Dans le 21ème siècle le processus de réintégration de la France à la structure militaire de l’OTAN (quittée en 1966 après la décision du président Charles de Gaulle) a été relancé en 2004, mais c’est le président Sarkozy qui a profité de la médiatisation de cette acte ambiguë.
La participation française aux états-majors de l'OTAN a été déjà formalisée dans l'accord dit « Flag to posts » du 18 mars 2004. Cet accord prévoit une enveloppe de 110 postes pour la France. Les officiers effectivement « insérés » dans ces états-majors sont au nombre de 107, dont 34 relevant de l'Allied Command Transformation de Norfolk et 73 relevant de l'Allied Command Operations en Europe. A ces personnels s'ajoutent 43 autres militaires français insérés dans des organismes ou agences de l'OTAN.
Mais globalement la présence française au sein des états-majors de l'OTAN restait extrêmement modeste : 110 militaires sur un total de près de 11 000 personnels inclus dans la structure militaire intégrée, soit 1 % de l'effectif. En comparaison, la présence américaine avoisine les 2 800 personnes, la présence britannique plus de 2 000 personnes, tout comme la présence allemande, les Italiens comptant environ 1 200 militaires intégrés et les Turcs près de 600. La France a accentué la participation de ses militaires aux structures en charge de la formation, comme le comme l'école de l'OTAN à Oberammergau .
En avril 2009, la réintégration pleine de la France devrait se traduire par l'envoi de quelque 900 militaires français dans l'appareil militaire intégré de l'OTAN, ainsi la présence française ressemblera à celle de l’Italie. Le paradoxe que c’est « élargissement » intervient au moment « où Paris appuie, comme le fait le Royaume-Uni, l'idée d'un amaigrissement des structures de l'OTAN, dont le caractère pléthorique hérité de la guerre froide ne se justifie plus au regard des nouvelles missions de l'Alliance » .
Issue des négociations entre le conseiller diplomatique de M. Sarkozy, Jean-David Lévitte, et le conseiller de M. Obama pour la sécurité nationale, le général James Jones, deux commandements soient attribués à des généraux français au sein de l'OTAN. (A contrepartie, Obama pourrait demander officiellement, d'ici le sommet de Strasbourg-Kehl, de nouvelles contributions de troupes européennes.)
- D'une part, le commandement basé à Norfolk en Virginie (Etats-Unis), appelé Allied Command Transformation (ACT), en charge de piloter les transformations de l'Alliance (doctrine, organisation et emploi des forces). Le nom du général Stéphane Abrial, actuel chef d'état-major de l'armée de l'air, est évoqué pour prendre ce poste.
- D'autre part, l’un des trois états-majors interarmées et régionaux de OTAN, basé à Lisbonne, où se trouve le quartier général de la Force de réaction rapide de l'OTAN ainsi qu'un centre d'analyses de photos satellites. Sa mission : s’occuper de la situation dans la zone Atlantique et en Afrique . Ce Joint Headquarter (JHQ) de Lisbonne est la plus petite des trois structures de niveau opératif, avec les deux JFC (Joint Forces Command) de Brunsum et de Naples.
Il y aura d'autres généraux, dans les différents états-majors, dont le nombre exact n’est pas encore connu. Le problème c’est que l'ACT, à Norfolk, n'a aucun rôle quant aux opérations en cours et Lisbonne a une importance moindre. Nous sommes loin des conditions réelles de Jacques Chirac, de céder le commandement Sud de l'OTAN, à Naples, vraiment stratégique . L’autres expertes militaires français auraient proposé de demander la poste de DSACEUR dont la France vaudrait bien . Ce qui est curieux que les Américains étaient prêts à offrir des postes importants aux Français, « mais ils se heurtent aux réticences des pays européens, en particulier le Royaume-Uni et l'Allemagne, assez peu enthousiastes à l'idée de céder des places à leurs camarades français » .
