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Crash d’un Mig 21 et d’un hélicoptère Puma roumains près de la mer Noire

Bruxelles2 Blog - Wed, 02/03/2022 - 22:43

(B2) Ce mercredi (2 mars) est un jour triste pour les forces aériennes roumaines et notamment celle de la 57e base aérienne de Mihail Kogălniceanu. Une base où sont stationnés des soldats américains et doivent arriver des soldats français. Coup sur coup deux appareils se sont écrasés

Tout d’abord, un avion MiG 21 LanceR de la 86e base aérienne (de Borcea dans le département de Călărași), qui effectuait une mission de patrouille aérienne au-dessus de Dobrogea, a perdu sa connexion radio avec la tour de contrôle, et a disparu du radar, vers 20h, dans une zone entre les localités de Cogealac et Gura Dobrogei. L’avion venait de décoller dix minutes auparavant de la base aérienne Mihail Kogălniceanu. Des opérations de recherche et de sauvetage ont été lancées immédiatement, indique le ministre de la défense Vasile Dincu sur son compte facebook.

L’hélicoptère de secours se crashe à son tour

Un hélicoptère IAR-330 Puma a donc décollé en urgence vers la zone d’impact possible. Mais, à son tour, cet hélicoptère s’est écrasé au sol dans la région de Gura Dobrogei, dans le département de Constanta. Il a perdu sa connexion radio avec la base vers 20h44. Les sept militaires à bord sont décédés. Outre les cinq membres d’équipage , deux sauveteurs en mer avaient également embarqué. Le plus jeune avait 27 ans. Le pilote de l’hélicoptère, le capitaine de corvette Bogdan Florin, était un pilote aguerri. A 41, en poste depuis 2003, il totalisait plus de 1500 heures selon la presse roumaine.

(NGV)

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La neutralité n’est pas une tare

Bruxelles2 Blog - Wed, 02/03/2022 - 15:05

(B2) Comment mettre fin au conflit entre la Russie et l’Ukraine ? Réflexions

Trois solutions : deux militaires, une diplomatique

Pour faire taire le conflit entre l’Ukraine et la Russie, il n’y a pas une série de solutions. Soit engager une force militaire importante avec une aide massive militaire aux côtés des Ukrainiens, ce qui revient à équilibrer les forces et prolonger le conflit. Soit faire adhérer l’Ukraine de façon ultra rapide à l’OTAN, déclencher l’article 5 et envoyer des troupes euro-atlantiques aux côtés forces ukrainiennes. Ce serait le début d’une guerre russo-américaine par Européens interposés. Soit, dernière option : négocier.

Que peut-on “offrir” à la Russie ?

Les deux premières options sont concrètement exclues. Ne reste que la troisième. Pour négocier, et offrir à la Russie de quoi pouvoir retirer ses troupes sans tarder, il faut pouvoir lui offrir une garantie. La garantie de la non-adhésion à l’OTAN n’est pas possible en termes politiques. En revanche, proclamer la neutralité de l’Ukraine ne serait pas impossible et pas anodin sur le cours des évènements. La neutralité n’est pas une tare. Plutôt que l’exemple de la Finlande, si souvent cité, c’est l’exemple autrichien qui devrait être mis en avant.

L’exemple autrichien

Le retrait des troupes soviétiques d’Autriche, effectif en 1955, a été acquis au prix de cette neutralité. Et sa sécurité a toujours été garantie, y compris dans un moment rude, celui de 1956, qui a vu les troupes soviétiques intervenir à Budapest. L’Autriche est aujourd’hui membre de l’Union européenne, c’est un pays stable… et riche. Sa non adhésion à l’OTAN n’est pas un handicap, loin de là. Au contraire, ce serait même un atout. Vienne a toujours été le lieu de rencontres entre l’Est russe et l’Ouest. Encore aujourd’hui, elle accueille les négociations entre les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies (+ l’Allemagne) et l’Iran, pour l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA).

Un renoncement minime

Pour les Ukrainiens, ce serait sans doute une déchirure, mais largement moins que de voir réduit leur pays à feu et à sang par une troupe d’occupation russe. Ou de devoir vivre en permanence sous la menace d’une nouvelle intervention (à supposer que celle-ci se termine). La neutralité proclamée pourrait pousser les forces russes à se retirer, du moins des positions conquises aujourd’hui (1). En soi, face à la guerre, la neutralité est le moindre mal.

Que peut-on “offrir” à l’Ukraine ?

En échange, les Européens pourraient offrir à l’Ukraine une perspective plus claire d’adhésion à l’Union européenne. Non pas en 2030 comme le réclament les Polonais. Mais avec une négociation sur ce qu’on appelle le statut de pays candidat à l’Union européenne. Histoire d’arrimer solidement l’Ukraine au “bloc” de l’Ouest. On aurait ainsi un compromis possible entre une neutralité militaire adoptée par un certain nombre de pays européens (cf. encadré) et un rapprochement économique et politique avec l’Ouest. Ce sera difficile à accepter par les uns et les autres. Mais ce peut être un bel objet de négociation.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. La Crimée semble perdue pour l’Ukraine aujourd’hui. Pour les républiques séparatistes de Donetsk et Louhansk, cela peut être négociable en échange d’un statut large d’autonomie.
Six pays neutres et non alignés. Dans l'Union européenne, on compte trois pays neutres (Autriche, Irlande, Malte) et trois pays dit non alignés, non membres d'une Alliance militaire (Finlande, Suède, Chypre). Cela ne les empêche nullement de participer à des opérations militaires (les Irlandais étaient très présents à EUFOR Tchad en 2008, les Autrichiens dans EUTM Mali en 2021 et comme nation cadre de EUFOR Althea, les Finlandais et Suédois ont été engagés aux côtés de l'OTAN également). Hors de l'Union européenne, la Suisse (exemple le plus célèbre), mais aussi la Serbie ont adopté une position de neutralité. NB : la neutralité est généralement inscrite dans la Constitution du pays, voire dans un traité international. Tandis que le non-alignement procède d'un positionnement politique qui peut évoluer au fil du temps. Le droit de la neutralité est codifié depuis 1907 dans les Conventions de La Haye (voir la page de l'ONU).

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La guerre en Ukraine. Un tournant pour la défense européenne ?

Bruxelles2 Blog - Tue, 01/03/2022 - 10:23

(B2) Face à l’offensive russe, les pays européens ont réagi, tardivement, un peu de façon erratique. Mais ils ont réagi. Si on ne peut pas dire qu’il y a une défense européenne, on peut dire qu’il y a un esprit de défense européen qui est en train de se forger, sous la pression de la crise.

La réaction européenne est exceptionnelle

C’est un fait. Mais l’évènement est exceptionnel également. On est face à un évènement qui ne se produit qu’une fois tous les 30 ou 40 ans. Le dernier en date était la guerre dans les Balkans au début des années 1990 avec l’explosion de la Yougoslavie. Mais la Russie n’était pas impliquée directement. L’autre précédent est plus ancien : l’écrasement du printemps de Prague en 1968 et auparavant l’intervention militaire pour faire taire la révolution hongroise de 1956. Mais ces faits datent d’une autre époque, celle de la guerre froide. Où chacun était habitué, somme toute, à une guerre des blocs.

Un tournant idéologique en cours

Face à cela, après un certain attentisme (1), un étonnement logique vu l’enchainement des évènements (2), l’Europe s’est mise en branle, de façon unie, concertée et décisive. Les réunions se succèdent à un rythme effréné (même un peu trop, pourrait-on dire). Et les décisions s’enchainent une à une, implacables. Aux cotés des classiques outils (aide humanitaire, assistance financière (3), des sanctions individuelles et économiques sectorielles), l’Europe déclenche une batterie plus importante de sanctions visant le cœur du Kremlin, les oligarques, Swift et la banque centrale (4). Les Européens ont opéré un tournant idéologique en acceptant très vite de livrer des armes à l’Ukraine (5). Un tournant opéré ensemble, de façon coordonnée et avec un financement européen (cf. ci-dessous). C’est important à souligner.

Une unité rare

Les Européens sont unis face à cette guerre. Comme jamais ils ne l’ont jamais été. Bien sûr il reste certaines nuances, dues davantage à l’histoire de chaque pays. Mais on ne peut plus parler de dissensions. Les blocages et paroles dissonantes s’atténuent face au fracas des armes. Même les pays réputés amis de Moscou (Chypre, Bulgarie, Hongrie) font taire leur opinion pour se ranger sous la bannière commune (6).

L’utilisation de tous les instruments

C’est une caractéristique de cette crise. L’Union européenne se montre déterminée à utiliser tous les instruments. Tous ! La pression politique est réelle, avec une coordination très étroite avec tous les alliés (USA, Canada, Royaume-Uni… mais aussi la Suisse). L’instrument ‘sanctions’ a été poussé à son extrême en seulement quelques jours. Peu importe le coût, comme vient de l’avertir le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell : « Nous devons prêts à payer le prix maintenant, ou le prix sera beaucoup plus élevé dans le futur. » Elle a aussi décidé de mobiliser ses instruments militaires (tels le centre d’analyse satellitaire de l’Union) aux côtés des instruments plus traditionnels (aide humanitaire, protection civile, aide financière).

La mobilisation de la facilité européenne pour la paix : un changement radical

C’est surtout le recours à la facilité européenne pour la paix l’achat d’équipements létaux qui est notable. Quand on connait tous les affres qui ont précédé l’accouchement de cette nouvelle capacité européenne, destinée à remédier à une lacune européenne, on peut mesurer le temps parcouru. Une décision d’autant plus rare que le montant engagé (un demi-milliard d’euros) n’est pas négligeable. C’est 90% du montant annuel normalement dévolu (7) à la Facilité.

L’Union européenne en première ligne

Certes on pourra dire que l’Europe n’engage aucun moyen militaire direct. Mais l’Alliance atlantique non plus. Ni aucun autre État membre. L’Europe ne peut pas faire plus que ses propres États. Ce qui est extraordinaire en revanche, est la première place prise sur tous les plans par l’Union européenne. D’ordinaire sur un évènement, surtout en matière de défense, l’Alliance atlantique prend toute sa place non seulement en termes militaires, mais aussi politiques. Ici, c’est le contraire. L’OTAN apparait en retrait. Elle ne s’est que peu réunie finalement : une réunion de ministres (ordinaire) et un sommet — alors que l’Union européenne s’est déjà réunie près de dix fois selon nos comptes, dont deux réunions au sommet, quatre réunions des ministres des Affaires étrangères, une réunion des ministres la Défense, une réunion des ministres de l’Intérieur, et de l’Energie. Enchainant décision sur décision. Y compris en matière de coordination militaire (8).

