(crédit : RTBF)
(B2) « Le vendredi on frappait à la porte des maisons, on ciblait les maisons, on connaissait les maisons. Et on a ciblé même les maisons des Tutsis. (…) On ne peut pas tuer nos enfants. Ces images c’est un scandale ! (…) C’est très grave. En les tuant ils disaient ‘appelez l’Union européenne’, ‘appelez les Etats-Unis’, ‘appelez Kagamé’. (…) Comment un chef d’Etat peut assassiner au vu et au su de tout le monde. Quelle arrogance ! »
Celle qui parle est Maggy Barankitse, interrogée par nos collègues de la RTBF. Une personnalité charismatique ! La « maman » du Burundi Elle a notamment recueilli des orphelins hutus comme tutsis durant la guerre civile qui a frappé le Burundi en 1993. On la croyait presque intouchable tant elle est réputée au Rwanda. Elle a fui aujourd’hui, réfugiée en Belgique. Et la maison Shalom qu’elle a créée a vu ses activités stoppées.
Le Cerveau : le président Nkurunziza
Maggy Barankitse n’hésite ne mâche pas ses mots. « Le Cerveau c’est Nkurunziza. Le président. C’est lui le commanditaire. La Cour pénale internationale devait réagir aujourd’hui avant qu’il soit trop tard. Il faut qu’on l’arrête. (…) On dit, nous ne savons pas où commencer. Car le pays est souverain. Donc vous acceptez qu’on tue nos enfants, qu’on nous tue qu’on nous exile. Nous venons ici mendier. Alors qu’on pouvait vivre dans la convivialité. »
Le Burundi est tout petit Un génocide politico-ethnique
« C’est un génocide politico-ethnique. Il va choisir tous ceux qui ont refusé un troisième mandat ». Et d’apostropher la communauté internationale en particulier l’Europe pour son inaction. « Est-ce que vous n’êtes pas allés en Syrie ? Est-ce que n’êtes pas allés en Libye ? Pourquoi n’iriez-vous pas au Burundi. Il est tout petit le Burundi. Il n’y a pas de pétrole. Mais il y a vos frères et soeurs, vos enfants. Il y a la plus grande richesse que l’humanité a : c’est la personne humaine. C’est pas le pétrole, c’est pas le diamant. Il y a plus que le diamant, il y a plus que çà, il y a plus que çà… ».
L’Europe détourne les yeux
Ecoutez ici, réécoutez ! Car Maggy n’a pas tort. L’inaction semble la règle. L’Europe – qui a autre chose à faire – détourne les yeux et s’en remet à l’ONU qui s’en remet à l’Union africaine, qui attend qu’on lui donne des moyens ou un feu vert. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE étaient réunis lundi. Ils n’ont même pas réussi à évoquer officiellement cette question à l’agenda, à condamner de façon vive ce qui se passe au Burundi. Ils se sont contentés d’appeler au dialogue politique (lire sur B2 pro : L’Europe encourage le Burundi au dialogue politique. Un peu court ?). Une incroyable lâcheté.
Le Burundi est trop petit
Maggy Barankitse a raison. Le « Burundi est tout petit ». Il ne menace personne. Que ses habitants meurent, ce n’est pas très grave d’une certaine façon. En tout cas beaucoup moins qu’une barcasse qui se noie au large des côtes européennes… Si l’Union européenne, réunie au plus haut niveau, ces jours-ci, ne trouve pas le moyen d’une part d’adresser une condamnation ferme, sans équivoque, d’autre part de réagir autrement qu’avec trois mots, c’est qu’il ne sert à rien de parler de droits de l’Homme, de rôle dans le monde, de stratégie de sécurité, d’avoir des capacités de maintien de la paix pour réagir en cas de crise (voir encadré) … Cela ne sert à rien si on n’est pas un tant soit peu capable d’agir sur le Burundi.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Le battlegroup européen : un joujou pour faire beau !
