, » the French army said in a statement. Despite the immediate care provided by the detachment’s first-aid worker, they died « as a result of the explosion ». A third soldier was injured. His condition « is stable and his medical prognosis is not promising », assured the French army staff. Aerial observation, protection means (such as fighter planes) and a rapid reaction force on the ground (by helicopter) have been « deployed » to ensure the protection of the elements, as well as the evacuation of victims.
Improvised explosive device
Their light armoured vehicle, acting as part of an observation and intelligence patrol, was hit by an improvised explosive device NB: this is indeed a mine-type IED. An EOD investigation team was deployed on site to determine the operating mode used (by pressure or remote control of the mine), as well as its design. This is important in order to define the origin or group behind the explosion.
Second incident in less than a week
This is the second incident in less than a week. The previous one took place on Monday in another area near Hombori.
Czech deployment under way
Menaka is a key area. It is there that the Czech soldiers who are going to operate with the French within the framework of the Takuba Task Force grouping together European special forces under the command of the Barkhane Force is to be based. This incident is all the more significant as the units of the 601st special forces group based at Prostějov are, according to our information, in the process of setting up in the area. Most of them have even already arrived.
This is a first for the men of this elite unit of the Czech Army, which bears the name of General Moravec (2). They have already been deployed in several areas of tension (since the advent of the Czech Republic): during the Balkan War (IFOR, SFOR, KFOR, UNPROFOR), in Iraq (during the Gulf War or Operation Enduring Freedom) or in Afghanistan. But never in Africa in a combat position.
(NGV)
English version published at 23:50
Cet article New attack against a vehicle of Operation Barkhane near Menaka in Mali (v2) est apparu en premier sur B2 Le blog de l'Europe géopolitique.
(B2) Une patrouille de l’opération Barkhane a été atteinte ce samedi (2 janvier) en début d’après midi. Deux morts et un blessé grave figurent parmi les forces françaises
L’incident a eu lieu vers la localité de Tabangoute à 2 km au nord de la ville de Menaka au Mali. L’attaque par un engin explosif improvisé (IED) a fait plusieurs victimes dans les rangs des militaires, selon Wassim Nasr, citant des sources locales & concordantes. Il est l’œuvre du JNIM (1), précise le veilleur-analyste et journaliste pour France 24. Organisation qui a dans la zone une « plateforme de tirs de roquettes artisanales ». Le bilan exact n’est pas confirmé. Mais on parle de deux morts au moins et plusieurs un militaire gravement blessé, évacué sur l’hôpital de la base militaire de Gao (Mali).
#Mali selon sources locales & concordantes « un convoi #Barkhane a été frappé par un IED en début d’après midi vers la localité de Tabangoute à 2km au nord de la ville de #Menaka » // zone d’activité du #JNIM #AQMI utilisée aussi comme plateforme de tirs de roquettes artisanales pic.twitter.com/FouizZf7I2
— Wassim Nasr (@SimNasr) January 2, 2021
L’état-major des armées, sollicité par B2 vers 20h, n’a pas souhaité au départ commenté la nouvelle. Ce qui n’est pas vraiment de bon augure. En général, il s’agit d’une part de prévenir les familles concernés, mais aussi de consolider le bilan exact et de mettre au point la communication politique.
Deux morts et un blessé
(Mise à jour) L’information a été confirmée officiellement à 23h. « Le sergent Yvonne Huynh et le brigadier Loïc Risser du 2e régiment de hussards de Haguenau sont morts au combat au nord de Ménaka », détaille l’état-major des armées dans un communiqué. En dépit des soins prodigués immédiatement par le secouriste du détachement, « ils ont succombé des suites de l’explosion ». Un troisième militaire a bien été blessé. Son état « est stable et son pronostic médical n’est pas engagé ». Des moyens d’observation et de protection aérienne (de type avions de chasse) ainsi qu’une force rapide de réaction au sol (intervenue par hélicoptère) ont « été déployés » afin de garantir la protection des éléments, comme l’évacuation des victimes.