Depuis la fin de la guerre froide, la France est de manière constante l’un des premiers contributeurs en troupes dans les opérations de l’OTAN, avec un haut niveau de qualité et disponibilité des forces :
• Kosovo : 1600 hommes, 3ème contributeur, commandement de la KFOR de septembre 2007 à septembre 2008 ;
• Afghanistan (FIAS) : près de 3000 hommes, 4ème contributeur.
En 2007, la contribution française représentait 7,5% du budget ordinaire total de l’OTAN, soit 138 millions d'euros sur 1876. La France est le 5 ème contributeur (budget civil - 13,75 % - 26 ME ; budget militaire - 12,87 % -105 ME ; nouveau siège : 93 ME) derrière les Etats-Unis (25,9%), l'Allemagne (19,2%), le Royaume-Uni (11,2%) et l'Italie (7,7%). Pour le budget des opérations, l’envoi de troupes étant à la charge des nations . Bien sur, la contribution française au budget de l'OTAN devrait augmenter de quelques centaines de millions d'euros, mais ce seront des mutations, la France n’embauchera personne pour cela.
La France a été l’un des promoteurs des accords dits de Berlin plus, des relations OTAN-Russie et du processus de modernisation militaire de l’OTAN lancé lors du Sommet de Prague (Force de réaction rapide [NRF] et rationalisation des structures de commandement).
La France est déjà à 90% ( !) dans l'Alliance, dans 36 comités sur 38 et elle est l'un des principaux contributeurs en hommes et en financement à ses opérations (Bosnie, Kosovo et Afghanistan). Actuellement les sources se contredisent en ce qui concerne la réintégrations au Comité des plans de défense de l’Alliance : les uns la nient , mais certains affirment le contraire que la présence française au siège de l’OTAN se manifeste quasiment à tous les étages et elle réintégrerait le Comité des plans de défense de l’Alliance, centre névralgique de l’OTAN où les plans de batailles sont dressés.
Ce qui est sur que Paris devrait rester en dehors du Comité des plans nucléaires, la seconde instance dont la France est toujours absente, indépendance nationale oblige . Et ce dernier est le plus important quant au but d’origine de l’Alliance atlantique basé sur l’article 5 : la dissuasion commune, la riposte commune centralisée (même s’il s’agit d’un scénario de plus en plus théorique) ne sera désormais possible non plus. Ici les fonds de la politique du général de Gaulle, la France autonome en sa défense, reste toujours inchangeables.
Mais d’autre part, quant aux objectifs de l’OTAN après guerre froide nous pouvons vraiment parler d’une « normalisation » tout à fait logique dans son terme. L'Elysée espère aussi pouvoir mieux peser sur la formulation du nouveau Concept stratégique de l'Alliance, qui, avec la guerre en Afghanistan, sera au coeur du sommet de Strasbourg-Kehl. Par conte selon les expertes militaire cette réintégration au Comité des plans de défense sera limitée parce que les principes de défense pour la France sont déjà fixés dans le nouveau Livre Blanc et la loi de programmation militaire 2009-2014 restera inchangeable et ne sera pas modifié pour les objectifs de l’OTAN.
Conformément à ce qu'exige l'article 49.1 de la Constitution française, le Premier ministre, M. Fillon devra demander lors du prochain conseil des ministres, le 11 mars, l'autorisation d'engager la responsabilité du gouvernement. Le 17 mars, il présentera sa politique, à la suite de quoi les députés débattront puis voteront. Finalement le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan devrait être officialisé le 4 avril, lors du sommet organisé à Strasbourg et Kehl en Allemagne pour le soixantième anniversaire de l'alliance atlantique.
Un dernier problème a surgi parce que la Turquie a fait passer le message que la réintégration de la France devrait s'accompagner d'une plus grande souplesse de Paris sur la question de l'adhésion turque à l'UE mais pour régler ce problème l'Elysée a demandé à l'administration Obama d'intercéder. De plus pour le moment chaque opération de Berlin plus et le développement des relations OTAN-UE (pesd) sont systématiquement bloqués par la Turquie.