Ce sont actuellement les Français et les Belges qui assurent la permanence de la force européenne de réaction rapide jusqu’à fin décembre. On peut comprendre qu’il y ait des considérations technico-politiques qui empêchent le déploiement de ce battlegroup. Surdose d’engagement pour les Français, contraintes politico-historiques pour les Belges avec souvenir dramatique du Rwanda pour les deux. Mais le battlegroup suivant pourrait se déployer. Il est prêt, du moins théoriquement. C’est le battlegroup de Visegrad, les V4 (Pologne, Hongrie, Rép. Tchèque, Slovaquie). Vous savez ces pays qui parlent haut et fort dès qu’il s’agit de l’Ukraine, des réfugiés, de la Zone Euro, des autres qui ne respectent pas les règles. Puis qui viennent pleurnicher dans le giron de l’OTAN ou de celui de l’Europe pour avoir des chars, des hommes, des batteries anti-aériennes, des avions pour renforcer leurs défenses et jouer ainsi du muscle avec les Russes. Des pays qu’on ne voit plus en général dès qu’il s’agit d’agir ! dès qu’il s’agit d’être solidaire ! Pour eux, le battlegroup est un joujou, destiné à faire beau !
NB : Certains lecteurs pourront être choqués. D’ordinaire, nous ne publions pas des images ‘violentes’. Là on ne peut pas faire autrement…
(B2) Une polémique a éclaté en Pologne autour du centre d’excellence de l’OTAN sur le contre-espionnage qui devait être inauguré prochainement. Piotr Bączek le nouveau chef du Service de contre-espionnage militaire, a « annulé la réunion inaugurale des représentants de 9 pays signataires (*) » écrit le quotidien Gazeta Wyborcza.
Le centre d’excellence de l’OTAN ralenti
« L’arrivée des responsables du renseignement polonais en Slovaquie et l’assistance technique du SKW (le service polonais de contre-espionnage) ont été stoppées ». Un ralentissement plutôt qu’un arrêt. Mais même cela est démenti au ministère de la Défense. « Le lancement du projet du Centre sera mis en œuvre conformément au calendrier convenu » a déclaré son porte-parole Bartłomiej Miśkiewicz.
Accusé de communication avec l’ennemi… américain !
Le gouvernement semble avoir lancé une opération de limogeage de certains responsables nommés sous l’ancien gouvernement de la Plate-forme civique. Et plus généralement une sorte de politique de lustration de plusieurs responsables militaires — Le chef de ce centre, Józef Dusza, a fait ainsi l’objet d’une procédure disciplinaire pour « entente avec des services étrangers »… Une disposition utilisée en général en cas de communication interdite. En fait de communication avec d’autres, il s’agit des services.. américains selon Radio Zet !
Une remise au pas ?
Cet épisode ne semble pas être un épiphénomène. Le gouvernement et, en particulier, son ministre de la Défense, Antoni Macierewicz, entendent rouvrir le dossier du crash de Smolensk. Pour le PiS revenu au pouvoir le crash du Tupolev 154 le 10 avril 2010, alors qu’il transportait une délégation officielle conduite par le président Lech Kaczyński vers Katyń, ceci n’est pas due aux multiples causes avancées (brouillard, erreur de pilotage, mauvaise compréhension avec la tour de contrôle, etc.) (2). Mais il pointe la responsabilité russe dans le crash de l’avion présidentiel, dénonçant un complot et une enquête bâclée.
Un screening des militaires
Chacun des responsables du renseignement est aujourd’hui testé pour savoir quelle version il défend. Ce screening a pour but de purger certains éléments jugés trop indépendants vis-à-vis du nouveau pouvoir. Ce dispositif qui touche aussi certains gradés de l’armée ressemble assez à la lustration entreprise après la chute du pouvoir communiste. Et cette politique ne se limite pas au niveau militaire. Elle est à rapprocher de la nomination de plusieurs juges au Tribunal constitutionnel pour éviter de voir ce Tribunal être trop opposé à certains décisions gouvernementales. C’est une véritable reprise en main du pouvoir qu’opère ainsi la Première ministre Beata Szydło.
(NGV)
(1) La Pologne et la Slovaquie sont les initiateurs de ce centre qui rassemble 7 autres pays (rép. Tchèque, Allemagne, Hongrie, Italie, Lituanie, Roumanie, Slovénie et Croatie).
(2) Lire :