La victoire de Podemos dimanche est-elle le signe d’un changement radical?
Il faut faire attention. Nous avons une vision des élections espagnoles avec des lunettes grecques. Or Podemos n’est pas du tout dans la même situation que Syriza. Il est arrivé seulement troisième à ces élections régionales, et la candidate en tête à Barcelone et celle qui est arrivée en deuxième position à Madrid ne sont pas des candidates de Podemos, mais des candidates issues de la société civile dont les listes ont été soutenues par Podemos. Leur percée illustre cependant le principal changement de ces élections -et la nouveauté pour l’Espagne: la fragmentation politique. Et la nécessité qui en découle de passer des alliances.
Les candidats soutenus par Podemos ne sont donc pas assurés de diriger?
Non, il va d’abors falloir négocier pour trouver des majorités. Le PSOE [socialistes] devrait a priori aller vers Podemos, et le PPE [conservateurs] vers Ciudadanos (Parti de la Citoyenneté), lui aussi reflet de la crise, qui a émergé à droite. Mais le problème, c’est que tout au long de la campagne, le PSOE a vivement critiqué le «populisme» de Podemos, et que Podemos a rangé le PSOE dans les «partis de la caste». A droite, Ciudadanos s’est dit favorable à passer des accords, pourvu que le parti avec qui il s’accorde condamne la corruption. Or, le PPE est en pleine crise sur le sujet… Dès lors, on peut imaginer que les tractations vont se prolonger dans la semaine, et même peut-être au-delà.
Peut-on assister à un scénario «à l’italienne», avec des partis qui n’arrivent pas à s’accorder?
C’est en fait déjà le cas. Dans la communauté autonome d’Andalousie, où le vote a eu lieu en décalé, fin mars, la candidate du PSOE a remporté le scrutin, mais pas la majorité absolue. Et elle est toujours en négociations pour trouver des alliés… Deux votes sans majorité ont déjà eu lieu, si un troisième venait à échouer, de nouvelles élections devront être convoquées.
Comment pourraient se passer ces tractations?
On ignore totalement comment cela va se passer, puisque le multipartisme est tout à fait nouveau en Espagne. La culture politique des deux grands partis ne les prépare pas à ce genre de négociations, et les partis récents, de par leur nouveauté, n’y sont pas plus préparés. Il peut y avoir des tractations au niveau national -échange entre régions- ou des négociations au sein de chaque région. On sait que les directions des partis se sont réunies, ce qui peut laisser présager d’une stratégie globale. Mais on ne sait pas ce qu’ils sont prêts à lâcher, ce qu’ils considèrent comme non négociable… Mais on peut par exemple imaginer que le vote du PSOE, dont les listes soutenues par Podemos à Madrid et Barcelone ont besoin, pourrait être conditionné à un soutien en Andalousie.
Et en ce qui concerne Podemos?
Il doit être assez rigide sur ses demandes pour ne pas apparaître comme supplétif des grands partis -notamment le PSOE- dans la perspectives des législatives de fin d’année. Mais il va falloir aussi qu’il négocie s’il veut apparaître dans les équipes politiques dirigeantes.
Les élections législatives et régionales se sont déroulées le 24 mai en Ethiopie. Les résultats seront annoncés à la fin du mois de juin et ils seront, à n’en pas douter, un satisfecit pour le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), coalition qui dirige le pays depuis 1991. La prochaine rentrée parlementaire verra donc une situation semblable à celle d’aujourd’hui : la mainmise totale de l’EPRDF sur la vie politique et institutionnelle du pays. D’après la Constitution de 1995, le Premier ministre sera « désigné par le parti ou la coalition » ayant remporté les élections. HaileMariam Desalegn devrait donc être reconduit dans ses fonctions.
Le bilan économique, politique et diplomatique de ces cinq dernières années reste cependant mitigé.
L’Ethiopie affiche une des plus fortes croissances africaines, réalise de très nombreux travaux d’infrastructures (routes, aéroports, chemins de fer, tram), et s’attache à développer une agriculture et une industrie performantes. Symbole de cette volonté, la construction du grand barrage de la renaissance devrait être achevée en 2017 et il deviendra la plus grande installation de ce type sur le continent africain permettant à l’Ethiopie d’exporter une partie de l’énergie qu’il fournira. En revanche, la population souffre du prix de la vie (salaires faibles, loyers élevés, denrées de base chères…). Les télécommunications (téléphonie, internet) sont loin d’être de qualité. Les coupures d’eau et d’électricité sont encore courantes dans la capitale de l’Union africaine et l’anarchie des constructions d’hôtels, d’immeubles d’entreprises enlaidit Addis Abeba. L’Ethiopie est donc un pays en pleine croissance, ouvrant de nombreux chantiers mais il reste beaucoup à faire sur le plan intérieur pour que la population bénéficie rapidement des retombées de ce développement.