Une absence : la diplomatie et l’interposition

Le seul regret est que, paradoxalement, malgré tous les efforts des uns et des autres, l’Union européenne reste plutôt absente de ce qui a fait sa force : la diplomatie. Aucun représentant spécial n’a été nommé. Aucune équipe de négociateurs n’a été composée. Aucun ministre ou chef d’État n’a été clairement missionné. Et, surtout, aucune position claire pour le règlement du conflit n’a été formulée sinon les habituels appels au cessez-le-feu et arrêt de la mission sur le terrain. Certes on se téléphone régulièrement. Et la présidence française du Conseil de l’UE a pris quelques initiatives, très médiatiques, mais assez peu efficaces pour l’instant (cf. encadré). On peut être aussi étonné que l’Union européenne n’ait pas commencé à proposer aux forces en présence son intermédiaire, afin de permettre un cessez-le-feu et des équipes d’observateurs. Il est trop tôt sans doute. Mais peut-être sera-t-il trop tard ensuite…

(Nicolas Gros-Verheyde)

Une négociation très bruyante et peu efficace. Le président français Emmanuel Macron ne néglige aucun effort pour maintenir le dialogue avec Vladimir Poutine. C'est un fait. Et, surtout, il le fait savoir bruyamment. Si bruyamment qu'on peut se demander si c'est l'intérêt de la négociation qui commande ou l'intérêt électoral qui prédomine. Reste un problème, le principal : jusqu'à présent, cela n'a eu aucun effet côté russe. Au contraire même. On a l'impression qu'à chaque fois que le Français se réjouit d'avoir eu son homologue russe au téléphone, et d'avoir obtenu une micro-avancée, le camp adverse prend un malin plaisir à démentir ses propos, soit en paroles, soit sur le terrain. La réalité c'est qu'une négociation concrète, efficace, ne se fait pas sur la place publique. Et surtout pas de façon solitaire. Le président français est-il automatiquement le mieux qualifié pour négocier ? Pas sûr même si la France assure en ce moment la présidence du Conseil de l'Union européenne. Il n'a jamais montré un talent en la matière (cf. pour la Libye, le Mali ou le Liban). Ce n'est pas dans sa nature. Le principe, historique européen, du couple de négociateurs (franco-allemand), de la troika de négociation (de type E3 ou trio de présidences), ou d'un missi dominici réputé, a toujours été, et restera, assurément le meilleur atout des négociations à l'Européenne. Pas du plaisir en solitaire. Ou alors il faut réussir au premier coup (type Sarkozy en 2008 avec la Géorgie).
  1. Les premières réactions étaient plutôt molles avec juste quelques noms ajoutées sur une liste noire). Lire : L’Europe s’apprête à passer aux sanctions sans passion.
  2. Si on se fie aux différents scénarios envisagés en interne, par les analystes de défense de l’UE, on se trouve dans le pire des pires scénarios. Lire : Les Russes jusqu’à Marioupol, Odessa, ou la rive gauche du Dniepr et Kiev ?
  3. Une aide macro-financière sous forme de prêt de 1,2 milliard € a été débloquée en un temps record (quelques jours).
  4. Lire : Swift, Banque centrale, Oligarques. Européens et Alliés d’accord pour une troisième vague de sanctions.
  5. Lire : Guerre en Ukraine. Les Européens oublient leurs principes et fournissent des armes. Un peu.
  6. Lire : la facilité européenne de paix financera des équipements létaux pour les forces ukrainiennes
  7. « Je ne crois pas aux avantages des sanctions. [Mais] une guerre est en cours. Ce n’est pas le moment d’être intelligent, mais d’être uni » dixit le premier ministre hongrois Viktor Orban lundi (28 février). Venant d’un trublion européen, cette parole est d’or.
  8. Lire : Guerre en Ukraine. Les ministres de la défense de l’UE mobilisent les instruments de défense européens

Lire aussi notre dossier Dossier N°92. L’Europe et l’OTAN face à l’intervention militaire russe en Ukraine

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La situation en Ukraine au 27 février. Les forces russes n’arrivent pas à percer. Sauf au Sud vers Marioupol

Bruxelles2 Blog - Mon, 28/02/2022 - 22:15

(B2) Voici un premier bilan des combats pour la journée de dimanche (27 février). Extrait d’un compte rendu fait par les militaires slovaques. Parmi les mieux informés de ce qui se passe en Ukraine. La Slovaquie ayant une frontière commune.

NB : Ces informations semblent en bonne partie basées sur des informations venant de Kiev. A prendre donc avec précaution. On est en temps de guerre. Et les informations restent parcellaires.

Kiev tient toujours

Il n’y a pas eu de changement significatif dans la situation militaire dans le conflit russo-ukrainien au cours des dernières 24 heures. Les combats se sont poursuivis le 27 février autour de la capitale Kiev et dans d’autres entités régionales sur la rive gauche du Dniepr. Mais les troupes russes n’ont toujours pas réussi à encercler complètement la capitale ukrainienne. Au contraire, elles ont été contraintes de battre en retraite dans certaines directions.

Une colonne blindée détruite

Les forces ukrainiennes ont réussi à détruire plusieurs colonnes de troupes russes avec des tirs d’artillerie, dont environ 20 véhicules blindés et non blindés à l’ouest de Kiev dans la ville de Bucha, et un drone Bayraktar TB2 (de fabrication turque) a détruit une colonne de troupes russes près de la ville de Jytomyr.

Des Tchétchènes autour de Kiev

La Russie aurait déployé plus de 10.000 tchétchènes, combattants particulièrement redoutés, pour combattre à Kiev. Au cours des opérations dans la capitale Kiev, l’un des régiments de Tchétchénie a cependant été dispersé et leur commandant en chef, un général, est mort au combat.

A Kharkov, Tchernihiv et Soumy les Russes contenus

Les forces armées ukrainiennes ont réussi à contenir les troupes russes près des villes de Tchernihiv (à 130 km au nord de Kiev), Soumy (au nord-est de l’Ukraine, près de la frontière russe) et Kharkov (au nord-est, la 2e ville du pays). Les Russes « n’ont réalisé presque aucun gain territorial ». Au contraire, ils ont subi des « pertes importantes », en effectifs (morts et blessés) comme en matériel (destruction de blindés, de sécurité et d’équipement).

A Kharkov, les Russes repoussés

« Aucune activité plus importante des troupes russes n’a été observée dans les directions de Soumy et de Kharkov », où elles avaient subi des pertes importantes les jours précédents. Au contraire, les forces armées ukrainiennes et d’autres forces de sécurité ont « réussi à éliminer les [poches] formées par les troupes russes ayant pénétré à Kharkov ».

Des bombardements indistincts

Les troupes russes ont utilisé des missiles balistiques et artillerie, notamment à Jytomyr, Tchernigov, Kharkov et Marioupol.

Marioupol encerclée

Dans le sud de l’Ukraine, la situation est plus difficile pour les Ukrainiens. « Les gains les plus importants des forces armées russes ont été réalisés de Kherson à Mikolajiv (ville portuaire entre Kherson et Odessa). » Certaines offensives russes ont cependant pu être brisées près de Mikolaev et Kherson. On signale des « cas de panique et de désertion dans les rangs des troupes russes » (Nb : sans nombre précis). Mais dans la ville de Melitopol, les forces russes « ont avancé au nord de Zaporozhye et à l’est, où ils ont réussi à encercler la ville de Marioupol ».

Le dernier obstacle pour le corridor terrestre

La ville portuaire de Marioupol, dans le sud de l’Ukraine sur la mer d’Azov, reste le dernier obstacle à la création d’un corridor terrestre de la Crimée au territoire de la Fédération de Russie. Malgré des bombardements intenses et un certain nombre d’attaques coordonnées, les forces armées russes et les unités séparatistes n’ont pas été en mesure de vaincre les défenses ukrainiennes.

La Biélorussie entre dans la danse

Selon plusieurs informations, la Biélorussie devrait se joindre à l’agression du côté russe dans un avenir proche et envoyer son contingent de troupes aux opérations en Ukraine.

Un corps de volontaires étrangers

Sont engagées du côté ukrainien, les forces armées, la Garde nationale, le Service national des frontières d’Ukraine et d’autres forces de sécurité. Une brigade de volontaires étrangers serait en cours de constitution pour venir soutenir les Ukrainiens. Des volontaires du Danemark et des vétérans des forces d’opérations spéciales des États-Unis et du Royaume-Uni sont annoncés.

(NGV)

Informations traduites et mises en forme par nos soins. La rédaction décline toute responsabilité sur la nature des informations n’ayant pu les vérifier sur le terrain.

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Le GIGN est en Ukraine. Pour sécuriser d’abord. Puis évacuer ensuite ?

Bruxelles2 Blog - Fri, 25/02/2022 - 18:30

(B2) Le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) a été mobilisé et déployé en Ukraine, juste avant le début de l’offensive russe.

Photo : Gendarmerie nationale

Un contingent de huit personnels du GIGN a été envoyé en Ukraine, selon l’AFP (repris par Ouest France). Les gendarmes viennent renforcer une équipe de cinq personnels, déjà sur place en permanence, pour sécuriser l’ambassade de France à Kiev et les activités diplomatiques. Selon Europe 1, ils seraient également en train de préparer l’exfiltration des ressortissants français sur place – soit environ 700 personnes, selon la radio.

En Afghanistan, en août 2021, c’est le RAID, l’unité d’intervention de la Police nationale, qui avait eu pour mission la sécurisation et l’exfiltration des ressortissants français et afghans de l’ambassade de France à Kaboul, et notamment de protéger l’ambassadeur David Martinon, jusqu’au dernier moment.

(Helen Chachaty)

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L’attaque russe sur plusieurs fronts en une carte

Bruxelles2 Blog - Thu, 24/02/2022 - 22:54

(B2) Une carte diffusée par le renseignement britannique vient illustrer la tactique suivie par les Russes.

Quatre groupes sont à l’action : le groupe Sud a pour objectif de sécuriser le Donbass, tandis qu’une autre partie du groupe Sud avec des troupes parachutistes se lance à l’assaut du Kherson et sans doute d’Odessa, à partir de la Crimée. Le groupe Centre a pénétré via la Biélorussie et se dirige des deux côtés du Dniepr (rive droite et rive gauche) pour atteindre Kiev, tandis que le groupe Ouest vise Kharkiv.

Au moins 57 Ukrainiens (civils et militaires) ont été tués lors de cette première journée d’offensive et 169 ont été blessés selon le ministre de la santé, Victor Lyashko, cité par le Kiev Independant.

Lire aussi :

Les Russes jusqu’à Marioupol, Odessa, ou la rive gauche du Dniepr ?

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La Russie attaque violemment l’Ukraine. Que faire : rien, sanctionner ou réfléchir ?

Bruxelles2 Blog - Thu, 24/02/2022 - 09:15

(B2) Face à la menace d’un nouveau conflit ouvert à l’Est de l’Ukraine, les Européens ont tenté de se mobiliser. Sans succès. Des sanctions ont été prononcées. Une voie diplomatique a été ouverte. Un nouveau sommet est convoqué ce jeudi. Trop faible. Trop tard. Quant à l’OTAN, elle est bien décidée à ne pas intervenir militairement. Uniquement en paroles et pour défendre ses États membres. Pas plus. Bis repetita de la Crimée en 2014… ou de Budapest en 1956.

Cimetière de Farkasrét à Budapest en hommage aux morts de 1956 (© NGV / B2)

La bonne comparaison à avoir : 1956

L’attaque de la Russie contre l’Ukraine n’est pas une réplique de la Seconde guerre mondiale. Comme certains se plaisent à le dire. C’est une erreur profonde. Une révision de l’histoire. Si elle était à comparer, en intensité, en objectif, en tactique, c’est bien avec l’intervention russe en Hongrie en 1956. A l’époque, on avait une concentration importante de militaires russes : 17 divisions blindées et d’infanterie, près de 190.000 hommes, 2500 tanks et 1000 véhicules de soutien, l’aviation bombarde les sites stratégiques (aéroports, usines) des principales villes de Hongrie.

