Comment ne pas être inquiet devant l’absence de prise de conscience du danger que représente l’organisation de l’État islamique (Daech), non pas seulement pour la Syrie et l’Irak, mais pour l’ensemble des États musulmans, de la Tunisie jusqu’au Pakistan, pour l’Afghanistan et l’Asie centrale, en passant évidemment par la Libye, l’Égypte, le Liban et tout le Moyen-Orient. L’Arabie saoudite, mère fondatrice de Daech et son ancêtre Al-Qaïda, ne sera pas épargnée.
Palmyre avant-hier, Ramadi il y a six jours, sont tombés aux mains de l’organisation de l’État islamique. En un an, Daech et son redoutable « Kalife » Abou Bakr al Baghdadi, ont montré de quoi ils sont capables : exécutions massives, enterrements vivants de ceux qui ne pensent pas comme eux, décapitations, immolations par le feu d’innocents… Au-delà de ces pratiques inhumaines, le projet publiquement annoncé, à savoir l’instauration du califat dans tout le monde musulman, est à prendre au sérieux. L’avènement de Daech est l’aboutissement d’un processus commencé avec l’invasion soviétique en Afghanistan : les aides financières et militaires américaines et saoudiennes furent accompagnées d’envoi de volontaires au djihad, par la création de milliers de madrasas wahhabites au Pakistan et finalement la création d’Al-Qaïda par Oussama Ben Laden dont les faits d’armes se sont finalement limités à quelques attentats dont New York et Washington.
L’invasion américaine en Irak a ensuite constitué une occasion en or pour les djihadistes, qui ont rapidement créé la branche irakienne d’Al-Qaïda, dans la province d’al-Anbar, aujourd’hui aux mains de Daech. Cette branche profitant de la répression américaine (la destruction de Falloujah et le scandale d’Abou Ghraïb ne sont que des exemples), elle s’est enracinée au sein de la communauté arabe sunnite. La rivalité entre l’Iran et l’Arabie saoudite – cette dernière ne supportant pas que l’Irak passe sous l’influence de l’Iran par l’intermédiaire du pouvoir chiite à Bagdad -, a alimenté le développement de cette organisation, ainsi que sa transformation en « État islamique en Irak », puis en « État islamique en Irak et en Syrie » et désormais simplement « État islamique ».
Le régime syrien n’a pas été épargné par le printemps arabe. Mais les manifestations initialement pacifiques pour des revendications démocratiques, ont rapidement été entachées de violence. Dès le début de l’insurrection, la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar ont chacun soutenu leur protégé respectif pour des raisons certes différentes, mais avec un objectif commun : renverser le régime de Bachar al-Assad. Mais l’intervention de « l’État islamique en Irak » sur le territoire syrien a totalement modifié la nature de l’insurrection et son objectif. Aujourd’hui, plus de 90 % des insurgés appartiennent à Daech – qui contrôle presque la moitié de la Syrie – ainsi qu’à ses alliés al-Nosra (al-Qaïda) et d’autres organisations djihadistes.
Palmyre est tombé. De nombreux journalistes s’interrogent sur le danger qui menace la merveilleuse cité archéologique, patrimoine de l’humanité. S‘il est normal et légitime de s’inquiéter pour ces trésors historiques, souhaitons que la chute du Palmyre et de Ramadi puisse ouvrir les yeux de l’Occident et de ses alliés arabes, riches mais totalitaires, du golfe Persique. Daech, avec ses 40 à 50 000 combattants fanatiques prêts à mourir pour une cause imaginaire, est doté d’armements modernes qui lui permettent de mener cette guerre sur plusieurs fronts et tirer des centaines de missiles sur la ville de Palmyre.
Qui fournit ces armements ? D’où viennent ses combattants ? Où s’entrainent-ils ? Où sont soignés leurs blessés ? Il est impossible d’imaginer que les services de renseignements des pays occidentaux soient à ce point aveugles et qu’ils ne constatent pas que Daech menace désormais une vaste région allant du Maghreb jusqu’au Pakistan et à l’Asie centrale et que Daech a été aidé à établir probablement le premier État de l’État islamique en Libye. Sans oublier que l’opinion publique dans ces pays imagine que Daech est une création occidentale pour déstabiliser la région…
Il est temps que la coalition internationale change de stratégie, qu’elle force les pays qui soutiennent en armes et en argent ou autorisent le passage de combattants de Daech, et qu’elle mette fin à ce jeu d’une gravité sans pareil. Face à l’évolution de la situation, il n’est plus raisonnable de laisser l’organisation de l’État islamique instaurer un pouvoir barbare, inhumain et dangereux pour l’Europe, s’installer en Syrie, sous prétexte que le président syrien Bachar al-Assad est un dictateur. Il ne faut pas transformer la Syrie en une seconde Libye puissance dix. M. Zarif, ministre des Affaires étrangères iranien, a déclaré il y a quelques jours dans une interview au magazine allemand Spiegel, que si l’Iran ne venait pas en aide au régime syrien, Daech serait déjà au pouvoir à Damas.