Nicolas Sarkozy a subordonné le retour de la France dans l'Otan à deux conditions : 1, « La France ne peut reprendre sa place que si une place (sic) lui est faite », et « Laissons cheminer l'Europe de la défense, et nous continuerons à cheminer vers l'OTAN ». Fixer (et déclarer manifestement) la date de réintégration avant, et commencer à négocier sur les conditions après, était-il vraiment un bon choix politique ? Même si la première condition du président reste ambiguë, la deuxième est encore plus ambiguë :
Dans quel contexte la réintégration s’achèvera ? Les relations américano-européennes sont en péril au point de vue des expertes militaires français. Il n’est pas vrai que les Etats-Unis ont besoin d’une Europe forte et en réalité la rivalité commence à transformer à une guerre économique : l’objectif peu caché de l’administration américaine est de « tuer » l’AIRBUS : Désormais le Pentagon prend part dans la rivalité entre AIRBUS et BOEING et ainsi les commandes militaires dans le dossier Boeing ont dépassé le 50%. (Cependant l’avenir de l’avion de transport militaire l’A400M reste incertain et les gouvernements en Europe ne peut guère agir pour sauver l’AIRBUS. L’objectif américain est clair : il faut avoir une OTAN équipée par des armes américaines et ainsi soit dépendante de l’OTAN.
« Conséquence positive » de la crise globale que les positions américaines sont devenues affaiblies. Mais les Britanniques préféraient toujours des produits américains depuis Suez (1956) et Nassau (1962) . L’importance de l’Alliance atlantique a considérablement diminuée pendant les 7 dernières années. Elle devrait faire des progrès considérables au domaine des capacités civilo-militaire, et il est probable de ne pas pouvoir contourner le piège installé par elle-même, par l’interdiction de la duplication inutile (Albright et les « 3D ») vis-à-vis de l’UE parce que la PESD en dispose déjà des capacités considérables. (Selon le Général Karl W. Eikenberry, vice-Président du Comité Militaire de l'OTAN à Bruxelles et ancien commandant en chef de l'Opération Enduring Freedom en Afghanistan, le rétablissement de la paix en Irak serait impossible sans éléments civiles plus robustes .)
De plus, les Etats-Unis sont en train de se retirer de plus en plus de l’OTAN et négliger l’Alliance en cas d’une crise. La plus importante question conçernant la défense européenne, le bouclier antimissile n’était jamais négocié au sein de l’OTAN avec les partenaires européennes, son contrôle fait parti d’un système mondial américain dont la gestion est fermée devant les européens. Donc la dépendance augmentera et la réintégration française n’en changera rien.
Andras Istvan TURKE
Sources :
- Les enjeux de l’évolution de l’OTAN – Sénat Rapport d'information n° 405 (2006-2007) de MM. Jean FRANÇOIS-PONCET, Jean-Guy BRANGER et André ROUVIÈRE, fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 19 juillet 2007
- La France parachève son retour dans l’OTAN, Le Monde, le 04.02.2009, www.lemonde.fr
- Retour de la France dans le commandement militaire, RFI 11/03/2009, http://www.rfi.fr/actufr/articles/111/article_79127.asp
- Bilan de la présidence française, colloque organisé par l’IRIS, le 7 février 2009, Section „La France, la PESD et l’OTAN“ avec Aurélia Bouchez, Secrétaire générale adjointe déléguée de l'OTAN pour les Affaires régionales, économiques et de sécurité,; Alain Coldefy, Conseiller Défense, EADS; Axel Poniatowski, Député du Val d'Oise, Président de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale; Alain Richard, Maire de Saint-Ouen-l'Aumône, ancien ministre de la Défense; Nick Witney, Senior Policy Fellow, European Council on Foreign Relations, ancien Directeur de l'Agence Européenne de Défense
2009 : le retour dans l'Otan, avec deux commandements pour la France, http://secretdefense.blogs.liberation.fr/
- La France et l’OTAN – France Diplomatie, http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/defense-securite_903...
- Intervention d’Alain Coldefy, Vice-President, Political Affairs France – EADS, lors de la conférence de l’IRIS le 3 février 2009.
5 Years in Afghanistan, colloque organisé par l’IFRI le 05/02/2009