Une intervention brutale et rapide

À l’époque, on assiste du côté russe aux mêmes tentatives de dissimulation, à la même brutalité d’intervention, et aux mêmes fausses justifications. Le bain de sang est édifiant : 700 morts soviétiques tout de même ! Environ 2500 Hongrois combattants et civils décédés, près de 13.000 blessés (1). Bien sûr, comme hier, aujourd’hui la solidarité est proclamée avec l’Ukraine urbi et orbi, dans les salons, à la télévision, sur twitter, au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais c’est tout. Et ce sera tout (2).

NB : J’ai retrouvé dans mes archives le compte-rendu du Conseil de sécurité des Nations unies du 4 novembre 1956, au jour de l’intervention soviétique définitive sur Budapest. À relire. Vous avez un rappel de l’actualité.

PV du Conseil de sécurité de l’ONU 4 novembre 1956Download

Aucune intervention militaire

On assiste au même attentisme des Occidentaux. L’OTAN gesticule, met en avant ses milliers d’hommes, sa centaine d’avions et de navires mobilisés. Mais c’est tout. Ces moyens — sous-dimensionnés en fait par rapport à l’intervention russe — restent sagement à l’intérieur des frontières de l’Alliance atlantique. Ils n’interviendront pas. Moscou le sait. Les Occidentaux l’en ont assuré.

Un feu vert tacite

Le tacle final est venu de Washington. Les États-Unis se sont empressés quelques semaines avant l’intervention de retirer les militaires présents sur le sol ukrainien comme dans la mission d’observation de l’OSCE (SMM). Un signal non pas de faiblesse, mais une sorte de feu vert tacite à l’intervention russe. L’objectif n’était pas seulement de protéger des citoyens américains, mais d’éviter qu’ils puissent être touchés par inadvertance et oblige ainsi à une intervention américaine.

Et demain ?

Pour être victorieuse pour la Russie, cette intervention devra être courte, limitée et éclair. À défaut, elle pourrait se transformer en un tombeau non seulement pour des soldats russes, mais aussi pour le régime. Une fois l’intervention terminée, il faudra recomposer avec une Russie, renouer des liens.

Écoutons ce que dit la Russie

Pour être (en partie) faux, les propos de Poutine ne reposent pas moins sur une certaine rationalité. Et sont nets et précis. Les Occidentaux n’ont pas su donner à la Russie les assurances de sécurité qu’elle méritait. Au contraire, du Kosovo 1999 à la Libye 2021, en passant par l’Iraq 2003, ils ont pris des aises avec le droit international comme avec le respect de la puissance russe. Moscou se venge en utilisant les mêmes armes : le mensonge, le contournement des règles internationales, la force plutôt que le droit. Il faut lire (ou relire) les propos de Vladimir Poutine face à la presse mardi (22 février) au lendemain de sa reconnaissance des républiques séparatistes du Donbass (Lire : Les accords de Minsk sont morts. La Russie a choisi : elle préfère le côté noir de la force (Poutine)).

Garder espoir

Tout n’est cependant pas perdu. Entre 1956 ou 1968 et 1989, il ne s’est passé que 20 à 35 ans, une bonne génération. On peut espérer que dans une génération, se lèvera une nouvelle élite de cadres et dirigeants russes, capables d’entrer dans une nouvelle modernité, alliant la puissance et le respect du droit. Pour cela, il faudra une véritable révolution mentale en Orient, mais aussi en Occident. Cesser de considérer tout ce qui vient de Moscou comme « paranoïaque ». Et tenter d’aboutir à un nouvel accord de sécurité européenne. Il faut dès maintenant y réfléchir ! C’est plus important en soi qu’un nouveau paquet de sanctions qui n’aura aucun effet, sinon de solidifier encore plus les Russes autour de leur régime.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Sans oublier la fuite de 200 et 300.000 Hongrois fuiront vers l’Ouest, des jeunes pour l’essentiel).
  2. On ne peut même pas dire que les Européens auront tout tenté. La négociation diplomatique a été faible, très faible. Aucune troïka européenne permanente pour négocier entre Moscou et Kiev. Aucune proposition d’une force d’interposition, d’une mission d’observation.

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Le retrait du Mali : une sacrée défaite française

Bruxelles2 Blog - Thu, 17/02/2022 - 16:32

(B2) L’opération phare de la France au Mali, Barkhane, et la task force européenne Takuba, se terminent en queue de poisson. Ce n’est pas une débandade militaire. Mais c’est une sévère défaite politique. Et un gâchis formidable. L’arrogance, le côté donneur de leçons — même justifié sur le plan des valeurs —, ne sont plus supportés en Afrique. Les Européens, et surtout les Français, vont devoir changer de logiciel.

Les quatre erreurs de Paris

Une certaine arrogance

Les Maliens, malgré tous leurs défauts, sont un peuple “gentil”. Il n’était pas nécessaire de les insulter publiquement comme l’ont fait, tour à tour, le gouvernement français, Emmanuel Macron, en tête, secondé par la ministre des Armées, Florence Parly, et le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Ces propos même justifiés ne se disent pas entre États qui se respectent (1).

Une certaine ambiguïté

Depuis le coup d’État au Mali, surtout le deuxième, et la condamnation intensive de ceux-ci par le pouvoir français, il y avait une réelle ambiguïté. Si on condamne et refuse un coup d’État, dans ce cas, il faut que ce refus d’actes soit suivi par une série d’actes, qui sont bien gradués dans l’échelle diplomatique : réduction des relations et des ambassades respectives, diminution des relations commerciales, économiques et politiques, retrait de la coopération technique ou militaire, etc. Comment rester dans un pays dont on estime le gouvernement dirigé par des militaires « non légitime » et « illégal » ? Comment continuer à coopérer avec une armée dont estime les Chefs justiciables de la prison ? La situation n’était ni politiquement ni éthiquement tenable.

Un double standard violent

La France et les Européens ont des attitudes plutôt contradictoires sur le plan de l’éthique démocratique dans le monde. On tolère largement un régime autoritaire, semi-militaire en Égypte, en Arabie saoudite (qui mène une guerre sanglante au Yémen), aux Émirats arabes unis (à qui on déroule le tapis rouge). On murmure à peine quand un fils succède à son père au Tchad, au mépris des règles constitutionnelles (ce qui s’appelle en termes juridiques un « coup d’État »). Mais on mène une offensive violente verbalement, à la limite de l’ingérence et de l’atteinte à la souveraineté, quand cela se passe à Bamako. L’argument du double standard, évoqué parfois à tort, trouve là un fondement politique.

Savoir partir à temps

Ce départ est enfin l’illustration d’un défaut de nombre d’opérations militaires : le refus de penser à la stratégie de sortie et surtout de la mettre en œuvre. C’est ce qu’il s’est passé en Afghanistan hier, et au Mali, aujourd’hui. Il y a toujours une excellente raison pour rester. L’erreur n’est pas de partir maintenant, mais de ne pas avoir prévu de partir avant (2). La tête haute. De son propre gré.

Trois leçons à retenir

Un signal politique puissant

Ce repli sous la pression est la pire chose qui pouvait arriver à l’armée française et à la volonté française de puissance. C’est un signal politique puissant, désastreux. C’est la première fois depuis l’Algérie et l’indépendance, que les troupes françaises sont obligées de partir car un gouvernement local les met à la porte. On peut dire : c’est à cause de Wagner, du coup d’état, etc. Mais chacun gardera en mémoire que les Maliens ont réussi, sans tirer un seul coup de fusil, à faire partir une des armées les plus puissantes au monde. La symbolique est forte.

Un mouvement de fond

Ce qui se passe au Mali n’est pas anodin. Cela ressemble à un mouvement de fond plus large. Partout en Afrique, surgit une revendication de souveraineté, d’assurer son propre contrôle de sécurité, d’indépendance. Cela se passe en Somalie, en Centrafrique, en Libye, etc. L’Union africaine elle-même ne veut plus se voir imposer des déclarations clés en main, comme dans le passé, où les Européens mettent ce qui les intéressent (la lutte contre l’immigration par exemple), alors que la priorité africaine est ailleurs, dans la liberté de circulation, le contrôle des investissements, etc. (3).

Une semi-échec militaire

Il ne faut pas leurrer non plus. On ne peut vraiment dire que l’opération est un succès militaire. Certes l’opération d’origine, Serval, déclenchée en 2013, a été réellement un succès : repousser les rebelles venus du Nord sur leur réduit. Mais l’opération suivante, Barkhane, se termine par un sentiment beaucoup plus mitigé. Elle n’a pas réussi à vaincre les rebelles, terroristes et djihadistes. Au contraire. Tel un hydre qui renaît sans cesse, plus les Français « neutralisent » (terme poli pour dire « tuer ») de rebelles et terroristes, plus ils suscitent l’hostilité et des recrutements. Leur nombre est estimé au même chiffre qu’en 2013. Et la vague du terrorisme s’est étendue aujourd’hui sur une zone beaucoup plus vaste, jusqu’aux pays du Golfe de Guinée. On peut donc parler d’un semi-échec militaire.

Une opération réellement anti-terroriste

Changer le logiciel des opérations anti-terroristes s’impose aujourd’hui. Pour mener une telle opération, est-il nécessaire d’avoir une empreinte militaire aussi importante sur place (5000 hommes) ? Une opération, plus légère, avec des moyens plus adaptés, davantage d’enquêteurs, policiers et gendarmes, aux côtés de leurs homologues maliens ne serait-elle pas finalement plus efficace et plus acceptée car plus discrète ? N’y a-t-il pas un moment aussi pù s’engager dans une ‘négociation’ avec certains groupes, plutôt que de marteler d’un ton martial : « on ne négocie pas avec des terroristes » ? Reproduire le modèle Takuba ou Barkhane dans un autre pays risque d’amener aux mêmes erreurs d’ici quelques années…

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Cette notion d’arrogance est prégnante. Outre l’idéologie, la politique, il y a comme une blessure, personnelle, chez certains responsables politiques maliens, francophiles. Lire : Le Mali est souverain. Nous avons le droit de faire nos choix de sécurité (Entretien avec Abdoulaye Diop).
  2. Sur ce point les opérations européennes, pour critiquables qu’elles soient, plus légères, procèdent d’un esprit plus méthodique. Quand EUFOR Tchad s’implante dans l’Est du Tchad en 2008 c’est pour un an. Et le délai est respecté à quelques mois près, avoir avoir stabilisé la zone. Idem quelques années plus tard avec l’opération EUFOR RCA centrée sur la ville de Bangui. Avec un certain succès finalement, et des moyens très limités.
  3. On a le même problème dans la Corne de l’Afrique ou le Golfe de Guinée, où les Européens pensent lutter contre la piraterie alors que les Somaliens ou Sénégalais pensent plutôt lutter contre les trafics ou la pêche illégale.