Le sergent Yvonne Huynh et le brigadier Loïc Risser (crédit : DICOD / EMA)Un engin IED
Leur véhicule blindé léger qui faisait partie d’une patrouille d’observation et renseignement a été atteint par un engin explosif improvisé.
NB : il s’agit bien d’un IED de type mine. Une équipe d’enquête EOD a été déployée sur place afin de déterminer le mode opératoire utilisé (par pression ou télécommandée de la mine), comme sa conception. Ce qui est important pour définir la provenance ou le groupe à l’origine de l’explosion.
Second incident en moins d’une semaine
C’est le second incident en moins d’une semaine. Le précédent avait eu lieu lundi, dans une autre zone, près de Hombori (lire : Trois militaires de Barkhane décèdent dans un IED). Mais Menaka est une zone clé. C’est là que doivent s’installer les militaires tchèques qui vont opérer avec les Français dans le cadre de la Task force Takuba (regroupant des forces spéciales européennes sous le commandement de Barkhane) (lire : Takuba. Déploiement tchèque en cours).
Hommage
Plusieurs hommages ont été rendus aux militaires français venant de responsables européens « C’est l’Europe toute entière qui s’incline devant le sacrifice de ces jeunes tués loin de chez eux et qui, en protégeant la paix et la stabilité au Sahel, renforcent aussi notre sécurité en Europe » a indiqué Charles Michel, via twitter.
(NGV)
Mis à jour 23h30 (v2) Confirmation du bilan. Précisions sur l’engin explosif et sur la présence tchèque. 5.1 (v3) Ajout du commentaire de Charles Michel
Cet article Nouvelle attaque contre un véhicule de l’opération Barkhane près de Menaka au Mali (v3) est apparu en premier sur B2 Le blog de l'Europe géopolitique.
Le 1ere clase Ablezah Staples, du 724th Civil Engineer Squadron, vérifie que la boule du Nouvel an fonctionne bien sur la base 201 d'Agadez, au Niger (US Air Force photos Staff Sgt. Matthew J. Wisher).
Cette boule rappelle celle de Times Square: depuis 1907, une grosse boule lumineuse d'un diamètre de 3,7 m, pesant 49 kg, munie de 600 ampoules halogènes, de 540 panneaux à cristaux en forme de triangle et de 96 lampes stroboscopiques. La boule descend lentement à partir de 23 h 59 sur un mât situé sur le toit du One Times Square pour se poser à minuit pile.
Les militaires d'Agadez ont repris cette tradition comme le montrent ces clichés.
La boule lumineuse a ensuite été accroché dans un des shelters de la base. Pendant ce temps, d'autres soldats installaient des "2021" au-dessus de conteneurs.
Dans le cadre du dossier annuel d'ER, voici un premier artticle pour cette année. J'ai un peu l'intention de revenir plus souvent... Il faut juste que je trouve le temps....
Thomas (ici) a en effet parcouru le vocabulaire militaire que notre confinement actuel pouvait évoquer : blocus, embargo, endiguement, autant de termes opératifs qui renvoient à notre expérience présente. A un détail près cependant : notre confinement n’a rien de militaire. On peut certes évoquer les hôpitaux de campagne qui ont été mis en œuvre, les liaisons aériennes par hélicoptères ou kits Morphée, les quelques PHA mis en alerte au profit des DOM-COM mais finalement, l’outil militaire a été peu utilisé. Certes, il faudrait aussi évoquer les conséquences opérationnelles du confinement sur les forces : entre les cas qui se sont déclarés sur le Charles de Gaulle ou sur le bâtiment américain Théodore Roosevelt au printemps, ou les mesures de confinement ajoutées à la préparation opérationnelle avant les Opex (ou au retour d’Opex). Rien là finalement qui n’attire l’intérêt au-delà des spécialistes.
Mais du coup, si l’on réfléchissait en termes de grande stratégie, celle qui est au-dessus de la stratégie militaire, celle que doit conduire le stratège politique qui préside aux destinées de la Nation ? Voyons cela...
Les pays fermés
Car le confinement est une stratégie qui peut se décider pour des raisons politiques et pas seulement sanitaires. Deux exemples viennent à l’esprit : la Corée du Nord et le Turkménistan.