La recherche d’une solution politique en Syrie, y compris le départ de Bachar al-Assad, suppose que l’avancée de l’État islamique jusqu’à Damas soit arrêtée. Il me semble que si un choix devait être fait entre Bachar al-Assad et Abou Bakr al-Baghdadi, cela serait vite fait. Un changement de la part de la coalition internationale permettrait d’éviter ce choix.
Refaire l'Armée française, du début de l'année 1943 à la Victoire en 1945, c'est se placer au confluent de trois questions. Refaire une armée pour libérer le pays : c'est la dimension militaire et interalliée de la Libération ; refaire l'Armée de la République : c'est la question de l'« outil » militaire, aux ordres du pouvoir politique ; refaire l'Armée de la France, c'est refaire un instrument d'une puissance à reconstruire...
Conférence-débat exceptionnelle de M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, ancien Premier ministre, à l’attention des étudiants d’IRIS Sup’, l’école des relations internationales de l’IRIS, le mercredi 20 mai 2015 au sein de l’espace de conférences de l’IRIS. Animée par Pascal Boniface, directeur de l’IRIS.
De violentes manifestations ont lieu au Burundi depuis le 26 avril. Qui sont les manifestants et quel est l’objet de leur colère ? Comment expliquer cet embrasement soudain du pays ?
Les manifestants sont essentiellement les populations jeunes de Bujumbura qui ont l’appui des dix-huit partis d’opposition, relativement unis. On est moins certains qu’il y ait eu d’importantes manifestations dans les zones rurales. Ce sont des jeunes qui refusent principalement ce qu’on appelle, si ce n’est un coup d’État constitutionnel, du moins une manipulation constitutionnelle. Cette dernière tient au fait que le président Pierre Nkurunziza se représente pour un troisième mandat, malgré les dispositions des accords d’Arusha de 2000, réalisés sous l’égide de Nelson Mandela. Ces accords prévoient que seuls deux mandats consécutifs peuvent être effectués par un président. L’argutie juridique utilisée par Pierre Nkurunziza repose sur le fait que pour son premier mandat, il n’avait pas été élu au suffrage universel mais par le Parlement. La Cour constitutionnelle, qui est aux ordres du président, a considéré cette troisième candidature comme valide – le
vice-président de la Cour a d’ailleurs été obligé de fuir suite à cette décision. Par ailleurs, on observe que les manifestations se sont traduites par une très grande violence de la part de la police, qui a tiré à balles réelles sur la foule. On sait également que des milices, manipulées par le pouvoir, sont intervenues auprès des manifestants pour entrainer cette violence. On est donc dans une situation où le mécontentement est croissant. Certains ont à l’esprit les manifestations au Burkina Faso contre la manipulation constitutionnelle de Blaise Compaoré ou encore des exemples de pays où une transition démocratique a pu avoir lieu.
Au vu de l’histoire violente et difficile du Burundi, la confrontation entre les différents groupes ethniques a-t-elle été dépassée ou peut-on craindre de nouveaux affrontements de ce type ?
Il faut savoir que le Burundi a subi les mêmes troubles suite à la disparition du président Cyprien Ntaryamira en 1994. Il y a alors eu des affrontements à caractère ethnique entre les Hutus et les Tutsis, faisant environ 300 000 morts. De 1993 à 2003, le Burundi a traversé une période de très forte insécurité, y compris après les accords d’Arusha signés en 2000. La situation s’était ensuite peu à peu apaisée sur le plan des conflits ethno-régionaux. Ce sont les Hutus qui sont globalement au pouvoir au Burundi, à la différence du Rwanda. Les accords d’Arusha ont fait en sorte que la moitié des responsables soit d’origine Hutu et la moitié des responsables de l’administration de l’armée soit d’origine Tutsi. Les questions ethniques ou religieuses n’étant plus considérées comme des questions importantes, le conflit a pu être dépassé pendant au moins dix ans. Par conséquent, les manifestations récentes n’ont absolument pas eu un caractère ethnique.
Ceci étant, quand on connait l’histoire du Burundi, on sait que la question de l’ethnie peut être instrumentalisée à la fois par le pouvoir politique – c’est à craindre – mais également par les pays voisins. On sait par exemple que des milices Hutus sont très proches des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) en République Démocratique du Congo (RDC). Si jamais des provocations entrainaient la mort de Tutsis, il y aurait immédiatement une intervention de Paul Kagame, actuel président du Rwanda. Inversement, si des Hutus étaient tués, une intervention de la RDC serait également à prévoir.