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La stratégie russe de la Maskirova à l’épreuve de l’Ukraine

Bruxelles2 Blog - Tue, 15/02/2022 - 15:29

(B2) L’invasion russe sur l’Ukraine aura lieu mercredi (16 février). C’est sûr. L’information ruisselle depuis quelques jours, provenant de source américaine. C’est imminent, immédiat… Bon. On n’a jamais vu une attaque surprise, aussi peu surprise. Il manque juste l’heure et savoir qui apporte les croissants et le café en fait. Soyons sérieux…

Un officier psy-ops ukrainien en exercice conjoint avec les Américains (Photo : Ambassade US à Kiev – Archives B2 novembre 2021)

Quelle que soit la tournure des évènements aux abords de l’Ukraine, fin des manœuvres et retrait des forces russes des abordes de la frontière, redéploiement, ou offensive, même limitée, on ne doit jamais oublier la maskirovka. L’art du camouflage ou du leurre, une vieille pratique russe. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’armée rouge faisait tourner ses camions en rond pour faire croire à la présence de davantage de forces et faire hésiter l’ennemi. Cela lui a permis (parfois) de pallier certaines faiblesses.

Quelques exemples récents de la maskirovka

Cette maskirovka, les Européens et Occidentaux en ont déjà fait les frais dans les dernières années.

Précédents en Géorgie et Ukraine

L’intervention en Géorgie en plein été 2008, le jour de l’ouverture des Jeux olympiques, reste dans les souvenirs. Tellement elle surprend son monde par sa rapidité. L’avancée russe n’est pas aussi efficace que voulue en terme de manœuvre militaire (logistique en berne, chars ou camions en panne). Mais c’est une victoire politique. Bis repetita en 2014, l’intervention en Crimée par des bonhommes verts est beaucoup plus rôdée côté russe, comme le soutien militaire apporté aux “séparatistes” du Donbass. Du côté occidental, ils n’ont pas été vraiment anticipés. L’Alliance l’a admis après coup, reconnaissant n’avoir pas su interpréter certains signaux faibles (lire : Merlin, le nouvel outil informationnel de l’OTAN).

Le leurre de l’accord d’association avec l’Union européenne

À l’époque, en 2013-2014, les Russes avaient bien pris soin de masquer leurs intentions à leurs interlocuteurs en charge de la politique du partenariat oriental (Commission européenne et SEAE notamment). Le rideau de fumée dressé par la diplomatie russe — et Serguei Lavrov (le ministre des Affaires étrangères) en personne — à l’automne 2013, avait un objectif : faire passer le message aux Européens qu’ils n’étaient certes « pas du tout d’accord avec le projet de l’Union européenne de signer un accord d’association » avec l’Ukraine. Mais qu’il s’agissait d’un désaccord politique et économique, que leur objectif était surtout de conserver aux entreprises russes un accès aux marchés ukrainiens.

Le temps des interventions militaires, révolu ?

Les Européens avaient tiré comme leçon que le « temps des interventions militaires russes » était révolu, comme racontait alors un diplomate européen très bien introduit à B2. Quelques semaines plus tard, les troupes russes prenaient possession de la presqu’île de Crimée et de Sébastopol, point stratégique sur la Mer noire, dans une opération menée de main de maître. Le leurre russe avait parfaitement fonctionné. Ce que reconnaitra à mi-mot mon interlocuteur par la suite. NB : la décision du leader ukrainien Ianoukovitch de revenir sur cette signature sera l’une des causes de la “révolution” de Maïdan, et de son renversement.

La tendance à la minimisation à l’œuvre en Syrie

Parfois, il n’y a même pas besoin d’une grande action russe d’intoxication. Ce sont les Occidentaux eux-mêmes qui s’évertuent à minimiser la volonté russe. Quand, en septembre 2015, Moscou jette ses forces dans le conflit syrien aux côtés de Bachar el Assad, certains responsables occidentaux croient à peine à une installation durable et un renversement de la situation. Je me rappelle d’une discussion très informelle avec un responsable du renseignement militaire français qui minimise l’épisode, insistant sur le fait que la Russie n’a pas les moyens militaires suffisants pour s’installer trop longtemps. On voit le résultat aujourd’hui. Le régime de Bachar a consolidé son pouvoir et reconquis une bonne partie de son pays, grâce (en partie) aux forces aériennes russes (hélicoptères et avions).

… mais aussi en Centrafrique

Quand les Wagner russes arrivent dans le pays, fin 2017 début 2018, les commentaires sont aussi remarquables. Ils sont « juste une petite centaine », m’indique alors un militaire. Et ils ne sont « pas à Bangui ». Les Russes se sont en effet installés à Bobangui, à 65 km de Bangui, dans l’ancien palais présidentiel de Bokassa. Et ils « ne s’occupent pas des mêmes tâches » que les Européens de la mission de formation de l’Union européenne EUTM RCA. Une manière de se rassurer sans doute. Quatre ans plus tard, on voit le résultat. Les Wagner sont présents, plus nombreux que les militaires européens, qui ont, en bonne partie, plié bagage.

L’effet des sanctions maximisé

Autre exemple d’auto-intoxication : les sanctions européennes et américaines prises contre la Russie après l’intervention en Crimée, en 2014. Elles ne sont pas négligeables, frappant plusieurs secteurs économiques (banques, armes, etc.). Les Européens sont persuadés, du moins c’est le message qu’ils font passer à la presse, que cela va « mettre à genoux » l’économie russe, provoquer une révolte de la population et des difficultés pour le pouvoir. L’économie russe en a effectivement pâti. Mais elle n’a pas provoqué la suite. Erreur funeste.

… avec un sacré oubli : la faculté de résilience russe

Toute la tactique européenne (et américaine) consiste à menacer de « faire mal » à la Russie, en particulier à son économie. Une notion très occidentale en fait. Du côté russe, on réagit plutôt avec une passivité orientale. Si l’objectif est stratégique, peu importe s’il y a quelques pertes « collatérales ». Le pouvoir russe a l’avantage sur les Occidentaux d’avoir à la fois une opinion publique habituée aux drames, résiliente, et plus facilement contrôlable qu’à l’Ouest. En fait, même de possibles sanctions économiques prononcées par les Occidentaux, peuvent concourir à l’objectif stratégique du Kremlin. En désolidarisant les liens entre Ouest et Est, en obligeant les oligarques et sociétés russes à chercher ailleurs les marchés perdus en Occident, ils favorisent en fait ce que d’aucuns appelleraient… l’autonomie stratégique russe.

Une nouvelle tactique de maskirovka à l’œuvre

Aujourd’hui, on peut vraiment se demander si on n’assiste pas une nouvelle version de la maskirovka. Plus médiatique.

Une ‘bruyance’ sur zone

À l’inverse du passé, le pouvoir russe ne cherche aujourd’hui aucunement à masquer ses intentions vis-à-vis de l’Ukraine. Il les rend tellement évidentes que c’en est louche. Le déplacement, on ne peut plus bruyant, de militaires le long de la frontière ukrainienne devrait inciter à la méfiance. Dans le passé, les interventions militaires n’ont jamais été précédées d’un tel tapis de bombes médiatiques. Et les Russes ont, depuis 2008 (et l’intervention en Géorgie), opté pour une tactique de mouvement, avec des petits groupes mobiles, composé de militaires en uniforme ou de personnel semi-privé, laissant de côté la tactique offensive classique, massive et lourde.

Une possibilité d’intervention limitée conservée

La tentation russe de bondir sur l’Ukraine, surtout autour de la Crimée, ne doit pas être écartée. À la faveur d’une provocation, les Russes seraient bien capables d’opérer un mouvement tournant, par la voie maritime par exemple. Ils pourraient aussi très bien décider de rester durablement sur la terre de Biélorussie, pour « protéger » leur voisin de toute « offensive de l’OTAN ». Etc. Le pouvoir russe a en fait plusieurs cartes en main.

Plusieurs cartes en main

Après avoir joué au bluff avec les Américains, les Russes pourrait se retirer, un peu, voire totalement de façon brutale… Fin de l’exercice, diront-ils, comme prévu. Ils auront beau jeu alors de démontrer que les renforts amenés aux frontières orientales par plusieurs Alliés (USA, Royaume-Uni, notamment) sont « menaçantes ». Et qu’il nécessiterait donc une présence permanente en renfort pour les Biélorusses.

La faiblesse de la solidarité euro-atlantique avec l’Ukraine

Ils auront beau jeu également de mettre en évidence la faiblesse de la solidarité américaine avec l’Ukraine. Le retrait en panique américain, non seulement des diplomates de l’ambassade américaine de Kiev, mais aussi de l’assistance militaire — sans un seul coup de feu tiré — restera dans les mémoires (lire : Le départ des Américains d’Ukraine. Imbécile et lâche).

Une très, très bonne information ?

On pourra aussi s’interroger sur les « très bonnes informations » distillées par les Américains (et le groupe des Five Eyes regroupant les anglo-saxons) aux médias. Informations assez floues finalement. Et très peu partagées avec les autres services de renseignement, en fait. Ce qui devrait inciter à une certaine prudence. Le même type de “non-partage” d’informations avait eu lieu… au moment de l’Irak, et des fameuses armes secrètes et massives de Saddam Hussein. Cela ne signifie pas que le renseignement n’existe pas. Mais qu’il faut le prendre avec des pincettes.

Une gorge profonde retournée ?

La source américaine — si elle s’avère réaliste et qu’il n’y a pas un bluff américain — semble venir du proche entourage du Kremlin. Il n’est jamais exclu dans ce type de bataille du renseignement de tenter d’influer sur l’autre partie par le biais d’une bonne source manipulant l’autre. Bref, que la fameuse taupe américaine infiltrée au plus profond de l’État russe, ait été retournée pour donner d’autres informations. On serait alors dans une vaste opération de Psy-Ops dont on gardera le souvenir dans toutes les écoles de guerre.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. En substance le propos russe tel que retracé à l’époque lors d’une conversation avec un diplomate européen.

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Le départ des Américains d’Ukraine. Imbécile et lâche

Bruxelles2 Blog - Sun, 13/02/2022 - 18:09

(B2) Les mesures prises par les États-Unis samedi sont étonnantes. Il y a quelques jours encore, la Maison Blanche proclamait urbi et orbi sa solidarité avec l’Ukraine et sa volonté de désescalade. Aujourd’hui, c’est Courage fuyons ! Décision qui encourage plutôt les Russes d’intervenir que les empêcher. Incompréhensible.

La page facebook de l’ambassade US en Ukraine. Symbolique
  • Non contente d’annoncer ce départ, Washington a demandé également samedi (12 février) aux militaires US présents dans la mission de surveillance de l’OSCE de faire de même comme à tous les Américains résidant en Ukraine de quitter « sans délai » le pays.
  • L’ambassade US à Kiev n’est pas une petite représentation. Pas moins de 180 Américains et 560 Ukrainiens y travaillent, indique-t-on côté américain.

La consécration des zones d’influence

En termes politiques et diplomatiques, cette mesure est un non-sens. C’est céder au jeu du Kremlin. Et surtout cela revient à consacre la notion de zones d’influence voulue par les Russes. D’un côté, c’est clair aujourd’hui, l’Ukraine obéit à la zone d’influence russe ; et les Américains s’en retirent. De l’autre côté, la Roumanie ou la Pologne sont dans la zone euro-atlantique ; et les Américains s’y renforcent envoyant des renforts 3000 soldats supplémentaires arriveront en Pologne bientôt, en plus des 1700 déjà décidés. Exactement ce que Vladimir Poutine désirait dans sa lettre envoyée à l’OTAN et aux USA.