Le cas de la Corée du nord est le plus connu. Pyong-Yang a en effet décidé de fermer ses frontières avec l’extérieur et de ne pas autoriser la libre circulation de ses citoyens à l’extérieur, et même à l’intérieur du pays. Mais l’expression de « royaume ermite », utilisée souvent pour désigner le pays, s’applique en fait à toute la péninsule, tant elle a été prise en tenaille entre de multiples puissances expansionnistes : Chine, Japon et Russie, traditionnellement. Depuis le XVIIe siècle, face à tant d’invasions, la Corée se ferme et se méfie de tout ce qui est étranger. En fait, la dynastie Kim reprend une vieille tradition coréenne. Dès lors, malgré l’ouverture de quelques zones franches, le pays vit refermé sur lui-même, ce qui constitue un de ses piliers géopolitiques.
Le Turkménistan est moins connu. A la suite de l’éclatement de l’URSS, le pays devient indépendant sous la houlette d’un dictateur, Saparmurat Niazov (qui meurt en 2006). Ce « Turkmenbachi » (père des Turkmènes) conduit une politique d’indépendance nationale autour de la langue turkmène, à la fois pour se dégager de l’influence russe et pour dépasser la structure tribale de la société. Cependant, malgré d’énormes richesses en hydrocarbures qui en font un eldorado gazier et constituent l’essentiel de ses relations extérieures, le pays s’enferme. Membre à l’origine de la Communauté des Etats indépendants qui a succédé à l’URSS, il en devient un simple « membre associé », afin de manifester une neutralité officielle. Dès lors, la population, jeune et endoctrinée par l’éducation du régime (autour du livre Ruhnama écrit par Niazov et qui a officiellement autant de valeur que le Coran), se voit interdire toute relation avec l’extérieur. Le système est donc moins dur que celui de Corée du Nord, le pays est plus riche grâce au pétrole, mais il reste enclavé et très distant envers toute communication étrangère.
Les pays murés
Une autre forme de confinement consiste à dresser des murs, des clôtures et des barrières à ses frontières. Certaines sont très anciennes (que l’on pense justement à la DMZ entre les deux Corées, qui date de 1953), d’autres bien plus contemporaines, pour des motifs divers. Constatons qu’en ces temps de mondialisation, donc d’ouverture, les murs et clôtures se multiplient, comme s’ils étaient une externalité de cette mondialisation.
Ils ont différentes formes et ne ressemblent pas tous à l’accumulation de grillages autour des présides de Ceuta et Melilla : ainsi, une marche peut constituer une telle barrière : un espace avec un obstacle naturel (ou pas) mais surtout aucun point de franchissement, manifestant la volonté des deux pays de ne pas échanger : par exemple la marche entre Panama et Colombie, ou celle entre Papouasie et Indonésie. De simples grillages peuvent suffire, comme entre Botswana et Zimbabwe (le Botswana a d’ailleurs invoqué des raisons sanitaires pour justifier, en 2003, l’érection de cette barrière électrifiée). Enfin, de véritables ouvrages avec beaucoup de technologie peuvent s’élever, comme aux frontières du Koweït ou celle d’Arabie Séoudite.
Il est vrai que la plupart de ces murs sont destinés à empêcher l’autre de venir. La barrière est alors tournée vers l’extérieur, créant deux zones : une qui serait « protégée », l’autre qui serait ouverte à tout vent. Le discours sanitaire est sous-jacent car l’autre est censé apporter avec lui bien des inconvénients dont on ne veut pas. L’autre est synonyme de danger. Ce peut être pour des raisons de contrebande (motif invoqué par le sultanat de Brunei face à la Malaisie orientale, ou par l’Inde face au Bengladesh), sécuritaires (Chine, Thaïlande, Ouzbékistan, Iran, Maroc) et bien sûr l’immigration (multiples exemples).