Lors de la manifestation du mardi 19 mai, des personnalités politiques et des membres de la société civile se sont joints à un rassemblement à Bujumbura. Après un coup d’État raté de l’armée burundaise en date du 13 mai, quid de l’opposition politique ? Un report des élections peut-il permettre un retour au calme ?
L’opposition a été relativement unie jusqu’à présent. Après l’échec du coup d’État, les manifestants ont dans un premier temps été extrêmement prudents et n’ont pas immédiatement organisé d’importantes manifestations. Néanmoins, depuis la reprise du pouvoir par le président Nkurunziza, le mouvement s’est très nettement renforcé avec un nombre d’arrestations important. La police a à nouveau tiré sur les manifestants faisant des morts. La situation n’est pas du tout contrôlée, et l’armée a au départ remplacé la police dans ses fonctions. Cette dernière a désormais repris son rôle mais l’armée reste quant à elle extrêmement divisée et apparait aujourd’hui en retrait. L’incertitude porte sur la position que l’armée adoptera in fine. Ce qui est sûr, c’est que les mouvements sont actuellement en marche et que la stabilité politique du pays est fortement mise à mal.
De son côté, le président a accusé les Shebabs de menacer l’ordre du pays, mais cette déclaration n’a évidemment eu aucune crédibilité auprès des populations. Il a limogé son ministre de la Défense qu’il avait trouvé trop proche des putschistes, ainsi que son ministre des Affaires étrangères, plutôt pour contenter les opinions occidentales. On est donc face à un pouvoir qui renforce son dispositif sécuritaire et annonce qu’il souhaite lutter contre le terrorisme. Par conséquent, il est évident que les élections ne pourront pas avoir lieu si elles se déroulaient dans de telles conditions. Si Pierre Nkurunziza venait à se représenter pour un troisième mandat, il y a selon moi un risque réel de dérive. Quoi qu’il en soit, troisième mandat ou pas, des affrontements importants seront à craindre. Le Burundi a connu des conflits extrêmement violents historiquement et reste un pays vulnérable.
Le plus vraisemblable est que ces élections soient reportées, comme le demande l’Union africaine, les représentants de l’Union européenne ou encore l’opposition. L’idéal serait que le président ne se représente pas et qu’il décide de se retirer, comme Blaise Compaoré l’a fait au Burkina Faso. Il ne faut pas non plus négliger la pression des États voisins dans la mesure où le Burundi fait partie de la Communauté d’Afrique de l’Est et doit tenir compte de l’avis de ses partenaires. Les acteurs régionaux ne seront pas indifférents à l’évolution de la situation et peuvent jouer sur le Burundi pour agir en fonction de leurs propres intérêts. Enfin, il peut aussi y avoir une pression exercée par la communauté internationale ou par les États-Unis. Ces derniers se sont d’ailleurs prononcés en affirmant que le président était légitime à la suite du coup d’État raté du 13 mai, mais ne soutiennent pas pour autant une troisième candidature de Pierre Nkurunziza. Celui-ci a aujourd’hui choisi la méthode forte, malgré les conseils des pays africains et occidentaux. S’il va jusqu’au bout, les violences risquent de resurgir avec une intensité et des effets de contagion au Rwanda et en RDC qu’il est difficile de prévoir.
China hat unter der neuen Führung eine Reihe außenpolitischer und außenwirtschaftlicher Initiativen gestartet, die weit über die eigene Region hinausweisen. Die US-Regierung steht den chinesischen Plänen ablehnend gegenüber und sieht vor allem die von China angestoßenen Finanzinstitutionen als Herausforderung für die etablierten und westlich dominierten Einrichtungen. China dagegen argumentiert, es handle sich um sinnvolle und wichtige Ergänzungen der bestehenden Architektur. Die europäischen Staaten schlossen sich der Haltung der USA nicht an, viele wurden Gründungsmitglieder der Asiatischen Infrastrukturinvestitionsbank (Asian Infrastructure Investment Bank, AIIB). Chinas übergreifende Vision der »neuen Seidenstraßen« über Land und See zielt auf eine Integration Asiens und Europas durch Infrastrukturnetzwerke und erfordert daher ebenfalls eine Positionierung von europäischer Seite. Um zu einer besseren Abstimmung untereinander zu kommen als im Falle der AIIB, müssen EU und europäische Staaten die wirtschaftlichen und politischen Dimensionen der chinesischen Initiativen im Gesamtzusammenhang diskutieren und bewerten.