Une lâcheté militaire incroyable

En termes militaires, c’est le summum de la lâcheté. Jusqu’à présent, en effet, aucun coup de fusil n’a été tiré — à part ceux habituels depuis huit ans dans le Donbass. Aucun militaire russe supplémentaire n’a franchi les frontières de l’Ukraine. On est donc juste dans une crainte éventuelle. Il n’y a donc aucun risque qu’un Américain soit atteint. A contrario, la présence américaine devrait persister. Ne serait-ce qu’un signe de garantie et de solidarité avec les Ukrainiens. Sinon cela ne sera à rien de faire de grandes déclarations de solidarité.

La tradition préservée

Les États-Unis consacre ainsi la tradition. Face aux Russes, sur le territoire européen, le principe est la non-intervention. C’était valable au temps de la guerre froide en 1956 à Budapest, en 1968 à Prague. C’était un autre temps, qu’on croyait révolu, celui de l’opposition des blocs. C’est resté valable en 1992 pour la Transnistrie, en 2008 pour la Géorgie et l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, en 2014 pour la Crimée et le Donbass. Et aujourd’hui en 2022. Moscou peut donc être rassuré : la tradition américaine est préservée. Washington ne risquera pas la peau d’un seul Américain pour sauver de la main russe les pays de l’ancien bloc soviétique.

(Nicolas Gros-Verheyde)

NB : Cette mesure a été suivie par le Royaume-Uni. Les militaires qui participent à la mission d’assistance (Orbital) des Ukrainiens ont été priés de faire leurs bagages. Tandis que Londres annonçait 350 Royal marine supplémentaires en Pologne. De façon plus intelligente, la France n’a pas pris une décision semblable. Suivie par plusieurs pays européens.

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Un soutien français temporaire à l’opération Irini

Bruxelles2 Blog - Sun, 13/02/2022 - 08:09

(B2) Durant son passage en Méditerranée, le groupe aéronaval français, composé autour du porte-avions Charles de Gaulle, va prêter main forte à l’opération européenne maritime de surveillance de l’embargo autour de la Libye.

Deux avions vont effectuer quelques vols de surveillance : l’avion de patrouille maritime Atlantique 2 — qui accompagne la force aéromaritime — et un avion de veille aérienne E-2C Hawkeye — embarqué à bord du Charles-de-Gaulle (R-91) dans le cadre de la mission Clemenceau 22. Une frégate FREMM (frégate multi-missions aux capacités de défense aériennes renforcées), l’Alsace, a aussi apporté un soutien ponctuel à l’opération.

Ce soutien ne signifie pas la mise à disposition des moyens français de l’opération Irini — avec intégration de la chaine de commandement européenne. Les navires restent sous le commandement français. Mais ils partagent certaines informations et peuvent effectuer une visite ‘amicale’ d’un navire marchand, de façon ponctuelle. C’est ce qu’on appelle un détachement associé, qui a un triple mérite : apporter un ‘boost’ à l’opération européenne ; montrer la solidarité nationale avec celle-ci ; démontrer l’utilité du groupe aéronaval.

C’est une tradition du GAN, le groupe aéronaval français, d’apporter ce soutien à diverses opérations lors de son passage. Il l’a fait pour Atalanta l’année dernière (lire : Le Charles-de-Gaulle et le groupe aéronaval dans le Golfe d’Aden, aux côtés des ‘Atalanta’). Il aurait dû le faire pour Irini à ses débuts en 2020. Mais l’épidémie de Covid-19 l’en avait empêché (lire : Retour au port pour le porte-avions Charles-de-Gaulle, contaminé par la pandémie).

(NGV)

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Un militaire d’Atalanta blessé, évacué sur Djibouti

Bruxelles2 Blog - Sun, 30/01/2022 - 19:51

(B2) Un militaire du navire espagnol Victoria — qui sert de navire-amiral à l’opération maritime européenne anti-piraterie (EUNAVFOR Atalanta) — a été blessé le 12 janvier.

(Photo : Etat-major des armées / FFDJ)

Il a été évacué vers Djibouti par l’hélicoptère de bord Agusta-Bell AB 212 vers l’escale aérienne militaire de la base aérienne 188 des FFDj, les forces françaises stationnées à Djibouti. Arrivé sur place, il a été immédiatement pris en charge par le centre médico-chirurgical interarmées français (CMCIA) des FFDj, indique l’état-major (français) des armées fin janvier.

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Mali. Qui dit vrai ? Accord ou pas avec les Européens sur la task force Takuba ?

Bruxelles2 Blog - Fri, 28/01/2022 - 11:24

(B2) Entre Paris et Bamako les mots fusent. Chacun se renvoie des arguments, juridiques. Sept réponses pour y voir clair.

Y-a-t-il un accord ?

Oui. Il existe un accord entre les Maliens et les ‘Takuba’. Nous l’avons lu et commenté en novembre 2020 (lire : Le statut des forces dans Takuba. Le texte du SOFA conclu entre Paris, Bamako et les partenaires européens). Mais cet accord n’est pas au niveau formel un traité international, c’est-à-dire un texte commun signé, puis ratifié par toutes les parties, avec l’appui au besoin de leur parlement.

D’où vient cet accord ?

C’est, en fait, l’accord préexistant entre Français et Maliens sur Serval de 2013 qui a servi de base et qui a été conforté par un accord franco-malien de 2020 (sous forme d’échanges de lettres). Ce qui a une valeur juridique en soi. Il a été étendu pour la task force Takuba et aux partenaires européens.

Que dit cet accord ?

Cet accord dit SOFA (sur le statut des forces) a des conséquences concrètes. Il permet notamment aux soldats de venir, en armes, d’arborer leur drapeau, de circuler dans le pays sans taxe ni entrave, d’être exempté de certaines formalités (douanières, fiscales, visas, etc.). Il donne aussi une immunité pénale et fiscale aux soldats.

Comment se passe l’approbation européenne ?

Chacun des pays européens arrivant dans Takuba envoie une lettre à Bamako pour approuver cet accord et se conformer à ses obligations et à ses droits. Pour le Mali, la procédure a bien été engagée par les Danois. « Il y a eu une requête. Elle a été réceptionnée avec un accusé du ministère. Mais il n’y a pas eu de réponse formelle ensuite. » Et les soldats danois sont arrivés sans attendre celle-ci. C’est une pratique plutôt courante dans les opérations militaires. Et à vrai dire sous le régime malien précédent, on en restait là. Seulement la prise de pouvoir par les militaires a changé la donne. Les Maliens n’ont donc pas tort quand ils disent qu’il n’y a pas d’accord (au sens du droit international). Les Français n’ont pas tort non plus en disant qu’il y avait un accord (au sens politique du terme).

Cet accord est-il solide ?

Non. C’est même le contraire. Ce type d’accord (par échange de lettres) est fragile. Il ne contient aucune disposition sur sa dénonciation (à la différence d’un traité international). Il tient à un seul fil : le consentement du pays hôte. Toute présence militaire sur un sol souverain peut être dénoncée à tout moment par l’État concerné. Par tout moyen. Sans aucun délai. L’accord franco-malien ne mentionne pas une procédure ou un délai de dénonciation.

Un accord politique avant que d’être juridique ?

Oui. C’est logique. Nous touchons au coeur de la souveraineté d’un État : la présence militaire étrangère. L’acte politique public de Bamako constitue, en soi, une dénonciation. Peu importe ce qui a été signé (ou non) auparavant. Il faut en tenir compte et le respecter.

Qu’est ce que reprochent surtout les Maliens aux Français ?

Ce n’est pas une question purement juridique, mais d’ordre plus profond. La France se comporte un peu au Mali en terrain conquis, « avec arrogance », croyant que sa présence vaut un « sauf conduit pour les forces européennes » me confiait récemment un diplomate malien. À méditer.

(Nicolas Gros-Verheyde)

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Takuba. Entre Bamako et Copenhague, le torchon brûle. Le Danemark rentre au pays (v2)

Bruxelles2 Blog - Thu, 27/01/2022 - 18:35

(B2) Aussitôt arrivés, aussitôt repartis. Les militaires danois de la task force Takuba vont être rapatriés prochainement. Sur fond de tensions diplomatiques avec le Mali

Le gouvernement danois a annoncé jeudi après-midi (27 janvier) le rapatriement des troupes engagées au Mali dans le cadre de la task force Takuba. Les quelques 90 militaires (forces spéciales, équipes chirurgicales et de soutien) étaient arrivés entre le 12 et le 17 janvier (Lire : Les Danois arrivent dans Takuba. Mais pourraient repartir bientôt). Le calendrier du retrait n’a pas encore été précisé, mais le retour devrait prendre « plusieurs semaines », selon les précisions du ministère dans un communiqué.

Un bras de fer diplomatique

Cette décision intervient après plusieurs jours d’un bras de fer diplomatique entre les autorités maliennes et danoises. Quelques jours à peine après le déploiement danois, le gouvernement malien a demandé lundi 24 janvier, par voie de communiqué, le retrait immédiat des forces danoises engagées dans la task force. Il reproche un déploiement effectué « sans son consentement » ni accord bilatéral. Le Danemark a démenti cette accusation. Il a été soutenu mercredi 26 janvier par une déclaration conjointe des pays membres ou soutien de la task force. Peine perdue : le gouvernement de transition malien a réitéré et publié un nouveau communiqué demandant « avec insistance » le départ des Danois. Dont acte.

Une perte opérationnelle non-négligeable

Ce départ va entraîner une fragilisation des capacités en termes de soins : l’équipe danoise devait être chargée des interventions chirurgicales d’urgence. Takuba ne reste pas sans soutien médical pour autant : le dispositif pré-hospitalier franco-italien a été déclaré pleinement opérationnel le 15.01, avec une capacité d’évacuation médicale par hélicoptères.

Quant aux forces spéciales, leur tâche était initialement de délivrer conseil, soutien et coopération au profit des forces armées maliennes.

(Helen Chachaty)

(Mise à jour) capacités danoises

Lire : N°84. Takuba. Une nouvelle force européenne se met en place au Sahel, à visée anti-terroriste (v4)

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Une capacité européenne de réaction rapide pour l’évacuation des citoyens européens ?

Bruxelles2 Blog - Tue, 25/01/2022 - 14:23

(B2) La capacité européenne de réaction rapide suscite toujours des difficultés à être acceptée par nombre de pays européens. Et elle suscite un doute, naturel, sur son efficacité ultérieure. Ne faut-il pas prendre le problème à l’envers ? Et chercher ce qui pourrait réunir les Européens pour intervenir plutôt que ce qui les divise.

Exercice Quick Response en Bosnie-Herzégovine (EUFOR Althea – Archives B2 – 2016)

Quatre éléments historiques

1° Des dispositifs européens restés trop théoriques

Tous les objectifs et dispositifs qu’a voulu mettre en place l’Europe — tels l’objectif des 60.000 hommes défini à Helsinki — n’ont pas été suivis d’effet. Aussitôt l’objectif fixé, le processus a été mis en place. Mais sans utilisation par la suite. La NRF de l’OTAN n’est pas vraiment partie non plus quand on en avait besoin. Quant à l’Eurocorps, qui devait être l’embryon de cette force européenne, il est resté largement sous-utilisé par rapport à l’ambition de départ.