Des pays ouverts utilisent largement ces dispositifs : que l’on pense à l’Union Européenne et son dispositif Schengen (avec des zones très équipées, par exemple en Thrace), aux États-Unis (D. Trump a attiré l’attention sur cette barrière qui restait à terminer d’ériger) et bien sûr à Israël, qui a dressé un véritable mur de plusieurs mètres de haut à l’intérieur de son pays pour se séparer des zones officiellement attribuées à l’autorité palestinienne.
La barrière est un moyen de « réduire le risque », notre société contemporaine manifestant une aversion maximale au risque. De ce point de vue, elle obtient l’assentiment de la population qui y voit l’affirmation d’une souveraineté perçue comme menacée. Mais dans un certain nombre de conflits gelés, la barrière peut aussi constituer un signe d’apaisement permettant l’ouverture de négociation. Aussi bien, la barrière n’est pas aussi rigide que certains la présentent souvent. Elle est d’ailleurs efficace à court terme mais elle perd son usage dans le temps. Car l’étanchéité des murs paraît hypothétique notamment sur de longues distances. Élever une barrière ne suffit pas : il faut la surveiller, l’entretenir, être en mesure d’intervenir en cas de problèmes et de repousser « l’autre » qui voudrait passer en force. Autant de moyens humains qui sont indispensables et qui supposent des ressources constantes, rarement allouées dans la durée.
Confinements intérieurs
Dernier exemple de confinement stratégique, celui du confinement intérieur. Il peut affecter une population entière : la pandémie de 2020 nous a montré comment. Plus habituellement, il concerne certains espaces ou certaines catégories de la population.
On peut bien sûr penser aux zones réservées pour des motifs sécuritaires, telles les zones militaires (aux statuts divers, de la simple zone protégée aux zones sous haute surveillance) mais aussi les centrales nucléaires ou autres emprises Seveso. Nous sommes ici à cheval entre des motifs régaliens et des considérations de sécurité publique, sans même parler des clôtures particulières destinées à protéger la propriété privée. Mais au-delà de ces cas courants, il y a des confinements exceptionnels.
Le cas d’Israël construisant un mur intérieur le long de la ligne verte est symptomatique de ce confinement intérieur des espaces. N’oublions pas non plus les dispositifs d’apartheid comme ceux qu’a connu l’Afrique du sud.
Deux autres phénomènes existent, assez proches et admis socialement. D’une part, les zones d’accueil des gens du voyage, disposées partout sur le territoire. Les gens du voyage ont mauvaise réputation, précisément parce qu’ils n’ont pas de domicile fixe. A défaut d’un passeport individuel retraçant leur itinéraire sur le territoire, les autorités ont mis en place des obligations d’accueil géographique aux alentours des agglomérations. Autre phénomène, celui des « parcos », qui désignent en Italie ces regroupements de maisons entourées et gardées pour des raisons de sécurité. Le phénomène se répand notamment aux États-Unis, sous le nom de gated communities (quartier résidentiel fermé). Ces deux exemples retracent les phénomènes observés aux frontières extérieures. Le premier vise à cantonner les extérieurs dans des enceintes réservées (des sortes de frontières intérieures), quand le second vise à se protéger soi-même de l’extérieur en s’isolant. Dans un cas, le confiné est reflué dans l’espace clos, dans l’autre, l’espace clos sert à protéger le confiné.
Ainsi, le confinement constitue une stratégie générale visant à isoler deux populations, l’une « saine », l’autre « dangereuse ». Finalement, il constitue un outil courant permettant de séparer « le même » de « l’autre ». Il s’applique aussi bien aux frontières extérieures, soit qu’il faille empêcher la population de sortir, soit d’empêcher l’étranger d’entrer. Mais le phénomène existe aussi à l’intérieur, avec des sortes de confinements temporaires ou durables, permettant de confiner relativement telle ou telle population.
De ce point de vue, la situation que nous avons connue avec la pandémie et les confinements nationaux mis en place est extraordinaire, au sens premier du mot : En effet, il ne s’agit pas simplement d’empêcher la population de sortir du pays, mais tout simplement de limiter ses déplacements à l’intérieur du pays, à l’encontre d’une liberté de circulation qui apparaissait traditionnellement comme une liberté publique intangible.
Olivier Kempf