Ces élections auront mis en lumière le cavalier seul de l’EPRDF et donc l’absence d’une réelle opposition, acceptée comme telle. Comme le faisait remarquer un article de l’Ethiopian Herald [1] du 11 avril, « Ethiopian Government understands and believes that serious and professional international or foreign observation could play constructive role in making the 2015 Ethiopian national election free, fair and peaceful and legitimate… However international observers may have their own draw-backs. These include trying to interfere in the electoral process, being ignorant to local circumstances related to history, culture, and other factors ». Et de conclure « Therefore Ethiopian election 2015 observation process must be seen and judged by the Ethiopian public to the Ethiopian public ». Seuls quelques observateurs de l’Union africaine ont été déployés sur l’ensemble du territoire. Le rapport cinglant d’Ana Gomez (UE) suite aux élections de 2005 ne se reproduira pas. Tout au contraire puisque l’Union européenne vient d’annoncer qu’elle augmenterait sa généreuse assistance à l’Ethiopie « considering the proper utilization of funds ».
Sur le plan diplomatique, l’Ethiopie est à la tête de l’IGAD [2] et du COMESA [3]. Elle est le plus important contributeur des missions de maintien et de soutien à la paix des Nations unies et de l’Union africaine. Elle est donc un partenaire incontournable qui bénéficie, de plus, d’un fort soutien américain. La Declaration of principles sur le Nil signée entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan le 23 mars 2015 est historique. C’est le premier document signé par les trois États. Cette avancée ne fera qu’améliorer l’intégration régionale encore balbutiante dans la corne de l’Afrique. Mais depuis plus d’un an et demi, l’Ethiopie n’a pas réussi à trouver une solution au problème du Soudan du Sud. Elle mène pourtant au titre de l’IGAD les multiples négociations pour amener Salva Kiir et Riek Machar à un accord. A la frontière entre l’Ethiopie et l’Erythrée, la situation ne s’améliore pas et aucun des deux États ne semble disposer à faire la moindre concession.
En un peu plus d’une décennie, l’Ethiopie s’est radicalement transformée. Mälläs Zénawi a su donner l’impulsion nécessaire pour que son pays prenne la bonne direction. Mais depuis sa disparition en août 2012, l’Ethiopie semble marquer le pas et les résultats tardent à venir. Si elle reste sans conteste la puissance régionale dans une corne de l’Afrique bien instable, la situation intérieure doit bénéficier des retombées d’une croissance élevée et le paysage des partis/coalitions politiques va devoir s’ouvrir. Sans de notables progrès dans ces deux domaines, il ne peut être exclu que des mécontentements profonds et des troubles sociaux surgissent et compromettent la volonté des dirigeants éthiopiens de devenir un pays à revenus intermédiaires en 2025.
[1] Journal gouvernemental
[2] L’Autorité intergouvernementale pour le développement est la Communauté économique régionale qui regroupe sept États (Ethiopie, Soudan du Sud, Soudan, Ouganda, Kenya, Djibouti, Somalie). L’Erythrée, qui s’en était retirée en 2007, n’a pas été autorisée malgré sa volonté depuis 2011 à réintégrer l’organisation.
[3] Marché commun en Afrique orientale et australe. Une des huit Communautés économiques régionales de l’Union africaine.
Lorsqu'Yves Lacoste écrit que « La géographie, ça sert d'abord à faire la guerre », il évoque l'utilisation de la géographie par les acteurs de celle-ci1. La guerre est revenue, depuis plus de vingt ans, dans notre environnement immédiat, quelle que soit la forme qu'elle prenne. L'histoire qui s'écrit dans un quotidien guerrier, militaire et tragique nous conduit aujourd'hui à la comprendre, à la faire comprendre et à l'enseigner. Il ne s'agit pas d'en faire un objet historique distinct, mais d'inclure et de proposer, dans le cadre des questions soulevées dans l'histoire et au présent et en l'état de celles-ci, des problématiques qui s'y rapportent...
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Associate Professor at the University of Athens and Senior Research Fellow at ELIAMEP Dimitri A. Sotiropoulos wrote an article on the Greek crisis in the Sunday edition of To Vima newspaper. The article was published on 24 May 2015 and is available here.