2° Un dispositif existant, resté en rade

Le dernier dispositif en date, les battlegroups, n’a jamais été activé. Non pas qu’on n’ait jamais tenté de déclencher cette force de réaction rapide de l’UE qui compte normalement 3 à 4000 hommes de permanence disponibles (en fait beaucoup moins). Mais, à chaque tentative — nous en avons compté six — les conditions, politiques ou militaires, n’étaient jamais réunies. Et il ne partira pas, tant qu’on ne changera pas drastiquement son fonctionnement.

3° Les tendances divergentes demeurent

Modéliser un concept d’intervention à partir d’intérêts nationaux totalement différents, voire parfois divergents, dans des contextes politiques et géopolitiques qui évoluent à des rythmes différents relève du jeu de hasard. Élections, démissions, crises politiques, réformes de l’armée, tensions budgétaires, crises diverses… influent sur la volonté ou la capacité d’envoyer à l’étranger des troupes. Croire qu’on peut créer une culture stratégique commune des peuples et des États à partir d’un concept sur papier est audacieux.

4° La réflexion actuelle risque d’être dépassée demain

Le possible accord sur une capacité de réaction rapide — dans le cadre de la boussole stratégique (1) — cache encore aujourd’hui des différences fondamentales. Entre ceux qui ne veulent pas toucher à des battlegroups sacralisés, ceux qui essaient de les réinventer sous une autre autre forme, ceux qui approuvent le projet en se disant “d’ici 2025” on verra bien, et ceux qui estiment que si réaction d’envergure, elle sera faite au sein de l’OTAN, la force de réaction rapide d’aujourd’hui pourrait subir le même sort que les battlegroups d’hier. Le temps de faire l’effort de la mettre en place, les responsables politiques qui l’auront accepté ne seront plus loin, les conditions auront changé. Et le contexte sécuritaire aura évolué.

Prendre le problème à l’envers

Plutôt que de bâtir un concept pour une opération éventuelle et de chercher ensuite un accord et un compromis idéal, ne faut-il prendre le sujet dans l’autre sens.

Partir de la capacité à être d’accord

Il ne s’agit pas de savoir ce que l’Europe peut faire face à des crises passées, théoriques ou futurs. Mais plutôt d’examiner ce qui amènerait les pays européens à être capables d’intervenir quelles que soient les circonstances et de transcender leurs différences. Un évènement qui agirait comme un aimant pour sublimer les réticences politiques et les conditions nationales d’engagement. Si on regarde bien dans le passé (et dans l’avenir), il n’y a qu’une seule circonstance qui réunisse toutes les conditions : quand des citoyens européens sont en danger quelque part dans le monde — pour quelque motif que ce soit (conflit, catastrophe, épidémie, etc.) et qu’il faut les rapatrier et les évacuer.

Une hypothèse qui n’est pas rare

Cette hypothèse se répète régulièrement, quasiment tous les 2 ou 3 ans si on compte bien : du tsunami en Asie du Sud-Est en 2004 à l’épidémie de Covid-19 en 2020, en passant par l’attentat de Bombay, l’offensive des rebelles au Tchad ou des Russes en Géorgie en 2008, le tremblement de terre en Haïti en 2010, l’épidémie d’Ebola en 2014, sans oublier la méga-évacuation d’Afghanistan à l’été 2021. À chaque fois, il faut réinventer un mécanisme. Car les gestionnaires de la précédente crise ne sont plus là. Malgré les dispositifs de rapprochement existant, chaque évacuation est ainsi un pari.

Le succès dépend de l’organisation

Cela se passe plutôt bien (Tchad 2008, Evola 2014, Afghanistan 2021), parfois plus mal (Géorgie 2008), voire très mal (Bombay 2008, lire : L’évacuation des Européens de Bombay, le souk dénonce des eurodéputés). Et quand cela se passe bien, c’est souvent parce qu’un État a pris les choses en main, a mis les moyens et a assuré l’essentiel de la coordination (la France au Tchad en 2008, les USA en Afghanistan en 2021). Il ne faut donc pas se fier à ces succès pour en déduire une quelconque capacité européenne. Le succès est lié à une bonne coordination, l’échec à l’inverse.

Des pays prêts à agir de façon extraordinaire

Les crises passées l’ont prouvé. En cas d’urgence, on peut se passer de l’autorisation du parlement, ou du moins inventer des mécanismes de consultation expresse, conformes à la fois aux conditions constitutionnelles et opérationnelles. La dernière crise l’a prouvé. Les avions A400M allemands étaient déjà en route vers Kaboul, voire poser sur place, quand les députés allemands étaient consultés. Et aucune critique n’a été faite sur ce point outre-Rhin. C’est plutôt le contraire.

L’Europe a tous les moyens techniques disponibles

Des avions à portée stratégique (avions A400M, A310 ou A330, C17 du pool de l’OTAN), des avions à portée tactique (A400M, C130J, Casa, etc.), des hélicoptères, des navires, des hommes formés et entrainés. Et même une cellule de coordination des vols aériens (EATC : un modèle à suivre) montée par une demi-douzaine de pays européens et basée à Eindhoven, sans compter la cellule de coordination de la protection civile de la Commission européenne à Bruxelles et l’expérience de certains pays (tels la BFast belge). Tout cela est opérationnel. Il suffit de mettre tout cela en cohérence, en condition de fonctionner et de le chapeauter au niveau politique pour aller vite.

Comment faire ?

A mon sens, il ne reste qu’à doter l’Europe d’un solide concept d’évacuation, reliant les différents éléments militaires en place à la décision politique.

Travailler le concept pour relier tous les points d’appui

Ce concept existe, mais il date, doit être rénové et redéveloppé. Une petite cellule ad hoc, au sein de l’état-major de l’UE, à Bruxelles pourrait être chargée d’assurer la coordination des différents moyens : aériens de l’EATC, militaires des États membres, civils de la Commission européenne. Le mécanisme de protection civile assurant la remontée des besoins venant des différents États membres. EATC assurant, de son côté, la régulation concrète des moyens aériens, avec le renfort des officiers de liaison des pays qui ne sont pas membres.

Muscler le dispositif politique

Le niveau politique pourrait très bien être assuré au niveau des ambassadeurs du COPS, voire par une réunion en vidéoconférence (VTC) des ministres de la Défense ou des Affaires étrangères ou de l’Intérieur, selon le niveau de l’évènement (conflit, catastrophe naturelle, attentat ou catastrophe naturelle à l’intérieur de l’UE).

Une petite force terrestre d’appui

Il ne reste pour compléter l’ensemble qu’à avoir une petite force terrestre, type forces spéciales, JTAC aérien ou leurs équivalents maritimes, pour compléter cet ensemble. Sur ce projet, l’OTAN n’a pas vraiment d’outil et l’Union européenne est pleinement fondée à agir, pour le bien de la sécurité des citoyens. Au niveau du financement, point bloquant dans la plupart des opérations, la ligne budgétaire existe, soit au niveau de la protection civile, soit de la facilité européenne pour la paix.

Une base juridique existante

Il n’est pas besoin d’attendre pour mettre en place cet outil. On peut aller vite. La mise au point du concept, comme la montée en puissance d’une petite unité de régulation à l’état-major peut-être faite en quelques mois. Le traité de l’UE autorise une telle coordination au plan européen. L’adaptation du dispositif politique peut suivre. On peut avoir une décision d’assistance de la facilité européenne pour la paix, préécrite, approuvée, n’ayant plus qu’à être exécutée. Du côté de la protection civile, cette décision existe déjà, datant de 2016.

Un cadre politique qui ne demande qu’à être adapté

Au niveau politique, on peut avoir un dispositif à 27 États membres, une coopération renforcée ou un projet mené au titre de la coopération structurée permanente. Il peut être conforté par un engagement des États membres participant au dispositif à avoir un dispositif d’urgence d’approbation par leur parlement respectif (ce qui existe déjà dans la plupart des pays en fait, de façon expresse ou tacite). Et le comité politique et de sécurité (ou un autre comité) peut être chargé formellement de cette tâche.

Aller vite car la prochaine crise peut survenir rapidement

Tout cela ne nécessite quasiment aucune modification de fond et peut être bouclé en quelques mois : d’ici fin juin 2022 pour la première phase (l’écriture des concepts et les premiers tests) sous la présidence française, à fin décembre 2022 (pour la mise en place opérationnelle), sous la présidence tchèque, voire d’ici fin décembre 2023 (pour les éléments complémentaires), avec les forces spéciales. Il y a urgence. Car une opération d’évacuation peut se reproduire d’un moment (en Ukraine ou ailleurs). Il n’y a pas besoin d’attendre 2025 ! Une fois que ce dispositif sera mis en place, aura été testé sur le terrain à une occasion ou une autre, on pourra réfléchir à élargir le dispositif à d’autres crises.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. J’avais déjà exprimé des doutes sur cette force (renommée capacité) de réaction rapide. Une idée, loin d’être révolutionnaire. Un peu d’audace Svp. Plus la discussion avance, moins je suis convaincu.

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Escalade du verbe entre la Russie et l’Ouest. Que cherche Moscou ? Quid de l’invasion de l’Ukraine

Bruxelles2 Blog - Sun, 23/01/2022 - 19:22

(B2) Dans le bruit et la fureur actuels, entre Russes et Occidentaux, il faut veiller à ne pas tomber dans le piège de ce qui reste, pour l’instant, un exercice de musculation. Derrière l’apparence, il y a certainement des objectifs plus prosaïques. Essayons d’y voir clair.

Les forces spéciales du district militaire sud s’entrainent à la technique de pénétration secrète dans un secteur ennemi. Sur le terrain d’entraînement de Molkino dans le territoire de Krasnodar. En face de la Crimée (Photo : MOD Russie)

On doit toujours prendre avec une certaine circonspection toutes les déclarations officielles, russes comme américaines ou britanniques. Surtout quand elles sont très bruyantes. Nous sommes entrés dans une communication stratégique à haute échelle de propagande. Sound and Fury. Un peu comme des catcheurs sur un ring, chacun a intérêt à la montée de la tension. L’escalade verbale cache les enjeux de la négociation et du grand jeu de go qui est en cours.

Quel est l’objectif de la Russie ?

L’objectif stratégique : retrouver le rang perdu

Alors que la Russie a perdu de sa splendeur et est devenue un pays de taille très moyenne sur la scène mondiale (1), le Kremlin poursuit cinq objectifs principaux : 1° garder sa place de Grand dans le monde — des tables de la négociation politique aux enjeux militaires — ; 2° s’assurer autour du pays d’une zone de sécurité — avec des pays sinon alliés du moins pas hostiles ; 3° pouvoir s’appuyer sur un réseau d’alliés, amis ou obligés dans le monde, 4° assurer à sa marine des points d’appuis sur les routes stratégiques ; 5° trouver des débouchés et contrats pour ses produits ou pouvoir bénéficier en retour de ressources nécessaires.

Conforter la place de Grand

Au niveau international, cette stratégie passe par la négociation d’égal à égal avec les Américains ou les Chinois ou l’utilisation plus régulière du droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies. Le passage en force des Occidentaux sur le Kosovo en 1999 ou la Libye en 2011 n’est pas oublié et « ne se reproduira plus » ont promis à plusieurs reprises les dirigeants russes. L’annexion de la Crimée et Sébastopol, l’intervention directe en Syrie aux côtés du régime Assad (avec une base militaire confortée), les bonnes relations entretenues avec l’Égypte ou l’Algérie, la présence (via le groupe Wagner) en Libye permettent à la Russie de s’assurer de points d’appui en Méditerranée.

Fracturer le bloc occidental

La Russie tente de diviser le bloc occidental, à commencer par les Européens qui lui semblent le bloc le plus friable. La tactique n’est pas nouvelle, selon le bon vieux adage ‘diviser pour régner’. La Russie a proposé en 2009 un accord sur la sécurité européenne aux Européens. Ceux-ci ont refusé ou — selon l’interprétation qu’on a de cette proposition — n’ont pas saisi la perche tendue qui aurait permis en négociant d’égal à égal d’imposer le rythme de la négociation. En 2014, après l’intervention en Crimée et au Donbass, Moscou a sous-estimé la solidité européenne, pensant venir à bout du “bloc” européen. Mais celui-ci a tenu bon, contre toutes les attentes et, malgré des divisions, a reconduit d’année en année toutes les sanctions économiques et individuelles prises contre la Russie (lire : Le dispositif de sanctions avec l’Ukraine et la Russie. Le point). Le Kremlin n’a pourtant pas abandonné. L’Union européenne est devenu son ennemi stratégique.

Réduire l’influence et l’aura de l’Union européenne

Il ne s’agit pas vraiment de détruire l’Union européenne, mais d’en réduire l’influence, voire de la neutraliser. Pour cela, tous les moyens sont bons. Moscou noue des liens économiques de dépendance (tels Nord Stream 2 ou les contrats de gaz à long terme), entretient des liens politiques avec certains pays (avec qui la Russie a des proximités historiques tels la Bulgarie ou Chypre par exemple, ou plus récents, comme la Hongrie de Viktor Orban). Le pouvoir russe encourage aussi des mouvements politiques ; sa préférence va aujourd’hui à des mouvements de droite nationale tels la Lega Nord italienne ou le Rassemblement national français, qui ont remplacé dans le cœur russe les anciens partis frères communistes tombés en désuétude. Enfin, il propose un accord visant à neutraliser une partie de l’Europe (celle qui n’était pas membre avant 1997 de l’OTAN). Tout cela accompagné de campagnes de désinformation (ex propagande), de cyber-attaques, d’espionnage ou de tentatives de déstabilisation politiques (2).

Entamer une course aux armements

Angle invisible de cette stratégie, peu commenté dans les médias, la Russie a engagé une course aux armements. Dans le même style que les USA (sous Reagan) avaient engagé la guerre des étoiles afin de pousser les feux en URSS, celle-ci oblige les Européens à augmenter leur budget de défense, à avoir un discours politique plus agressif, à militariser sa société. En intervenant militairement en Ukraine en 2014, Moscou remplit deux objectifs principaux : militaire (conforter sa base navale et s’assurer la liberté de navigation en mer Noire) et politique (empêcher l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN). Il entraîne l’augmentation des budgets de défense (3), décidé au sommet du Pays de Galles de 2014. L’enjeu est de provoquer une réaction en chaîne, avec des tensions budgétaires internes et une interrogation finalement politique et philosophique (ex. pourquoi financer une compagnie de chars plutôt que l’hôpital ?). Avec un but ultime : épuiser les ressources nationales, contraindre les Européens à faire des choix et, finalement, rompre le duel et négocier une sorte de paix des braves. Pour l’instant, cela ne marche pas.

Une bataille de dix ou vingt ans

Mais l’heure de vérité ne se situe pas pour la Russie à un horizon à court terme (quelques années). Elle mise sur une bataille de dix ou vingt ans. Et les premiers craquements sont déjà perceptibles. L’Europe semble entrer dans une phase de déclassement stratégique. Si on met bout à bout les actions récentes — Syrie, Arménie-Azerbaidjan, Biélorussie, Centrafrique… —, la Russie marque des points contre les Européens les obligeant soit à se retirer, soit à perdre de l’influence. La négociation Russie-USA a ainsi déjà fait une victime : le format Normandie de dialogue impulsé par le couple franco-allemand est passé au second plan derrière la négociation directe entre les deux Grands. Dans cette course aux armements, la Russie a moins à perdre. L’industrie de l’armement est un des premiers vecteurs principaux de l’économie nationale comme à l’exportation (4).

Peut-on croire à une invasion ?

Cet amassement de matériels et d’hommes aux frontières de l’Ukraine est trop rempli de ‘bruit et de fureur’ pour être pleinement crédible. D’ordinaire, la Russie est beaucoup plus discrète dans ses préparatifs militaires. Chacun des partenaires autour de la table (Russes, Ukrainiens, Américains) a, bien sûr, intérêt à le faire croire (5), pour des raisons différentes. Mais les objectifs sont ailleurs : 1. pousser à la négociation (objectif atteint aujourd’hui), 2. au besoin, provoquer militairement ; 3. entrainer une pression sur l’Ukraine à la fois militaire et politique pour aboutir à un changement de régime.

Conquérir militairement l’Ukraine : très risqué pour la Russie

Même si Ukrainiens et Russes paraissent deux peuples frères, complémentaires, les différences sont réelles. Dans l’histoire lointaine, comme dans les évènements plus récents. Autant aller jusqu’à Kiev avec juste quelques dizaines de milliers d’hommes peut apparaitre facile en opération ‘coup de poing”. Autant tenir le pays militairement plusieurs semaines, voire des mois, parait très hasardeux. D’une part, « l’armée ukrainienne de 2022 n’est plus celle de 2014 » comme me l’assure un diplomate européen. D’autre part, depuis l’accord d’association avec l’UE et l’intervention russe en Crimée et Donbass en 2014, l’Ukraine a basculé vers l’Ouest et ne rêve que d’une chose : se rapprocher des Européens et des Occidentaux. Occuper un pays qui pourrait rapidement se révéler hostile et se retourner contre un “occupant” pourrait être un piège mortel pour Moscou. Un “enfer” militaire pire que l’intervention russe en Afghanistan (ou américaine au Vietnam).

Réagir à une “provocation”… pourquoi pas !

Maintenant… si à la manière de la Géorgie, en 2008, les Ukrainiens réagissaient, de façon impromptue, en tentant une offensive militaire, cela peut donner un prétexte à la Russie d’intervenir pour « venir au secours » et « protéger » les habitants des républiques autonomes sécessionnistes de Louhansk ou Donetsk. On serait dans une opération de type protection-annexion comme en Ossétie du Sud. Une offensive vers Mariupol pour établir la jonction terrestre entre le Don et la Crimée et tenir la bordure de la mer noire est aussi évoquée. C’est un peu plus hasardeux. Mais pour toutes ces opérations, il n’est pas besoin de dizaines de milliers d’hommes. Quelques milliers bien entraînés suffisent pour créer l’effet de surprise. Le reste peut suivre rapidement et être préparé discrètement. Les bases russes étant nombreuses tout autour de l’Ukraine.

Mener l’attaque sous une autre forme

Chacun reste concentré sur l’aspect traditionnel de la guerre — type années 1940-1960. La guerre se mène aujourd’hui davantage par d’autres moyens, en grande partie sur le cyber (déni d’accès sur des sites publics ou privés, pillage de données, action criminelle de grande ampleur, etc., cyberespionnage), dans la désinformation (prise de position dans les médias, distribution de fake-news, “guerre” par twittos et photos interposées), via l’économie (acquisition de sociétés, corruption, marchés publics, etc.), ou par le moyen bien classique du chantage et de l’espionnage à grande échelle. Le tout pour aboutir à une prise de contrôle ou à une déstabilisation politico-économique.

Aboutir à un changement de pouvoir à Kiev : oui sans doute

L’objectif russe semble davantage politique : aboutir par la pression, militaire et politique, à amener au pouvoir un homme ou un parti plus souple à la négociation avec les Russes, moins occidental. C’est beaucoup moins risqué qu’une intervention militaire, plus discret, et surtout plus durable, au moins à court terme. C’est d’ailleurs une tendance lourde de la politique russe dans tout son voisinage. Le Kremlin a réussi deux coups en la matière : en attirant dans son orbite le régime de Loukachenko en Biélorussie, alors que Minsk était toujours très méfiant jusqu’alors avec la Russie, et en aboutissant à un renversement de palais musclé au Kazakhstan. Cette stratégie est aujourd’hui révélée au grand jour même par le Royaume-Uni. Dans un communiqué peu anodin, Liz Truss, la ministre britannique des Affaires étrangères dénonce un « complot », sur la base de ses services de renseignement. Elle donne même un nom précis : le candidat de Moscou serait Yevhen Murayev (6). Et le Kremlin maintient des « liens » étroits entre les services russes de renseignement et plusieurs anciens dignitaires du régime Ianoukovitch (7).

Tisser un rideau de fumée : sûrement

L’enjeu pour la Russie se situe en Ukraine, mais aussi ailleurs. En massant quelques troupes, quelques matériels, de façon la plus bruyante possible, on fixe l’attention générale sur l’Ukraine. Mais Moscou pourrait bien choisir de frapper ou marquer des points ailleurs. Il faut observer ce qui se passe au Moyen-Orient, en Syrie notamment : après onze ans de guerre, la normalisation se joue aujourd’hui pour le régime Assad. Une normalisation dont compte bien profiter le Kremlin engagé depuis bientôt dix ans militairement.

Regarder ailleurs

Il faut aussi surveiller de près l’Afrique, surtout francophone qui semble la première cible de Moscou. Après la Centrafrique, le Mali est dans ses filets. Et le Niger ou le Burkina Faso pourraient suivre. L’objectif est d’obliger la France, principal acteur militaire européen, à reculer. Ce qui serait une ineffable victoire pour les Russes, militaire et politique. À quelques semaines de la présidentielle, un revers au Mali placerait le président Emmanuel Macron dans une position difficile.

Il faut enfin surveiller le pourtour russe. Les troupes russes sont présentes dans plusieurs pays : Biélorussie, Moldavie, Géorgie… Et Moscou a toujours joué une partition complexe, activant l’un ou désactivant l’autre. Rester donc centré sur l’Ukraine relève d’une myopie dangereuse.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Avec un PIB aux alentours de 1500 milliards $ de PIB (en 2020), la Russie est loin derrière les pays européens (devant l’Espagne mais largement derrière par l’Italie ou la France). Elle n’a toujours pas récupéré de la chute entamée en 2014 (le pic de 2013 avec presque 2300 milliards $ est loin). Sa population (presque 150 millions d’habitants) est en décroissance lente (le taux de natalité/mortalité n’assure pas le renouvellement des générations). Le niveau de richesse par habitant stagne : pas plus de 10.000 $ par habitant (à peine plus que le Brésil). Quant au budget militaire, il est officiellement à peine plus que 60 milliards $ (à cela il faut ajouter le budget des forces de sécurité intérieure).
  2. Le fait d’avoir attiré dans ses filets d’anciennes gloires de la politique nationale tels l’Allemand Gerhard Schröder ou le Français François Fillon entre également dans cette tactique.
  3. Une augmentation bien réelle. Entre 2014 et 2020, selon les derniers chiffres de l’agence européenne de défense, les budgets européens de défense ont augmenté d’environ un quart, les 27 investissant 40 milliards € supplémentaires dans leur défense (Lire : Le budget des 27 pour la défense : environ 200 milliards d’euros. Les données EDA expliquées).
  4. L’industrie de l’armement russe représente la moitie de l’investissement en R&D national (Facon 2011). Elle représente le 5e poste à l’export de l’économie russe, permettant d’engranger 15 milliards $ en 2020 (Tass/Congress 2021). Le carnet de commandes de Rosoboronexport se montait à près de 54 milliards $ en juin 2021 (Interfax/Congress 2021). Neuf entreprises russes figurent dans le Top 100 Mondial (Sipri 2021)
  5. Les Russes pour faire valoir leur stratégie et enclencher une négociation. Les Américains pour justifier cette négociation (avec un leitmotiv : nous nous battons comme des lions pour imposer le monde libre et préserver la paix).
  6. Ancien député de Kharkov (ville russophone), propre sur lui, jeune (45 ans), Yevhen Murayev est un ancien membre du parti des régions de Ianoukovitch. Il a créé en 2018 son propre parti Nashi (Nous) et est surtout le propriétaire de la chaine de télévision Ukraine News One.
  7. Serhiy Arbuzov et Mykola Azarov, deux anciens premiers ministres, Andrii Kluyev, ancien chef de l’administration présidentielle, ou Vladimir Sivkovich, l’ancien numéro du Conseil de défense et de sécurité (RNBO). Quatre personnages sont suivis de près par les renseignements ukrainiens (SBU) comme occidentaux. Les trois premiers ont été mis sur liste noire par l’Union européenne pour détournement de fonds (suite à une plainte de Kiev).

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Un soldat français tué à Gao. Plusieurs autres blessés dans une attaque au mortier

Bruxelles2 Blog - Sun, 23/01/2022 - 12:23

(B2) Ce n’est pas la première fois que le camp de Gao est attaqué. Mais cette fois, l’attaque a été mortelle.

L’attaque a été commise au mortier samedi après-midi (22 janvier) sur cette base gigantesque — où sont colocalisées les forces françaises de Barkhane (avec des Estoniens en soutien) et les Casques bleus de la Minusma — située dans la partie Nord du Mali. Plusieurs soldats ont été touchés.

Le brigadier Alexandre Martin, du 54e régiment d’artillerie de Hyères, a été touché très gravement. Malgré la prise en charge rapide par l’équipe médico-chirurgical sur place, il est « décédé de ses blessures » annonce l’état-major ce dimanche (23 janvier). Neuf autres soldats ont été blessés plus légèrement.

Né en mars 1997 à Rouen, âgé de 24 ans, il s’était engagé dans l’armée très jeune, il y six ans. Il était depuis octobre, avec une partie de son régiment, au Mali.

Le camp de Gao a été l’objet de plusieurs attaques au mortier en décembre dernier. Heureusement sans faire de victimes (lire : La MINUSMA cible de plusieurs attaques en quelques jours). En juillet 2019, une attaque suicide, au véhicule piégé, avait fait plusieurs blessés dont certains graves (lire : Plusieurs soldats français et estoniens blessés à Gao lors d’une attaque suicide)

(Nicolas Gros-Verheyde)

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Les FAZSOI vont former des soldats mozambicains

Bruxelles2 Blog - Thu, 20/01/2022 - 18:30

(B2) Les Français vont finalement participer à la mission de formation militaire de l’UE au Mozambique (EUTM Mozambique) dirigée par les Portugais. Mais pas avant l’été. Et de façon ponctuelle. Un engagement sur la pointe des pieds, qui contraste avec les déclarations officielles vibrionnantes sur l’Europe de la défense.

Le détachement du 2e RPIMA en reconnaissance à Catembe (photo : DICOD / EMA)

Des éléments des FAZSOI en reconnaissance

Les militaires du 2e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa) viennent d’effectuer une « mission de reconnaissance » au Mozambique entre le 6 et le 12 janvier. Objectif affiché : « contribuer à l’effort européen », selon l’état-major des armées, mais aussi faire le point sur « les actions de coopération menées » par les Français à titre bilatéral. Lors de sa présence sur le sol mozambicain, la délégation du 2e RPIMa, dirigée par un lieutenant-colonel, a pu notamment visiter le camp d’entraînement de Catembe, l’un des deux lieux de formation d’EUTM (où sont formés les fusiliers marins mozambicains).

Un détachement d’instruction opérationnelle, bientôt

Bilan de cette reconnaissance : positif. « Dans les prochains mois », le 2e RPIMa — basé à Saint Pierre de La Réunion (au sein des FAZSOI, les forces armées de la zone sud de l’Océan indien) — va mettre sur pied ce qu’on appelle au niveau français un « détachement d’instruction opérationnelle » (ou DIO) au profit des forces armées mozambicaines, dans quatre domaines : « la logistique, la santé, la maintenance et le soutien ».

Pas de contribution

Il serait temps ! La mission EUTM a été officiellement lancée en novembre (lire : La mission EUTM Mozambique lancée). Et sans la France. Elle repose essentiellement sur le Portugal, qui fournit une bonne partie des effectifs et le chef de mission. Elle compte une dizaine de pays contributeurs, de la Lituanie à la Belgique, en passant par la Grèce ou l’Espagne. Après avoir un peu tergiversé, Paris avait en effet décidé de ne pas participer, préférant fournir, au coup par coup, certaines formations, en fonction des besoins. C’était d’ailleurs le but essentiel de la visite du 2e RPIMA sur place.

Premier saut cet été

A priori, selon nos informations, le détachement français pourrait venir dans la seconde partie de la formation, à l’été, surtout sur l’aspect logistique. « La planification est en cours ». Cela se fera « en fonction de la demande et des besoins d’EUTM, de façon ponctuelle [et donc] non permanente » a précisé à B2 un officier.

Un volet maritime possible

Cet engagement pourrait aussi s’accompagner d’un volet maritime. Soit à titre bilatéral, comme cela s’est déjà fait dans le passé. Le 26 septembre dernier, le patrouilleur de haute mer Le Malin (P-701), avait ainsi embarqué neuf officiers de la marine mozambicaine, pour deux jours de navigation, jusqu’à Maputo. Soit à titre européen, dans le cadre de la reconfiguration de l’opération Atalanta et des présences maritimes coordonnées, si la décision est prise, de descendre aussi bas dans l’Océan indien (Lire notre analyse complète, sur B2 Pro : L’Indo mais pas le Pacifique. L’Europe revoit son ambition maritime à la baisse).

(Nicolas Gros-Verheyde, avec Helen Chachaty à Paris)

Lire aussi :

Et notre dossier :

N°89. L’UE face à la crise dans le Nord du Mozambique à Cabo Delgado déploie une mission de formation

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Les Danois arrivent dans Takuba. Les Italiens déploient leurs capacités médicales

Bruxelles2 Blog - Wed, 19/01/2022 - 09:53

(B2) Le Danemark et l’Italie annoncent leur arrivée à Menaka. Un renfort bienvenu pour Paris. Alors que l’opération d’initiative française est bousculée par la présence du groupe Wagner.

(Levée du drapeau danois à Ménaka. photo : MOD Danois)

Le renfort danois est arrivé

« Environ 90 personnels » danois seront présents selon le ministère danois de la défense. Des forces spéciales, une équipe chirurgicale et du personnel de soutien et de logistique. Des effectifs qui « pourraient être renforcés, en cas de besoin » indique-t-on à Copenhague. Le contingent à Ménaka (ville située non loin du Niger, près de la réserve de faune d’Ansongo-Ménaka).

Les forces spéciales seront affectées aux missions de conseil, de soutien et de coopération auprès des forces armées maliennes dans la zone des « trois frontières » (Mali-Niger-Burkina Faso). L’équipe chirurgicale est la seule de la task force Takuba.

Un mandat limité

Ce déploiement avait été annoncé en avril dernier (lire : Des Danois dans Takuba en 2022). Il est « pour l’instant » prévu jusqu’au début de l’année 2023, indique le ministère. Les Danois arrivent alors que la Suède se retirera dans quelques semaines (Lire : Les Européens restent au Mali… pour l’instant. Mais la légitimité de l’engagement est clairement posée).

L’Italie et la France déploient pleinement une capacité d’évacuation médicale

L’équipe franco-italienne d’évacuation médicale a été déclarée pleinement opérationnelle (le 15 janvier). Elle est composée de six hélicoptères : trois CH-47 Chinook et trois AH-129 Mangusta. Le dispositif est complété par une installation médicale pré-hospitalière pour le soutien médical.

(Helen Chachaty)

Lire aussi : La task-force Takuba prend de l’épaisseur lentement. Un à un les pays européens rejoignent la coalition anti-terroriste (v2)

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Les vols de la MINUSMA temporairement suspendus au Mali. Un nouveau grain de sable dans le rouage des opérations

Bruxelles2 Blog - Tue, 18/01/2022 - 16:57

(B2) La MINUSMA a suspendu ses vols au-dessus du Mali. Une décision temporaire, mais qui intervient dans un contexte particulier

Les Drones de la mission de l’ONU sont cloués au sol (Photo : Minusma)

Première décision du nouveau chef de mission

Deux jours après sa prise de fonction (14 janvier), le nouveau commandant de la MINUSMA, le général néerlandais Kees Matthijssen, a décidé la suspension temporaires des vols liés à la mission. Jusqu’à ce « que la mission reçoive l’autorisation des autorités gouvernementales », selon un courriel datant de dimanche (16 janvier), dévoilé par VOA, Voice of Africa. Ces vols concernent principalement la ligne aérienne entre Bamako et le nord du pays.

Cette décision intervient une semaine après les sanctions prises par la CEDEAO vis-à-vis de la junte militaire au pouvoir au Mali. Et quelques jours à peine après que le Mali a accusé la France de violer son espace aérien (lire : Le Mali dénonce la violation de son territoire par un avion français. La ministre botte en touche).

Une mesure confirmée par l’Allemagne

L’information a été relayée lors du point presse du ministère allemand des Affaires étrangères lundi (17 janvier), rapporte notre confrère Thomas Wiegold de AugenGeradeaus!. Interrogé, le porte-parole de la Bundeswehr a d’abord botté en touche. C’est la porte-parole du ministère qui a pris le relai, évoquant de nombreux vols suspendus. Les vols concernant les évacuations sanitaires ne sont pas concernés par cette mesure, a-t-elle précisé. En revanche, elle concerne également les missions de drones. A l’heure actuelle, les missions ISR (renseignement, surveillance, reconnaissance) ne peuvent donc être effectuée par les drones Heron 1 allemands.

Débloquer la situation

Des négociations sont en cours pour rétablir les vols. Les Nations unies et l’état-major de la MINUSMA discutent actuellement avec les autorités maliennes, indique la porte-parole du ministère, sans s’avancer davantage.

(Helen Chachaty, avec Thomas Wiegold à Berlin)

Lire aussi :

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